Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Bravo !
Mme Corinne Narassiguin. Le code de procédure pénale est un élément constitutif-clé notre État de droit. Les plus grandes précautions s’imposent quand il s’agit d’y toucher.
Aussi, le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain sera particulièrement vigilant pour trouver un juste équilibre entre, d’une part, la nécessaire lutte contre le narcotrafic et, d’autre part, le respect de nos principes les plus fondamentaux et de nos libertés individuelles. Nous vous proposerons des amendements en ce sens.
Enfin, nous saluons les dispositifs visant à lutter contre la pénétration du narcotrafic en prison. Au travers de nos amendements, nous restons fidèles à nos demandes constantes relatives au respect des conditions de détention dignes, élément primordial, notamment afin de lutter contre la récidive.
Vous l’aurez compris, le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain souscrit pleinement aux objectifs de cette proposition de loi et considère qu’il est urgent de réarmer notre justice et nos services de police, en commençant par leur donner plus de moyens. Tout au long du débat, nous resterons vigilants quant au respect de l’État de droit. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
Mme la présidente. La parole est à M. Stéphane Ravier.
M. Stéphane Ravier. Madame la présidente, madame la ministre, messieurs les ministres d’État, mes chers collègues, le 11 septembre 2023, Socayna, 24 ans, était tuée chez elle par la balle perdue d’un narcoterroriste. Elle habitait non pas dans la banlieue de Bogota ou de Mexico, mais dans une résidence du dixième arrondissement de Marseille.
Cette tragédie a suscité émotion et colère à travers tout le pays, et puis… on est passé à autre chose !
Faut-il attendre que des policiers ou des magistrats soient tués ? Faudra-t-il que le ministre de la justice soit menacé d’enlèvement, comme c’est le cas en Belgique, pour que vous agissiez, afin d’éviter que la France ne devienne à son tour un narco-État ?
Ce terrorisme du quotidien entraîne l’incarcération d’habitants de résidences et de cités entières chez eux, soumis aux contrôles aux frontières des territoires conquis, où les agents des services publics, pompiers et médecins compris, sont, comme je l’ai été moi-même, arrêtés, contrôlés, et dont le véhicule est fouillé.
Les plus libres de nos compatriotes qui vivent ce terrorisme de moyenne ampleur ont honte d’inviter leurs proches chez eux, car il leur faudrait passer le contrôle des choufs. Oui, ils ont honte d’habiter dans certains quartiers de la deuxième ville de France !
Dans ce contexte, trouver un modus vivendi avec les dealers et légaliser le cannabis, comme le souhaite le maire gauchiste de Grenoble, reviendrait à officialiser la victoire de ce terrorisme. C’est sur les épaules de ces politiques gauchos-collabos que la honte devrait lourdement reposer ! (Protestations sur les travées des groupes SER, CRCE-K et GEST.)
M. Guy Benarroche. Parlons-en, des collabos !
M. Stéphane Ravier. De plus, 50 % des petites mains du trafic interpellées par la police à Marseille sont des clandestins. Eh oui, monsieur le ministre de la justice, cette submersion est non pas un « sentiment », mais une réalité !
D’ailleurs, les appellations, Wakanda et DZ Mafia – DZ pour Algérie –, évoquent des systèmes de valeurs explicitement étrangers.
Pourtant, pas une fois, vous n’avez prononcé le mot « immigration » lors de votre venue à Marseille, monsieur le ministre de l’intérieur. Pas une fois !
Pourtant, il n’y aura pas de lutte efficace contre le narcoterrorisme sans lutte déterminée contre l’immigration.
Vous avez ignoré mon témoignage d’élu de terrain, que je livre depuis dix ans dans cet hémicycle et depuis vingt ans à Marseille ! Entendez l’appel des victimes de ce trafic, en instaurant une prévention tous azimuts, car la drogue c’est aussi et d’abord une affaire de santé publique, et en rétablissant chaque maillon de la chaîne répressive contre le narcotrafic. Du producteur au consommateur, la lutte doit être impitoyable.
En amont, pour les pays producteurs, il faut une trumpisation de nos mesures ! Pas de coopération ? Plus de visas ! Plus d’aide au développement ! Plus d’étudiants ! (Protestations sur les travées des groupes SER, CRCE-K et GEST.)
En aval, verbaliser lourdement les consommateurs avec saisies sur salaire ou prestations sociales, sortie de Schengen, expulsion de tous les clandestins et déclaration d’un état d’urgence avec l’appui de l’armée dans les territoires conquis !
Et que l’on ne vienne pas me bassiner avec la pseudo-raison sociale du trafic. Il n’y a pas de trafic de drogue en Corrèze ou dans la Creuse, les deux départements les plus pauvres de France (Si ! sur les travées des groupes CRCE-K, SER et GEST.),…
M. Guy Benarroche. N’importe quoi !
Mme Cécile Cukierman. Il faut sortir un peu de chez vous, monsieur Ravier !
M. Stéphane Ravier. … alors que les cités du stup bénéficient de la politique de la ville et de son torrent d’argent public depuis des décennies ! (Protestations sur les travées des groupes SER, CRCE-K et GEST.)
M. Guy Benarroche. C’est fini !
M. Stéphane Ravier. Alors que les magistrats marseillais craignent le financement des campagnes électorales par des organisations narcoterroristes,…
Mme la présidente. Il faut conclure, mon cher collègue.
M. Stéphane Ravier. … tout en constatant la corruption qui touche jusqu’à des fonctionnaires des douanes, des greffes et de l’administration pénitentiaire, tout nous démontre que les narcoterroristes sont déterminés à nous faire la guerre.
M. Guy Benarroche. Fini !
M. Stéphane Ravier. Non seulement il faut faire la guerre aux narcoterroristes, mais il faut avant tout se doter des moyens de la gagner !
M. Guy Benarroche. Au revoir !
M. Stéphane Ravier. « Au revoir », cela veut dire qu’on va se revoir ! Et très bientôt ! (Exclamations sur les travées des groupes CRCE-K, SER et GEST.)
Mme Cécile Cukierman. N’utilisez pas ces méthodes !
Mme la présidente. La parole est à Mme Vanina Paoli-Gagin. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP.)
Mme Vanina Paoli-Gagin. Madame la présidente, madame la ministre, messieurs les ministres d’État, mes chers collègues, je tiens d’abord à saluer le travail remarquable de nos rapporteurs.
Trop longtemps, trop souvent, les stupéfiants ont été considérés sous le seul angle de l’usage récréatif ou des drogues douces.
Force est de constater que ni notre arsenal législatif ni notre politique pénale n’ont permis de faire reculer la consommation ou d’endiguer les trafics. À l’heure actuelle, les stupéfiants sont en France un marché juteux, qui pèse entre 3 milliards d’euros et 6 milliards d’euros.
En 2024, les quantités de drogue saisies par les autorités progressent : 47 tonnes de cocaïne, 88 tonnes de cannabis. Ce sont des chiffres qui donnent le vertige ! Ils sont le reflet, mes chers collègues, des névroses de notre société. Ville, banlieue, campagne – ne vous en déplaise, mon cher collègue –, la drogue est désormais partout dans notre pays.
M. Guy Benarroche. Dans la Creuse aussi !
Mme Vanina Paoli-Gagin. Plus d’un million de nos concitoyens ont ainsi consommé de la cocaïne en 2023. Derrière les récréations de certains, derrière la consommation personnelle, il y a aussi les victimes abattues par les trafiquants de drogue et les tenants d’autres trafics.
Les consommateurs de notre pays détournent sans doute les yeux des crimes atroces commis par les cartels latino-américains. Pourtant, comme l’a si bien décrit le si courageux Roberto Saviano, la violence est consubstantielle au trafic de drogue.
À mesure que les stupéfiants affluent sur le territoire, le nombre de morts augmente. Sans compter les décès liés à la consommation de drogue, quatre-vingts personnes ont ainsi été tuées par les réseaux mafieux en 2023.
La drogue ne tue pas seulement les trafiquants ou les usagers. Elle menace parfois la vie de Français qui n’ont aucun lien avec ce commerce. Ce fut le cas encore une fois à Grenoble d’une adolescente de 16 ans blessée par balle le 4 janvier dernier.
Beaucoup n’ont pas la chance d’en réchapper. Un conducteur de VTC qui refusait d’acheminer un petit tueur à gages de 14 ans vers sa cible a été abattu par son jeune client. Une jeune femme de 24 ans, atteinte par une balle perdue d’une arme de guerre, est morte dans sa chambre à Marseille.
Ces victimes doivent peser sur la conscience des consommateurs de drogue. Ce sont eux qui financent et arment les trafiquants. Si nous entendons mettre un réel coup d’arrêt au développement des trafics, si nous entendons protéger nos concitoyens de ces réseaux, il nous faudra aborder ce sujet.
Hélas, la consommation de drogue ne fait pas partie du périmètre de ce texte. C’est sans doute pour ne pas disperser les efforts du Sénat, sans doute aussi parce que nous n’avons pas les mêmes opinions en la matière.
Nous sommes assez navrés d’entendre certains nous expliquer que le trafic de stupéfiants est seulement une conséquence du capitalisme et du libéralisme, surtout lorsque ce sont précisément ceux qui prônent la légalisation – celle-ci ne semble pas vraiment avoir fait ses preuves dans les pays où elle est en vigueur – et qui imaginent que l’on lutte contre la criminalité à coups d’aides sociales. Ce n’est pas notre vision.
Il est affligeant d’entendre dire que la pauvreté conduit automatiquement à la délinquance. En plus d’être clairement faux, cela revient à bafouer ceux de nos concitoyens qui gagnent leur vie en travaillant honnêtement !
À l’heure où tous nos territoires sont affectés par les trafics, le vent tourne. Je ne doute pas que nous serons nombreux à voter finalement en faveur de cette proposition de loi.
La commission d’enquête sénatoriale, à l’origine de ce texte, a démontré la nécessité de spécialiser la chaîne pénale chargée de traiter les affaires de criminalités organisées. Cette matière, comme les affaires de terrorisme ou encore les affaires financières, présente une particulière complexité et menace gravement notre société.
La proposition de loi modernise et améliore également la procédure applicable à la poursuite des trafics dans le cyberespace. Les trafics prolifèrent de manière exponentielle grâce aux nouvelles technologies, qui deviennent le premier vecteur du crime organisé et des trafics en tous genres. Il faut que cela cesse.
Le groupe Les Indépendants – République et Territoires soutient les objectifs associés à ce texte, mais sera attentif à ce que l’amélioration de notre arsenal législatif ne fragilise pas les droits de la défense, qui se trouvent – faut-il le rappeler ? – au cœur de notre État de droit. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Lauriane Josende. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Lauriane Josende. Madame la présidente, madame la ministre, messieurs les ministres d’État, mes chers collègues, nous examinons aujourd’hui une proposition de loi nécessaire pour sortir notre pays du piège du narcotrafic. Son corollaire est une proposition organique fixant le statut du procureur national anti-stupéfiants.
Face à la progression incontrôlée du phénomène en question, nous, parlementaires, devons apporter une réponse claire, sans compromissions ni ambiguïtés. Ces textes ambitieux sont le fruit du rapport de la commission d’enquête du Sénat sur l’impact du narcotrafic en France, créée sur l’initiative du groupe LR.
Ce rapport transpartisan, adopté à l’unanimité le 14 mai dernier, fait le constat froid et sans appel de la situation critique que connaît notre pays. Les textes déposés par nos collègues les sénateurs Étienne Blanc et Jérôme Durain transposent et mettent en œuvre à l’échelon législatif les recommandations de la commission d’enquête.
Le narcotrafic se développe aujourd’hui largement sur le sol national, notamment dans les villes moyennes, mais aussi dans les zones rurales, autrefois épargnées. Il est très fortement présent dans mon département, les Pyrénées-Orientales, notamment en raison de la position frontalière de celui-ci avec l’Espagne. En effet, les axes routiers structurants, comme l’autoroute A9, sont très empruntés par les trafiquants, acheminant les stupéfiants provenant du Maroc, d’Afrique et des Antilles.
Ainsi, en 2024, les forces de l’ordre ont saisi 18 tonnes de résine et d’herbes de cannabis, 495 kilogrammes de cocaïne et 215 grammes d’héroïne. Par rapport à 2023, les saisies de drogues dures ont explosé. À titre d’exemple, le point de deal le plus important situé à Perpignan produit à lui seul entre 35 000 euros et 50 000 euros par jour de chiffre d’affaires. Ces revenus sont aujourd’hui gérés depuis l’étranger ; nous y reviendrons dans la discussion des articles.
Par ailleurs, si les convois de type go fast sont toujours d’actualité, l’activité des trafiquants s’inscrit désormais dans un schéma de type « rouleurs-stockeurs » spécialisé dans le convoyage de stupéfiants entre l’Espagne et la France. Le département des Pyrénées-Orientales est aujourd’hui une place logistique de premier ordre pour le narcotrafic. C’est devenu une véritable problématique du quotidien pour l’État et les collectivités territoriales.
Je souhaite d’ailleurs insister sur quelques préoccupations majeures de nos acteurs de terrain, les élus locaux, les magistrats et les policiers, trop souvent confrontés à ce fléau.
Tout d’abord, les établissements de type épiceries de nuit posent un véritable problème. En effet, ils servent très souvent de façade au trafic de stupéfiants, causant ainsi de graves troubles à l’ordre public. Les élus sont confrontés quotidiennement à la difficulté de freiner l’implantation de ces commerces ou de les fermer.
Désormais, de nombreux maires sont la cible d’agressions par ces pseudo-commerçants. C’est pourquoi je n’ai pas manqué de soutenir l’amendement des rapporteurs tendant à prolonger le délai de fermeture administrative des commerces prononcée par le préfet. Cette mesure est fortement attendue dans nos territoires.
Mme Valérie Boyer. Oui !
Mme Lauriane Josende. Le parc locatif public est une cible privilégiée pour les narcotrafiquants. Un certain nombre de dispositions portent sur le sujet. Les bailleurs sociaux sont aujourd’hui totalement dépourvus de moyens légaux efficaces face à l’ampleur des trafics. C’est dans cet esprit que j’ai demandé, en accord avec le Gouvernement, la rédaction à terme d’un rapport. C’est essentiel et urgent.
Enfin, l’assassinat des deux agents à Incarville – cela a été évoqué tout à l’heure, notamment par M. le garde des sceaux –, lors de l’évasion de Mohamed Amra, dit La Mouche, a rappelé que la sécurisation des convois pénitentiaires circulant sur la voie publique était un sujet majeur.
En effet, les équipages de ces convois sont exposés à de graves dangers du fait de réseaux de criminalité organisée ne reculant désormais devant aucun moyen pour permettre l’évasion ou atteindre une personne détenue au cours de son transport. Les agents de l’administration pénitentiaire m’ont fait part de leurs craintes, pour ne pas dire de leurs peurs, désormais d’assurer ces convois. Ils demandent notamment la mise en place de tribunaux délocalisés et la tenue d’audience en visioconférence.
Il est de la responsabilité de l’État de mettre en œuvre tous les moyens pour protéger ces hommes et ces femmes de tous les risques d’actions violentes. C’est dans cet esprit que j’ai déposé un amendement visant à doter l’administration pénitentiaire d’outils efficaces de surveillance et de protection. Ainsi, les caméras embarquées à bord des véhicules permettront de procéder à la captation d’images pendant les opérations de transport des personnes détenues, facilitant notamment le recueil de preuves aux fins de judiciarisation des incidents survenus sur la voie publique et la poursuite de leurs auteurs.
Aujourd’hui, nous sommes à un véritable point de bascule. Le piège du narcotrafic se referme lentement sur notre pays. Nous devons agir de toute urgence.
Bien que nos ministres aient pris désormais leurs responsabilités face à la gravité de la situation, nous avons besoin d’outils opérationnels et adaptés dans le cadre de cette lutte. Nous avons déjà pris beaucoup trop de retard face à l’inadaptation de nos droits et les failles de notre système juridique.
Nos concitoyens, les forces de sécurité, les acteurs de justice et les élus attendent de la discussion parlementaire que nous menons aujourd’hui des réponses fortes pour sortir de ce piège. Je suis convaincue que nous saurons les leur donner.
Pour toutes ces raisons, le groupe Les Républicains votera en faveur de ces deux textes. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Laure Phinera-Horth. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
Mme Marie-Laure Phinera-Horth. Madame la présidente, madame la ministre, messieurs les ministres d’État, mes chers collègues, enfin ! Enfin, la France se donne les moyens de lutter efficacement contre le narcotrafic ! Le texte dont nous commençons l’examen entend donner aux autorités françaises les moyens de sortir la France du piège du narcotrafic.
Cependant, cette problématique n’est pas nouvelle. À ce jour, le Sénat a publié plusieurs rapports d’informations qui s’évertuaient à chercher des pistes pour lutter efficacement contre le narcotrafic. Le phénomène a pourtant explosé au cours de ces dernières années. J’en veux pour preuve l’augmentation des saisies de cocaïne : de 27 tonnes en 2022, nous sommes passés à 47 tonnes l’an passé. Loin de moi l’envie de juger le travail de mes prédécesseurs, mais nous devons avoir la maturité nécessaire pour admettre qu’à chaque fois la problématique avait été appréhendée via des thématiques spécifiques. Je pense notamment, pour ne citer que ces deux exemples, aux rapports d’information intitulés respectivement Donner à la Douane les moyens d’accomplir sa mission dans la lutte contre le trafic de stupéfiants, en 2022, et Mettre fin au trafic de cocaïne en Guyane : l’urgence d’une réponse plus ambitieuse, en 2020.
Permettez-moi de saluer le travail accompli par la commission d’enquête dont j’ai été vice-présidente. Le texte dont nous débattons aujourd’hui est le fruit de nombreuses auditions et visites de terrain réalisées pendant plus de six mois. Je ne peux que féliciter mes collègues Jérôme Durain et Étienne Blanc, respectivement président et rapporteur. Je suis d’ailleurs extrêmement flattée d’avoir contribué à cette entreprise.
Jamais nous n’avons eu une vision aussi globale du narcotrafic sur l’ensemble du territoire français. Jamais les outils et les armes nécessaires pour mener à bien cette lutte n’avaient été aussi clairement répertoriés. Ce texte renforce à la fois le volet pénal, consolide les moyens pour lutter contre le blanchiment de capitaux et crée un parquet national spécialisé, afin d’incarner la figure unique de la poursuite et de la répression de la criminalité organisée.
En tant que Guyanaise, je tiens à rappeler que nos territoires ultramarins subissent de plein fouet ce trafic de stupéfiants à cause de leur proximité avec les pays producteurs. C’est en 2010 que ce trafic a été mis en lumière de manière significative en Guyane. Ce fléau n’a épargné aucune famille guyanaise, s’enracinant dans les quartiers dans lesquels se mêlent pauvreté et manque d’opportunités professionnelles.
Par la suite, le phénomène s’est amplifié en Martinique et en Guadeloupe quand le passage à l’aéroport de Guyane est devenu plus complexe. Par conséquent, je me félicite qu’une partie du texte y soit consacrée. Il est proposé de prolonger la garde à vue médicale et de renforcer les peines d’interdiction d’embarquer dans nos territoires ultramarins pour enrayer le phénomène des « mules ». Nous devons à tout prix protéger notre jeunesse.
Justement, c’est là que le bât blesse. Le texte, aussi riche soit-il, fait peu de cas de notre jeunesse. La mère de famille et ancienne maire que je suis ne peut pas accepter que la lutte contre le trafic de stupéfiants ne soit qu’une question de répression. Elle doit aussi être une question de prévention, de solidarité et d’accompagnement. Il ne s’agit pas uniquement de démanteler les têtes de réseau, il faut aussi offrir des alternatives aux jeunes, qui, faute de choix, se laissent entraîner dans cette spirale infernale.
Le rapport sénatorial d’information de 2020 sur le trafic de stupéfiants en provenance de la Guyane suggère avec force le développement de l’offre de formation pour les jeunes. Il a aussi été question du renforcement de la prévention auprès des jeunes, les cibles privilégiées des commanditaires. Ces recommandations n’ont jamais été suivies d’effets ; je le regrette amèrement. Nous devons plus que jamais privilégier une approche humaine et globale.
Par ailleurs, je constate avec satisfaction la mise en œuvre de la compétence universelle en matière de trafic de stupéfiants. La Marine nationale, surtout dans les Antilles, pourra plus facilement intervenir en haute mer pour contrôler les navires soupçonnés de participer à un trafic sur notre sol. Je note toutefois que la commission, par volonté de respecter le droit international, a encadré ces opérations.
Enfin, je regrette que l’idée de renforcer la coopération avec les pays producteurs de cocaïne n’ait pas pu être transposée dans ce texte, alors qu’elle figure clairement dans le rapport de la commission d’enquête.
Avant de conclure, je tiens une nouvelle fois à saluer le travail de la commission d’enquête et de nos rapporteurs ici présents. Cette proposition de loi demeure très ambitieuse et va dans le bon sens. La France se dote enfin de moyens pour importuner les réseaux qui gangrènent nos villes et favorisent l’insécurité.
Pour ces raisons, le groupe RDPI votera en faveur de ce texte. (Applaudissements sur les travées des groupes RDPI et INDEP.)
Mme la présidente. La parole est à M. Pascal Martin. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
M. Pascal Martin. Madame la présidente, madame la ministre, messieurs les ministres d’État, mes chers collègues, la commission d’enquête du Sénat a terminé ses travaux par un constat sans appel : aujourd’hui, le narcotrafic constitue une menace pour les intérêts fondamentaux de notre Nation.
Nous sommes face à un point de rupture. Nous pouvons peut-être encore redresser la barre sans basculer, comme certains de nos voisins européens, dans une véritable mexicanisation de notre pays. L’offre et la demande de stupéfiants explosent simultanément, mettant en péril nos territoires, la santé de nos compatriotes. Qui plus est, ce trafic gangrène déjà nos institutions.
En tant que sénateur de la Seine-Maritime, je suis particulièrement bien placé pour mesurer l’ampleur de ce « tsunami blanc », qui submerge fortement le port du Havre et inonde ensuite tout le territoire national. Ce mois-ci, on y a encore enregistré une saisie record de plus de 2 tonnes de cocaïne, évaluée à 130 millions d’euros.
Au-delà de ces chiffres impressionnants, ce sont nos forces de l’ordre, douaniers, magistrats, mais aussi élus locaux, qui luttent à armes inégales contre des organisations violentes et déterminées. Nos dockers, et pas seulement eux, se retrouvent pris dans d’infernales spirales d’intimidation, de corruption, de chantage et d’omerta, face à des trafiquants qui rivalisent d’ingéniosité et s’appuient sur une logistique transnationale de plus en plus sophistiquée. De Bogota au Havre, ces routes d’acheminement ont fait du premier port à conteneurs de France une cible privilégiée des narcotrafiquants.
Alors que la consommation de cocaïne a presque doublé en un an, cette proposition de loi est une réponse forte et nécessaire à ce fléau. Je tiens à saluer à mon tour la qualité des travaux de nos collègues Étienne Blanc et Jérôme Durain, que ce soit dans le cadre de la commission d’enquête du printemps dernier, à laquelle j’ai pu participer, ou dans l’élaboration des textes que nous examinons aujourd’hui.
Ce texte contient plusieurs mesures attendues. D’abord, le renforcement de l’Office anti-stupéfiants et la création du parquet national anti-criminalité organisée permettront, je l’espère, une meilleure coordination de la lutte contre ces réseaux. Cependant, tel ne pourra être le cas qu’à condition d’y consacrer les moyens nécessaires, humains et matériels, et de veiller à ne pas fragiliser les acquis des juridictions interrégionales spécialisées (Jirs) ou de la juridiction nationale chargée de la lutte contre la criminalité organisée (Junalco), dont les équipes ont déjà une expertise précieuse. L’audience solennelle de rentrée du tribunal judiciaire de Paris a permis aux plus hauts magistrats parisiens de rappeler cette nécessité.
Ensuite, dans nos communes, nous savons à quel point certains commerces suspects peuvent être des relais pour le trafic via le blanchiment d’argent. Il est indispensable de permettre aux maires de les signaler rapidement et efficacement sur le terrain. Pour autant, il ne s’agit pas non plus de mettre une cible sur le dos de ces derniers ! C’est donc avec sagesse que la commission des lois a supprimé les dispositions conférant aux maires le monopole de l’activation de la mesure. Ils auraient été exposés à un fort risque de représailles, et ce alors même qu’un signalement à l’autorité administrative peut s’effectuer par d’autres moyens.
La proposition de loi cible également les recruteurs de jeunes adolescents sur les réseaux sociaux. Ici, nous envoyons un message clair : aucune tolérance pour ceux qui exploitent la jeunesse et compromettent son avenir.
Enfin, je salue les dispositions visant à lutter spécifiquement contre la corruption dans les ports et aéroports. Ces infrastructures sont les poumons économiques de notre pays. Il nous faut protéger leurs agents et vaincre l’influence insidieuse des narcotrafiquants sans pour autant – j’insiste sur ce point – risquer de trop ralentir les flux de marchandises.
Lors de l’examen de cette proposition de loi en commission, nos deux rapporteurs, Muriel Jourda et Jérôme Durain, ont réalisé un minutieux travail d’adaptation et de sécurisation juridique du texte, qui s’inscrit dans la droite ligne des recommandations formulées par la commission d’enquête.
Nous espérons que l’examen en séance de ce texte, si attendu, permettra d’améliorer encore le dispositif. Nous espérons aussi qu’il sera rapidement examiné par l’Assemblée nationale.
Mes chers collègues, en adoptant ce texte, nous cherchons à entraver avec détermination ce trafic tentaculaire. Nous protégeons notre jeunesse, défendons nos territoires et réaffirmons que l’État de droit est plus fort que les mafias.
Les sénateurs du groupe Union Centriste voteront évidemment en faveur de ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe UC, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains. – Mme Vanina Paoli-Gagin applaudit également.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Arlette Carlotti. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
Mme Marie-Arlette Carlotti. Madame la présidente, madame la ministre, messieurs les ministres d’État, mes chers collègues, lorsqu’en 2023 Guy Benarroche, Jérémy Bacchi et moi-même avons demandé la création d’une commission d’enquête sur le narcotrafic, nous n’étions que les porte-voix de ces nombreuses familles endeuillées, qui désespéraient du manque de réponse de la part de l’État.
Personne ne parlait d’elles ni de ces mères qui avaient perdu leur enfant, dealer ou victime innocente, peu importe. Personne ne parlait de ces quartiers populaires, où les habitants vivent sous la coupe de trafiquants qui tentent d’imposer leur loi, celle de la violence et de la terreur, à coups de fusillades à l’aveugle, de séquestrations ou de lynchages mortels diffusés sur les réseaux sociaux.
Cette année-là, la guerre des gangs allait faire 49 narchomicides à Marseille. Nous pensions alors que Marseille était une ville maudite, que nous étions les seuls à vivre ces drames.
Dès les premiers travaux de la commission d’enquête, nous avons toutefois mesuré l’ampleur du problème : la France était submergée par le trafic, la menace était générale.
Les trafiquants veulent contrôler nos territoires grâce à des moyens financiers toujours plus importants. Comme l’a montré le rapport du Sénat, nous sommes sur une ligne de crête.
En portant le débat sur la place publique, en déclenchant la prise de conscience des pouvoirs publics, Étienne Blanc et Jérôme Durain nous ont mis en situation de bâtir une réponse commune. Qu’ils en soient remerciés !
Le rapport de la commission d’enquête a mis l’accent sur la nécessité de viser non pas seulement ceux qui sévissent sur les points de deal, mais aussi le haut du spectre : il faut viser ceux qui vivent heureux à Dubaï ou au Maroc, ou qui, depuis nos prisons françaises, commanditent leurs meurtres.
Monsieur le garde des sceaux, vous avez commencé à vous attaquer aux conditions de détention des narcotrafiquants. C’est une très bonne chose ; nous attendons de connaître précisément les modalités de votre action.
Toutefois, la mère de toutes les batailles reste la lutte contre le blanchiment. Il s’agit d’aller chercher les gros bonnets, de suivre l’argent et de toucher leur patrimoine.
Comme vous le savez, messieurs les ministres d’État, rien ne pourra se faire sans une meilleure coordination de vos services, sans le renforcement du rôle de l’Ofast.
Il nous faudra mettre en place au plus vite le parquet national anti-criminalité organisée, qui sera la référence en matière de narcotrafic dans la sphère judiciaire.
Il est urgent par ailleurs de répondre au besoin de sécurité qu’expriment les citoyens comme les élus, et de soutenir les maires, qui sont réellement démunis face à ce fléau.
Il faut mieux protéger les mineurs, bien sûr, les mettre à l’abri des menaces, des violences ou des tortures que leur font subir les trafiquants.
J’aurais voulu vous parler également de ces mères célibataires meurtries, stigmatisées, démunies. Monsieur le ministre de l’intérieur, vous les avez rencontrées à Marseille et je sais qu’elles vous ont ému. (M. le ministre d’État, ministre de l’intérieur, acquiesce)
J’aurais voulu vous dire plus longuement que l’accompagnement, la prévention, les questions sanitaires ou encore éducatives seront nos prochains chantiers.
Rien ne serait pire, une fois ce texte adopté, que de voir les choses traîner par manque de moyens. Rien ne serait pire que de ne pas pouvoir donner aux magistrats, aux policiers, aux douaniers et aux agents pénitentiaires les outils juridiques, matériels et humains pour lutter à armes égales avec les narcotrafiquants. (Applaudissements sur les travées du groupe SER, ainsi que sur des travées des groupes CRCE-K, GEST et UC. – M. Michel Savin applaudit également.)