Mme la présidente. La parole est à M. Yannick Jadot, sur l’article.

M. Yannick Jadot. Nous sommes tous d’accord, au niveau européen, voire mondial, avec l’objectif de neutralité carbone à l’horizon de 2050. Comment nous organisons-nous à cette fin ? Nous connaissons l’objectif, mais nous ne nous sommes pas contentés de le fixer en faisant confiance à chacun pour faire ce qu’il peut et ce qu’il veut. Cela, c’est l’objet des conférences sur le climat à l’échelle internationale, les COP. Force est de constater que se réunir sans objectifs intermédiaires contraignants ne fonctionne pas et ne donne pas suffisamment de résultats.

En Europe et en France, nous avons élaboré la stratégie nationale bas-carbone et fixé des échéances régulières avec des objectifs précis, pour nous assurer que la trajectoire était la bonne.

M. Jean-Marc Boyer, rapporteur. Non, c’est faux !

M. Yannick Jadot. Il y a quelques mois, nous avons discuté ici de la proposition de loi portant programmation nationale et simplification normative dans le secteur économique de l’énergie, de M. Gremillet. Dans ce domaine, il existe des objectifs européens, nous ne nous sommes pas dit que nous pouvions faire confiance aux opérateurs et les laisser faire pour atteindre la neutralité carbone en 2030 et en 2050 !

Au contraire : nous avons fixé des objectifs et établi une programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE) sur deux fois cinq ans, pour nous assurer, en fixant des bornes et des échéances, que nous suivons bien la trajectoire. Cela nous apporte prévisibilité, stabilité et ambition. C’est précisément ce que nous défendons ici.

Comme cela a été souligné, de nombreuses collectivités se sont déjà engagées dans cette voie ; cessons de nier que de nombreux élus, quelle que soit leur couleur politique, se sont mobilisés pour que cela fonctionne.

Par conséquent, si nous devons démarrer en 2024 plutôt qu’en 2021 et nous donner dix ans parce que nous avons pris du retard dans la zone grise 2021-2024, nous pouvons parfaitement l’entendre. Reconnaissons toutefois que si nous fixons uniquement un objectif pour 2050, cela ne fonctionnera pas.

Il ne s’agit pas d’une contractualisation : les contrats contiennent des obligations, alors qu’ici, vous nous proposez du déclaratif. Il nous faut au moins un objectif pour 2034.

Mme la présidente. La parole est à M. Vincent Louault, sur l’article.

M. Vincent Louault. C’est toute la différence : certains veulent planifier, réglementer, sanctionner ; d’autres misent sur la confiance, avec une trajectoire définie à l’horizon de 2050.

En outre, les élus qui ne « zanifient » pas leur Sraddet ont bien raison,…

M. André Reichardt. Absolument !

M. Vincent Louault. … parce que les petits copains des grosses métropoles et des grands équilibres qui nous dépassent font leur tambouille dans les Sraddet et, au final, nos Scot et nos PLUi sont figés. (Marques dapprobations et applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains. – Exclamations sur les travées du groupe GEST.)

Si nous avions un État fort, il lui reviendrait de définir les enveloppes par collectivité. Ensuite, foutez-nous la paix : les maires et les présidents d’intercommunalité feront leur boulot ! (Bravo ! et applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)

M. André Reichardt. Bien sûr que c’est ce que nous devons faire !

Mme la présidente. La parole est à Mme Céline Brulin, sur l’article.

Mme Céline Brulin. Tout en étant favorables à ce texte, comme notre présidente l’a indiqué dans la discussion générale, nous considérons qu’une étape intermédiaire n’est pas un obstacle, bien au contraire.

Premièrement, il nous semble qu’en France, les transitions et les processus posent problème : sans développer plus avant, force est de constater qu’il existe de nombreux domaines dans lesquels on décide de dates couperets pour atteindre un objectif, sans réellement travailler sur le processus qui doit y conduire, sur les transitions indispensables. C’est là une difficulté majeure, dont je ne sais si elle est de nature politique ou culturelle. Nous devons progresser en la matière.

L’objectif intermédiaire ne suffira certes pas à lui seul à incarner et à mettre en ordre ce processus, il en constitue néanmoins un élément.

Le deuxième point, évoqué hier par notre collègue Philippe Grosvalet, dont l’argument me semble très pertinent, est que les élus qui seront à la tête de nos communes en 2044 ne seront vraisemblablement pas les mêmes que ceux qui y sont aujourd’hui.

D’une part, des étapes démocratiques interviendront entre-temps ; d’autre part, plusieurs d’entre eux n’auront peut-être tout simplement pas envie d’effectuer plus de vingt ans de mandat. Garantir à ces élus du futur qu’ils n’hériteront pas d’une situation laissée en friche – sans mauvais jeu de mots – lorsqu’ils prendront les rênes, mais que le travail de transition aura été effectué, revient, à nos yeux, plutôt à leur rendre service qu’à leur imposer un obstacle.

Parmi la série d’amendements proposés, nos faveurs vont plutôt à celui qu’a déposé le groupe RDSE, mais, en tout état de cause, il nous semble indispensable de fixer un objectif intermédiaire. (M. Philippe Grosvalet applaudit.)

Mme la présidente. La parole est à M. André Reichardt, sur l’article.

M. André Reichardt. Une étape intermédiaire n’est bien sûr pas un problème en soi, à condition de s’accorder sur la méthode. Tant qu’il n’y aura pas d’accord à ce sujet, tant que des maires, comme l’a souligné M. Louault, ne se sentiront pas concernés, parce qu’ils considéreront que la décision a été prise au niveau du Sraddet, qu’ils ne sont pas d’accord, mais qu’il ne leur reste plus que les yeux pour pleurer, le dispositif ne fonctionnera pas.

C’est la raison pour laquelle il aurait été beaucoup plus simple, monsieur le ministre, plutôt que de rester au niveau d’un Sraddet et d’une région – on sait combien celles-ci sont hétérogènes ! – de procéder, par exemple, comme nous l’avons fait avec la loi SRU. Comment voulez-vous qu’un petit maire s’y retrouve ? Établissons un contrat entre le préfet et chaque collectivité, en tenant compte de la situation du périmètre concerné : est-il inondable ou non ? quelle a été la consommation foncière jusqu’à présent ?

Dans ma région, la situation de la Meuse n’a rien à voir avec celle du Bas-Rhin, l’Alsace étant comprise dans un tout petit territoire entre Vosges et Forêt-Noire. Nous y pratiquons la sobriété foncière depuis des années ! Je n’ai rien contre les Meusiens, mais ceux-ci disposent de toute la terre qu’ils veulent. (M. Jean-François Husson fait mine de soffusquer.) Nous ne partons pas du même point de départ, cela ne peut pas fonctionner, mais, en France, on veut faire passer tout le monde sous la même toise. Il faut arrêter cela.

Pourquoi ne pas établir un contrat entre un préfet et un maire, comprenant un engagement à un certain niveau de sobriété foncière, dans le cadre de la déclinaison locale des principes nationaux ? Pourquoi n’est-on pas capable de faire cela dans ce pays, bon Dieu ? (Applaudissements sur des travées des groupes Les Républicains et INDEP.)

Si nous nous accordons sur la méthodologie, si tout le monde se sent concerné, alors il n’y aura plus de problème.

Mme la présidente. La parole est à M. Sébastien Fagnen, sur l’article.

M. Sébastien Fagnen. Le Normand que je suis adresse un salut amical à la région Bretagne pour le travail qu’elle a pu accomplir sur son Sraddet. Notre collègue Simon Uzenat l’a rappelé tout à l’heure : cela démontre que les régions peuvent y parvenir… pour peu qu’elles le veuillent.

D’autres l’ont bien fait : en Normandie, alors que notre président de région était plus que dubitatif – c’est peu dire – à l’égard du ZAN, nous y sommes finalement parvenus.

Je reprendrai un élément avancé hier par notre groupe lors de la discussion générale concernant l’insécurité juridique que fait planer la contractualisation évoquée sans enveloppe nationale contenant le nombre d’hectares possiblement ouverts à la consommation des Enaf.

Sur quels critères se détermineront les préfets et les élus ? Légitimement, ces derniers considéreront que les projets qu’ils nourrissent dans leur territoire nécessitent une consommation d’Enaf. Qui pourrait les contredire ?

Pour autant, à défaut d’un cadre et d’une enveloppe nationale, qui était de 125 000 hectares pour la première période décennale, nous ouvrons la voie à des divergences interprétatives entre services de l’État et élus locaux telles que nous créerons in fine de la crispation, de la frustration et des conflits, ce dont personne n’a besoin.

Si nous entendons promouvoir une contractualisation, déterminons une enveloppe nationale, comme c’était le cas pour la première période décennale, en faisant glisser le calendrier – il existe aujourd’hui un consensus en ce sens – afin que chaque élu puisse définir ses projets et, ensuite, en discuter avec les services de l’État. Pour cela, il est indispensable d’établir un cadre national parfaitement clair, qui ferme la voie à des divergences d’interprétation qui seraient malsaines pour tous.

Mme la présidente. L’amendement n° 73, présenté par MM. Dantec, Jadot et G. Blanc, Mme Senée, M. Benarroche, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, M. Mellouli, Mmes Ollivier et Poncet Monge, M. Salmon et Mmes Souyris et M. Vogel, est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

La parole est à M. Ronan Dantec.

M. Ronan Dantec. Je remercie Jean-Baptiste Blanc de nous avoir éclairés, car nous nous demandions où se trouvait la genèse de ce texte.

De manière un peu politicienne, nous considérions qu’il résultait d’une surenchère entre Wauquiez et Retailleau, et que cela aboutissait à quelque chose d’absurde. (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme Dominique Estrosi Sassone, présidente de la commission des affaires économiques. Oh là là !

M. Jean-Marc Boyer, rapporteur. C’est nul, monsieur Dantec !

M. Ronan Dantec. Mais non ! Jean-Baptiste Blanc l’a dit, vous l’avez entendu : tout cela, c’est grâce aux urbanistes, qui ont influencé cette proposition de loi. Je ne sais pas comment ils se sont organisés sur le plan professionnel, mais si tout cela existe, c’est parce que Jean-Baptiste Blanc a entendu les urbanistes lui dire que ce n’était pas faisable.

Nous, nous faisons de la politique avec des corps constitués et des syndicats. Nous savons donc pertinemment que les Jeunes Agriculteurs (JA) sont contre, même si Laurent Duplomb a décidé de les reprendre tous les uns après les autres, ainsi que la Fédération nationale des syndicats d’exploitants agricoles (FNSEA), et que la Fédération nationale des sociétés d’aménagement foncier et d’établissement rural (FNSafer) elle-même tient des propos au vitriol sur ce texte ! (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme Dominique Estrosi Sassone, présidente de la commission des affaires économiques. Arrêtez de provoquer !

M. Ronan Dantec. Nous notons également les amendements soutenus par Intercommunalités de France, Régions de France et France urbaine, visant à rétablir la balise.

Enfin, nous réunissons nous aussi fréquemment les maires, même si la Loire-Atlantique est un département breton en avance sur les autres, et nous savons donc que même les maires de droite ne souhaitent pas revenir en arrière. (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.)

Nous ne comprenons donc toujours pas les raisons pour lesquelles vous nous présentez ce texte, sinon pour continuer comme avant et nous priver d’outils de réaménagement du territoire.

Remettre en cause l’enveloppe nationale, c’est renoncer à la capacité de rééquilibrer le territoire : ce ne sont pas les intercommunalités de Lozère qui rencontrent des difficultés ! Avec la garantie communale, celles-ci disposent déjà de nombreux hectares, pour lesquels elles n’ont pas de projet !

M. Jean-Marc Boyer, rapporteur. Comment ça, elles n’ont pas de projet ?

M. Ronan Dantec. Elles ne feront pas disparaître de poulaillers, puisqu’elles n’ont pas besoin de ces surfaces.

En revanche, cela va profiter aux territoires dynamiques, la Bretagne, les métropoles, la région parisienne, etc. Vous défendez une proposition de loi pour ceux qui se portent bien, tout en affirmant constamment qu’elle est destinée aux petits territoires ruraux.

Ce texte est une escroquerie !

M. Jean-François Husson. C’était ça, l’amendement ?

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Amel Gacquerre, rapporteure. Après ce que j’ai entendu, il me semble que la discussion est très consensuelle (M. Laurent Duplomb sexclame.) : nous sommes d’accord sur l’objectif de zéro artificialisation nette, sur le fait que nous souffrons d’un problème de méthode et sur la nécessité de poser des jalons.

Dans la proposition initiale, il avait été proposé de retirer le jalon de 2031 ; or nous réintroduisons un jalon à 2034, une date qui fait consensus, parce que, durant la période 2021-2024, nos élus ne disposaient pas des outils pour mettre en œuvre le ZAN.

Nous sommes donc d’accord sur l’objectif à 2050, sur le jalon à réintroduire et même sur le deuxième jalon prévu à la proposition de loi initiale pour permettre de fixer une trajectoire. Par conséquent, je ne vois pas où se situe le problème.

La seule grande différence, comme André Reichardt l’a exposé très clairement, réside dans la volonté de confier le pouvoir aux élus, de leur redonner la main.

En réalité, la question fondamentale est la suivante : voulons-nous faire confiance aux élus ou non ?

Mme Amel Gacquerre, rapporteure. Allons-nous passer des paroles aux actes en la matière ? C’est bien cela que nous proposons par ce texte : cela signifie que ce sont les régions qui, en fonction de leur dynamique territoriale, dans le cadre de la conférence régionale de gouvernance de la politique de sobriété foncière, vont déterminer les deux objectifs pour toute cette période. C’est aussi simple que cela, et je ne distingue pas de point de divergence entre nous à ce sujet.

Les seuls arguments que j’ai entendus sont des arguments politiciens qui, à mon sens, n’ont pas leur place ici, car nous défendons le pragmatisme.

Mme Amel Gacquerre, rapporteure. Écoutons donc les élus, allons vers 2050 et la sobriété foncière.

Je vous remercie de tous les éléments que vous avez apportés et qui nous indiquent que nous sommes sur la bonne voie.

C’est pourquoi nous sommes évidemment défavorables à cet amendement. (Applaudissements sur les travées du groupe UC. – M. Vincent Louault applaudit également. – M. Ronan Dantec proteste.)

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. François Rebsamen, ministre. Monsieur le sénateur, le Gouvernement a déposé un amendement de compromis que je vous suggère de voter, le moment venu.

Je vous propose donc de retirer le vôtre ; à défaut, j’y serai défavorable.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Baptiste Blanc, pour explication de vote.

M. Jean-Baptiste Blanc. Je souhaite faire valoir rapidement quelques arguments.

Premièrement, on nous parle ici du bonheur breton, mais ce n’est pas ce que l’on ressent quand on se rend dans la région. Il y a donc deux approches absolument divergentes : on affirme ici que la région a fait le travail et qu’il n’est pas nécessaire d’y revenir, mais ce n’est pas ce que nous disent les maires ruraux sur place.

Deuxièmement, je souhaite alerter le Sénat sur un point : l’Île-de-France n’a pas de jalon intermédiaire à 50 %, elle dispose seulement d’un schéma directeur de la région Île-de-France (Sdrif) contraignant. Pourtant, elle est au rendez-vous de l’histoire de la sobriété foncière. Méditons cet exemple : pourquoi les autres régions n’auraient-elles pas droit au même régime ? (M. Ronan Dantec sexclame.)

Troisièmement, je soutiens les propos de notre collègue André Reichardt : il faut des jalons intermédiaires, comme Mme la rapporteure le suggère, et un contrat à venir, point que Guislain Cambier pourrait développer mieux que moi.

Ce contrat contiendra des clauses d’ordre public, qui concernent la sécurité publique ou les zones inondables.

M. André Reichardt. Absolument !

M. Jean-Baptiste Blanc. Il s’agit bien de rassurer, car j’ai perçu un peu de malhonnêteté intellectuelle sur le sujet. De telles clauses ne posent pas de problème.

Ce contrat contiendra également des clauses de rendez-vous, autant que nécessaire, pour évaluer la trajectoire.

Enfin, un contrat peut même prévoir des sanctions.

Nous allons donc l’écrire ensemble afin que chacun soit rassuré sur la trajectoire que nous construirons, laquelle pourra émaner de la base, du terrain, des élus.

Mme la présidente. La parole est à M. Yannick Jadot, pour explication de vote.

M. Yannick Jadot. Il serait erroné de croire que nous sommes parvenus à un consensus sur l’ensemble des points et que seuls subsistent ici ou là quelques arguments politiciens.

Le jalon que vous proposez, madame la rapporteure, n’est pas prescriptif, il ne correspond pas à l’esprit des lois telles que nous les élaborons dans notre pays.

Mme Amel Gacquerre, rapporteure. Nous croyons en la confiance !

M. Jean-Marc Boyer, rapporteur. La confiance dans les élus !

M. Yannick Jadot. Hier, je prenais l’exemple du budget. Notre collègue Somon m’a rétorqué que l’on ne pouvait pas comparer. Pourquoi donc ne le pourrait-on pas ?

Il s’agit simplement d’être sérieux : vous n’envisagez pas d’accorder à l’État et aux ministères une autonomie sur le budget, en dépit de leur bonne volonté, car vous estimez que l’enjeu pour notre pays est tel qu’il est nécessaire d’établir des dispositions prescriptives, de fixer des objectifs, des échéances, et de prévoir des contrôles.

C’est également ainsi que les choses fonctionnent lorsque l’on souhaite aborder un enjeu aussi crucial que le dérèglement climatique, l’effondrement de la biodiversité et l’organisation de nos territoires, de manière que ceux-ci vivent mieux. Voilà le cœur du sujet.

Il est donc illusoire de se contenter de fixer l’échéance à 2050 et de s’en remettre à la bonne volonté et à la confiance. La question n’est pas un manque de confiance ; nous avons besoin d’outils communs, et pas seulement d’outils déconcentrés ou décentralisés, lesquels, en l’absence de mutualisation et d’objectifs contraignants, mèneront inéluctablement au dépassement de l’enveloppe allouée, nous le savons bien.

Nous serons alors contraints de courir après et nous aurons perdu des dizaines de milliers d’hectares, pourtant essentiels au regard des enjeux sur lesquels porte ce texte.

Mme la présidente. La parole est à M. Vincent Louault, pour explication de vote.

M. Vincent Louault. Monsieur Dantec, je connais bien les Safer, elles ont des conseils d’administration constitués d’agriculteurs. Quand ceux-ci sont jeunes, il faut protéger le foncier, mais quand ils sont vieux, il faut le rendre constructible, pour qu’ils touchent le pactole. C’est un agriculteur qui vous le dit : nous connaissons la musique et la mauvaise foi des agriculteurs ! (MM. Yannick Jadot et Ronan Dantec sexclament.)

Quant aux Safer, elles bénéficient d’une délégation de service public pour laquelle elles perçoivent les frais de mutation théoriquement dédiés au département et aux communes. Elles feront donc ce que le législateur décidera. Qu’elles restent où elles sont pour s’occuper de ce qu’elles ont à gérer pour le compte de l’État. C’est ici que l’on écrit la loi, et ce n’est pas à elles de nous dicter ce que nous devons faire !

M. Ronan Dantec. Ni aux urbanistes !

Mme la présidente. La parole est à M. Grégory Blanc, pour explication de vote.

M. Grégory Blanc. J’ai entendu les propos de Jean-Baptiste Blanc à l’instant, et je suis sincèrement convaincu de son ambition de créer des outils assortis de sanctions pour ceux qui ne respecteraient pas le cadre fixé.

Le problème, c’est que ces outils n’existent pas et que, depuis hier, notre débat porte précisément sur les difficultés rencontrées par un certain nombre d’élus locaux face à la nécessité de changer de modèle sans disposer des outils nécessaires.

Or que nous propose-t-on ? L’effacement des objectifs qui étaient fixés initialement !

Je le dis en toute sincérité : quelle urgence y avait-il à déposer ce texte plutôt que de nous accorder un peu plus de temps pour travailler conjointement sur les objectifs et sur les outils ? Quelle urgence y avait-il à déposer ce texte avant d’avoir le retour ferme et définitif de la mission d’information sur laquelle nous travaillons pour faire le point sur les problématiques de financement ?

Mme Dominique Estrosi Sassone, présidente de la commission des affaires économiques. Et le groupe de suivi ? On y travaille depuis quatre ans !

M. Jean-Marc Boyer, rapporteur. Oui, nous discutons et nous travaillons depuis quatre ans ! De quelle urgence parlez-vous donc ?

Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Grosvalet, pour explication de vote.

M. Philippe Grosvalet. J’ai évoqué précédemment l’idée d’un chemin. Je tenais à remercier les deux acteurs principaux qui ont conduit les travaux du groupe de travail auquel nous avons été nombreux à participer, parce qu’ils avaient ouvert la voie et tracé ce chemin.

Le compte n’y est peut-être pas encore tout à fait, à ce stade de la discussion, et les positions radicales consistant à jeter le bébé avec l’eau du bain, dans un sens ou dans l’autre, ne nous permettront pas de trouver la voie, qui est étroite. Elle existe pourtant, et elle continuera de vivre après nos travaux, à l’Assemblée nationale et au-delà.

J’y insiste : nous devons persister dans cette voie, c’est une nécessité impérieuse, et je voudrais remercier notre collègue Céline Brulin d’avoir encouragé le groupe RDSE dans cet effort.

Notre vénérable assemblée, qui revendique la sagesse, pourrait s’inspirer, pour une fois, de son plus petit groupe, qui est aussi le plus ancien, dont je m’efforce ici de porter la voix avec discernement. Je le ferai tout à l’heure en défendant un amendement qui devrait recueillir une majorité, si nous sommes attachés à cette voie de la sagesse.

Mme Dominique Estrosi Sassone, présidente de la commission des affaires économiques. C’est habile ! (Sourires.)

Mme la présidente. La parole est à M. Daniel Chasseing, pour explication de vote.

M. Daniel Chasseing. Je soutiens pleinement les propos de Jean-Baptiste Blanc.

M. Jean-François Husson. Tout le monde les soutient !

M. Daniel Chasseing. On indique que ce texte ne contiendrait pas de contrainte. Pourtant, si cet article abroge l’objectif intermédiaire, les collectivités pourront elles-mêmes fixer la trajectoire pour parvenir à zéro artificialisation nette en 2050. Il convient de faire confiance aux élus et aux conseils municipaux, qui sont responsables.

Ceux-ci s’engageront, mais ils seront également soumis à des contrôles lors des conférences régionales, où le préfet et la région vérifieront si la trajectoire empruntée par les élus et le département va dans le sens d’une possible atteinte du ZAN en 2050.

L’État pourra donc revenir vers les communautés de communes ou les territoires qui ne se seront pas engagés dans cette direction. Cela me paraît tout à fait pertinent, car les élus souhaitent désormais inverser les choses : qu’on leur fasse confiance pour atteindre cet objectif en 2050.

Mme la présidente. La parole est à M. Ronan Dantec, pour explication de vote.

M. Ronan Dantec. Il faut donc faire confiance aux élus, mais lesquels ?

Dans un grand pays démocratique et moderne, l’État fixe des objectifs. Il considère qu’il faut lutter contre le changement climatique, et derrière le ZAN, on retrouve les enjeux majeurs d’adaptation au changement climatique et de lutte contre les inondations ; il estime qu’il faut préserver notre souveraineté alimentaire, un sujet dont on parle bien plus dans d’autres textes portés par le Sénat que dans celui-ci.

Ensuite, l’État revient vers les collectivités qui détiennent les compétences pertinentes pour que celles-ci déterminent, sur leur territoire, comment décliner l’objectif. C’est cela que prévoit la loi en matière de ZAN. Il ne s’agit pas d’une disposition contre les élus (M. Olivier Rietmann fait une moue dubitative.) ; elle permet de définir les objectifs nationaux et invite les collectivités à trouver la solution.

Dans ce cadre, l’élu clé est effectivement le conseiller régional, puisque nous avons confié la planification aux régions.

Or vous fragilisez ici la région, qui plus est au bénéfice du président d’intercommunalité : c’est lui qui sera au cœur de cette contractualisation à venir et qui fera remonter ses propres besoins et ses propres visions. C’est assez étonnant. Est-ce vraiment cela que vous souhaitez ?

Depuis que vous avez supprimé la balise, pour faire suite au propos de Philippe Grosvalet, vous avez envoyé cette proposition de loi Trace dans les récifs, et vous ne parvenez pas à en sortir. Vous savez d’ailleurs pertinemment que l’Assemblée nationale, comme le ministre l’a déjà indiqué, va rétablir cet objectif intermédiaire.

Dès lors, comme vient de le dire Grégory Blanc, nous avons perdu la capacité de travailler nous-mêmes sur ses modalités de mise en œuvre et de les définir. En choisissant, de manière totalement dogmatique, de supprimer l’objectif à dix ans, nous nous sommes privés de la possibilité de proposer des solutions pour sa mise en œuvre.

Mme la présidente. La parole est à M. Simon Uzenat, pour explication de vote.

M. Simon Uzenat. On ne va évidemment pas passer tout notre temps à débattre de la Bretagne, mais, même si je respecte bien sûr ceux de nos collègues qui pensent parfaitement connaître cette région, je n’aurais, bien que j’y sois élu, pas cette prétention… En effet, vous trouverez toujours, parmi les 1 260 maires bretons, certains élus qui ne seront pas d’accord.

Ce qui est sûr, c’est qu’il existe une majorité très nette. Il faut le rappeler ici, la conférence régionale de gouvernance de la politique de sobriété foncière, qui a été mise en place en Bretagne, est composée à 85 % de représentants d’élus du bloc communal,…

Mme Amel Gacquerre, rapporteure. Ce n’est pas le cas partout !

M. Simon Uzenat. … une proportion qui va d’ailleurs bien au-delà de la proposition que vous faites dans le cadre de ce texte.

J’ajoute que, dans ma région, cette composition a été approuvée par plus de 80 % des représentants des communes et des EPCI compétents en matière de PLU et de PLUi. La démarche est donc très claire.

Ces élus nous disent certes qu’il faut maintenir l’objectif du ZAN à l’horizon de 2050, mais que, pour l’atteindre, il faudrait créer des étapes intermédiaires.

M. Simon Uzenat. Ce n’est pas nous qui le disons, mais les élus locaux qui sont sur le terrain !

Par ailleurs, vous dites faire confiance aux élus. Sur le fond, nous sommes tout à fait d’accord, mais, quand un ancien président de région s’autorise à dire, devant le pays, qu’il n’appliquera pas la loi, vous comprenez bien que l’on peut légitimement douter de l’engagement républicain de certains élus. (Protestations sur des travées du groupe Les Républicains.)