Mme la présidente. La parole est à Mme Laurence Harribey, sur l'article.

Mme Laurence Harribey. Mes chers collègues, vous voudrez bien m'excuser si mon intervention vous paraît un peu décalée par rapport à la discussion passionnante que nous venons d'avoir.

Nous adhérons totalement à l'esprit de cet article 10, qui vise à créer une infraction spécifique pour l'incitation des mineurs au trafic de stupéfiants via les plateformes numériques.

Si je prends la parole sur cet article, c'est pour relever qu'il est le seul dans ce texte à concerner les mineurs. On sait pourtant que ces derniers jouent un rôle essentiel dans les affaires de stupéfiants et qu'il faut les prendre en compte dans la lutte contre le narcotrafic.

Il est donc positif qu'il figure dans le texte. Il est évidemment positif de pénaliser la publication de tels contenus, mais cela ne suffira pas pour résoudre le problème de l'utilisation des mineurs par les narcotrafiquants.

Les mineurs sont des cibles faciles, d'une part, parce qu'ils peuvent être aisément convaincus, d'autre part, parce que, du fait de leur âge, ils peuvent échapper aux poursuites pénales. Il est donc facile de les utiliser dans les circuits de narcotrafic.

Je tenais à mettre l'accent sur ce point. Il nous faudra ensuite travailler sur les questions de prévention et d'accompagnement des mineurs, dont il n'est pas question dans la présente proposition de loi.

Mme la présidente. La parole est à M. Guy Benarroche, sur l'article.

M. Guy Benarroche. Comme Mme Harribey, je souligne que cet article est le seul qui concerne, de trop loin sûrement, les mineurs, sur lesquels se referme le piège du narcotrafic.

Nous avons souvent et longuement discuté de ce sujet. Lorsque nous avons auditionné des familles des quartiers de Marseille gangrénés par le trafic de drogue – M. le ministre était présent –, nous avons mesuré l'importance du problème que posent les mineurs. La question du recrutement des enfants – souvent, pour ne pas dire toujours, sur les réseaux sociaux – nous a été posée.

Les narcotrafiquants sont des entrepreneurs capitalistes assumés. Ils sous-traitent et utilisent la main-d'œuvre la moins chère possible, désœuvrée et si possible précaire.

Si cet article va dans le bon sens, nous espérons que Pharos aura les moyens de traiter tous les signalements.

Nous saluons l'ouverture de la réflexion sur la précarité des jeunes. Issus parfois de l'aide sociale à l'enfance (ASE), ils sont incités à répondre à de telles annonces. Nous regrettons que cette proposition de loi ne comporte pas un volet économique et social plus complet et qu'elle ne prévoie pas de mesures de prévention et d'information des jeunes, afin de les accompagner et de tarir la source de recrutement qu'ils constituent pour les narcotrafiquants. Cela permettrait de lutter plus efficacement contre le narcotrafic.

Nous pensons néanmoins que cet article est souhaitable et qu'il présente un intérêt, car il s'agit du seul, nous l'avons dit, qui concerne les mineurs.

Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements identiques.

L'amendement n° 49 rectifié est présenté par Mme V. Boyer, M. Rapin, Mme Dumas, MM. Naturel, Reynaud et Panunzi, Mme Belrhiti, MM. Piednoir, Khalifé et C. Vial, Mmes Garnier, Goy-Chavent et Micouleau, M. Meignen, Mme Pluchet, MM. Pellevat, Genet, Bouchet et Sido, Mmes Josende et Berthet, M. Daubresse, Mmes Gruny et Bellurot, MM. Saury et Reichardt et Mme Borchio Fontimp.

L'amendement n° 54 rectifié ter est présenté par Mme Ciuntu, M. Cambon, Mmes Gosselin et Dumont, MM. P. Vidal, Karoutchi et Burgoa, Mme Puissat, M. Allizard et Mme Aeschlimann.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

I. – Au début

Insérer un paragraphe ainsi rédigé :

…. – Au premier alinéa de l'article 227-18-1 du code pénal, après le mot : « stupéfiants », sont insérés les mots : « ou à se livrer à une activité ayant pour objet de faciliter le transport, la détention, l'offre ou la cession de stupéfiants » ;

II. – Alinéa 2

Après le mot :

stupéfiants

insérer les mots :

ou de se livrer à une activité ayant pour objet de faciliter le transport, la détention, l'offre ou la cession de stupéfiants

La parole est à Mme Valérie Boyer, pour présenter l'amendement n° 49 rectifié.

Mme Valérie Boyer. Cet amendement vise à étendre le champ des délits relatifs à la provocation de mineurs à se livrer à un trafic de stupéfiants à toute provocation à mener toute activité ayant pour objet de faciliter le trafic. Cet amendement tend à protéger les mineurs.

La commission d'enquête du Sénat sur l'impact du narcotrafic en France et les mesures à prendre pour y remédier, a mis en évidence, dans son rapport, un phénomène, particulièrement préoccupant, de rajeunissement du trafic. Il s'agit des mineurs les plus vulnérables, les mineurs non accompagnés, mais également les mineurs relevant de l'aide sociale à l'enfance. S'ils ne sont pas en difficulté au départ, ces mineurs le deviennent très vite quand ils sont à la main de réseaux.

Le phénomène s'est considérablement développé sous l'effet de l'ubérisation du trafic et du recrutement massif de jeunes via les réseaux sociaux, pour effectuer des missions de petites mains au profit des narcotrafiquants. C'est particulièrement poignant.

Cela a été dit lors de la discussion générale, nous avons rencontré, notamment à Marseille, des associations qui nous ont décrit – mais nous le savions pour être confrontés à ce phénomène en tant qu'élus marseillais –, le recrutement de mineurs pour trafiquer, hurler, prévenir, en bref pour exécuter toutes les basses besognes liées au trafic de stupéfiants.

L'article 10 de la proposition de loi, en prévoyant une pénalisation renforcée de ces opérations de recrutement, constitue un élément de réponse nécessaire et bienvenu face à ce fléau abominable qui touche les mineurs.

Tout autant que les autres petites mains, les guetteurs sont exposés aux dangers du trafic, notamment à la violence des règlements de compte. Il est par conséquent légitime que le fait de les démarcher pour les recruter soit puni des mêmes peines.

Les dispositifs relatifs à la provocation à détenir, à transporter, à céder ou à offrir des stupéfiants excluent par exemple l'activité de certains guetteurs.

C'est pourquoi il faut protéger les mineurs, quelles que soient les tâches qu'ils accomplissent dans ce trafic de la mort.

Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Carole Ciuntu, pour présenter l'amendement n° 54 rectifié ter.

Mme Marie-Carole Ciuntu. Il est défendu, madame la présidente.

Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?

Mme Muriel Jourda, rapporteur. Mmes Boyer et Ciuntu ont été deux membres éminentes et assidues de la commission d'enquête,...

M. Jérôme Durain, rapporteur. C'est vrai !

Mme Muriel Jourda, rapporteur. ... de sorte que je ne suis pas étonnée par les amendements qu'elles ont déposés, lesquels visent à protéger les mineurs, qui ne sont pas visés par toutes les infractions existantes aujourd'hui.

La commission émet donc un avis favorable sur ces amendements identiques.

Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Gérald Darmanin, garde des sceaux. Même avis.

Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 49 rectifié et 54 rectifié ter.

(Les amendements sont adoptés.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 10, modifié.

(L'article 10 est adopté.)

Après l'article 10

Mme la présidente. L'amendement n° 94 n'est pas soutenu.

L'amendement n° 112 rectifié, présenté par MM. Khalifé et Panunzi, Mme Gruny, MM. Karoutchi et L. Vogel, Mme Imbert, MM. Sautarel, Belin, H. Leroy et Burgoa, Mme Belrhiti, M. Maurey, Mme Dumont, MM. Bruyen et Paul, Mme Borchio Fontimp, M. P. Vidal, Mmes Micouleau et Petrus, MM. Courtial et Nougein, Mme Malet, MM. Chasseing, D. Laurent, Saury, Kern, C. Vial, Wattebled et Bleunven, Mmes Herzog, Paoli-Gagin et Romagny, M. Sido et Mmes Guidez, Josende et Ventalon, est ainsi libellé :

Après l'article 10

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Après l'article 132-6 du code pénal, il est inséré un article ainsi rédigé :

« Art. 132-6-... – Par dérogation aux articles 132-2 à 132-5, les peines prononcées pour les crimes ou délits mentionnés aux articles 706-73 et 706-73-1 du code de procédure pénale commis en concours se cumulent entre elles, sans possibilité de confusion, dans la limite d'un maximum légal fixé à trente ans de réclusion criminelle. Ce maximum légal ne s'applique pas lorsque la réclusion criminelle à perpétuité, encourue pour l'une ou plusieurs de ces infractions en concours, a été prononcée.

« Pour l'application du présent article, les peines privatives de liberté sont de même nature et toute peine privative de liberté est confondue avec une peine perpétuelle.

« La dernière juridiction appelée à statuer sur l'une des infractions commises en concours peut, par une décision spécialement motivée, décider de ne pas faire application du présent article. »

La parole est à M. Laurent Burgoa.

M. Laurent Burgoa. Cet amendement de notre collègue Khalifé Khalifé vise à créer un cas de dérogation aux règles de plafonnement des peines applicables aux infractions commises en concours et liées à la criminalité organisée.

En l'état du droit, l'article 132-4 du code pénal prévoit que, lorsque de telles infractions sont commises en concours, c'est-à-dire quand la seconde infraction a été commise avant qu'une condamnation n'ait été prononcée pour la première, les peines prononcées se cumulent entre elles, dans la limite du maximum légal le plus élevé.

Il en résulte un effet d'aubaine pour les narcotrafiquants, qui peuvent dans bien des cas poursuivre leur activité en détention provisoire, sans craindre, de fait, d'aggravation de la peine qu'ils encourent.

Les dispositions du présent amendement constituent ainsi un élément de réponse face à la nécessité, soulignée avec force par la commission d'enquête du Sénat sur l'impact du narcotrafic en France, de renforcer la lutte contre la poursuite des trafics en prison.

De tels comportements, en effet, portent une atteinte grave à l'administration publique comme à l'autorité de la justice, atteinte dont la nature justifie déjà, en l'état du droit, une dérogation aux règles de droit commun en matière de concours d'infraction pour les délits d'évasion ou de rébellion commise par un détenu.

Afin de garantir la proportionnalité de la mesure, cet amendement tend à cibler celle-ci sur les infractions relevant de la criminalité organisée. Le cumul des peines encourues ne pourrait excéder un maximum légal fixé à trente ans de réclusion criminelle. Au surplus, la juridiction conserverait la possibilité, par décision spécialement motivée, de ne pas déroger aux règles de droit commun en matière de concours d'infraction.

Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jérôme Durain, rapporteur. Cet amendement de notre collègue Khalifé Khalifé, défendu par Laurent Burgoa, tous deux membres assidus de la commission d'enquête, vise à déroger aux règles de plafonnement des peines en cas de concours d'infractions liées à la criminalité organisée.

Les auteurs de l'amendement partent du constat que ces règles créent un effet d'aubaine pour les trafiquants, qui peuvent poursuivre leur trafic en prison sans risque de voir leur peine maximale aggravée. Ce constat est corroboré par des magistrats que nous avons auditionnés au cours de nos travaux et qui ont même plaidé pour la suppression pure et simple de ces règles de plafonnement des peines.

Le ciblage proposé par les auteurs de l'amendement sur les infractions liées à la criminalité organisée nous paraît davantage proportionné et pertinent.

Au demeurant, comme l'a rappelé notre collègue Burgoa, de telles dérogations existent déjà dans notre droit pénal, pour mieux réprimer des infractions qui défient l'autorité de la justice.

Le passage par la prison est perçu par les narcotrafiquants comme une case à cocher dans leur cursus. Ils sont pleinement au fait des peines qu'ils encourent et du fonctionnement de notre justice pénale. Cette case prison, il nous appartient de la rendre plus dissuasive. Je sais que le garde des sceaux est déterminé à agir dans ce sens.

La commission émet donc un avis favorable sur cet amendement.

Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Gérald Darmanin, garde des sceaux. Sagesse.

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 112 rectifié.

(L'amendement est adopté.)

Mme la présidente. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans la proposition de loi, après l'article 10.

L'amendement n° 46 rectifié septies, présenté par MM. Rochette, Malhuret, Longeot, A. Marc, Capus, Chevalier et L. Vogel, Mme Paoli-Gagin, M. Chasseing, Mme L. Darcos, M. V. Louault, Mme Bourcier, M. Verzelen, Mme Lermytte, MM. Médevielle, Brault, Wattebled, Khalifé, Maurey et Meignen, Mmes Pluchet et Doineau, MM. Dhersin, Henno et Courtial, Mme Romagny, M. Bonneau, Mme Saint-Pé, M. Bleunven, Mmes Billon et Sollogoub, M. Hingray et Mmes Perrot et Phinera-Horth, est ainsi libellé :

Après l'article 10

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I.- L'article 222-37 du code pénal est complété par trois alinéas ainsi rédigés :

« …. – Toute personne coupable de ces infractions, lorsqu'elles ont été constatées à bord d'un véhicule à moteur, encourt également les peines complémentaires suivantes :

« 1° La suspension, pour une durée de trois ans ou plus, du permis de conduire.

« 2° La confiscation du véhicule. »

II. – Le code de la route est ainsi modifié :

1° Le premier alinéa de l'article L. 325-1-1 est complété par les mots :« immatriculé en France ou à l'étranger » ;

2° Le troisième alinéa du II de l'article L. 325-1-2 est ainsi rédigé :

« Les frais d'enlèvement et de garde en fourrière sont à la charge du propriétaire. Toutefois, en cas de vol du véhicule ayant servi à commettre l'infraction ou lorsque le véhicule était loué à titre onéreux à un tiers prouvant sa bonne foi, l'immobilisation ou la mise en fourrière est levée dès qu'un conducteur qualifié proposé par le titulaire du certificat d'immatriculation du véhicule peut en assurer la conduite. »

La parole est à M. Pierre Jean Rochette.

M. Pierre Jean Rochette. Ce texte, nous l'avons vu, prévoit des sanctions pénales et financières pour les narcotrafiquants.

Par cet amendement, nous proposons de nous en prendre également à la logistique et à l'organisation des transports des narcotrafiquants, plus communément appelés go fast.

Cet amendement vise ainsi à faciliter la saisie et la confiscation des véhicules utilisés par les narcotrafiquants, y compris ceux qui sont immatriculés à l'étranger. En effet, si nous ne précisons pas ce point, les narcotrafiquants vont rapidement exploiter cette faille législative et se réorganiser pour rouler avec des plaques d'immatriculation étrangères.

Nous proposons également, en peine complémentaire, d'alourdir les sanctions pour les conducteurs. Nous prévoyons enfin une porte de sortie pour les loueurs qui parviendraient à prouver leur bonne foi et pourraient ainsi récupérer leur matériel facilement.

Les narcotrafiquants, nous l'avons déjà dit, travaillent en galaxie ou en autarcie. Nombre de véhicules loués à l'étranger font ainsi partie de la galaxie du narcotrafic. Les loueurs sont souvent engagés dans le même trafic.

Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jérôme Durain, rapporteur. Notre collègue souhaite créer une peine complémentaire de suspension du permis de conduire et de confiscation du véhicule des narcotrafiquants. Il s'agit d'une intuition puissante.

Cependant, cette mesure nous semble satisfaite par le droit existant. En effet, l'article 222-44 du code pénal permet déjà de condamner les personnes coupables des infractions liées au trafic de stupéfiants à la suspension de leur permis pour une durée de cinq ans, à l'annulation du permis avec une interdiction de solliciter la délivrance d'un nouveau permis pendant cinq ans et à la confiscation d'un ou plusieurs véhicules.

Pour cette raison, nous demandons le retrait de cet amendement ; à défaut, nous émettrions un avis défavorable.

Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Gérald Darmanin, garde des sceaux. Même avis.

Mme la présidente. La parole est à M. Pierre Jean Rochette, pour explication de vote.

M. Pierre Jean Rochette. J'entends bien vos arguments, monsieur le rapporteur.

Toutefois, cette proposition ne sort pas de notre chapeau. Nous l'avons travaillée avec les services des douanes, qui ont accepté de nous répondre. Aujourd'hui, on ne saisit pas une voiture immatriculée à l'étranger ! L'administration hésite souvent à le faire en raison de la complexité administrative que suppose une saisie.

Nous proposons ici une saisie automatique, systématique. Si nous ne précisons pas que sont saisis les véhicules immatriculés à l'étranger, nous ne confisquerons que les véhicules français utilisés pour des go fast, et pas les autres. Ainsi, nous ne réglerions pas totalement le problème.

Mme la présidente. La parole est à Mme le rapporteur.

Mme Muriel Jourda, rapporteur. M. le ministre et moi venons d'échanger brièvement d'un banc à l'autre. Il est possible que les immatriculations à l'étranger soient un problème, en effet.

Nous avions demandé le retrait de l'amendement, mais nous allons à présent émettre un avis favorable. Dans le doute, il vaut mieux adopter cet amendement, afin de pouvoir y revenir au cours de la navette, plutôt que le rejeter alors qu'il serait nécessaire.

La commission émet donc un avis favorable.

Mme la présidente. Quel est là présent l'avis du Gouvernement ?

M. Gérald Darmanin, garde des sceaux. Même avis favorable.

M. Pierre Jean Rochette. C'est formidable, je vais dormir tranquille ! (Sourires.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 46 rectifié septies.

(L'amendement est adopté.) – (M. Pierre Jean Rochette applaudit.)

Mme la présidente. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans la proposition de loi, après l'article 10.

Chapitre II

Lutte contre le narcotrafic dans les outre-mer

Article 11

I. – L'article 706-88-2 du code de procédure pénale est ainsi rétabli :

« Art. 706-88-2. – Lorsque la présence de substances stupéfiantes dans le corps de la personne gardée à vue pour une infraction mentionnée au 3° de l'article 706-73 est établie dans les conditions prévues au présent article, le juge des libertés et de la détention peut, à titre exceptionnel et selon les modalités prévues au deuxième alinéa de l'article 706-88, décider que la garde à vue en cours de cette personne fera l'objet d'une prolongation supplémentaire de vingt-quatre heures.

« Avant l'expiration du délai de garde à vue prévu au même article 706-88, la personne pour laquelle la prolongation exceptionnelle de la garde à vue est envisagée est examinée par un médecin désigné par le procureur de la République, le juge d'instruction ou l'officier de police judiciaire. Le médecin délivre un certificat médical par lequel il établit la présence ou l'absence de substances stupéfiantes dans le corps de la personne et se prononce sur l'aptitude au maintien en garde à vue. Ce certificat est versé au dossier.

« À l'expiration de la quatre-vingt-seizième heure, la personne dont la prolongation de la garde à vue est ainsi décidée peut demander à s'entretenir avec un avocat, selon les modalités prévues à l'article 63-4. La personne gardée à vue est avisée de ce droit dès la notification de la prolongation prévue au présent article.

« Elle est également avisée de son droit de demander un nouvel examen médical au cours de la prolongation.

« S'il n'a pas été fait droit à la demande de la personne gardée à vue de faire prévenir, par téléphone, une personne avec laquelle elle vit habituellement ou l'un de ses parents en ligne directe, l'un de ses frères et sœurs ou son employeur, de la mesure dont elle fait l'objet, dans les conditions prévues aux articles 63-1 et 63-2, elle peut réitérer cette demande à compter de la quatre-vingt-seizième heure. »

II. – Après l'article 222-44-1 du code pénal, il est inséré un article 222-44-2 ainsi rédigé :

« Art. 222-44-2. – Les personnes physiques coupables des infractions prévues aux articles 222-34 à 222-40 encourent également les peines complémentaires suivantes :

« 1° L'interdiction, pour une durée de trois ans au plus, de prendre place dans tout aéronef réalisant un vol commercial au départ et à destination d'aéroports dont la liste est fixée par la juridiction eu égard aux risques de récidive ou de réitération de l'infraction commise ;

« 2° L'interdiction, pour une durée de trois ans au plus, de paraître dans les aéroports dont la liste est fixée par la juridiction eu égard aux risques de récidive ou de réitération de l'infraction commise. »

Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 134, présenté par M. Benarroche, Mme M. Vogel, MM. G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mmes Ollivier et Poncet Monge, M. Salmon et Mmes Senée et Souyris, est ainsi libellé :

Alinéas 1 à 6

Supprimer ces alinéas.

La parole est à M. Guy Benarroche.

M. Guy Benarroche. Nous demandons la suppression des alinéas 1 à 6 de l'article 11, car nous jugeons qu'ils risquent de créer un déséquilibre entre les justiciables. En outre, l'adoption de dérogations exceptionnelles au droit commun ne donne pas les résultats attendus en matière de lutte contre le narcotrafic.

L'article 11 étend une mesure de privation de liberté au nom de l'efficacité. Nous avons alerté plusieurs fois, lors de l'examen d'autres projets de loi, sur les dérogations ponctuelles, qui finissent soit par être prolongées indéfiniment, soit par être généralisées. Nous connaissons beaucoup d'exemples, sur lesquels je ne reviendrai pas.

La durée de la garde à vue en cas de soupçon de trafic de stupéfiants est fixée à quarante-huit heures. Elle peut être prolongée de quarante-huit heures et portée à quatre-vingt-seize heures, soit quatre jours.

Cet article prévoit une prolongation supplémentaire pour les mules, ces personnes qui acheminent de la drogue dans leur corps, au-delà de quatre jours si elles n'ont pas expulsé auparavant toute la drogue qu'elles ont ingérée. Je pense que peu de personnes sont dans ce cas au bout de quatre jours, mais admettons que celui puisse arriver.

Cet article donne au médecin le rôle non pas de mettre fin à une mesure de privation de liberté – un médecin peut mettre fin à une telle mesure en raison de l'état de santé de la personne concernée –, mais au contraire de la prolonger.

On demande ainsi au médecin de recommander une mesure de privation de liberté dont l'objectif est judiciaire et non médical. Si l'objectif était purement médical, une hospitalisation d'office pourrait être prévue, mais en aucun cas une prolongation de la garde à vue.

Selon le Syndicat de la magistrature, « il est paradoxal d'envisager la prolongation d'une mesure de garde à vue pour répondre à une situation de danger imminent, alors que cette situation pourrait motiver la levée de la mesure pour incompatibilité médicale. » Il y a là une contradiction !

Telles sont les raisons pour lesquelles nous proposons de supprimer ces alinéas.

Mme la présidente. L'amendement n° 140, présenté par M. Benarroche, Mme M. Vogel, MM. G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mmes Ollivier et Poncet Monge, M. Salmon et Mmes Senée et Souyris, est ainsi libellé :

Alinéa 3

Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :

En cas de renouvellement de la durée de la garde à vue, la personne placée en garde à vue bénéficie des droits qui lui sont garantis par l'article 63-1 du code de procédure pénale.

La parole est à M. Guy Benarroche.

M. Guy Benarroche. Cet amendement vise à préciser que, en cas de prolongation de la garde à vue, comme le prévoit l'article 11 de la présente proposition de loi, la personne placée en garde à vue continue de bénéficier des droits garantis par l'article 63-1 du code de procédure pénale, notamment celui d'être examinée par un médecin et assistée par un avocat, et ce chaque fois que la garde à vue sera prolongée.

Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jérôme Durain, rapporteur. Cet article est le fruit des travaux de la commission, comme les enquêtes patrimoniales systématiques et les cellules de renseignement opérationnel sur les stupéfiants (Cross).

Les auditions auxquelles nous avons procédé nous ont vraiment convaincus de conserver l'hyperprolongation médicale de la garde à vue. Ce que proposent notre collègue Guy Benarroche et ses collègues est donc contraire à ce que nous avons voté en commission.

Il nous semble tout de même que, entre la rédaction initiale de l'article et le dispositif que nous examinons ce soir, nous avons sensiblement renforcé l'encadrement de la mesure. Ainsi, nous en limitons la durée à cent vingt heures.

Nous précisons les conditions dans lesquelles la prolongation exceptionnelle de la garde à vue peut être décidée, en prévoyant qu'un certificat médical, versé au dossier, établisse la présence de substances stupéfiantes dans le corps de la personne et se prononce sur son aptitude au maintien en garde à vue.

Nous prévoyons des garanties pour la personne concernée à l'expiration de la quatre-vingt-seizième heure de garde à vue : la possibilité de s'entretenir avec un avocat ; le droit de demander un nouvel examen médical ; la possibilité de réitérer une demande tendant à faire prévenir, par téléphone, une personne avec laquelle elle vit habituellement ou un membre de sa famille.

Dans ces conditions sécurisées, la proportionnalité du diapositif nous paraît garantie.

Nous émettons donc un avis défavorable sur l'amendement n° 134 et demandons le retrait de l'amendement n° 140.

Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Gérald Darmanin, garde des sceaux. L'interrogation de M. Benarroche sur les quatre jours de garde à vue peut s'entendre.

Je rappelle que, parmi les mules, il y a des femmes enceintes et des enfants. Ces réseaux d'exploitation des êtres humains, en Guyane, mais pas seulement, mettent les mules en danger.

En tant que ministre de l'intérieur, j'ai vu en Guyane à plusieurs reprises des gens qui ingéraient à la fois de la cocaïne sous forme de ballots et des produits constipants. Les élus de la Guyane pourraient mieux en parler que nous. La classique mécanique des fluides, monsieur Benarroche, ne fonctionne manifestement pas ici, hélas !

De plus en plus d'organisations s'appuient même parfois sur des médecins, plus ou moins agréés par la faculté, pour que ces personnes puissent passer des contrôles. Je pense donc que, s'agissant de cette durée, vous faites une erreur d'appréciation, monsieur Benarroche.

Par ailleurs, le dispositif proposé par la commission aidera beaucoup les services enquêteurs, car il allégera considérablement les procédures. Aujourd'hui, le parquet doit ouvrir une enquête avant de placer les gens en garde à vue, puis une information judiciaire. Ce que propose la commission est beaucoup plus simple, face à l'exploitation d'êtres humains par des organisations de mules.

Le Gouvernement émet donc un avis défavorable sur ces deux amendements.

Mme la présidente. La parole est à M. Guy Benarroche, pour explication de vote.

M. Guy Benarroche. Que des personnes soient en danger, pour les raisons que vous avez expliquées, monsieur le ministre, j'en conviens. C'est certain.

Toutefois, est-il justifié de prolonger une garde à vue, qui est une mesure judiciaire destinée à obtenir un certain nombre de renseignements, pour des raisons médicales ? C'est paradoxal…

Quand les magistrats mettent en cause cette prolongation dérogatoire de la garde à vue, c'est ce point qu'ils soulèvent. Est-ce qu'un médecin peut prolonger une garde à vue au motif que la personne est en danger ? N'existe-t-il pas d'autres solutions pour que cette personne ne soit pas en danger ?