Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Annick Billon, rapporteure. Sur cet amendement, comme sur l’amendement précédent, la commission a émis un avis défavorable ; par ailleurs, je partage ce que dit notre collègue Colombe Brossel quant à la rédaction des programmes : là n’est pas notre rôle.
Dans le code de l’éducation figure déjà la mention expresse d’une formation au numérique : en ajoutant cette précision, nous nous montrerions très bavards et assez inefficaces.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Élisabeth Borne, ministre d’État. Il y a peut-être de quoi s’interroger quant à la manière dont est structuré le code de l’éducation, mais il est déjà prévu dans un autre article dudit code, l’article L. 312-9, une sensibilisation des élèves aux usages d’internet et au traitement de l’information. La question ici soulevée n’est par ailleurs pas sans rapport avec l’éducation aux médias, évoquée dans un autre article du même code.
Pour ce qui est de la sensibilisation aux problèmes de harcèlement à l’école, j’y suis particulièrement attentive : tel était le sens du plan interministériel que j’avais présenté au mois de septembre 2023 en tant que Première ministre. Mais, derechef, un article du code de l’éducation, en l’occurrence l’article L. 111-6, prévoit un tel enseignement.
Votre demande étant satisfaite, madame la sénatrice, je propose que vous retiriez cet amendement.
Mme la présidente. La parole est à M. Max Brisson, pour explication de vote.
M. Max Brisson. Colombe Brossel a rappelé à très juste titre que c’est au Conseil supérieur des programmes d’élaborer les programmes. Il revient néanmoins au Parlement de donner quelques grandes orientations et d’exprimer la volonté de la Nation pour ce qui est de cette fabrique des programmes.
D’où ma question, madame la ministre : si ce texte poursuit son chemin législatif et devient la loi, saisirez-vous bel et bien le Conseil supérieur des programmes afin d’assurer une refonte des programmes de l’enseignement moral et civique dans le sens ici indiqué ?
Par ailleurs, comme vous l’avez dit, l’EMC est très loin d’être la seule discipline par laquelle l’éducation nationale exerce sa mission de lutte contre la manipulation de l’information : elle a bien d’autres occasions de le faire.
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre d’État.
Mme Élisabeth Borne, ministre d’État. Monsieur le sénateur, je vous confirme que je souhaite ce recentrage sur les sujets essentiels. Tel est le sens du travail qui a été engagé par le Conseil supérieur des programmes, sur l’initiative de mes prédécesseurs : s’assurer que l’esprit de ce que nous sommes en train de faire en débattant de cette proposition de loi est bien strictement respecté – mais nous pourrons peut-être en reparler.
Mme la présidente. La parole est à Mme Monique de Marco, pour explication de vote.
Mme Monique de Marco. Je veux revenir sur cet amendement, car je me demande dans quelle discipline ces sujets sont enseignés.
Vous avez cité certains articles du code de l’éducation, mais existe-t-il une matière qui s’empare des sujets relatifs à la manipulation de l’information et à la sensibilisation aux dangers d’internet ?
J’ai été enseignante : si cet enseignement est bien inscrit dans la loi, dans la pratique, il n’est jamais abordé ! L’EMC serait donc peut-être l’occasion de traiter de ces sujets.
Mme la présidente. Je mets aux voix l’article 1er, modifié.
(L’article 1er est adopté.)
Après l’article 1er
Mme la présidente. L’amendement n° 5, présenté par MM. Ouzoulias et Bacchi, Mmes Corbière Naminzo et Apourceau-Poly, MM. Barros, Basquin et Brossat, Mme Brulin, M. Corbisez, Mme Cukierman, M. Gay, Mme Gréaume, M. Lahellec, Mme Margaté, M. Savoldelli, Mmes Silvani et Varaillas et M. Xowie, est ainsi libellé :
Après l’article 1er
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Au premier alinéa de l’article L. 141-5-1 du code de l’éducation, après le mot : « publics, » sont insérés les mots : « ainsi que dans les établissements privés sous contrat avec l’État, ».
La parole est à M. Pierre Ouzoulias.
M. Pierre Ouzoulias. Madame Eustache-Brinio, je me permets de citer vos propos du 18 février (Sourires au banc des commissions.) : « Le voile, l’abaya, le qamis, le burkini ne sont pas des vêtements culturels, ce sont des étendards politiques qui s’immiscent dans notre société. » (Mme Jacqueline Eustache-Brinio s’exclame.)
Attendez la fin ! (Sourires.)
« Le port de ces vêtements trouve sa source dans des normes imposées par l’islam le plus rigoriste, lequel souhaite instituer […] une communauté islamique mondiale […]. Le port de l’abaya par de plus en plus de petites filles en est un exemple effrayant qui, en France comme ailleurs, contribue à un véritable apartheid sexuel. » C’était votre expression.
Mme Jacqueline Eustache-Brinio. C’était bien dit !
M. Pierre Ouzoulias. Dans ce cas, je vous le demande : pourquoi acceptez-vous un « apartheid sexuel » dans les écoles privées sous contrat ?
Mme Jacqueline Eustache-Brinio. Mais qui vous dit que je ne voterai pas votre amendement ?
M. Pierre Ouzoulias. Je serais très heureux que vous le fassiez ! J’ai d’ailleurs demandé un scrutin public : chacun pourra se prononcer de manière transparente.
Monsieur Hingray – j’en ai pour tout le monde ce matin ! (Sourires.) –, vous avez affirmé : « La laïcité s’appliquera partout où la République enseigne. » Considérez-vous donc que la République n’enseigne pas dans les écoles sous contrat ? C’est une question de fond ! (Mme la rapporteure sourit.)
Par cet amendement, je propose d’étendre la loi de 2004 à la totalité des établissements, y compris ceux qui sont sous contrat. Je ne vois pas pourquoi nous refuserions d’assurer la protection de la laïcité à 2 millions d’élèves. (Mme Marie-Pierre Monier applaudit.)
Mme Marie-Pierre Monier. Bravo !
M. Pierre Ouzoulias. Eux aussi ont le droit à une émancipation.
Dans le contexte actuel, que vous connaissez tous, il est nécessaire de rappeler l’indispensable dignité due à tous les élèves, notamment grâce à la laïcité. (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE-K, SER GEST et RDSE.)
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Annick Billon, rapporteure. Je salue la constance et la détermination de Pierre Ouzoulias, qui réaffirme sa conviction sur ce sujet.
Son amendement vise à étendre l’interdiction pour les élèves du port de tenues et de signes religieux aux établissements privés sous contrat.
Une telle mesure me paraît totalement inconstitutionnelle.
M. Pierre Ouzoulias. Ah ?
Mme Annick Billon, rapporteure. Il existe depuis désormais vingt ans un modus vivendi sur le périmètre d’application de la loi interdisant le port des signes religieux par les élèves.
Les modifications apportées par la proposition de loi ne font que clarifier certaines zones d’ombre. N’ouvrons pas une nouvelle guerre entre école privée et école publique !
M. Pierre Ouzoulias. Ah non !
Mme Annick Billon, rapporteure. La commission émet donc un avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Élisabeth Borne, ministre d’État. Monsieur le sénateur, je vous renvoie aux travaux de la commission Stasi, qui avaient débouché sur la loi de 2004.
Le contrat d’association signé par les établissements privés sous contrat emporte en effet l’obligation d’enseigner les principes et les valeurs de la République dans le cadre des programmes de l’enseignement public. En revanche, la sauvegarde du caractère propre de l’établissement d’enseignement privé, qui est un principe constitutionnel (M. Pierre Ouzoulias s’exclame.), implique que les convictions religieuses puissent, si le règlement intérieur le permet, s’y exprimer plus librement que dans les établissements publics.
C’est la raison pour laquelle la loi de 2004 n’a pas été rendue applicable aux établissements d’enseignement privés sous contrat. Il me paraît sage d’en rester là.
Avis défavorable.
Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Pierre Monier, pour explication de vote.
Mme Marie-Pierre Monier. Nous soutenons pleinement cette proposition d’extension d’application de la loi de 2004 aux établissements privés sous contrat et remercions notre collègue Pierre Ouzoulias pour cet amendement ambitieux.
Il est souvent reproché à la gauche, à tort, d’avoir abandonné la laïcité,…
Mme Jacqueline Eustache-Brinio. Pas à tort !
Mme Marie-Pierre Monier. … quand elle refuse que ce principe soit dévoyé et qu’il entre en contradiction avec les grands principes posés par la loi de 1905.
Nous y sommes pourtant viscéralement attachés et considérons, à ce titre, paradoxal que la laïcité s’arrête aux portes d’un enseignement financé à 73 % par de l’argent public et qui accueille chaque année plus de 2 millions d’élèves.
La loi de 2004 est un facteur d’apaisement au sein de nos établissements scolaires publics. Elle en a fait des sanctuaires laïques précieux pour l’éveil des consciences de nos élèves, qui évoluent ainsi dans un environnement imperméable aux influences religieuses et au prosélytisme.
Il serait d’autant plus judicieux d’étendre son périmètre que la période récente a mis en lumière l’ampleur des atteintes à la laïcité dans l’enseignement privé sous contrat, phénomène massif et documenté, comme nous l’avions d’ailleurs rappelé lors du débat sur les modalités de contrôle de l’État de l’enseignement privé sous contrat que nous avions demandé au sein de cet hémicycle.
Bien peu de choses se sont passées hélas ! depuis lors. Mes chers collègues, profitons de l’examen de cette proposition de loi pour envoyer un signal fort en faveur d’une laïcité ambitieuse au sein de notre école, dans sa diversité !
Mme la présidente. La parole est à Mme Jacqueline Eustache-Brinio, pour explication de vote.
Mme Jacqueline Eustache-Brinio. Monsieur Ouzoulias, je vous remercie d’avoir repris mes propos. Par ailleurs, je vous rassure : je vais voter cet amendement !
M. Pierre Ouzoulias. Merci !
Mme Jacqueline Eustache-Brinio. Je suis d’autant plus à l’aise pour le voter que j’ai travaillé moi-même dans un établissement privé sous contrat.
Depuis dix ans, c’est clair, des questions nouvelles se posent quant au respect de la laïcité dans les établissements privés sous contrat. Si nous en parlons aujourd’hui, c’est que la problématique est réelle. C’est notamment le cas dans le Val-d’Oise, où je suis élue.
Nous devons protéger, partout, les enfants de ce pays d’un certain nombre de dérives communautaires. Or il faut admettre que celles-ci existent dans l’enseignement privé sous contrat, ce que je regrette à titre personnel.
Je voterai donc cet amendement. Je ne m’engage pas dans une guerre entre école publique et école privée, puisque j’ai enseigné dans un établissement privé sous contrat. J’ai été fière d’accomplir un travail extraordinaire dans un lycée accueillant des adolescents en grande difficulté auxquels nous essayions de redonner des perspectives. Je suis donc totalement en phase avec mon collègue Ouzoulias sur ce sujet.
M. Pierre Ouzoulias. Je vous remercie, chère collègue !
Mme la présidente. La parole est à M. Pierre Ouzoulias, pour explication de vote.
M. Pierre Ouzoulias. Nos positions sont au moins cohérentes !
En ce qui concerne la constitutionnalité de mon amendement, je veux indiquer que la France est une « République indivisible, laïque, démocratique et sociale » ! C’est ce qui est écrit dans la Constitution ! La laïcité doit donc s’appliquer partout.
Pour ce qui est du caractère propre de l’enseignement privé, je souhaiterais que vous le définissiez ! (Mme Colombe Brossel applaudit.) Ce principe n’est en effet précisément décrit nulle part. La Constitution conforte et garantit la liberté d’enseignement : ce n’est pas tout à fait la même chose.
Enfin, je m’adresse à mes collègues qui s’opposent à cet amendement. Comment accepter, comme c’est le cas dans mon département des Hauts-de-Seine, que de petites filles qui veulent rester voilées désertent le collège public, mais qu’il leur suffise de traverser la rue pour être admises dans un collège privé ? Comment accepter que, d’un côté de la rue, elles portent atteinte aux principes de la République, et que, de l’autre, s’applique une laïcité permissive qui autorise l’expression de toutes les manifestations religieuses ? Votre position est totalement incohérente !
La cohérence laïque est ici : elle est à gauche ! (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE-K, SER et GEST.)
Mme la présidente. La parole est à M. Max Brisson, pour explication de vote.
M. Max Brisson. Bien sûr que Pierre Ouzoulias est toujours cohérent ! Mais cohérent dans ses attaques systématiques contre l’enseignement privé, en particulier l’enseignement privé catholique ! (Protestations sur les travées des groupes CRCE-K et SER.) Au moins cette constance l’honore-t-elle !
M. Pierre Ouzoulias. Merci !
M. Max Brisson. Tous les textes et prétextes sont bons pour remettre continuellement en cause le subtil équilibre de la loi Debré et des principes constitutionnels qui ont été rappelés par Mme la ministre d’État.
Mes chers collègues, faisons attention ! Actuellement, le seul enseignement privé sous contrat qui est sans cesse et systématiquement attaqué, c’est l’enseignement catholique, et toujours par les mêmes bancs – ceux de la gauche ! (Même mouvement.)
N’ouvrons donc pas une voie qui n’aurait que pour conséquence d’apporter de l’eau au moulin de celles et ceux qui n’ont qu’une obsession, qui s’exprime constamment, en particulier à l’Assemblée nationale, par la bouche du député La France insoumise (LFI) Paul Vannier : remettre en cause l’enseignement privé sous contrat !
M. Alexandre Basquin. C’est caricatural…
Mme la présidente. La parole est à M. Bernard Fialaire, pour explication de vote.
M. Bernard Fialaire. Je veux moi aussi éviter à tout prix de rallumer une guerre scolaire.
Dans mon département, il existe des mutualisations entre établissements privés et publics, qui partagent la cantine ou organisent des rencontres sportives ou des sorties conjointes.
En tolérant que certains élèves arborent des signes religieux et d’autres non à ces occasions, nous ne ferions rien d’autre que de rendre les enfants schizophrènes !
M. Pierre Ouzoulias. Très bien !
M. Bernard Fialaire. Pour garantir une meilleure cohérence et éviter ces dérives, je voterai l’amendement.
Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission.
M. Laurent Lafon, président de la commission de la culture, de l’éducation, de la communication et du sport. Je veux rappeler l’esprit de cette proposition de loi, car le débat sur l’amendement de Pierre Ouzoulias – je reconnais là sa ténacité, mais aussi son habileté… – semble nous en éloigner. Il n’est donc sans doute pas nécessaire que nous saisissions tous la perche qu’il essaie de nous tendre… (Sourires.)
M. Pierre Ouzoulias. Ce n’est pas mon genre !
M. Laurent Lafon, président de la commission de la culture. Faisons plutôt en sorte que ce texte, qui vise à envoyer un message clair et fort aux enseignants et au personnel éducatif sur la sécurité au sein des établissements, reste fidèle à notre ambition initiale et à l’esprit de la mission dont il procède.
Il est vrai que d’autres sujets peuvent être abordés à travers le prisme des questions éducatives. Je vous demande d’être raisonnables, à la fois pour ne pas dénaturer le texte et nos débats, et pour respecter le temps d’examen prévu. Concentrons-nous sur le contenu du texte.
Mme la présidente. La parole est à M. Stéphane Piednoir, pour explication de vote.
M. Stéphane Piednoir. Premièrement, la cohérence de la gauche ne s’observe pas tous les jours – cela dépend en tout cas des gauches ! (Protestations sur les travées du groupe SER.) Nous avons la chance d’en avoir ici des représentants plutôt raisonnables, qui nous rejoignent en grande partie sur le sujet de la laïcité. Ce n’est pas le cas dans une autre assemblée, où est agité l’étendard d’une nouvelle guerre des écoles…
Deuxièmement, M. Fialaire nous appelle à respecter la neutralité dans tous les aspects de l’école, y compris à l’occasion des sorties scolaires. Tiens, tiens !
Nous sommes, me semble-t-il, le seul groupe qui demande un traitement identique de la neutralité vestimentaire lors des sorties scolaires et entre les murs des établissements.
J’entends rarement des échos à gauche lorsque nous soulevons cette problématique ! Je profite donc des propos de M. Fialaire pour rappeler que cette exigence doit aussi s’appliquer à l’école hors les murs.
Troisièmement, je m’étonne que cet amendement n’ait pas été considéré comme un cavalier législatif.
Mme Annick Billon, rapporteure. C’est vrai !
M. Stéphane Piednoir. Comme l’a dit le président Lafon, c’est en effet une extravagance, qui s’écarte fortement du texte initial.
On connaît la malice de Pierre Ouzoulias. Je suis très attaché à la neutralité et à la laïcité. J’ai exercé durant vingt-cinq ans dans le public, mais je n’ai aucune aversion pour le privé – contrairement à d’autres !
On connaît l’attachement de notre collègue à la laïcité, mais je crains que celui-ci ne cache une autre ambition, qui consisterait, la prochaine fois, à aller un tout petit peu plus loin pour enfin nier le caractère propre des établissements privés.
M. Max Brisson. Absolument !
M. Stéphane Piednoir. L’enseignement religieux qui y est dispensé repose toujours sur le volontariat, au travers de la signature d’un document en début d’année scolaire. Le caractère propre des établissements privés doit être préservé à ce titre-là.
Ainsi, si je rejoins les arguments du sénateur Ouzoulias, je crains qu’ils ne masquent une tout autre manœuvre…
Mme la présidente. La parole est à Mme Colombe Brossel, pour explication de vote.
Mme Colombe Brossel. Je ne sais pas si je fais partie des élus raisonnables, mais ma mère serait très heureuse de vous entendre le dire ! (Mme la ministre d’État sourit.) Je lui enverrai le compte rendu…
Cher collègue Ouzoulias, je vous remercie d’avoir provoqué ce débat, car il faudra bien que nous finissions par mener cette discussion à son terme.
Mme Annick Billon, rapporteure. C’est vrai !
Mme Colombe Brossel. C’est vrai : je préférerais que nous parlions de la protection fonctionnelle des enseignants, car c’est bien le cœur de cette proposition de loi, même s’il est bien normal que nous discutions de tous les articles du texte.
Et pourtant, ce débat est indispensable, mes chers collègues. Ce n’est pas parce qu’on répète inlassablement les mêmes propos que ceux-ci s’imposent comme une vérité !
Oui, il faudra définir ce qu’est ce caractère propre, c’est évident. C’est nécessaire si nous voulons avoir un débat serein…
M. Max Brisson. Voilà ! Au moins, les masques tombent !
Mme Colombe Brossel. Permettez-moi de terminer, monsieur Brisson : vous remarquerez que mon ton est extrêmement raisonnable !
Il faudra bien que nous continuions à avancer en ce sens. Nous ne pouvons laisser perdurer des différences entre les systèmes de protection des enfants et des adolescents.
Si nous considérons que la laïcité s’applique strictement dans tous les cadres d’accueil collectif des esprits en formation et des citoyens en devenir, alors nous devons veiller à ce que ce soit le cas partout.
Cela n’enlève rien à l’existence de l’enseignement privé sous contrat. Je le dis très tranquillement : vous pouvez m’accuser mille et une fois de réveiller la guerre scolaire, mais je vous assure que je n’avais pas l’âge de défiler en 1984 et que je ne suis porteuse d’aucun combat. En revanche, je suis attachée à la rationalité, en particulier en politique.
Mme la présidente. La parole est à Mme Laure Darcos, pour explication de vote.
Mme Laure Darcos. Sans trop prolonger le débat, au-delà de la guerre des écoles, il me semble que vous oubliez un point, monsieur Ouzoulias.
Ne croyez-vous pas que les écoles publiques sont en quelque sorte désavantagées par rapport aux écoles privées au regard de leur mode de fonctionnement tripartite ? En effet, dans les écoles privées, un contrat lie les professeurs, les parents et les élèves. Il garantit le respect des enseignements prévus.
Je l’ai dit lors de l’examen en commission : j’aurais aimé que ce contrat existe également dans les écoles publiques. Mais cela est impossible, en raison de l’obligation de scolarité jusqu’à 16 ans.
Dans les écoles publiques, la laïcité et le contenu des enseignements doivent donc être soulignés, tandis que dans les écoles privées, le règlement tripartite permet de clarifier les choses dès le départ, en instaurant un rapport de confiance.
Contrairement à vous, je vois donc une immense différence entre ces deux systèmes scolaires de ce point de vue.
Notre groupe votera contre cet amendement.
Mme la présidente. La parole est à Mme Monique de Marco, pour explication de vote.
Mme Monique de Marco. J’ai le sentiment que le débat s’égare. Je me suis toujours considérée comme raisonnable – jusqu’à preuve du contraire. (M. Stéphane Piednoir sourit.)
Cette partie de l’hémicycle (L’oratrice désigne les travées des groupes GEST, SER et CRCE-K.) n’est absolument pas contre l’enseignement privé. Cependant, madame Darcos, en tant qu’ancienne enseignante, j’ai le souvenir qu’en début d’année, les parents, les élèves et le chef d’établissement signent un règlement intérieur. Je pense que c’est toujours le cas dans l’ensemble des établissements.
Je voterai bien sûr en faveur de cet amendement, et je remercie Pierre Ouzoulias d’avoir sollicité un scrutin public.
Mme la présidente. La parole est à M. Laurent Somon, pour explication de vote.
M. Laurent Somon. Le fondement de cette proposition de loi est bien la protection fonctionnelle. Or certains en profitent pour déposer des amendements qui, sinon recréent des clivages, du moins ouvrent des débats certes de fond, mais qui n’ont pas véritablement leur place dans ce texte.
Nous nous sommes pour notre part abstenus d’y voir l’occasion d’aborder le sujet des signes religieux pour les accompagnateurs, par exemple. Nous aurions pu le faire, quitte à rallonger la discussion et à empêcher le débat sur l’objet réel de ce texte !
Il serait donc préférable de retirer cet amendement, qui n’a pas sa place ici. S’il est maintenu, nous voterons bien entendu contre. (Mme la rapporteure, Mme Laurence Garnier et M. Max Brisson applaudissent.)
Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 5.
J’ai été saisie d’une demande de scrutin public émanant du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky.
Je rappelle que l’avis de la commission est défavorable, de même que celui du Gouvernement.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
Mme la présidente. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à constater le résultat du scrutin.
(Mmes et MM. les secrétaires constatent le résultat du scrutin.)
Mme la présidente. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 212 :
Nombre de votants | 341 |
Nombre de suffrages exprimés | 338 |
Pour l’adoption | 115 |
Contre | 223 |
Le Sénat n’a pas adopté.
L’amendement n° 14 rectifié, présenté par Mme Cazebonne, MM. Lévrier, Kulimoetoke, Buis et Buval, Mme Duranton, M. Fouassin, Mme Havet, MM. Iacovelli et Lemoyne, Mme Nadille, MM. Patient et Patriat, Mme Phinera-Horth, M. Rambaud, Mme Ramia, M. Rohfritsch, Mme Schillinger, M. Théophile et les membres du groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants, est ainsi libellé :
Après l’article 1er
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article L. 452-3-1 du code de l’éducation est ainsi modifié :
1° Le mot : « et » est remplacé par le signe « , » ;
2° Après le mot : « harcèlement » sont insérés les mots « et l’acquisition par les élèves des principes et valeurs de la République ».
La parole est à Mme Samantha Cazebonne.
Mme Samantha Cazebonne. Il s’agit d’un amendement de soutien à nos personnels enseignants à l’étranger, qui ont besoin que certains principes soient parfois rappelés – bien qu’ils puissent paraître évidents –, surtout dans les temps actuels.
Aussi, je souhaite qu’il soit inscrit dans le texte qu’au sein de tout établissement français homologué doivent être respectés les principes et les valeurs de la République.
Nous aiderions ainsi particulièrement les établissements français de Moscou, de Saint-Pétersbourg, ainsi que ceux de Hongrie, du Honduras et du Venezuela.
Cet amendement vise donc à soutenir ces établissements en prévoyant que soit inscrite dans l’homologation qui leur est octroyée la nécessité de respecter clairement les principes et les valeurs de la République.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Annick Billon, rapporteure. Lorsque Mme Cazebonne a présenté cet amendement en commission, celui-ci visait à conditionner au respect de l’EMC les homologations des établissements scolaires de l’Agence pour l’enseignement français à l’étranger (AEFE).
Cet amendement a depuis lors été modifié. Il y est désormais fait référence, non pas à l’EMC, mais aux valeurs et aux principes de la République. Dans la mesure où la commission ne s’est pas réunie depuis la modification de cet amendement, à titre personnel, j’émets un avis favorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Élisabeth Borne, ministre d’État. Cet amendement est satisfait puisque l’enseignement et la mise en œuvre des programmes, y compris d’éducation morale et civique, sont prévus dans nos établissements.
Je demande donc le retrait de cet amendement.
Mme la présidente. La parole est à Mme Samantha Cazebonne, pour explication de vote.
Mme Samantha Cazebonne. Je remercie la rapporteure pour son soutien. Mme la ministre souligne avec raison que cet enseignement est inscrit dans les programmes. Je tenais seulement à envoyer un signal fort : nous sommes tous derrière les personnels qui enseignent dans des pays où nos valeurs sont parfois contestées.
Cependant, j’entends que vous vous tenez aux côtés de ces personnels et que mon amendement est satisfait. Aussi, je le retire.
Mme la présidente. L’amendement n° 14 rectifié est retiré.
Article 2
Le premier alinéa de l’article L. 141-5-1 du code de l’éducation est complété par une phrase ainsi rédigée : « Cette même interdiction s’applique aux élèves qui participent aux activités en lien avec les enseignements, dans ou en dehors des établissements, organisées par ces écoles, collèges et lycées publics, y compris en dehors du temps scolaire. »