M. le président. Sur les articles du texte élaboré par la commission mixte paritaire, je ne suis saisi d’aucun amendement.
Le vote est réservé.
Vote sur l’ensemble
M. le président. Avant de mettre aux voix, dans la rédaction résultant du texte élaboré par la commission mixte paritaire, l’ensemble de la proposition de loi, je vais donner la parole, pour explication de vote, à un représentant par groupe.
La parole est à Mme Mireille Jouve, pour le groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)
Mme Mireille Jouve. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la sécurité dans les transports n’est pas un sujet anodin pour les millions de Français qui les utilisent chaque jour pour leur travail ou pour leurs loisirs.
Chercher à favoriser des déplacements sûrs, tenter de renforcer la sérénité dans nos transports publics, les transports scolaires ou lors des périodes de vacances est un impératif pour les élus que nous sommes.
Néanmoins, avant toute chose, il me semble judicieux de rappeler, au moment où nous sommes invités à voter sur des dispositions qui ont fait l’objet d’un accord en commission mixte paritaire, que nous allons nous prononcer sur une proposition de loi déposée par un sénateur des Alpes-Maritimes, M. Philippe Tabarot, qui est, depuis un peu plus de trois mois, ministre chargé des transports.
Ces circonstances, somme toute assez rares, soulignent que le travail que nous effectuons au sein de notre assemblée est loin d’être vain, mes chers collègues. Notre travail est aussi ancré dans les préoccupations quotidiennes de nos concitoyens, contrairement à ce que d’aucuns peuvent imaginer ou dire, n’hésitant jamais à dénigrer la représentation nationale.
Lors des différentes discussions qui ont accompagné l’élaboration du texte, le groupe du RDSE a rappelé, à de nombreuses reprises, la nécessité d’assurer un continuum de sécurité pour les usagers et de le faire en facilitant le travail des agents des différents services qui en ont la charge.
L’an dernier, en accord avec le promoteur de ce texte et bon nombre d’observateurs, décideurs, acteurs associatifs ou agents des réseaux de la SNCF ou de la RATP, nous avons souligné notre inquiétude face à la dureté de certains chiffres. Près de 120 000 vols et violences ont été recensés dans les transports en 2023, plus de 3 300 victimes de violences sexuelles ou sexistes en 2024 – un chiffre en augmentation de 86 % en près de dix ans, et 91 % des victimes étaient des femmes !
Comment accepter sans ciller de tels constats ?
À l’évidence, il était nécessaire, que dis-je, il était indispensable, pour commencer à y répondre, d’octroyer aux agents les moyens nécessaires à la sécurisation des transports en commun. Parallèlement, il était urgent de combler les lacunes de la législation pénale en vigueur.
Toutefois, et chacun ici s’en souvient, nous avons formulé plus que des réserves devant certains amendements dont l’adoption aurait remis en cause l’équilibre entre sécurité et libertés publiques.
Je constate, et le groupe du RDSE fait de même, que la commission mixte paritaire a su maintenir un juste équilibre dans ses conclusions. Sans doute ce résultat a-t-il été possible parce que le pragmatisme l’a emporté.
Ainsi, le niveau des amendes relatives aux oublis de bagages, qui empoisonnent le quotidien des usagers des gares et occasionnent des retards horripilants, a été établi de façon raisonnable.
Nous remarquons avec satisfaction que le texte issu du dialogue constructif entre députés et sénateurs clarifie les missions des services de la SNCF et de la RATP, tout en renforçant leurs pouvoirs sur le terrain.
Par ailleurs, les dispositions de vidéosurveillance algorithmique ou liée à l’intelligence artificielle, expérimentées durant les jeux Olympiques de 2024, seront prolongées jusqu’en 2027. Nous souhaitons que ce délai permette d’établir les évaluations indispensables pour juger de leur efficacité et décider de leur pérennisation, sans remise en cause des droits fondamentaux des personnes.
À l’évidence, ce texte apporte des réponses concrètes afin de favoriser une vision plus globale de la sécurité, de mieux se déplacer et de voyager plus sereinement.
Ne nous leurrons pas, cependant.
Le chantier pour restaurer la sécurité dans les transports publics ne s’arrête pas à la porte des gares et ne se limite pas aux rames de métro ou de chemins de fer, pas plus qu’aux bus qui sillonnent nos villes et nos campagnes. Personne ne peut ignorer la prégnance de la menace terroriste ni la réalité des actes délictueux et des incivilités qui émaillent la vie quotidienne des Français.
Il nous appartient, en tant que législateurs, de continuer à forger des réponses concrètes, pratiques, qui ne cèdent pas à l’idéologie, mais qui privilégient le pragmatisme pour continuer, chaque jour, à améliorer la vie de nos concitoyens. Cette tâche est une invitation collective à renforcer l’éducation, à recoudre le lien social et à veiller à l’application de mesures justes, mais fermes, pour lutter contre les incivilités et les violences.
C’est un combat de longue haleine. Ce texte y participe. C’est pour cette raison, mes chers collègues, que le groupe du RDSE votera pour son adoption. (Applaudissements sur les travées des groupes RDSE et UC.)
M. le président. La parole est à Mme Isabelle Florennes, pour le groupe Union Centriste. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
Mme Isabelle Florennes. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, comme j’ai déjà eu l’occasion de le dire ici au moment de la discussion, le 13 février 2024, de la proposition de loi de notre ancien collègue Philippe Tabarot, désormais ministre chargé des transports, que je salue, ce texte s’inscrit dans une continuité juridique et répond malheureusement à une augmentation de la violence et des actes d’incivisme dans notre société.
Il est le prolongement de la loi du 22 mars 2016 relative à la prévention et à la lutte contre les incivilités, contre les atteintes à la sécurité publique et contre les actes terroristes dans les transports collectifs de voyageurs, dite loi Le Roux-Savary.
Nous examinons donc aujourd’hui le texte approuvé par la commission mixte paritaire le 6 mars dernier, quasiment jour pour jour à la date anniversaire de la promulgation de cette loi.
Cette coïncidence a été rendue possible grâce non seulement au travail de qualité réalisé par les deux rapporteurs, notre collègue Nadine Bellurot et le député Guillaume Gouffier Valente, que je salue également, lesquels ont su lever des objections et parvenir à un accord sur les trente-deux articles constituant ce texte, mais aussi à une volonté de dialogue de l’Assemblée nationale et du Sénat ayant permis de supprimer des dispositions qui auraient pu être déclarées anticonstitutionnelles. Je pense à la possibilité de transaction en cas de délit.
Ce travail de consensus a répondu aussi au principe, maintes fois répété par le Conseil d’État, du juste équilibre entre sécurité et préservation des libertés, précepte essentiel pour préserver notre État de droit.
Jean de la Fontaine disait que « l’adversaire d’une vraie liberté est un désir excessif de sécurité » et a illustré ce précepte dans la fable Le Loup et le chien. Cette proposition de loi répond non à un désir excessif de sécurité, mais à une réalité objective.
Comme il a été rappelé, le nombre annuel total de faits de vol et de violence recensés dans les transports s’est élevé à 118 440 en 2023.
Chaque année, depuis 2016, cette statistique baisse lentement, et ce malgré une fréquentation croissante du nombre d’usagers. Cela est dû aux effets de la loi Le Roux-Savary, qui a notamment permis le déploiement de la vidéoprotection et l’augmentation de moyens humains dans les transports publics.
Je suis persuadée qu’il continuera à baisser grâce aux nouvelles prérogatives attribuées aux agents des services internes de sécurité de la SNCF et de la RATP et aux nouveaux moyens technologiques accordés à ces opérateurs de transport par le présent texte, telle la pérennisation du recours aux caméras-piétons.
Face à ces nouveaux droits, je tiens aussi à relever que le texte crée de nouvelles obligations aux transporteurs, comme celle d’interdire la fonction de conducteur de transport de véhicule aux personnes mentionnées au fichier judiciaire national automatisé des auteurs d’infractions sexuelles ou violentes. Il prend aussi en compte le traitement de nouvelles formes d’incivilités par la création notamment du délit de transport surfing.
Mes chers collègues, au regard de l’esprit consensuel qui a présidé à l’élaboration de ce texte, je n’en dirai pas plus, si ce n’est que le groupe Union Centriste l’approuve pleinement. (Applaudissements sur les travées des groupes UC, RDSE, RDPI et INDEP.)
M. le président. La parole est à Mme Marianne Margaté, pour le groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky.
Mme Marianne Margaté. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, il y a un peu plus d’un an, le Sénat adoptait la proposition de loi relative au renforcement de la sûreté dans les transports, déposée par le sénateur Philippe Tabarot, aujourd’hui ministre.
Déjà, à l’époque, le groupe CRCE-K s’était opposé à ce texte, pour toutes les incohérences qu’on y trouve et l’ensemble des sanctions proposées, des plus inefficaces aux plus disproportionnées.
Son passage à l’Assemblée nationale, puis en commission mixte paritaire, n’a pas suffi à lever nos interrogations. Jugez plutôt.
On crée un délit de transport surfing, qui est le fait d’« utiliser comme engin de remorquage ou de se tenir sur les marchepieds ou à l’extérieur dudit véhicule pendant la marche sans autorisation ». C’est en effet un geste stupide, dangereux certainement, dont la sanction sera suffisamment douloureuse en cas de choc pour que celui qui en sera l’auteur ne recommence pas. C’est toutefois suffisamment rare pour que, je pense, personne ici n’y ait jamais été confronté.
Nous nous réjouissons évidemment de la suppression du délit d’incivilité d’habitude, de la suppression du traitement algorithmique pour accélérer les réquisitions judiciaires, ainsi que de toutes les mesures qui, nous n’en doutons pas, seraient certainement plébiscitées dans d’autres pays.
Malheureusement, il en reste d’autres. Je pense au renforcement des sanctions à l’égard des oublis de bagages, alors que ces oublis sont, par définition, non intentionnels, au renforcement des prérogatives des agents de police judiciaire adjoints dans les transports, là où ce n’est pas forcément leur rôle, et à la possibilité d’intervenir dans l’espace public, en dehors des gares, pour les agents de sûreté, y compris d’entreprises privées.
L’expérimentation de l’usage de traitements algorithmiques avec caméras et drones est prolongée ; le dispositif sera sans doute pérennisé.
Le plus inquiétant ici, ce sont tout autant les mesures les plus graves du texte que celles qui en sont absentes et qui auraient été pourtant nécessaires. Elles sont d’ailleurs aussi absentes de la feuille de route du Gouvernement !
Quels trains allez-vous sécuriser, lorsque toutes les petites lignes auront fermé ? Quels passagers aurez-vous à protéger, lorsqu’ils seront tous dans leur voiture ou bloqués dans leur village où la gare aura fermé ?
Il y a moins de cent ans, notre pays comptait 60 000 kilomètres de voies ferrées, contre 28 000 aujourd’hui, – et nous n’allons pas dans le bon sens.
L’ouverture à la concurrence incitera les opérateurs à se concentrer sur les lignes les plus rentables et à délaisser les moins empruntées, qui sont pourtant les plus indispensables pour désenclaver nos territoires, et encourager leur dynamisme et la transition des mobilités.
Ces remarques sont valables pour le transport de voyageurs, mais aussi pour le transport de marchandises. Les deux sont mis à mal. Alors qu’il faudrait légiférer pour soutenir le développement et l’entretien du réseau, alors qu’il faudrait parler service public des transports, nous parlons transport surfing et caméras de surveillance !
Il est plus facile de taguer un train à l’arrêt qu’un train qui roule, et moins anxiogène d’attendre dans une gare des trains aux fréquences régulières, plutôt qu’un train aux passages aléatoires, retardés ou annulés.
Oui, il faut renforcer la sûreté des transports, et d’abord en rénovant les voies ferrées pour éviter les accidents, mais aussi pour ne pas avoir à ralentir, à perdre en compétitivité et à devoir finalement fermer des lignes.
Vous l’aurez compris, le groupe CRCE-K votera contre ce texte, en espérant que le ministre chargé des transports profitera de ses nouvelles fonctions pour présenter des projets de loi plus audacieux et utiles pour la mobilité de nos concitoyennes et nos concitoyens. (M. Guy Benarroche applaudit.)
M. le président. La parole est à M. Guy Benarroche, pour le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)
M. Guy Benarroche. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, comme nous l’avons déjà souligné devant son auteur, désormais ministre chargé des transports, lors de l’examen en première lecture de ce texte, au mois de février 2024, le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires regrette que le sujet essentiel du développement des transports collectifs n’ait été abordé que sous son aspect sécuritaire.
Nous attendons et demandons toujours un grand projet de loi pour la mise en place d’un report modal si nécessaire à la transition écologique de notre pays. Je m’inscris dans le droit fil des propos tenus par Marianne Margaté.
Nous avons aussi déjà déploré le format retenu, à savoir une proposition de loi, mon collègue Jacques Fernique ayant soulevé les difficultés posées par l’absence d’étude d’impact lors des travaux de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable.
Certes, cette proposition de loi permet une réponse rapide et précise à certaines problématiques soulevées sur le terrain. Nous saluons les travaux et la plupart des constats et diagnostics de l’auteur de la proposition de loi et de la commission. Cependant, comme toujours, nous déplorons qu’aucune mesure d’évaluation des mesures existantes n’ait été réalisée au préalable.
Le texte adopté par la commission mixte paritaire ne tient pas suffisamment compte des écueils que nous avions relevés dès la lecture de ce texte dans notre hémicycle.
Commençons par le désengagement progressif de l’État en matière de sécurité publique, qui est sa compétence régalienne. Le sujet est pour nous crucial : ce transfert, ces délégations de compétence, ce continuum de sécurité, deviennent trop souvent un continuum sécuritaire.
Mon collègue Thomas Dossus a déjà défendu cette position lors de l’examen de ce qui allait devenir la loi pour une sécurité globale préservant les libertés : il avait alerté mis en garde contre cette tendance à la confusion des genres. Les premiers travaux de la mission sénatoriale d’information sur les polices municipales le démontrent aussi. Le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires ne peut que s’y opposer.
Nous avons, par exemple, demandé la suppression de l’article 6, qui prévoit l’extension du continuum de sécurité – à savoir cette confusion de compétences entre les différentes forces de sécurité –, avec le libre accès des agents de la police municipale aux espaces et matériels roulants des transports de voyageurs, aux espaces de transport et aux trains en circulation.
Ce texte, sorte de marronnier sécuritaire, néglige les aspects de prévention et de dissuasion. Il dilue l’autorité régalienne auprès de forces de sécurité hors de son contrôle, alors qu’il conviendrait plutôt de recruter davantage d’agents des forces de l’ordre, de mieux les former et de bien les rémunérer.
On nous oppose toujours le pragmatisme, mais le pragmatisme consiste à mettre les moyens là où ils sont utiles. Le prix du pragmatisme ne doit pas être une course vers la société de surveillance, l’emploi de technologies d’enregistrement sans contrôle, la multiplication de fichiers, et j’en passe.
Nous regrettons également la rédaction qui a été retenue de l’article 8 : elle spécifie que l’enregistrement vidéo n’est pas permanent, alors que nous demandions qu’il le soit, les images pouvant être trompeuses.
En choisissant le moment où ils déclencheront l’enregistrement, les agents auront la possibilité de montrer les événements sous le jour qui leur convient. Rendre l’enregistrement permanent aurait écarté ce risque et renforcé la confiance des usagers envers les agents.
Ce texte a pour ambition d’accroître les prérogatives des forces de sécurité dans les transports en commun, les gares et leurs abords, mais il crée aussi de nouveaux délits et renforce massivement les dispositifs de surveillance dans l’espace public.
Ainsi, nous sommes également opposés à l’article 18, qui autorise les fouilles et les palpations. Bien qu’il soit précisé que le consentement de la personne sera nécessaire, les agents ne seront pas tenus – nous en avions, pour notre part, fait la demande – d’informer les personnes de leur droit de refuser que l’on effectue sur eux une palpation de sûreté ou une fouille de leurs effets personnels.
Concernant l’article 19, nous avions fait part, dès la première lecture en séance publique, de notre opposition à un décret qui fixerait les modalités de sélection des personnes morales de droit privé amenées à récolter des données sensibles, fiscales et sociales auprès des administrations publiques et des organismes de sécurité sociale dans les cas de recouvrement des sommes dues pour des contraventions.
Notre groupe, attaché aux libertés et particulièrement inquiet des possibles dérives liées à la protection des données à caractère personnel, ne peut accepter le flou entourant le choix et la formation des personnes pouvant accéder à ces données sensibles.
J’ai cherché dans cette nouvelle version du texte des points positifs et d’éventuelles améliorations.
La suppression de l’article 12, qui prévoyait de créer un délit d’incivilité habituelle et qui mettait sur le même plan le vapotage, la mendicité, la détention d’arme à feu et le fait de troubler la tranquillité d’autrui par des bruits, en fait sûrement partie.
Un ronfleur, une personne au clavier trop bruyant et une personne détenant une arme à feu risquaient en effet les mêmes peines : six mois d’emprisonnement et 7 500 euros d’amende. C’était d’autant plus absurde que cet article d’affichage ne répondait même pas à l’objet de la proposition de loi.
Mes chers collègues, comme le rappelait Mme la rapporteure, les gares ferroviaires, les stations de métro et de bus, les réseaux ferrés et les véhicules de transport sont, par nature, vulnérables à des menaces qui sont bien réelles et bien identifiées.
Pour autant, les mesures prévues dans ce texte ne permettent que trop peu la prévention de délits ou d’attaques, et font peser sur les utilisateurs ou usagers le risque d’un contrôle arbitraire au-delà du raisonnable.
Pour ces raisons, et puisque la commission mixte paritaire n’a pas su revenir sur les mesures auxquelles notre groupe s’était déjà opposé en première lecture, nous voterons contre le texte. (Applaudissements sur les travées des groupes GEST et CRCE-K.)
M. le président. La parole est à Mme Marie-Pierre de La Gontrie, pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous voilà donc au bout du parcours parlementaire de ce texte, qui traite d’un sujet ayant suscité de nombreuses initiatives, au Sénat comme à l’Assemblée nationale, parmi lesquelles celle de notre ancien collègue Philippe Tabarot, très investi depuis toujours sur ces questions.
Si notre famille politique a voté contre ce texte lors de son examen à l’Assemblée nationale, les suppressions, en commission mixte paritaire, de l’interdiction administrative de transport pour les personnes considérées comme menaçantes, de l’utilisation de logiciels d’intelligence artificielle, du dispositif de collecte et de traitement de données sensibles par les agents de sûreté de la SNCF ou de la RATP, du délit d’incivilité d’habitude ou encore du fichier créé au bénéfice des agents de sûreté sont des améliorations intéressantes et qui, en tout cas, sont plus conformes à nos vœux.
Toutefois, certaines des mesures préoccupantes ayant justifié notre opposition initiale demeurent.
Je veux parler de la trop forte extension des pouvoirs des agents de sûreté, dont je rappelle qu’il s’agit d’agents de sécurité privée, et qui seront désormais habilités à procéder à des fouilles ou à des palpations, et à faire usage de Taser.
Au fond, le plus gênant est la privatisation croissante des missions de sécurité, ainsi que l’extension auxdits agents, cela a été rappelé, du pouvoir d’injonction. L’infraction d’abandon involontaire ou volontaire de bagages a également été maintenue.
Ce texte ne permet pas, au bout du compte, d’avoir une approche globale de la sûreté dans les transports. Il s’agit, en quelque sorte, d’une occasion manquée.
Néanmoins, certaines dispositions sont intéressantes et nous y sommes favorables. Je pense évidemment aux mesures favorisant la coopération et la coordination entre les forces de sécurité publiques ou privées, au développement des caméras-piétons pour les agents de sûreté, à la création d’un numéro unique de signalement ou encore au renforcement de la lutte contre la fraude.
Finalement – je ne maintiendrai pas le suspense que je sens insoutenable (Mme la rapporteure sourit.) –, nous aurions pu voter en faveur de ce texte, s’il n’avait pas marqué d’une manière aussi forte ce glissement vers la privatisation de la sécurité et ce transfert de compétences de la police nationale vers la police municipale ou vers des entreprises dont nous savons que le personnel ne bénéficie pas du même type de formation.
Nous pouvons d’ailleurs nous interroger : à force de coercition, n’allons-nous pas bientôt rencontrer un problème de non-respect de la liberté d’aller et venir ?
Je vous rassure, monsieur le ministre, je ne suis pas en train de vous annoncer, sur ce texte, une saisine du Conseil constitutionnel ! Nous aurons bien d’autres occasions de le faire, compte tenu des textes extrêmement inquiétants qui viennent en discussion cette semaine devant le Sénat.
En résumé, la présente proposition de loi n’apporte pas, à nos yeux, de garanties suffisantes en matière de respect des libertés publiques, et est sous-tendue par une approche exclusivement répressive, comme l’ont dit notamment mes collègues Margaté et Benarroche.
J’ai été élue au conseil régional d’Île-de-France pendant quinze ans. La question des transports et de leur sécurité y est omniprésente, mais nous savons très bien que la répression ne suffit pas. Bien d’autres aspects n’ont pas été traités dans ce texte.
Notre groupe a tout de même décidé de positiver son vote de première lecture et s’abstiendra sur le texte issu de la commission mixte paritaire. (Mme la rapporteure exprime sa satisfaction.)
M. le président. La parole est à M. Marc Laménie, pour le groupe Les Indépendants – République et Territoires.
M. Marc Laménie. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la période des jeux Olympiques nous a fait découvrir un Paris quelque peu idéalisé : une ville propre, des transports en commun fonctionnels, et surtout une tranquillité publique que la capitale n’avait pas connue depuis des décennies.
Cet épisode enchanté n’aura malheureusement duré qu’un été et concerné que quelques villes de France.
L’utopie d’une ville parfaite dans une société apaisée, telle que Thomas More l’a décrite au XVIe siècle, a pris fin, et nos concitoyens ont redécouvert à la rentrée des transports en commun où la saleté, l’insécurité et les incivilités que quelques-uns imposent aux autres sont la règle.
La reprise de l’examen de la proposition de loi relative au renforcement de la sûreté dans les transports, interrompue en juillet dernier, devenait nécessaire. Je salue au passage le travail de la rapporteure et de ses collègues, et je félicite mes collègues députés et sénateurs d’être parvenus à un accord en commission mixte paritaire.
En effet, le transport routier étant, au travers de ses émissions de gaz à effet de serre, l’un des principaux contributeurs à la pollution atmosphérique, la transition, que je soutiens largement, des transports du quotidien de la voiture individuelle vers les transports en commun est chaque jour une réalité de plus en plus présente pour nos concitoyens.
Pour autant, nous ne pouvons pas continuer à inciter les Français à changer leurs habitudes si nous leur offrons comme solution de remplacement des transports en commun constamment en retard et peu sûrs.
Nos collectivités territoriales sont le fer de lance du développement des transports en commun. Elles investissent constamment pour que les trains, les trams ou les métros soient plus nombreux, plus propres et ponctuels.
Cependant, pour convaincre nos concitoyens d’emprunter ces transports et récompenser les investissements des élus locaux, la question de la sûreté doit impérativement être résolue par les opérateurs et, surtout, par les services de l’État.
Monsieur le ministre, permettez-moi de vous le dire : en matière de sûreté dans les transports, la situation n’est vraiment pas satisfaisante. En effet, la très nette augmentation des incivilités et des violences, et plus particulièrement des violences sexuelles, doit nous alerter.
Nous devons nous adresser aux 3 374 victimes de violences sexuelles dans les transports en commun enregistrées en 2024 par les services de police et de gendarmerie, un chiffre en augmentation de 86 % depuis 2016 selon l’observatoire de la mission interministérielle pour la protection des femmes contre les violences et la lutte contre la traite des êtres humains. Nous devons leur dire que ces violences doivent cesser.
C’est l’un des objectifs de cette proposition de loi, qui a fait l’objet d’un accord en commission mixte paritaire le 6 mars dernier.
Le texte renforce les missions et les capacités d’action de la sûreté ferroviaire, de la sûreté de la RATP et des agents de sécurité privée employés dans les gares et dans les transports en commun.
En venant à Paris aujourd’hui, j’ai rencontré la Suge en gare de Reims. Il est important de dialoguer avec les personnes engagées sur le terrain, et la question des moyens humains et des effectifs est primordiale. De même, les partenariats avec la gendarmerie, la police nationale et les polices municipales sont indispensables.
Le texte prévoit notamment un droit de poursuite sur la voie publique, un pouvoir d’éviction des transports en commun et la possibilité de prononcer une interdiction d’accès à ces transports.
La capacité des agents de visionner les images de vidéosurveillance captées dans les transports pour identifier les auteurs d’infractions sera étendue, et une expérimentation leur permettra d’être équipés de caméras-piétons.
Pour mieux protéger nos enfants, les opérateurs de transport scolaire à Mayotte auront la possibilité de filmer la voie publique au moyen de caméras frontales et latérales embarquées.
Pour réagir aux situations les plus violentes, certains agents chargés de la sécurité des voyageurs pourront même être équipés de pistolets à impulsion électrique.
Concernant le traitement des incivilités, l’arsenal juridique est renforcé par des dispositions relatives à la lutte contre la fraude, aux abandons de bagages, aux entraves à la circulation ou encore au transport surfing.
Enfin, les opérateurs de transport seront informés du retrait éventuel du permis de conduire des conducteurs de véhicules, afin que ces derniers puissent, le cas échéant, être écartés. Seront aussi retirés du service les agents condamnés pour des infractions violentes ou sexuelles, ou à caractère terroriste.
Voilà, mes chers collègues, quel est l’objet de ce texte très attendu par les acteurs des transports en commun et, surtout, par les usagers.
Les sénateurs du groupe Les Indépendants – République et Territoires voteront, en responsabilité, les conclusions de la commission mixte paritaire sur cette proposition de loi. (MM. Jean-François Longeot et Laurent Somon applaudissent.)