M. le président. La parole est à M. Michel Masset, pour la réplique.
M. Michel Masset. Je vous remercie de votre réponse, madame la ministre ; je sais que vous connaissez la ruralité et sa complexité.
Vous l’avez dit, nous avons besoin de souplesse. Sur ce dossier, je resterai, tout comme mon collègue Pointereau, entièrement mobilisé pour trouver avec vos services une issue favorable. À cet égard, je considère que la création d’un comité de suivi est une excellente idée.
Au demeurant, nous serions ravis de vous recevoir sur notre territoire pour évoquer ce sujet.
conséquences de l’avis de l’autorité de régulation des transports sur la fin de la gratuité de la portion d’autoroute A40 entre annemasse et saint-julien-en-genevois
M. le président. La parole est à Mme Sylviane Noël, auteure de la question n° 405, adressée à M. le ministre auprès du ministre de l’aménagement du territoire et de la décentralisation, chargé des transports.
Mme Sylviane Noël. Madame la ministre, contre toute attente, par un communiqué en date du 10 mars dernier, après un avis favorable de l’Autorité de régulation des transports (ART), la préfecture de Haute-Savoie a annoncé la fin de la gratuité, à compter du 1er janvier 2029, de la portion d’autoroute A40 de 12 kilomètres reliant les communes d’Annemasse et de Saint-Julien-en-Genevois.
Alors que la gratuité de cette section autoroutière existe depuis près de quarante ans, cette décision soudaine suscite la colère de l’ensemble des élus locaux et des habitants du Genevois français, d’autant qu’on n’a pas recueilli leur avis.
Ce tronçon fait partie du Grand Genève et constitue, avec 50 000 véhicules par jour, une autoroute urbaine de contournement. Il devrait donc à ce titre rester gratuit, tout comme les autres axes gratuits situés autour de grandes agglomérations françaises telles que Paris, Lyon ou Tours.
Au-delà du strict impact financier, notamment pour les milliers de salariés payés en euros qui utilisent quotidiennement ce tronçon et qui sont les premières victimes de l’augmentation du coût de la vie dans le département, cette décision unilatérale de l’État risque d’entraîner un report massif du trafic sur le réseau secondaire, déjà fortement saturé.
Ce renvoi de circulation sur d’autres routes, telles que la route départementale (RD) 1206, va inévitablement créer des nuisances environnementales et sonores pour des milliers de riverains déjà bien éprouvés par le ballet incessant de véhicules en provenance ou à destination de la Suisse voisine.
Sachant que la société concessionnaire Autoroute et tunnel du Mont-Blanc (ATMB) est majoritairement détenue par l’État et les collectivités locales, et que l’aménagement du territoire doit garantir l’équité entre les régions, quelles suites entendez-vous donner à l’avis de l’ART ? (M. Loïc Hervé applaudit.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Françoise Gatel, ministre déléguée auprès du ministre de l’aménagement du territoire et de la décentralisation, chargée de la ruralité. Madame la sénatrice Sylviane Noël, permettez-moi de m’associer aux applaudissements de Loïc Hervé et de saluer votre engagement. Vous posez la question des conséquences de la régularisation des péages qui concernent la section de l’A40 entre Annemasse et Saint-Julien-en-Genevois.
Entre 1991 et 2016, les frais d’exploitation étaient pris en charge par le conseil départemental de Haute-Savoie dans le cadre d’une convention. Il n’a pas souhaité prolonger cette dernière, créant une situation de non-droit, pointée du doigt par la Cour des comptes en 2019.
Le Gouvernement a souhaité prendre le temps de la concertation pour régulariser la question du péage sur cette section et, in fine, mettre en œuvre des mesures d’accompagnement.
La remise au péage est accompagnée d’un abattement exceptionnel de 35 % dès le premier trajet pour les usagers disposant d’un badge, auquel s’ajoutent les réductions pour les usagers fréquents, qui sont d’ordinaire proposées par la société ATMB. Ainsi, les usagers fréquents paieront moins de 1 euro le trajet entre Annemasse et Saint-Julien-en-Genevois.
Par ailleurs, les conditions de circulation des usagers seront améliorées par des aménagements réalisés aux deux extrémités de la section, au niveau de Saint-Julien-en-Genevois et d’Étrembières.
Du reste, les études de trafic démontrent que l’impact sur le réseau secondaire est infime, soit 3 % du trafic actuel. Malgré tout, une enveloppe de 750 000 euros sera consacrée à l’accompagnement des aménagements qui pourraient être entrepris par les gestionnaires sur le réseau secondaire, en lien avec l’opération.
M. le président. La parole est à Mme Sylviane Noël, pour la réplique.
Mme Sylviane Noël. Soyez sérieuse, madame la ministre : vous savez autant que moi que ces mesures compensatoires ne suffiront pas à nous faire avaler la pilule ! Aucune raison financière ne justifie la fin de cette gratuité, car la société concessionnaire est largement bénéficiaire.
M. Loïc Hervé. Bien sûr !
Mme Sylviane Noël. Nous faisons face à une décision purement administrative. Or nous attendons du Gouvernement une décision politique, élaborée en lien avec les élus locaux, car elle aura des impacts très lourds non seulement sur la pollution de l’air et la mobilité, mais aussi en matière financière. (Très bien ! sur les travées du groupe Les Républicains.)
sécurisation des passages à niveau et modernisation des infrastructures routières
M. le président. La parole est à M. Joshua Hochart, auteur de la question n° 410, adressée à M. le ministre de l’aménagement du territoire et de la décentralisation.
M. Joshua Hochart. Madame la ministre, lundi dernier, dans le Pas-de-Calais, deux militaires du 41e régiment de transmissions de Douai ont tragiquement perdu la vie, après avoir été percutés par un train alors que leur véhicule traversait un passage à niveau. Permettez-moi d’avoir une pensée pour leurs familles, leurs frères d’armes et les blessés.
Ce drame vient s’ajouter à la longue liste des accidents survenus à des intersections critiques entre la route et le rail. Malgré les efforts de sécurisation engagés depuis plusieurs années, les passages à niveau restent un véritable danger sur notre réseau routier.
Certains d’entre eux ont été supprimés ou modernisés, mais force est de constater que trop peu de moyens sont alloués pour améliorer significativement la situation.
Les collectivités locales, qui sont en première ligne pour assurer la sécurité des infrastructures, peinent à obtenir les financements nécessaires.
Les infrastructures vieillissantes nécessitent pourtant une modernisation urgente et leur sécurisation doit être une priorité absolue. Les communes et départements, qui disposent souvent de budgets contraints, ne peuvent pas assumer seuls les investissements colossaux nécessaires à la mise en conformité de ces équipements.
Le plan de sécurisation des passages à niveau, lancé en 2021, a certes permis de financer 130 projets à hauteur de 26 millions d’euros, mais cet effort reste largement insuffisant pour répondre aux besoins des territoires.
Ce drame nous rappelle brutalement que chaque jour de retard pris dans la réalisation des travaux de sécurisation coûte des vies. Face à cette réalité, il est urgent que l’État prenne ses responsabilités et accompagne bien plus activement les collectivités locales dans la modernisation et la sécurisation des passages à niveau.
Cela passe bien évidemment par une augmentation significative des crédits afférents, mais aussi par une simplification des démarches administratives, qui freinent trop souvent la mise en œuvre des projets.
Madame la ministre, quelles mesures concrètes votre gouvernement compte-t-il prendre pour renforcer cet accompagnement ? Quels nouveaux financements seront mobilisés pour aider les collectivités à supprimer ou moderniser les passages à niveau les plus dangereux ?
Enfin, pouvez-vous nous garantir que la sécurisation de ces infrastructures deviendra une véritable priorité, pour éviter que de telles tragédies ne se reproduisent encore et protéger nos concitoyens d’un danger qui ne devrait pas en être un ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Françoise Gatel, ministre déléguée auprès du ministre de l’aménagement du territoire et de la décentralisation, chargée de la ruralité. Nous sommes très sensibles à votre question, monsieur le sénateur ; naturellement, chacun d’entre nous pense aux victimes des accidents qui se produisent aux passages à niveau.
Ces accidents surviennent pour deux raisons. Premièrement, sans accuser personne, il faut reconnaître que certains automobilistes adoptent des comportements qui mettent leur vie en danger. Deuxièmement, un certain nombre de passages à niveau sont dans un état vétuste qui ne garantit pas les conditions de sécurité.
Après l’accident tragique de Millas, survenu en 2017, l’État a pris à bras-le-corps la situation en s’engageant à améliorer la sécurité, dans le cadre d’un plan annoncé en 2019.
Depuis, le plan est mis en œuvre conformément aux prévisions et plusieurs passages à niveau ont déjà été sécurisés. L’État assure un soutien financier annuel, auquel ont été ajoutés 80 millions d’euros dans le cadre du plan de relance.
Je tiens à vous assurer que les crédits de l’État disponibles en 2025 pour la sécurisation des passages à niveau permettent de couvrir les besoins exprimés par les préfets de région. Je vous confirme que le Gouvernement est déterminé à poursuivre ses efforts pour que des drames comme celui de Bailleul-Sir-Berthoult ne se reproduisent plus.
Je vous invite, monsieur le sénateur, à diffuser ces bonnes nouvelles à votre territoire.
accès au foncier des jeunes agriculteurs
M. le président. La parole est à Mme Marie-Claude Lermytte, auteure de la question n° 377, adressée à Mme la ministre de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire.
Mme Marie-Claude Lermytte. Madame la ministre, ma question porte sur l’accès au foncier des jeunes agriculteurs porteurs de projets.
Les sociétés d’aménagement foncier et d’établissement rural (Safer) ont pour mission essentielle de dynamiser l’agriculture et les espaces forestiers, de favoriser l’installation des jeunes, de protéger l’environnement et les paysages et d’accompagner le développement de l’économie locale. Aussi, il est regrettable et fortement préjudiciable que de jeunes agriculteurs renoncent à leur projet, faute de terres, et soient privés de la dotation jeunes agriculteurs (DJA).
Chacun peut constater que la durée des procédures et des recours devient un frein non négligeable. De plus, la motivation des décisions n’est souvent pas de nature à rendre compréhensibles les choix opérés.
Notons également le sentiment d’injustice frappant les jeunes agriculteurs, qui voient des fonciers rétrocédés à des agriculteurs déjà installés. Ce sentiment est d’autant plus prononcé lorsqu’il est fait recours à des prête-noms ou des sociétés opaques.
La durée des recours devient intolérable. Cette situation semble être en partie due au mode de fonctionnement des Safer et des moyens financiers dont ces établissements publics disposent.
Mis en place en 1960, ces outils sont nécessaires, mais ils doivent impérativement s’adapter, étant donné les évolutions importantes que connaît le secteur de l’agriculture et le rôle fondamental joué par les agriculteurs dans l’économie française.
L’Assemblée nationale a adopté un texte sur ce sujet. J’espère qu’il sera inscrit à l’ordre du jour du Sénat prochainement.
Vous le savez, la Fédération nationale de l’immobilier (Fnaim) dénonce un abus de position dominante et a saisi la Commission européenne. Sur le terrain, nombreuses sont les contestations et interrogations.
Compte tenu de ces éléments, quelles sont, à court et moyen terme, les mesures de simplification des démarches et de réduction des délais que le Gouvernement pourrait prendre ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Annie Genevard, ministre de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire. Madame la sénatrice Marie-Claude Lermytte, je partage votre préoccupation pour l’installation des jeunes agriculteurs. Le renouvellement des générations en agriculture est un défi majeur pour notre agriculture dans les prochaines années ; c’est un sujet sur lequel je suis fortement mobilisée.
Les Safer ont rétrocédé en pleine propriété plus de 32 000 hectares en 2023, soit plus du tiers des surfaces intermédiées, au profit d’installations, hors du cadre familial pour 71 % d’entre elles.
La loi de finances pour 2025 a porté le délai de substitution de six à dix mois, ce qui est propice à la réalisation d’opérations complexes. En outre, cela laisse du temps aux acquéreurs pour parfaire leur dossier et permet aux jeunes agriculteurs d’obtenir des garanties bancaires pour leur projet.
C’est la raison pour laquelle le Gouvernement appuie fortement toutes les options de transmission du foncier agricole hors acquisition.
Le portage constitue l’une de ces options. Il permet aux jeunes agriculteurs qui souhaitent s’installer de ne pas grever leur compte d’exploitation avec des charges d’acquisition foncière. En effet, il favorise la mise à bail des terres dans un premier temps : l’acquisition est ainsi retardée, au moment où l’exploitation est financièrement stabilisée.
Par ailleurs, les commissaires du Gouvernement auprès des Safer, qui relèvent à la fois du ministère de l’agriculture et du ministère des finances, exercent une tutelle appuyée sur ces sociétés, en vue notamment d’obtenir des éléments clairs, précis et non stéréotypés sur la motivation des décisions de rétrocession. C’est un point central pour assurer l’intelligibilité et l’acceptabilité des décisions.
Au demeurant, soyez assurée que je veillerai toujours à simplifier autant que possible la transmission agricole aux jeunes. C’est un enjeu d’avenir capital pour notre agriculture.
gestion de la présence du loup dans la nièvre
M. le président. La parole est à Mme Nadia Sollogoub, auteur de la question n° 386, adressée à Mme la ministre de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire.
Mme Nadia Sollogoub. Madame la ministre, je souhaite attirer votre attention sur la méthode de suivi de la population lupine employée par l’Office français de la biodiversité (OFB), dont la fiabilité suscite de nombreuses interrogations.
Les cartographies de l’OFB indiquaient ces dernières années une présence occasionnelle du loup dans le département de la Nièvre, dont je suis élue. Pourtant, en 2022, elles n’en font plus mention. Or cette absence de reconnaissance officielle est en contradiction complète avec les observations récurrentes et documentées sur le terrain.
C’est pourquoi, madame la ministre, au regard de ces éléments, je vous demande de préciser les critères et la méthodologie utilisés par l’OFB pour cartographier la présence du loup.
Je souhaite également connaître les mesures que le Gouvernement entend prendre pour améliorer la transparence de la collecte des données et assurer une meilleure prise en compte des signalements effectués par les acteurs locaux.
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Annie Genevard, ministre de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire. Madame la sénatrice Nadia Sollogoub, élue d’un territoire d’élevage moi-même, je sais combien la présence du loup emporte de conséquences sur l’activité pastorale en France et je travaille sur le sujet depuis de très nombreuses années. Je partage donc votre préoccupation.
Dans ce contexte, afin de gagner la confiance de tous, il est indispensable de disposer de données fiables sur l’estimation et la répartition du nombre d’individus en France. C’est l’objet des travaux qu’a conduits l’OFB l’année dernière. Je n’ignore pas pour autant les interrogations quant à la fiabilité de ce comptage.
La méthode d’estimation de la population du loup a fait l’objet d’une évolution en 2024, pour trois raisons.
Premièrement, l’OFB publiait jusqu’alors deux chiffres par an et il a été décidé de disposer d’une estimation unique pour une meilleure lisibilité ; deuxièmement, les marges d’erreur de l’ancienne méthodologie étaient de plus en plus importantes, ce qui ruinait la confiance à l’égard des chiffres et nourrissait la colère des éleveurs ; troisièmement, vous admettrez qu’il existait un réel besoin de transparence.
La nouvelle méthode, basée sur les données génétiques, a été présentée aux membres du groupe national Loup à la fin de l’année 2024, pour une mise en œuvre en 2025.
Je peux vous assurer que, grâce au travail de l’OFB, cette nouvelle méthode, unique en Europe, permet de disposer rapidement d’une estimation fiable de la population. Nous aurons, en tout état de cause, à juger de son opportunité.
Cette année, les efforts de l’OFB portent sur une meilleure répartition de la collecte des indices afin d’assurer un suivi homogène. Pour cela, l’Office a développé une carte accessible au grand public sur le site loupfrance.fr. Vous pourrez y retrouver les indices recueillis pour la Nièvre et le traitement qui leur a été réservé. Cela apporte un gage de transparence essentiel dans ce dossier.
Les données que vous évoquez, et leur traitement, relèvent de l’ancienne méthode. Grâce à la nouvelle, appuyée sur l’analyse de l’ADN des individus, un suivi plus fiable pourra être établi. Au fil des années, cela permettra de mieux comprendre comment les loups se répartissent, de mieux réguler leur présence et ainsi de mieux répondre aux attaques qu’ils opèrent sur nos élevages.
M. le président. Il faut conclure.
Mme Annie Genevard, ministre. Tel est le vœu que je forme et je peux vous assurer, madame la sénatrice, que j’y porterai une attention toute particulière.
M. le président. La parole est à Mme Nadia Sollogoub, pour la réplique.
Mme Nadia Sollogoub. Vous avez toute ma confiance, madame la ministre, mais l’essentiel est maintenant de s’assurer que cette méthode de comptage va mettre en évidence combien le loup a échappé à tout contrôle dans mon département : onze attaques en 2023, quarante-huit en 2024 et déjà trente-neuf en 2025.
Peu importe, finalement, que la méthode de comptage soit efficace, il est désormais absolument vital d’obtenir des autorisations de régulation. En leur absence, les éleveurs connaissent actuellement un immense sentiment d’abandon. Ils se trouvent dans une situation absolument dramatique : toutes les nuits, la seule question est de savoir où le carnage aura lieu. Des milices s’organisent !
Nous sommes en territoire de bocage, il est donc absolument impossible, vous le savez très bien, de rentrer toutes les nuits tous les agneaux et tous les veaux. Les procédures sont très longues, d’une extrême complexité, totalement inefficaces et, pour finir, incompréhensibles. Les éleveurs sont au bord du gouffre, fous de rage et de désespoir.
Il faut absolument que cette méthode de comptage colle à la réalité et que nous puissions, de façon réactive, efficace et urgente, apporter des réponses et réguler le loup dans nos départements, où l’animal a échappé à tout contrôle.
conséquences de la réglementation européenne relative au contrôle des salmonelles sur la filière avicole française
M. le président. La parole est à M. Christian Klinger, auteur de la question n° 392, adressée à Mme la ministre de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire.
M. Christian Klinger. Madame la ministre, les producteurs d’œufs traversent une crise majeure.
Actuellement, dès qu’un prélèvement unique détecte une suspicion de salmonelle, tout le cheptel doit être abattu. Or ces résultats sont souvent discutables et des analyses complémentaires réalisées par des laboratoires accrédités montrent régulièrement qu’il n’existe en réalité aucune contamination.
Ce système est un véritable désastre pour les éleveurs. En un an, le cheptel de poules pondeuses en Alsace a chuté de 17 %, soit plus de 175 000 volailles en moins. Certains exploitants sont à bout. Toute la filière est en danger, alors même que nous continuons d’importer des œufs de pays extra-européens, dans lesquels les règles sanitaires sont bien moins strictes.
Pourtant, il existe des solutions qui pourraient être mises en œuvre rapidement : ajouter un second test de confirmation avant l’abattage, comme cela se pratique déjà en Belgique et aux Pays-Bas, tester directement les œufs destinés à la consommation, car c’est là que se situe le véritable risque pour le consommateur, plutôt que d’analyser des poussières ou des fientes, ou encore assouplir les règles quand les œufs sont destinés à être consommés après un traitement thermique.
Par ailleurs, l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses), saisie depuis le début de 2023 pour revoir ses procédures, n’a toujours pas rendu ses conclusions. Il est donc urgent de savoir quelles mesures seront prises pour répondre aux attentes des éleveurs et éviter l’effondrement de cette filière essentielle.
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Annie Genevard, ministre de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire. Monsieur le sénateur, la filière œuf est l’une des rares dans laquelle nous sommes en situation de souveraineté alimentaire. Elle a donc une valeur particulière à mes yeux. Les consommateurs ne s’y trompent pas, ils plébiscitent l’œuf, en particulier l’œuf français.
Vous me posez une question légitime quant à la salmonellose, à l’origine de nombreuses intoxications alimentaires, dont l’enjeu est important pour la santé publique, mais aussi pour la filière des ovoproduits.
Les méthodes de prélèvement en élevage sont basées sur les caractéristiques propres des salmonelles. Les volailles en étant des porteurs sains, les bactéries sont excrétées de façon intermittente dans l’environnement par leurs fientes. Cette intermittence rend difficile leur détection. C’est pour cette raison scientifique que la réglementation prévoit qu’un prélèvement positif suffit à en démontrer la présence.
Concernant les résultats d’analyse, j’attire votre attention sur le fait qu’ils émanent de laboratoires agréés soumis à des essais interlaboratoires, supervisés par le laboratoire national de référence. Ils sont donc particulièrement fiables.
Par ailleurs, mon ministère a saisi l’Anses sur l’optimisation des méthodes actuelles de prélèvement en élevage. Une étude est en cours et la restitution des travaux aura lieu au début de l’automne 2025.
Pour ce qui est de l’impact économique, les élevages bénéficiant de la charte sanitaire, c’est-à-dire ceux qui prennent toutes les mesures de prévention contre l’introduction de salmonelles, sont indemnisés à la suite de la découverte de la présence de ces bactéries.
Enfin, d’un point de vue de santé publique, les salmonelles présentes sur les viandes de volaille peuvent être tout aussi dangereuses que celles qui se trouvent dans les œufs.
Ainsi, la viande de volaille issue d’animaux contaminés par une salmonelle peut s’avérer extrêmement dangereuse, soit en raison d’une cuisson incomplète, parfois sous l’effet de nouveaux modes de consommation, soit à la suite d’une contamination croisée lors de la préparation des repas. De telles situations sont susceptibles de provoquer des salmonelloses chez le consommateur.
Il nous faut donc tout mettre en œuvre pour préserver la santé humaine, mais aussi la confiance dans les produits et ainsi assurer la pérennité de nos filières.
M. le président. La parole est à M. Christian Klinger, pour la réplique.
M. Christian Klinger. Je vous remercie de votre réponse, madame la ministre. Attendons les résultats de l’enquête de l’Anses en septembre prochain – je forme le vœu que ces délais soient tenus.
Néanmoins, les producteurs d’œufs me disent très souvent que, lorsque des salmonelles sont détectées dans les fientes ou dans les poussières, elles ne sont pas toujours présentes dans les œufs. S’il faut évidemment faire preuve de prudence en la matière, abattre tout un cheptel pourrait se révéler excessif et ne serait pas toujours justifié.
Un deuxième test avant l’abattage serait alors une solution. Une fois que le cheptel est abattu, un laps de temps très long s’écoule avant que la volaille ne puisse de nouveau pondre des œufs.
Vous l’avez dit, cette filière est importante en France et les Français aiment les œufs !
fièvre catarrhale ovine : préparation de la prochaine épidémie
M. le président. La parole est à M. Guillaume Gontard, auteur de la question n° 393, adressée à Mme la ministre de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire.
M. Guillaume Gontard. Déjà fragilisé par la concurrence étrangère et par des prix de vente des animaux insuffisants, l’élevage français fait désormais face à une accumulation de périls sanitaires.
Depuis l’été dernier, 26 000 élevages ont été touchés par la fièvre catarrhale ovine, qui a entraîné une surmortalité des animaux de 10 % au niveau national.
Dans le nord-est de la France, pour la fièvre catarrhale ovine sérotype 3 (FCO-3), et en Auvergne-Rhône-Alpes, pour la fièvre catarrhale ovine sérotype 8 (FCO-8), c’est, hélas, une hécatombe.
À la suite des alertes des éleveurs et des parlementaires, votre ministère a réagi en urgence : 14 millions de doses de vaccins contre la FCO ont été commandées l’an dernier et des avances d’indemnisation ont été versées sur la base des déclarations des éleveurs. Ces efforts de vaccination et de simplification administrative doivent évidemment être salués : ils ont permis de réduire la mortalité et de sauver la trésorerie de milliers d’exploitations.
Pour autant, cette réponse est incomplète, car les vaccins manquent toujours et la France est encore dépendante d’importations pour se les procurer.
Surtout, il nous faut nous préparer aux futures épidémies, qui vont se multiplier dans les années à venir. Le réchauffement climatique et les échanges internationaux entraînent l’arrivée de nouvelles maladies auxquelles nous sommes très peu préparés, comme la FCO et ses différents variants ou la maladie hémorragique épizootique (MHE).
Ces nouvelles maladies requièrent une véritable anticipation, une planification, une coordination, une adaptation, et les éleveurs attendent à ce titre des réponses de l’État.
Vous avez lancé les assises du sanitaire animal. Quel en est le périmètre ? Au vu de l’urgence, quelles mesures allez-vous prendre dès maintenant pour garantir la disponibilité des vaccins ?
Par ailleurs, alors que de nouvelles souches de virus pour lesquelles nous n’avons pas de vaccins apparaissent, comme la FCO-12 aux Pays-Bas, quels moyens allez-vous mettre en œuvre pour renforcer la recherche scientifique, les services vétérinaires et l’équarrissage ?
Enfin, comment allez-vous prendre en compte les spécificités de l’élevage en plein air, plus résilient, afin que celui-ci ne soit pas pénalisé par des règles conçues pour l’élevage en hangar ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Annie Genevard, ministre de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire. Monsieur le président Guillaume Gontard, vous me posez une question légitime à laquelle je n’ai eu de cesse de répondre avec le Gouvernement depuis le premier jour de mon arrivée au ministère, depuis le premier jour de la crise sanitaire qui touche le cheptel français. Je vous remercie à ce titre d’avoir rappelé les différentes mesures que nous avons mises en place.
Du 2 août 2024 au 16 février 2025, une zone régulée a été créée afin de limiter l’extension de la maladie et de préserver les échanges commerciaux avec les autres États membres.
Dès le printemps 2024, une ambitieuse campagne de vaccination a été déployée sur l’ensemble du territoire, effective à partir du mois d’août 2024. L’État a passé commande de 14 millions de doses de vaccins, pour un montant de 37 millions d’euros, afin de réduire les conséquences sanitaires sur les cheptels.
En dépit d’un contexte budgétaire défavorable, j’ai mis en place dès mon arrivée au Gouvernement, avec l’accord du Premier ministre de l’époque, un fonds d’urgence exceptionnel de 75 millions d’euros, qui a permis de répondre à l’intégralité des demandes d’indemnisation déposées.
Par ailleurs, le Gouvernement a tenu son engagement de réactivité pour aider les éleveurs en déployant deux guichets : un guichet « avance », qui a permis de répondre à l’urgence en novembre 2024 à hauteur de 30 %, puis un guichet « solde », ouvert du 30 janvier au 14 février 2025, devant lequel près de 9 425 dossiers ont été déposés et sont en cours d’instruction et de règlement par mes services.
Au-delà de ces réponses en urgence, je suis convaincue qu’une stratégie sanitaire résiliente, axée sur l’anticipation et la prévention des maladies, est nécessaire. C’est pourquoi j’ai lancé les assises du sanitaire animal le 30 janvier dernier, dont j’ai présidé la réunion de lancement devant plus de 200 acteurs du sanitaire et des professionnels de l’élevage.
L’année 2025 sera donc une année de transition, pour laisser le temps aux filières et au ministère de l’agriculture de coconstruire les contrats sanitaires de filières. J’ai demandé à chacune d’entre elles d’élaborer le sien et nous travaillons d’ores et déjà avec elles pour l’anticipation de la campagne de vaccination de 2025.