Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Constitutionnels, pas toujours !

M. Gérald Darmanin, garde des sceaux. … et qui a toujours, je le sais, souhaité que la justice de notre pays soit au rendez-vous de la fermeté. (Applaudissements sur les travées des groupes INDEP, Les Républicains et UC.)

Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur.

M. Francis Szpiner, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et dadministration générale. Madame la présidente, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, nous sommes donc réunis pour examiner la proposition de loi dite Attal. La justice des mineurs est, je le sais, une préoccupation que nous partageons tous, mes chers collègues.

Les données chiffrées qui m’ont été transmises au cours des auditions auxquelles j’ai procédé montrent que, en la matière, des infractions de plus en plus violentes sont commises par des mineurs de plus en plus jeunes. S’il y a une tendance à la baisse de la délinquance des mineurs ces dernières années, on observe, en revanche, une aggravation préoccupante de la gravité des faits de violence et un rajeunissement de leurs auteurs.

Je ne vous donnerai pas de chiffres pour illustrer cette évolution qui voit les mineurs surreprésentés dans les délits ; M. le garde des sceaux vient de le faire. Je ne doute pas, du reste, que chacun d’entre nous a dans sa ville ou dans son département trop d’exemples de cette mutation de la délinquance des mineurs que nous devons nous employer à juguler.

Beaucoup d’actions ont été engagées en ce sens. Je pense notamment à l’entrée en vigueur du code de la justice pénale des mineurs, qui, quoi qu’en disent ses détracteurs, a été à l’origine de nombreux progrès et a réduit de 40 % les délais de jugement.

Je me réjouis, monsieur le garde des sceaux, que vous ayez rappelé les principes de la justice des mineurs. Ces derniers, quand bien même ils dérangeraient certains, sont des principes intangibles : la justice des mineurs est d’abord éducative, car le mineur n’est pas un justiciable comme les autres, il n’est en particulier pas un majeur, et notre Constitution et les engagements internationaux de notre pays nous imposent un certain nombre d’obligations à son endroit.

La justice des mineurs manque cruellement de moyens. Si nous exigeons qu’elle applique des mesures nouvelles, il faut donc lui donner les moyens de les faire respecter. Nous savons que les juridictions rencontrent des difficultés matérielles pour respecter les délais impartis. Nous savons le manque de places en milieu ouvert et le manque de moyens de la protection judiciaire de la jeunesse pour mettre effectivement en œuvre les mesures qui seraient souhaitables.

Dans ce contexte, il n’est pas illégitime que nous examinions un nouveau texte relatif à la justice pénale des mineurs. Si l’entrée en vigueur du code de la justice pénale des mineurs est encore récente, elle n’a pas résolu tous les problèmes. Il serait d’ailleurs naïf de notre part d’attendre de tels miracles de ce code.

La commission n’est donc pas hostile par principe au fait que la justice des mineurs soit remise sur l’ouvrage. Mais pour légiférer efficacement et de manière juridiquement adéquate sur un sujet politiquement sensible, il me semble que nous avons le devoir, en particulier au Sénat, de ne pas céder à deux tentations.

La première serait de légiférer sous le coup de l’émotion. Nul ne peut se satisfaire d’une loi édictée à la suite d’un fait divers, impliquant un mineur qui marque l’opinion publique, et de faire une loi de circonstance accompagnée de grands discours et qui serait dépourvue de toute substance.

La seconde tentation serait de mettre de côté les principes constitutionnels spécifiques applicables à la justice des mineurs, dégagés en 2002 par le Conseil constitutionnel et que vous avez rappelés, monsieur le garde des sceaux. Nous n’avons d’autre choix que de composer avec cette réalité.

La proposition de loi votée par l’Assemblée nationale a-t-elle échappé à ces deux écueils ? La commission des lois a répondu par la négative. Entre les dispositions difficilement applicables et les atteintes aux principes constitutionnels, le compte de la proposition n’y était malheureusement pas.

Nous en avons tiré les conséquences en commission, en remaniant certes profondément certains dispositifs et en en supprimant d’autres, mais, parallèlement, nous avons laissé ouvertes de nombreuses initiatives qui seront débattues en séance.

Je rappelle à cet égard que nous avons travaillé comme trop souvent dans des délais particulièrement contraints, ce qui n’est pas acceptable ; il est donc légitime que des idées nouvelles émergent lors de nos échanges constructifs.

J’en viens au contenu du texte.

Le premier volet de la proposition de loi est relatif à la responsabilisation des parents des mineurs délinquants. En la matière, la commission s’est efforcée d’adopter une démarche constructive.

Nous avons supprimé la redéfinition des éléments constitutifs du délit de soustraction des parents à leurs obligations légales. Cette redéfinition nous a en effet paru néfaste, dans la mesure où elle empiétait sur des mesures civiles d’accompagnement des parents. L’imprécision pénale des notions de « caractère répété » et de « gravité » de la soustraction des parents à leurs obligations, auxquelles manque la définition des éléments constitutifs de l’infraction, rendait de plus ces dispositions constitutionnellement fragiles.

Nous nous sommes donc efforcés de muscler de nouveau ce texte et de le rendre applicable. Je rappelle que, en l’état du droit, seules 220 condamnations ont été prononcées.

Dans le même temps, nous avons supprimé la sanction civile que le juge aurait pu prononcer à l’encontre des parents ne déférant pas aux convocations qui leur sont adressées en matière d’assistance éducative, notamment parce qu’une telle sanction irait à l’encontre de la logique d’adhésion à la mesure éducative, mais nous avons sécurisé le dispositif en vigueur, en matière pénale.

Surtout, c’est le Sénat et le Sénat seul qui a organisé la responsabilité réelle des parents. En faisant participer ces derniers au paiement et au remboursement d’une partie des dommages causés par les infractions, nous avons en effet constitué une véritable responsabilité, sans porter atteinte aux droits des victimes.

J’en viens maintenant au second volet de la réponse pénale. Oui, nous avons supprimé la procédure de comparution immédiate telle qu’elle a été adoptée par les députés, considérant que le dispositif ne permet pas d’atteindre l’objectif.

Les faits divers inspirant souvent notre action, je tiens à vous faire remarquer, mes chers collègues, que le jeune qui a agressé un rabbin à Orléans la semaine dernière dormira ce soir en prison et sera jugé dans trois semaines. C’est bien la preuve que l’audience immédiate permet de répondre efficacement à la délinquance de ces jeunes et que la comparution immédiate n’est pas un outil nécessaire.

Il convenait en revanche de faciliter le recours à l’audience unique. Je remercie donc Mme Josende d’avoir présenté un amendement en ce sens.

Je sais que l’article 5, relatif au principe d’atténuation des peines, fait débat. En prévoyant que le mineur serait désormais jugé comme un majeur, il était en effet proposé d’inverser la logique actuelle.

Je rappelle – ceux qui ont de la mémoire, ce qui n’est jamais inutile lorsqu’il s’agit de légiférer, s’en souviendront – qu’un tel dispositif était en vigueur de 2007 à 2014 et qu’il n’a conduit à aucune inflexion du nombre de dérogations à l’excuse de minorité décidées par les juridictions.

Lorsque les juridictions l’estiment utile et qu’elles le souhaitent, qu’elles soient composées de magistrats professionnels ou de magistrats et de jurés, elles peuvent d’ores et déjà prononcer pour un mineur les mêmes peines qu’elles peuvent infliger à un majeur.

Je rappelle par ailleurs que le Conseil constitutionnel a déjà eu à s’exprimer à maintes reprises sur ce sujet, ce qui réduit considérablement nos marges de manœuvre.

Le dernier volet du texte apportait enfin des modifications au code de la justice pénale des mineurs. Nous avons supprimé certaines de ces modifications qui étaient contre-productives ou inopérantes – je pense aux articles 6 et 9.

Comme vous le constatez, la commission a donc fait le choix d’expurger de ce texte les éléments les plus problématiques, afin de repartir sur une base solide – je dirai même juridiquement saine.

Oui, les Français attendent du législateur une réponse forte. Oui, nous devons être à la hauteur, mais nous ne pouvons adopter un texte qui serait source de déception.

La justice des mineurs mérite un vrai débat. Vous avez évoqué les mesures éducatives, monsieur le garde des sceaux. Il nous faudra en effet en reparler, comme il nous faudra reparler des courtes peines de prison, que certains voudraient introduire dans ce texte, ce qui est constitutionnellement impossible. Je rappelle du reste qu’une mission d’information sénatoriale se penche actuellement sur l’exécution des peines.

Voilà où nous en sommes, mes chers collègues. Je vous remercie encore, monsieur le garde des sceaux, d’avoir rappelé les principes de la justice des mineurs, qui ne peuvent pas être balayés d’un revers de la main.

Je le dis au Sénat : rien n’est pire que les lois inutiles. Rien n’est pire que les lois inapplicables. Et ceux qui voudraient délibérément ne pas respecter la Constitution, telle qu’elle est définie par les décisions du Conseil constitutionnel, mettent en cause l’État de droit.

M. Patrick Kanner. Très bien !

M. Francis Szpiner, rapporteur. La dénonciation facile du gouvernement des juges, qui serait finalement un obstacle à l’action publique, nous amènera demain à faire le lit de ceux qui voudront combattre l’État de droit, comme on le voit actuellement dans un certain nombre de régimes autoritaires et radicaux. (Applaudissements sur des travées des groupes SER, GEST et CRCE-K. – M. Joshua Hochart sexclame.)

Nous avons dans notre code les moyens de lutter. Je le rappelle, les infractions les plus graves relèvent de la cour d’assises et d’une procédure criminelle qui est la même que celle des adultes.

En ce qui concerne les affaires de délinquance les plus violentes, je ne puis qu’inviter M. le garde des sceaux, par voie de circulaire, à demander aux parquets d’appliquer une particulière sévérité aux affaires impliquant un port d’arme ou de couteau et d’avoir recours à l’instruction pour les atteintes violentes aux personnes qui ne relèvent pas de la justice criminelle.

Mme la présidente. Il faut conclure, monsieur le rapporteur.

M. Francis Szpiner, rapporteur. Oui, mes chers collègues, nous avons le devoir de bâtir un texte qui, dans quelque mois, ne déçoive pas par son inefficacité. (Applaudissements sur les travées des groupes SER, CRCE-K, GEST et RDSE, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains.)

Mme la présidente. La parole est à M. Joshua Hochart.

M. Joshua Hochart. Madame la présidente, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, nous sommes réunis aujourd’hui pour discuter d’un texte qui prétend restaurer l’autorité de la justice face aux mineurs délinquants et à leurs parents. Il s’agit d’une ambition noble et d’un chantier colossal, mais surtout d’un aveu, car, enfin, vous avez compris et vous avez entendu les Français, monsieur le garde des sceaux.

L’autorité républicaine s’est évaporée, dissoute au fil des années sous une pluie de laxisme et d’idéologie angélique. Aujourd’hui, que nous proposez-vous ? Un texte qui, soyons justes, va un tout petit peu dans le bon sens ; il faudrait être de mauvaise foi pour affirmer le contraire. Responsabiliser les parents, durcir les sanctions, encadrer davantage les mineurs violents. Voilà enfin, peut-être, un réveil de la majorité, après des années de sommeil profond. Enfin, la majorité est à l’écoute des Français et de Marine Le Pen. (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)

Ce texte ne va toutefois pas assez loin. Il ne fait qu’effleurer la surface d’un problème abyssal : nous sommes face à un immeuble en feu et vous arrivez avec un pistolet à eau, mais surtout avec des années de retard.

On nous parle d’amendes, plafonnées à 7 500 euros, pour les parents défaillants. C’est beaucoup, mais, pour certains, cette somme est dérisoire au vu de la gravité des faits.

C’est pourquoi les sénateurs du Rassemblement national proposeront un amendement de bon sens visant à supprimer les allocations pour les parents défaillants. Cela constituerait un signal fort du sérieux avec lequel il convient d’envisager la responsabilité parentale.

L’assignation à résidence avec bracelet électronique dès 13 ans est peut-être la mesure la plus symbolique et la moins contraignante de cette proposition de loi. Un mineur condamné pour trafic de stupéfiants continuera d’organiser son trafic depuis sa chambre, devant sa console. Cela ne changera rien ni à la sécurité ni à l’éducation de l’enfant. Vous me direz que la situation des majeurs qui, eux, continuent leur trafic depuis nos prisons, n’est guère plus réjouissante, mes chers collègues…

Toutefois, ce n’est pas tout. Ce texte ne touche que du bout des doigts à l’ordonnance du 2 février 1945 relative à l’enfance délinquante, ce monument d’indulgence en vertu duquel, dans notre pays, un mineur multirécidiviste est encore considéré comme un enfant égaré qu’il faut guider plutôt que sanctionner. Cette ordonnance est désormais trop éloignée des problématiques actuelles.

Si le présent texte est un début, il reste mou, sans conviction ; il ne présente du reste aucune réelle solution : rien sur les mineurs étrangers, rien non plus sur la protection du corps professoral, affecté par les comportements toujours plus violents des élèves.

Vous pensez régler le problème de l’ensauvagement, mais cela n’apporte pas grand-chose. Monsieur le garde des sceaux, la France n’en peut plus d’attendre. Pendant que nous débattons, dehors, des citoyens se font agresser, des policiers caillasser et des enseignants insulter en classe.

Si ce texte est un premier pas, je veux le dire à ceux qui subissent quotidiennement et qui attendent des mesures fortes : tenez bon, on arrive !

Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Claude Lermytte. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP. – Mmes Dominique Vérien et Marie-Do Aeschlimann applaudissent également.)

Mme Marie-Claude Lermytte. Madame la présidente, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, nous ne pouvons pas commencer l’examen de ce texte sans avoir une pensée pour toutes les victimes, leur famille et leurs proches.

Hier soir encore, une rixe en Essonne a emporté un jeune homme de 17 ans. Au nom des membres du groupe Les Indépendants, j’adresse nos condoléances à sa famille.

Les violences impliquant des adolescents s’accumulent, transformant des lieux quotidiens en scènes de drame insoutenables. Rixes, agressions, affrontements armés ou trafic : ces actes, autrefois exceptionnels, deviennent une réalité trop familière, rappelant l’urgence d’une réponse collective.

La justice des mineurs ne saurait être réduite à un débat idéologique. Elle s’impose à nous, portée par l’actualité et par le cri d’alarme des familles, des enseignants, des forces de l’ordre et de la justice. Nous devons mettre en œuvre des solutions.

Avant cela, nous devons dresser le constat qui s’impose. La délinquance juvénile est de plus en plus précoce et de plus en plus grave. La réforme, il y a quelques années, de notre code de la justice pénale des mineurs, a apporté des avancées notables. La durée des procédures a été réduite, ce qui a permis une réponse judiciaire plus rapide.

Des lacunes persistent toutefois. S’agissant des mineurs, si les mesures éducatives doivent évidemment être privilégiées, notre arsenal juridique doit évoluer, pour faire face aux échecs de telles mesures. Lorsque, malgré plusieurs avertissements, un mineur récidive, il faut une réponse ferme.

Cette réponse, nous la devons à nos concitoyens, car il est de notre responsabilité de les protéger. Mais elle est essentielle aussi pour le mineur concerné, pour le bien duquel il importe de tout mettre en œuvre, afin de tenter d’interrompre la spirale de la délinquance.

La situation actuelle n’est pas satisfaisante. La minorité limite considérablement la portée des sanctions. Appliquée dans l’immense majorité des cas, l’excuse de minorité emporte une réduction automatique des peines, y compris pour des crimes ineffables. L’enjeu est de trouver un moyen de réintroduire davantage de coercition, sans toutefois porter atteinte à nos règles constitutionnelles.

Le texte que nous examinons aujourd’hui ne nie pas la dimension éducative, qui doit rester centrale dans notre justice des mineurs. Il s’agit de rétablir un équilibre nécessaire entre éducation et sanction, sans basculer dans le tout répressif pour autant. Il est essentiel de nous assurer que la justice protège d’abord la société et qu’elle permet aux jeunes délinquants de prendre conscience de la gravité de leurs actes.

Ce texte comporte des avancées majeures, que nous soutenons avec détermination. En commission des lois, le travail du rapporteur a permis de préciser et de sécuriser sa rédaction.

Nous souhaitons tous ici préserver nos enfants de la délinquance. Pour cela, il faut tout d’abord replacer l’autorité parentale au cœur du dispositif. Lorsqu’un enfant tombe dans la délinquance, ses parents ne peuvent se dérober à leurs responsabilités.

Ce texte renforce donc les sanctions qui peuvent être prononcées à l’encontre des parents si ces derniers négligent volontairement leurs devoirs, notamment en cas de circonstances aggravantes comme la non-présentation de l’enfant ou le non-respect de l’obligation scolaire.

De même, notre groupe soutient pleinement les dispositions du texte visant à mieux indemniser les victimes, sans toutefois exonérer les parents de leurs responsabilités. La réparation des dommages commis par les mineurs n’ayant pas fait l’objet d’un placement incombe en effet aux parents. C’est donc à eux de réparer le préjudice aux victimes, ce dont, bien souvent, les assureurs se chargent.

Pour ne pas laisser prospérer un sentiment d’irresponsabilité, nous sommes favorables à ce que les assureurs puissent demander aux parents, eux-mêmes condamnés pour s’être soustraits à leurs obligations, un remboursement pouvant aller jusqu’à 7 500 euros.

Par ailleurs, M. le rapporteur a proposé d’inclure dans le texte plusieurs dispositions concernant les mineurs ayant commis des actes de terrorisme ou de criminalité organisée. Ces mesures nous paraissent nécessaires.

Conscients de la clémence de notre système judiciaire à l’égard des mineurs, les réseaux criminels n’hésitent pas à les utiliser de manière abusive. Quand un adolescent de 15 ans est recruté comme tueur à gages, où est notre responsabilité ? Nous devons arracher ces jeunes à l’emprise de ces organisations.

Il faut toutefois admettre que certains jeunes, notamment les plus influençables, présentent un profil dangereux. En ce qui les concerne, nous n’avons pas d’autre choix que d’étendre les possibilités de placement, d’assignation à résidence ou encore, le cas échéant, de détention provisoire. Il s’agit non pas de stigmatiser, mais de reconnaître une évidence : les mesures éducatives ne sont pas toujours efficaces et restent souvent insuffisantes.

Il nous appartient de donner à la justice tous les moyens de répondre de manière ferme et responsable. Ce texte n’est pas une remise en cause des principes fondamentaux de notre justice des mineurs. Il ne s’agit ni de traiter les adolescents comme des adultes ni de nier la nécessité d’une approche éducative.

Nous devons faire évoluer notre réponse en fonction de la réalité. Le groupe Les Indépendants votera en faveur de l’adoption de ce texte, pour renforcer les moyens de la justice et mieux protéger notre jeunesse. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP, ainsi que sur des travées des groupes UC et Les Républicains.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Lauriane Josende. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme Lauriane Josende. Madame la présidente, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, un rapport d’information sénatorial du 21 septembre 2022 intitulé Prévenir la délinquance des mineurs – éviter la récidive rappelait que la délinquance des mineurs est un phénomène pluriel dont la connaissance est très imparfaite. Plutôt que de légiférer au coup par coup, il faudrait donc lancer le chantier du traitement profond, exhaustif, je dirais même chirurgical de ce dossier.

Nous examinons aujourd’hui la proposition de loi de Gabriel Attal visant à restaurer l’autorité de la justice à l’égard des mineurs délinquants et de leurs parents, laquelle a été largement remaniée en commission des lois sur l’initiative de notre collègue Francis Szpiner.

Ce texte est bien perfectible, personne ne le conteste. Il constitue cependant un amorçage nécessaire pour lutter contre le fléau de la délinquance juvénile, qui gangrène peu à peu notre pays. Il ne se passe en effet pas un jour sans que les médias s’en fassent le tragique écho.

Désormais, c’est très clair, notre indulgence devient notre faiblesse et notre bienveillance se retourne contre nous. Mes chers collègues, à l’évidence, le temps est venu de cesser d’opposer répression et éducation, comme le fait traditionnellement notre système judiciaire.

Une sanction immédiate, adaptée et proportionnée revêt nécessairement et intrinsèquement une vertu éducative. Ainsi, il faut sanctionner le mineur le plus tôt possible dans son parcours de délinquance, dès lors qu’il commet des faits répréhensibles, a fortiori d’une particulière gravité.

C’est pourquoi j’ai déposé un amendement visant à faciliter le recours à l’audience unique. Le principe de césure du procès pénal pour les mineurs a pour effet– c’est aujourd’hui largement démontré – de retarder la survenue d’une sanction et de créer chez les plus jeunes un sentiment d’impunité.

Mme Laurence Rossignol. C’est tout l’inverse !

Mme Lauriane Josende. Mais au-delà de la sacro-sainte excuse de minorité, dont nous discuterons certainement dans quelques instants, il nous faudra très prochainement débattre de l’âge de la majorité pénale, mes chers collègues.

Ce débat appelle une réforme d’ampleur, car, au nom d’une idéologie qui ne protège pas les mineurs eux-mêmes, nous manquons trop d’occasions de prendre en compte l’évolution de la criminalité des mineurs. Car, en s’autorisant une telle réforme, il s’agit bien de protéger nos enfants et nos jeunes !

Mes chers collègues, n’oublions jamais que les premières victimes de la délinquance des mineurs sont d’autres mineurs. Ayons bien clair à l’esprit que, désormais, il y a en chacun de nous au moins potentiellement un parent, certes à responsabiliser, mais aussi à rassurer face à une évolution sociétale hélas ! bien plus rapide que celle de notre politique pénale.

Pour toutes ces raisons, les sénateurs du groupe Les Républicains voteront en faveur de ce texte. Nécessairement amendé, celui-ci aura déjà le mérite d’exister et de permettre d’avancer. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et INDEP. – Mme Christine Herzog applaudit également.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Salama Ramia. (Applaudissements sur les travées des groupes RDPI et INDEP.)

Mme Salama Ramia. Madame la présidente, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, nous sommes ici présents pour discuter d’une proposition de loi sérieuse, qui trouve en partie son origine dans une cause grave : les émeutes urbaines survenues au début de l’été 2023, à la suite du décès de Nahel à Nanterre.

L’objectif affiché était double : mettre les parents défaillants devant leurs responsabilités et renforcer l’arsenal répressif dans les situations les plus graves.

Sans remettre en cause l’architecture du code de justice pénale des mineurs, réformé en 2021, ce texte redonne un sens aux notions de famille, d’autorité, d’éducation, d’encadrement, de justice et de responsabilité qui nous sont chères. Cette réforme a par ailleurs permis de réduire les délais, si bien que ces derniers ont été divisés par deux depuis 2019.

Pourtant, la proposition de loi a été totalement dénaturée par les travaux de la commission des lois.

M. Guy Benarroche. Non, améliorée !

Mme Salama Ramia. En ce qui concerne le volet relatif au renforcement de la responsabilité des parents défaillants, nous regrettons que, à ce stade, il n’en reste qu’un article 1er vidé de sa substance.

Quant au volet répressif, les articles 4, 5, 6, 9 et 10 ont été supprimés, en dépit des mesures complémentaires qui, dans un souci d’équilibre, avaient été associées aux dispositions qu’ils comportaient. Nous croyons en effet à l’obligation de présence des parents aux audiences s’inscrivant dans le cadre d’une procédure d’assistance éducative.

Cette mesure constitue un moyen complémentaire de les sensibiliser à la nécessité urgente d’aider l’enfant mineur à se ressaisir. Comment ces mesures portées par la justice pourraient-elles être efficaces sans la pleine collaboration des parents ? Nous proposons donc de rétablir l’article 2, vidé de sa substance en commission, dans sa rédaction issue des travaux de l’Assemblée nationale.

Nous avons également l’ambition de rétablir la procédure, qui figurait dans le texte de l’Assemblée nationale, de comparution immédiate pour les mineurs âgés d’au moins 16 ans, car un jeune délinquant ne peut pas revendiquer être un caïd et ne pas risquer de se retrouver sans délai face à l’autorité judiciaire pour répondre de cette qualité.

Cette procédure serait applicable dans le cas des infractions graves commises en flagrance, par les mineurs âgés d’au moins 16 ans et en état de récidive légale : autant de cases à cocher afin de s’assurer que cette procédure ne concernera que les cas extrêmes.

Toujours dans la perspective de rétablir l’équilibre qui a été dévoyé en commission, nous appelons nos collègues, dans un esprit de responsabilité, à rétablir, outre l’article 4, l’article 5 qui modifie les conditions d’atténuation de la peine pour les mineurs de plus de 16 ans. En effet, dans sa rédaction initiale, il prévoyait que le principe d’atténuation de la peine n’est pas applicable lorsqu’un mineur âgé de plus de 16 ans commet certains crimes et délits graves en état de récidive légale.

Il s’agit d’une mesure équilibrée et responsable, conforme à la décision du Conseil constitutionnel du 9 août 2007, laquelle apporte une réponse nécessaire à l’escalade inquiétante de la violence juvénile.

Nous voulons également, de manière affirmée, que l’appel à renforcer la responsabilité des parents s’étende à toutes les structures au sein duquel le mineur peut évoluer.

Bon nombre de parents confient, en effet, leur enfant à des proches, sans que cette garde repose sur une délégation judiciaire de l’autorité parentale. Il s’agit d’oncles, de tantes, de cousins, de cousines ou d’amis, qui acceptent d’assurer la garde de l’enfant, sans parfois mesurer la charge que cela représente.

C’est un fait connu, notamment dans mon territoire, à Mayotte, où de jeunes mineurs sont confiés à des proches de confiance et se retrouvent pourtant livrés à eux-mêmes, en proie à la délinquance. Nous voulons donc que les dispositions visant à accroître la responsabilité des parents s’appliquent aussi à ces parents de substitution qui n’honorent pas leur promesse.

Oui, nous souhaitons que notre jeunesse, notamment lorsqu’elle est en difficulté, retrouve le chemin du cadre familial, lequel construit, répare et transmet des valeurs, mais aussi le sens des responsabilités.

Nous réaffirmons également aux parents qu’ils ne sont pas seuls. La justice n’est pas un ennemi : c’est un cadre qui garantit une réhabilitation sociale à qui veut bien faire cette lecture de son rôle et de ses décisions.

Aussi, nous tenons à saluer l’engagement exemplaire du personnel de la protection judiciaire de la jeunesse (PJJ) aux côtés de ces jeunes en difficulté. Ses agents contribuent également à faire de la justice des mineurs un levier de réinsertion, tout en prévenant la récidive.

Dans ces conditions, mes chers collègues, nous vous invitons à voter pour cette proposition de loi, telle que nous souhaitons la rétablir. (Applaudissements sur les travées des groupes RDPI et INDEP, ainsi que sur des travées du groupe UC. – M. Marc-Philippe Daubresse applaudit également.)