AFFAIRES CULTURELLES
Table des matières
Jeudi 4 mai 2000
- Présidence de M. Adrien Gouteyron, président. -
Audition de Mme Catherine Tasca, ministre de la culture et de la communication, et de M. Michel Duffour, secrétaire d'Etat au patrimoine et à la décentralisation culturelle
La commission a procédé à l'audition de Mme Catherine Tasca, ministre de la culture et de la communication, et de M. Michel Duffour, secrétaire d'Etat au patrimoine et à la décentralisation culturelle
Après avoir remercié la commission de lui donner l'occasion d'exposer les orientations qu'elle entendait donner à son action, Mme Catherine Tasca a présenté M. Michel Duffour, avec lequel elle avait en commun une expérience d'élus et un engagement pour la culture, et a souligné qu'ils partageaient les mêmes conceptions et les mêmes ambitions.
Evoquant les interrogations soulevées par la création du secrétariat d'Etat au patrimoine et à la décentralisation, elle a assuré qu'ils travailleraient ensemble pour donner un sens renouvelé à la problématique et à l'action de la décentralisation culturelle, et renforcer dans cette perspective les moyens du ministère.
Le ministre a ensuite présenté les grands principes qui fonderaient l'action du ministère et du secrétariat d'Etat.
En premier lieu, il apparaît indispensable que l'Etat et les collectivités locales fassent évoluer leurs rapports et leur action dans le cadre d'une décentralisation culturelle renouvelée. Mme Catherine Tasca a rappelé que la décentralisation constituait un thème historique et fondateur du ministère de la culture, qui s'était développé, dès sa création, sur l'ensemble du territoire grâce à la décentralisation dramatique. Cette décentralisation concerne désormais l'ensemble des secteurs de la vie artistique et culturelle, du patrimoine à la lecture et aux arts plastiques. Par ailleurs, les lois de décentralisation ont favorisé l'émergence dans le domaine culturel d'une responsabilité publique partagée entre l'Etat et les collectivités locales.
Les deux dernières décennies ont été marquées par ce partenariat, qui a produit des résultats incontestables en termes d'aménagement du territoire et de développement des pratiques culturelles. La plupart des collectivités territoriales, devenues pour nombre d'entre elles des lieux d'initiative importants, consentent un effort budgétaire sans cesse accru et développent une réelle capacité d'expertise et de suivi dans le domaine culturel.
Le ministre a estimé nécessaire qu'une réflexion soit engagée sur ce nouveau partage des responsabilités entre l'Etat et les collectivités territoriales, mais également entre les collectivités territoriales elles-mêmes. Les travaux du conseil des collectivités territoriales pour le développement culturel, et ceux de la commission Mauroy y contribueront.
Le ministère de la culture et de la communication, qui a eu longtemps la réputation justifiée d'être très centralisé, doit poursuivre la déconcentration de sa gestion, qui constitue le corollaire de la décentralisation culturelle. Celle-ci vise à faire des directions régionales des affaires culturelles " le ministère de la culture en région ", en leur donnant les compétences et les moyens nécessaires. Un programme de transfert de 200 emplois sur quatre ans est engagé. Pour l'exécution de la loi de finances pour 2000, 66,71 % des crédits déconcentrables seront effectivement déconcentrés.
Cette démarche n'implique pas de renoncer à mener une politique nationale. Au-delà des instructions données chaque année aux directeurs régionaux des affaires culturelles, le renforcement progressif de la fonction d'évaluation au sein de l'administration centrale doit permettre d'apprécier la conformité et la cohérence de l'action du ministère. La " tournée " entreprise par le secrétaire d'Etat dans les régions, qui lui permettra de dresser un état des lieux et de proposer les actions utiles, poursuit également cet objectif.
Dans un contexte de globalisation des échanges, où le développement sans frein -ou presque- du marché des biens et des services culturels menace d'uniformiser la création artistique et les pratiques culturelles, il incombe à l'Etat de préserver et de promouvoir la diversité culturelle. Le ministre a indiqué que cette responsabilité concernait plus particulièrement trois domaines.
Il importe notamment de défendre la place et les moyens des créateurs. A ce titre, elle s'est félicitée de la dotation de 50 millions de francs, inscrite dans le projet de loi de finances rectificative, destinée à restaurer les marges de création artistique dans le secteur du spectacle vivant. Par ailleurs, elle a estimé indispensable de défendre fermement le droit d'auteur, si nécessaire moyennant des adaptations.
Par ailleurs, la lutte contre le risque d'uniformisation dans le secteur culturel passe également par la réaffirmation du rôle et le renforcement des moyens du secteur public, seul capable, s'il remplit ses missions, de constituer une alternative au marché ; il s'agit d'un des objectifs du projet de loi sur l'audiovisuel auquel le gouvernement est résolu à apporter les moyens nécessaires. L'ouverture du numérique terrestre, non seulement aux opérateurs existants, mais également à de nouveaux entrants, constitue aussi une des garanties de la diversité.
Enfin, il convient d'affirmer sur la scène internationale le droit effectif à la diversité culturelle, combat qui permettra à la France de s'allier les pays désireux de promouvoir leur propre culture et d'éviter de la soumettre aux règles du marché.
Dès 1993, la France a défendu avec succès l'exception culturelle, notion parfois mal comprise car perçue comme trop négative, à laquelle est désormais préférée la notion de " diversité culturelle ", beaucoup mieux acceptée. Largement utilisée dans les enceintes internationales comme dans les déclarations bilatérales, la diversité culturelle est désormais une des priorités de l'Union européenne.
Le ministre a indiqué que, parmi les thèmes les plus importants retenus dans le domaine culturel pour la prochaine présidence de l'Union européenne, figuraient la défense de l'audiovisuel public, la question de la propriété intellectuelle dans la société de l'information, celle du prix du livre et le soutien aux industries culturelles.
Mme Catherine Tasca a souligné que l'égalité d'accès à la culture restait plus que jamais une priorité de l'action publique.
L'inégalité traverse les territoires au travers du déséquilibre entre Paris et la province.
Si Paris a hérité de l'histoire des institutions culturelles majeures, dont le fonctionnement repose quasi exclusivement sur l'Etat, les interventions du ministère de la culture ont été rééquilibrées, au cours des deux dernières décennies, en faveur des régions, y compris l'Ile-de-France, comme en atteste la qualité des équipements culturels des grandes capitales régionales ou de beaucoup de villes moyennes. Le ministre a indiqué que, même si des opérations importantes telles que la création du musée des arts premiers étaient en cours dans la capitale, l'action en faveur des régions serait poursuivie, notamment au travers de l'effort consenti dans le cadre des contrats de plan, qui porte particulièrement sur les régions les moins bien dotées. La volonté du ministère de la culture d'inscrire son action dans les dispositifs prévus par la loi sur l'aménagement du territoire et la loi sur l'intercommunalité permettra d'approfondir cette évolution.
La lutte pour l'égalité des chances passe aussi par le développement d'une politique d'éducation artistique et d'accès de tous les jeunes à la pratique culturelle.
L'objectif poursuivi en collaboration avec le ministère de l'éducation nationale et les collectivités concernées est d'assurer une éducation artistique et culturelle tout au long de la scolarité. A cet égard, l'extension des ateliers d'expression artistique dans les lycées et la mise en oeuvre du programme " musique à l'école " constituent des actions prioritaires, et la formation des professeurs au sein des Instituts universitaires de formation des maîtres, un axe essentiel. Les politiques tarifaires incitatives seront parallèlement poursuivies.
Mme Catherine Tasca a également exprimé la volonté de collaborer avec le ministre de la jeunesse et des sports en faveur des pratiques amateurs.
Enfin, si les nouvelles technologies de l'information et de la communication risquent d'engendrer de nouvelles inégalités culturelles, elles doivent aussi permettre l'accès du plus grand nombre aux richesses du patrimoine et de la création artistique, objectif auquel doit veiller le ministère de la culture. Le programme gouvernemental et le projet de loi en préparation ont pour ambition de construire une société de l'information solidaire. La démocratisation de ces nouveaux outils exige une politique de connexion et d'équipement, mais aussi un effort de formation et d'éducation.
Le ministre a exprimé le souhait de relancer le programme des espaces culture-multimédia, afin d'en faire des pôles de référence dans chaque région, mais également de favoriser la connexion à des réseaux hauts débits des lieux culturels. Le soutien à la formation s'effectuera grâce au réseau des écoles d'art placées sous la tutelle du ministère de la culture, qui forment aux nouveaux métiers du multimédia. Enfin, elle a estimé indispensable que le ministère contribue à rendre plus aisé l'accès des non-voyants et des handicapés à Internet.
En conclusion, Mme Catherine Tasca a évoqué le programme législatif qu'elle souhaitait mener à bien. Parmi les textes en cours de discussion, figurent le projet de loi sur l'audiovisuel, celui sur les enchères publiques, la proposition de loi sur les trésors nationaux ainsi que le projet de loi sur l'archéologie préventive. A l'exception de ce dernier, ces textes pourraient être adoptés définitivement avant la fin de la session.
Parmi les nouveaux textes, un projet de loi sur les musées est en cours d'élaboration ; les conclusions de la mission d'information constituée à l'Assemblée nationale contribueront à la réflexion engagée par le ministère dans ce domaine. En outre, pourraient être débattus d'autres textes importants, notamment un projet de loi sur les archives, et la proposition de loi relative à l'établissement public culturel local.
Le ministre a indiqué que ces textes devaient s'accompagner des moyens budgétaires nécessaires à leur mise en oeuvre. A ce titre, elle s'est félicitée que le collectif budgétaire comporte des crédits supplémentaires pour la culture, d'un montant de 550 millions de francs, consacrés essentiellement à la réparation des dégâts infligés par les tempêtes de décembre dernier. Ces crédits bénéficieront, non seulement au patrimoine de l'Etat, mais également, pour 200 millions de francs, au patrimoine des autres collectivités.
Un premier débat s'est ensuite engagé sur les questions relatives à la communication.
M. Jean-Paul Hugot a souhaité savoir si le Gouvernement envisageait de proposer une nouvelle modification du périmètre du groupe France Télévision à l'occasion de la seconde lecture au Sénat du projet de loi modifiant la loi de 1986, en réexaminant, par exemple, l'intégration d'Arte ou de RFO.
Il s'est enquis de l'existence d'études économiques sur le coût de la diffusion, le coût d'acquisition des droits, le coût de l'équipement des ménages en terminaux numériques, ainsi que sur les autres paramètres économiques et financiers du lancement de la diffusion numérique de terre, notant qu'à défaut de ces éléments d'appréciation, les opérateurs risqueraient de ne s'engager que de façon prudente.
Il a demandé si le secteur public disposerait des moyens nécessaires à son entrée dans le numérique de terre, observant que l'investissement dans cette technologie n'avait de sens que si de nouveaux contenus étaient simultanément développés.
Il a enfin demandé si la commission de contrôle des sociétés de gestion de droits dont l'Assemblée nationale a proposé la mise en place aurait le statut d'autorité administrative indépendante, ou serait rattachée au ministère de la culture, et quels seraient les moyens en crédits et en personnel dont elle disposerait.
M. Louis de Broissia a demandé si le ministre était disposé à appuyer une proposition de loi sénatoriale susceptible de faciliter le dénouement des conflits internes qui retardent la mise en oeuvre d'un plan de développement de l'AFP.
Il a aussi demandé ce qui était envisagé pour favoriser la détente des relations délicates que les Nouvelles messageries de la presse parisienne (NMPP) entretiennent actuellement avec certains de leurs clients, en particulier de la presse parisienne.
Il a noté qu'une solution satisfaisante aux négociations difficiles qui se déroulent actuellement entre les syndicats de journalistes et la presse conditionnait la présence accrue de la presse sur Internet.
Il a enfin noté l'opportunité de favoriser l'accès de la presse aux fréquences de télévision.
Mme Catherine Tasca a apporté les réponses suivantes :
- le périmètre proposé pour le groupe France Télévision a varié au cours de la discussion du projet de loi sur l'audiovisuel, et les contestations sur l'interprétation du traité fondateur d'Arte ont rendu inévitable le choix de ne pas intégrer la Sept-Arte au groupe. Le maintien de l'indépendance de RFO est un choix raisonnable compte tenu de la dispersion géographique des implantations de la chaîne et de la spécificité des territoires desservis. RFO sera liée par une convention à France Télévision ;
- le lancement du numérique de terre doit être effectué avec de nouveaux programmes, et pas seulement avec le " simulcast " des chaînes existantes. Les coûts de l'opération n'ont pas encore été suffisamment étudiés. Le Gouvernement étudie la possibilité d'octroyer une dotation en capital de 1 milliard de francs à France Télévision, dont le président envisage le lancement de nouvelles chaînes numériques. Il convient d'être vigilant sur les implications budgétaires de ce projet. Les diffuseurs traditionnels semblent favorables à l'entrée dans le numérique de terre, non sans s'interroger sur le coût de l'opération et sur les contenus à développer. Les estimations de transfert des investissements publicitaires vers le numérique de terre sont prudentes à l'heure actuelle : on parle de 2 à 4 % du marché total de la publicité ;
- il faut amener un nombre suffisant d'opérateurs à se lancer rapidement dans le numérique de terre afin de donner une consistance à ce marché ;
- il est souhaitable de mettre en place des mécanismes de contrôle du fonctionnement des sociétés de gestion de droits, afin que le débat ouvert sur cette question ne nuise ni à la confiance des adhérents ni à celle de la collectivité nationale. Il serait préférable que la commission de contrôle comporte un nombre restreint de membres émanant des grands corps de contrôle de l'Etat, afin d'être plus efficace et d'aider les sociétés de gestion à moderniser leur fonctionnement ;
- le président de l'AFP a proposé une réforme du statut de l'Agence afin d'accompagner le développement économique de l'entreprise, selon le mandat qui lui a été confié. Cette réforme doit être compatible avec la recherche du meilleur équilibre budgétaire. Le ministère de la culture suit l'évolution des discussions internes sur ce projet de réforme qu'un prochain conseil d'administration va examiner. Il convient de tenir compte, à cet égard, du fait que l'AFP n'est pas une entreprise comme les autres, mais symbolise la renaissance de la presse écrite en France à la Libération et a été fondée en fonction d'une philosophie dont il importe de tenir compte. Un des éléments de cette philosophie est la gestion de l'entreprise en partenariat avec la presse, ce qui ne facilite pas la fixation des tarifs consentis à cette même presse, principale cliente de l'entreprise ;
- les NMPP sont aussi à la recherche de leur équilibre économique. La direction a élaboré un plan de restructuration pour la mise en oeuvre duquel le concours de l'Etat a été sollicité. Les projets de départ des NMPP évoqués par certains éditeurs obligent l'entreprise à répondre rapidement et efficacement aux interpellations que lui adressent ses clients et cogérants ;
- le dossier des droits d'auteurs sur les contenus de l'Internet préoccupe les journalistes comme les éditeurs. Il apparaît comme un élément du problème plus général du régime juridique de la création sur Internet, qui doit être débattu au sein de l'Union européenne. Des négociations entre journalistes et éditeurs de presse se déroulent actuellement dans les entreprises de façon plus ou moins dynamique. Il convient d'aboutir aux adaptations nécessaires de notre régime des droits d'auteurs dans le respect de sa philosophie ;
- le Gouvernement n'a pas véritablement la maîtrise du dossier de l'accès de la presse aux fréquences de télévision. Le numérique de terre offre aux éditeurs, qui ne se sont pas toujours intéressés à la télévision, d'autant plus de perspectives nouvelles qu'il n'y aura peut-être pas pléthore de candidats pour l'attribution des fréquences. Il appartient aux éditeurs d'étudier cette question en fonction de leurs stratégies de développement. Il convient aussi de veiller au maintien du pluralisme multimédia, dont la sauvegarde est d'ailleurs une des missions du CSA. L'établissement de partenariats entre la presse et d'autres opérateurs peut être une façon de garantir le maintien du pluralisme.
M. Ivan Renar a ensuite exprimé son inquiétude sur l'évolution qualitative et quantitative de la production audiovisuelle française et européenne, a souhaité que le prochain collectif budgétaire fournisse des moyens supplémentaires à l'audiovisuel public, notant que la production de qualité attirait un public important.
Il a aussi regretté que la culture et la communication soient les parents pauvres des budgets de l'Union européenne, et a estimé que de nombreux membres du Parlement européen seraient prêts à soutenir l'augmentation de ces financements.
Il a regretté que le CSA ait pris et confirmé, sans concertation et sans que le Parlement ait eu à en connaître, sa décision concernant la publicité télévisée des sites Internet consacrés aux " secteurs interdits ".
Il a estimé que l'indispensable modernisation de l'AFP passait par l'octroi de moyens nouveaux et la constitution de partenariats, et pouvait impliquer des changements législatifs. Il a exprimé, à cet égard, sa crainte que le Parlement soit tardivement invité à entériner des évolutions impulsées sans son accord.
Il a enfin évoqué le problème que pose pour la démocratie la disparition de certains titres de la presse quotidienne régionale, évoquant le cas de Nord Eclair.
Mme Danièle Pourtaud s'est félicitée des avancées prévues par le projet de loi sur l'audiovisuel en ce qui concerne la restructuration et le renforcement des moyens du secteur public. Elle a estimé que le paysage audiovisuel français était fondé sur la coexistence d'un secteur public et d'un secteur privé complémentaires. Pour maintenir les équilibres de ce système, il faut renforcer les moyens du secteur public. L'octroi d'une dotation en capital au groupe France Télévision est nécessaire à cet égard.
Elle a demandé quelle signification il convenait d'attacher au fait que le projet de loi n'accorde pas à la Sept-Arte la possibilité de créer des filiales numériques
Elle a estimé que le numérique de terre devait offrir aux téléspectateurs un plus grand nombre de programmes gratuits, et a jugé nécessaire de favoriser la présence de nouveaux opérateurs sur ce moyen de diffusion.
Elle a estimé à son tour que l'accès de la presse aux fréquences hertziennes terrestres devait être envisagé en fonction de la nécessité de maintenir le pluralisme, et a rappelé que la création de télévisions associatives, rendue possible par le projet de loi, ne serait un succès qu'à la condition que les moyens financiers nécessaires soient dégagés, en particulier grâce à la création d'un fonds de soutien.
Elle a rappelé que les programmes seront la principale richesse de la société de l'information et que le renforcement des capacités de production de l'industrie française de programmes passait par des restructurations.
Elle a enfin estimé que si l'insertion dans le projet de loi de dispositions relatives à la responsabilité des fournisseurs d'accès à Internet et des hébergeurs de sites permettrait de sécuriser les opérateurs et de rassurer les citoyens, on pouvait s'interroger sur l'opportunité de traiter ces questions en dehors du projet de loi sur la société de l'information en préparation.
M. Pierre Laffitte a exprimé son accord sur ce dernier point, estimant que, face à l'explosion des contenus de l'Internet, l'adoption prématurée d'une réglementation pouvait avoir des effets dévastateurs. Déjà, des services de télévision sont diffusés sur Internet dans un vide juridique total, ce qui accentue l'importance d'une réflexion de l'ensemble des intéressés sur les droits d'auteur. De fait, si les internautes sont capables d'une autorégulation, y compris en matière de droits d'auteurs, encore convient-il de les associer à la réflexion menée par les pouvoirs publics. Il a encore estimé nécessaire de la poursuivre sur le champ qui sera réellement ouvert au numérique de terre, entre le satellite, le câble et la télévision par Internet, estimant que l'Internet rapide était porteur de démocratisation, et constituait un sujet d'intérêt stratégique pour le ministère de la Culture.
Il a enfin souhaité qu'une réflexion ait lieu sur l'opportunité de mettre aux enchères le droit d'utiliser les fréquences hertziennes terrestres, dont il a rappelé qu'elles étaient un bien rare et appartenaient au domaine public.
M. Michel Dreyfus-Schmidt a rappelé son opposition de principe à l'accumulation, dans les lois, de dispositions pénales qui devraient être insérées dans le code pénal, et a regretté que la loi sur l'audiovisuel comporte un chapitre pénal.
Il a exprimé le souhait que les peines d'emprisonnement édictées par la loi de 1881 sur la presse soient supprimées à l'occasion de l'examen du projet de loi sur la présomption d'innocence.
Il a noté la nécessité de faire en sorte que l'attribution des fréquences de télévision permette la diversification des opérateurs et le renforcement du pluralisme, tout en notant que le marché de la publicité télévisée offrait à la presse écrite de nouvelles perspectives de développement.
Il a enfin approuvé l'insertion, dans le projet de loi sur l'audiovisuel, de dispositions précisant la responsabilité des hébergeurs et des fournisseurs d'accès à Internet : s'il existe un vide juridique, il convient de le combler, d'autant plus rapidement que l'on assiste à une explosion des services Internet.
En réponse à ces interventions, Mme Catherine Tasca a apporté les précisions suivantes :
- les Etats généraux de l'audiovisuel ont manifesté l'inquiétude des producteurs sur l'état de notre industrie des programmes. Les chiffres démontrent cependant l'importance considérable de l'investissement consenti par les entreprises. Les raisons pour lesquelles le volume de la production française est plus faible que dans certains pays voisins sont en cours d'analyse. Il est vrai, par ailleurs, que certaines structures de production sont précaires, ce qui justifie de réfléchir aux aménagements qu'il conviendrait d'apporter de ce point de vue au compte de soutien à la production. Le Centre national de la cinématographie et le Service juridique et technique de l'information ont été chargés de cette réflexion ;
- les télévisions publiques consacrent des volumes importants et croissants à la production audiovisuelle. Elles auront à développer ces investissements, y compris pour alimenter les nouvelles chaînes numériques : c'est un des principaux défis du numérique de terre. Le ministère de la culture veillera à ce que des moyens suffisants soient dégagés à cet effet ;
- la présidence française de l'Union européenne privilégiera deux sujets. D'une part, le niveau de financement du programme Média Plus ne devra pas être inférieur aux 400 millions d'Euros envisagés, afin de favoriser la circulation des oeuvres dans l'Union, car une meilleure circulation des oeuvres audiovisuelles est une nécessité à la fois économique et culturelle. D'autre part, l'accent sera mis sur la défense de l'audiovisuel public, qui fait actuellement l'objet d'un certain nombre de contentieux devant les instances communautaires. Un colloque sur son financement sera organisé afin de conforter l'audiovisuel public ;
- il est regrettable que le CSA ait pris une décision sur la publicité télévisée des sites Internet consacrés aux " secteurs interdits " sans concertation avec les pouvoirs publics. Le CSA a renvoyé au 1er septembre la mise en oeuvre de sa décision, ce qui permettra de réunir les représentants de ces secteurs, qui n'ont sans doute pas tous le même point de vue sur la question, afin d'évoquer l'impact économique de l'ouverture éventuelle de la publicité des sites Internet. En tout état de cause, cette question ne relève sans doute pas du pouvoir d'interprétation confié par la loi au CSA, mais du pouvoir réglementaire. Le Conseil d'Etat rendra d'ici le 1er septembre un avis sur cette question ;
- la disparition de titres de presse représente une perte pour la démocratie, mais il n'appartient pas au Gouvernement d'intervenir dans la stratégie économique des éditeurs. En revanche, l'Etat conforte par ses aides budgétaires la presse à faibles ressources publicitaires ;
- le Gouvernement a pris des engagements considérables en ce qui concerne l'augmentation des moyens financiers de l'audiovisuel public. L'évolution des ressources du secteur public reste cependant plus faible que celle du secteur privé. Sans rechercher une parité impossible, compte tenu de la différence de volume des deux secteurs, il serait utile d'allouer des ressources plus évolutives au secteur public ;
- la participation d'Arte à la création de chaînes numériques passera par une coopération avec France Télévision. Il n'est, en effet, pas possible d'avoir deux pôles publics dans ce domaine. Il est souhaitable que les dirigeants d'Arte et de France Télévision établissent une collaboration satisfaisante ;
- le financement du numérique de terre représente un problème pour l'ensemble des opérateurs. Il importe de se rappeler que la présence des images françaises dans le monde dépendra largement de cet investissement ;
- avec le numérique de terre, le projet de loi sur l'audiovisuel ouvre, pour les nouveaux entrants, un espace dont l'attribution devra être gérée en fonction des nécessités du pluralisme. En ce qui concerne les télévisions associatives, aucune position n'a encore été prise sur la création d'un fonds de soutien spécifique. Il convient en tout état de cause d'être conscient du fait que les ordres de grandeur financière ne sont pas les mêmes que pour la radio ;
- la question des droits d'auteur est au centre des problèmes que pose le développement des nouvelles technologies. Un encadrement juridique est aussi indispensable en ce qui concerne la déontologie et la protection contre la criminalité. Il est opportun d'effectuer un premier pas dans le cadre de l'examen de la loi sur l'audiovisuel. Un rapport en cours d'élaboration présentera prochainement la piste de la co-régulation ;
- la possibilité de soumettre à un système d'enchères publiques la répartition entre opérateurs des fréquences hertziennes terrestres fait actuellement l'objet d'un examen par le ministère de l'économie et des finances ;
- l'inscription de dispositions pénales dans les lois non pénales est sans doute regrettable, mais il est difficile d'éviter la discussion de sanctions pénales lors de l'examen de textes particuliers ;
- il serait opportun de supprimer les peines de prison édictées par la loi de 1881 ;
- les dispositions adoptées par l'Assemblée nationale en ce qui concerne la responsabilité des hébergeurs de sites et des fournisseurs d'accès à Internet semblent avoir atteint un équilibre assez satisfaisant.
Un second débat s'est ensuite engagé sur les questions relatives à la culture.
M. Philippe Nachbar, rapporteur pour avis des crédits de la culture, a souhaité connaître la position de le ministre sur le débat qui oppose le monde des bibliothèques et celui des éditeurs à propos de la question du droit de prêt. Par ailleurs, évoquant les débats suscités par les abonnements proposés par un grand groupe de distribution cinématographique, il s'est interrogé sur l'équilibre à établir entre la nécessité de favoriser l'accès le plus large du public au cinéma et le souci légitime de protéger la diversité des circuits de distribution.
Evoquant les circonstances dans lesquelles a été engagée la discussion du projet de loi sur " l'archéologie préventive ", M. Jacques Legendre a déploré que le Gouvernement ait précipité l'inscription du texte en première lecture, au détriment des délais nécessaires à son examen approfondi par la commission, alors que son examen en deuxième lecture ne pourra, finalement, intervenir qu'à l'automne.
Il s'est ensuite inquiété des entorses à l'usage du français effectuées soit par de grandes firmes françaises dans leur communication interne, soit par des producteurs de cinéma " français ", estimant, comme l'a rappelé M. Boutros Boutros-Ghali, secrétaire général de l'Organisation internationale de la francophonie, que l'on ne peut dissocier le respect que nous portons à notre propre langue, et l'intérêt que nous souhaitons susciter en sa faveur chez les autres peuples.
Il a également interrogé le ministre sur les contacts qu'entretient son ministère avec celui de l'éducation nationale pour élargir l'offre de l'enseignement de langues étrangères dans le système scolaire français.
Enfin, il a souhaité que l'effort financier consenti en faveur de la remise en état du patrimoine endommagé par la tempête de décembre 1999 ne relègue pas au second plan les besoins d'un entretien régulier de l'ensemble de ce patrimoine.
M. Jack Ralite a estimé indispensable de débattre du " sens " de la politique culturelle, et en particulier de la place de la culture et de l'artiste dans la société. A ce titre, il s'est félicité des propos du ministre qui s'inscrivent dans cette perspective.
Il a considéré que la notion de diversité culturelle, à laquelle il était favorable, avait la même signification que celle d'exception culturelle qui, loin d'être défensive, exprimait la volonté d'ouvrir un espace où le droit ne serait pas imposé par l'industrie. Il a relevé qu'une telle revendication se faisait également jour dans d'autres secteurs, tels que le sport.
Rappelant l'importance du nombre de films américains diffusés sur le territoire national, il a indiqué que les modalités de distribution des oeuvres revêtaient une importance capitale. Il a regretté à ce titre la circulation insuffisante d'oeuvres cinématographiques étrangères autres qu'américaines.
Il a exprimé le souhait qu'une rencontre avec le ministre puisse être organisée avant le début de la présidence française de l'Union européenne. A cet égard, après avoir rappelé, pour s'en féliciter, la fermeté avec laquelle Mme Catherine Trautmann avait défendu les positions françaises à la conférence de Seattle, il a évoqué l'intérêt des rencontres préparatoires organisées avec les parlementaires à l'initiative du ministre de l'économie et des finances et du secrétaire d'Etat au commerce extérieur.
Evoquant l'importance des cultures minoritaires, il a estimé opportun que le Gouvernement propose d'organiser un " Rio " de la culture, qui pourrait avoir lieu dans l'enceinte de l'UNESCO.
Il a insisté sur la nécessité de renforcer les liens entre les ministères de la culture et de l'éducation nationale afin de multiplier les initiatives susceptibles de favoriser l'accès à la culture.
Approuvant la nécessité de combler le retard de la France dans le domaine des nouvelles technologies de l'information et de la communication, il a fait observer que celles-ci procuraient des informations et non un savoir. Il a déclaré ne pas croire " aux lendemains numériques qui chantent ". La présence de l'individu, et de l'artiste en particulier, demeure nécessaire.
Répondant à M. Philippe Nachbar, rapporteur pour avis des crédits de la culture, M. Michel Duffour a estimé que si les pétitions émanant des éditeurs et des gens de lettres en faveur d'un prêt payant des livres dans les bibliothèques étaient contestables, la situation qu'ils dénonçaient n'était pas acceptable au regard du respect du droit d'auteur.
Des discussions ont été engagées avec le souci d'éviter de focaliser les positions des éditeurs sur le seul dossier du droit de prêt. Sans verser dans le mythe de la gratuité absolue, la politique de la lecture publique demeure un acquis mobilisateur, attesté par le succès qu'elle rencontre, qu'il convient de protéger. La question du prix du livre devra être traitée avec les collectivités locales. La pratique des rabais, source de difficultés avec les libraires, comme avec les auteurs, n'est pas satisfaisante. Le prix unique du livre constitue une des priorités de la présidence française. Si les deux tiers des pays européens appliquent ce système, la France devra en ce domaine faire preuve de conviction auprès de ses partenaires.
Mme Catherine Tasca a ensuite apporté les éléments de réponse suivants :
- les interrogations sur le sens de la culture renvoient à deux questions fondamentales, celle de l'importance de l'écrit et celle de la gratuité. L'écrit joue encore un rôle essentiel dans le cheminement personnel et la formation des individus. Sans prôner la gratuité totale, la confrontation inégale entre le service public de la culture et le secteur marchand de la culture exige de préserver un espace de gratuité ;
- la société UGC vient d'annoncer son intention de suspendre la vente de sa formule d'abonnement jusqu'à la décision du conseil de la concurrence saisi de cette question. Cette décision constitue un signe d'ouverture, face aux interrogations qu'elle suscitait tant au regard des règles du droit de la concurrence que de la nécessité de préserver la diversité de la diffusion cinématographique ;
- si la création de mégacomplexes peut favoriser la structuration de villes en création ou contribuer à la revitalisation de certaines zones urbaines, elle appelle une appréciation plus nuancée lorsqu'il s'agit d'implantations dans des zones non habitées, qui ont pour effet de détourner le public des salles indépendantes. La fermeture des salles petites et moyennes est inacceptable. Il n'est pas question de construire une ligne Maginot pour défendre la distribution indépendante, mais de favoriser une concertation entre les différentes catégories de distributeurs ;
- il convient de rester très vigilant en matière de défense de la langue française, et d'appliquer pleinement les dispositions de la loi de 1994. Convaincue que la langue française est un élément fondateur de la République, le ministre s'est déclarée décidée à défendre l'identité culturelle du pays dans un contexte où les défenseurs des langues régionales avancent également leur revendications ;
- les crédits nouveaux destinés à la réparation des dommages causés au patrimoine par la tempête de décembre 1999 ont été inscrits au projet de loi de finances rectificative par le Gouvernement pour éviter toute ponction sur les crédits d'entretien ordinaire.