AFFAIRES CULTURELLES

Table des matières


Mercredi 2 février 2000

- Présidence de M. Adrien Gouteyron, président. -

Education nationale - Rôle de l'école dans la prévention et la détection des faits de mauvais traitements à enfants - Examen du rapport

Au cours d'une première réunion tenue dans la matinée, la commission a procédé à l'examen du rapport de M. Jean-Léonce Dupont sur la proposition de loi n° 125 (1999-2000), adoptée par l'Assemblée nationale, visant à renforcer le rôle de l'école dans la prévention et la détection des faits de mauvais traitement à enfants.

M. Jean-Léonce Dupont, rapporteur, a d'abord souligné la portée normative des plus réduites d'un texte issu des travaux du dernier Parlement des enfants, qui réunit désormais chaque année à l'Assemblée nationale des élèves de classes de cours moyen.

Il a rappelé que la commission avait examiné au printemps dernier une proposition de loi élaborée selon la même procédure et s'est interrogé sur le développement d'une pratique qui aboutit en fait à donner force de loi à des déclarations d'intentions le plus souvent généreuses mais sans portée pratique.

Il a cependant estimé que l'objet même de la proposition, qui a été reprise en bonne et due forme par M. Charles-Amédée de Courson, était particulièrement digne d'intérêt et a déploré que le phénomène de la maltraitance infantile perdure en dépit d'un dispositif législatif et réglementaire très développé, y compris dans l'éducation nationale.

Constatant que seulement 10 % des enfants en danger ou maltraités font l'objet d'un signalement dans le cadre de l'éducation nationale, que ces actes de maltraitance sont très majoritairement commis dans les familles et que l'institution scolaire est souvent impuissante à prévenir les violences qui se multiplient en son sein, il a estimé que l'école n'était sans doute pas en mesure de jouer un rôle très efficace dans la détection des sévices à enfants, du fait notamment des carences du système de santé scolaire.

Le rapporteur a ensuite indiqué que l'observatoire national de l'action sociale décentralisée sur l'enfance en danger (ODAS) faisait état de 19.000 cas de maltraitance en 1998, ces chiffres ne représentant que 25 à 30 % de la réalité selon les comparaisons internationales, et de 83.000 signalements d'enfants en danger, 60 % de ces signalements étant transmis au Parquet. Il a ajouté que plus de 90 % des cas relevaient des familles, les parents isolés et inactifs étant sur-représentés parmi les auteurs de mauvais traitements.

Exposant le dispositif mis en place pour lutter contre la maltraitance infantile, il a rappelé que la loi dite Dorlhac du 10 juillet 1989 avait précisé les modalités de signalement des mauvais traitements et consacré le principe du signalement à l'autorité judiciaire, ce dispositif étant complété par des dispositions générales relatives à cette obligation : article 40 du code de procédure pénale, article 434-3 du même code visant la non-assistance à mineurs de 15 ans en danger, article 45 du code de déontologie médicale prévoyant dans ce cas une exception au secret médical.

Il a également énuméré les circulaires relevant de l'éducation nationale relatives au rôle des médecins et infirmières scolaires en matière de signalement, à la prévention des mauvais traitements et aux conséquences, pour les personnels, d'un non-signalement au procureur de la République.

Il a ajouté que des campagnes de sensibilisation et des rapports récents sur l'enfance maltraitée témoignaient de la nécessité d'améliorer le dispositif existant.

Il a indiqué que la moitié des repérages d'enfants maltraités provenait des " professionnels ", 50 % de ces informations étant transmises à l'aide sociale à l'enfance et débouchant sur un signalement ou une transmission judiciaire, et que le système de détection ne permettait pas d'appréhender et d'anticiper de manière satisfaisante les risques encourus par les enfants en danger : cette situation semble résulter des réticences des travailleurs sociaux à saisir le juge, de l'encombrement de la justice et de la logique de l'aide sociale qui tient à maintenir le lien de l'enfant avec sa famille.

Il a fait observer que les inquiétudes des professionnels étaient fondées puisque de nombreux médecins ont été sanctionnés par le conseil de l'ordre pour avoir établi des certificats de maltraitance jugés tendancieux et que des procédures de licenciement ont été engagées à l'égard de travailleurs sociaux pour des signalements qu'ils avaient effectués.

Il a également estimé que le recours au juge en cas de maltraitance était sans doute trop systématique et constaté que le dispositif d'observation des maltraitances était inégalement implanté, des écarts très importants pouvant être constatés dans la pratique des signalements entre départements.

M. Jean-Léonce Dupont, rapporteur, a enfin évoqué les carences du système de santé scolaire dont l'organisation est fixée par le code de la santé publique : visite médicale au cours de la sixième année, bilan de santé lors de l'entrée au collège, bilan de santé dans le cadre de la procédure d'orientation à l'issue de la scolarité au collège, consultations et actions de prévention pour les enfants de moins de six ans effectuées par la protection maternelle et infantile.

Il a fait observer que ces contrôles étaient inégalement pratiqués, notamment lors de l'entrée au collège et qu'un élève ne rencontrait dans le meilleur des cas que trois fois un médecin scolaire au cours de sa scolarité obligatoire.

Il a ajouté que l'organisation de la santé scolaire avait été critiquée l'an dernier dans un rapport des inspections générales compétentes qui a dénoncé un système non ciblé sur les élèves prioritaires et ne permettant pas un suivi médical satisfaisant.

Évoquant le caractère sinistré de la médecine scolaire, il a indiqué qu'un médecin était en charge de quelque 6.500 élèves qui pouvaient être répartis sur un lycée, trois collèges et vingt-cinq écoles primaires et maternelles, alors que l'objectif posé en 1989 par le ministre d'alors était d'un médecin scolaire pour 5.000 élèves.

Il a ensuite rappelé que chacune des quelque 5.500 infirmières scolaires était en charge de 2.240 élèves et que chaque assistante sociale était responsable de 2.300 collégiens ou lycéens, ces personnels ayant vocation à jouer un rôle important dans le signalement d'enfants maltraités ou en danger.

Le rapporteur a indiqué que le plan de relance de la santé scolaire, annoncé en mai 1998, prévoyait de remédier à ces insuffisances en développant l'éducation à la santé au collège, en renforçant les actions de prévention, en créant des comités d'éducation à la santé et à la citoyenneté, en favorisant l'accès aux soins, en assurant une formation spécifique des personnels et en accueillant des étudiants en médecine en milieu scolaire : ce plan a été complété par la création de 1.400 emplois de personnels médico-sociaux dans les trois dernières lois de finances qui ont bénéficié surtout aux infirmières et aux assistantes sociales, mais cet effort qui va en s'amenuisant n'a pas amélioré de manière substantielle le fonctionnement ni l'efficacité du système de santé scolaire.

M. Jean-Léonce Dupont, rapporteur, a souhaité que la ministre déléguée à l'enseignement scolaire fournisse un bilan précis de ce plan de relance qui constitue, selon lui, un outil privilégié de détection et de prévention des cas de maltraitance.

Abordant le dispositif même de la proposition de loi, il a rappelé que le texte initial instaurait une visite médicale annuelle pendant toute la durée de la scolarité obligatoire et prévoyait chaque année une séance d'information et de sensibilisation des élèves sur l'enfance maltraitée.

Il a indiqué que, sur proposition de sa commission, l'Assemblée nationale avait prévu la possibilité d'organiser plusieurs réunions d'information, en les ouvrant aux familles et aux professionnels de la protection de l'enfance, mais avait supprimé le principe d'une visite médicale annuelle, celle-ci étant jugée irréaliste, peu efficace pour détecter les maltraitances et coûteuse en termes d'emplois de médecins scolaires.

En dépit de la portée normative incertaine de ces dispositions, mais compte tenu de leur objet et du message généreux adressé au Parlement par leurs jeunes rédacteurs, le rapporteur a estimé qu'il était possible de retenir le texte proposé, celui-ci étant susceptible d'avoir une certaine valeur pédagogique pour les élèves et les professionnels en charge de l'enfance maltraitée.

Il a cependant estimé que le vote du Sénat devrait être subordonné à l'engagement du Gouvernement de mener une réflexion approfondie sur la réorganisation du système de santé scolaire et d'accélérer l'effort de recrutement des personnels médico-sociaux pour les lois de finances à venir.

Un débat s'est alors instauré.

M. Adrien Gouteyron, président, a remercié le rapporteur pour l'intérêt de son exposé qui a permis de faire le point sur un sujet délicat et douloureux.

Après avoir indiqué qu'il suivrait les conclusions du rapporteur, M. Philippe Richert a constaté que la commission était une nouvelle fois saisie d'une proposition qui n'avait que peu à voir avec un texte législatif ; il a fait observer que la ministre déléguée à l'enseignement scolaire n'avait toujours pas informé le Sénat des mesures d'application qu'elle avait annoncées lors de l'examen de la proposition de loi visant à inciter au respect des droits de l'enfant dans le monde, notamment lors de l'achat des fournitures scolaires, qui émanait également du Parlement des enfants. Il a estimé qu'il conviendrait peut-être de suggérer à l'Assemblée nationale de retenir parmi ces propositions des textes relevant de manière indiscutable du domaine législatif, et non d'une simple circulaire.

M. Xavier Darcos s'est interrogé sur l'utilité d'une proposition de loi qui se borne à affirmer des principes virtuels sans fournir les moyens correspondants.

Constatant que la violence était désormais " sectorisée ", l'école devant évidemment prendre sa part dans la prévention du phénomène, il a estimé que le problème de la maltraitance infantile était général et ne saurait relever à titre principal de l'éducation nationale, compte tenu notamment des insuffisances du système de santé scolaire.

Il a ensuite souligné l'inefficacité des contrôles exercés par la médecine scolaire et rappelé les nombreux plans annonçant depuis trente ans une augmentation du nombre des personnels médico-sociaux, alors que des formules de redéploiement des moyens et d'appel aux départements et aux régions n'ont pas été explorées.

Il a enfin considéré que la proposition de loi posait le problème de la mission de l'école à l'égard de la violence : si l'éducation nationale a un rôle à jouer en ce domaine pour protéger les élèves, développer la citoyenneté et détecter les cas de maltraitance, force est de constater que ces questions relèvent de dispositions réglementaires existantes.

M. André Maman a jugé que le texte proposé était très décevant et ne prévoyait aucun moyen nouveau pour prévenir les maltraitances.

Rappelant les carences énormes du système de santé scolaire et dénonçant une certaine loi du silence qui règne notamment chez les personnels de direction et les enseignants, il a estimé que le Sénat devait réclamer la mise en place de mesures efficaces sauf à se rendre complice de la situation actuelle.

Mme Hélène Luc a souligné l'opportunité du texte proposé par le Parlement des enfants, compte tenu notamment de la difficulté pour les élèves de dénoncer les actes de maltraitance mais a exprimé sa déception quant au contenu de la proposition de loi.

Elle a ainsi souhaité que le principe de l'organisation d'une visite médicale annuelle tout au long de la scolarité obligatoire soit rétabli, afin d'améliorer la détection des maltraitances et a estimé que la mise en place d'une seule séance d'information et de sensibilisation par an était insuffisante. Elle a constaté que les infirmières scolaires étaient trop peu nombreuses pour répondre aux besoins, même si des progrès ont pu être enregistrés au cours des années récentes et a noté que le taux d'encadrement des élèves par les médecins scolaires était très variable selon les départements.

M. Jean-Luc Miraux a également insisté sur le caractère décevant du texte proposé, qui relève plus de la circulaire que de la loi, et a estimé qu'il convenait d'ouvrir une brèche dans le mur du silence qui entoure les actes de maltraitance, qu'il s'agisse des proches de l'enfant maltraité ou des personnels enseignants et médico-sociaux de l'éducation nationale. Constatant que ces personnels peuvent être sanctionnés ou être l'objet de représailles en cas de signalement de maltraitances présumées, il a suggéré qu'une cellule soit mise en place pour apporter des conseils aux professionnels qui ont des doutes sur la réalité de ces actes et qui hésitent à les signaler.

M. Albert Vecten a lui aussi déploré le caractère peu ambitieux de ce texte et, s'appuyant sur son expérience d'élu, a fait état de la responsabilité qui pèse sur les présidents de conseil général lorsque ceux-ci ont connaissance de maltraitances présumées, qui peuvent faire l'objet d'avis divergents de la part des médecins, et d'une réponse tardive du procureur de la République.

Il a par ailleurs estimé que l'école ne pouvait à elle seule assumer la détection des mauvais traitements et que ce problème global devait être envisagé dans un cadre général d'actions de prévention et d'une politique de la famille.

Il a cependant noté que la plupart des enseignants ayant connaissance de maltraitances présumées n'hésitaient pas à en informer le maire ou la gendarmerie.

M. Jean-François Picheral a fait observer que les projets successifs de réforme de la santé scolaire annoncés depuis vingt ans étaient restés lettre morte et qu'il était désormais urgent d'étudier d'autres solutions permettant de renforcer le dispositif, notamment dans le cadre de la décentralisation, un bilan du système actuel devant au préalable être établi.

M. Jacques Donnay a souhaité que les élèves maltraités ou ayant des problèmes de santé disposent d'un interlocuteur au sein de l'école, les infirmières scolaires ayant vocation à jouer ce rôle d'écoute et de conseil, pour peu que leurs effectifs leur permettent d'assurer une véritable présence dans l'ensemble des écoles et des établissements.

Répondant à ces interventions, M. Jean-Léonce Dupont, rapporteur, a notamment apporté les précisions suivantes :

- il serait en effet souhaitable à l'avenir que les propositions issues des travaux du Parlement des enfants et retenues par l'Assemblée nationale relèvent véritablement du domaine de la loi ;

- l'annonce d'un projet de réforme du système de santé scolaire par le Gouvernement constituerait un préalable à la formulation de propositions qui pourraient en effet renforcer le rôle des départements et des régions en ce domaine ;

- la mise en place d'un numéro vert autorisant le signalement des cas de maltraitance présumée permet de préserver l'anonymat des informateurs et de leur éviter des risques de représailles ;

- le vote du Sénat sur la proposition devrait être subordonné à l'engagement de la ministre déléguée de lancer une réflexion approfondie sur la réforme du système de santé scolaire et d'accélérer l'effort de recrutement des personnels médico-sociaux ;

- une visite médicale annuelle pendant toute la durée de la scolarité obligatoire aurait pu être envisagée dans des zones où le recours aux soins est insuffisant.

M. Philippe Richert a estimé qu'il ne convenait pas d'établir une distinction entre les zones d'éducation, les phénomènes de maltraitance pouvant être constatés partout et dans tous les milieux, et qu'il n'appartenait pas au législateur de préciser le nombre de visites médicales auxquelles sont soumis les élèves.

M. Adrien Gouteyron, président, a jugé indispensable que la ministre déléguée fasse connaître ses propositions qui devraient aller au-delà des seules créations de postes et traduire une nouvelle politique de la santé scolaire.

Mme Hélène Luc a souhaité que la ministre fournisse au Sénat un bilan du système actuel de santé scolaire, précise son plan de réforme et indique les étapes de sa réalisation.

M. André Maman a fait observer que le recours à de jeunes médecins permettrait de renforcer le système de santé scolaire.

Sous réserve de ces observations, la commission a adopté sans modification l'article unique de la proposition de loi.

Audition de M. Michel Prada, président de la Commission des opérations de bourse, sur les conditions dans lesquelles les sociétés peuvent être admises à faire publiquement appel à l'épargne

Au cours d'une seconde réunion tenue dans l'après-midi, la commission a entendu M. Michel Prada, président de la commission des opérations de bourse (COB).

M. Adrien Gouteyron, président, a rappelé que lors de la discussion de la loi du 28 décembre 1999 portant diverses mesures relatives à l'organisation des activités physiques et sportives, la commission, tout en proposant au Sénat d'adopter, à titre conservatoire, des dispositions interdisant aux sociétés sportives de faire publiquement appel à l'épargne, avait décidé de poursuivre sa réflexion sur ce sujet dans le cadre de l'examen du projet de loi modifiant la loi du 16 juillet 1984, et il a remercié M. Michel Prada d'avoir accepté de contribuer à cette réflexion.

Evoquant les questions que s'étaient posées la commission et son rapporteur sur la situation économique fragile des clubs sportifs, soumis de surcroît aux aléas liés à des résultats sportifs par nature incertains, ainsi que sur les incidences possibles, en termes de protection des épargnants et de stabilité de l'actionnariat des clubs, d'un éventuel accès des sociétés sportives à l'épargne publique, il a demandé à M. Michel Prada si les conditions auxquelles devaient satisfaire les sociétés admises à faire publiquement appel à l'épargne pouvaient suffire à lever ces interrogations.

Il a également souhaité savoir si la COB avait pu étudier les expériences étrangères d'admission sur les marchés financiers des titres de clubs sportifs et s'il était possible, au niveau national, d'en tirer des enseignements ou des conclusions.

M. Michel Prada, président de la COB, a indiqué, à titre liminaire, que la COB n'avait pas délibéré sur l'opportunité d'un appel au marché par les sociétés sportives et qu'il ne pourrait donc faire part à la commission que du point de vue personnel d'un " régulateur boursier " qui ne peut se hasarder qu'avec prudence sur le terrain de l'environnement spécifique dans lequel évoluent les activités sportives. Il s'est proposé de présenter en premier lieu à la commission le cadre général de l'appel public à l'épargne, avant d'examiner dans quelle mesure, et sous quelles garanties pour les épargnants, les sociétés sportives pourraient éventuellement accéder aux marchés financiers.

L'appel public à l'épargne recouvre soit l'admission d'un instrument financier aux négociations sur un marché réglementé, soit son émission dans le public en ayant recours à la publicité, au démarchage ou à des intermédiaires habilités.

Toute société qui décide de faire appel public à l'épargne pour financer sa croissance doit remplir un certain nombre de conditions dont les plus importantes ont trait au montant de son capital, qui doit être supérieur à 1,5 million de francs, à la présentation, selon le marché concerné, de deux ou trois années de comptes certifiés, à la publication d'un prospectus visé par la COB et comprenant " toutes les informations nécessaires aux investisseurs pour fonder leur jugement sur le patrimoine, l'activité, la situation financière, les résultats et les perspectives de l'émetteur, ainsi que sur les droits attachés aux instruments financiers offerts. "

A partir du moment où elle fait appel public à l'épargne, une société est soumise à un ensemble d'obligations d'information de ses actionnaires et du marché, elle doit en particulier -et ce point pourrait revêtir une importance particulière dans le cas de sociétés sportives- porter le plus tôt possible à la connaissance du public tout fait important susceptible d'avoir une incidence significative sur le cours du titre ou sur la situation et les droits des porteurs de titre.

La COB intervient en amont, pour viser les prospectus et, le cas échéant, les documents de présentation des opérations financières et, en aval, pour contrôler et éventuellement sanctionner l'application de ses règlements en matière d'information périodique ou permanente ou de fonctionnement des marchés.

Ce dispositif n'assure pas, et ce n'est d'ailleurs pas son objet, une protection totale et absolue de l'épargne investie même si la COB peut, le cas échéant, attirer l'attention des investisseurs sur les risques particuliers que peut présenter telle ou telle opération.

Son but est en effet de fournir aux épargnants les meilleures informations possibles pour former leur jugement, et d'assurer un fonctionnement intègre et transparent des marchés.

Mais les sociétés cotées peuvent connaître des fortunes diverses, ou certains secteurs d'activités se caractériser par une grande volatilité des cours : c'est à l'épargnant qu'il revient d'apprécier la nature et l'ampleur des risques qu'il accepte de prendre.

Examinant ensuite l'hypothèse de l'appel public à l'épargne sur des sociétés sportives, M. Michel Prada a formulé trois séries de considérations :

- il a souligné, en premier lieu, qu'en l'état actuel des institutions sportives, il ne semblait pas qu'une telle démarche soit susceptible d'être effectivement mise en oeuvre dans des conditions acceptables au regard de la protection des investisseurs. En effet, l'économie du sport apparaît encore très parcellisée, et les organismes sportifs n'ont pas la maîtrise de la totalité des paramètres d'une gestion d'entreprise, ni la capacité de mobiliser la totalité des moyens de leur développement afin d'assurer un rendement normal des capitaux investis.

En l'état, peu de clubs disposent d'une taille critique suffisante pour pouvoir prétendre à une introduction sur un marché réglementé et ils ne détiennent généralement pas les actifs nécessaires à leur exploitation : sauf exceptions, ils ne sont pas propriétaires de leurs stades et de leurs installations ; ils ne détiennent pas non plus les droits de retransmission télévisuelle ; le marchandisage n'est pas toujours intégré à la gestion des clubs. Les conditions générales de gestion ne correspondent pas aux critères requis par le marché. L'équilibre financier de nombreux clubs repose sur un subventionnement public difficilement conciliable avec une gestion " capitaliste " ;

- il a estimé, en deuxième lieu, qu'en revanche, dans le cas où les entreprises sportives seraient gérées dans des conditions normales, il ne devrait pas y avoir d'incompatibilité de principe entre l'appel public à l'épargne et l'exercice d'activités sportives à titre professionnel. Il pourrait au contraire être considéré que la mise en oeuvre des règles attachées à l'appel public à l'épargne pourrait contribuer à la transparence des sociétés sportives, à la bonne application des règles du gouvernement d'entreprise et à la rigueur de la gestion financière et comptable, toutes choses que la gestion actuelle ne paraît pas toujours garantir de manière satisfaisante. Il convient donc de ne pas écarter en soi l'hypothèse de l'appel à l'épargne par des sociétés sportives qui pourrait peut-être être un des moyens de régler les problèmes du sport dès lors qu'il est, de facto, immergé dans une activité marchande : à cet égard, certains exemples britanniques semblent montrer que l'accès des clubs au marché financier peut avoir des effets bénéfiques sur leur mode de fonctionnement, la transparence de leur gestion, la mise en place de contrôles internes ;

- en troisième lieu, M. Michel Prada a observé que le problème de l'appel public à l'épargne des sociétés sportives ne pouvait pas être apprécié du seul point de vue de la régulation boursière. On ne peut en effet assimiler complètement un club sportif à une entreprise ordinaire, et il faut être conscient des risques qui s'attachent aux excès d'une logique de marché dans le secteur sportif. L'entrée du sport dans l'économie marchande, au demeurant largement amorcée dans les faits, ne peut sans doute pas se faire sans la mise en place d'un mécanisme de régulation spécifique qui permettrait de concilier les exigences d'une gestion " capitaliste " et celles de l'éthique sportive, et de tenir compte du fait que le sport ne peut être considéré comme un " processus de production " comparable aux autres. Peut-être la création d'une autorité indépendante, un " CSA du sport ", devrait-elle être envisagée ?

Un débat a suivi.

M. James Bordas, rapporteur du projet de loi modifiant la loi du 16 juillet 1984 relative à l'organisation et à la promotion des activités physiques et sportives, a salué la clarté et le caractère équilibré de l'exposé de M. Michel Prada, et a constaté que ses propos faisaient écho aux préoccupations exprimées par la commission lors de l'examen de la loi du 28 décembre 1999, préoccupations qui n'avaient pas toujours été comprises par les partisans d'un accès des sociétés sportives aux marchés financiers.

Relevant que certains des interlocuteurs qu'il avait rencontrés lors de la préparation de son rapport semblaient penser que le recours aux marchés financiers représentait une solution au problème des clubs sportifs qui ont des difficultés à trouver des partenaires ou des investisseurs, il a noté que les propos de M. Michel Prada pouvaient laisser penser que cette attente n'était, au moins à l'heure actuelle, sans doute pas justifiée.

Il a rappelé que l'attitude prudente qu'avait prise la commission avait été avant tout motivée par le souci de la protection des épargnants. Certes, a-t-il souligné, on doit admettre que tout épargnant qui acquiert des titres prend un risque, mais il a demandé s'il ne convenait pas de prendre en considération le fait qu'un " supporter " peut oublier la prudence qui sied à l'épargnant, et de tenir compte aussi des incidences économiques des résultats sportifs : un club qui a de mauvais résultats peut perdre une partie de son public, de son prestige, de ses ressources pour des raisons indépendantes de la qualité de sa gestion.

Il a également interrogé M. Michel Prada sur les raisons qui avaient conduit la COB à refuser d'autoriser certaines sociétés anonymes à objet sportif (SAOS) à placer des titres dans le public.

Mme Hélène Luc a souhaité savoir quel était le jugement que portait M. Michel Prada sur la cotation en Bourse des grands clubs anglais.

M. Ambroise Dupont a noté que l'exposé et les réflexions très équilibrées de M. Michel Prada devraient inciter la commission à poursuivre sa propre réflexion. Partageant l'opinion de M. Prada sur le fait que l'on ne pouvait considérer un club sportif comme une entreprise ordinaire, il s'est demandé comment le recours aux marché financiers pourrait assurer un financement stable à un club sportif si le cours de ses actions devait être influencé par le résultat des matches qu'il disputait, et il a souhaité savoir, s'associant à la question posée par Mme Hélène Luc, si les expériences étrangères permettaient de répondre à cette question.

En réponse à ces premières questions, M. Michel Prada a d'abord indiqué qu'il ne disposait pas d'informations détaillées sur la situation boursière des clubs anglais et qu'il s'efforcerait d'en recueillir pour les communiquer à la commission.

Répondant aux remarques de M. James Bordas, il a souligné que tout épargnant qui investit en bourse prend des risques : les sociétés cotées peuvent connaître des succès ou des échecs et leurs titres évoluer à la hausse ou à la baisse selon des cycles plus ou moins longs. L'éventuelle volatilité des titres des clubs sportifs ne serait donc pas en elle-même un motif de les exclure du marché. Beaucoup d'entreprises dont les titres peuvent être volatiles -comme par exemple les valeurs Internet- sont cotées. Il n'y aurait donc pas lieu d'interdire l'appel à l'épargne publique aux clubs sportifs dès lors qu'ils seraient devenus de véritables " entreprises ". Ce n'était sans doute pas le cas des SAOS qui n'ont pas été autorisées à placer leurs titres dans le public.

M. Michel Prada a également souligné qu'il ne convenait pas de considérer comme définitivement exclue l'éventualité de l'accès des clubs sportifs à l'épargne publique. La situation actuelle n'est en effet pas satisfaisante, la gestion des clubs est parfois gravement défaillante et c'est alors bien souvent, compte tenu des soutiens publics dont ils bénéficient, le contribuable qui en fait les frais. Peut-être les disciplines du marché pourraient-elles maîtriser ces risques. Cependant, la spécificité de l'activité sportive devrait alors imposer des règles particulières, en particulier dans deux domaines :

- la gestion de l'information sur l'entreprise, d'une part car la périodicité selon laquelle cette information est habituellement fournie par les entreprises -trois ou quatre fois par an en moyenne- ne conviendrait pas au rythme beaucoup plus rapide des événements sportifs. Il y a une spécificité de la nature et du mode de gestion de ces " entreprises de spectacle " qui sont constamment sous les feux de l'actualité. Il faudrait donc se demander comment " gérer " cette information. Il semble cependant que les grands clubs anglais, pour peu qu'ils soient convenablement gérés et que leurs résultats ne déçoivent pas de manière rédhibitoire et durable, ne subissent pas les conséquences de cette agitation médiatique qui pourrait troubler au regard de l'appel public à l'épargne ;

- la concurrence, d'autre part, car la prise de contrôle directe ou indirecte de plusieurs clubs dans la même discipline par un unique investisseur serait susceptible de provoquer des conflits d'intérêt et de fausser le jeu sportif : le rôle d'une instance de régulation spécifique pourrait aussi être de gérer ces problèmes de concurrence et de contrôle des concentrations préjudiciables au sport.

Notant que M. Michel Prada avait évoqué la possibilité pour des entreprises sportives de devenir des " entreprises de spectacle ", M. Serge Lagauche s'est demandé si l'on pourrait envisager la création d'entreprises de spectacles qui auraient des clubs sportifs en quelque sorte " dans leur portefeuille ".

M. Michel Prada en a douté, soulignant que la " raison sociale " de grands clubs sportifs américains ou anglais demeurait toujours l'affrontement sportif et l'organisation de matches, même si leur gestion est complètement commerciale et même si l'aspect " spectacle " de leur activité est très important.

M. Adrien Gouteyron, président, a demandé s'il était nécessaire de créer une instance régulatrice propre au sport, et pourquoi l'intervention de la COB elle-même ne pourrait pas, dans le cas d'un appel public à l'épargne des sociétés sportives, suffire à résoudre, par exemple, les problèmes liés à la gestion de l'information sur ces sociétés ou au contrôle des opérations de concentration.

En réponse, M. Michel Prada a souligné que la mission de la COB était de veiller à la protection et à l'information des épargnants et au bon fonctionnement des marchés, et qu'elle n'avait pas vocation à traiter des problèmes propres à tel ou tel secteur d'activité. En revanche, la COB pourrait fort bien collaborer avec une instance de régulation du sport, comme elle peut le faire avec le conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA) ou l'autorité de régulation des télécommunications (ART).