Sommaire

Présidence de M. Alain Marc

Secrétaires :

Mme Sonia de La Provôté, M. Mickaël Vallet.

1. Procès-verbal

2. Sûreté dans les transports. – Adoption des conclusions d’une commission mixte paritaire sur une proposition de loi

Mme Nadine Bellurot, rapporteure pour le Sénat de la commission mixte paritaire

M. Patrick Mignola, ministre délégué chargé des relations avec le Parlement

Texte élaboré par la commission mixte paritaire

Vote sur l’ensemble

Mme Mireille Jouve

Mme Isabelle Florennes

Mme Marianne Margaté

M. Guy Benarroche

Mme Marie-Pierre de La Gontrie

M. Marc Laménie

M. Hervé Reynaud

Mme Solanges Nadille

Adoption, par scrutin public n° 230, de la proposition de loi dans le texte de la commission mixte paritaire.

3. Mise au point au sujet de votes

Suspension et reprise de la séance

4. Débat préalable à la réunion du Conseil européen des 20 et 21 mars 2025

M. Benjamin Haddad, ministre délégué chargé de l’Europe

M. Pascal Allizard, vice-président de la commission des affaires étrangères ; M. Benjamin Haddad, ministre délégué chargé de l’Europe.

M. Jean-François Longeot, président de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable ; M. Benjamin Haddad, ministre délégué chargé de l’Europe.

M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances ; M. Benjamin Haddad, ministre délégué chargé de l’Europe.

M. Jean-François Rapin, président de la commission des affaires européennes ; M. Benjamin Haddad, ministre délégué chargé de l’Europe ; M. Jean-François Rapin.

Mme Catherine Morin-Desailly ; M. Benjamin Haddad, ministre délégué chargé de l’Europe.

Mme Cathy Apourceau-Poly ; M. Benjamin Haddad, ministre délégué chargé de l’Europe.

M. Jacques Fernique

Mme Audrey Linkenheld ; M. Benjamin Haddad, ministre délégué chargé de l’Europe.

M. Marc Laménie ; M. Benjamin Haddad, ministre délégué chargé de l’Europe.

M. Alain Cadec ; M. Benjamin Haddad, ministre délégué chargé de l’Europe.

Mme Solanges Nadille ; M. Benjamin Haddad, ministre délégué chargé de l’Europe.

Mme Sophie Briante Guillemont ; M. Benjamin Haddad, ministre délégué chargé de l’Europe.

Mme Florence Blatrix Contat ; M. Benjamin Haddad, ministre délégué chargé de l’Europe.

Conclusion du débat

M. Jean-François Rapin, président de la commission des affaires européennes

5. Ordre du jour

compte rendu intégral

Présidence de M. Alain Marc

vice-président

Secrétaires :

Mme Sonia de La Provôté,

M. Mickaël Vallet.

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à seize heures.)

1

Procès-verbal

M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.

Il n’y a pas d’observation ?…

Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.

2

 
Dossier législatif : proposition de loi relative au renforcement de la sûreté dans les transports
Article 1er

Sûreté dans les transports

Adoption des conclusions d’une commission mixte paritaire sur une proposition de loi

M. le président. L’ordre du jour appelle l’examen des conclusions de la commission mixte paritaire chargée d’élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion de la proposition de loi relative au renforcement de la sûreté dans les transports (texte de la commission n° 410, rapport n° 409).

La parole est à Mme la rapporteure.

Mme Nadine Bellurot, rapporteure pour le Sénat de la commission mixte paritaire. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je me réjouis que nous puissions examiner aujourd’hui les conclusions de la commission mixte paritaire sur la proposition de loi relative au renforcement de la sûreté dans les transports, que le Sénat a adoptée il y a un an.

Il s’agit, je le crois, d’un texte profondément utile, qui permet d’apporter des réponses concrètes et opérationnelles à une problématique bien réelle. Selon une enquête publiée récemment par le ministère de l’intérieur, 40 % des Français déclareraient se sentir en insécurité dans les transports. Difficile de leur donner tort, quand on sait que près de 120 000 faits de vols et de violences y ont été commis au cours de la seule année 2023. Les gares ferroviaires, les stations de métro et de bus, les réseaux ferrés ainsi que les véhicules de transport sont, par nature, vulnérables à certaines menaces – je pense en particulier à la menace terroriste et aux violences sexistes et sexuelles.

Il est de notre responsabilité d’agir pour garantir la sécurité de nos concitoyens qui utilisent les transports et des personnels des opérateurs, que nous pouvons remercier, car ils font vivre ce service public auquel nous sommes tous attachés. C’est également, je le crois, une condition du succès du report modal, que la transition écologique impose.

Dans le même temps, il nous appartenait de veiller à préserver, d’une part, les droits et libertés constitutionnels et, d’autre part, la cohérence du continuum de sécurité dans lequel les services de sûreté de la SNCF et de la RATP s’inscrivent parfaitement.

Le texte de compromis qui résulte des travaux de la commission mixte paritaire reflète fidèlement les préoccupations des deux assemblées, tout en apportant les garanties nécessaires pour assurer sa sécurité juridique et in fine son opérationnalité.

Je me concentrerai sur quelques points essentiels.

Les articles 1er à 3 permettent une extension significative des prérogatives des agents des services internes de sécurité de la SNCF – la surveillance générale (Suge) – et de la RATP – le groupe de protection et de sécurité des réseaux (GPSR). Le texte assouplit les conditions dans lesquelles ils peuvent procéder à des palpations de sécurité et leur donne de nouvelles facultés en matière d’interdiction d’entrée dans les gares, de saisie d’objets dangereux et d’intervention sur la voie publique. Ces mesures, adoptées par le Sénat, sont confortées, sous réserve d’ajustements que nous avons jugés nécessaires pour assurer la constitutionnalité du dispositif de saisie.

Le texte prend également en compte les enjeux de sûreté liés à l’ouverture à la concurrence des transports, qui implique l’arrivée d’opérateurs ne disposant ni de Suge ni de GPSR.

C’est la raison pour laquelle l’article 7 permet l’accès d’agents d’Île-de-France Mobilités au centre de coordination opérationnelle de sécurité (CCOS).

L’article 2 bis, introduit par l’Assemblée nationale, permet de renforcer les prérogatives des agents de sécurité privée en matière d’éviction des véhicules dans les gares.

Le texte issu de la commission mixte paritaire conserve les dispositions permettant de renforcer les moyens technologiques des opérateurs de transports, prévues aux articles 8 à 11.

Il conserve ainsi la pérennisation du recours aux caméras-piétons par les contrôleurs. L’expérimentation, conclusive, est étendue aux conducteurs. En outre, l’expérimentation d’un dispositif de captation du son dans les véhicules pour le traitement des incidents, qui est très demandée, est prévue.

Plusieurs autres dispositifs expérimentaux ont été ajoutés lors de l’examen du texte à l’Assemblée nationale et sont conservés. Ils portent, d’une part, sur le recours aux caméras embarquées dans les bus scolaires à Mayotte, qui sont malheureusement la cible d’attaques récurrentes, ainsi que dans les tramways, et, d’autre part, sur la prolongation de l’expérimentation de la vidéoprotection algorithmique qui a été lancée dans le cadre de la loi du 19 mai 2023 relative aux jeux Olympiques et Paralympiques de 2024 et qui arrive à son terme.

La commission des lois du Sénat ne peut que souscrire à cette prolongation, que les rapporteures de la mission d’information consacrée à cette question, Françoise Dumont et Marie-Pierre de La Gontrie, ont préconisée le mois dernier.

Cette expérimentation méritait d’être prolongée, mais le sujet est bien plus vaste et j’espère qu’il donnera lieu à un débat afin que soient examinées les autres propositions d’amélioration en la matière.

Pour ce qui concerne ces dispositifs, il nous est apparu que certaines garanties supplémentaires devaient être apportées, en particulier concernant la captation du son, afin d’assurer leur sécurité juridique.

La proposition de loi renforce également l’arsenal pénal de la police des transports.

L’article 14 aggrave la répression des oublis et abandons de bagages, qui sont lourds de conséquences pour l’exploitation des réseaux. Cela pose de nombreux problèmes – nous en avons tous fait l’expérience, en étant parfois restés bloqués de nombreuses heures.

L’article 15 crée une nouvelle infraction : le bus surfing et train surfing.

Ce texte, d’initiative sénatoriale, intègre enfin des mesures importantes issues des travaux de notre assemblée.

L’article 13 institue ainsi une peine complémentaire d’interdiction de paraître dans les réseaux de transport, dispositif qui a déjà été voté à deux reprises par le Sénat.

L’article 18 bis prévoit un dispositif d’incapacité d’exercice de la fonction de conducteur de transport de véhicule pour les personnes mentionnées au fichier judiciaire national automatisé des auteurs d’infractions sexuelles ou violentes (Fijais), issu de la proposition de loi tendant à renforcer les moyens de surveillance des individus condamnés pour des infractions sexuelles, violentes ou terroristes de notre collègue Marie Mercier, adoptée par le Sénat au mois de novembre dernier.

Je vous invite donc, mes chers collègues, à adopter cette proposition de loi pragmatique, équilibrée et utile. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC et RDSE.)

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Patrick Mignola, ministre délégué auprès du Premier ministre, chargé des relations avec le Parlement. Monsieur le président, madame la rapporteure, mesdames, messieurs les sénateurs, c’est avec plaisir que je représente aujourd’hui mon collègue Philippe Tabarot, ministre chargé des transports, retenu par des négociations européennes, pour la lecture des conclusions de la commission mixte paritaire sur la proposition de loi relative au renforcement de la sûreté dans les transports, un texte qui s’est fait attendre, mais dont l’examen parvient aujourd’hui à son terme !

Ce texte revêt une symbolique toute particulière, puisqu’il revient dans cet hémicycle où il a été adopté il y a plus d’un an, sous l’impulsion de celui qui était alors l’un des vôtres, mesdames, messieurs les sénateurs, mais qui en était aussi l’auteur et le rapporteur pour avis, et qui est aujourd’hui ministre chargé des transports.

Ce texte a également été défendu par celui qui était président de la commission des lois de votre assemblée lors de son examen et qui est aujourd’hui ministre auprès du ministre de l’intérieur. Le Gouvernement y voit une preuve de plus, s’il en fallait, que la Haute Assemblée produit de grands textes, mais favorise aussi les destinées de ceux qui les promeuvent ! (Sourires.)

Mme Nadine Bellurot, rapporteure. On peut en effet se poser la question ! (Nouveaux sourires.)

M. Patrick Mignola, ministre délégué. J’en profite d’ailleurs pour saluer la qualité du travail réalisé par votre assemblée sur ce texte. Je remercie tout particulièrement la rapporteure Nadine Bellurot, la présidente de la commission des lois Muriel Jourda, les membres de la commission mixte paritaire, ainsi que l’ensemble des sénatrices et sénateurs ayant contribué à cette proposition de loi.

Avant toute chose, je tiens à rappeler que cette démarche s’inscrit dans la continuité du travail précurseur engagé par les députés socialistes Gilles Savary et Bruno Le Roux en 2016, qui ont posé les premiers jalons d’une politique ambitieuse de sécurité dans les transports. Cela démontre que la sûreté n’est ni de droite, ni du centre, ni de gauche : c’est une exigence républicaine qui nous rassemble tous.

Le texte que nous examinons aujourd’hui s’inscrit dans cette même approche consensuelle, enrichie par le travail conjoint des deux assemblées.

Il répond avant tout à une réalité préoccupante : 110 000 personnes victimes de vols, violences ou escroqueries dans nos transports en 2024, une augmentation de 15 % des violences sexuelles et sexistes au cours de la seule année 2023, des agressions contre les agents qui ne cessent de croître.

Face à ces défis, nous ne pouvions rester immobiles.

La commission mixte paritaire qui s’est réunie le 6 mars dernier est parvenue à un accord équilibré qui préserve l’esprit initial du texte tout en l’enrichissant de manière substantielle. Permettez-moi d’en détailler les principales avancées.

Tout d’abord, nous renforçons significativement les moyens d’action des services de sûreté.

Les agents de la Suge et du GPSR pourront désormais procéder à des palpations de sécurité sans autorisation préalable du préfet lorsque des éléments objectifs l’exigent. Ils pourront également saisir les objets dangereux, une mesure particulièrement attendue par les opérateurs. Le texte leur accorde également un droit de poursuite sur la voie publique, lorsque le caractère inopiné ou urgent de la situation le justifie.

Ce texte vise avant tout à renforcer notre continuum de sécurité entre les forces de polices nationale et municipale, les agents de la Suge et du GPSR, et les agents de sécurité privée.

La commission mixte paritaire a également maintenu des dispositions essentielles concernant les interdictions d’accès aux transports pour les auteurs d’infractions graves, tout en prévoyant des garanties importantes.

Un point majeur concerne les caméras-piétons, qui ont fait leurs preuves : elles sont pérennisées, et leur usage est étendu aux agents de contrôle opérant sur les lignes transfrontalières.

La lutte contre les bagages abandonnés, qui paralysent trop souvent nos réseaux, fait l’objet d’un dispositif gradué de sanctions.

Le texte permet désormais aux opérateurs de déposer plainte pour le compte de leurs agents victimes d’agressions, avec leur accord. Il renforce également le dispositif Stop fraude lancé au début du mois de janvier 2025.

Outre les mesures adoptées, ce texte aura également permis d’engager un travail sur les dispositifs actuels.

Le Gouvernement a lancé avec les opérateurs, la direction de la sécurité routière et l’Imprimerie nationale un travail visant à améliorer le dispositif Vérif permis, qui permet aux opérateurs de bus de vérifier la validité des permis de conduire de leurs conducteurs.

Ce texte vise également à anticiper les enjeux de l’ouverture à la concurrence en prévoyant la remise d’un rapport d’évaluation sur les conséquences en matière de sûreté. Le Gouvernement, qui est en général peu adepte des rapports, soutient cette disposition, car il est impératif de réfléchir à notre modèle de demain.

La proposition de loi apporte des réponses concrètes et pragmatiques aux défis de la sûreté dans nos transports, sans jamais perdre de vue l’équilibre nécessaire entre sécurité et libertés. En effet, il s’agit non de restreindre les libertés, mais bien au contraire de garantir la première d’entre elles, celle d’aller et venir sereinement.

Je sais cette assemblée particulièrement attachée à la sécurité du quotidien de nos concitoyens. Le texte qui vous est soumis aujourd’hui est fidèle à l’esprit qui a présidé à sa conception : pragmatique, équilibré, il est résolument tourné vers l’efficacité. Il démontre que, lorsque la représentation nationale travaille dans un esprit constructif, elle est capable de produire des avancées majeures pour nos concitoyens.

Au nom du Gouvernement, mesdames, messieurs les sénateurs, je vous invite donc à adopter les conclusions de la commission mixte paritaire sur cette proposition de loi qui, à coup sûr, marquera une nouvelle étape importante dans notre politique de sûreté dans les transports. (Applaudissements sur les travées des groupes RDPI, INDEP et RDSE.)

M. le président. Nous passons à la discussion du texte élaboré par la commission mixte paritaire.

Je rappelle que, en application de l’article 42, alinéa 12, du règlement, le Sénat étant appelé à se prononcer avant l’Assemblée nationale, il statue sur les éventuels amendements présentés ou acceptés par le Gouvernement, puis, par un seul vote, sur l’ensemble du texte.

Je donne lecture du texte élaboré par la commission mixte paritaire.

proposition de loi relative au renforcement de la sûreté dans les transports

Chapitre Ier

Renforcer les pouvoirs des agents des services internes de sécurité des opérateurs de transport

Discussion générale
Dossier législatif : proposition de loi relative au renforcement de la sûreté dans les transports
Article 1er bis

Article 1er

I. – Le chapitre Ier du titre V du livre II de la deuxième partie du code des transports est ainsi modifié :

1° A Le deuxième alinéa de l’article L. 2251-1 est ainsi modifié :

a) À la première phrase, les mots : « , dans le cadre d’une mission de prévention, » sont supprimés ;

b) Après la même première phrase, est insérée une phrase ainsi rédigée : « Sans préjudice de la compétence générale de la police nationale et de la gendarmerie nationale, ces services ont pour mission de prévenir les atteintes à l’ordre public dans les lieux relevant de leur compétence. » ;

c) Est ajoutée une phrase ainsi rédigée : « Ils contribuent à la lutte contre le terrorisme. » ;

1° Le premier alinéa de l’article L. 2251-9 est remplacé par trois alinéas ainsi rédigés :

« Les agents des services internes de sécurité de la SNCF et de la Régie autonome des transports parisiens peuvent procéder à l’inspection visuelle des bagages et, avec le consentement de leur propriétaire, à leur fouille.

« Ces agents peuvent, en cas de circonstances particulières liées à l’existence de menaces graves pour la sécurité publique ou lorsqu’un périmètre de protection a été institué en application de l’article L. 226-1 du code de la sécurité intérieure, procéder, avec le consentement exprès des personnes, à des palpations de sécurité. Dans ce cas, la palpation de sécurité doit être faite par une personne de même sexe que la personne qui en fait l’objet. En l’absence d’arrêté instituant un périmètre de protection, ces circonstances particulières sont constatées par un arrêté du représentant de l’État dans le département, qui en fixe la durée et détermine les lieux ou catégories de lieux dans lesquels les contrôles peuvent être effectués. Cet arrêté est communiqué au procureur de la République.

« En l’absence d’arrêté constatant des circonstances particulières liées à l’existence de menaces graves pour la sécurité publique ou d’arrêté instituant un périmètre de protection, si des éléments objectifs indiquent qu’une personne pourrait détenir des objets susceptibles de présenter un risque pour la sécurité des personnes ou des biens, ces agents peuvent procéder, avec le consentement exprès de la personne, à des palpations de sécurité. La palpation de sécurité doit être faite par une personne de même sexe que la personne qui en fait l’objet. » ;

2° Sont ajoutés des articles L. 2251-10 et L. 2251-11 ainsi rédigés :

« Art. L. 2251-10. – Lorsqu’un objet autre qu’une arme qui, par sa nature ou son usage, peut être dangereux pour les voyageurs est découvert à l’occasion des mesures de contrôle réalisées en application de l’article L. 2251-9 ou dans le cadre des missions de prévention réalisées par les agents des services internes de sécurité de la SNCF et de la Régie autonome des transports parisiens, ces agents peuvent conserver ledit objet avec le consentement de la personne concernée.

« Les agents mentionnés au premier alinéa du présent article établissent un document décrivant l’objet conservé et indiquant l’identité de la personne ayant fait l’objet de la mesure, à qui ils en délivrent une copie. Ils en transmettent également sans délai une copie à l’officier de police judiciaire territorialement compétent.

« Un décret en Conseil d’État détermine les modalités selon lesquelles l’objet est conservé et peut être remis à la disposition de la personne ayant fait l’objet de la mesure. Ce décret précise le délai maximal, qui ne peut excéder quarante-huit heures à compter de la délivrance du document mentionné au précédent alinéa, au-delà duquel les agents chargés de la conservation de cet objet sont tenus de le remettre à cette personne, lorsqu’elle en fait la demande. Il précise également la durée minimale de conservation de cet objet, qui ne peut être inférieure à six mois à compter de la délivrance du même document, au terme de laquelle, en l’absence d’une telle demande, celui-ci peut être détruit.

« Si la personne concernée s’oppose à la demande formulée en application du même premier alinéa, les agents des services internes de sécurité de la SNCF et de la Régie autonome des transports parisiens peuvent mettre en œuvre les mesures prévues à l’article L. 2241-6.

« Art. L. 2251-11. – (Supprimé) ».

II. – (Supprimé)

Article 1er
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Article 2

Article 1er bis

(Supprimé)

Article 1er bis
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Article 2 bis

Article 2

Le code des transports est ainsi modifié :

1° L’article L. 2251-1 est ainsi modifié :

a) Au dernier alinéa, après le mot : « publique », sont insérés les mots : « de façon programmée » ;

b) Est ajouté un alinéa ainsi rédigé :

« À titre exceptionnel, ils peuvent être autorisés par le représentant de l’État dans le département à exercer sur la voie publique, aux abords immédiats des emprises immobilières mentionnées aux articles L. 2251-1-1 et L. 2251-1-2 du présent code, des missions, même itinérantes, de prévention des atteintes aux personnes et de surveillance contre les vols, les dégradations, les effractions et les actes de terrorisme visant les biens dont ils ont la garde. » ;

2° Après l’article L. 2251-1-3, il est inséré un article L. 2251-1-4 ainsi rédigé :

« Art. L. 2251-1-4. – Pour assurer la mission prévue au deuxième alinéa de l’article L. 2251-1, les agents des services internes de sécurité de la SNCF et de la Régie autonome des transports parisiens peuvent intervenir momentanément sur la voie publique, aux abords immédiats des emprises immobilières mentionnées aux articles L. 2251-1-1 et L. 2251-1-2, lorsque l’une des infractions mentionnées à l’article 446-1 du code pénal ou au premier alinéa du I de l’article L. 2241-1 ou au chapitre VI du titre Ier du livre Ier de la troisième partie du présent code a été commise dans lesdites emprises.

« Ils peuvent constater par procès-verbal le délit prévu à l’article 446-1 du code pénal lorsqu’il est commis aux abords immédiats des emprises immobilières des transports publics de voyageurs mentionnées au premier alinéa du présent article.

« Ils peuvent appréhender, en vue de leur confiscation par le tribunal, les marchandises de toute nature offertes, mises en vente ou exposées en vue de la vente sans l’autorisation administrative nécessaire aux abords immédiats des emprises immobilières des transports publics de voyageurs. Ils peuvent également saisir dans les mêmes conditions les étals supportant ces marchandises.

« Les marchandises saisies sont détruites lorsqu’il s’agit de denrées impropres à la consommation. Elles sont remises à des organisations caritatives ou humanitaires d’intérêt général lorsqu’il s’agit de denrées périssables.

« Il est rendu compte à l’officier de police judiciaire compétent de la saisie des marchandises et de leur destruction ou de leur remise aux organisations mentionnées à l’avant-dernier alinéa. »

Article 2
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Article 3

Article 2 bis

Le premier alinéa de l’article L. 2241-6 du code des transports est ainsi modifié :

1° À la première phrase, après la référence : « L. 2241-1 », sont insérés les mots : « et par les agents exerçant l’activité mentionnée au 1º de l’article L. 611-1 du code de la sécurité intérieure au profit d’un opérateur de transport public de personnes » ;

2° Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :

« Les modalités de formation et d’autorisation des agents exerçant l’activité mentionnée au 1° de l’article L. 611-1 du code de la sécurité intérieure mentionnés au premier alinéa du présent article sont précisées par décret en Conseil d’État. »

Article 2 bis
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Article 3 bis

Article 3

L’article L. 2241-6 du code des transports est ainsi modifié :

1° Au début, il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :

« Toute personne qui se trouve au seuil des emprises des espaces, gares et stations gérés par l’exploitant du réseau de transport public et qui trouble l’ordre public ou dont le comportement est de nature à compromettre la sécurité des personnes ou la régularité des circulations ou toute personne qui refuse de se soumettre à l’inspection visuelle ou à la fouille de ses bagages ou à des palpations de sécurité peut se voir interdire par les agents mentionnés au I de l’article L. 2241-1 l’accès aux espaces, gares ou stations gérés par l’exploitant. » ;

2° Après le mot : « accès », la fin du deuxième alinéa est ainsi rédigée : « aux espaces, gares ou stations ou aux véhicules ou le contraindre à quitter sans délai lesdits espaces, gares ou stations ou à descendre desdits véhicules. En tant que de besoin, ils peuvent requérir l’assistance de la force publique. » ;

3° À la seconde phrase de l’avant-dernier alinéa et au dernier alinéa, le mot : « deux » est remplacé par le mot : « trois ».

Article 3
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Article 4

Article 3 bis

Après le premier alinéa de l’article L. 2251-4 du code des transports, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Les agents du service interne de sécurité de la SNCF peuvent également être nominativement autorisés par l’autorité administrative compétente de l’État à porter un pistolet à impulsion électrique. Les caractéristiques des armes, s’agissant notamment de leurs systèmes de contrôle, les modalités de compte rendu de leur utilisation et de mise en place d’une procédure d’évaluation et de contrôle périodique nécessaire à l’appréciation des conditions effectives de leur utilisation ainsi que les conditions de formation des agents appelés à porter ces pistolets sont définies par décret en Conseil d’État. »

Article 3 bis
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Article 5

Article 4

(Supprimé)

Article 4
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Article 6

Article 5

L’article L. 2251-1-1 du code des transports est ainsi modifié :

1° Au premier alinéa, après le mot : « infrastructure, », sont insérés les mots : « des exploitants d’aménagements de transport public routier accueillant les services de transport routier effectués en substitution aux services publics de transport ferroviaire de voyageurs, » ;

1° bis Le même premier alinéa est complété par une phrase ainsi rédigée : « Pour les exploitants accueillant des services de transport routier effectués en substitution des services publics de transport ferroviaire de voyageurs, la mission ne concerne que ces seuls services ainsi que les infrastructures nécessaires à leur réalisation. » ;

2° Le deuxième alinéa est ainsi rédigé :

« Cette mission s’exerce dans les emprises immobilières nécessaires à l’exploitation des services de transport ferroviaire de personnes et de marchandises et des services de transport routier effectués en substitution aux services publics de transport ferroviaire de voyageurs ainsi que dans les véhicules de transport public de personnes qui y sont affectés. »

Chapitre II

Renforcer le continuum de sécurité pour une meilleure sécurisation de nos transports

Article 5
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Article 6 bis

Article 6

Le code des transports est ainsi modifié :

1° Après le deuxième alinéa de l’article L. 2241-1-1, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« L’exploitant du service de transport public peut conclure avec une ou plusieurs communes ou établissements publics de coopération intercommunale ainsi qu’avec l’autorité organisatrice une convention déterminant les conditions dans lesquelles les agents de la police municipale ou les gardes champêtres peuvent accéder librement aux espaces de transport et aux trains en circulation sur leur territoire. » ;

2° Au premier alinéa de l’article L. 3116-1, la référence : « L. 2241-2 » est remplacée par la référence : « L. 2241-1-1 ».

Article 6
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Article 7

Article 6 bis

Le code des transports est ainsi modifié :

1° L’article L. 2241-1 est ainsi modifié :

a) Le I est complété par un 8° ainsi rédigé :

« 8° Les agents de police judiciaire adjoints. » ;

b) Le 2° du II est abrogé ;

2° Après l’article L. 2241-1-1, il est inséré un article L. 2241-1-2 ainsi rédigé :

« Art. L. 2241-1-2. – Les officiers ou les agents de police judiciaire de la gendarmerie nationale ou de la police nationale territorialement compétents, de leur propre initiative, les agents de police judiciaire et les agents de police judiciaires adjoints mentionnés aux 1°, 1° bis, 1° ter et 2° de l’article 21 du code de procédure pénale peuvent, sur les lignes et dans les gares des réseaux ferroviaires et guidés, procéder à l’inspection visuelle des bagages et, avec le consentement de leur propriétaire, à leur fouille. » ;

3° À l’article L. 3116-1, les mots : « et 6° » sont remplacés par les mots : « , 6° et 8° ».

Article 6 bis
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Article 8

Article 7

I. – Après l’article L. 1241-4 du code des transports, il est inséré un article L. 1241-4-1 A ainsi rédigé :

« Art. L. 1241-4-1 A. – Les agents d’Île-de-France Mobilités exerçant des missions relatives à la sûreté des transports peuvent être affectés dans des salles d’information et de commandement relevant de l’État et, sous l’autorité et en présence des agents de la police nationale ou des militaires de la gendarmerie nationale, visionner les images des systèmes de vidéoprotection transmises en temps réel vers ces salles depuis les véhicules et les emprises immobilières des transports publics de voyageurs ou leurs abords immédiats aux seules fins de l’exercice, par Île-de-France Mobilités, de la mission définie au 6° du I de l’article L. 1241-2. L’affectation de ces agents s’effectue dans les conditions fixées aux II et III de l’article L. 2251-4-2.

II. – (Supprimé)

Chapitre III

Une sécurisation de l’offre de services par la technologie

Article 7
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Article 8 bis

Article 8

Le code des transports est ainsi modifié :

1° Après l’article L. 2241-6, il est inséré un article L. 2241-6-1 ainsi rédigé :

« Art. L. 2241-6-1. – Dans l’exercice de leurs missions prévues à l’article L. 2241-1, les agents mentionnés au 4° du I du même article L. 2241-1 peuvent procéder, au moyen de caméras individuelles, à un enregistrement audiovisuel de leurs interventions lorsque se produit ou est susceptible de se produire un incident, eu égard aux circonstances de l’intervention ou au comportement des personnes concernées.

« Les agents de l’exploitant du service de transport ou de l’entreprise de transport exerçant des missions de nature équivalente à celles exercées par les agents mentionnés au même 4° peuvent procéder, au moyen de caméras individuelles, à un enregistrement audiovisuel de leurs interventions dans les conditions mentionnées au premier alinéa du présent article, sur les seules parties des lignes transfrontalières situées sur le territoire national.

« L’enregistrement n’est pas permanent.

« Les enregistrements ont pour finalités la prévention des incidents au cours des interventions des agents mentionnés aux deux premiers alinéas, le constat des infractions et la poursuite de leurs auteurs par la collecte de preuves ainsi que la formation et la pédagogie des agents. Lorsque la sécurité des agents est menacée, les images captées et enregistrées au moyen de caméras individuelles peuvent être transmises en temps réel au poste de commandement du service concerné.

« Les caméras sont portées de façon apparente par les agents mentionnés aux mêmes deux premiers alinéas. Un signal visuel spécifique indique si la caméra enregistre. Le déclenchement de l’enregistrement fait l’objet d’une information des personnes enregistrées, sauf si les circonstances l’interdisent. Une information générale du public sur l’emploi de ces caméras est organisée par le ministre chargé des transports. Les agents auxquels les caméras individuelles sont fournies ne peuvent avoir accès directement aux enregistrements auxquels ils procèdent.

« L’enregistrement ne peut avoir lieu hors des emprises immobilières nécessaires à l’exploitation des services de transport ou des véhicules de transport public de personnes qui y sont affectés.

« Les enregistrements audiovisuels, hors le cas où ils sont utilisés dans le cadre d’une procédure judiciaire, administrative ou disciplinaire, sont effacés au bout de trente jours.

« Ces enregistrements sont soumis à la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés, notamment en ce qui concerne le contrôle par la Commission nationale de l’informatique et des libertés et le droit d’accès aux enregistrements.

« Les modalités d’application du présent article et d’utilisation des données collectées sont précisées par un décret en Conseil d’État pris après avis de la Commission nationale de l’informatique et des libertés. Ce décret définit notamment les conditions dans lesquelles les agents mentionnés au deuxième alinéa peuvent faire application des dispositions du présent article. » ;

2° Le sixième alinéa de l’article L. 2251-4-1 est complété par une phrase ainsi rédigée : « Par dérogation, il peut se poursuivre pour la durée des interventions mentionnées à l’article L. 2251-1-4 lorsque l’enregistrement a débuté à l’intérieur desdites emprises ou desdits véhicules ou lorsque les agents sont amenés à conduire un individu, par véhicule, à un officier de police judiciaire. »

Article 8
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Article 8 ter

Article 8 bis

I. – À titre expérimental, les conducteurs des services réguliers de transport public par autobus ou par autocar peuvent procéder, au moyen de caméras individuelles, à un enregistrement audiovisuel dans le cadre des missions qu’ils exercent au profit des opérateurs de transport public de voyageurs lorsque se produit ou est susceptible de se produire un incident, eu égard aux circonstances ou au comportement des personnes concernées.

L’enregistrement n’est pas permanent.

Les enregistrements ont pour finalité la prévention des incidents au cours de l’exercice des missions des conducteurs mentionnés au premier alinéa du présent I. Lorsque la sécurité des conducteurs, des voyageurs ou des véhicules est menacée, les images captées et enregistrées au moyen de caméras individuelles peuvent être transmises en temps réel au poste de commandement du service concerné.

Les caméras sont portées de façon apparente par les conducteurs mentionnés au même premier alinéa. Un signal visuel spécifique indique si la caméra enregistre. Le déclenchement de l’enregistrement fait l’objet d’une information des personnes enregistrées, sauf si les circonstances l’interdisent. Une information générale du public sur l’emploi de ces caméras est organisée par le ministre chargé des transports. Les conducteurs auxquels les caméras individuelles sont fournies ne peuvent avoir accès directement aux enregistrements auxquels ils procèdent.

L’enregistrement ne peut avoir lieu hors des véhicules de transport public de personnes dans lesquels les conducteurs exercent leurs missions. Il ne peut avoir lieu sur la voie publique.

Les enregistrements audiovisuels, hors le cas où ils sont utilisés dans le cadre d’une procédure judiciaire, administrative ou disciplinaire, sont effacés au bout de trente jours.

Ces enregistrements sont soumis à la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés, notamment en ce qui concerne le contrôle par la Commission nationale de l’informatique et des libertés et le droit d’accès aux enregistrements.

Les modalités d’application du présent article et les modalités d’utilisation des données collectées sont précisées par un décret en Conseil d’État pris après avis de la Commission nationale de l’informatique et des libertés.

II. – Le I du présent article est applicable deux mois après l’entrée en vigueur de la présente loi, pendant une durée de trois ans.

III. – (Non modifié)

Article 8 bis
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Article 8 quater

Article 8 ter

Le code des transports est ainsi modifié :

1° L’article L. 2121-1-1 est complété par une phrase ainsi rédigée : « Dans le cadre de ces services, les entreprises ferroviaires mettent en place un numéro téléphonique national commun permettant de recueillir et de procéder au traitement des signalements de voyageurs en matière de sûreté dans les réseaux de transport ferroviaire. » ;

2° Avant le dernier alinéa de l’article L. 2121-3, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Dans le cadre des services réalisés en application des 1° et 2° du présent article, les entreprises ferroviaires mettent en place un numéro téléphonique national commun permettant de recueillir et de procéder au traitement des signalements de voyageurs en matière de sûreté dans les réseaux de transport ferroviaire. » ;

3° Le premier alinéa de l’article L. 2121-12 est complété par une phrase ainsi rédigée : « Elles mettent en place un numéro téléphonique national commun permettant de recueillir et de procéder au traitement des signalements de voyageurs en matière de sûreté dans les réseaux de transport ferroviaire. »

Article 8 ter
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Article 8 quinquies

Article 8 quater

I. – À Mayotte, à titre expérimental, les opérateurs de transport scolaire routier sont autorisés à mettre en œuvre la captation, la transmission et l’enregistrement d’images prises sur la voie publique et dans des lieux ouverts au public, au moyen de caméras frontales et latérales embarquées sur les matériels roulants qu’ils exploitent.

Les enregistrements prévus au présent article ont exclusivement pour finalités de dissuader les atteintes affectant la sécurité des conducteurs desdits matériels roulants et de leurs passagers ainsi que de permettre l’identification des auteurs de ces faits.

Les enregistrements comportant des données à caractère personnel, hors les cas où ils sont utilisés dans le cadre d’une procédure judiciaire, administrative ou disciplinaire, sont effacés au bout de trente jours.

Les caméras embarquées sont employées de telle sorte qu’elles ne visent pas à recueillir les images de l’intérieur des domiciles ni, de façon spécifique, celles de leurs entrées. Lorsque l’emploi de ces caméras conduit à visualiser de tels lieux, l’enregistrement est immédiatement interrompu. Toutefois, lorsqu’une telle interruption n’a pu avoir lieu compte tenu des circonstances de la captation des images, les images enregistrées sont supprimées dans un délai de quarante-huit heures à compter de leur captation, sauf transmission dans ce délai dans le cadre d’un signalement à l’autorité judiciaire sur le fondement de l’article 40 du code de procédure pénale.

Ces enregistrements sont soumis à la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés ainsi qu’au règlement (UE) 2016/679 du Parlement européen et du Conseil du 27 avril 2016 relatif à la protection des personnes physiques à l’égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données, et abrogeant la directive 95/46/CE (règlement général sur la protection des données), notamment en ce qui concerne le contrôle par la Commission nationale de l’informatique et des libertés et le droit d’accès aux enregistrements.

Le public est informé, par une signalétique spécifique, que le moyen de transport est équipé d’une caméra. Une information générale du public sur l’emploi de ces caméras est organisée par le ministre chargé des transports.

Les modalités d’application et d’utilisation des données collectées sont précisées par un décret en Conseil d’État pris après avis de la Commission nationale de l’informatique et des libertés. Ce décret précise les mesures techniques mises en œuvre pour garantir la sécurité des enregistrements et assurer la traçabilité des accès aux images.

II. – L’expérimentation prévue au I du présent article s’applique pendant une durée de trois ans à compter de la promulgation de la présente loi.

III. – L’expérimentation prévue au présent article fait l’objet d’un rapport d’évaluation remis, au plus tard six mois avant son terme, par le Gouvernement au Parlement et à la Commission nationale de l’informatique et des libertés, afin d’évaluer l’opportunité du maintien des mesures qu’elle prévoit.

Article 8 quater
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Article 9

Article 8 quinquies

I. – À titre expérimental, les opérateurs de transports guidés urbains sont autorisés à mettre en œuvre la captation, la transmission et l’enregistrement d’images prises sur la voie publique au moyen de caméras frontales embarquées sur les matériels roulants qu’ils exploitent.

Les traitements prévus au présent article ont exclusivement pour finalités d’assurer la prévention et l’analyse des accidents ainsi que la formation du personnel de conduite et de sa hiérarchie.

Les enregistrements comportant des données à caractère personnel, hors les cas où ils sont utilisés dans le cadre d’une procédure judiciaire, administrative ou disciplinaire, sont effacés au bout de trente jours.

Les caméras embarquées sont employées de telle sorte qu’elles ne visent pas à recueillir les images de l’intérieur des domiciles ni, de façon spécifique, celles de leurs entrées. Lorsque l’emploi de ces caméras conduit à visualiser de tels lieux, l’enregistrement est immédiatement interrompu. Toutefois, lorsqu’une telle interruption n’a pu avoir lieu compte tenu des circonstances de la captation des images, les images enregistrées sont supprimées dans un délai de quarante-huit heures à compter de leur captation, sauf transmission dans ce délai dans le cadre d’un signalement à l’autorité judiciaire sur le fondement de l’article 40 du code de procédure pénale.

Le public est informé, par une signalétique spécifique, que le moyen de transport est équipé d’une caméra. Une information générale du public sur l’emploi de ces caméras est organisée par le ministre chargé des transports.

Les modalités d’application du présent I et d’utilisation des données collectées sont précisées par un décret en Conseil d’État pris après avis de la Commission nationale de l’informatique et des libertés.

II. – L’expérimentation prévue au I est applicable deux mois après l’entrée en vigueur de la présente loi, pendant une durée de trois ans.

III. – L’expérimentation prévue au présent article fait l’objet d’un rapport d’évaluation remis au Parlement au plus tard six mois avant la fin de l’expérimentation.

Article 8 quinquies
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Article 9 bis

Article 9

(Supprimé)

Article 9
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Article 10

Article 9 bis

L’article 10 de la loi n° 2023-380 du 19 mai 2023 relative aux jeux Olympiques et Paralympiques de 2024 et portant diverses autres dispositions est ainsi modifié :

1° À la première phrase du I, la date : « 31 mars 2025 » est remplacée par la date : « 1er mars 2027 » ;

2° À la deuxième phrase du XI, la date : « 31 décembre 2024 » est remplacée par la date : « 1er décembre 2026 ».

Article 9 bis
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Article 11

Article 10

(Supprimé)

Article 10
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Article 12

Article 11

I. – À titre expérimental et à la seule fin d’assurer le traitement des incidents ou atteintes affectant la sécurité des conducteurs ainsi que le secours à ces personnes, les opérateurs de transport public de voyageurs sont autorisés à mettre en œuvre un système de captation et de transmission en temps réel du son dans les véhicules qu’ils utilisent dans le cadre de services réguliers de transport public de voyageurs par autobus et par autocar.

Le système mentionné au premier alinéa est déclenché par le seul conducteur, lorsque sa sécurité est menacée.

La captation et la transmission du son ne sont pas permanentes et sont limitées à l’environnement immédiat du conducteur. Les données sonores captées sont uniquement transmises, selon les cas, au poste de contrôle et de commandement de l’opérateur de transport ou des services internes de sécurité de la SNCF et de la Régie autonome des transports parisiens. La durée de cette captation et de cette transmission ne peut excéder le temps strictement nécessaire à la caractérisation des faits ayant justifié le déclenchement du système et à la détermination de la réponse appropriée.

Une annonce sonore indique le début et la fin de la captation, sauf si les circonstances l’interdisent.

Il ne peut être procédé à aucun enregistrement.

Une information générale du public sur l’emploi de ce système de captation et de transmission du son est organisée par le ministre chargé des transports.

Les modalités d’application du présent I sont précisées par un décret en Conseil d’État pris après avis de la Commission nationale de l’informatique et des libertés.

II. – Le I est applicable pour une durée de deux ans à l’expiration d’un délai de deux mois à compter de la promulgation de la présente loi.

III. – La mise en œuvre de l’expérimentation fait l’objet d’un rapport d’évaluation remis au Parlement au plus tard six mois avant le terme de la durée mentionnée au II.

Chapitre IV

De nouveaux dispositifs pénaux pour mieux réprimer les délits relatifs aux transports

Article 11
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Article 14

Article 12

(Supprimé)

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Article 12
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Article 14 bis A

Article 14

Après l’article L. 2242-4 du code des transports, sont insérés des articles L. 2242-4-1 et L. 2242-4-2 ainsi rédigés :

« Art. L. 2242-4-1. – Dans les espaces et les véhicules affectés au transport public de voyageurs ou de marchandises, le fait d’abandonner des bagages, des matériaux ou des objets par imprudence, inattention ou négligence est puni de l’amende prévue pour les contraventions de la troisième classe.

« Dans les catégories de véhicules affectés au transport de voyageurs désignées par arrêté du ministre chargé des transports, l’abandon de bagages, de matériaux ou d’objets ne comportant pas de manière visible les nom et prénom du voyageur est puni de l’amende prévue pour les contraventions de la quatrième classe.

« Lorsque le caractère volontaire de l’abandon des bagages, des matériaux ou des objets est manifeste, il est puni de l’amende prévue pour les contraventions de la cinquième classe.

« Art. L. 2242-4-2. – (Supprimé) »

Article 14
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Article 14 bis

Article 14 bis A

Le chapitre II du titre III du livre VI de la première partie du code des transports est complété par une section 3 ainsi rédigée :

« Section 3

« Mise à disposition dun dispositif anonymisé détiquetage des bagages

« Art. L. 1632-4. – Dans les catégories de véhicules affectés au transport public de voyageurs désignées par arrêté du ministre chargé des transports, tout bagage doit comporter de manière visible la mention des nom et prénom du voyageur.

« Lorsque le dispositif prévu à l’article L. 1632-5 est disponible, le numéro de téléphone du voyageur doit également être renseigné. Ces informations peuvent alors figurer sur un support accessible aux seuls agents habilités des opérateurs et aux forces de sécurité intérieure. Lorsque cela est possible, le voyageur doit fournir un numéro de téléphone mobile.

« Le présent article ne s’applique pas aux effets ou aux menus objets que le voyageur conserve à sa disposition immédiate.

« Art. L. 1632-5. – Dans les catégories de véhicules et les emprises affectés au transport public de voyageurs désignées par arrêté du ministre chargé des transports, les exploitants de services de transport public collectifs mettent à la disposition des voyageurs un service d’étiquetage des bagages permettant aux seuls agents assermentés des opérateurs et aux forces de sécurité intérieure d’obtenir leurs coordonnées. Ce service peut être rendu interopérable.

« Les modalités d’application du présent article sont déterminées par un décret en Conseil d’État pris après avis de la Commission nationale de l’informatique et des libertés. »

Article 14 bis A
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Article 15

Article 14 bis

Après l’article L. 2242-4 du code des transports, il est inséré un article L. 2242-4-1 ainsi rédigé :

« Art. L. 2242-4-1. – Lorsque l’infraction définie au 6° de l’article L. 2242-4 est commise au moyen d’un véhicule terrestre à moteur immobilisé sur les emprises immobilières des lignes de tramway, l’exploitant de transport est autorisé à procéder ou à faire procéder, même sans l’accord du propriétaire du véhicule, au dégagement des voies afin de rétablir le bon fonctionnement du service de transport public de voyageurs, aux frais et risques du titulaire du certificat d’immatriculation du véhicule.

« Les conditions de dégagement des voies par l’exploitant sont définies par décret en Conseil d’État. »

Article 14 bis
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Article 16

Article 15

Le code des transports est ainsi modifié :

1° A Le chapitre IV du titre III du livre VI de la première partie est complété par un article L. 1634-5 ainsi rédigé :

« Art. L. 1634-5. – Est puni de 3 750 € d’amende le fait de monter ou de s’installer sur un véhicule de transport public de personnes, de l’utiliser comme engin de remorquage ou de se tenir sur les marchepieds ou à l’extérieur dudit véhicule pendant la marche sans autorisation.

« L’action publique peut être éteinte, y compris en cas de récidive, dans les conditions prévues aux articles 495-17 à 495-25 du code de procédure pénale, par le versement d’une amende forfaitaire d’un montant de 300 €. Le montant de l’amende forfaitaire minorée est de 250 € et le montant de l’amende forfaitaire majorée est de 600 €.

« Les dispositions des articles 495-20 et 495-21 du même code relatives à l’exigence d’une consignation préalable à la contestation de l’amende forfaitaire ne sont pas applicables. » ;

1° B Au premier alinéa du I de l’article L. 2241-1, après le mot : « titre », sont insérés les mots : « , le délit prévu à l’article L. 1634-5 » ;

1° et 2° (Supprimés)

Chapitre V

Transmission d’informations au ministère public

Article 15
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Article 16 bis

Article 16

(Supprimé)

Article 16
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Article 17

Article 16 bis

Le chapitre II du titre IV du livre II de la deuxième partie du code des transports est complété par un article L. 2242-11 ainsi rédigé :

« Art. L. 2242-11. – Lorsqu’il a connaissance de faits susceptibles de constituer l’une des infractions prévues aux articles 222-9 à 222-13, 222-14-1, 222-15, 222-15-1, 222-16, 222-17, 222-18, 322-1, 322-3, 433-3 et 433-6 du code pénal ainsi qu’à l’article L. 2242-7 du présent code et lorsque cette infraction est commise à l’égard d’une personne participant à l’exécution d’un service public de transport de voyageurs, à l’occasion de l’exercice ou en raison de ses fonctions, l’employeur, après avoir recueilli par tout moyen le consentement de la victime, peut déposer plainte au nom de celle-ci.

« Le présent article ne dispense pas l’employeur du respect des obligations prévues au second alinéa de l’article 40 du code de procédure pénale.

« Il ne donne pas à l’employeur la qualité de victime. »

Chapitre VI

Mesures relatives à la sécurisation du recrutement et de l’affectation en lien avec les transports

Article 16 bis
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Article 18

Article 17

I. – (Supprimé)

II. – Le dernier alinéa du I de l’article 11-2 du code de procédure pénale est complété par une phrase ainsi rédigée : « Il peut également informer les personnes publiques ou les personnes privées chargées d’une mission de service public de transport de voyageurs des condamnations définitives prises à l’encontre d’une personne employée par elles en tant que conducteur de véhicule de transport, lorsque cette condamnation porte suspension, annulation ou interdiction de délivrance d’un permis de conduire. »

Article 17
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Article 18 bis

Article 18

L’article L. 6342-4 du code des transports est ainsi modifié :

1° Les deux premières phrases du second alinéa du II sont remplacées par une phrase ainsi rédigée : « Ces agents ne procèdent à la fouille des bagages à main et des autres objets transportés qu’avec le consentement de leur propriétaire et ne procèdent à des palpations de sûreté qu’avec le consentement de la personne. » ;

2° Le IV est abrogé.

Article 18
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Article 19

Article 18 bis

I. – (Supprimé)

II. – Après l’article L. 3116-3 du code des transports, il est inséré un article L. 3116-3-1 ainsi rédigé :

« Art. L. 3116-3-1. – I. – Nul ne peut exercer des fonctions de conducteur de véhicule de transport public collectif routier, au sens du présent titre, lorsque ces fonctions impliquent un contact habituel avec des mineurs ou des majeurs en situation de vulnérabilité, s’il a été condamné définitivement soit pour un crime, soit pour les délits prévus aux articles 421-1 à 421-2-4-1 du code pénal ou à l’article 706-47 du code de procédure pénale. L’incapacité prévue au présent I s’applique également en cas de condamnation définitive à une peine supérieure à deux mois d’emprisonnement sans sursis pour les délits prévus aux articles 421-2-5 et 421-2-5-1 du code pénal ainsi qu’aux personnes qui interviennent dans les mêmes véhicules de manière permanente ou occasionnelle, à quelque titre que ce soit, y compris bénévole.

« II. – Le contrôle des incapacités mentionnées au I du présent article est assuré par la délivrance du bulletin n° 2 du casier judiciaire dans les conditions prévues à l’article 776 du code de procédure pénale et par l’accès aux informations contenues dans le fichier judiciaire national automatisé des auteurs d’infractions sexuelles ou violentes dans les conditions prévues au 3° de l’article 706-53-7 du même code, avant l’exercice des fonctions de la personne et selon un rythme annuel lors de leur exercice.

« Saisie par le responsable de la collectivité territoriale compétente pour l’organisation et le fonctionnement du transport public concerné dans les conditions prévues au dernier alinéa du même article 706-53-7, l’administration compétente de l’État peut délivrer une attestation à la personne qui ne fait pas l’objet d’une inscription entraînant les incapacités mentionnées au I du présent article au moyen d’un système d’information sécurisé permettant, par dérogation au premier alinéa des articles 706-53-11 et 777-3 du code de procédure pénale, la consultation des deux traitements de données mentionnés au premier alinéa du présent II, dans des conditions fixées par décret en Conseil d’État.

« L’attestation mentionnée au deuxième alinéa du présent II fait état de l’absence de condamnation non définitive ou de mise en examen mentionnées au fichier judiciaire national automatisé des auteurs d’infractions sexuelles ou violentes.

« L’attestation ainsi délivrée peut être communiquée à l’employeur. L’administration chargée du contrôle peut également transmettre à l’employeur, pour les besoins du contrôle des incapacités à intervalles réguliers, l’information selon laquelle une personne en exercice fait l’objet d’une incapacité mentionnée au I ou d’une mention au fichier judiciaire national automatisé des auteurs d’infractions sexuelles ou violentes.

« III. – Lorsque, en application des articles 11-2 ou 706-47-4 du code de procédure pénale ou du II du présent article, un employeur est informé de la condamnation non définitive ou de la mise en examen d’une personne y travaillant au titre de l’une des infractions mentionnées au I, il peut, en raison de risques pour la santé ou la sécurité des mineurs ou des majeurs en situation de vulnérabilité avec lesquels elle est en contact, prononcer à l’encontre de la personne concernée une mesure de suspension temporaire d’activité jusqu’à la décision définitive de la juridiction compétente.

« Lorsque l’incapacité est avérée et qu’il n’est pas possible de proposer un autre poste de travail n’impliquant aucun contact avec des personnes accueillies ou accompagnées dans l’un des dispositifs mentionnés au même I, il est mis fin au contrat de travail ou aux fonctions de la personne concernée.

« En cas de condamnation prononcée par une juridiction étrangère et passée en force de chose jugée pour une infraction constituant, selon la loi française, un crime ou l’un des délits mentionnés audit I, le tribunal judiciaire du domicile du condamné, statuant en matière correctionnelle, déclare, à la requête du ministère public, qu’il y a lieu à l’application de l’incapacité d’exercice prévue au présent article, après constatation de la régularité et de la légalité de la condamnation, l’intéressé dûment appelé en chambre du conseil.

« Les personnes faisant l’objet d’une incapacité d’exercice peuvent demander à en être relevées dans les conditions prévues à l’article 132-21 du code pénal ainsi qu’aux articles 702-1 et 703 du code de procédure pénale. Cette requête est portée devant la chambre des appels correctionnels de la cour d’appel dans le ressort de laquelle le requérant réside lorsque la condamnation résulte d’une condamnation étrangère et qu’il a été fait application du troisième alinéa du présent III.

« Par dérogation à l’article 133-16 du code pénal, les incapacités prévues au présent article sont applicables en cas de condamnation définitive figurant au fichier judiciaire national automatisé des auteurs d’infractions sexuelles ou violentes même si cette condamnation n’est plus inscrite au bulletin n° 2 du casier judiciaire. »

Chapitre VII

Mesures relatives au renforcement de la lutte contre la fraude dans les transports

Article 18 bis
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Article 20 (début)

Article 19

I. – L’article L. 2241-2-1 du code des transports est ainsi modifié :

1° À la première phrase du premier alinéa, après le mot : « pénale, », sont insérés les mots : « les agents mentionnés aux 4° et 5° du I de l’article L. 2241-1 du présent code et » et les mots : « même code » sont remplacés par les mots : « code de procédure pénale » ;

1° bis À la seconde phrase du troisième alinéa, les mots : « , dont le nombre maximal est fixé par arrêté conjoint du ministre de l’intérieur et des ministres chargés des finances et des transports, » sont supprimés ;

2° Le dernier alinéa est complété par trois phrases ainsi rédigées : « Ce décret précise notamment les conditions dans lesquelles une personne morale de droit privé peut être sélectionnée en tant que personne morale unique au sens du présent article et les exigences de formation et de mise à jour régulière des connaissances en matière de protection des données à caractère personnel auxquelles les agents mentionnés au troisième alinéa du présent article doivent satisfaire pour être habilités. Il définit notamment les conditions dans lesquelles les données échangées peuvent être conservées et les conditions dans lesquelles les opérations de transfert, de consultation, de conservation et d’effacement de ces données sont effectuées. Il définit également les modalités de contrôle de la personne morale unique par l’administration. »

II. – (Non modifié)

Article 19
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Article 20 (fin)

Article 20

Le Gouvernement remet au Parlement, avant le 31 décembre 2026, un rapport évaluant les conséquences de l’ouverture à la concurrence des transports en commun en matière de sûreté dans les transports.

M. le président. Sur les articles du texte élaboré par la commission mixte paritaire, je ne suis saisi d’aucun amendement.

Le vote est réservé.

Vote sur l’ensemble

M. le président. Avant de mettre aux voix, dans la rédaction résultant du texte élaboré par la commission mixte paritaire, l’ensemble de la proposition de loi, je vais donner la parole, pour explication de vote, à un représentant par groupe.

La parole est à Mme Mireille Jouve, pour le groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)

Mme Mireille Jouve. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la sécurité dans les transports n’est pas un sujet anodin pour les millions de Français qui les utilisent chaque jour pour leur travail ou pour leurs loisirs.

Chercher à favoriser des déplacements sûrs, tenter de renforcer la sérénité dans nos transports publics, les transports scolaires ou lors des périodes de vacances est un impératif pour les élus que nous sommes.

Néanmoins, avant toute chose, il me semble judicieux de rappeler, au moment où nous sommes invités à voter sur des dispositions qui ont fait l’objet d’un accord en commission mixte paritaire, que nous allons nous prononcer sur une proposition de loi déposée par un sénateur des Alpes-Maritimes, M. Philippe Tabarot, qui est, depuis un peu plus de trois mois, ministre chargé des transports.

Ces circonstances, somme toute assez rares, soulignent que le travail que nous effectuons au sein de notre assemblée est loin d’être vain, mes chers collègues. Notre travail est aussi ancré dans les préoccupations quotidiennes de nos concitoyens, contrairement à ce que d’aucuns peuvent imaginer ou dire, n’hésitant jamais à dénigrer la représentation nationale.

Lors des différentes discussions qui ont accompagné l’élaboration du texte, le groupe du RDSE a rappelé, à de nombreuses reprises, la nécessité d’assurer un continuum de sécurité pour les usagers et de le faire en facilitant le travail des agents des différents services qui en ont la charge.

L’an dernier, en accord avec le promoteur de ce texte et bon nombre d’observateurs, décideurs, acteurs associatifs ou agents des réseaux de la SNCF ou de la RATP, nous avons souligné notre inquiétude face à la dureté de certains chiffres. Près de 120 000 vols et violences ont été recensés dans les transports en 2023, plus de 3 300 victimes de violences sexuelles ou sexistes en 2024 – un chiffre en augmentation de 86 % en près de dix ans, et 91 % des victimes étaient des femmes !

Comment accepter sans ciller de tels constats ?

À l’évidence, il était nécessaire, que dis-je, il était indispensable, pour commencer à y répondre, d’octroyer aux agents les moyens nécessaires à la sécurisation des transports en commun. Parallèlement, il était urgent de combler les lacunes de la législation pénale en vigueur.

Toutefois, et chacun ici s’en souvient, nous avons formulé plus que des réserves devant certains amendements dont l’adoption aurait remis en cause l’équilibre entre sécurité et libertés publiques.

Je constate, et le groupe du RDSE fait de même, que la commission mixte paritaire a su maintenir un juste équilibre dans ses conclusions. Sans doute ce résultat a-t-il été possible parce que le pragmatisme l’a emporté.

Ainsi, le niveau des amendes relatives aux oublis de bagages, qui empoisonnent le quotidien des usagers des gares et occasionnent des retards horripilants, a été établi de façon raisonnable.

Nous remarquons avec satisfaction que le texte issu du dialogue constructif entre députés et sénateurs clarifie les missions des services de la SNCF et de la RATP, tout en renforçant leurs pouvoirs sur le terrain.

Par ailleurs, les dispositions de vidéosurveillance algorithmique ou liée à l’intelligence artificielle, expérimentées durant les jeux Olympiques de 2024, seront prolongées jusqu’en 2027. Nous souhaitons que ce délai permette d’établir les évaluations indispensables pour juger de leur efficacité et décider de leur pérennisation, sans remise en cause des droits fondamentaux des personnes.

À l’évidence, ce texte apporte des réponses concrètes afin de favoriser une vision plus globale de la sécurité, de mieux se déplacer et de voyager plus sereinement.

Ne nous leurrons pas, cependant.

Le chantier pour restaurer la sécurité dans les transports publics ne s’arrête pas à la porte des gares et ne se limite pas aux rames de métro ou de chemins de fer, pas plus qu’aux bus qui sillonnent nos villes et nos campagnes. Personne ne peut ignorer la prégnance de la menace terroriste ni la réalité des actes délictueux et des incivilités qui émaillent la vie quotidienne des Français.

Il nous appartient, en tant que législateurs, de continuer à forger des réponses concrètes, pratiques, qui ne cèdent pas à l’idéologie, mais qui privilégient le pragmatisme pour continuer, chaque jour, à améliorer la vie de nos concitoyens. Cette tâche est une invitation collective à renforcer l’éducation, à recoudre le lien social et à veiller à l’application de mesures justes, mais fermes, pour lutter contre les incivilités et les violences.

C’est un combat de longue haleine. Ce texte y participe. C’est pour cette raison, mes chers collègues, que le groupe du RDSE votera pour son adoption. (Applaudissements sur les travées des groupes RDSE et UC.)

M. le président. La parole est à Mme Isabelle Florennes, pour le groupe Union Centriste. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)

Mme Isabelle Florennes. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, comme j’ai déjà eu l’occasion de le dire ici au moment de la discussion, le 13 février 2024, de la proposition de loi de notre ancien collègue Philippe Tabarot, désormais ministre chargé des transports, que je salue, ce texte s’inscrit dans une continuité juridique et répond malheureusement à une augmentation de la violence et des actes d’incivisme dans notre société.

Il est le prolongement de la loi du 22 mars 2016 relative à la prévention et à la lutte contre les incivilités, contre les atteintes à la sécurité publique et contre les actes terroristes dans les transports collectifs de voyageurs, dite loi Le Roux-Savary.

Nous examinons donc aujourd’hui le texte approuvé par la commission mixte paritaire le 6 mars dernier, quasiment jour pour jour à la date anniversaire de la promulgation de cette loi.

Cette coïncidence a été rendue possible grâce non seulement au travail de qualité réalisé par les deux rapporteurs, notre collègue Nadine Bellurot et le député Guillaume Gouffier Valente, que je salue également, lesquels ont su lever des objections et parvenir à un accord sur les trente-deux articles constituant ce texte, mais aussi à une volonté de dialogue de l’Assemblée nationale et du Sénat ayant permis de supprimer des dispositions qui auraient pu être déclarées anticonstitutionnelles. Je pense à la possibilité de transaction en cas de délit.

Ce travail de consensus a répondu aussi au principe, maintes fois répété par le Conseil d’État, du juste équilibre entre sécurité et préservation des libertés, précepte essentiel pour préserver notre État de droit.

Jean de la Fontaine disait que « l’adversaire d’une vraie liberté est un désir excessif de sécurité » et a illustré ce précepte dans la fable Le Loup et le chien. Cette proposition de loi répond non à un désir excessif de sécurité, mais à une réalité objective.

Comme il a été rappelé, le nombre annuel total de faits de vol et de violence recensés dans les transports s’est élevé à 118 440 en 2023.

Chaque année, depuis 2016, cette statistique baisse lentement, et ce malgré une fréquentation croissante du nombre d’usagers. Cela est dû aux effets de la loi Le Roux-Savary, qui a notamment permis le déploiement de la vidéoprotection et l’augmentation de moyens humains dans les transports publics.

Je suis persuadée qu’il continuera à baisser grâce aux nouvelles prérogatives attribuées aux agents des services internes de sécurité de la SNCF et de la RATP et aux nouveaux moyens technologiques accordés à ces opérateurs de transport par le présent texte, telle la pérennisation du recours aux caméras-piétons.

Face à ces nouveaux droits, je tiens aussi à relever que le texte crée de nouvelles obligations aux transporteurs, comme celle d’interdire la fonction de conducteur de transport de véhicule aux personnes mentionnées au fichier judiciaire national automatisé des auteurs d’infractions sexuelles ou violentes. Il prend aussi en compte le traitement de nouvelles formes d’incivilités par la création notamment du délit de transport surfing.

Mes chers collègues, au regard de l’esprit consensuel qui a présidé à l’élaboration de ce texte, je n’en dirai pas plus, si ce n’est que le groupe Union Centriste l’approuve pleinement. (Applaudissements sur les travées des groupes UC, RDSE, RDPI et INDEP.)

M. le président. La parole est à Mme Marianne Margaté, pour le groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky.

Mme Marianne Margaté. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, il y a un peu plus d’un an, le Sénat adoptait la proposition de loi relative au renforcement de la sûreté dans les transports, déposée par le sénateur Philippe Tabarot, aujourd’hui ministre.

Déjà, à l’époque, le groupe CRCE-K s’était opposé à ce texte, pour toutes les incohérences qu’on y trouve et l’ensemble des sanctions proposées, des plus inefficaces aux plus disproportionnées.

Son passage à l’Assemblée nationale, puis en commission mixte paritaire, n’a pas suffi à lever nos interrogations. Jugez plutôt.

On crée un délit de transport surfing, qui est le fait d’« utiliser comme engin de remorquage ou de se tenir sur les marchepieds ou à l’extérieur dudit véhicule pendant la marche sans autorisation ». C’est en effet un geste stupide, dangereux certainement, dont la sanction sera suffisamment douloureuse en cas de choc pour que celui qui en sera l’auteur ne recommence pas. C’est toutefois suffisamment rare pour que, je pense, personne ici n’y ait jamais été confronté.

Nous nous réjouissons évidemment de la suppression du délit d’incivilité d’habitude, de la suppression du traitement algorithmique pour accélérer les réquisitions judiciaires, ainsi que de toutes les mesures qui, nous n’en doutons pas, seraient certainement plébiscitées dans d’autres pays.

Malheureusement, il en reste d’autres. Je pense au renforcement des sanctions à l’égard des oublis de bagages, alors que ces oublis sont, par définition, non intentionnels, au renforcement des prérogatives des agents de police judiciaire adjoints dans les transports, là où ce n’est pas forcément leur rôle, et à la possibilité d’intervenir dans l’espace public, en dehors des gares, pour les agents de sûreté, y compris d’entreprises privées.

L’expérimentation de l’usage de traitements algorithmiques avec caméras et drones est prolongée ; le dispositif sera sans doute pérennisé.

Le plus inquiétant ici, ce sont tout autant les mesures les plus graves du texte que celles qui en sont absentes et qui auraient été pourtant nécessaires. Elles sont d’ailleurs aussi absentes de la feuille de route du Gouvernement !

Quels trains allez-vous sécuriser, lorsque toutes les petites lignes auront fermé ? Quels passagers aurez-vous à protéger, lorsqu’ils seront tous dans leur voiture ou bloqués dans leur village où la gare aura fermé ?

Il y a moins de cent ans, notre pays comptait 60 000 kilomètres de voies ferrées, contre 28 000 aujourd’hui, – et nous n’allons pas dans le bon sens.

L’ouverture à la concurrence incitera les opérateurs à se concentrer sur les lignes les plus rentables et à délaisser les moins empruntées, qui sont pourtant les plus indispensables pour désenclaver nos territoires, et encourager leur dynamisme et la transition des mobilités.

Ces remarques sont valables pour le transport de voyageurs, mais aussi pour le transport de marchandises. Les deux sont mis à mal. Alors qu’il faudrait légiférer pour soutenir le développement et l’entretien du réseau, alors qu’il faudrait parler service public des transports, nous parlons transport surfing et caméras de surveillance !

Il est plus facile de taguer un train à l’arrêt qu’un train qui roule, et moins anxiogène d’attendre dans une gare des trains aux fréquences régulières, plutôt qu’un train aux passages aléatoires, retardés ou annulés.

Oui, il faut renforcer la sûreté des transports, et d’abord en rénovant les voies ferrées pour éviter les accidents, mais aussi pour ne pas avoir à ralentir, à perdre en compétitivité et à devoir finalement fermer des lignes.

Vous l’aurez compris, le groupe CRCE-K votera contre ce texte, en espérant que le ministre chargé des transports profitera de ses nouvelles fonctions pour présenter des projets de loi plus audacieux et utiles pour la mobilité de nos concitoyennes et nos concitoyens. (M. Guy Benarroche applaudit.)

M. le président. La parole est à M. Guy Benarroche, pour le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)

M. Guy Benarroche. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, comme nous l’avons déjà souligné devant son auteur, désormais ministre chargé des transports, lors de l’examen en première lecture de ce texte, au mois de février 2024, le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires regrette que le sujet essentiel du développement des transports collectifs n’ait été abordé que sous son aspect sécuritaire.

Nous attendons et demandons toujours un grand projet de loi pour la mise en place d’un report modal si nécessaire à la transition écologique de notre pays. Je m’inscris dans le droit fil des propos tenus par Marianne Margaté.

Nous avons aussi déjà déploré le format retenu, à savoir une proposition de loi, mon collègue Jacques Fernique ayant soulevé les difficultés posées par l’absence d’étude d’impact lors des travaux de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable.

Certes, cette proposition de loi permet une réponse rapide et précise à certaines problématiques soulevées sur le terrain. Nous saluons les travaux et la plupart des constats et diagnostics de l’auteur de la proposition de loi et de la commission. Cependant, comme toujours, nous déplorons qu’aucune mesure d’évaluation des mesures existantes n’ait été réalisée au préalable.

Le texte adopté par la commission mixte paritaire ne tient pas suffisamment compte des écueils que nous avions relevés dès la lecture de ce texte dans notre hémicycle.

Commençons par le désengagement progressif de l’État en matière de sécurité publique, qui est sa compétence régalienne. Le sujet est pour nous crucial : ce transfert, ces délégations de compétence, ce continuum de sécurité, deviennent trop souvent un continuum sécuritaire.

Mon collègue Thomas Dossus a déjà défendu cette position lors de l’examen de ce qui allait devenir la loi pour une sécurité globale préservant les libertés : il avait alerté mis en garde contre cette tendance à la confusion des genres. Les premiers travaux de la mission sénatoriale d’information sur les polices municipales le démontrent aussi. Le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires ne peut que s’y opposer.

Nous avons, par exemple, demandé la suppression de l’article 6, qui prévoit l’extension du continuum de sécurité – à savoir cette confusion de compétences entre les différentes forces de sécurité –, avec le libre accès des agents de la police municipale aux espaces et matériels roulants des transports de voyageurs, aux espaces de transport et aux trains en circulation.

Ce texte, sorte de marronnier sécuritaire, néglige les aspects de prévention et de dissuasion. Il dilue l’autorité régalienne auprès de forces de sécurité hors de son contrôle, alors qu’il conviendrait plutôt de recruter davantage d’agents des forces de l’ordre, de mieux les former et de bien les rémunérer.

On nous oppose toujours le pragmatisme, mais le pragmatisme consiste à mettre les moyens là où ils sont utiles. Le prix du pragmatisme ne doit pas être une course vers la société de surveillance, l’emploi de technologies d’enregistrement sans contrôle, la multiplication de fichiers, et j’en passe.

Nous regrettons également la rédaction qui a été retenue de l’article 8 : elle spécifie que l’enregistrement vidéo n’est pas permanent, alors que nous demandions qu’il le soit, les images pouvant être trompeuses.

En choisissant le moment où ils déclencheront l’enregistrement, les agents auront la possibilité de montrer les événements sous le jour qui leur convient. Rendre l’enregistrement permanent aurait écarté ce risque et renforcé la confiance des usagers envers les agents.

Ce texte a pour ambition d’accroître les prérogatives des forces de sécurité dans les transports en commun, les gares et leurs abords, mais il crée aussi de nouveaux délits et renforce massivement les dispositifs de surveillance dans l’espace public.

Ainsi, nous sommes également opposés à l’article 18, qui autorise les fouilles et les palpations. Bien qu’il soit précisé que le consentement de la personne sera nécessaire, les agents ne seront pas tenus – nous en avions, pour notre part, fait la demande – d’informer les personnes de leur droit de refuser que l’on effectue sur eux une palpation de sûreté ou une fouille de leurs effets personnels.

Concernant l’article 19, nous avions fait part, dès la première lecture en séance publique, de notre opposition à un décret qui fixerait les modalités de sélection des personnes morales de droit privé amenées à récolter des données sensibles, fiscales et sociales auprès des administrations publiques et des organismes de sécurité sociale dans les cas de recouvrement des sommes dues pour des contraventions.

Notre groupe, attaché aux libertés et particulièrement inquiet des possibles dérives liées à la protection des données à caractère personnel, ne peut accepter le flou entourant le choix et la formation des personnes pouvant accéder à ces données sensibles.

J’ai cherché dans cette nouvelle version du texte des points positifs et d’éventuelles améliorations.

La suppression de l’article 12, qui prévoyait de créer un délit d’incivilité habituelle et qui mettait sur le même plan le vapotage, la mendicité, la détention d’arme à feu et le fait de troubler la tranquillité d’autrui par des bruits, en fait sûrement partie.

Un ronfleur, une personne au clavier trop bruyant et une personne détenant une arme à feu risquaient en effet les mêmes peines : six mois d’emprisonnement et 7 500 euros d’amende. C’était d’autant plus absurde que cet article d’affichage ne répondait même pas à l’objet de la proposition de loi.

Mes chers collègues, comme le rappelait Mme la rapporteure, les gares ferroviaires, les stations de métro et de bus, les réseaux ferrés et les véhicules de transport sont, par nature, vulnérables à des menaces qui sont bien réelles et bien identifiées.

Pour autant, les mesures prévues dans ce texte ne permettent que trop peu la prévention de délits ou d’attaques, et font peser sur les utilisateurs ou usagers le risque d’un contrôle arbitraire au-delà du raisonnable.

Pour ces raisons, et puisque la commission mixte paritaire n’a pas su revenir sur les mesures auxquelles notre groupe s’était déjà opposé en première lecture, nous voterons contre le texte. (Applaudissements sur les travées des groupes GEST et CRCE-K.)

M. le président. La parole est à Mme Marie-Pierre de La Gontrie, pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous voilà donc au bout du parcours parlementaire de ce texte, qui traite d’un sujet ayant suscité de nombreuses initiatives, au Sénat comme à l’Assemblée nationale, parmi lesquelles celle de notre ancien collègue Philippe Tabarot, très investi depuis toujours sur ces questions.

Si notre famille politique a voté contre ce texte lors de son examen à l’Assemblée nationale, les suppressions, en commission mixte paritaire, de l’interdiction administrative de transport pour les personnes considérées comme menaçantes, de l’utilisation de logiciels d’intelligence artificielle, du dispositif de collecte et de traitement de données sensibles par les agents de sûreté de la SNCF ou de la RATP, du délit d’incivilité d’habitude ou encore du fichier créé au bénéfice des agents de sûreté sont des améliorations intéressantes et qui, en tout cas, sont plus conformes à nos vœux.

Toutefois, certaines des mesures préoccupantes ayant justifié notre opposition initiale demeurent.

Je veux parler de la trop forte extension des pouvoirs des agents de sûreté, dont je rappelle qu’il s’agit d’agents de sécurité privée, et qui seront désormais habilités à procéder à des fouilles ou à des palpations, et à faire usage de Taser.

Au fond, le plus gênant est la privatisation croissante des missions de sécurité, ainsi que l’extension auxdits agents, cela a été rappelé, du pouvoir d’injonction. L’infraction d’abandon involontaire ou volontaire de bagages a également été maintenue.

Ce texte ne permet pas, au bout du compte, d’avoir une approche globale de la sûreté dans les transports. Il s’agit, en quelque sorte, d’une occasion manquée.

Néanmoins, certaines dispositions sont intéressantes et nous y sommes favorables. Je pense évidemment aux mesures favorisant la coopération et la coordination entre les forces de sécurité publiques ou privées, au développement des caméras-piétons pour les agents de sûreté, à la création d’un numéro unique de signalement ou encore au renforcement de la lutte contre la fraude.

Finalement – je ne maintiendrai pas le suspense que je sens insoutenable (Mme la rapporteure sourit.) –, nous aurions pu voter en faveur de ce texte, s’il n’avait pas marqué d’une manière aussi forte ce glissement vers la privatisation de la sécurité et ce transfert de compétences de la police nationale vers la police municipale ou vers des entreprises dont nous savons que le personnel ne bénéficie pas du même type de formation.

Nous pouvons d’ailleurs nous interroger : à force de coercition, n’allons-nous pas bientôt rencontrer un problème de non-respect de la liberté d’aller et venir ?

Je vous rassure, monsieur le ministre, je ne suis pas en train de vous annoncer, sur ce texte, une saisine du Conseil constitutionnel ! Nous aurons bien d’autres occasions de le faire, compte tenu des textes extrêmement inquiétants qui viennent en discussion cette semaine devant le Sénat.

En résumé, la présente proposition de loi n’apporte pas, à nos yeux, de garanties suffisantes en matière de respect des libertés publiques, et est sous-tendue par une approche exclusivement répressive, comme l’ont dit notamment mes collègues Margaté et Benarroche.

J’ai été élue au conseil régional d’Île-de-France pendant quinze ans. La question des transports et de leur sécurité y est omniprésente, mais nous savons très bien que la répression ne suffit pas. Bien d’autres aspects n’ont pas été traités dans ce texte.

Notre groupe a tout de même décidé de positiver son vote de première lecture et s’abstiendra sur le texte issu de la commission mixte paritaire. (Mme la rapporteure exprime sa satisfaction.)

M. le président. La parole est à M. Marc Laménie, pour le groupe Les Indépendants – République et Territoires.

M. Marc Laménie. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la période des jeux Olympiques nous a fait découvrir un Paris quelque peu idéalisé : une ville propre, des transports en commun fonctionnels, et surtout une tranquillité publique que la capitale n’avait pas connue depuis des décennies.

Cet épisode enchanté n’aura malheureusement duré qu’un été et concerné que quelques villes de France.

L’utopie d’une ville parfaite dans une société apaisée, telle que Thomas More l’a décrite au XVIe siècle, a pris fin, et nos concitoyens ont redécouvert à la rentrée des transports en commun où la saleté, l’insécurité et les incivilités que quelques-uns imposent aux autres sont la règle.

La reprise de l’examen de la proposition de loi relative au renforcement de la sûreté dans les transports, interrompue en juillet dernier, devenait nécessaire. Je salue au passage le travail de la rapporteure et de ses collègues, et je félicite mes collègues députés et sénateurs d’être parvenus à un accord en commission mixte paritaire.

En effet, le transport routier étant, au travers de ses émissions de gaz à effet de serre, l’un des principaux contributeurs à la pollution atmosphérique, la transition, que je soutiens largement, des transports du quotidien de la voiture individuelle vers les transports en commun est chaque jour une réalité de plus en plus présente pour nos concitoyens.

Pour autant, nous ne pouvons pas continuer à inciter les Français à changer leurs habitudes si nous leur offrons comme solution de remplacement des transports en commun constamment en retard et peu sûrs.

Nos collectivités territoriales sont le fer de lance du développement des transports en commun. Elles investissent constamment pour que les trains, les trams ou les métros soient plus nombreux, plus propres et ponctuels.

Cependant, pour convaincre nos concitoyens d’emprunter ces transports et récompenser les investissements des élus locaux, la question de la sûreté doit impérativement être résolue par les opérateurs et, surtout, par les services de l’État.

Monsieur le ministre, permettez-moi de vous le dire : en matière de sûreté dans les transports, la situation n’est vraiment pas satisfaisante. En effet, la très nette augmentation des incivilités et des violences, et plus particulièrement des violences sexuelles, doit nous alerter.

Nous devons nous adresser aux 3 374 victimes de violences sexuelles dans les transports en commun enregistrées en 2024 par les services de police et de gendarmerie, un chiffre en augmentation de 86 % depuis 2016 selon l’observatoire de la mission interministérielle pour la protection des femmes contre les violences et la lutte contre la traite des êtres humains. Nous devons leur dire que ces violences doivent cesser.

C’est l’un des objectifs de cette proposition de loi, qui a fait l’objet d’un accord en commission mixte paritaire le 6 mars dernier.

Le texte renforce les missions et les capacités d’action de la sûreté ferroviaire, de la sûreté de la RATP et des agents de sécurité privée employés dans les gares et dans les transports en commun.

En venant à Paris aujourd’hui, j’ai rencontré la Suge en gare de Reims. Il est important de dialoguer avec les personnes engagées sur le terrain, et la question des moyens humains et des effectifs est primordiale. De même, les partenariats avec la gendarmerie, la police nationale et les polices municipales sont indispensables.

Le texte prévoit notamment un droit de poursuite sur la voie publique, un pouvoir d’éviction des transports en commun et la possibilité de prononcer une interdiction d’accès à ces transports.

La capacité des agents de visionner les images de vidéosurveillance captées dans les transports pour identifier les auteurs d’infractions sera étendue, et une expérimentation leur permettra d’être équipés de caméras-piétons.

Pour mieux protéger nos enfants, les opérateurs de transport scolaire à Mayotte auront la possibilité de filmer la voie publique au moyen de caméras frontales et latérales embarquées.

Pour réagir aux situations les plus violentes, certains agents chargés de la sécurité des voyageurs pourront même être équipés de pistolets à impulsion électrique.

Concernant le traitement des incivilités, l’arsenal juridique est renforcé par des dispositions relatives à la lutte contre la fraude, aux abandons de bagages, aux entraves à la circulation ou encore au transport surfing.

Enfin, les opérateurs de transport seront informés du retrait éventuel du permis de conduire des conducteurs de véhicules, afin que ces derniers puissent, le cas échéant, être écartés. Seront aussi retirés du service les agents condamnés pour des infractions violentes ou sexuelles, ou à caractère terroriste.

Voilà, mes chers collègues, quel est l’objet de ce texte très attendu par les acteurs des transports en commun et, surtout, par les usagers.

Les sénateurs du groupe Les Indépendants – République et Territoires voteront, en responsabilité, les conclusions de la commission mixte paritaire sur cette proposition de loi. (MM. Jean-François Longeot et Laurent Somon applaudissent.)

M. le président. La parole est à M. Hervé Reynaud, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. Jean-François Longeot applaudit également.)

M. Hervé Reynaud. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, permettez-moi de saluer le président Longeot, qui a su faire vivre le débat sur ce texte au sein de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable.

En commission mixte paritaire, le jeudi 6 mars dernier, députés et sénateurs se sont donc entendus sur un texte commun pour améliorer la sécurité dans les transports. Nous pouvons nous en réjouir et nous réjouir également qu’un certain nombre de clivages aient été dépassés à cette occasion.

Comme je l’ai évoqué dans mon intervention en discussion générale lors de l’examen en séance publique le 13 février 2024, cette proposition de loi répond – j’en suis convaincu – à une demande forte de nos concitoyens, mais aussi de nos opérateurs de transport et de ceux qui y travaillent au quotidien, dans des conditions que nous savons parfois difficiles et violentes.

Quelque 2 407 victimes de violences sexistes et sexuelles ont ainsi été comptabilisées en 2023, dont 62 % en Île-de-France.

Parallèlement, ainsi que le relève la SNCF sur son réseau, on observe une croissance exponentielle du nombre d’objets dangereux, 1 342 personnes ayant été signalées pour port et transport illégal d’armes.

Le texte issu de la commission mixte paritaire contient de multiples mesures, souvent issues des travaux du Sénat, qui sont très attendues des professionnels. Il est en effet nécessaire d’adapter nos moyens juridiques de répression aux évolutions des modes opératoires, souvent violents, des contrevenants.

Le texte institue tout d’abord un droit de poursuite au bénéfice des agents de sûreté de la SNCF et de la RATP lorsqu’un contrevenant se rend sur la voie publique après avoir commis une infraction à l’intérieur d’une emprise ou d’un véhicule.

Il pérennise par ailleurs l’expérimentation, qui a pris fin le 1er octobre dernier, prévoyant le port de caméras-piétons pour les contrôleurs et pour l’ensemble des agents des services internes de sécurité.

Il s’agit de pérenniser « un moyen plébiscité par les agents pour diminuer les tensions en cas d’agression », a fait valoir le ministre chargé des transports Philippe Tabarot, qui – preuve de sa ténacité sur le sujet (M. le ministre délégué sourit.) – s’est rendu sur le terrain pour constater les problèmes.

L’usage des caméras-piétons est permis à titre expérimental pour les conducteurs de bus, et la proposition de loi autorise, à titre expérimental également, les conducteurs d’autobus et d’autocars à déclencher, en cas de danger, un système de captation sonore auquel pourrait accéder en temps réel le poste de contrôle et de commandement.

Conformément aux souhaits du Sénat, le texte élargit par ailleurs les prérogatives des forces de sécurité dans les transports – sûreté ferroviaire pour la SNCF, GPSR pour la RATP –, qui pourront procéder à des palpations sans avoir besoin du feu vert du préfet lorsqu’il existe des éléments objectifs laissant penser qu’une personne pourrait détenir des objets susceptibles de présenter un risque pour la sécurité des voyageurs. Ils pourront en outre intervenir aux abords des gares et saisir des objets considérés comme potentiellement dangereux.

La proposition de loi crée une nouvelle interdiction d’entrée en gare, qui vise les personnes dont le comportement au seuil d’une emprise trouble l’ordre public et pourrait compromettre la sécurité des personnes ou la régularité des circulations, ainsi que celles qui refusent une inspection visuelle, la fouille de bagages ou des palpations de sécurité. Ces avancées sont majeures.

Le texte impose également à l’ensemble des entreprises ferroviaires de mettre en place un numéro d’appel unique pour permettre aux voyageurs de signaler rapidement des situations qui présentent un risque pour leur sécurité ou celle des autres voyageurs.

Une disposition proroge l’expérimentation, qui devait s’achever en mars, d’un dispositif de vidéosurveillance algorithmique lors de grands rassemblements, testé notamment lors des jeux Olympiques de Paris. Cet algorithme analyse les images de vidéosurveillance afin de repérer des comportements suspects.

Nous devons garder une chose en tête : la plus grande des restrictions de libertés, c’est lorsque nos concitoyens renoncent à utiliser les transports en commun à certaines plages horaires ou sur certaines lignes. À nous de leur faire aimer les transports en commun !

En définitive, ainsi que l’avait résumé Jean-Pierre Farandou lors de son audition au Sénat, cette proposition de loi contribue à apporter un « supplément d’efficacité dans l’action ».

C’est la raison pour laquelle le groupe Les Républicains votera le texte issu des travaux de la commission mixte paritaire. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – MM. Marc Laménie et Jean-François Longeot applaudissent également.)

M. le président. La parole est à Mme Solanges Nadille, pour le groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants.

Mme Solanges Nadille. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, réunis en commission mixte paritaire il y a dix jours, les parlementaires sont parvenus à un accord pour renforcer la sûreté dans les transports.

Un chiffre glaçant publié récemment nous rappelle la nécessité d’agir : en 2024, nos services de police et de gendarmerie ont enregistré près de 3 400 victimes de violences sexuelles dans les transports en commun, soit 6 % de plus qu’en 2023.

C’est contre ces comportements inadmissibles, en hausse sensible depuis dix ans, que M. Tabarot entend lutter au travers de sa proposition de loi. Nous partageons pleinement sa volonté.

Sans suspense, mon groupe votera unanimement en faveur des conclusions qui nous sont présentées aujourd’hui, plus d’un an après l’adoption du texte en première lecture au Sénat. Ralentie, malgré le déclenchement de la procédure accélérée, par le contexte politique, la navette parlementaire arrive désormais à son terme.

Après que les députés ont amendé la version qui leur a été transmise, de nombreux points d’accord ont pu être trouvés le 6 mars dernier, afin de répondre à ce besoin impérieux : pouvoir circuler plus librement et plus sûrement dans les lieux de transport public.

En cas d’adoption définitive – ce dont je ne doute pas –, il sera possible, pour les agents des services internes de sécurité de la SNCF et de la RATP, de procéder à des palpations de sécurité sans autorisation préalable du préfet, dans certaines situations objectivement à risque.

Les agents de la Suge et du GPSR auront la possibilité de confisquer des objets lorsque ces derniers seront considérés comme dangereux pour les voyageurs, des précisions réglementaires devant être apportées ultérieurement.

Ils pourront en outre constater le délit de vente à la sauvette aux abords des gares et stations, sans toutefois être habilités, ainsi que l’envisageaient les députés, à percevoir le montant des transactions.

Concernant l’article 2 et l’intervention de ces agents sur la voie publique, un compromis a, là encore, été trouvé.

Alors que la possibilité de doter les agents du service interne de sécurité de la SNCF de pistolets à impulsion électrique a été conservée, la commission mixte paritaire a écarté l’alignement des règles d’usage des armes des agents de la Suge et du GPSR sur celles des policiers et des gendarmes, tout en leur permettant de bénéficier du cadre relatif à la « légitime défense élargie » et au « périple meurtrier ».

Une disposition intéressera particulièrement nos collectivités : l’exploitant du service de transport public pourra conclure une convention avec une ou plusieurs communes, avec un établissement public de coopération intercommunale (EPCI), ainsi qu’avec l’autorité organisatrice de la mobilité (AOM) pour déterminer les conditions dans lesquelles les agents de la police municipale ou les gardes champêtres pourront accéder aux espaces de transport.

En matière de surveillance, plusieurs expérimentations relatives au port de caméras individuelles par les agents assermentés des opérateurs ou au port d’une caméra-piéton par les conducteurs de bus sont prorogées.

De nouvelles expérimentations sont par ailleurs introduites. Ainsi, pendant trois ans, les opérateurs de transport scolaire à Mayotte pourront filmer la voie publique au moyen de caméras frontales et latérales embarquées, de même que les opérateurs de transports guidés urbains seront autorisés à installer des caméras frontales embarquées sur les matériels roulants.

Pour deux ans, la captation et la transmission du son dans les bus et les cars à des fins de sécurité des conducteurs sont rendues possibles dans certaines conditions.

Quant à l’expérimentation de traitements algorithmiques sur les images de vidéosurveillance dans le cadre de manifestations sportives, récréatives ou culturelles, elle sera encore possible jusqu’au 1er mars 2027.

À l’inverse, l’article 9, qui encadrait l’utilisation à titre expérimental de traitements algorithmiques sur des images issues des caméras de la SNCF et de la RATP en temps différé, a été supprimé.

Au volet des sanctions, si la commission mixte paritaire a entériné une peine complémentaire d’interdiction de paraître dans les transports, le dispositif de sanction à trois niveaux dans la lutte contre les objets délaissés a été repris, de même que la mise à disposition d’un dispositif anonymisé d’étiquetage des bagages. Il sera nécessaire d’en faire une publicité large à destination des voyageurs.

Le délit de transport surfing, prévu par la proposition de loi, pourra quant à lui être sanctionné de 3 750 euros d’amende.

Enfin, mon groupe se félicite que l’exploitant d’un réseau de transport public puisse bientôt déposer plainte pour le compte de ses agents victimes d’atteinte volontaire à leur intégrité physique ou psychique, de menaces, d’actes d’intimidation ou d’outrage, et que toute personne définitivement condamnée pour des infractions violentes ou sexuelles, ou pour une infraction à caractère terroriste, soit interdite d’exercer comme conducteur ou d’intervenir dans les bus ou les cars. (MM. Marc Laménie et Jean-François Longeot applaudissent.)

M. le président. Conformément à l’article 42, alinéa 12, du règlement, je mets aux voix l’ensemble de la proposition de loi relative au renforcement de la sûreté dans les transports dans la rédaction résultant du texte élaboré par la commission mixte paritaire.

J’ai été saisi d’une demande de scrutin public émanant du groupe Les Républicains.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

(Le scrutin a lieu.)

M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J’invite Mmes et MM. les secrétaires à constater le résultat du scrutin.

(Mmes et MM. les secrétaires constatent le résultat du scrutin.)

M. le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 230 :

Nombre de votants 341
Nombre de suffrages exprimés 276
Pour l’adoption 242
Contre 34

Le Sénat a adopté. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC. – Mme Solanges Nadille et M. Marc Laménie applaudissent également.)

Article 20 (début)
Dossier législatif : proposition de loi relative au renforcement de la sûreté dans les transports
 

3

Mise au point au sujet de votes

M. le président. La parole est à M. Laurent Somon.

M. Laurent Somon. Monsieur le président, lors des scrutins publics nos 220, 225 et 226, ma collègue Catherine Belrhiti souhaitait voter contre.

M. le président. Acte est donné de cette mise au point, mon cher collègue. Elle figurera dans l’analyse politique des scrutins concernés.

Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à seize heures cinquante-cinq, est reprise à dix-sept heures.)

M. le président. La séance est reprise.

4

Débat préalable à la réunion du Conseil européen des 20 et 21 mars 2025

M. le président. L’ordre du jour appelle le débat préalable à la réunion du Conseil européen des 20 et 21 mars 2025, organisé à la demande de la commission des affaires européennes.

Je vous rappelle que, dans ce débat, le Gouvernement aura la faculté, s’il le juge nécessaire, de prendre la parole immédiatement après chaque orateur pour une durée de deux minutes ; l’orateur disposera alors à son tour du droit de répartie, pour une minute.

Monsieur le ministre délégué, vous pourrez donc, si vous le souhaitez, répondre après chaque orateur, une fois que celui-ci aura retrouvé une place dans l’hémicycle.

Dans le débat, la parole est à M. le ministre délégué. (Applaudissements au banc des commissions. – Mmes Solanges Nadille et Catherine Morin-Desailly applaudissent également.)

M. Benjamin Haddad, ministre délégué auprès du ministre de lEurope et des affaires étrangères, chargé de lEurope. Monsieur le président, monsieur le vice-président de la commission des affaires étrangères, monsieur le président de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable, monsieur le rapporteur général de la commission des finances, monsieur le président de la commission des affaires européennes, mesdames, messieurs les sénateurs, je suis heureux d’être parmi vous aujourd’hui pour évoquer le Conseil européen qui se tiendra jeudi et vendredi prochains à Bruxelles.

L’Ukraine sera évidemment, de nouveau, au centre des discussions. L’unité des Européens sur ce dossier est absolument essentielle, et ce Conseil constituera une nouvelle occasion de la réaffirmer. C’était le sens de la séquence qu’a lancée le Président de la République en février dernier. Celle-ci s’est poursuivie à Londres, et a nous a permis d’affirmer, lors du sommet européen extraordinaire, notre approche commune pour parvenir à une paix juste et durable en Ukraine.

Nous devons désormais rester plus unis et mobilisés que jamais, en ce moment décisif où les États-Unis souhaitent accélérer les négociations de paix et où Moscou accentue sa pression militaire sur les troupes de Kiev dans la région de Koursk.

Sur le fond, nous sommes d’accord sur cinq points fondamentaux. Aucune négociation sur l’Ukraine ne doit avoir lieu sans l’Ukraine. Aucune négociation sur la sécurité européenne ne doit être menée sans les Européens. Toute trêve ou tout cessez-le-feu doit avoir lieu dans le cadre du processus menant à un accord de paix global. Tout accord de paix doit s’accompagner de garanties de sécurité robustes et crédibles pour l’Ukraine. Enfin, la paix ne peut aboutir à compromettre l’indépendance, la souveraineté et l’intégrité territoriale de l’Ukraine.

Sur le plan de la méthode, notre action en faveur des Ukrainiens doit être guidée par deux principes essentiels : l’unité et la proactivité.

Nous devons travailler, avec les Européens, à des garanties de sécurité robustes et crédibles.

Sur ce point, le Président de la République a, encore une fois, donné l’impulsion, en invitant la semaine dernière tous les chefs d’état-major des armées de nos partenaires à Paris, pour étudier l’ensemble des options envisageables.

Cela suppose également de maintenir un soutien solide à l’Ukraine, en accélérant notamment le déboursement de notre prêt et en veillant à ce qu’il profite en priorité aux industriels européens. Nous continuerons à avancer sur ces deux volets jeudi et vendredi, avec nos partenaires européens.

La perspective d’un désengagement durable des États-Unis de la sécurité du continent doit nous conduire à réagir, en construisant une Union européenne plus indépendante pour sa défense. L’augmentation de nos capacités de défense constitue une priorité absolue pour assurer notre sécurité et nous permettre de peser de manière crédible dans les discussions à venir.

En matière de défense européenne, il faut aller plus vite et plus fort, opérer un véritable changement d’échelle. La France le dit depuis huit ans déjà. Après le déclenchement de la guerre d’agression russe en Ukraine et l’adoption de l’agenda de Versailles durant la présidence française, après le diagnostic établi par le rapport Draghi, après les prises de position de la nouvelle administration américaine et les questions qu’elles soulèvent quant à l’avenir de la relation transatlantique et de la garantie de sécurité américaine, nous assistons actuellement à une véritable révolution des mentalités chez nos amis européens, notamment en Allemagne.

Ce changement d’échelle, nous l’avons acté le 6 mars dernier. Nous nous sommes mis d’accord, pour la première fois, sur une liste de domaines prioritaires dans lesquels nous devons investir ensemble, en tant qu’Européens, et sur des options de financement à explorer, à partir notamment des propositions de la présidente de la Commission, dans le cadre du plan ReArm Europe.

Il faut aller maintenant le plus vite possible dans la mise en œuvre. Nous attendons les premières propositions de la Commission, qui auront lieu dès mercredi, lors de la publication d’un livre blanc sur la défense et d’un paquet législatif qui concrétisera les options de financement.

Les discussions sur la proposition de règlement relatif à l’établissement du programme pour l’industrie européenne de la défense et d’un cadre de mesures visant à assurer la disponibilité et la fourniture en temps utile des produits de défense, dit règlement Edip, qui doit permettre de renforcer notre base industrielle et technologique de défense européenne (BITDE), s’accélèrent aussi.

En ce qui concerne le financement, il faut donner un caractère opérationnel aux premières pistes identifiées par la Commission et continuer à étudier toutes les options innovantes, sans a priori ni tabou.

L’important est de nous assurer que cet effort supplémentaire de financement des projets industriels soit véritablement européen et qu’il bénéficie à la BITDE.

La semaine dernière, au Parlement européen, j’ai pu constater avec satisfaction que la notion de « préférence européenne », que nous défendons depuis longtemps, s’impose de plus en plus largement, sous l’effet bien sûr de la pression des événements et du discours de l’administration américaine.

Une Europe forte et indépendante est aussi une Europe prospère, capable d’innover et d’assurer sa production dans les domaines les plus stratégiques. Nous aurons ainsi, lors du Conseil européen, un nouvel échange sur la compétitivité.

Discours de la Sorbonne, agenda franco-allemand de Meseberg, rapports Letta et Draghi, agenda stratégique européen, déclarations de Versailles, Grenade et Budapest : nous n’avons eu de cesse d’appeler à un sursaut européen. La boussole pour la compétitivité et le pacte pour une industrie verte, récemment présenté par la Commission, témoignent que notre ambition en la matière est partagée par les institutions européennes. Il faut désormais que les propositions se concrétisent et qu’elles produisent leurs effets rapidement.

Nous accélérons aussi la mise en œuvre de l’agenda de simplification, cruciale pour libérer le potentiel de nos économies. L’enjeu est de trouver le bon équilibre entre la décarbonation de nos économies, une ambition qui figure dans le Pacte vert, et la compétitivité, pour répondre aux préoccupations de nos entreprises, de nos PME et de nos agriculteurs.

Les textes qui viennent d’être présentés par la Commission constituent un bon premier pas, notamment en direction de nos PME. Celles-ci devraient voir leurs charges administratives allégées. Nous pensons toutefois que cette démarche doit aller plus loin, notamment pour simplifier la vie de nos agriculteurs, comme le Président de la République le réaffirmera lors du Conseil.

Néanmoins, comme vous le savez, il ne suffit pas de définir un agenda industriel ambitieux : sa mise en œuvre peut, à tout moment, être compromise par des menaces ou des actions unilatérales, susceptibles d’exercer des effets préjudiciables graves sur nos économies et nos entreprises.

Nous devons donc assurer notre sécurité économique et, dans un monde de plus en plus fragmenté, nous défendre collectivement à la fois contre la concurrence déloyale, les surcapacités et les décisions tarifaires hostiles.

Il convient ainsi, comme nous venons de le faire en ce qui concerne la hausse des droits de douane américains sur l’acier et l’aluminium, que nous continuions à anticiper et à travailler ensemble, et à nous tenir prêts à agir, sous l’impulsion de la Commission – car tel est son rôle –, de manière unie, ferme, proportionnée, ciblée, dans le respect du droit international.

Pour bâtir notre autonomie stratégique, notre budget pour les prochaines années doit refléter clairement nos priorités communes.

J’en viens ainsi aux discussions sur le prochain cadre financier pluriannuel (CFP), qui ont commencé au sein du conseil Affaires générales, où je siège.

L’objectif est de garantir la mise en œuvre de notre agenda de souveraineté et de maintenir un haut niveau d’ambition dans nos domaines prioritaires, en augmentant la capacité d’action financière de l’Union européenne, à la fois publique – c’est le CFP –, mais aussi privée : je pense notamment à la mobilisation de l’épargne européenne et à la réalisation de l’union des marchés de capitaux.

Il s’agit, en substance, de finaliser l’agenda de Versailles, en réduisant nos dépendances dans des domaines comme l’énergie, la santé, le numérique ou les matières premières critiques.

Il importe de mieux mobiliser l’épargne dormante européenne, qui est mal investie ou qui contribue à financer, à hauteur de 300 milliards d’euros chaque année, l’économie américaine, pour l’orienter vers nos besoins d’investissement. J’ai souvent évoqué, avec vous, mesdames, messieurs les sénateurs, ce sujet dans cet hémicycle.

Selon le rapport Draghi, l’Europe souffre d’un retard d’investissement, public comme privé, de 800 milliards d’euros par an pour financer la défense, la décarbonation, la tech. La réalisation d’une union des marchés de capitaux, la création d’un « 28e régime », la mise en œuvre d’une harmonisation réglementaire doivent permettre de mieux lier les capacités de financement offertes par l’épargne européenne et les besoins d’investissement que j’ai mentionnés.

Le prochain CFP devra également doter la politique agricole commune de moyens à la hauteur des enjeux. Alors que l’alimentation pourrait devenir, dans le contexte d’exacerbation des tensions géopolitiques, une arme utilisée par des puissances rivales, telles que la Russie, nous devons, si nous voulons répondre efficacement à ces enjeux, nous doter d’un agenda pour renforcer la souveraineté alimentaire européenne, en garantissant la capacité productive de l’Union, en préservant les revenus des agriculteurs, en établissant des conditions aptes à maintenir un niveau de concurrence équitable, et en prenant en compte les spécificités de la politique agricole commune.

Je tiens à souligner que la vision stratégique pour l’agriculture, présentée par le commissaire européen Christophe Hansen, reprend plusieurs des priorités formulées par la France : l’accompagnement et l’investissement sont ainsi privilégiés, plutôt que la contrainte ; l’accent est également mis sur la réciprocité commerciale, la souveraineté alimentaire de l’Union européenne ou encore la question du renouvellement des générations.

Nous devrons désormais veiller à ce que cette vision se traduise en actes dans le CFP et dans la mise en œuvre de la politique agricole commune, afin de défendre les intérêts de nos agriculteurs et de garantir la souveraineté alimentaire de l’Union européenne.

Nous serons également vigilants sur la politique de cohésion : nous devons préserver les intérêts de nos régions, notamment ultrapériphériques.

Cet effort d’investissement massif que nous souhaitons ne sera possible que si nous trouvons de nouvelles sources de financement du budget européen. Le Président de la République le dira très clairement à ses homologues à Bruxelles : la mise en place de nouvelles ressources propres constituera, pour la France, une condition sine qua non de son accord sur le prochain cadre financier pluriannuel de l’Union. C’est une question de cohérence et d’ambition, dans un contexte où de nombreux États membres font face à des contraintes budgétaires.

Une Europe forte, c’est aussi une Europe qui prouve à ses citoyens qu’elle est capable d’agir efficacement face aux défis qui les touchent.

Je pense en particulier à la question de la maîtrise de l’immigration. Les chefs d’État et de gouvernement feront notamment le point sur la mise en œuvre – c’est un point essentiel – du pacte européen sur la migration et l’asile, qui nous dote de nouveaux outils indispensables pour assurer le contrôle de nos frontières.

Il est également primordial de faciliter les éloignements et les expulsions. La Commission a proposé une nouvelle législation, afin de faciliter les retours. Nous en discuterons, avec comme objectif de parvenir à adopter rapidement une réforme de notre cadre législatif en la matière. Il s’agit de rendre nos procédures de retour plus simples et plus efficaces. C’était une demande que la France avait exprimée, par la voix du Président de la République et du ministre de l’intérieur. Il faudra, pour cela, donner les marges de manœuvre nécessaires aux États membres pour remplir leurs missions.

Enfin, dans un ordre mondial en plein bouleversement, une Europe forte est une Europe capable d’avoir une action extérieure stable, lisible et cohérente pour nos partenaires, face à une administration américaine plus que jamais imprévisible.

Cela concerne notamment notre action au Proche-Orient, qui sera également à l’ordre du jour du Conseil européen.

Au Liban, nous devons accompagner la dynamique de changement engagée par le renouvellement de l’exécutif et continuer à soutenir la construction d’une paix durable dans le sud. La France continuera à jouer dans ce processus le rôle clé qu’elle a joué ces derniers mois.

En Israël et dans les territoires palestiniens, il nous importe de tout faire pour préserver le cessez-le-feu et la perspective d’une solution à deux États, face à l’imprévisibilité de l’action américaine, en soutenant unanimement le plan arabe pour Gaza.

L’engagement européen demeure nécessaire également en Syrie, où la situation reste, comme l’ont montré les récentes exactions, extrêmement fragile. Nous avons collectivement exprimé nos conditions dès le 8 décembre dernier : inclusivité et représentativité dans le processus ; respect des droits humains ; respect de l’indépendance, de la souveraineté et de l’intégrité territoriale de la Syrie ; et mise en œuvre d’une action ferme en matière de lutte antiterroriste. Nous devons être très clairs sur ce point : notre engagement, notamment en ce qui concerne la levée des sanctions, est réversible.

Je dirai, en conclusion, un dernier mot sur notre action en faveur de l’océan. L’Europe doit être au rendez-vous et défendre ses ambitions pour la protection de ce bien commun, comme le souligneront les dirigeants européens à Bruxelles. Tel sera l’objectif du pacte européen pour les océans, qui sera bientôt présenté par la Commission. Celle-ci proposera aux Européens de mener une action concertée et intégrée pour la prochaine décennie, dans la perspective de la troisième conférence des Nations unies sur l’océan, qui aura lieu au début du mois de juin à Nice : la France jouera, une nouvelle fois, un rôle d’impulsion majeur auprès de ses partenaires sur ce sujet multilatéral fondamental.

Tels seront les principaux sujets qui seront examinés lors du Conseil de jeudi et vendredi, lequel se tiendra dans un moment de bascule historique pour notre continent. J’ai essayé de vous présenter brièvement les priorités de la France lors de ce Conseil. Je me réjouis désormais, mesdames, messieurs les sénateurs, de vous écouter et d’échanger avec vous sur ce sujet. (M. Marc Laménie applaudit.)

M. le président. La parole est à M. le vice-président de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées.

M. Pascal Allizard, vice-président de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la violence de l’agression russe contre l’Ukraine, puis la fermeté, pour ne pas dire la brutalité, du président Trump, ont provoqué un véritable réveil européen. Secoués de la torpeur dans laquelle nous avaient plongés les dividendes de la paix, nous n’avons pas d’autre choix que d’assumer notre propre sécurité.

Comme l’a dit le président Perrin lors du débat que nous avons eu la semaine dernière au Sénat, il nous revient maintenant de « diffuser en Europe notre volonté d’indépendance et de souveraineté ».

Les conclusions du dernier Conseil européen extraordinaire vont dans le bon sens. L’Union européenne semble déterminée à accroître sa préparation globale en matière de défense et à combler ses lacunes. Elle semble aussi vouloir y mettre les moyens.

Qu’y a-t-il toutefois, à ce stade, derrière les mots ?

Le dernier Conseil européen a validé le paquet de mesures exceptionnelles proposées par la présidente de la Commission, qui visent à financer un surcroît de dépenses de défense estimé à 800 milliards d’euros. Le montant est impressionnant. Il correspond exactement aux 5 % du PIB des États membres exigés par le président Trump. D’aucuns feront sans doute remarquer que l’on s’autonomise en obéissant… Cependant, au fond, seul l’objectif compte, à condition toutefois que l’on se donne les moyens de l’atteindre.

Il convient ainsi, tout d’abord, d’être plus précis. Le ministre Barrot a dit que la France se saisira de tous les instruments que la Commission mettra sur la table, tels que la dérogation aux règles budgétaires, les facilités de prêt ou encore l’emploi des fonds de cohésion inutilisés. Nous aimerions toutefois avoir davantage de détails sur les montants en jeu et sur leur emploi.

Ensuite, on ne voit pas encore bien comment garantir que cet effort de défense profitera prioritairement à l’industrie européenne. Le projet de règlement Edip, qui est en cours de discussion, ne représente encore qu’une goutte d’eau dans l’océan des investissements nécessaires et ne prend pas exactement le plus court chemin pour réduire nos dépendances à l’industrie américaine.

La méthode retenue pose d’autres problèmes. La présidente de la Commission invoque, pour accélérer la mise en œuvre des nouveaux instruments, l’article 122 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, qui permet de contourner les discussions parlementaires, comme cela a été le cas lors de la crise du covid-19. Or il s’agit, en l’espèce, de bâtir des solutions de long terme, dont l’élaboration demande plus que quelques jours de débat dans l’urgence.

Une autre question reste lancinante : s’agit-il d’un plan pour renforcer la défense européenne, ou bien d’un moyen d’accroître le contrôle, par les institutions européennes, de la défense des États européens ? Nous posions déjà cette question l’an dernier dans notre rapport sur le projet de règlement Edip. L’instauration d’un financement européen ad hoc des dépenses de défense aura-t-elle un jour pour corollaires la budgétisation de ces dernières, puis un transfert de compétence ? Ce débat est donc d’abord un débat sur la souveraineté nationale.

Enfin, le Sénat a insisté, en maintes occasions, sur l’importance de renforcer l’influence française dans les institutions européennes. Nous l’avons fait, encore récemment, lors de l’examen de la proposition de loi du président Rapin qui prévoyait notamment la consultation du Parlement sur la nomination des commissaires européens.

L’actualité nous a donné une nouvelle illustration de l’importance de cet enjeu : en réponse à l’instauration de tarifs américains sur l’acier et l’aluminium, qui touchaient relativement peu les exportations françaises, la Commission européenne a relevé les droits de douane sur le whisky américain. Une telle mesure appelait forcément à son tour une riposte américaine sur les vins et spiritueux européens. Celle-ci, cette fois, expose bien davantage l’économie française.

Comment le Gouvernement compte-t-il faire prévaloir nos intérêts nationaux dans ces dossiers, alors que l’influence de la France est en recul sensible à tous les niveaux des institutions européennes, à commencer par celui formé par le collège des commissaires ? (MM. Marc Laménie et M. Thierry Meignen, ainsi que M. le rapporteur général, applaudissent.)

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Benjamin Haddad, ministre délégué auprès du ministre de lEurope et des affaires étrangères, chargé de lEurope. Si vous me le permettez, monsieur le vice-président de la commission des affaires étrangères, je rebondirai sur votre dernière phrase. Il me semble un petit peu décalé, eu égard à l’actualité, de dire que l’influence de la France recule en Europe !

En effet, on n’a jamais autant parlé, en Europe, de préférence européenne, de défense européenne, de réduction de nos dépendances. On vient d’assister à la tenue d’un Conseil européen extraordinaire, où les États ont brisé un grand nombre de tabous afin, précisément, d’investir dans notre défense.

Vous avez toutefois raison de dire qu’il nous reste encore beaucoup de travail à faire. Je pense que nous aurons l’occasion de reparler de ce sujet au cours du débat.

En ce qui concerne la défense, notre objectif est d’identifier les domaines capacitaires – c’est ce que nous avons fait lors du dernier Conseil européen extraordinaire – dans lesquels l’Union européenne souffre de retards et de dépendances et doit donc investir. Je pense en particulier aux munitions, au cyber, aux drones, aux capacités de frappe en profondeur ou encore, bien sûr, aux satellites et au secteur spatial – chacun a pu constater le rôle joué par Starlink dans la défense de l’Ukraine.

La Commission européenne a fait des propositions que nous soutenons. Le ministre Barrot a eu raison de dire que nous utiliserions tous les leviers à notre disposition pour flécher ces financements vers l’industrie de défense française et les projets que nous défendons. Parmi ces leviers, on peut citer l’instauration de nouvelles facilités d’investissement au niveau des États membres, grâce à l’exclusion de certaines dépenses de défense dans le calcul par la Commission du déficit au titre du pacte de stabilité, le refléchage de certains fonds non utilisés au titre de la politique de cohésion, ou encore le prêt loan to loan.

Ces dispositifs sont intéressants. Il faudra aller plus loin. On pourrait envisager de mobiliser les fonds restants du Mécanisme européen de stabilité, ou encore réfléchir à lancer un nouvel emprunt européen, comme nous avions su le faire pendant la crise du covid-19.

Toutefois, les mécanismes qui ont été annoncés constituent de premières avancées que l’on peut qualifier de décisives et que nous devons saluer. Je reviendrai peut-être tout à l’heure sur la façon dont nous utiliserons ces fonds, mais je n’en dirai pas plus dans l’immédiat, car j’ai épuisé le temps qui m’était imparti pour cette première réponse.

M. le président. La parole est à M. le président de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable.

M. Jean-François Longeot, président de la commission de laménagement du territoire et du développement durable. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je souhaite aborder deux points relatifs à la préservation des océans, un sujet qui sera à l’ordre du jour de la réunion du Conseil européen des 20 et 21 mars prochain.

Tout d’abord, c’est mon premier point, la Commission européenne s’est engagée à présenter avant la conférence des Nations unies sur l’océan, qui aura lieu à Nice en juin prochain, un pacte européen pour les océans, visant à favoriser la résilience des océans face au changement climatique, à promouvoir une économie bleue compétitive et à développer la connaissance et la recherche relatives aux écosystèmes marins.

Ce pacte pourrait également comporter des mesures législatives afin d’aider les communautés côtières et rurales dépendantes des océans à gérer les impacts du changement climatique et à mettre en œuvre une exploitation durable des ressources. Il s’agit d’un sujet essentiel pour notre chambre, qui représente les territoires.

Afin de préparer ce pacte, la Commission européenne a sollicité l’avis des parties intéressées en début d’année. La France, qui possède le deuxième domaine maritime au monde, se doit d’être aux avant-postes des négociations européennes sur les politiques maritimes et littorales. Aussi, monsieur le ministre, comment envisagez-vous le rôle de la France dans l’élaboration du pacte européen pour les océans, et quelles priorités allez-vous mettre en avant ?

La France bénéficie d’un espace maritime de près de 11 millions de kilomètres carrés, répartis entre quatre océans, et dont 97 % se situent en outre-mer. Les territoires ultramarins sont donc stratégiques, et je dirais même incontournables, dans la protection et la mise en valeur du patrimoine marin de notre pays. Ils sont également en première ligne face aux phénomènes climatiques extrêmes, comme l’actualité récente l’a encore démontré de manière dramatique. Ils sont aussi très exposés à la criminalité en mer : la pêche illicite, la piraterie ou encore le narcotrafic.

Monsieur le ministre, de quelle manière la France met-elle en avant les enjeux et les besoins spécifiques des outre-mer dans la conception du pacte européen pour les océans ? Quels instruments pourrions-nous promouvoir pour permettre à ces territoires de jouer un rôle actif dans la mise en œuvre de ce futur outil ?

J’en arrive à mon second point : alors que la haute mer représente plus de 60 % de la surface des océans et qu’elle abrite des ressources inestimables pour l’humanité sur les plans scientifique, environnemental et économique, il a fallu attendre le 19 juin 2023 pour que soit signé le premier traité international visant à protéger la biodiversité marine de ces zones qui ne relèvent d’aucune juridiction nationale.

Cet accord historique a été signé par 111 États depuis le mois de septembre 2023, ce qui traduit, je m’en réjouis, une réelle volonté politique de la communauté internationale de poser les bases d’une conservation et d’une utilisation durables des écosystèmes marins, lesquels subissent, comme chacun le sait, une pression anthropique croissante. Ce traité vise notamment à mettre en œuvre le troisième objectif adopté lors de la 15e conférence des parties à la convention sur la diversité biologique (COP15) de 2022, qui prévoit la protection d’ici à 2030 d’au moins 30 % des mers et des océans.

Pour que le traité entre en vigueur, il doit être ratifié par au moins soixante États signataires. C’est chose faite pour la France, grâce à l’adoption par le Parlement, à l’unanimité, du projet de loi autorisant cette ratification, en novembre 2024.

Toutefois, alors que notre pays s’était mobilisé afin de faire en sorte que le traité puisse entrer en vigueur avant la conférence des Nations unies sur l’océan de Nice en juin prochain, nous sommes malheureusement loin du compte : seuls vingt États sur les soixante requis ont procédé à la ratification.

Monsieur le ministre, il est désormais certain que l’échéance de juin 2025 ne sera pas tenue : comment expliquer le retard pris ? Quels leviers la France et l’Union européenne pourraient-elles actionner pour accélérer le processus de ratification auprès des pays européens et des pays tiers ? (Mme Catherine Morin-Desailly et M. Marc Laménie applaudissent.)

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Benjamin Haddad, ministre délégué auprès du ministre de lEurope et des affaires étrangères, chargé de lEurope. Monsieur le président Longeot, je voudrais, tout d’abord, vous rappeler que la France s’est engagée à mobiliser tous ses moyens diplomatiques pour obtenir la ratification du traité. Nous avons d’ailleurs évoqué ce sujet lors de plusieurs échanges diplomatiques cette semaine.

La présentation du pacte européen pour les océans constituera l’un des moments principaux du sommet qui se tiendra en juin à Nice. Nous attendons de la Commission européenne qu’elle affiche une ambition forte en la matière. Ce pacte constituera une feuille de route, pour que les pays européens mettent en œuvre une approche concertée et intégrée au cours de la prochaine décennie.

La France dispose, en effet, comme vous l’avez dit, de beaucoup d’atouts. Elle possède ainsi la première zone économique exclusive au monde, grâce notamment à ses régions ultrapériphériques.

Ce pacte doit être ambitieux, aligné avec les autres cadres mondiaux et régionaux. Il doit servir de modèle en matière de préservation de l’océan, pour promouvoir une approche globale, comprenant les enjeux liés à la biodiversité, à l’économie bleue, à la lutte contre le changement climatique, à la dépollution et à la résilience. Il contribuera à accélérer nos efforts en vue de parvenir à la neutralité carbone en 2050. Ce pacte sera donc complémentaire du Pacte vert, qui avait été adopté lors de la mandature précédente.

Nous devons nous engager à faire en sorte que l’océan soit sûr et sécurisé. Il s’agit d’assurer la préservation des écosystèmes et la sauvegarde des intérêts stratégiques et sécuritaires européens, en nous appuyant sur le développement d’un programme de recherche et d’innovation ambitieux, ainsi que sur un soutien financier renforcé. Nous attendons les propositions et les annonces de la Commission européenne sur ce point.

Comme vous l’avez souligné, et je vous en remercie, ce pacte devra permettre de valoriser les régions ultrapériphériques et les pays et les territoires d’outre-mer, qui constituent des atouts pour l’Union européenne et les États membres. Cela constitue – je l’ai indiqué tout à l’heure –, l’une de nos priorités, tant en ce qui concerne le contenu des politiques de cohésion – c’est l’un des objets de la réflexion sur le prochain CFP – ou la valorisation des fonds européens sur le territoire français – vous savez à quel point la question des régions ultrapériphériques est centrale à cet égard.

Ce pacte constituera donc un vecteur pour défendre nos idées, nos convictions et nos intérêts au niveau européen. Nous aurons l’occasion de reparler de ce sujet d’ici au mois de juin. Nous attendons que la Commission européenne affiche une ambition forte en la matière à Nice.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur général de la commission des finances. (Applaudissements au banc des commissions. – M. Marc Laménie applaudit également.)

M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, alors que la menace ne faiblit pas sur le front ukrainien et que l’allié américain vacille, il appartient à l’Union européenne d’être ferme, de s’opposer à l’agression russe et de permettre à ses États membres d’assurer la sécurité sur le continent.

En tant que rapporteur général de la commission des finances du Sénat, ma responsabilité est aussi de veiller à ce que cet effort soit soutenable pour la France.

La prochaine réunion du Conseil européen permettra d’avancer sur ce point et de préciser les annonces qui se sont succédé ces dernières semaines sur la constitution et le financement d’une Europe de la défense.

La Commission européenne a proposé différentes mesures dans son plan Réarmer l’Europe, dont le principe a été validé lors du Conseil européen extraordinaire du 6 mars dernier.

Je retiens, à ce stade, deux mesures en particulier.

La Commission européenne a d’abord fait part de son intention d’activer la clause de sauvegarde prévue dans le pacte de stabilité et de croissance. Cela lui permettrait d’exclure, dans son calcul du déficit public, les dépenses engagées par les États membres en matière de défense, jusqu’à 1,5 % de leur PIB.

Si je salue la latitude accordée par les institutions européennes aux États membres, afin d’apporter une réponse à la hauteur des enjeux, je me dois de rappeler ici une évidence : une telle disposition ne desserre en rien la contrainte financière qui pèse sur notre pays. Les économies que nous avons proposées sur nos travées et les efforts budgétaires auxquels nous avons consenti dans cet hémicycle visent non pas à apaiser un arbitre bruxellois, mais à préserver les finances de notre pays, dans un souci de crédibilité vis-à-vis de nos créanciers et par devoir envers les générations futures.

Chaque euro dépensé doit être remboursé. C’est non pas la règle des 3 %, mais la charge de la dette qui pèse sur la France et les Français, et cela demeurera.

Monsieur le ministre, comment comptez-vous concilier une hausse de notre effort militaire avec la nécessaire maîtrise du déficit et de la dette de notre pays ?

J’en viens à la seconde proposition forte de la Commission européenne, à savoir un nouvel instrument visant à accorder 150 milliards d’euros de prêts aux États membres pour des investissements dans le domaine de la défense. D’après les dernières informations, les emprunts se feraient sur une base volontaire et nécessiteraient que les États se mettent au moins à deux pour investir dans les domaines où les besoins sont les plus urgents : défense aérienne, drones, artillerie, munitions, etc.

Pouvez-vous m’indiquer la position que vous défendrez dans la définition des contours de ce nouvel instrument ? Si ces emprunts sont bien accordés sur une base volontaire et dans les conditions que je viens d’exposer, la France souhaite-t-elle recourir à ce dispositif et, si oui, à quelle hauteur et pour quelles dépenses ?

Si les contours de cet instrument doivent être discutés lors du prochain Conseil, il apparaît à ce stade non pas comme un nouvel emprunt commun au niveau de l’Union européenne, sur le modèle de ce qui avait été fait pour le plan de relance, mais plus comme une façon pour les États membres de lever une dette supplémentaire en passant par la Commission européenne.

Quel est l’intérêt d’un tel dispositif pour la France ? S’agit-il d’un simple tour de passe-passe comptable ? N’y a-t-il pas un risque pour notre pays de supporter des conditions financières moins avantageuses avec ces nouveaux emprunts ?

Je ne doute pas que vous allez nous rassurer et je vous en remercie par avance.

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Benjamin Haddad, ministre délégué auprès du ministre de lEurope et des affaires étrangères, chargé de lEurope. Monsieur le rapporteur général, je l’ai dit tout à l’heure, la Commission européenne a fait un pas important en proposant ces nouvelles facilités, ainsi que ce prêt loan to loan de 150 milliards d’euros. Cependant, nous lui avons demandé d’aller plus loin avec d’autres dispositifs.

Au niveau national, le Président de la République et le Premier ministre l’ont dit dans des termes clairs, nous devrons faire des choix budgétaires pour donner la priorité au réarmement.

Nous n’avons pas attendu les derniers événements pour agir en la matière. Je rappelle que le budget de la défense a d’ores et déjà doublé sous les deux mandats d’Emmanuel Macron. La loi de programmation militaire 2024-2030 que le Parlement a votée est d’ailleurs très ambitieuse, mais il faudra probablement encore accélérer ces efforts pour réduire nos dépendances.

La position que nous défendrons sera très claire et elle n’a jamais bougé : il s’agit de la préférence européenne. En d’autres termes, c’est l’idée que les financements européens doivent aller de façon absolument prioritaire au développement d’une industrie de défense européenne, d’abord pour donner de la visibilité à nos industriels, afin qu’ils puissent augmenter leurs capacités, ensuite pour garder notre savoir-faire technologique ainsi que le contrôle de l’usage de nos matériels. Vous avez tous pu suivre les débats qui ont eu lieu chez nos voisins sur la possibilité offerte à d’autres puissances, notamment les Américains, de contrôler l’usage à distance de certains armements, comme les avions F-35.

C’est tout l’enjeu, d’ailleurs, de la discussion en cours sur Edip, le programme européen pour l’industrie de la défense, d’un montant de 15,5 milliards d’euros, qui constituera un précédent en ce qui concerne la façon dont les financements peuvent être fléchés et l’articulation entre préférence européenne et possibilité d’acheter en dehors du marché européen.

Voilà le message que la France portera lors des négociations. Nous aurons, je pense, recours à ces instruments, mais nous proposerons à nos partenaires d’aller plus loin dans la mise à disposition d’instruments de financement européens dans les prochains mois.

M. le président. La parole est à M. le président de la commission des affaires européennes. (Applaudissements au banc des commissions. – M. Marc Laménie applaudit également.)

M. Jean-François Rapin, président de la commission des affaires européennes. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je vais m’efforcer de faire une synthèse de tout ce qui s’est dit.

Ce Conseil européen est traditionnellement axé sur les enjeux économiques. Celui des 20 et 21 mars s’inscrit dans ce schéma, la compétitivité étant au cœur du programme, ainsi que l’a écrit le président du Conseil européen.

Cette réunion est importante, puisqu’elle permettra aux chefs d’État et de gouvernement d’évoquer les initiatives que la Commission européenne commence à déployer au travers de certaines communications stratégiques, comme la boussole de compétitivité, ou de paquets de simplification dits omnibus.

Ces orientations visant à simplifier, à alléger le fardeau réglementaire, à mieux prendre en compte les réalités économiques et les besoins des territoires sont une nécessité, comme le Sénat l’a souligné à de nombreuses reprises. Je pense notamment à la prise en compte des réalités des petites et moyennes entreprises et des entreprises de taille intermédiaire, mais aussi de nos outre-mer, dont les atouts et les contraintes sont insuffisamment pris en compte.

Nous accueillons favorablement la nouvelle philosophie, plus pragmatique, esquissée par la Commission européenne et je veux saluer les premières annonces de simplification qu’elle a faites en matière de durabilité ou de mécanisme d’ajustement carbone aux frontières, ainsi que pour les outre-mer. Je fais ici référence à la proposition de résolution européenne que la commission des affaires européennes du Sénat a récemment votée sur l’intégration régionale des régions ultrapériphériques.

Nous irons défendre nos positions à Bruxelles pour que la Commission fasse preuve de plus d’audace, le contexte international dans lequel nous évoluons ayant fondamentalement changé. Les rapports des anciens premiers ministres italiens, Enrico Letta et Mario Draghi, que vous avez rappelés, monsieur le ministre, ont souligné les défis à relever. Or nous avons pu mesurer, lors d’une récente conférence interparlementaire à Bruxelles, que faire bouger les lignes n’allait pas de soi et que les paroles étaient diverses au sein des États membres.

Ce Conseil européen apparaît aussi comme une réunion de transition, d’abord sur la question du financement de l’industrie de défense, après la réunion extraordinaire du Conseil européen du 6 mars. À mes yeux, la réponse ne pourra pas seulement provenir des fonds publics : nous devons pousser les feux sur la mise en place de l’Union pour l’épargne et l’investissement, mais aussi faire en sorte que la Banque européenne d’investissement joue un réel rôle de soutien du secteur de la défense. Nous en avons parlé ensemble la semaine dernière, monsieur le ministre.

Je crains par ailleurs que notre pays, compte tenu de sa situation budgétaire, ne soit pas en mesure de bénéficier massivement des assouplissements envisagés du pacte de stabilité et de croissance. Je m’interroge également, comme le rapporteur général Jean-François Husson, sur l’intérêt qu’il pourrait trouver à solliciter l’enveloppe de prêts envisagée par la Commission, à hauteur de 150 milliards d’euros.

Cette réunion est également une réunion de transition dans le cadre de la préparation du prochain cadre financier pluriannuel. L’Union européenne fait face à des besoins croissants et nous refusons de remettre en cause les politiques traditionnelles, comme la politique de cohésion et la politique agricole commune. Aucune porte de sortie n’ayant pour l’instant été trouvée dans le dossier des ressources propres, l’équation actuelle est intenable et il faut trouver une solution.

La présidente de la Commission européenne déclarait la semaine dernière que le temps des illusions était révolu. Il est temps, en effet, de repenser réellement un certain nombre de politiques européennes, sans toutefois que cela soit synonyme de dessaisissement des États membres, comme l’a clairement souligné Pascal Allizard.

Pour le dire clairement, la Commission européenne doit agir avec plus de fermeté dans des domaines où elle est réellement compétente. Je pense à la réponse à la hausse des tarifs douaniers décidée par le président des États-Unis, à la lutte contre la concurrence déloyale dans les relations commerciales ou à la mise en œuvre des règlements européens, que les grandes plateformes du numérique doivent respecter.

Monsieur le ministre, pouvez-vous nous confirmer que la France adoptera une ligne de fermeté sur ces sujets ? (Mmes Solanges Nadille et Sophie Briante Guillemont, ainsi que M. Laurent Somon applaudissent.)

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Benjamin Haddad, ministre délégué auprès du ministre de lEurope et des affaires étrangères, chargé de lEurope. Monsieur le président Rapin, vous avez soulevé plusieurs points essentiels.

Je l’ai dit précédemment à la tribune, nous devons absolument dégager un consensus sur les ressources propres de l’Union européenne en parallèle de nos discussions sur le prochain cadre financier pluriannuel. C’est une condition sine qua non.

Vous avez également mentionné, ce que j’aurais dû faire, le rôle de la Banque européenne d’investissement. Nous avons fait modifier son mandat pour qu’elle puisse investir, notamment, dans la défense. Il lui revient maintenant de s’emparer de ces nouveaux pouvoirs. Cela fait partie des demandes que nous avons fait valoir auprès des institutions européennes.

Quand on parle d’investissements dans la défense, la tech, l’intelligence officielle, le quantique ou encore la décarbonation de notre continent, on pense bien sûr aux ressources publiques, qu’il s’agisse des facilités données aux États membres ou des ressources propres de l’Union européenne au titre du cadre financier pluriannuel, mais il ne faut pas oublier la libération des capitaux privés.

Vous évoquiez le financement de nos entreprises : faisons en sorte que le marché unique soit véritablement une opportunité pour nos PME, nos entrepreneurs, nos innovateurs.

À cet égard, nous devons avoir deux priorités.

La première est l’unification des marchés de capitaux, autrement dit l’approfondissement du marché unique. Trop souvent, quand nos chefs d’entreprise parlent de s’installer au Portugal, en Allemagne, en Italie ou en Pologne, ils regrettent de devoir presque tout recommencer à zéro, tant les différences en matière de cadre fiscal, assurantiel et de régulation sont importantes. L’agenda Letta-Draghi, avec le projet du « 28e régime » et l’harmonisation des régimes de régulation, doit permettre de faire du marché européen une véritable opportunité de développement à l’exportation pour nos entreprises.

La seconde priorité est la simplification. Le paquet omnibus présenté par la Commission va dans le bon sens, avec un assouplissement des directives CSRD (Corporate Sustainability Reporting Directive) et CS3D (Corporate Sustainability Due Diligence Directive), notamment au travers du relèvement d’un certain nombre de seuils, qui exonère de fait certaines PME de charges administratives prévues par ces textes.

Il faudra aller plus loin dans le trilogue pour continuer à simplifier ces instruments, voire reprendre un certain nombre de textes européens qui imposent des contraintes excessives à nos entreprises dans la concurrence internationale.

M. le président. La parole est à M. le président de la commission des affaires européennes, pour la réplique.

M. Jean-François Rapin, président de la commission des affaires européennes. Monsieur le ministre, je reviens sur un point que j’ai soulevé avec Jean-François Husson, à savoir les crédits non utilisés des fonds de cohésion. Ceux-ci permettraient pourtant de « booster » les économies régionales. De nombreuses régions sont en train de bouger sur cette question ; il faudra les entendre.

M. le président. La parole est à Mme Catherine Morin-Desailly. (MM. Jean-François Longeot et Laurent Somon applaudissent.)

Mme Catherine Morin-Desailly. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le Conseil européen qui se tiendra les 20 et 21 mars prochain revêt une importance toute particulière.

En quelques semaines, le président des États-Unis et ses acolytes ont, hélas ! plongé le monde dans une instabilité dangereuse.

Il y a eu la séquence ahurissante du 28 février dernier, au cours de laquelle nous avons été témoins de l’humiliation infligée par Donald Trump à Volodymyr Zelensky, suivie du lâchage en pleine guerre des Ukrainiens, le tout assorti d’un narratif scandaleux et de leçons de morale données par J.D. Vance aux Européens à Munich sur la liberté d’expression. Je n’oublie pas les déclarations tonitruantes sur l’annexion du Groenland et du Canada.

Faut-il être surpris de voir l’homme de la Maison-Blanche aujourd’hui brutaliser ses concitoyens au mépris de la Constitution, désarmer tous les contre-pouvoirs, laisser son double maléfique, Elon Musk, s’attaquer au démantèlement de l’État et des agences fédérales, tout en se mêlant de nos affaires ?

En trahissant ou agressant les traditionnels alliés des États-Unis, en s’alignant sur le Kremlin, Donald Trump a fait voler en éclats l’ordre issu de la Seconde Guerre mondiale. Comme si cela ne suffisait pas, il est par ailleurs en train de plonger les échanges et les paiements mondiaux dans le chaos, tout en déstabilisant l’économie américaine qui, pourtant, se portait plutôt bien.

La collusion du pouvoir avec les illuminés de la tech, qui font désormais la loi, accentue encore un peu plus ce que nous avons maintes fois dénoncé ici : ce capitalisme de prédation et de surveillance, hors de toute règle et de toute éthique, qui a poussé l’Union européenne à poser des règles pour son propre territoire.

L’Europe est donc aujourd’hui renvoyée à elle-même, prise en tenaille entre la Russie, la Chine et les États-Unis. Désormais, c’est le sursis ou le sursaut ! Il n’y a pas d’autre choix que de se réarmer militairement, mais aussi politiquement et économiquement.

Notre ministre des armées dit juste : pour commencer à se réarmer, il faut que chacun des États membres trouve les voies et moyens de faire les efforts qui s’imposent, tout en pensant une nouvelle architecture de sécurité comprenant, bien évidemment, le Royaume-Uni qui, comme la France, dispose de la dissuasion nucléaire.

Dans ce contexte, je salue l’annonce d’Ursula von der Leyen du lancement du programme ReArm Europe, qui pourrait mobiliser près de 800 milliards d’euros.

En attendant, l’urgence, c’est de collectivement soutenir l’Ukraine avec nos alliés. À ce jour, l’Union européenne lui a fourni 135,4 milliards d’euros, dont 49,2 milliards d’euros de soutien militaire, de subventions, d’aides en nature et de prêts à des conditions très favorables. En 2025, elle fournira 30,6 milliards d’euros au titre de la facilité pour l’Ukraine et au titre du prêt extraordinaire accordé par le G7 et financé par les avoirs russes gelés.

Vous avez raison, monsieur le ministre, alors que Donald Trump et Vladimir Poutine continuent à discuter d’une possible trêve, la France doit réaffirmer que toute trêve ou tout cessez-le-feu ne peut avoir lieu que dans le cadre d’un processus menant à un accord de paix global. Il ne peut y avoir de négociations affectant la sécurité européenne sans la participation de l’Europe. Il ne peut y avoir de négociations sur l’Ukraine sans l’Ukraine. Celle-ci ne saurait d’ailleurs payer au prix fort une guerre qu’elle n’a pas déclenchée.

L’Europe devra surtout s’assurer que les accords de paix soient respectés pour ne pas subir un nouveau conflit à court terme. Souvenons-nous des accords de Minsk en 2014 ! Il faut des garanties de sécurité robustes et crédibles pour l’Ukraine, et au-delà pour nous-mêmes, car, ne nous leurrons pas, le plan de Poutine est de revenir au partage du monde décidé à Yalta.

Selon les évaluations de l’Otan, de l’Allemagne, de la Pologne, du Danemark et des États baltes, la Russie pourrait être prête à attaquer un pays de l’Union européenne d’ici trois à dix ans. Alors, il s’agit bien de dissuader Poutine de revenir à la charge.

Pour cela, l’Union doit aussi se réarmer politiquement. Pour être efficace, compétitive et répondre aux défis du moment, elle doit être plus politique que bureaucratique, plus stratège que tatillonne. À cet égard, je vous renvoie, monsieur le ministre, au rapport que nous avons réalisé avec le président Rapin sur la dérive normative de l’Union, également pointée du doigt par MM. Draghi et Letta.

Il est malheureux qu’il ait fallu attendre la crise du covid-19, l’attaque de l’Ukraine par la Russie, la crise économique et, enfin, les derniers événements pour mesurer la dangerosité de nos dépendances, en particulier technologiques, faute d’avoir voulu mener les politiques industrielles nécessaires. Ces dépendances conditionnent le reste de notre vie économique.

Personnellement, j’alerte depuis plus de dix ans sur l’urgence à construire autre chose qu’une simple Europe des consommateurs : une Europe des acteurs.

Qu’on le veuille ou non, l’internet est un terrain d’affrontement mondial pour la domination du monde par l’économie et la connaissance. Théâtre de cyberattaques en tout genre, toujours plus nombreuses, c’est un terreau fertile pour la guerre informationnelle et les ingérences étrangères. Si ses chars ne sont pas aux portes de Paris, la Russie nous livre bien une guerre cyber souterraine.

L’Union a enfin légiféré utilement ces dernières années pour protéger les données des Européens, un actif stratégique majeur, pour créer les conditions d’un marché plus équitable pour nos propres entreprises face à la concurrence des big tech, pour réguler les services proposés par ces plateformes au modèle toxique, pour soutenir le développement d’une intelligence artificielle de confiance, mais elle a failli industriellement, empêchant ainsi toute souveraineté numérique.

Alors, monsieur le ministre, je reprends la formule de l’un de mes nombreux rapports : il est plus que temps de reprendre en main notre destin numérique !

Nous venons d’adopter le projet de loi relatif à la résilience des infrastructures critiques et au renforcement de la cybersécurité, transposition de la directive NIS 2, qui établit une véritable architecture de sécurité pour notre pays, nos entreprises, nos collectivités territoriales et entités critiques.

C’est très bien d’appliquer certains standards, encore faut-il le faire en ayant recours à des entreprises françaises et européennes imperméables aux lois extraterritoriales américaines ou chinoises et dont nous serons sûrs. Rehausser notre sécurité en ligne, c’est aussi du réarmement : à ce titre, les dépenses effectuées devraient pouvoir échapper aux règles du pacte de stabilité et de croissance.

Le marché va se développer : il faut en profiter pour soutenir notre filière cyber, notamment par le levier de la commande publique avec la réforme annoncée de la directive sur les marchés publics en 2026. C’est bien ce qu’ont su faire les Américains, les Russes et les Chinois.

Ma collègue Florence Blatrix Contat et moi-même l’avons encore martelé ces derniers jours en proposant au vote de la commission des affaires européennes plusieurs propositions.

Nous avons notamment appelé à la création d’outils souverains fondés sur des règles éthiques rigoureuses et sur le mode open source qui soient de véritables substituts aux modèles toxiques des plateformes, ainsi qu’à un investissement massif dans les dernières technologies, l’intelligence artificielle et le quantique, dans le cadre du programme Horizon Europe.

Nous demandons aussi la stricte et rigoureuse application des règlements européens portant sur la régulation du numérique, n’en déplaise à MM. Musk et Zuckerberg, dont le combat au nom de la prétendue liberté d’expression justifie le non-respect de la loi et toutes les dérives sur les réseaux sociaux, y compris les plus graves : celles qui mettent en danger nos enfants, conduisent à l’assassinat d’un professeur, ou encore menacent nos démocraties au travers de la manipulation des opinions et des élections.

Il faut à cet égard que le bouclier européen de la démocratie annoncé par la Commission européenne soit adopté rapidement. Il devra renforcer les moyens de contrôle des plateformes numériques, en particulier en fixant des normes éthiques minimales pour tous les algorithmes de recommandation, et ce dès leur conception. Il faut aussi qu’il garantisse la pérennité et la vitalité de nos médias et du journalisme professionnel. Il y va de la protection du droit à l’information.

Enfin, compte tenu du contexte géopolitique, pouvez-vous faire en sorte, monsieur le ministre, que soit reprise la réflexion sur la certification européenne pour les services cloud, dite EUCS ? Nos données ne sauraient être confiées, comme l’a toujours plaidé la France, qu’à des entreprises justifiant d’un haut niveau d’exigence, c’est-à-dire High +, garantissant leur immunité par rapport aux législations extraterritoriales. Malheureusement, certains pays européens ne semblaient pas être convaincus de cette menace. Le nouveau contexte géopolitique va peut-être aider à les convaincre…

En conclusion, si le défi devant nous paraît immense, le groupe Union Centriste est convaincu que l’Union européenne est capable de le relever si elle se montre soudée, stratège et volontaire. (MM. Jean-François Longeot, Laurent Somon et Jacques Fernique applaudissent.)

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Benjamin Haddad, ministre délégué auprès du ministre de lEurope et des affaires étrangères, chargé de lEurope. Madame la sénatrice, vous le savez, nous partageons vos ambitions et vos préoccupations concernant la défense de l’espace démocratique européen face aux menaces d’ingérence. C’est pourquoi nous avons demandé à la Commission européenne de faire appliquer le règlement sur les services numériques (DSA) en menant à leur terme les enquêtes en cours, que ce soit sur X ou sur TikTok, et, le cas échéant, de prononcer les sanctions qui s’imposent.

Nous avons encore pu constater l’influence de la Russie lors de l’élection présidentielle en Roumanie, où je me suis rendu voilà quelques semaines. La Russie a réussi à amplifier de façon totalement artificielle le discours d’un candidat complotiste d’extrême droite prorusse en intervenant massivement sur TikTok : le nom de ce dernier a ainsi été le huitième nom le plus partagé au monde sur le réseau en question pendant l’élection présidentielle roumaine ! Voilà pour la partie défensive, c’est-à-dire la lutte contre les ingérences, la haine en ligne, la manipulation des algorithmes.

Par ailleurs, pour éviter d’être dépendants dans le cadre des prochains champs informationnels – et je pense bien évidemment à l’intelligence artificielle –, soutenons nos entreprises innovantes en mettant le paquet sur les investissements pour développer des solutions européennes. Cela passe notamment par l’affirmation de la préférence européenne.

Vous avez justement évoqué la protection des données : vous connaissez notre position très ferme sur le sujet.

Je le répète, je suis frappé de voir l’évolution du débat chez certains de nos partenaires, que ce soit sur la défense ou la tech. Quand on parle de préférence européenne dans l’intelligence artificielle, c’est-à-dire du soutien des acteurs européens pour ne pas être dépendants des Américains ou des Chinois, avec des solutions décarbonées et souveraines, nous sommes rejoints par nombre de nos partenaires pour ne pas reproduire les erreurs faites avec les réseaux sociaux. Il s’agira d’une priorité pour nous dans les prochaines années.

M. le président. La parole est à Mme Cathy Apourceau-Poly.

Mme Cathy Apourceau-Poly. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, à l’heure où l’Europe s’apprête à se réunir pour un Conseil déterminant, une certitude s’impose : l’avenir du continent se joue sous nos yeux. Et ce futur, nous dit-on, se résume en un seul mot, martelé avec solennité et gravité : réarmement. Mais que trouve-t-on derrière cette injonction ? Une politique au service de qui ? Une Europe au bénéfice de quels intérêts ?

Si nous approuvons la nécessité de soutenir le peuple ukrainien, victime d’une guerre atroce et injustifiable choisie par Vladimir Poutine, nous affirmons aussi que la paix ne se construit pas dans l’escalade. Pourtant, c’est bien cette voie qui est choisie, avec une nouvelle annonce du ministre des armées évoquant un « poids de forme » de l’armée à 90 milliards d’euros, contre 50 milliards aujourd’hui, un triplement annoncé des dépenses militaires européennes, des prêts garantis par l’Union européenne à hauteur de 180 milliards d’euros et une obsession martiale qui fait écho aux mots glaçants de Mme von der Leyen : « Le temps est venu d’assurer la paix par la force. »

Nous soulignons le paradoxe suivant : à l’heure où la paix se construit difficilement dans une ébauche de cessez-le-feu, l’Union appelle au surarmement, avec 800 milliards d’euros mobilisés sur plusieurs années, soit 5 % du PIB européen. Le décalage est surprenant !

Ce chiffre résonne étrangement avec les exigences de Donald Trump, qui veut voir l’Otan financée par l’Europe, tout en conservant la suprématie américaine. Mme von der Leyen lui offre finalement sur un plateau ce qu’il réclamait depuis des années.

Autre coïncidence, c’est aussi le montant avancé par Mario Draghi pour sauver la compétitivité européenne. Vous ne pourrez pas cacher éternellement cette réalité : l’Europe est addict aux armes américaines. Les importations d’armes par les pays européens membres de l’Otan ont plus que doublé entre les périodes 2015-2019 et 2020-2024. Dans le même temps, les États-Unis nous ont fourni 64 % de ces armes, contre 52 % auparavant. En clair, nous importons deux fois plus d’armes et nous sommes toujours plus dépendants des États-Unis.

Monsieur le ministre, dans l’attente d’une Union pour l’épargne et l’investissement, devrons-nous compter sur BlackRock et consorts pour accompagner la base industrielle et technologique de défense française ?

Nous ne croyons pas en cette doctrine qui transforme l’Europe en machine de guerre. Nous ne croyons pas à cette fuite en avant, où les dividendes des marchands d’armes explosent pendant que l’on demande aux peuples de se serrer la ceinture. En un an, le cours de l’action Dassault a grimpé de 66 %, le titre Rheinmetall de 125 %.

La France ne doit pas être l’otage de cette stratégie de militarisation à marche forcée. Il est temps d’engager une autre voie, celle d’une conférence d’Helsinki 2 imaginant une nouvelle sécurité collective qui ferait de l’Europe non pas un terrain de manœuvres militaires, mais un pôle de stabilisation et de diplomatie.

La question ukrainienne ne peut évidemment occulter les grandes tensions qui traversent le monde, à commencer par le Proche-Orient et le Moyen-Orient.

La situation en Syrie, avec le massacre de plus d’un millier de civils alaouites, mais aussi de chrétiens, ne laisse pas de nous interroger sur la fiabilité des nouvelles autorités de ce pays et sur la crédibilité de la conversion à la démocratie de leurs dirigeants.

C’est bien sûr la situation en Palestine, à commencer par Gaza, qui continue à nous préoccuper au plus haut point. Les trêves se suivent, sans lendemain, et le sort des derniers otages, ou de leurs cadavres, n’est toujours pas réglé. La responsabilité porte à la fois sur le gouvernement Netanyahou, allié à l’extrême droite, et sur l’islamisme radical, qui pollue la juste cause palestinienne.

Comment la diplomatie européenne peut-elle, dans cette situation inextricable, agir de façon efficace, si ce n’est, comme l’a déjà fait l’Espagne, en reconnaissant deux États, Israël et la Palestine ?

Enfin, je veux conclure sur ceux qui, chez nous, subissent les logiques d’intérêts à courte vue de l’Union européenne. Les salariés du Pas-de-Calais, des Hauts-de-France et d’ailleurs savent ce que veut dire le mot « compétitivité ». Ce fut l’argument pour briser les mines, le textile, la sidérurgie. Aujourd’hui encore, c’est l’excuse parfaite pour justifier la fermeture d’usines, les suppressions de postes, la disparition des savoir-faire et l’allégement du devoir de vigilance, comme le prévoit d’ailleurs la nouvelle directive omnibus. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K. – MM. Marc Laménie et Michel Masset applaudissent également.)

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Benjamin Haddad, ministre délégué auprès du ministre de lEurope et des affaires étrangères, chargé de lEurope. Madame la sénatrice, à vous entendre, j’ai l’impression que les Européens n’ont à faire face aujourd’hui à aucune menace et que l’augmentation des investissements dans notre outil militaire se fait de façon totalement décorrélée de l’environnement géopolitique dans lequel nous évoluons.

Vous avez évoqué la possibilité de réunir une conférence Helsinki 2. Sachez que, en 1975, au moment de la première conférence d’Helsinki, la France consacrait plus de 3 % de son PIB à l’outil de défense. C’était aussi le cas de la plupart de nos partenaires européens. Il n’y a pas d’incompatibilité entre la volonté de dialoguer par la voie diplomatique et le souhait de se donner les moyens d’assurer notre sécurité. Ces deux aspects se renforcent même mutuellement.

Nous devons faire face aux conséquences, aux portes de l’Union européenne, de la guerre d’agression de la Russie sur l’Ukraine, aux ingérences massives de la Russie dans nos processus démocratiques, aux attaques cyber et aux offensives contre nos intérêts en Afrique et ailleurs. Nous voyons les États-Unis s’éloigner, et avec eux les garanties de sécurité qu’ils fournissaient dans le cadre des relations transatlantiques.

L’Union européenne nous a permis de créer un continent de paix, de coopération, remplaçant des siècles de violences, de conflits, de nationalismes par le dialogue, le droit et la régulation, mais nous avons toujours des voisins qui nous menacent et nous évoluons dans un environnement géopolitique de plus en plus instable. Nous devons en tirer les conclusions en nous donnant les moyens de défendre nos valeurs de liberté, de paix et les institutions européennes que nous avons fondées.

Je le répète, il n’y a pas d’incompatibilité, et l’exemple d’Helsinki, que vous avez vous-même donné, le démontre.

M. le président. La parole est à M. Jacques Fernique. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)

M. Jacques Fernique. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, depuis la fin du mois de février, on assiste à un déferlement d’électrochocs violents : alignement Trump-Poutine ; vote groupé à l’ONU des États-Unis, de la Russie et de la Corée du Nord ; traquenard du bureau ovale ; suspension temporaire du soutien américain à l’Ukraine ; tarifs douaniers hostiles !

Avec ces électrochocs, les illusions géopolitiques se volatilisent et les logiques souverainistes de fragmentation qui ont tant entravé notre Union européenne reculent enfin. Ces toutes dernières semaines, en ce moment de bascule historique, la succession rapide des réunions extraordinaires par lesquelles les responsables européens, saisis par l’urgence, répondent à ces défis correspond bien peu au rythme ordinaire du suivi par notre assemblée des réunions du Conseil européen, par le biais de ce traditionnel débat préalable.

Assurément, cet après-midi, nous interrogeons sans doute bien moins l’ordre du jour précis du Conseil européen des 20 et 21 mars que la démarche engagée par l’Union depuis le 27 février, qu’illustre particulièrement le plan Réarmer l’Europe présenté le 4 mars.

Les illusions se dissipent et chacun voit bien que c’est le principe même de l’Union européenne qui est attaqué au travers de l’agression et des prétentions russes contre la liberté du peuple ukrainien. Avec cette montée du recours à la force et à la violence comme méthode principale d’acteurs étatiques et non étatiques, c’est notre modèle européen fondé sur la coopération, la régulation et le droit, modèle porteur de nos valeurs de démocratie et de liberté, qui est attaqué. Voilà ce à quoi les États-Unis d’Amérique et leur Président erratique et autoritaire sont dorénavant hostiles !

L’Europe est au pied du mur, condamnée à l’impuissance, voire à la dislocation, si elle n’accomplit pas l’indispensable saut fédéral seul à même d’assurer sa sécurité collective et celle de l’Ukraine en première ligne, si elle n’engendre pas cette Europe de la défense – défense de ses valeurs, défense de ses intérêts.

L’écologie politique porte le pacifisme au cœur de son histoire. Nous ressentons donc l’anxiété populaire face à cet engrenage militaire, mais nous affirmons d’autant plus nettement qu’il nous faut admettre le rapport de force pour préserver notre sécurité et nos idéaux, pour préserver l’espérance du droit international et du multilatéralisme.

Les fortes paroles et les résolutions prises nécessitent que des actes soient engagés. C’est ce que nous attendons de ce Conseil européen. Il ne peut être question de « limiter notre niveau de préparation à ce qui est aisé à obtenir politiquement » ; il convient de répondre aux besoins pour faire face aux scénarios les plus graves.

Si la Hongrie ou la Slovaquie s’obstinent à se désolidariser de l’aide à l’Ukraine et à contrecarrer la construction de l’Europe de la défense, il faudra bien que les autres États membres fassent progresser le vote à la majorité qualifiée, au lieu de l’unanimité aujourd’hui requise dans le domaine de la politique étrangère et de sécurité.

Pour répondre aux défis du temps présent, il nous faut sans doute remettre en cause le cadre de gouvernance qui limite les ressources financières : il s’agit de garantir une sécurité de financement à long terme pour renforcer les capacités de production de défense européenne, développer les infrastructures à double usage et soutenir les investissements dans la transition juste.

Le temps est donc venu, comme pour la relance après la crise du covid-19, de procéder à un emprunt commun européen. Sur ce sujet, des pays comme l’Allemagne, la Finlande ou encore l’Estonie évoluent ; de meilleures perspectives s’offrent à la France pour faire aboutir ce choix collectif décisif.

En outre, il faudra bien faire contribuer les super-riches, mais aussi soumettre à l’impôt les bénéfices exceptionnels des acteurs systémiques du secteur de la défense. Pour financer le plan de 800 milliards d’euros annoncé, il faudra avant tout créer de nouvelles ressources propres plutôt que de chercher ces sommes dans les fonds de cohésion ou dans ceux de la politique agricole. Il serait désastreux de s’aliéner nombre de citoyens européens en mettant en concurrence les investissements dans la défense avec les dépenses sociales, la cohésion territoriale et la transition climatique.

Seul le renforcement du tissu social et économique de l’Europe renforcera la capacité de l’Union à se défendre contre la désinformation et l’influence étrangère. Ne donnons pas davantage de grain à moudre au réseau X, aux médias Bolloré, ou encore à des forces politiques fascinées par Poutine ou par Trump !

Bâtir notre autonomie stratégique n’est pas seulement une question d’armes et de munitions. Il importe de sortir de cette logique contre-productive qui a fait que, en 2024, alors que nous donnions d’une main 19 milliards d’euros à l’Ukraine, nous en versions de l’autre 22 milliards à la Russie en échange de ses énergies fossiles ! La transition énergétique et le Pacte vert pour l’Europe ne sont pas en concurrence avec la défense : ils sont partie intégrante de l’établissement d’une véritable souveraineté européenne. S’émanciper du gaz russe, des engrais azotés et du gaz naturel liquéfié (GNL) américain est aussi important que de réduire la part de nos acquisitions militaires auprès des États-Unis.

En ce sens, le revirement de la Commission européenne, dont le projet de paquet législatif omnibus revient sur plus d’une décennie d’avancées environnementales et sociales, arrive selon nous au pire moment, alors que le dérèglement climatique s’accélère et qu’il faudrait déployer de nouveaux outils de souveraineté économique plutôt que d’affaiblir ceux dont nous disposons !

La tâche est considérable. Que ce Conseil européen sache avancer, en actes et en cohérence, de manière efficace ! (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)

M. le président. La parole est à Mme Audrey Linkenheld. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

Mme Audrey Linkenheld. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, à l’approche du Conseil européen des 20 et 21 mars, ce débat préalable devant la représentation nationale est d’autant plus essentiel que l’actualité internationale ne cesse de se dégrader. Les défis majeurs qui attendent l’Europe sont ainsi amplifiés, comme l’a déjà montré le Conseil européen extraordinaire présidé par Antonio Costa le 6 mars dernier.

Au cœur des débats européens figurent évidemment la guerre menée par la Russie contre l’Ukraine et la question de la défense européenne, mais aussi la politique migratoire et, plus largement, notre politique extérieure.

Malgré la poursuite des pressions russes et une position américaine instable, tournée d’abord vers ses propres intérêts, l’Ukraine continue de se battre vaillamment pour sa souveraineté. Le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain tient à réaffirmer ici son plein soutien à la résistance ukrainienne et à sa mobilisation pour une paix juste et durable.

Les sénateurs et députés socialistes restent favorables à la saisie sans délai des 210 milliards d’euros d’avoirs russes gelés et immobilisés, ainsi qu’à l’affectation intégrale à l’Ukraine des intérêts qu’ils produisent. C’est aussi la position adoptée par la majorité de l’Assemblée nationale. Laisser fléchir notre engagement aux côtés de l’Ukraine serait non seulement trahir un peuple agressé, mais aussi exposer toute l’Europe à de nouvelles menaces, physiques et cyber.

Alors, monsieur le ministre, le Gouvernement compte-t-il, enfin, porter cette exigence de justice devant le prochain Conseil européen et soutenir plus fermement la confiscation des avoirs russes et leur réaffectation directe au renforcement militaire de la résistance et à la reconstruction de l’Ukraine ?

Nous observons évidemment les différents mouvements du Président de la République et les efforts qu’il a déployés conjointement avec le Premier ministre britannique. Mais pouvez-vous nous assurer que, au-delà de cette implication toute personnelle d’Emmanuel Macron, la France est bien à la recherche d’une position partagée tant à l’échelon national qu’à l’échelon européen, voire au-delà ?

En effet, c’est de l’implication de tous les États membres que dépendent l’autonomie et l’avancement de la défense européenne, ainsi que la crédibilité des garanties de sécurité qui peuvent être apportées.

Alors que le Brexit a malheureusement modifié la place des Britanniques dans l’Europe, pouvez-vous nous indiquer quelles seront les prochaines étapes du rétablissement de relations franco-allemandes plus fidèles à l’histoire de la construction européenne ? Face aux États plus frileux, le moteur franco-allemand nous paraît en effet stratégique pour renforcer, d’urgence, l’action politique, économique et militaire de l’Europe.

Celle-ci doit se placer en première ligne face aux conflits qui secouent le monde et aux menaces qui pèsent sur la paix globale. Quant à la France, elle doit peser de tout son poids pour que l’Europe se crée une place, non pas contre les États-Unis ou quiconque d’autre, mais pour elle-même, pour sa sécurité et notre avenir à tous.

C’est vrai des négociations d’une trêve éventuelle entre l’Ukraine et la Russie.

C’est vrai face à la situation sensible dans les Balkans.

C’est vrai aussi des prochaines étapes du cessez-le-feu au Proche-Orient. Les négociations entre Israël et le Hamas semblent piétiner et les États-Unis s’imposent dans la région et entendent y jouer un rôle dont chacun perçoit bien la dangerosité et la faible compatibilité avec nos valeurs.

Dans ce contexte, pouvez-vous nous dire, monsieur le ministre, quelle initiative précise la France entend prendre, en lien avec l’Union européenne, pour exercer une influence positive en faveur d’une résolution juste et rapide de ce conflit meurtrier pour les populations civiles de Gaza et pour les otages ?

J’en viens maintenant à un autre sujet de l’ordre du jour de ce Conseil européen : la réforme de la politique migratoire de l’Union, censée renforcer l’efficacité des expulsions.

La révision prévue de la directive Retour fragiliserait, de notre point de vue, les valeurs européennes : on prévoit l’allongement de la durée de rétention des migrants, jusqu’à deux ans, la suppression de l’effet suspensif des recours, ou encore l’externalisation, dans des conditions opaques, des expulsions vers des pays tiers.

Au regard de l’obsession migratoire de votre collègue ministre de l’intérieur Bruno Retailleau, il faut reconnaître, monsieur le ministre, que nous ne sommes malheureusement guère surpris du silence de la France sur les aspects les plus préoccupants de ce projet de règlement, qui comporterait de graves atteintes au droit d’asile et au principe de non-refoulement !

Allez-vous réellement laisser faire, ou pouvons-nous compter sur votre discernement pour que la France veille à ce que ce nouveau texte, préparé à la hâte, sans concertation réelle avec les ONG, ne viole pas les droits fondamentaux des migrants et ne comporte pas de mesures démagogiques directement inspirées de l’extrême droite ?

Si un nouveau règlement est, par certains aspects, nécessaire, il n’aura de sens que s’il permet des retours durables et dignes. L’Europe ne peut pas, d’un côté, prôner le respect des droits humains partout dans le monde et, de l’autre, accepter les « hubs de retour » et accréditer la thèse selon laquelle les migrants seraient d’abord des criminels devant être traités comme tels.

Bref, nous vous demandons plus que jamais, monsieur le ministre, de porter avec force et cohérence le projet européen et d’affirmer une position de la France qui soit claire et conforme à son histoire et à ses valeurs. (Applaudissements sur les travées du groupe SER. – M. Jacques Fernique applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Benjamin Haddad, ministre délégué auprès du ministre de lEurope et des affaires étrangères, chargé de lEurope. Madame la sénatrice, vous avez mentionné la question des avoirs immobilisés en Europe de la Banque centrale russe, qui a fait l’objet d’un débat – vous l’avez rappelé – à l’Assemblée nationale la semaine dernière.

Vous connaissez la position de la France sur ce sujet.

Tout d’abord, je rappelle que ces actifs ont été immobilisés au lendemain de la guerre d’agression de la Russie, les intérêts produits par ces actifs, les profits d’aubaine, sont aujourd’hui utilisés pour financer un prêt de 50 milliards d’euros du G7 à l’Ukraine, qui sert à financer à la fois ses besoins macroéconomiques et ses besoins militaires. L’Union européenne couvre 20 milliards d’euros de ce prêt de 50 milliards.

La saisie du principal de ces actifs pose des questions juridiques, mais aussi quant au précédent que cela pourrait représenter pour les investisseurs étrangers en Europe ; la Banque centrale européenne (BCE) nous en a d’ailleurs avertis. Ce n’en est pas moins un des leviers dont nous disposons dans la négociation et le rapport de force avec Moscou.

Je rappelle néanmoins que cette décision doit être collective et consensuelle, car elle exposerait certains de nos partenaires, en particulier la Belgique, dans la mesure où – on a tendance à l’oublier – cet argent est conservé non pas en France, mais dans ce pays. Des questions demeurent donc.

Quoi qu’il en soit, ces actifs demeurent immobilisés et la décision que nous avons prise, tant au niveau du G7 que du Conseil européen, c’est qu’ils devront servir à l’Ukraine ou, en tout cas, qu’ils ne seront dégelés que le jour où la Russie acceptera de payer des réparations, ce qui n’est évidemment pas le cas aujourd’hui. Je le redis, c’est un levier dont nous disposons.

Je dirai à présent un mot du Proche-Orient, que vous avez également évoqué. Vous connaissez l’engagement et la mobilisation de la diplomatie française pour trouver les conditions non seulement d’un cessez-le-feu, mais aussi, bien sûr, d’une relance du dialogue politique qui pourra mener à deux États, israélien et palestinien, à la sécurité des Israéliens, à la souveraineté des Palestiniens et à la libération sans condition de tous les otages. La diplomatie française a été particulièrement mobilisée sur ce dossier.

Elle a également joué, aux côtés de nos partenaires américains, un rôle pilote dans la négociation du cessez-le-feu au Liban. Nous continuons à travailler, là aussi, à la restauration de la pleine souveraineté du Liban et à la relance du dialogue politique au sein de ce pays comme dans la région tout entière.

M. le président. La parole est à M. Marc Laménie.

M. Marc Laménie. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous sommes à un tournant historique : une guerre se déroule sur notre continent ; notre principal allié semble n’en être plus un ; notre économie est fragilisée. C’est dans ce contexte que se tiendra la réunion du Conseil européen des 20 et 21 mars prochain.

L’ordre du jour de ce prochain sommet porte sur des enjeux majeurs pour l’avenir de l’Europe, qu’il s’agisse de la guerre en Ukraine, de la situation au Proche-Orient, de la compétitivité, du prochain cadre financier pluriannuel, des migrations, de la politique maritime ou les relations extérieures de l’Union.

Plus d’un million de morts et de blessés : voilà le bilan de la guerre en Ukraine, selon le Wall Street Journal ; un million de personnes massacrées, mutilées, sacrifiées sur l’autel de l’impérialisme russe. Alors que les États-Unis de Donald Trump ont fait le choix de se rapprocher de celui qui a provoqué cette guerre, l’Europe doit, plus que jamais, être mobilisée.

Le 6 mars dernier, le Conseil européen s’était réuni pour une session extraordinaire à la suite de la suspension de l’aide américaine à l’Ukraine. À cette occasion, les Vingt-Sept se sont accordés sur des mesures historiques pour la défense européenne.

Cependant, de nombreux points restent en suspens. Sur l’Ukraine, la position commune adoptée le 6 mars renvoie à la « prochaine réunion » du Conseil européen. En effet, la Hongrie de Victor Orban, soutien de Donald Trump, a refusé d’approuver les positions des vingt-six autres États membres en faveur du renforcement du soutien à l’Ukraine. Le groupe Les Indépendants le déplore et fait part de ses vives inquiétudes sur l’attitude de la Hongrie.

Monsieur le ministre, pourriez-vous nous faire un point d’étape sur ce sujet déterminant pour notre sécurité collective et nos valeurs ?

En Syrie, l’histoire semble se répéter. Les tensions communautaires, qui déchirent le Proche-Orient depuis des décennies, ont encore donné lieu à des violences d’une brutalité inouïe. En l’espace de quatre jours, des milliers de civils ont été assassinés et blessés.

Des forces armées islamistes, liées au groupe Hayat Tahrir al-Cham (HTC), ont massacré des populations chrétiennes et alaouites, la communauté du dictateur Bachar al-Assad. Ces assassinats de masse rappellent les représailles dont ont fait l’objet les sunnites après la chute de Saddam Hussein, puis les chiites lors de l’arrivée de Daech. Ils font craindre le pire pour la Syrie.

Quelle est la réponse de l’Union européenne face à cela ? Aujourd’hui même, l’Union organise à Bruxelles la neuvième conférence internationale de soutien à la Syrie, afin de lever des fonds pour soutenir le peuple syrien. Il y a moins d’un mois, elle avait décidé de suspendre un certain nombre de sanctions prises à l’encontre de la Syrie, tout en réaffirmant sa volonté d’être aux côtés du peuple syrien dans la période de transition qui s’ouvre pour lui.

La Syrie a réussi à se libérer du joug de Bachar al-Assad, mais le combat n’est pas terminé. Aujourd’hui, des Syriens risquent leur vie en raison de leur appartenance religieuse ; je pense notamment aux chrétiens d’Orient. Ne laissons pas se reproduire ce qu’il s’est passé en Irak ! La situation appelle une vigilance absolue, et l’Europe devra être au rendez-vous.

Au-delà de la guerre, c’est notre économie qui est aujourd’hui menacée. Paru en septembre dernier, après celui de M. Letta, le rapport de M. Draghi sur notre compétitivité est sans appel. Pour qualifier la situation de l’économie européenne, Mario Draghi en vient à parler de « lente agonie ». Or qui dit affaiblissement économique dit perte de souveraineté et d’indépendance. C’est pourquoi la compétitivité européenne sera, elle aussi, au cœur des échanges des 20 et 21 mars.

La Commission européenne semble s’être saisie pleinement de cette problématique, en publiant à la fin du mois de janvier dernier une « boussole pour la compétitivité ».

Ce document fixe trois objectifs pour relancer l’économie européenne : combler notre retard d’innovation ; combiner décarbonation et compétitivité ; enfin, réduire les dépendances et renforcer notre sécurité.

Le groupe Les Indépendants salue cette démarche, mais insiste sur la nécessité de prioriser les initiatives visant à simplifier les normes. Cette simplification est vitale pour l’avenir de nos entreprises. Elle est d’ailleurs au cœur des priorités de l’Union, comme le montre le paquet législatif omnibus dévoilé à la fin du mois de février.

Dans un monde de plus en plus instable, face à une concurrence de plus en plus déloyale, ces mesures de simplification s’imposent. Il y va de notre souveraineté. En ce sens, monsieur le ministre, comment envisagez-vous la mise en œuvre de ces mesures à l’échelle nationale ?

Les 20 et 21 mars, le Conseil européen abordera également le prochain cadre financier pluriannuel de l’Union. Cette question est tout aussi stratégique pour notre souveraineté que la compétitivité. Le 12 février dernier, la Commission a présenté un document exposant les grandes orientations de ce prochain budget.

Pour sa part, le groupe Les Indépendants alerte sur la nécessité d’un budget qui soit à la hauteur des défis qu’il nous faudra relever. Dans ce cadre, monsieur le ministre, quelles sont les positions du Gouvernement sur la mise en place de nouvelles ressources propres ?

Enfin, la question des migrations sera l’un des points clés de la prochaine réunion du Conseil. Là encore, les enjeux sont majeurs.

Le 11 mars dernier, la Commission a dévoilé au Parlement européen le projet de règlement visant à faciliter les départs de migrants en situation irrégulière. En effet, chaque année, près d’un demi-million de migrants illégaux reçoivent l’ordre de quitter l’UE, mais seulement un sur cinq le fait. Comment faire respecter notre politique migratoire si notre droit n’est pas réellement appliqué ? Nous accueillons donc favorablement cette volonté de réforme. Dans ce domaine, monsieur le ministre, quelles sont les perspectives du Gouvernement ?

Pour conclure, j’insiste sur le moment de bascule historique dans lequel nous nous trouvons. Notre seule boussole doit être le renforcement, l’unité et l’efficacité de l’Union européenne. C’est ce que notre groupe attend de la prochaine réunion du Conseil européen. (Applaudissements sur les travées des groupes INDEP et RDPI.)

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Benjamin Haddad, ministre délégué auprès du ministre de lEurope et des affaires étrangères, chargé de lEurope. Monsieur le sénateur Laménie, vous avez évoqué beaucoup de sujets dont l’importance est évidente. Je rebondirai sur plusieurs d’entre eux.

Pour ce qui est de la Hongrie, si nous continuons de maintenir un dialogue exigeant avec ce pays, c’est précisément afin de pouvoir trouver un consensus européen.

Aujourd’hui même, au Conseil des ministres des affaires étrangères, où Jean-Noël Barrot représentait la France, nous avons renouvelé les sanctions – gels d’avoirs et interdictions de visas notamment – contre un certain nombre d’individus liés au régime ou au monde économique russes et, partant, à la guerre d’agression de la Russie contre l’Ukraine. Pour ce faire, nous avons travaillé avec la Hongrie, tout en nous montrant extrêmement vigilants et fermes sur les atteintes à l’État de droit, comme nous l’avons toujours été aux côtés de la Commission européenne.

Vous avez aussi évoqué, à la suite de plusieurs orateurs, la question de la simplification des normes et plus particulièrement les avancées du paquet législatif omnibus ; vous m’interrogez sur leur transposition dans le droit national. De fait, nous en avons déjà transposé certaines, mais le calendrier d’application fait qu’elles ne sont pas entrées en vigueur à ce jour, mais trouveront à s’appliquer dans les prochaines années. Je pense à des mesures de report et de seuil qui préservent notamment certaines catégories de PME de diverses obligations.

Pour ma part, je pense qu’il faut aller plus loin. J’évoquais tout à l’heure l’exemple de la directive sur la publication d’informations en matière de durabilité par les entreprises (CSRD) : il faut réduire le nombre d’obligations de reporting que l’on fait peser sur nos entreprises.

On parle ici d’enjeux européens, mais un autre volet du problème est bien national : il s’agit de la façon dont, en France, nous surtransposons un certain nombre de directives européennes. C’est la raison pour laquelle j’ai demandé au service des affaires européennes de Matignon de réaliser un audit de tous les textes qui ont été surtransposés depuis une dizaine d’années.

En 2018, un premier texte législatif visait déjà, si vous me pardonnez ce jargon quelque peu technocratique, à procéder à une « désurtransposition » de certains textes de nature diverse, portant notamment sur les questions agricoles et environnementales, qui pesaient souvent sur nos entreprises. Cette fois-ci encore, nous regarderons, texte par texte, où il est possible d’aller plus loin pour simplifier la vie de nos acteurs économiques.

M. le président. Il faut conclure, monsieur le ministre délégué.

M. Benjamin Haddad, ministre délégué. Je veux enfin vous répondre très brièvement sur la Syrie. Comme je l’ai mentionné tout à l’heure à la tribune, les levées de sanctions sont évidemment réversibles. La France continuera de tenir un discours très exigeant sur la protection des droits humains, sur la lutte contre le terrorisme, sur le dialogue inclusif et bien sûr, comme vous nous y appelez, sur la protection des chrétiens d’Orient.

M. le président. La parole est à M. Alain Cadec. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Alain Cadec. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, en l’espace de trois ans, l’environnement stratégique du continent européen s’est radicalement transformé.

D’abord, c’est un tabou que la Russie a brisé, en recourant à la force armée contre un État voisin et en violant ses frontières pour les remodeler.

Désormais, c’est le totem de l’alliance atlantique que le Président américain fait vaciller au travers de son rapprochement avec Vladimir Poutine, de ses critiques envers l’Otan, ou de ses attaques sur le terrain commercial.

Pour nombre de pays européens qui ont assis leur vision du monde, leur prospérité et leur sécurité sur le lien transatlantique, l’émotion est particulièrement vive. Pourtant, la situation exige avant tout une analyse lucide, que ce soit sur l’état de la menace ou sur celui de nos alliances.

En effet, alors que l’armée russe jette toutes ses forces dans la bataille et que ses pertes humaines et matérielles atteignent des niveaux considérables, ses avancées restent modestes. Et si, après trois ans de combats, elle n’a pas réussi à passer le Dniepr, qui pourrait croire qu’elle est en mesure de se porter jusqu’aux rives du Rhin ?

Néanmoins, le passé récent, en Géorgie ou en Ukraine, alimente les craintes de nos amis et alliés d’Europe centrale. Par ailleurs, nous ne pouvons ignorer les risques que la Russie fait peser sur notre pays, que ce soit par ses intimidations nucléaires et balistiques ou par l’agressivité qu’elle manifeste à notre encontre dans tous les champs hybrides.

La menace russe est donc objective. La qualifier d’existentielle, comme l’a fait le Président de la République, est à mon sens tout à fait exagéré, mais il n’en reste pas moins vrai qu’elle s’est renforcée et qu’elle trouve dans le nouveau positionnement américain un contexte favorable à son intensification.

Quant aux États-Unis, ils sont certes devenus un allié imprévisible, mais ils restent tout de même un allié. Ainsi, ni une dénonciation de l’article 5 du traité de l’Atlantique Nord ni un retrait des dizaines de milliers de soldats américains stationnés en Europe ne semblent devoir advenir dans un avenir proche.

Un fait n’en demeure pas moins : le pivot des États-Unis vers l’Asie s’accélère. Et demain, indépendamment de la présidence Trump, l’engagement américain sur notre continent ne sera plus celui d’hier.

Les Européens sont dès lors face à un choix. Il ne s’agit pas de penser notre sécurité collective en dehors de toute alliance ni, encore moins, de se préparer à affronter la Russie sur le terrain ukrainien. Aucune de ces extrémités n’est raisonnable ni même crédible.

Il importe en revanche de prendre acte des transformations de l’ordre international et des bouleversements de notre environnement proche, et d’agir en conséquence, ne serait-ce que pour gagner la considération stratégique qui nous est aujourd’hui refusée.

À court terme, cela signifie que nous ne pouvons abandonner l’Ukraine à son sort. À moyen et long terme, cela impose de mettre enfin sur pied une défense du continent européen qui, pour être dissuasive, devra être à la fois crédible et autonome.

Ne nous payons toutefois pas de mots : les défis à relever pour atteindre ces objectifs sont immenses. Cela prendra nécessairement plus de temps que nous ne le souhaiterions. Surtout, ils impliqueront d’agir selon certains principes.

Je pense tout d’abord au pilotage de nos efforts collectifs. En effet, la remontée en puissance de nos outils militaires ne peut être menée anarchiquement ; elle devra nécessairement être coordonnée dans de nombreux domaines.

Néanmoins, ce processus ne peut servir de paravent à la transformation des compétences dévolues par les traités. L’article 4 du traité sur l’Union européenne est parfaitement clair : « La sécurité nationale reste de la seule responsabilité de chaque État membre. » L’idée d’une armée européenne, à laquelle, heureusement, plus grand monde ne croit, est donc vouée à rester une chimère.

Mais, au-delà, nous devons affirmer que la coopération européenne de défense est par essence intergouvernementale et qu’elle doit le rester. Il n’est ainsi pas acceptable que la Commission européenne cherche, comme elle l’a fait dans le cadre de la proposition de règlement relatif au programme européen pour l’industrie de la défense (Edip), à s’arroger des prérogatives qui, par nature, ne peuvent pas être les siennes. De la sorte, la présidente von der Leyen dépasse à mon sens très largement ses attributions.

En outre, les débats sur ce projet de règlement livrent un autre enseignement : la révolution culturelle qu’implique l’autonomie stratégique européenne n’est pas encore parvenue à son terme.

En effet, si une certaine prise de conscience s’est indéniablement enclenchée, les discussions sur la notion de préférence européenne en matière d’achat de matériels militaires restent particulièrement difficiles, en écho au fait que le réarmement qui a commencé à s’opérer en urgence dans les États membres s’est surtout concrétisé par des achats d’équipements américains.

Or il y a là une contradiction majeure. Comment les Européens peuvent-ils déclarer leur volonté d’assumer leur propre sécurité, voire proclamer leur souveraineté collective, tout en acceptant de rester sous tutelle, en étant armés par un tiers ?

En ce qui nous concerne, la ligne est claire : affirmer l’autonomie stratégique, c’est affirmer que la défense de l’Europe doit être assurée en premier lieu par les armes de l’Europe et que les fonds européens doivent aller aux entreprises européennes.

Enfin j’évoquerai la dimension financière de ces enjeux. En effet, si nos efforts doivent s’amplifier, ils doivent aussi être financés.

La situation budgétaire et financière de notre pays nous interdit, de fait, de recourir pour cela à l’impôt ou à la dette. C’est bien pourquoi l’initiative ReArm Europe présentée récemment par Ursula von der Leyen ne nous sera sans doute pas d’une grande utilité.

En effet, loin de mettre sur la table 800 milliards d’euros d’argent frais, comme la présidente de la Commission aime à le faire penser, ce plan repose principalement sur deux propositions.

D’abord, on exclurait, partiellement, les dépenses de défense des règles du pacte de stabilité et de croissance. Cette mesure, que nous soutenons de longue date, arrive bien tard, hélas ! car le déficit de la France atteint aujourd’hui des sommets, et s’il ne passe pas sous les fourches caudines de la Commission, il passera nécessairement tôt ou tard sous celles des marchés.

Ensuite, le plan prévoit d’octroyer aux États membres des prêts garantis par le budget européen. Mais ceux-ci devront bien être remboursés, tout comme d’éventuels nouveaux Eurobonds qui, en l’absence de nouvelles ressources propres, devraient in fine être financés par les budgets nationaux.

Pas plus pour la défense que pour d’autres secteurs, il n’y aura d’argent magique, et notre effort de défense ne pourra être assumé, pour l’essentiel, que grâce à des économies supplémentaires et à des réformes libérant le potentiel de croissance.

Je me félicite ainsi que la Commission ait fait de la réduction de la charge administrative l’un des éléments clés de sa politique économique pour les cinq années à venir. Après des années passées à surréglementer méthodiquement, elle semble enfin avoir compris que la coupe était pleine pour nos entreprises, asphyxiées sous une avalanche de normes. Et nos industries de défense ne font pas exception, tant s’en faut. Il est donc positif qu’un train de mesures de simplification spécifiques à ce secteur accompagne la présentation cette semaine du livre blanc de la Commission.

J’insiste néanmoins sur la nécessité absolue de revenir sur la conception de certains textes. Je pense en particulier à la taxonomie européenne des investissements durables, qui vient brider les circuits d’investissements et qui, il faut bien le dire, ressemble parfois à une mise à l’index pure et simple des entreprises de défense.

Monsieur le ministre, mes chers collègues, le renforcement national et européen de nos outils militaires est une nécessité que nous reconnaissons sans ambages. Mais loin de l’émotion qui parfois peut nous saisir face au tourbillon des événements, cette tâche considérable exigera que nous nous y attelions avec calme et lucidité, avec détermination et constance – et surtout, monsieur le ministre, avec réalisme. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et INDEP.)

M. Jean-François Rapin, président de la commission des affaires européennes. Bravo !

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué chargé de l’Europe.

M. Benjamin Haddad, ministre délégué auprès du ministre de lEurope et des affaires étrangères, chargé de lEurope. Monsieur le sénateur Cadec, merci pour ces différents éléments et pour cet appel au calme, à la détermination et au réalisme, que nous partageons.

Vous avez évoqué la taxonomie qui, en effet, excluait la défense. Comme je l’ai dit tout à l’heure, c’est l’une des raisons pour lesquelles nous avons poussé à la modification du mandat de la Banque européenne d’investissement (BEI). Nous continuerons à œuvrer pour faciliter les investissements dans la défense et à promouvoir une préférence européenne afin de renforcer notre industrie de défense autonome.

Vous avez fait référence à l’alliance avec les États-Unis. Vous avez raison, les Américains restent nos partenaires et nous voulons continuer de travailler avec les États-Unis. C’est d’ailleurs dans cet esprit que, sous l’impulsion du Président de la République, nous cherchons à renforcer la position de négociation des Ukrainiens dans le rapport de force avec la Russie, tout en réalisant des investissements massifs pour relancer notre outil de défense européen.

Parallèlement, nous maintenons un dialogue diplomatique constant avec les États-Unis, car il ne serait pas dans leur intérêt de concéder une victoire à Vladimir Poutine, de forcer une capitulation de l’Ukraine et de créer un précédent vis-à-vis de la Chine ou d’autres puissances qu’ils considèrent aujourd’hui comme prioritaires. Ces deux approches, que nous menons simultanément, ne nous semblent pas contradictoires, et vous avez raison de le souligner.

Enfin, l’outil de défense européen reste, bien entendu, l’apanage des États membres. Il n’y a pas de contradiction entre, d’une part, une vision européenne permettant d’identifier nos dépendances et nos lacunes capacitaires – qu’il s’agisse des frappes en profondeur, de l’artillerie, des munitions, du cyber, des drones ou encore des satellites – et, d’autre part, le fait de dégager des financements, aussi bien à l’échelle européenne qu’auprès des États membres. Mais il est essentiel de rappeler que les États conservent leur souveraineté sur l’usage de la force militaire et qu’il n’est en aucun cas question d’une fédéralisation de l’outil militaire, comme cela peut parfois être avancé dans le débat politique.

M. le président. La parole est à Mme Solanges Nadille. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

Mme Solanges Nadille. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, mercredi dernier, les ministres de la défense des cinq plus grandes nations militaires européennes – la France, l’Allemagne, la Grande-Bretagne, l’Italie et la Pologne – étaient réunis à Paris. Nos objectifs sont toujours identiques : faire front commun pour instaurer un nouveau cadre de sécurité pour l’Ukraine ; faire front commun avec une nouvelle politique de défense européenne ; faire front commun afin de répondre au rapprochement entre les États-Unis et la Russie ; faire front commun au Parlement.

Prenons le temps de nous rappeler les mots de celui qui, en 2017, entrait à l’Assemblée nationale et regardait avec mépris le drapeau européen présent dans l’hémicycle : « On est obligés de supporter cela… », disait-il ! Rappelons-nous celle qui, en 2022, annonçait un recours devant le Conseil d’État parce que le drapeau européen flottait sous l’Arc de Triomphe, pendant la Présidence française du Conseil de l’Union européenne. C’était une provocation, à ses yeux ! Elle se disait défenseure des productions françaises, mais, dans le même temps, soutenait avec force celui qui envisage aujourd’hui d’imposer des droits de douane de 200 % sur le champagne et les vins français. Rappelons-nous, au-delà des symboles, qu’ils ont systématiquement été contre l’Europe et sa nécessaire souveraineté.

Mais constatons aussi, dans le même temps, que le Président de la République a toujours poussé nos alliés à réfléchir à une défense commune et à investir dans ce sens, pour que nous ne dépendions que de nous-mêmes. À ses côtés se tiennent les membres de sa majorité, mais aussi plusieurs groupes politiques du Sénat.

Emmanuel Macron a toujours défendu une Europe puissante. La volonté du chef de l’État a pu être critiquée, mais la politique s’inscrit dans le temps long, et l’ère géopolitique nouvelle qui s’est ouverte lui donne plus que jamais raison sur ce point.

Certains aimeraient faire croire ici que nous aurions librement à choisir entre le réarmement et la défense de l’environnement, là que nous sommes en train de choisir le péril hypothétique russe plutôt que la lutte contre le terrorisme islamiste. Si nous comprenons aisément la raison politicienne et le ressort démagogique de ces discours, ils n’en restent pas moins faux et sont, en vérité, irresponsables.

C’est bien parce que nous ne voulons, ni ne pouvons ni ne devons choisir que l’Europe unie est la solution, et la seule. Il en sera question lors du prochain Conseil européen, et il en sera question à titre principal – avec, bien entendu, la situation au Proche-Orient.

Dans ce contexte international bouleversé, grave, dangereux, anxiogène que nous connaissons désormais, nous avons ici même, au Sénat, débattu de la guerre en Ukraine à la veille de l’allocution présidentielle. Même si la défense nationale et les affaires internationales relèvent du domaine réservé du chef de l’État, le Parlement français jouera tout son rôle d’interpellation et de proposition, comme nous le faisons aujourd’hui.

Monsieur le ministre, les dirigeants des Vingt-Sept, soutenus par des majorités politiques très différentes, ont donné leur feu vert au plan de la Commission européenne pour nous réarmer contre les menaces expansionnistes et existentielles. La France a été motrice. Ce sont 800 milliards d’euros qui sont prévus, dont 150 milliards d’euros sous forme de prêts, pour renforcer nos capacités de défense.

L’ancien ministre Hubert Védrine l’a souligné dans Le Télégramme, c’est notre épreuve de vérité. Le groupe RDPI tient à saluer l’action constante et l’engagement remarquable, depuis des années, de Sébastien Lecornu, ministre des armées. Celui-ci reconnaît la nécessité d’accroître le niveau d’information des groupes parlementaires. C’est pourquoi il a reçu les présidents de groupe de l’Assemblée nationale et du Sénat, au lendemain de l’adoption par les députés d’une résolution sur le renforcement du soutien à l’Ukraine. Mais il a démontré aussi, jeudi dernier encore, sa volonté d’informer les Français eux-mêmes et de débattre avec eux – une attitude qui doit être saluée.

Monsieur le ministre, alors que nous avons à nous prononcer chaque année sur les crédits de la défense, que nous avons à débattre des projets de loi de programmation militaire, et que l’examen du prochain budget, sur ce point, sera d’une importance cruciale, pourriez-vous nous détailler les positions que la France défendra ces 20 et 21 mars, sur le financement mutualisé et sur les outils prévus par chaque État membre ?

Impliquée moi-même dans les problématiques de commande publique, je souhaite connaître la position de la France en ce qui concerne la préférence européenne dans les achats militaires. Les fonds mobilisés doivent financer l’industrie européenne. (Applaudissements sur les travées des groupes RDPI et INDEP.)

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué chargé de l’Europe.

M. Benjamin Haddad, ministre délégué auprès du ministre de lEurope et des affaires étrangères, chargé de lEurope. Madame la sénatrice Nadille, je tiens à souligner l’importance de ce que vous avez mentionné en introduction. En cette période de bascule géopolitique, alors que nous connaissons un tournant historique, nous avons besoin d’une Europe forte. C’est la vision que la France défend depuis le discours de la Sorbonne du Président de la République en 2017 : une Europe moins dépendante technologiquement, militairement et énergétiquement de ses voisins, une Europe qui reprend en main son destin.

Alors que l’on a tant entendu parler de la perte d’influence de la France ou des divisions entre Européens, nous constatons aujourd’hui que les idées que nous défendons depuis 2017 sont au cœur des débats européens. Nous voyons les vingt-sept États membres s’unir pour réaffirmer leur soutien à l’Ukraine et, surtout, prendre des décisions historiques, qui constituent des étapes majeures, pour réinvestir dans l’outil militaire.

La position de la France n’a jamais varié : nous devons absolument soutenir une industrie de défense européenne autonome. Il s’agit de donner de la visibilité à nos industriels, de leur permettre de monter en capacité, mais aussi de préserver notre savoir-faire technologique et la maîtrise de ces technologies.

C’est la ligne que nous défendons dans les négociations, notamment sur le règlement relatif au programme européen pour l’industrie de la défense (Edip), actuellement en discussion au sein des institutions européennes.

C’est également la position que nous porterons dans les discussions à venir sur les mécanismes de gouvernance des financements annoncés par la Commission européenne. Nous devons investir pour combler les lacunes identifiées dans nos domaines capacitaires à l’échelon européen : c’est ce que disent déjà les conclusions du Conseil européen extraordinaire du 6 mars. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

M. le président. La parole est à Mme Sophie Briante Guillemont. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)

Mme Sophie Briante Guillemont. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le Conseil européen se réunira les 20 et 21 mars prochain. Cette rencontre fait suite au sommet extraordinaire convoqué le 6 mars dernier, qui a surtout été l’occasion d’aborder la question du réarmement de l’Europe et de l’Ukraine dans le contexte géopolitique que l’on connaît. De fait, nous attendons avec une certaine impatience le livre blanc sur la défense qui doit être publié mercredi.

Si la proposition de cessez-le-feu élaborée à Djeddah a légèrement fait bouger les lignes diplomatiques, et si des discussions techniques ont débuté aujourd’hui, la situation reste hautement préoccupante. Depuis le 11 mars, la position russe demeure largement ambiguë. Bien sûr, tout part du revirement des États-Unis, la position de l’administration de M. Trump tranchant largement avec le soutien de son prédécesseur à l’Ukraine. Le rapprochement avec la Russie crée une instabilité manifeste, qui force l’Europe au réveil. Pour l’heure, beaucoup jugent la politique de Donald Trump erratique et peu compréhensible.

Nous espérons qu’elle le soit, en fait, plutôt que d’imaginer que la stratégie actuelle est parfaitement pensée et voulue : cela ne la rendrait que plus dangereuse. En effet, la thèse selon laquelle les États-Unis seraient en train de laisser le champ libre à la Russie sur le vieux continent devient de plus en plus plausible.

Ce bouleversement que nous connaissons depuis quelques semaines, nous n’avons plus d’autre choix que de le comprendre comme une occasion offerte à l’Union européenne. Il sera, espérons-le, l’électrochoc qu’il fallait à l’Europe pour qu’elle commence à réinvestir collectivement dans sa défense et dans sa souveraineté, sans compter aveuglément et ad vitam aeternam sur le soutien des États-Unis. Ce sont 800 milliards d’euros qui devraient ainsi être mobilisés par la Commission européenne.

Cette nouvelle donne n’en demeure pas moins catastrophique pour l’Ukraine. Cela fait un peu plus de trois ans que ce pays subit l’invasion russe, trois ans que les Ukrainiennes et les Ukrainiens s’épuisent à défendre leurs vies et leur territoire, face à un État russe toujours plus autoritaire.

À l’issue du Conseil européen du 6 mars dernier, tous les États membres de l’Union, à l’exception notable de la Hongrie, ont réaffirmé les conditions indispensables à la paix entre l’Ukraine et la Russie : une paix globale, juste et durable, des négociations qui incluent nécessairement l’Ukraine et l’Europe et surtout, une paix qui respecte l’indépendance, la souveraineté et l’intégrité territoriale de l’Ukraine.

À la différence du président et du vice-président des États-Unis, membres éminents de l’internationale réactionnaire, nous ne voulons pas d’une paix au rabais, impliquant une répartition des territoires et des ressources ukrainiens. D’ailleurs, de leur côté, les États-Unis semblent parfois hésiter. Ils cessent les livraisons d’armes et de renseignements un jour pour les reprendre le lendemain… La seule conclusion que nous pouvons tirer de cette séquence est que les États-Unis ne sont plus un allié fiable. L’Europe doit en tirer les conséquences.

Une série de questions se pose, aussi, d’un point de vue financier. Pouvons-nous à la fois maîtriser nos déficits publics, dépenser davantage pour nos armées respectives et accélérer notre soutien à l’Ukraine ? La réponse est non. Aussi notre groupe demande-t-il une transparence totale sur ce sujet, préalable indispensable pour que l’ensemble de nos compatriotes adhèrent aux mesures qui doivent être prises.

Enfin, la prochaine réunion du Conseil européen sera l’occasion d’aborder la situation au Proche-Orient. Sur ce sujet également, Donald Trump tente de rebattre les cartes pour montrer au monde entier ses talents de deal maker. Mais la diplomatie, la bonne diplomatie, s’improvise rarement, surtout lorsque les propositions formulées sont aberrantes, à l’instar de cette idée de transformer Gaza en Riviera du Proche-Orient.

Le groupe du RDSE ne peut qu’affirmer l’absolue nécessité de respecter le droit international et les droits fondamentaux des individus. L’Union européenne et la France doivent peser de tout leur poids pour que le cessez-le-feu actuel entre le Hamas et Israël et les échanges de prisonniers et d’otages se poursuivent dans de bonnes conditions, afin que le cessez-le-feu temporaire devienne définitif.

Qu’il s’agisse de l’Ukraine ou du Proche-Orient, l’enjeu pour l’Europe et pour la France n’est pas simplement de mettre un terme aux conflits, qui ne cessent de se multiplier et de prendre de l’ampleur ; il est d’établir les conditions d’une paix juste et durable entre tous les belligérants. (Applaudissements sur les travées des groupes RDSE et INDEP.)

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué chargé de l’Europe.

M. Benjamin Haddad, ministre délégué auprès du ministre de lEurope et des affaires étrangères, chargé de lEurope. Madame la sénatrice, sur l’Ukraine, vous connaissez la position de la France. Avec ses partenaires européens, notre pays s’engage pour trouver les conditions d’une paix juste et durable. Cela ne signifie pas un simple cessez-le-feu, qui risquerait de n’être qu’une trêve temporaire, exploitée par la Russie pour se réarmer et relancer ses attaques contre les Ukrainiens.

Nous nous félicitons que le président Zelensky ait accepté le principe d’une trêve de trente jours afin de créer les conditions d’une négociation. Il revient désormais à la Russie de montrer qu’elle est prête à choisir la voie de la paix et de la diplomatie, qu’elle a rejetée ces trois dernières années.

Rappelons que la fin de cette guerre passe par un renforcement de la pression sur la Russie, l’agresseur qui, une fois encore, a choisi la voie de la guerre, et ce depuis 2014. Cette pression s’exerce à la fois par un soutien militaire accru à l’Ukraine et par un durcissement des sanctions économiques.

C’est pourquoi nous nous félicitons d’avoir procédé aujourd’hui, en Conseil des affaires étrangères, à des désignations supplémentaires, en complément des sanctions déjà adoptées il y a quelques semaines, notamment dans le secteur énergétique russe. Nous poursuivrons ce travail pour maintenir la pression sur la Russie et établir les conditions d’une paix durable.

Cette paix devra nécessairement s’accompagner de garanties de sécurité pour l’Ukraine. Nous avons tous en mémoire les accords de Minsk, violés à plusieurs reprises par la Russie. C’est pourquoi, pour assurer une paix durable, les Européens devront pleinement assumer leurs responsabilités. C’est le sens du rôle moteur que la France joue aux côtés de ses partenaires européens. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

M. le président. La parole est à Mme Florence Blatrix Contat. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

Mme Florence Blatrix Contat. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l’histoire européenne est faite de ces moments où l’impensable devient réalité. On croyait l’Union incapable de recourir à l’endettement commun, jusqu’à ce qu’une pandémie l’y contraigne. On la pensait figée dans ses dépendances, jusqu’à ce que l’invasion de l’Ukraine par la Russie impose un tournant majeur.

Aujourd’hui, l’Europe doit impérativement renforcer son autonomie stratégique. Cela passe par le rehaussement de nos dépenses militaires, mais aussi par un investissement massif dans notre souveraineté économique et technologique, afin de soutenir à la fois la réindustrialisation du continent et la transition écologique.

Dans le domaine de la défense, il y a une première évidence : nous devons instaurer une préférence européenne dans les achats militaires. Mais la question centrale demeure bien entendu le financement de l’effort.

La présidente de la Commission a annoncé un plan de 800 milliards d’euros pour la défense européenne, dont 150 milliards d’euros seraient mutualisés via un prêt européen, le reste reposant sur les dépenses individuelles de chaque État membre.

Pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, cet effort ne saurait se traduire par des coupes budgétaires qui fragiliseraient notre modèle social. Il ne saurait non plus servir de prétexte pour enterrer toute modification de la réforme des retraites.

Afin d’éviter que cet effort ne se fasse au détriment de dépenses utiles à nos concitoyens, l’Union européenne devra également être capable de mobiliser des financements exceptionnels. Ainsi, plusieurs centaines de milliards d’euros pourraient être débloqués dans le cadre du mécanisme européen de stabilité (MES). Monsieur le ministre, cette piste est-elle envisagée ?

Autre conséquence de la nouvelle donne géopolitique : les cours boursiers des industries de défense connaissent un envol depuis plusieurs mois. Le risque de superprofits est bien réel. Quelles mesures sont envisagées pour éviter qu’une rente de situation ne se forme sur le chaos géopolitique ?

Notre souveraineté ne se résume pas aux chars et aux canons. L’effort doit aussi porter sur les infrastructures numériques : réseaux sociaux, intelligence artificielle, cybersécurité, stockage et protection des données. L’Europe ne peut plus se contenter d’être un marché captif, en proie aux ingérences étrangères d’États qui cherchent à l’affaiblir.

Reprendre la main passe par le développement de plateformes souveraines, financées par des fonds publics. Tel est notamment l’objet de la proposition de résolution européenne sur la souveraineté numérique de l’Union européenne du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, dont Catherine Morin-Desailly et moi sommes les rapporteures et qui a été adoptée la semaine dernière à l’unanimité par la commission des affaires européennes.

Monsieur le ministre, comment la France défendra-t-elle un modèle numérique européen affranchi des géants américains et chinois ?

Par ailleurs, alors que les négociations du cadre financier pluriannuel pour les années 2028-2034 débutent, la question de l’adoption de nouvelles ressources propres est cruciale. Si nous n’y apportons pas de réponse, le remboursement du plan Next Generation EU incombera aux États. Sans nouvelles ressources propres, la participation de la France au budget de l’Union européenne augmentera inexorablement. Nous espérons que la France saura faire entendre sa voix sur ce sujet.

Enfin, notre quête de souveraineté ne doit pas se faire au détriment de nos engagements sociaux et environnementaux. La compétitivité et la simplification sont des enjeux clés, mais elles ne doivent pas servir de prétexte à un nivellement par le bas. Simplifier les normes ? Oui. Baisser le niveau d’exigence ? Non !

Quelle est la position de la France sur la révision des directives CSRD et CS3D, notamment sur la condition suspensive ?

Monsieur le ministre, une Europe forte ne peut être qu’une Europe qui protège, qui régule et qui innove. (Applaudissements sur les travées des groupes SER, CRCE-K et GEST, ainsi que sur des travées des groupes RDPI et INDEP.)

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué chargé de l’Europe.

M. Benjamin Haddad, ministre délégué auprès du ministre de lEurope et des affaires étrangères, chargé de lEurope. Madame la sénatrice, je vous encourage à ne pas opposer souveraineté et simplification, bien au contraire. Si nous imposons à nos entreprises des normes certes fondées sur une ambition louable – la décarbonation et la transition environnementale de notre continent –, mais dont l’application fragilise nos industriels face à la concurrence chinoise et américaine, alors nous affaiblirons notre souveraineté tout en nous éloignant de nos objectifs en matière de transition environnementale.

C’est précisément dans cet esprit que mes collègues Marc Ferracci, ministre chargé de l’industrie et de l’énergie, Agnès Pannier-Runacher, ministre de la transition écologique, et moi-même avons obtenu la suspension et le lissage des amendes que devaient payer les constructeurs automobiles en 2025. Il était en effet absurde d’exiger de ces industriels, qui ont consenti d’importants investissements dans l’électrification de leurs véhicules, qu’ils paient des pénalités ou achètent des crédits d’émission de carbone à leurs concurrents – en l’occurrence des acteurs chinois comme BYD ou américains comme Tesla – alors même que la demande en véhicules électriques a chuté en 2024, sans que cette baisse soit liée aux efforts des constructeurs.

Faire preuve de pragmatisme et de bon sens pour accompagner nos industriels dans la transition environnementale en leur simplifiant la tâche n’est en aucun cas contradictoire avec l’objectif de souveraineté économique.

Je dirai enfin un mot sur la souveraineté numérique, car vous avez raison d’insister sur ce point. La souveraineté ne se limite pas à l’autonomie stratégique militaire ; elle implique aussi de ne pas dépendre d’acteurs étrangers, notamment américains ou chinois, pour nos technologies. Nous savons en effet combien cette dépendance peut avoir des effets sur notre démocratie et notre espace public.

C’est pourquoi nous devons faire respecter nos règles européennes, notamment le règlement sur les services numériques, le Digital Services Act (DSA), et le règlement sur les marchés numériques, le Digital Markets Act (DMA), pour lutter contre les pratiques anticoncurrentielles des grandes plateformes. Mais nous devons également investir et innover en soutenant notre écosystème technologique, nos start-up et nos entreprises en Europe, afin que les financements ne partent pas à l’étranger, en particulier aux États-Unis. C’était tout l’enjeu du sommet pour l’action sur l’intelligence artificielle organisé récemment par la France.

Notre stratégie repose donc sur deux piliers : défendre nos règles pour protéger notre démocratie ; investir et innover pour garantir notre autonomie technologique. (Applaudissements sur les travées des groupes RDPI et INDEP.)

Conclusion du débat

M. le président. Pour conclure le débat, la parole est à M. le président de la commission des affaires européennes.

M. Jean-François Rapin, président de la commission des affaires européennes. Monsieur le ministre, les messages à l’intention du Président de la République, en prévision d’un Conseil européen qui me semble particulièrement crucial, vous ont bien été transmis !

Certes, chaque Conseil est important, mais celui-ci l’est plus particulièrement. Il marque probablement un tournant, car il va être l’occasion de mesurer la capacité de l’Union européenne à être réellement une union.

J’ai entendu ces derniers temps de nombreuses voix divergentes, mais aujourd’hui, nous constatons un recentrage sur des engagements communs. Nous ne vivons pas dans le monde des Bisounours, c’est une certitude, et l’Europe ne doit pas être naïve. Doit-elle avoir peur ? Je ne le pense pas, car la peur est mauvaise conseillère. Doit-elle être forte ? Oui, très forte. Elle doit pour cela consentir des investissements massifs.

Nous faisons face à un ennemi potentiel, qui a doublé son budget de défense en quatre ans. En 2021, la Russie investissait 65 milliards d’euros dans son armée ; en 2024, elle y a consacré 135 milliards d’euros, soit 6,5 % de son PIB, ou 35 % de son budget fédéral. Ce choix stratégique a des effets profonds sur les sujets de la Fédération, qui souffrent et voient leurs ressources tournées vers l’effort de guerre.

Face à cela, l’Union européenne doit faire preuve de fermeté et de force. La France s’est positionnée en leader sur ces questions, et je pense que c’est une bonne chose. C’est en tout cas ce que j’entends dire par nos partenaires européens. Mais nous ne devons pas être un fer de lance sans objectif clair.

C’est pourquoi je compte sur vous, monsieur le ministre, et sur le Président de la République pour porter dans les jours à venir un message d’unité européenne, car plus que jamais, l’union fait la force. (Applaudissements.)

M. le président. Mes chers collègues, nous en avons terminé avec le débat préalable à la réunion du Conseil européen des 20 et 21 mars 2025.

5

Ordre du jour

M. le président. Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée à demain, mardi 18 mars 2025 :

À neuf heures trente :

Questions orales.

À quatorze heures trente et le soir :

Explications de vote des groupes puis scrutin public solennel sur la proposition de loi visant à instaurer une trajectoire de réduction de l’artificialisation concertée avec les élus locaux, présentée par MM. Guislain Cambier, Jean-Baptiste Blanc et plusieurs de leurs collègues (procédure accélérée ; texte de la commission n° 373, 2024-2025) ;

Proposition de loi visant à faciliter le maintien en rétention des personnes condamnées pour des faits d’une particulière gravité et présentant de forts risques de récidive, présentée par Mme Jacqueline Eustache-Brinio (texte de la commission n° 430, 2024-2025) ;

Proposition de loi créant une condition de durée de résidence pour le versement de certaines prestations sociales, présentée par Mme Valérie Boyer (texte de la commission n° 427, 2024-2025).

Personne ne demande la parole ?…

La séance est levée.

(La séance est levée à dix-neuf heures.)

Pour le Directeur des comptes rendus du Sénat,

le Chef de publication

FRANÇOIS WICKER