PRÉSIDENCE DE M. Pierre Ouzoulias

vice-président

M. le président. La parole est à M. Christian Bilhac, sur l’article.

M. Christian Bilhac. Cette proposition de loi part de bonnes intentions, mais on ne se rend pas compte à quel point elle est dangereuse.

Elle va créer de l’inflation. Je rappelle que, en des temps pas si lointains, nous étions à 5 % d’inflation et il n’y avait pas d’indexation des salaires sur les prix.

Mme Raymonde Poncet Monge. C’est l’inverse !

M. Christian Bilhac. Elle va faire augmenter le chômage. Regardons la courbe du chômage : la situation n’est pas brillante, même sans indexation des salaires sur les prix.

Elle va entraîner une dégradation des comptes publics. Une chance que nous n’ayons pas l’indexation des salaires sur les prix, car on ne peut pas vraiment dire que la situation de nos finances publiques soit satisfaisante.

Elle va réduire la compétitivité de la France. Au regard des chiffres de notre balance commerciale, je n’ai pas le sentiment que la compétitivité soit extraordinaire aujourd’hui.

M. Fabien Gay. C’est la politique de l’offre !

M. Christian Bilhac. Elle va provoquer des faillites d’entreprises. Là encore, au vu du nombre de faillites de ces derniers mois, qu’est-ce que ce serait si cette loi s’appliquait déjà ! (Sourires sur les travées du groupe RDSE.)

M. le président. La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge, sur l’article.

Mme Raymonde Poncet Monge. Votre amour pour les négociations de branche et les accords entre partenaires sociaux est touchant ! (Sourires sur les travées du groupe GEST.)

Il ne faut pas, dites-vous, que tout soit administré. Pourtant, nous sommes déjà administrés aujourd’hui ! Un accord collectif de branche ne peut pas protéger sa grille de qualification et de classification grâce à une indexation sur le Smic.

J’ai moi-même fait une négociation de branche. Nous avions élaboré de belles grilles de classification – cela consiste tout simplement à opérer un classement entre qualifications –, mais, du fait du Smic, cette construction est détruite. Nous avions donc proposé un dispositif permettant de protéger l’écart entre deux qualifications, en référence au Smic. C’est interdit. C’est bien la preuve que vous administrez !

L’article 1er tend à remédier à cette situation, en permettant à des branches de s’aligner sur le Smic.

Je termine en revenant sur l’argument du coût. Je rappelle que nous avons dépensé 50 milliards d’euros pour le bouclier énergétique, afin de protéger les ménages face à ce choc exogène. (M. Yannick Jadot renchérit.) Si les salaires avaient suivi, comme en Belgique, cela n’aurait pas coûté plus et l’État n’aurait pas eu à le prendre en charge.

De toute manière, nous ne faisons que suivre des prix.

M. le président. La parole est à M. Michel Canévet, sur l’article.

M. Michel Canévet. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je veux d’abord remercier le groupe CRCE-K d’avoir pris l’initiative d’un débat sur ce sujet important, dont il est nécessaire que nous puissions discuter.

Je suis de ceux qui pensent que l’économie ne doit pas être trop administrée. (Exclamations sur les travées des groupes CRCE-K, SER et GEST.) Il faut au contraire laisser beaucoup d’initiative et de liberté aux acteurs économiques pour qu’ils puissent s’organiser au mieux, en tenant compte des spécificités de chaque métier.

Mme Raymonde Poncet Monge. Il n’y a pas de liberté !

M. Michel Canévet. Cela ne signifie pas, comme j’ai pu l’entendre tout à l’heure, que la situation des salariés serait un enjeu secondaire à nos yeux. Pour nous, les salariés sont une vraie richesse pour les entreprises.

Pour autant, imposer des charges aux entreprises par des revalorisations automatiques de salaires ne peut pas être une fin en soi.

D’aucuns ont évoqué les allégements de charges. Ceux-ci sont nécessaires, car les charges sociales…

M. Yannick Jadot. Les cotisations sociales !

M. Michel Canévet. … sont malheureusement trop élevées dans notre pays.

Nous voudrions baisser les charges sociales,…

M. Yannick Jadot. Les cotisations sociales !

M. Michel Canévet. … précisément afin de permettre aux chefs d’entreprise de revaloriser les salaires sans que cela leur coûte le double !

Il faut donc diminuer les charges sociales…

M. Yannick Jadot. Les cotisations sociales !

M. Michel Canévet. … et trouver un autre mode de protection du financement de la protection sociale.

Alourdir sans cesse les charges…

M. Yannick Jadot. Les cotisations !

M. Michel Canévet. … sur les salaires altère la compétitivité des entreprises, en particulier à l’international. C’est d’ailleurs ce qui crée des problèmes de pouvoir d’achat : le prix des produits est tellement élevé que les salariés en subissent les conséquences.

L’adoption de ce texte créerait une spirale inflationniste au lieu d’améliorer la situation des salariés.

Enfin, n’oublions pas que la France reste l’un des pays où les prélèvements obligatoires sont les plus élevés au monde. Nous faisons déjà beaucoup en matière de redistribution. Cela devrait vous satisfaire. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)

M. le président. La parole est à Mme Céline Brulin, sur l’article.

Mme Céline Brulin. Cela me fait sourire d’entendre que cette proposition de loi relèverait d’une « économie administrée ».

Ainsi que Mme la rapporteure et d’autres collègues après elle l’ont rappelé, le Luxembourg figure parmi les pays qui ont opté pour l’indexation des salaires sur l’inflation. Je ne crois pas que l’on puisse parler d’économie administrée le concernant. De notre point de vue, ce serait plutôt un paradis fiscal.

Par ailleurs, et cela a été souligné, si les branches souhaitaient mettre en place une telle mesure par le dialogue social, elles en seraient empêchées. C’est tout de même un comble !

D’aucuns se sont interrogés : « Que feront les partenaires sociaux s’ils ne peuvent plus discuter de l’indexation des salaires sur l’inflation ? Ils risquent de s’ennuyer. » Honnêtement, il reste beaucoup de sujets dont les partenaires sociaux pourraient utilement se saisir. Songeons par exemple au nombre de plans de licenciement qu’il y a aujourd’hui dans notre pays et à tous les projets industriels dont les salariés sont porteurs. Voilà qui aiderait notre économie !

Enfin, les « charges » que vous évoquez, cher collègue, sont en réalité des cotisations sociales,…

M. Michel Canévet. Non ! Ce sont des charges !

Mme Céline Brulin. … et, précisément, du salaire différé.

Non seulement vous refusez d’indexer les salaires sur l’inflation galopante, mais, en plus, vous voulez même retirer aux salariés une part du salaire qui leur revient sous forme de cotisations sociales.

Je trouve que ce débat a le mérite de la clarté : les outrances ne sont pas toujours du côté que l’on croit ! (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE-K et GEST.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre. Je souhaite une nouvelle fois remercier le groupe CRCE-K d’avoir pris l’initiative de ce débat, qui a le mérite de mettre en lumière des différences fondamentales de points de vue sur la question des salaires dans notre pays.

Vous avez évoqué le FMI, dont Le Capital de Karl Marx n’est en effet probablement pas la source d’inspiration première. Vous faites référence, je pense, à une note du mois d’octobre 2022, dont je rappelle les termes : « Dans tous les cas, les salaires réels tendent, dans un premier temps, à diminuer alors que l’inflation dépasse la hausse des salaires, ce qui contribue à compenser une partie des chocs sur les coûts qui ont alimenté l’inflation, et à lutter contre la spirale prix-salaires. » Il aurait fallu poursuivre : « En revanche, si les chocs inflationnistes commencent à venir du marché du travail lui-même, sous forme par exemple d’une augmentation marquée et inattendue de l’indexation des salaires, ils pourraient modérer les effets du recul des salaires réels, et faire augmenter les salaires et l’inflation plus longtemps. »

La spirale prix-salaires existe donc bien et elle constitue un risque dans une économie comme l’économie française.

Monsieur Gay, vous avez abordé la différence entre le super brut, le brut et le net. Parlons-en ! Au sein de l’Union européenne et, probablement, de tous les pays industrialisés, c’est la France qui se distingue par l’écart du coin sociofiscal le plus important, avec, de ce fait, un coût du travail très élevé pour l’employeur et un salaire net structurellement bas. (M. Fabien Gay sexclame.)

Je pourrais également évoquer le décrochage du PIB par habitant de la France depuis vingt-cinq ans. Au début des années 2000, nous étions au même niveau que les États-Unis. Je vous invite à consulter l’étude de la direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (Drees) du mois de janvier 2025 comparant les structures de financement des protections sociales en Europe. Vous le constaterez, c’est en France que les cotisations salariales et employeurs sont les plus élevées dans le financement de la protection sociale. (Mmes Raymonde Poncet Monge et Émilienne Poumirol protestent.)

M. Fabien Gay. C’est la sécurité sociale !

Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre. Certes, j’entends les arguments sur le « salaire mutualisé » ou le « salaire différé » ; Mme Poncet Monge y faisait référence. Reste que, entre la mutualisation et ce qui est versé sur le compte en banque à la fin du mois, je pense que la préférence des salariés va plutôt à ce dernier. Cela pose le problème de la marge de manœuvre salariale.

Enfin, dans vos comparaisons avec le Luxembourg ou la Belgique, vous ne retenez à chaque fois que les seuls aspects allant dans votre sens.

En Belgique, certes, l’indexation est automatique, mais elle est plafonnée à un certain point.

Au Luxembourg, l’indexation n’existe que quand l’inflation est supérieure à 2,5 %, mais ce n’est que 2,5 %. Or, depuis ces dernières années, l’augmentation moyenne des salaires dans notre pays, dans un contexte de choc inflationniste, a été supérieure à 2,5 %.

Au demeurant, comme cela a été souligné, si les exemples d’indexation, avec des encadrements que vous ne mentionnez d’ailleurs pas toujours, avaient été tellement probants, le dispositif aurait été beaucoup plus généralisé au sein de l’Union européenne.

La spirale prix-salaires existe. La question du dialogue social existe également. En Belgique et au Luxembourg, il y a de vrais encadrements.

Encore une fois, regardez les chiffres des dernières années. En 2024, les salaires réels ont augmenté à un rythme entre 1,5 point et 1,6 point supérieur à celui de l’inflation.

M. le président. Je mets aux voix l’article 1er.

J’ai été saisi d’une demande de scrutin public émanant du groupe Les Républicains.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

(Le scrutin a lieu.)

M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J’invite Mmes et MM. les secrétaires à constater le résultat du scrutin.

(Mmes et MM. les secrétaires constatent le résultat du scrutin.)

M. le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 200 :

Nombre de votants 341
Nombre de suffrages exprimés 338
Pour l’adoption 112
Contre 226

Le Sénat n’a pas adopté.

Article 1er
Dossier législatif : proposition de loi visant à indexer les salaires sur l'inflation
Article 3

Article 2

La valeur du point d’indice de la fonction publique augmente annuellement au minimum en fonction du taux prévisionnel d’évolution de la moyenne annuelle de l’indice des prix à la consommation des ménages, hors tabac, annexé au projet de loi de finances de l’année de versement, arrondi au demi-entier supérieur.

M. le président. La parole est à Mme Michelle Gréaume, sur l’article.

Mme Michelle Gréaume. L’article 2 vise à mettre en place un mécanisme d’indexation de la valeur du point d’indice de la fonction publique.

Dans la fonction publique, le décrochage de la valeur du point d’indice par rapport à l’inflation a entraîné en vingt ans une perte de 25 % de pouvoir d’achat pour les agents.

Cette perte a des conséquences directes sur l’attractivité des métiers de la fonction publique. Nous le voyons régulièrement : qu’il s’agisse de l’armée ou d’autres services, il y a des difficultés de recrutement, beaucoup préférant aller dans le privé. Le sujet est donc vraiment d’actualité.

Selon la direction générale de l’administration et de la fonction publique (DGAFP), un niveau de salaire attractif fait partie des motivations d’un tiers des candidats aux concours de la fonction publique. La rémunération des personnes qui travaillent en faveur de l’intérêt général n’est pas anodine.

Je pense par exemple à nos secrétaires de mairie, dont nous avons obtenu la revalorisation en catégorie B, mais dont le salaire moyen est de 1 850 euros net. Depuis la crise de la covid-19, elles ont perdu en moyenne en quatre ans 169 euros par mois en salaire réel. Vous le voyez, c’est concret : 169 euros de moins en fin de mois !

Dans un contexte où l’État est confronté à un phénomène de fuite des cadres de la fonction publique vers le secteur privé, notamment pour des raisons d’attractivité financière, il est plus que temps d’indexer le point d’indice des fonctionnaires. Cela profiterait aux agents en bas comme à celles et ceux en haut de l’échelle.

M. le président. Je mets aux voix l’article 2.

J’ai été saisi d’une demande de scrutin public émanant du groupe Les Républicains.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

(Le scrutin a lieu.)

M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J’invite Mmes et MM. les secrétaires à constater le résultat du scrutin.

(Mmes et MM. les secrétaires constatent le résultat du scrutin.)

M. le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 201 :

Nombre de votants 341
Nombre de suffrages exprimés 338
Pour l’adoption 112
Contre 226

Le Sénat n’a pas adopté.

Article 2
Dossier législatif : proposition de loi visant à indexer les salaires sur l'inflation
Après l’article 3

Article 3

Les organisations liées par une convention de branche ou, à défaut, par des accords professionnels, se réunissent, au moins une fois par an, pour négocier sur le niveau des salaires.

Ces négociations prennent en compte l’objectif d’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes.

Elles s’assurent qu’aucun minimum de branche ne soit fixé en dessous du salaire minimum de croissance, hors primes versées par l’employeur.

M. le président. La parole est à M. Yannick Jadot, sur l’article.

M. Yannick Jadot. Madame la ministre, vous avez eu raison de rappeler que toute comparaison n’était pas forcément raison, même si l’on nous renvoie en permanence dans le débat public au niveau des prélèvements et des cotisations sociales pour suggérer que la France serait un quasi-pays sous-développé au regard de son modèle social.

Le fait est qu’il y a aujourd’hui une boucle inflation-extrême droite. Les électeurs de l’extrême droite sont ceux qui ont la perception de l’inflation la plus déconnectée de la réalité. Ils imaginent souvent le niveau d’inflation deux à trois fois supérieur à ce qu’il est réellement. Nous devons casser cette boucle. C’est cela, l’impératif !

J’entends les comparaisons avec d’autres pays. Mais excusez-moi : en Belgique, c’est le Nieuw-Vlaamse Alliantie (N-VA) qui gouverne ! Moi, je n’ai pas envie d’être gouverné par l’équivalent du N-VA ou par un autre parti d’extrême droite en France.

Nous sommes dans une Union européenne dont les politiques monétaires sont conçues pour tuer l’inflation, parfois même de manière excessive, car cela a pour effet de tuer aussi l’activité économique.

Le véritable enjeu aujourd’hui est donc de rassurer les salariés sur leur pouvoir d’achat, de faire disparaître cette trouille et cette insécurité individuelle et collective. L’une des premières motivations du vote pour l’extrême droite est précisément notre incapacité collective à les protéger des chocs inflationnistes qu’ils voient venir de l’extérieur.

Je trouve la proposition de loi du groupe CRCE-K intéressante, car, en protégeant les salariés, nous cassons la spirale inflation-extrême droite.

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre. Monsieur le sénateur Jadot, je n’ai pas répondu à l’une de vos remarques très intéressante et très pertinente sur le vote Trump aux États-Unis. L’élection présidentielle américaine s’est aussi jouée sur l’incapacité de l’administration Biden à fléchir l’inflation et à en protéger, notamment, les travailleurs et les cols-bleus.

Je souhaite simplement rappeler deux éléments.

D’une part, regardons les chiffres. Certes, j’entends vos propos sur la différence entre perception et réalité. En France, le rythme de l’inflation a été moins fort que dans d’autres pays européens, précisément parce que – d’ailleurs, nous le payons aujourd’hui en termes de finances publiques – la puissance publique a voulu absorber une partie du choc énergétique externe.

M. Yannick Jadot. Cela coûte extrêmement cher !

Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre. Oui, mais cela a été, pour partie, absorbé, notamment sur la facture énergétique.

D’autre part, si nous n’avions pas ce système de redistribution grâce au coin sociofiscal – je ne le critique pas, je souligne simplement que son poids est important –, la différence entre les salaires les plus bas et les salaires les plus hauts serait de dix-sept ; après redistribution, elle est de trois.

Je pense donc que l’enjeu aujourd’hui est de trouver le bon équilibre entre progression des salaires et protection. Il y a, me semble-t-il, des pays qui réussissent mieux que nous à concilier compétitivité des entreprises et cohésion sociale.

Les chiffres le montrent : certes, la boucle inflation-extrême droite existe, mais la boucle inflation-salaires ne serait, à mon avis, bonne pour personne non plus.

M. le président. Je mets aux voix l’article 3.

J’ai été saisi d’une demande de scrutin public émanant du groupe Les Républicains.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

(Le scrutin a lieu.)

M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J’invite Mmes et MM. les secrétaires à constater le résultat du scrutin.

(Mmes et MM. les secrétaires constatent le résultat du scrutin.)

M. le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 202 :

Nombre de votants 341
Nombre de suffrages exprimés 337
Pour l’adoption 112
Contre 225

Le Sénat n’a pas adopté.

Article 3
Dossier législatif : proposition de loi visant à indexer les salaires sur l'inflation
Article 4 (début)

Après l’article 3

M. le président. L’amendement n° 1 rectifié, présenté par Mmes Bélim, Lubin et Le Houerou, M. Kanner, Mmes Canalès, Conconne et Féret, MM. Fichet et Jomier, Mmes Poumirol, Rossignol et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :

Après l’article 3

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L’article L. 2222-1 du code du travail est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Une convention ou un accord collectif de travail sur le niveau des salaires et négocié localement peut prévoir, dans le délai prévu à l’alinéa précédent, l’entrée en vigueur anticipée dans un des territoires d’outre-mer cités à l’avant-dernier alinéa d’une convention ou d’un accord collectif de travail sur le niveau des salaires et dont le champ d’application est national. »

La parole est à Mme Marion Canalès.

Mme Marion Canalès. Par cet amendement, nous ne proposons pas une grande révolution.

Afin de mieux concilier l’adaptation des accords collectifs nationaux aux contextes locaux et aux attentes légitimes des salariés ultramarins, le législateur a inscrit en 2016 un délai de six mois avant l’entrée en vigueur des dispositifs, permettant ainsi aux partenaires sociaux de s’accorder.

Malheureusement, la rédaction rigide actuelle empêche tout accord local de s’appliquer avant ce délai, faisant régulièrement perdre deux mois, trois mois, voire cinq mois en cas d’accord rapide.

Cet amendement de bon sens de ma collègue Audrey Bélim vise donc à préciser que les accords sur les salaires négociés en outre-mer peuvent entrer en vigueur avant le délai de six mois prévu par le code du travail.

Ce n’est peut-être pas la panacée pour les travailleurs pauvres, dont nous parlons depuis le début de ce débat. Toutefois, pour quelques centaines de milliers de compatriotes ultramarins, comme à La Réunion, le surcoût de l’alimentation est de 40 %, et les loyers constatés sont souvent les mêmes que ceux des grandes métropoles de l’Hexagone, alors que le taux de pauvreté est de près de 40 %.

Nous souhaitons donc que les salariés puissent voir leur salaire augmenter de 10euros, 20 euros ou 30 euros deux mois, trois mois ou quatre mois plus tôt. Aujourd’hui, ce n’est pas possible, en raison d’une rédaction un peu trop rigide.

L’adoption de cet amendement ne devrait porter préjudice à personne.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Silvana Silvani, rapporteure. Les conventions et accords collectifs de travail nationaux ne s’appliquent dans les outre-mer que six mois après leur entrée en vigueur. Ce délai doit permettre aux partenaires sociaux de négocier les adaptations nécessaires au contexte local.

Cet amendement a pour objet d’anticiper l’entrée en vigueur des accords salariaux en outre-mer.

En cohérence avec sa position globale sur la proposition de loi, la commission a émis un avis défavorable sur cet amendement.

À titre personnel, j’estime que la précision souhaitée par les auteurs de l’amendement est utile pour protéger le salaire des travailleurs ultramarins. En effet, il est dommage qu’en cas de conclusion d’un accord local l’ensemble du dispositif ne puisse pas s’appliquer avant le délai de rigueur de six mois.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre. Nous partageons la préoccupation qui a été exprimée. Toutefois, cette demande est juridiquement satisfaite par les dispositions du code du travail qui organisent des modalités spécifiques de négociation en outre-mer, même si nous devons faire mieux connaître cette possibilité.

En outre, des travaux, menés par la direction générale du travail de mon ministère avec les partenaires sociaux, sont en cours pour préciser les modalités opérationnelles de mise en œuvre de ces dispositions et outiller les acteurs locaux.

C’est pourquoi le Gouvernement émet un avis défavorable sur cet amendement.

M. le président. La parole est à Mme Evelyne Corbière Naminzo, pour explication de vote.

Mme Evelyne Corbière Naminzo. Cet amendement est important, parce que ses auteurs proposent une mesure qui est juste et qui s’ajuste à la réalité locale.

Les populations des outre-mer subissent déjà des injustices sociales, que nous rappelons régulièrement dans cet hémicycle, ainsi que l’héritage colonial de la vie chère. Il est impératif de mettre en œuvre le plus tôt possible les mesures qui s’imposent.

Ce texte constitue une réponse à la pauvreté qui touche encore plus durement les outre-mer. À La Réunion, le taux de pauvreté atteint 36 %, soit 2,5 fois plus qu’en métropole, et un enfant sur deux grandit dans un foyer pauvre. Le chômage est de 32 % pour les 15-29 ans, contre 13 % dans l’Hexagone.

La pauvreté touche également durement les salariés, si bien qu’augmenter les salaires et les indexer sur l’inflation prend tout son sens pour redonner de la dignité dans le travail. Le travail doit être payé à sa juste valeur pour tous les Français, de métropole comme d’outre-mer.

Dans un contexte de crise du logement, le montant des loyers à La Réunion est similaire à celui des grandes villes de l’Hexagone.

Outre la pauvreté monétaire, il existe une pauvreté de privation : 53 % des Réunionnais vivent une situation de privation.

L’adoption de cet amendement permettrait aux Ultramarins de mieux vivre de leur travail, et cela plus rapidement. Il s’agit de ne pas respecter obligatoirement le délai de six mois, quand celui-ci n’est pas nécessaire, et d’agir rapidement pour que les salaires soient revalorisés.

C’est pourquoi, mes chers collègues, je vous demande d’adopter massivement cet amendement.

M. le président. La parole est à Mme Frédérique Puissat, pour explication de vote.

Mme Frédérique Puissat. La commission des affaires sociales a émis un avis défavorable sur cet amendement, non pas tant sur le fond que parce que nous ne sommes pas favorables au texte qu’il vise à modifier.

Cependant, cette disposition peut tout à fait trouver sa place dans d’autres textes de loi, par exemple dans la proposition de loi visant à lutter contre la vie chère en renforçant le droit de la concurrence et de la régulation économique outre-mer, que nous examinerons bientôt. J’invite nos collègues à redéposer cet amendement dans le cadre de ce texte ; il sera étudié de façon plus appropriée.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 1 rectifié.

J’ai été saisi d’une demande de scrutin public émanant du groupe Les Républicains.

Je rappelle que l’avis de la commission est défavorable, de même que celui du Gouvernement.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

(Le scrutin a lieu.)

M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J’invite Mmes et MM. les secrétaires à constater le résultat du scrutin.

(Mmes et MM. les secrétaires constatent le résultat du scrutin.)

M. le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 203 :

Nombre de votants 341
Nombre de suffrages exprimés 329
Pour l’adoption 112
Contre 217

Le Sénat n’a pas adopté.

Après l’article 3
Dossier législatif : proposition de loi visant à indexer les salaires sur l'inflation
Article 4 (fin)

Article 4

Le I de l’article L. 241-13 du code de la sécurité sociale est complété par deux alinéas ainsi rédigés :

« La réduction dont bénéficie chaque employeur est minorée en fonction de l’augmentation annuelle des salaires, au minimum selon le taux prévisionnel d’évolution de la moyenne annuelle de l’indice des prix à la consommation des ménages, hors tabac, annexé au projet de loi de finances de l’année de versement, arrondi au demi-entier supérieur.

« Un décret précise les modalités de calcul de la minoration de la réduction dégressive des cotisations patronales. »

M. le président. Mes chers collègues, je vais mettre aux voix l’article 4.

Si cet article n’était pas adopté, je considérerais que le vote est le même pour l’article 5, qui deviendrait sans objet.

Il n’y aurait par ailleurs plus lieu de mettre aux voix l’ensemble de la proposition de loi, puisque tous les articles qui la composent auraient été successivement supprimés par le Sénat.

Il n’y aurait donc pas d’explications de vote sur l’ensemble.

Dans ces conditions, quelqu’un demande-t-il la parole pour expliquer son vote sur l’article 4 ?

La parole est à M. Ian Brossat, pour explication de vote sur l’article.