2° Après l’article 60-1, il est inséré un article 60-1-1 A ainsi rédigé :

« Art. 60-1-1 A. – Dans le cadre d’une enquête ou d’une instruction concernant l’un des crimes ou délits entrant dans le champ d’application des articles 222-34 à 222-43-1 du code pénal ou des articles 706-73 et 706-73-1 du code de procédure pénale, le procureur de la République, le juge d’instruction, les officiers de police judiciaire ainsi que les agents des douanes et les agents des services fiscaux habilités à effectuer des enquêtes judiciaires en application, respectivement, des articles 28-1 et 28-2, peuvent requérir d’une personne qu’elle justifie de ressources correspondant à son train de vie ou de l’origine d’un bien détenu.

« Le fait de s’abstenir de répondre à cette réquisition dans les meilleurs délais et, s’il y a lieu, selon les normes exigées, est puni d’une amende de 10 000 euros.

« En l’absence de réponse ou en cas de réponse insuffisante, le juge des libertés et de la détention peut, sur requête du procureur de la République, ordonner par décision motivée la saisie, aux frais avancés du Trésor, des biens dont la confiscation est prévue en application des sixième et septième alinéas de l’article 131-21 du code pénal lorsque la loi qui réprime le crime ou le délit le prévoit ou lorsque l’origine de ces biens ne peut être établie. »

III (nouveau). – Le B du paragraphe 3 de la section 1 du chapitre VI du titre XII du code des douanes est ainsi modifié :

1° Après le 2° de l’article 415, il est inséré un 3° ainsi rédigé :

« 3° Aux opérations de placement ou de conversion portant sur des actifs numériques mentionnés au 2°. » ;

2° L’article 415-1 est complété par trois alinéas ainsi rédigés :

« Le présent article est également applicable :

« 1° À toute opération effectuée au moyen d’un crypto-actif à anonymat renforcé ou de fonds acheminés par l’intermédiaire d’un mixeur ou d’un mélangeur de crypto-actifs ;

« 2° Lorsque les conditions matérielles, juridiques ou financières des opérations d’exportation, d’importation, de transfert ou de compensation ainsi que de placement ou de conversion des actifs numériques mentionnés à l’article L. 54-10-1 du code monétaire et financier ne peuvent avoir d’autre justification que de dissimuler le bénéficiaire effectif du fonds ou de ces actifs numériques. »

Mme la présidente. La parole est à Mme Catherine Conconne, sur l’article.

Mme Catherine Conconne. Nous entrons enfin dans le dur, mes chers collègues ! Il est question à cet article de cryptomonnaies, de ressources inexpliquées, de phénomènes auxquels il faut s’adapter et face auxquels les magistrats – ils nous le répètent régulièrement – ont peu de moyens d’agir.

Cet article est donc important, en ce qu’il allège des procédures trop longues et complexes à mettre en place. Les magistrats pourront faire des tirs groupés en demandant aux personnes sur lesquelles ils enquêtent de justifier de leurs ressources et de leur patrimoine. Ainsi, ils pourront prendre les décisions qui s’imposent. Bref, cet article va dans le bon sens !

Mme la présidente. L’amendement n° 213, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

I. – Alinéa3

Rédiger ainsi cet alinéa :

« Cette présomption s’applique à toute opération effectuée, dans les conditions prévues au premier alinéa, au moyen d’un crypto-actif comportant une fonction d’anonymisation intégrée ainsi qu’au moyen de tout type de compte ou technique permettant l’anonymisation ou l’opacification des opérations en crypto-actifs. »

II. – Alinéas 13 à 16

Remplacer ces alinéas par quatre alinéas ainsi rédigés :

2° L’article 415-1 est ainsi modifié :

a) Après le mot : « dissimuler » la fin de la phrase est ainsi rédigée « l’origine ou le bénéficiaire effectif de ces fonds ou actifs numériques. » ;

b) il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :

« Cette présomption s’applique à toute opération effectuée, dans les conditions prévues au premier alinéa, au moyen d’un crypto-actif comportant une fonction d’anonymisation intégrée ainsi qu’au moyen de tout type de compte ou technique permettant l’anonymisation ou l’opacification des opérations en crypto-actifs. »

La parole est à Mme la ministre.

Mme Amélie de Montchalin, ministre. Cet amendement vise à étendre le champ d’application de la présomption d’origine illicite, dans les cas de blanchiment pénal ou douanier, aux cryptoactifs anonymisés par des mixeurs, ce qui permettra d’enclencher les procédures, les enquêtes et les contrôles.

Ainsi, nous nous assurons que les nouvelles technologies ne sont pas l’apanage des trafiquants.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Muriel Jourda, rapporteur. Il est favorable, madame la présidente.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 213.

(Lamendement est adopté.)

Mme la présidente. L’amendement n° 123, présenté par M. Benarroche, Mme M. Vogel, MM. G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mmes Ollivier et Poncet Monge, M. Salmon et Mmes Senée et Souyris, est ainsi libellé :

Alinéa 5

Rétablir le 1° dans la rédaction suivante :

1° La deuxième phrase du premier alinéa de l’article 17 est complétée par les mots : « ; de telles enquêtes sont systématiquement conduites lorsque les investigations portent sur les infractions prévues à l’article 222-34 et au deuxième alinéa des articles 222-35 et 222-36 du code pénal » ;

La parole est à M. Guy Benarroche.

M. Guy Benarroche. Je l’ai dit tout à l’heure et je le répète : frapper les criminels au portefeuille, voilà ce qu’il faut faire, encore et toujours !

Le présent article est le fruit des divers entretiens que nous avons eus avec les acteurs de la lutte contre le narcotrafic dans le cadre de notre commission d’enquête. Dans sa rédaction actuelle, la solution proposée nous paraît néanmoins imparfaite, car il n’est pas remédié au manque de moyens et de formation dans les services d’enquête.

Les compétences nécessaires en la matière relèvent aussi du ministère de l’économie, dont les représentants sont trop souvent absents de nos débats.

Nous avons entendu les professionnels de la justice nous faire part de ces difficultés lors de nos déplacements. C’est la raison pour laquelle nous proposons de rédiger cet article d’une manière un peu plus équilibrée.

Force est de constater qu’un manque de moyens chronique a été organisé par les différents gouvernements qui se sont succédé ces dernières années. Tout en tenant compte de cette réalité, le présent amendement vise à garantir la systématicité des enquêtes patrimoniales pour les trois infractions les plus graves : direction ou organisation de trafic de stupéfiants ; production illicite de stupéfiants en bande organisée ; importation et exportation illicite de stupéfiants en bande organisée.

La lutte contre le blanchiment doit se fonder sur la diffusion et la mise en œuvre des compétences de l’État via des enquêtes patrimoniales. Le manque actuel de formation et le nombre insuffisant d’agents ne sauraient justifier que l’on compromette cette étape essentielle du processus d’enquête.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Muriel Jourda, rapporteur. Comme son nom l’indique, une enquête patrimoniale porte sur le patrimoine et les actifs d’une personne dont la justice a des raisons de penser qu’elle a commis une infraction.

Le présent texte, dans sa version initiale, prévoyait de rendre systématique la réalisation d’enquêtes patrimoniales par les services concernés. C’est ce qu’on appelle une fausse bonne idée ; Jérôme Durain et moi-même nous en sommes rendu compte au fil des auditions que nous avons menées.

Les services d’enquête nous l’ont tous dit, ces enquêtes ne sont pas utiles tout le temps. En les rendant obligatoires dans tous les cas, même lorsqu’elles ne sont pas réellement opportunes, on obligerait ces services à accomplir un travail important même quand il ne peut aboutir à rien. (M. le garde des sceaux opine.)

Est-ce faute de moyens que ces enquêtes ne sont pas réalisées ? Pas nécessairement, du moins pas tout le temps. L’Agence de gestion et de recouvrement des avoirs saisis et confisqués (Agrasc), qui dispose désormais d’antennes régionales, est très à l’écoute des services d’enquête et les aide à mener leurs investigations en matière patrimoniale.

Il n’empêche qu’on déplore encore un manque de culture au sein des services d’enquête sur ces aspects patrimoniaux. Toutefois, c’est un problème que nous devons traiter à part.

En attendant, nous ne sommes pas favorables au fait d’encombrer divers services d’enquête ou d’instruction en leur demandant de réaliser des enquêtes systématiques, alors qu’elles ne sont pas toujours nécessaires. Je propose donc de nous en tenir au texte de la commission.

L’avis de la commission sur cet amendement est donc défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Gérald Darmanin, garde des sceaux. Je veux rassurer M. Benarroche : nous ne mettons pas de côté les questions patrimoniales. Je tiens à respecter l’indépendance des magistrats du parquet ; c’est pourquoi je ne suis pas favorable au caractère systématique des enquêtes. Toutefois, j’ai adressé hier une circulaire aux procureurs de la République afin de les inciter fortement à ouvrir des enquêtes pour blanchiment en parallèle des enquêtes qui suivent des saisies ou des interpellations.

Compte tenu de mon expérience comme ministre des comptes publics, puis ministre de l’intérieur, je sais que c’est aux préfets et aux procureurs qu’il revient de communiquer avec les directeurs départementaux des finances publiques, non pas pour ordonner un contrôle fiscal sur telle ou telle personne, mais pour définir une politique de contrôle fiscal.

Ainsi, en se référant à plusieurs critères, on peut parfois douter de la légalité des certains patrimoines. Dans ce cas, il n’est pas toujours nécessaire de mener une enquête de police proprement dite, qui suppose de mobiliser beaucoup d’officiers de police judiciaire (OPJ), déjà peu nombreux à être compétents en matière fiscale et financière. Il est possible, dans ce genre de situations, de mener de simples contrôles administratifs ; certes, ce ne sont pas des contrôles patrimoniaux à proprement parler, mais cela s’en approche beaucoup.

Les responsables d’administration que nous sommes ont bien compris votre intention, monsieur le sénateur. Toutefois, notre avis sera le même que celui de la commission : défavorable.

Mme la présidente. La parole est à M. Hussein Bourgi, pour explication de vote.

M. Hussein Bourgi. Sur ce sujet, il y a un débat entre ambition et résignation :…

Mme Muriel Jourda, rapporteur. Absolument pas !

M. Hussein Bourgi. … ambition, parce que nous voulons ordonner des enquêtes systématiques ; résignation, car nous savons, en l’état, que les moyens humains n’y suffiront pas. (M. le garde des sceaux proteste.)

C’est la raison pour laquelle nous nous replions sur ce qu’on appelle pudiquement le « haut du spectre », à savoir les infractions les plus graves.

Mme Muriel Jourda, rapporteur. Quel est le rapport ?

M. Hussein Bourgi. Or les échanges que j’ai eus avec plusieurs professionnels et les auditions que nous avons menées ont révélé que ce sont parfois les infractions de moindre gravité qui permettent de découvrir des infractions beaucoup plus graves.

Nous nous apprêtons, dans quelques instants, à choisir la résignation : c’est bien dommage !

Mme la présidente. La parole est à M. le garde des sceaux.

M. Gérald Darmanin, garde des sceaux. Ce qui est dommage, monsieur Bourgi, c’est que vous abordiez les choses d’une façon aussi politicienne : cela ne vous ressemble pas ! Pour notre part, nous avons tenu à ce que ce débat soit constructif.

Imposer ces enquêtes de manière systématique ne respecterait pas l’indépendance des magistrats. Aussi, il est bizarre que ce soit le groupe socialiste qui formule une telle demande.

Encore une fois, je comprends l’intention qui est la vôtre, mais j’invite M. Benarroche à retirer son amendement et M. Bourgi à retirer ses propos.

M. Hussein Bourgi. Je ne retirerai rien ! Je ne fais que soutenir l’amendement de mon collègue…

M. Gérald Darmanin, garde des sceaux. Franchement, c’est de la politique pour rien !

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 123.

(Lamendement nest pas adopté.)

Mme la présidente. L’amendement n° 154 rectifié bis, présenté par Mme Aeschlimann, MM. Bouchet, Burgoa, Milon, Saury, Khalifé, Reichardt et Laugier, Mmes Lavarde et Estrosi Sassone, M. H. Leroy, Mme Bellurot, MM. Cambier et Naturel, Mmes Josende, Belrhiti, Guidez et Gosselin, MM. Panunzi, Cadec, Dhersin et C. Vial, Mme Micouleau, M. Gueret, Mmes Bonfanti-Dossat et Borchio Fontimp, M. J.M. Boyer et Mmes Malet, Hybert, P. Martin, Evren et Ciuntu, est ainsi libellé :

I. – Alinéa 7

Après le mot :

personne

insérer les mots :

suspectée, lorsqu’un écart manifeste entre ses ressources et son train de vie est constaté,

II. – Alinéa 8

Remplacer les mots :

les meilleurs délais

par les mots :

un délai d’un mois à compter de la notification de celle-ci

La parole est à Mme Marie-Do Aeschlimann.

Mme Marie-Do Aeschlimann. Toujours dans le registre des enquêtes patrimoniales, cet amendement vise à lutter contre le crime organisé. Cela nécessite de frapper les narcotrafiquants au portefeuille et de s’attaquer à leur enrichissement illicite, qui alimente toutes sortes d’activités délictuelles et criminelles.

À cet effet, le présent article crée une procédure d’injonction pour richesses inexpliquées, qui figurera dans un nouvel article 60-1-1 A du code de procédure pénale. Cette injonction permettra de requérir de toute personne suspectée qu’elle justifie des ressources qui correspondent à son train de vie et de l’origine d’un bien détenu.

Permettez-moi, à ce stade, de saluer la qualité du travail accompli par les auteurs de cette proposition de loi pour renforcer l’arsenal des moyens juridiques et opérationnels mis au service de la lutte contre le narcotrafic.

Ce texte outille les services d’enquête, les magistrats et les auxiliaires de justice, ainsi que les maires, qui se trouvent en première ligne. Ces moyens doivent être efficaces, puissants et coordonnés, mais ils doivent également respecter de manière irréprochable les droits de la défense, afin de ne pas fragiliser les procédures judiciaires.

C’est bien ce souci qui nous invite à préciser le champ d’application matérielle de l’injonction pour richesses inexpliquées et à créer une obligation de notification en bonne et due forme. En outre, il conviendrait de respecter un délai d’un mois afin de laisser le temps à la personne suspectée de répondre à la réquisition.

On le sait, les narcotrafiquants font feu de tout bois pour échapper aux poursuites et aux sanctions. Voilà pourquoi nous avons déposé cet amendement, dont l’objet est de conforter l’efficacité procédurale et juridique du dispositif proposé.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Muriel Jourda, rapporteur. Nous avions, dans un premier temps, réservé cette injonction pour ressources inexpliquées à des infractions en lien avec le narcotrafic ; je vous en épargnerai la description matérielle. La précision suggérée par notre collègue me semble tout à fait préserver ce lien avec l’infraction, sans l’encadrer trop strictement : il est simplement prévu de prendre en considération l’écart entre le train de vie et le revenu.

En conséquence, la commission a émis un avis favorable sur cet amendement.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Gérald Darmanin, garde des sceaux. Le Gouvernement s’en remet à la sagesse du Sénat.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 154 rectifié bis.

(Lamendement est adopté.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l’article 4, modifié.

(Larticle 4 est adopté.)

Après l’article 4

Mme la présidente. Je suis saisie de quatre amendements identiques.

L’amendement n° 13 rectifié quinquies est présenté par M. Parigi, Mme Florennes, M. J.M. Arnaud, Mmes Patru et O. Richard, MM. Canévet et Longeot, Mme Saint-Pé, MM. Henno, Cambier et Bleunven, Mme Billon, MM. Pillefer, Laugier et Courtial, Mme N. Goulet, MM. Maurey et Kern, Mmes Romagny et Guidez et MM. Dhersin et Fargeot.

L’amendement n° 110 rectifié bis est présenté par M. Bacchi, Mme Cukierman, M. Brossat et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky.

L’amendement n° 146 est présenté par M. Benarroche, Mme M. Vogel, MM. G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mmes Ollivier et Poncet Monge, M. Salmon et Mmes Senée et Souyris.

L’amendement n° 181 est présenté par M. Bourgi, Mmes Narassiguin, de La Gontrie, Linkenheld et Harribey, MM. Roiron, Chaillou et Kerrouche, Mmes Conconne et Carlotti, MM. Kanner et Montaugé, Mme Monier, MM. Ros et M. Weber, Mme S. Robert, M. Mérillou, Mme Daniel et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

Ces quatre amendements sont ainsi libellés :

Après l’article 4

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le code pénal est ainsi modifié :

1° Le premier alinéa de l’article 222-49 est ainsi rédigé :

« Dans les cas prévus aux articles 222-34 à 222-40 et sous réserve du treizième alinéa de l’article 131-21, est obligatoire la confiscation des installations, matériels et de tout bien ayant servi, directement ou indirectement, à la commission de l’infraction, ainsi que tout produit provenant de celle-ci, à quelque personne qu’ils appartiennent et en quelque lieu qu’ils se trouvent, dès lors que leur propriétaire ne pouvait en ignorer l’origine ou l’utilisation frauduleuse. Cette confiscation n’a pas à être motivée. Toutefois, la juridiction peut, par une décision spécialement motivée, décider de ne pas prononcer la confiscation de tout ou partie des biens mentionnés au présent alinéa, en considération des circonstances de l’infraction et de la personnalité de son auteur. » ;

2° L’article 321-6 est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Sous réserve du treizième alinéa de l’article 131-21 et des droits du propriétaire de bonne foi, la confiscation des biens dont le propriétaire ne peut justifier de l’origine et qui, pour ce motif, a été condamné en application du présent article, est obligatoire. Cette confiscation n’a pas à être motivée. Toutefois, la juridiction peut, par une décision spécialement motivée, décider de ne pas prononcer la confiscation de tout ou partie des biens mentionnés au présent alinéa, en considération des circonstances de l’infraction et de la personnalité de son auteur. »

La parole est à Mme Isabelle Florennes, pour présenter l’amendement n° 13 rectifié quinquies.

Mme Isabelle Florennes. Je tiens à associer à cette défense de notre amendement mon collègue Paul Toussaint Parigi, qui ne peut être présent ce soir dans notre hémicycle, mais tient beaucoup à cet amendement visant à rendre obligatoire, sauf décision spécialement motivée, la confiscation des biens dont l’origine n’est pas justifiée.

Cette mesure est essentielle pour lutter contre le blanchiment d’argent et la pénétration de l’économie légale par des activités criminelles organisées.

C’est en privant de manière systématique les organisations mafieuses de leurs profits illicites que nous parviendrons à frapper au cœur leur modèle économique. La confiscation est un outil puissant qui a fait ses preuves en Italie et continue, à ce titre, d’y être utilisé.

La confiscation proposée aurait pour corollaire de renforcer considérablement l’effectivité de l’enquête patrimoniale. À ce jour, enquêteurs et magistrats peinent trop souvent à s’engager dans de telles investigations, car la confiscation a in fine un caractère trop facultatif.

Enfin, l’adoption du présent amendement permettrait de mieux protéger la propriété privée légitime contre l’infiltration des biens d’origine défectueuse.

Mme la présidente. La parole est à M. Jérémy Bacchi, pour présenter l’amendement n° 110 rectifié bis.

M. Jérémy Bacchi. Par cet amendement, nous souhaitons introduire dans le texte des dispositions rendant obligatoire la confiscation des biens appartenant à une personne condamnée pour un crime ou un délit puni d’au moins cinq ans d’emprisonnement et lui ayant procuré un profit direct ou indirect.

Nous avions défendu, avec plusieurs de nos collègues, un amendement similaire lors de l’examen de la proposition de loi améliorant l’efficacité des dispositifs de saisie et de confiscation des avoirs criminels.

Nous sommes convaincus que la saisie et la confiscation des produits d’infractions figurent parmi les moyens les plus efficaces pour lutter contre la délinquance.

Outre son caractère dissuasif, la peine de confiscation a une visée réparatrice. En effet, elle permet de garantir que le crime ne paie pas et de réparer le préjudice subi par les éventuelles victimes.

Mme la présidente. La parole est à M. Guy Benarroche, pour présenter l’amendement n° 146.

M. Guy Benarroche. Cet amendement est véritablement important, car il vise un outil primordial dans la lutte contre le narcotrafic. Il a pour objet de rendre obligatoire, sauf décision spécialement motivée, la confiscation des biens dont le propriétaire ne peut justifier de l’origine et qui, pour ce motif, a été condamné sur le fondement de l’article 131-21 du code pénal.

Un dispositif analogue est prévu à l’article 222-49 du même code, qui prévoit la confiscation obligatoire des biens des personnes condamnées pour des faits de trafic de stupéfiants ayant servi, directement ou indirectement, à la commission d’infractions.

Prévoir une telle obligation, sauf décision spécialement motivée, modifie la charge de travail des magistrats et élargit un outil particulièrement efficace dans la lutte contre le narcotrafic. Comme chacun sur ces travées l’a rappelé, c’est en touchant aux biens et au porte-monnaie que l’on obtient des résultats.

La procédure a fait ses preuves dans d’autres domaines.

Mme la présidente. La parole est à M. Hussein Bourgi, pour présenter l’amendement n° 181.

M. Hussein Bourgi. Cet amendement tend à rendre systématique la confiscation des biens. En effet, l’arsenal répressif et la peine de prison ne sont plus suffisamment dissuasifs aujourd’hui.

Tout le monde s’accorde sur la nécessité d’agir sur les moyens financiers acquis de manière immorale. C’est pourquoi nous proposons de parfaire l’arsenal répressif actuel.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jérôme Durain, rapporteur. La première version de ces amendements, proposée en commission, présentait une difficulté de rédaction. Ces amendements identiques sont le fruit d’un travail transpartisan accompli depuis lors.

Rendre obligatoire la confiscation des biens d’une personne condamnée pour non-justification de ressources ou pour des infractions en matière de stupéfiants lorsque lesdits biens sont en rapport avec l’objet de l’infraction prolonge utilement la réforme entamée par la loi du 24 juin 2024 améliorant l’efficacité des dispositifs de saisie et de confiscation des avoirs criminels, dite loi Warsmann.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Gérald Darmanin, garde des sceaux. Je formulerai plusieurs remarques.

Premièrement, messieurs les sénateurs, vous parlez de confiscation. Mais pour confisquer, il faut d’abord saisir ! Je propose donc que nous complétions le dispositif en ce sens au cours de la navette.

Deuxièmement, l’identification précède la saisie et la confiscation. Elle est parfois oubliée, de même que le tri. Le sénateur Durain a eu raison de mentionner Jean-Luc Warsmann : nous devons appliquer la loi qui porte son nom dans son intégralité. J’ai mentionné, dans ma circulaire sur la politique pénale, l’importance des saisies et des confiscations pour les services enquêteurs et les magistrats.

En vue de la réunion de la commission mixte paritaire, je rappelle que le juge d’instruction n’est pas obligé de communiquer le sort réservé aux biens saisis et confisqués. Des oublis peuvent se produire en raison de la charge de travail. Je l’ai rappelé aux procureurs de la République, même si je ne suis pas fondé à donner des consignes aux magistrats du siège.

Par ailleurs, il est intéressant d’observer un changement de pratique au sein des services enquêteurs et chez les magistrats. Le produit pour l’État des biens confisqués n’est pas nécessairement très important : ainsi, la vente de biens à faible valeur économique, comme des voitures valant quelques milliers d’euros à l’argus, n’en vaudrait pas le coût.

Or l’objectif est non pas simplement de récupérer de l’argent, mais bien de faire passer un message aux délinquants potentiels. En effet, la loi Warsmann mentionne que, sans qu’il soit besoin d’attendre la condamnation, il suffit qu’une personne soit prévenue dans une affaire pour que l’on vende les biens saisis et confisqués.

Troisièmement, le ministère de la justice souffre d’une difficulté structurelle : dans un souci de bien faire, dans le cadre de la recherche de preuves, nous conservons des biens confisqués.

Ainsi, nous dépensons 36 millions d’euros par an rien que pour conserver des voitures que nous ne vendons pas. Mais toutes ne sont pas la voiture de Jacques Mesrine, dont on aurait besoin pour une démonstration devant la cour d’assises… Souvent, ce sont des véhicules dont nous gérons mal la conservation. Or plus le véhicule reste longtemps à la fourrière, plus il coûte et moins il a de valeur à la revente.

Les dispositions de vos amendements méritent donc une modification. Par ailleurs, du côté des enquêteurs et des magistrats, nous devons changer de modèle pour appliquer les volontés du Parlement, qui sont aussi celles du bon sens.

Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 13 rectifié quinquies, 110 rectifié bis, 146 et 181.

(Les amendements sont adoptés.)

Mme la présidente. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans la proposition de loi, après l’article 4.

Article 4 bis (nouveau)

Après l’article L. 561-14 du code monétaire et financier, il est inséré un article L. 561-14-1 A ainsi rédigé :

« Art. L. 561-14-1 A. – Les personnes mentionnées au 7° bis de l’article L. 561-2 ne sont pas autorisées à tenir tout type de compte ou à offrir tout type de service permettant l’anonymisation ou une opacification accrue des opérations. » – (Adopté.)

Article 5

Le titre XVI du livre IV du code de procédure pénale est complété par un article 706-33-1 ainsi rédigé :

« Art. 706-33-1. – I. – Le juge d’instruction ou, saisi par le procureur de la République, le juge des libertés et de la détention est compétent pour prendre, pour une durée de six mois renouvelable, des décisions de gel des fonds et des ressources économiques, respectivement mentionnés aux 5° et 6° de l’article L. 562-1 du code monétaire et financier :

« 1° Qui appartiennent à, sont possédés, détenus ou contrôlés par des personnes physiques ou morales, ou toute autre entité qui commettent, tentent de commettre, facilitent ou financent des actes relevant des infractions prévues aux articles 222-34 à 222-40 du code pénal ainsi qu’aux articles 706-73 et 706-73-1 du présent code ;

« 2° Qui appartiennent à, sont possédés, détenus ou contrôlés par des personnes morales ou toute autre entité elles-mêmes détenues ou contrôlées par les personnes mentionnées au 1° du présent I ou agissant sciemment pour le compte ou sur instructions de celles-ci ;

« 3° (nouveau) Qui appartiennent à ou qui sont possédés, détenus ou contrôlés par des personnes physiques mentionnées à l’article 321-6 du code pénal.

« Saisi d’une demande de gel des fonds et des ressources économiques par le procureur de la République en charge de l’instruction ou de l’enquête, le juge des libertés et de la détention statue sur cette demande dans un délai qui ne peut excéder quarante-huit heures.

« Celui qui détient le bien objet de la décision de gel ou toute autre personne qui prétend avoir un droit sur ledit bien peut, par voie de requête remise au greffe de la chambre de l’instruction de la cour d’appel territorialement compétente dans les dix jours à compter de la date de mise à exécution de la décision considérée, former un recours à l’encontre de cette dernière. Ce recours n’est pas suspensif.

« II. – Les personnes mentionnées à l’article L. 562-4 du code monétaire et financier sont tenues d’appliquer sans délai les mesures de gel et de se conformer aux obligations prévues aux articles L. 562-4-1 à L. 562-7, L. 562-10 et L. 562-13 du même code.

« Le secret bancaire et professionnel ne peut être opposé au magistrat ayant ordonné la mesure, et ne fait pas obstacle à l’échange d’informations entre ces personnes et les services judiciaires de l’État chargés de mettre en œuvre la mesure de gel prise au titre du présent article lorsque ces informations permettent de vérifier l’identité des personnes concernées directement ou indirectement par cette mesure ou de surveiller les opérations portant sur les fonds et les ressources économiques gelés. Les informations fournies ou échangées ne peuvent être utilisées qu’aux fins mentionnées au I du présent article.

« Pour l’exécution de la mesure de gel, le magistrat en charge de l’enquête ou de l’instruction ou tout officier de police judiciaire commis par lui échange avec les services de l’État et les autorités d’agrément et de contrôle mentionnées à l’article L. 561-36 du code monétaire et financier les informations nécessaires à l’exercice de leurs missions respectives. Lorsqu’elles identifient des informations susceptibles de se rapporter à une infraction prévue à l’article L. 574-3 du même code ou à l’article 459 du code des douanes, les autorités d’agrément et de contrôle mentionnées à l’article L. 561-36 du code monétaire et financier communiquent ces informations au magistrat en charge de l’enquête ou de l’instruction.

« III. – Le juge d’instruction ou le juge des libertés et de la détention peut autoriser le déblocage et la mise à disposition d’une partie des fonds ou des ressources économiques faisant l’objet d’une mesure de gel si la personne faisant l’objet de cette mesure de gel justifie :

« 1° De besoins matériels particuliers intéressant sa vie personnelle ou familiale pour une personne physique ou d’une activité compatible avec la sauvegarde de l’ordre public pour une personne morale ;

« 2° Ou de décisions de nature à assurer la conservation de son patrimoine. »

Mme la présidente. La parole est à Mme Catherine Conconne, sur l’article.

Mme Catherine Conconne. Ce que j’aime, avec cette proposition de loi, c’est qu’elle est concrète et pragmatique. Les auditions ont été extrêmement bénéfiques, et le travail de collaboration transpartisan a permis d’aller au cœur des problèmes, de trouver des solutions et d’épouser une certaine réalité, avec laquelle deux chambres du Parlement semblent parfois déconnectées.

Il faut alléger et faciliter les procédures. Or, grâce à l’action de nos rapporteurs, l’arsenal que nous proposons ici va dans le bon sens.

Mme la présidente. La parole est à M. Guy Benarroche, sur l’article.

M. Guy Benarroche. Le dispositif de cet article est inspiré de la lutte contre le terrorisme. Il s’agit d’agir vite, via une procédure d’urgence, pour éviter la dissolution ou le transfert d’avoirs liés au narcotrafic à l’international. À la différence de la saisie ou de la confiscation, le gel ne signifie pas la prise de possession du bien par l’autorité judiciaire, mais seulement la possibilité d’en disposer.

Bien entendu, nous avons cet objectif en commun. Notre groupe défendra deux amendements pour améliorer l’opérationnalité et l’adéquation avec les délais trop lents d’audiencement en matière de narcotrafic – comme dans le reste du système judiciaire, d’ailleurs.

Je rappelle que ces nouveaux outils ne seront efficaces qu’avec de nouveaux moyens et la mise à disposition d’assistants spécialisés en matière économique et financière. S’agissant des premiers, le ministre m’a déjà partiellement répondu.

Mme la présidente. L’amendement n° 28 rectifié quater, présenté par MM. Rochette, Longeot et A. Marc, Mmes Vermeillet, Paoli-Gagin et L. Darcos, M. V. Louault, Mme Bourcier, MM. Verzelen et Chasseing, Mme Lermytte, MM. Wattebled et Médevielle, Mme Aeschlimann, M. Meignen, Mmes Pluchet et Doineau, MM. Dhersin et Henno et Mmes Romagny, Billon, Perrot et Herzog, est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

La parole est à Mme Vanina Paoli-Gagin.

Mme Vanina Paoli-Gagin. Le mieux est l’ennemi du bien !

Le présent amendement a pour objet de conserver l’élargissement du dispositif de gel des avoirs utilisé contre les terroristes, afin de l’appliquer également aux narcotrafiquants, comme le prévoit l’article 5 bis.

Le gel administratif des avoirs se distingue ainsi clairement de la confiscation judiciaire, qui relève, quant à elle, d’une décision de justice entraînant la perte définitive de propriété.

Cependant, la proposition de loi crée un nouveau régime hybride, qui mêle des éléments du gel administratif et de la confiscation judiciaire. Cela soulève plusieurs difficultés pratiques susceptibles de compliquer sa mise en œuvre par les organismes financiers, ce qui risque d’obérer la lutte contre le narcotrafic.

Or il est impératif que la décision de gel soit rapidement et facilement accessible aux organismes financiers, afin qu’elle soit appliquée sans délai.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jérôme Durain, rapporteur. Nous ne sommes pas favorables à la suppression du dispositif de gel judiciaire des avoirs. En effet, nous partageons l’analyse exposée, en audition, par les services du ministère de l’intérieur : gel judiciaire et gel administratif sont complémentaires.

En outre, la commission d’enquête a lourdement insisté sur la nécessité d’un outil judiciaire propre aux personnes ayant vocation à être traduites devant les tribunaux. En l’occurrence, abondance de biens ne nuit pas !