C. – En cas de doutes justifiés sur le respect des paragraphes 1 et 2 de l’article 10 de la directive (UE) 2020/1828 du Parlement européen et du Conseil du 25 novembre 2020 précitée, le juge peut enjoindre au demandeur qui exerce une action représentative entrant dans le champ de la même directive et visant à obtenir des mesures de réparation de produire un aperçu financier énumérant les sources des fonds utilisés pour soutenir l’action.
D. – Lorsque les manquements reprochés portent sur le respect des règles définies au titre II du livre IV du code de commerce ou des articles 101 et 102 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, la responsabilité du professionnel ne peut être prononcée dans le cadre d’une action de groupe que sur le fondement d’une décision prononcée à l’encontre du professionnel par les autorités ou les juridictions nationales ou de l’Union européenne compétentes, qui constate les manquements et qui n’est plus susceptible de recours pour la partie relative à l’établissement des manquements.
L’action de groupe ne peut être engagée plus de cinq ans après la date à laquelle la décision mentionnée au premier alinéa du présent D n’est plus susceptible de recours.
IX (nouveau). – A. – L’action de groupe, qu’elle tende à la cessation du manquement ou à la réparation des préjudices, suspend la prescription des actions individuelles en réparation des préjudices résultant des manquements constatés par le juge ou des faits retenus dans l’accord homologué.
Le délai de prescription recommence à courir, pour une durée qui ne peut être inférieure à six mois, à compter de la date à laquelle le jugement n’est plus susceptible de recours ordinaire ou de pourvoi en cassation ou à compter de la date de l’homologation de l’accord.
B. – Le jugement sur la responsabilité et le jugement d’homologation de l’accord ont autorité de la chose jugée à l’égard de chacun des membres du groupe dont le préjudice a été réparé au terme de la procédure.
C. – L’adhésion au groupe ne fait pas obstacle au droit d’agir selon les voies de droit commun pour obtenir la réparation des préjudices ne relevant pas du champ défini par un jugement sur la responsabilité qui n’est plus susceptible de recours ordinaire ou de pourvoi en cassation ou du champ d’un accord homologué.
D. – N’est pas recevable l’action de groupe qui se fonde sur le même fait générateur, le même manquement et la réparation des mêmes préjudices que ceux reconnus par le jugement sur la responsabilité ou par un accord homologué.
E. – Lorsque le juge a été saisi d’une action de groupe et que le demandeur à l’action est défaillant, toute personne ayant qualité pour agir à titre principal peut demander au juge sa substitution dans les droits du demandeur.
F. – Est réputée non écrite toute clause ayant pour objet ou pour effet d’interdire à une personne de participer à une action de groupe.
G. – Le demandeur à l’action peut agir directement contre l’assureur garantissant la responsabilité civile du responsable en application de l’article L. 124-3 du code des assurances.
X (nouveau). – A. – Pour l’application du présent X, on entend par action de groupe transfrontière une action de groupe intentée devant une juridiction ou une autorité compétente d’un État membre de l’Union européenne autre que celui dans lequel le demandeur est habilité à exercer ce type d’action.
B. – Dans des conditions et des délais définis par décret en Conseil d’État, l’autorité compétente délivre un agrément permettant d’exercer des actions représentatives transfrontières, au sens du A du présent X, aux organismes qui :
1° Peuvent démontrer un an d’activité publique réelle en matière de protection des intérêts des consommateurs ;
2° Ont un objet statutaire qui démontre qu’ils ont un intérêt légitime à protéger les intérêts des consommateurs ;
3° Poursuivent un but non lucratif ;
4° Ne font pas l’objet d’une procédure d’insolvabilité et ne sont pas déclarés insolvables ;
5° Sont indépendants et ne sont pas influencés par des personnes autres que des consommateurs, en particulier par des professionnels, ayant un intérêt économique dans l’introduction d’une action représentative, y compris en cas de financement par des tiers, et, à cette fin, ont mis en place des procédures pour prévenir une telle influence ainsi que les conflits d’intérêts entre eux-mêmes, leurs bailleurs de fonds et les intérêts des consommateurs ;
6° Mettent à la disposition du public, en des termes clairs et compréhensibles, par tout moyen approprié, en particulier sur leur site internet, des informations démontrant qu’ils répondent aux critères énumérés aux 1° à 5° du présent B et des informations sur les sources de leur financement en général, leur structure organisationnelle, de gestion et d’affiliation, leur objet statutaire et leurs activités.
L’autorité compétente assure la publication et la mise à la disposition du public de la liste des personnes morales qu’elle a agréées à l’avance aux fins d’intenter des actions représentatives transfrontières définies au A du présent X.
C. – Lorsque la qualité pour agir de l’organisme ayant intenté une action de groupe transfrontière fait l’objet d’une contestation sérieuse par le défendeur, la juridiction saisie peut demander à l’autorité compétente mentionnée au B du présent X de vérifier le respect, par le demandeur, des conditions d’agrément définies au même B. La juridiction sursoit à statuer jusqu’à la notification de l’autorité compétente.
L’autorité compétente informe sans délai les autorités de l’État membre de l’Union européenne dans lequel cet organisme a été désigné de la demande de la juridiction afin qu’elles procèdent aux vérifications nécessaires.
L’autorité compétente transmet à la juridiction, dès réception, la demande fournie par l’autre État membre de l’Union européenne.
D. – À la demande de la Commission européenne ou d’un État membre de l’Union européenne, l’autorité compétente mentionnée au B du présent X vérifie si l’un des organismes mentionnés au même B continue de respecter les critères auxquels est subordonnée l’attribution de son agrément et, en cas de non-respect, lui retire son agrément.
Cette autorité informe de sa position l’autorité à l’origine de la demande selon les conditions et les délais prévus par décret en Conseil d’État.
XI (nouveau). – Le sous-titre II du titre III du livre III du code civil est complété par un chapitre V ainsi rédigé :
« CHAPITRE V » Sanction civile en cas de faute dolosive ayant causé des dommages sériels
« Art. 1254. – Lorsqu’une personne est reconnue responsable d’un manquement aux obligations légales ou contractuelles afférentes à son activité professionnelle, le juge peut, à la demande du ministère public, devant les juridictions de l’ordre judiciaire, ou du Gouvernement, devant les juridictions de l’ordre administratif, et par une décision spécialement motivée, la condamner au paiement d’une sanction civile, dont le produit est affecté au Trésor public.
« La condamnation au paiement de la sanction civile ne peut intervenir que si les conditions suivantes sont remplies : » 1° L’auteur du dommage a délibérément commis une faute en vue d’obtenir un gain ou une économie indu ; » 2° Le manquement constaté a causé un ou plusieurs dommages à plusieurs personnes physiques ou morales placées dans une situation similaire. » Le montant de la sanction est proportionné à la gravité de la faute commise et au profit que l’auteur de la faute en a retiré. Si celui-ci est une personne physique, ce montant ne peut être supérieur au double du profit réalisé. Si l’auteur est une personne morale, ce montant ne peut être supérieur à 3 % du chiffre d’affaires moyen annuel, hors taxes, calculé sur les trois derniers exercices clos antérieurs à celui au cours duquel la faute a été commise.
« Lorsqu’une sanction civile est susceptible d’être cumulée avec une amende administrative ou pénale infligée en raison des mêmes faits à l’auteur du manquement, le montant global des amendes prononcées ne dépasse pas le maximum légal le plus élevé.
« Le risque d’une condamnation à la sanction civile n’est pas assurable. »
XII (nouveau). – Le code de la consommation est ainsi modifié :
1° Au troisième alinéa de l’article L. 132-1 A et au deuxième alinéa des articles L. 241-1-1, L. 241-5 et L. 242-18-1, les mots : « , L. 622-1 et L. 623-1 » sont remplacés par les mots : « et L. 622-1 du présent code et des III à XI de l’article 14 de la loi n° du portant diverses dispositions d’adaptation au droit de l’Union européenne en matière économique, financière, environnementale, énergétique, de transport, de santé et de circulation des personnes » ;
2° L’article L. 621-7 est ainsi rédigé :
« Art. L. 621-7. – Les associations mentionnées à l’article L. 621-1 et les organismes mentionnés au B du III de l’article 14 de la loi n° du portant diverses dispositions d’adaptation au droit de l’Union européenne en matière économique, financière, environnementale, énergétique, de transport, de santé et de circulation des personnes peuvent agir devant la juridiction civile pour faire cesser ou interdire tout agissement illicite portant directement ou indirectement atteinte à l’intérêt collectif des consommateurs.
« Sauf dispositions contraires figurant au présent titre, cette action est exercée selon les modalités fixées aux III à XI du même article 14. » ;
3° À l’article L. 621-9, les mots : « à raison de faits non constitutifs d’une infraction pénale » sont supprimés et, après la référence : « L. 621-1 », sont insérés les mots : « et les organismes mentionnés au B du III de l’article 14 de la loi n° du portant diverses dispositions d’adaptation au droit de l’Union européenne en matière économique, financière, environnementale, énergétique, de transport, de santé et de circulation des personnes » ;
4° et 5° (Supprimés)
XIII (nouveau). – L’article L. 77-10-1 du code de justice administrative est ainsi rédigé :
« Art. L. 77-10-1. – L’action de groupe est régie par les III à IX de l’article 14 de la loi n° du portant diverses dispositions d’adaptation au droit de l’Union européenne en matière économique, financière, environnementale, énergétique, de transport, de santé et de circulation des personnes.
« Toutefois, ne sont pas applicables le 3 du B du III, le troisième alinéa du IV et le 1 du C du V du même article 14. »
XIV (nouveau). – La sous-section 2 de la section 1 du chapitre Ier du titre Ier du livre II du code de l’organisation judiciaire est complétée par un article L. 211-22 ainsi rédigé :
« Art. L. 211-22. – La compétence en matière d’action de groupe est déterminée au VII de l’article 14 de la loi n° du portant diverses dispositions d’adaptation au droit de l’Union européenne en matière économique, financière, environnementale, énergétique, de transport, de santé et de circulation des personnes. »
XV (nouveau). – L’article L. 211-15 du code de l’organisation judiciaire est ainsi rétabli :
« Art. L. 211-15. – Des tribunaux judiciaires spécialement désignés connaissent des actions de groupe engagées en toutes matières sur le fondement de l’article 14 de la loi n° du portant diverses dispositions d’adaptation au droit de l’Union européenne en matière économique, financière, environnementale, énergétique, de transport, de santé et de circulation des personnes. »
XV bis (nouveau). – Dans les collectivités relevant de l’article 73 de la Constitution, dans les collectivités de Saint-Barthélemy, de Saint-Martin et de Saint-Pierre-et-Miquelon et dans les îles Wallis et Futuna, les associations de consommateurs représentatives au niveau local peuvent également agir dans les mêmes conditions que les associations mentionnées au 1 du B du III du présent article.
Les III à IX sont applicables dans les îles Wallis et Futuna. Pour l’application du présent article, les références à la directive (UE) 2020/1828 du Parlement européen et du Conseil du 25 novembre 2020 relative aux actions représentatives visant à protéger les intérêts collectifs des consommateurs et abrogeant la directive 2009/22/CE sont remplacées par des références aux règles applicables en métropole ayant le même objet.
XV ter (nouveau). – À la première phrase de l’article 38 de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés, les mots : « ou une organisation mentionnée au IV de l’article 37 » sont remplacés par les mots : « régulièrement déclarée depuis cinq ans au moins ayant dans son objet statutaire la protection de la vie privée ou la protection des données à caractère personnel, une association de défense des consommateurs représentatives au niveau national et agréées en application de l’article L. 811-1 du code de la consommation, lorsque le traitement de données à caractère personnel affecte des consommateurs, une organisation syndicale de salariés ou de fonctionnaires représentative, au sens des articles L. 2122-1, L. 2122-5 ou L. 2122-9 du code du travail ou de l’article L. 222-2 du code général de la fonction publique, ou les syndicats représentatifs de magistrats de l’ordre judiciaire, lorsque le traitement affecte les intérêts des personnes que les statuts de cette organisation la chargent de défendre.
XVI (nouveau). – Dans un délai de quatre ans à compter de la promulgation de la présente loi, le Gouvernement remet au Parlement un rapport d’évaluation de la réforme du régime juridique des actions de groupe préconisant éventuellement des mesures complémentaires ou correctives.
XVII (nouveau). – A. – Sont abrogés :
1° Le chapitre III du titre II du livre VI du code de la consommation ;
1° bis Le chapitre II du titre V du même livre VI ;
2° L’article L. 142-3-1 du code de l’environnement ;
3° Les articles L. 77-10-2 à L. 77-10-25 du code de justice administrative ;
4° Le chapitre XI du titre VII du livre VII du même code ;
5° L’article L. 211-9-2 du code de l’organisation judiciaire ;
6° Les articles L. 1143-1 à L. 1143-13 du code de la santé publique ;
7° La section 2 du chapitre IV du titre III du livre Ier de la première partie du code du travail ;
8° Les articles 37 et 127 et le I de l’article 128 de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés ;
9° L’article 10 de la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d’adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations ;
10° Le chapitre Ier du titre V de la loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXIe siècle.
A bis. – Le code de l’organisation judiciaire est ainsi modifié :
1° L’article L. 532-2 est ainsi modifié :
a) Au premier alinéa, la référence : « L. 211-9-2, » est supprimée ;
b) Après le même premier alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« L’article L. 211-15 est applicable à Wallis-et-Futuna dans sa rédaction résultant de la loi n° du portant diverses dispositions d’adaptation au droit de l’Union européenne en matière économique, financière, environnementale, énergétique, de transport, de santé et de circulation des personnes. » ;
2° À l’article L. 552-2, la référence : « L. 211-9-2, » est supprimée ;
3° Au premier alinéa de l’article L. 562-2, la référence : « L. 211-9-2, » est supprimée.
B. – Les dispositions mentionnées au A du présent XVII demeurent applicables aux actions introduites avant la publication de la présente loi.
C. – Le présent article est applicable aux seules actions intentées après la publication de la présente loi.
La parole est à M. Christophe Chaillou.
M. Christophe Chaillou. Conformément à la position que nous avons exprimée lors de l’examen de la proposition de loi Vichnievsky-Gosselin au Sénat, en janvier 2024, et comme je l’ai indiqué en commission des lois, nous souhaitons vivement que soit rétablie la rédaction de l’article 14 votée par l’Assemblée nationale.
Dans la version adoptée par nos collègues députés, cet article reprenait précisément les termes de ladite proposition de loi, relative au régime juridique des actions de groupe, en créant un régime unique assorti d’exceptions limitées.
En effet, nous défendons : l’extension de la qualité pour agir dans une action de groupe aux associations régulièrement déclarées depuis au moins deux ans et aux associations ad hoc ; l’élargissement du champ matériel de l’action de groupe ; la suppression de la mise en demeure préalable obligatoire ; la possibilité pour le juge de prononcer l’irrecevabilité d’une action de groupe lorsque le demandeur se trouve en situation de conflit d’intérêt ou de rejeter de manière anticipée une action de groupe manifestement infondée ; la création d’une sanction civile en cas de comportement dolosif, à hauteur de 3 % du chiffre d’affaires, car la peine doit être suffisamment dissuasive pour lutter contre de telles fautes ; ainsi que l’extension de l’obligation d’information et de publicité des associations habilitées à intenter une action de groupe.
Nous proposons également de rendre applicable la nouvelle procédure de l’action de groupe, quelle que soit la date du fait générateur de responsabilité, afin de garantir aux consommateurs l’application immédiate de la procédure aux faits antérieurs à la publication du présent texte. Les consommateurs bénéficieront ainsi de la pleine efficacité de l’action de groupe rénovée.
Toutes ces mesures représentent, à nos yeux, des progrès significatifs.
Les élus du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain font pleinement leur la volonté de contribuer à l’efficacité et à l’effectivité de ce dispositif.
M. le président. Quel est l’avis de la commission des lois ?
M. Christophe-André Frassa, rapporteur pour avis. Mon cher collègue, je ne saurais résumer en deux minutes les heures de débats que nous avons consacrées à ces sujets, lesquels font aujourd’hui l’objet d’un article de quinze pages…
Vous proposez d’y substituer un simple copier-coller, en reprenant l’article dans sa rédaction issue des débats de l’Assemblée nationale. Pour sa part, la commission des lois ne s’est pas contentée de reprendre les dispositions issues des débats de janvier et février 2024. Elle a tenu compte des changements apportés par nos collègues députés, tout en veillant au respect de ses quatre lignes rouges, par définition intangibles.
Je ne reprendrai pas non plus les débats qui ont eu lieu en commission des lois. Sur ce sujet, vous connaissez ma position en tant que rapporteur, celle de la commission et celle du Sénat tout entier, exprimée en février 2024.
Depuis lors, les difficultés juridiques restent les mêmes. Elles compromettent l’efficacité procédurale de l’action de groupe et la sécurité juridique du dispositif que nous nous apprêtons à adopter, ce au détriment des parties, qu’il s’agisse des demandeurs ou des défenseurs.
C’est particulièrement frappant au sujet de la sanction civile. Je n’y reviendrai pas : je me suis suffisamment étendu sur ce sujet en 2024, puis, la semaine dernière, lors de nos discussions en commission.
Je l’ai évoqué en 2024, en commission comme en séance, puis de nouveau cette année en commission : lors des débats du projet de loi Hamon, on avait évoqué la possibilité de créer un fonds dédié aux actions de groupe.
J’aurais aimé que les auteurs de la proposition de loi relative au régime juridique des actions de groupe saisissent l’occasion de créer un tel fonds au lieu de s’engouffrer dans une sanction civile qui, finalement, ne bénéficie qu’au Trésor public.
Je ne m’étendrai pas non plus sur l’attestation sur l’honneur. Tout le monde s’accorde à le dire, y compris les représentants des associations, quand on les interroge sur ce point : cette attestation créera immanquablement un contentieux pénal à l’intérieur d’un contentieux civil.
Vous êtes vous-même conscient de la fragilité juridique du dispositif que vous avez repris mot pour mot dans votre amendement. Vous n’avez, hélas ! pas fait preuve de plus d’imagination que nos collègues députés…
Pour l’ensemble de ces raisons, la commission émet un avis très défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Marc Ferracci, ministre. M. le rapporteur pour avis s’est montré parfaitement clair. Nous souhaitons nous aussi nous en tenir à la version issue des travaux du Sénat.
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 65.
(L’amendement n’est pas adopté.)
M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 52, présenté par M. Fernique, Mme M. Vogel, MM. Benarroche, G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mmes Ollivier et Poncet Monge, M. Salmon et Mmes Senée et Souyris, est ainsi libellé :
I. – Alinéas 4 et 5
Supprimer ces alinéas.
II. – Alinéa 31
Remplacer le mot :
met
par les mots :
peut mettre
III. – Alinéa 32
Supprimer cet alinéa.
IV. – Après l’alinéa 87
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
Lorsque les manquements reprochés portent sur des préjudices résultant d’un dommage à l’environnement, le juge peut statuer, lors du jugement sur la responsabilité en application de l’article 1er quinquies, sur la réparation du préjudice écologique dans les conditions fixées au chapitre III du sous-titre II du titre III du livre III du code civil.
V. – Alinéa 146
Rédiger ainsi cet alinéa :
Le présent article est applicable aux seules actions intentées après l’entrée en vigueur de la présente loi.
La parole est à M. Jacques Fernique.
M. Jacques Fernique. La philosophie de cet amendement est la même que celle qu’a défendue mon groupe, par la voix de ma collègue Mélanie Vogel, lors de l’examen de la proposition de loi Vichnievsky-Gosselin, adoptée au Sénat le 6 février 2024 avec notre soutien. Nous proposons donc de modifier en ce sens l’article 14, issu de la proposition de loi de notre collègue Frassa.
Tout d’abord, nous nous opposons aux restrictions de la qualité pour agir dans le cadre des actions de groupe en matière de santé et de droit du travail. L’élargissement du champ des actions de groupe est souhaitable et nécessaire pour renforcer les droits des justiciables et protéger les personnes lésées dans l’ensemble des domaines, y compris dans celui de la santé, où de nombreuses affaires sanitaires ont révélé des dommages d’ampleur causés à très grande échelle, comme dans le cas du Mediator ou celui des prothèses mammaires PIP.
Ensuite, nous sommes défavorables à la réintroduction d’une obligation de mise en demeure préalable avant tout déclenchement d’une action de groupe, qui est d’ailleurs considérée par le Syndicat des avocats de France (SAF)comme une procédure inopérante en matière de discrimination.
Par ailleurs, cet amendement vise à améliorer la coordination entre la réparation des préjudices causés par des dommages à l’environnement et la réparation du dommage écologique lui-même.
Enfin, il vise à garantir aux consommateurs l’application immédiate de la procédure de l’action de groupe à des faits antérieurs à la publication de la présente loi, afin qu’ils bénéficient de la pleine efficacité de l’action de groupe rénovée par rapport à la procédure actuelle.
M. le président. L’amendement n° 120, présenté par Mme Linkenheld, MM. Bourgi et Chaillou, Mme de La Gontrie, M. Durain, Mme Harribey, M. Kerrouche, Mme Narassiguin, M. Roiron et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Alinéa 146
Rédiger ainsi cet alinéa :
Le présent article est applicable aux seules actions intentées après la publication de la présente loi.
La parole est à M. Christophe Chaillou.
M. Christophe Chaillou. Il est défendu, monsieur le président.
M. le président. Quel est l’avis de la commission des lois ?
M. Christophe-André Frassa, rapporteur pour avis. Contrairement à M. Chaillou et ses collègues, qui souhaitaient, au travers de l’amendement n° 65, réécrire l’intégralité de l’article, vous procédez, monsieur Fernique, par petites touches, en quelque sorte de façon…
M. Yannick Jadot. Subtile !
M. Christophe-André Frassa, rapporteur pour avis. … impressionniste !
Toutefois, les modifications proposées réintroduiraient dans le régime de l’action de groupe les difficultés juridiques que nous avons déjà évoquées, et dans le détail desquelles je n’entrerai pas.
Je tiens à préciser que la commission souhaite non pas restreindre le champ d’application de l’action de groupe, comme je l’entends dire régulièrement, mais assurer sa stabilité, ce qui est tout à fait différent, et ce dans deux domaines : le droit du travail et la santé. Or la restriction – un mot trop souvent employé – et la stabilité ne sont pas la même chose, monsieur Fernique.
Vous citez en particulier le droit de la santé en faisant référence à des affaires sanitaires. Je tiens à vous rappeler que l’action de groupe est déjà applicable aux produits de santé et qu’elle le sera encore dans le cadre du nouveau régime adopté par la commission des lois.
Pour ce qui concerne la mise en demeure, vous la jugez inefficace en matière de discrimination et souhaitez donc sa suppression. Or elle sera applicable dans bien d’autres domaines, où elle sera utile. Ce n’est pas parce qu’elle est inutile dans un domaine qu’il faut la supprimer pour tous !
Pour ces raisons, la commission est défavorable à l’amendement n° 52.
La modalité d’entrée en vigueur prévue dans le dispositif de l’amendement n° 120 pourrait entraîner des difficultés opérationnelles majeures pour certains opérateurs économiques. En effet, les diverses particularités de ce régime et les risques qu’il emporte n’ont pas été intégrés aux primes d’assurance actuelles.
La commission a donc préféré retenir une modalité différente d’entrée en vigueur : le fait générateur devra être postérieur à la publication de cette loi pour qu’une action puisse être intentée sous ce régime.
Je vous rappelle, chers collègues, que cette mesure n’est ni une nouveauté ni une innovation. Elle avait déjà été adoptée dans le cadre de la loi du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXIe siècle pour des dispositions portant – c’est d’ailleurs assez drôle – sur l’action de groupe.