Mme Nathalie Goulet. Très bien !
Mme la présidente. La parole est à Mme Jacqueline Eustache-Brinio. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Jacqueline Eustache-Brinio. Madame la présidente, madame la ministre, messieurs les ministres d’État, nous sommes réunis pour examiner deux propositions de loi nées de l’initiative du groupe Les Républicains, qui a souhaité mettre en place, en 2023, une commission d’enquête sur l’impact du narcotrafic en France et les mesures à prendre pour y remédier.
Je tiens tout d’abord à saluer le travail remarquable réalisé par Étienne Blanc et Jérôme Durain ; ils ont abouti à deux textes nécessaires et prioritaires pour notre pays.
En effet, le narcotrafic est l’un des principaux fléaux qui mettent la France en péril. Aussi, on ne peut que souscrire aux propos du ministre de l’intérieur, qui souhaite lutter contre cette menace existentielle en dotant notre pays des mêmes outils que ceux qui sont utilisés pour combattre le terrorisme islamiste.
Le narcotrafic menace au quotidien la sécurité de tous les Français, sur l’ensemble du territoire, en métropole comme en outre-mer, dans nos villes comme dans nos campagnes. L’explosion des chiffres ces dernières années en atteste.
Le narcotrafic pose aussi fondamentalement atteinte aux libertés individuelles de certains Français, ceux qui ne peuvent plus quitter leur domicile après dix-sept heures, dont les enfants ne peuvent plus jouer en bas de chez eux ou qui doivent décliner leur identité pour entrer dans leur immeuble.
Cette situation concerne surtout nos concitoyens qui n’ont pas d’autre choix que de subir, faute de pouvoir aller vivre ailleurs.
Quant aux élus locaux, ils se trouvent en première ligne face aux trafiquants et sont de plus en plus menacés lorsqu’ils leur résistent.
L’exemple récent de Mâcon en est la parfaite illustration et je peux comprendre – j’ai vécu de telles situations lorsque j’étais maire – que, pour certains, ce combat devienne trop lourd à mener.
Par ailleurs, ces narcotrafiquants sans état d’âme recrutent aisément des jeunes, des très jeunes, qui sont de plus en plus jeunes. Ces derniers passent des heures, assis sur une chaise, à chouffer et à siffler, et trouvent dans ce trafic l’argent facile qui les conduit systématiquement au décrochage scolaire, à la marginalisation et, parfois, à la mort. Quel gâchis !
Ayons la lucidité et le courage, par ce texte, de dénoncer et de combattre l’économie parallèle qui s’est installée dans nos villes et dans nos quartiers, et qui les gangrène.
Les rapporteurs Muriel Jourda et Jérôme Durain ont souligné l’implication sans faille des services publics chargés de lutter contre ce trafic, mais également l’insuffisance de moyens organisationnels, juridiques et humains dont disposent les acteurs publics.
À l’opposé, les narcotrafiquants ont recours à des moyens colossaux qui leur permettent de corrompre des agents publics jusqu’au sein même de nos prisons. Le narcobanditisme continue ainsi son œuvre dans nos établissements pénitentiaires.
S’il faut évidemment mener un combat international avec les pays producteurs, il nous appartient de nous doter des outils pour lutter à l’intérieur de nos frontières.
Bien que ce texte n’y fasse pas référence – on le comprend tout à fait –, n’oublions pas que le narcotrafic pose un véritable problème de santé publique dans notre pays.
Il est assez étonnant, d’ailleurs, qu’aucune campagne de communication de grande ampleur n’ait jamais dénoncé ses conséquences dramatiques sur la santé mentale de nombreux consommateurs.
La consommation de drogues de plus en plus dures – les taux de tétrahydrocannabinol (THC) sont effrayants – fait pourtant des ravages. Elle a pour conséquence des addictions de plus en plus immédiates et nocives menant à des prises en charge précoces pour des problèmes psychiatriques.
Les plus anciens d’entre nous se souviendront probablement d’un livre qui a fait beaucoup de bruit à sa parution, en 1977, et qui, longtemps, a été la référence dans de nombreux centres d’accueil de toxicomanes.
Je veux parler du livre du docteur Claude Olievenstein intitulé Il n’y a pas de drogués heureux. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – Mme Vanina Paoli-Gagin applaudit également.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Audrey Linkenheld. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
Mme Audrey Linkenheld. Madame la présidente, madame la ministre, messieurs les ministres d’État, mes chers collègues, comme l’ont dit les rapporteurs – en particulier Jérôme Durain – et mes collègues socialistes, chacun a bien conscience de la menace liée au narcotrafic qui pèse sur notre pays.
Les maires sont en première ligne. Ils sont les premiers à être interpellés par les habitants qui subissent les conséquences, les nuisances, voire les violences du narcotrafic.
Ils sont les premiers à constater sur le terrain, en ville comme à la campagne, dans nos quartiers comme dans nos villages, le manque de moyens publics face à la criminalité organisée autour de la drogue.
Les maires sont aussi les premiers à constater à quel point le trafic de drogue crée une véritable économie parallèle, attirant dans ses filets jusqu’aux plus jeunes.
Ils sont encore les premiers à constater comment le narcotrafic déborde sur l’économie de proximité classique : ils voient leurs commerces de quartier ou de village disparaître peu à peu au profit d’autres enseignes, épiceries de nuit comme activités au grand jour, dont chacun sait qu’elles servent en fait de couverture au blanchiment d’argent. C’est ainsi que des rues entières deviennent la propriété et la proie des narcotrafiquants.
Enfin, les maires sont en première ligne face aux conséquences sociales et sanitaires du trafic de drogue.
Ils éprouvent impuissance et désarroi face à l’asymétrie entre la capacité d’action de notre République et la criminalité organisée autour du narcotrafic. C’est ce même sentiment qui les étreint quand, jour après jour, mois après mois, dans leurs rues, dans leurs gares et sur leurs places publiques, ils en retrouvent les toutes premières victimes, à savoir les consommateurs eux-mêmes.
Le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain considère indispensable, dans l’intérêt de nos territoires, d’aborder la question de l’accompagnement de toutes les victimes du narcotrafic, donc les consommateurs.
Je veux parler non pas nécessairement de la légalisation ou de la dépénalisation de certaines drogues – encore que, à titre personnel, ce questionnement ne me heurte pas –, mais de l’accompagnement de celles et ceux sur lesquels le piège du narcotrafic s’est depuis longtemps refermé et qui, désaffiliés, errent dans nos villes et nos villages, le plus souvent dans une très grande précarité, à la recherche de cette dose nécessaire, mais jamais suffisante.
Ce n’est pas être hors sujet que de déposer, comme nous l’avons fait, des amendements visant à renforcer le pilotage de la prévention ou à déployer les haltes soins addictions (HSA).
Pour nous, socialistes, il va de soi qu’une prévention plus efficace et une meilleure organisation des soins comme de la mise à l’abri des victimes, hors de la rue, sur l’ensemble du territoire national, viendraient en aide aux consommateurs qui sont tombés dans le piège social et économique du narcotrafic.
C’est ainsi que nous entendons contribuer à l’apaisement, au retour à la tranquillité et à la sécurité publique, qui sont très attendus des maires et de nos concitoyens et que le narcotrafic a gravement entamés en plusieurs endroits de notre République. Cette proposition de loi a pour objectif de les rétablir. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Valérie Boyer. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Valérie Boyer. « Nous n’avons pas gagné notre combat contre le terrorisme, qui est toujours à recommencer, mais nous avons porté des coups décisifs. Nous nous sommes totalement réorganisés. Ce que nous avons fait contre le terrorisme, il va falloir que nous le fassions contre le narcotrafic, avec, bien entendu, la même détermination dans l’action, la même concentration dans la durée, mais aussi avec un nouvel éventail de mesures, notamment législatives. »
Monsieur le ministre d’État, ministre de l’intérieur, par ces mots, vous avez donné un cap. Oui, la lutte contre le narcotrafic doit devenir une grande cause nationale, à l’instar de la lutte contre le terrorisme que nous avons su ériger comme telle.
Je vous remercie de votre action, qui donnera prochainement, je l’espère, des résultats concrets.
M. Laurent Burgoa. Très bien !
Mme Valérie Boyer. La ville de Marseille a été le théâtre, en 2023, de 49 narchomicides. Je pense bien entendu à Socayna, assassinée dans sa chambre pendant qu’elle révisait.
Au mois de mars 2024, le chef de l’État a lancé la première opération « place nette XXL » dans la cité de la Castellane, à Marseille, cette deuxième ville de France qui, à l’image de trop nombreuses villes, est toujours gangrenée par la drogue et la violence.
Nous le savons désormais, dans les zones urbaines comme dans les zones rurales, en métropole comme outre-mer, le narcotrafic marque son territoire partout en France.
Nous voyons se former non pas des zones de non-droit, mais des zones d’un autre droit, où la voyoucratie, la pègre et les mafias alimentées par le trafic d’êtres humains, l’immigration de masse et l’islamisme, décident des personnes qui sont autorisées à entrer en France, de celles qui ont vocation à y rester ou encore de ce qu’elles y font. Bref, elles édictent leurs propres règles.
Chaque jour, l’actualité nous montre que des assassinats, des règlements de compte avec victimes collatérales ou des guets-apens contre la police sont organisés en tous points du territoire.
C’est la raison pour laquelle, au mois d’avril 2023, j’ai demandé à Bruno Retailleau, alors président du groupe Les Républicains du Sénat, la création d’une commission d’enquête à ce sujet.
M. Michel Savin. Très bien !
Mme Valérie Boyer. Je le remercie de nouveau d’avoir répondu favorablement à ma requête et d’avoir ainsi permis à cette commission d’enquête de produire un travail de fond pendant six mois.
Je tiens d’ailleurs à en remercier et à en féliciter le président Jérôme Durain, ainsi que le rapporteur Étienne Blanc, qui ont permis l’élaboration des deux textes que nous discutons aujourd’hui.
J’adresse également mes remerciements à Mme le rapporteur, Muriel Jourda, pour son engagement et sa méticulosité dans l’examen des textes.
Si ces derniers prospèrent aujourd’hui, c’est parce que nous sommes des élus de terrain, hélas confrontés aux ravages de la drogue, mais aussi des parents, des enseignants, des professionnels de santé ou encore des policiers.
Tous les jours, nous voyons ce que la drogue produit : ces vies gâchées, perdues, mutilées ; ces familles otages des mafias, ravagées par ceux qui n’ont aucune pitié pour les enfants, obsédés qu’ils sont par l’appât du gain ; ces quartiers gangrenés malgré tout l’argent public englouti, ces pieds d’immeubles, ces épiceries de nuit, ces commerces bidon.
Toutes ces vies volées, toutes ces vies gâchées, ça suffit ! Ce trafic de drogue doit cesser.
La proposition de loi ordinaire traduit les recommandations de cette commission d’enquête transpartisane.
La gravité et l’urgence de la situation nous ont en effet conduits, sur toutes les travées de cette assemblée, à travailler ensemble sur ce problème et à nous accorder de façon unanime sur une partie des solutions à y apporter.
La nature transpartisane de cette commission d’enquête révèle également l’esprit du Sénat. C’est ainsi que nous travaillons et c’est pour cela que ce texte sera bénéfique à l’ensemble des Français.
La proposition de loi organique fixe le statut du procureur national anti-stupéfiants.
Je ne reviendrai pas sur les vingt-quatre articles de la proposition de loi ordinaire, qui prévoit notamment la création d’une DEA (Drug Enforcement Administration) à la française. Cette dernière nous permettra d’être plus efficaces.
Bien sûr, nous devons faire preuve de prudence dès lors que sont en jeu les droits des justiciables et les libertés publiques, mais n’oublions jamais, au cours de nos débats, que plus nous tardons, plus le narcotrafic gangrène notre pays.
Mes chers collègues, après l’examen de ces textes, nous devrons élargir la réflexion.
Crise sociale, éducation, santé, insécurité, immigration, mineurs non accompagnés, familles, narcoquartiers, séparatisme, relations internationales, financement du terrorisme, corruption, blanchiment : les trafics soulèvent des enjeux multiples et menacent notre démocratie.
Mme la présidente. Il faut conclure, ma chère collègue.
Mme Valérie Boyer. Nous devons gagner cette bataille contre les narcotrafics pour préserver notre démocratie et notre État de droit, et pour protéger les plus faibles.
La drogue, c’est du malheur et du sang. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme la présidente. La discussion générale commune est close.
Nous passons à la discussion du texte de la commission sur la proposition de loi visant à sortir la France du piège du narcotrafic.
proposition de loi visant à sortir la france du piège du narcotrafic
TITRE Ier
ORGANISATION DE LA LUTTE CONTRE LE NARCOTRAFIC
Avant l’article 1er
Mme la présidente. L’amendement n° 179, présenté par Mme de La Gontrie, M. Bourgi, Mmes Harribey, Narassiguin et Linkenheld, MM. Chaillou, Kerrouche et Roiron, Mmes Carlotti, Conconne et Daniel, MM. Kanner et Mérillou, Mme Monier, M. Montaugé, Mme S. Robert, MM. Ros, M. Weber et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Avant l’article 1er
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le Gouvernement remet au Parlement, dans un délai de trois mois à compter de la promulgation de la présente proposition de loi, un rapport sur les moyens alloués à la justice en matière de lutte contre le trafic de stupéfiants et contre la criminalité organisée au regard des missions et objectifs qui lui sont assignés.
La parole est à Mme Marie-Pierre de La Gontrie.
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. J’ai écouté attentivement les ministres, notamment le ministre de l’intérieur, qui appelait à donner plus de moyens à la lutte contre le narcotrafic.
Contrairement à ce que je pensais, il faisait allusion non pas à des moyens financiers, mais – je ne voudrais pas déformer son propos – à des moyens juridiques.
Pourtant, les moyens financiers sont au cœur du problème.
Lors de son audition par la commission d’enquête, la procureure de Paris a ainsi indiqué qu’elle avait dû renforcer la juridiction nationale chargée de la lutte contre la criminalité organisée (Junalco), qui est compétente en matière de stupéfiants, au détriment d’autres sections.
De son côté, le procureur général près la Cour de cassation estime que la situation actuelle « fait peser un risque grave et insidieux : celui de remises en liberté d’accusés dangereux et, partant, de récidives ».
Il en va de même à Marseille, où le procureur de la République et le président du tribunal judiciaire appellent à un plan Marshall contre le narcotrafic.
Par ailleurs, il suffit de considérer la situation aux Antilles ou celle de l’Ofast pour constater le manque chronique d’effectifs et les problèmes d’équipement.
Soyons clairs : sans renfort en personnel ni équipements supplémentaires, nos débats, mais également notre vote, resteront lettre morte.
L’objet de cet amendement est simple : demander au Gouvernement de nous indiquer par un rapport remis au Parlement les moyens qu’il entend allouer à la justice pour lutter contre le trafic de stupéfiants et la criminalité organisée.
Le ministre de l’intérieur, pardon le garde des sceaux – lapsus ! (Sourires.) – indiquait hier soir que cent cinquante magistrats seraient recrutés d’ici à 2027, parmi lesquels cent seraient chargés de la criminalité organisée.
Dans la mesure où le Sénat a, dans le même temps, supprimé 924 postes dans le domaine de la justice, vous comprendrez mon inquiétude.
Monsieur le ministre Bruno Retailleau – je m’adresse à vous puisque vous êtes seul au banc désormais –, pouvez-vous nous apporter des précisions à ce sujet ? Je suis convaincue que vous le pourrez. (Bien sûr ! sur des travées du groupe Les Républicains.)
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Muriel Jourda, rapporteur. Je laisserai M. le ministre s’exprimer sur le fond, bien que je ne sois pas certaine que la question relève de son portefeuille. (Sourires.)
Si les moyens sont bien sûr toujours importants dans la conduite d’une politique, en matière de lutte contre le narcotrafic, l’organisation l’est au moins autant.
Sur la demande de rapport, l’avis de la commission sera conforme à ses habitudes : nous disposons d’un pouvoir de contrôle qui nous permet d’obtenir si nécessaire des éléments, sans avoir à les demander.
Mme Jacqueline Eustache-Brinio. Parfait !
Mme Muriel Jourda, rapporteur. Nous ne pouvons pas, d’ailleurs, demander un rapport au Gouvernement.
La commission émet donc un avis défavorable sur cet amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Bruno Retailleau, ministre d’État. Madame la sénatrice, vous vous adressez, me semble-t-il, au garde des sceaux ; en tant que membre du Gouvernement, je vous répondrai tout de même.
Voilà quelques jours, j’ai reçu mon homologue brésilien. Il est à la fois ministre de la justice et ministre de l’intérieur… (Sourires.)
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Formidable…
M. Michel Savin. Très bien !
M. Olivier Paccaud. Voilà une idée à creuser !
M. Bruno Retailleau, ministre d’État. Cela n’est pas mon cas ! Et cela n’est pas non plus un rêve ! (Exclamations amusées.)
Gérald Darmanin a annoncé, y compris à cette tribune, des effectifs supplémentaires.
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Et vous ?
M. Bruno Retailleau, ministre d’État. En ce qui concerne mon domaine de compétences, nous consacrerons des moyens notamment à la création de l’état-major – j’y reviendrai – qui doit nous permettre de lutter contre la criminalité organisée.
Le Gouvernement émet un avis défavorable sur cet amendement.
Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 179.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Article 1er
I. – L’Office anti-stupéfiants est placé sous la tutelle conjointe des ministères de l’intérieur et chargé de l’économie et des finances. À ce titre, il a autorité sur l’ensemble des services de police judiciaire, de douane judiciaire et de renseignement dans l’exercice de leurs missions de lutte contre le trafic de stupéfiants.
L’office exerce ses missions en liaison étroite et constante avec les services du Premier ministre, du ministère de la justice, du ministère de l’Europe et des affaires étrangères, du ministère des armées, du ministère chargé des solidarités et de la santé et du ministère chargé des outre-mer.
Ses missions sont précisées par décret en Conseil d’État.
II. – Sur instruction du procureur de la République national anti-criminalité organisée, l’Office anti-stupéfiants procède aux enquêtes mentionnées au sixième alinéa de l’article 706-74-1 du code de procédure pénale.
Sur instruction du procureur de la République ou sur commission rogatoire du juge d’instruction, il procède également, le cas échéant concurremment avec d’autres services ou unités de police judiciaire, aux enquêtes judiciaires ou à l’exécution d’actes d’instruction relatifs à des faits de trafic de stupéfiants d’importance nationale et internationale ou qui présentent une sensibilité, une gravité ou une complexité particulières.
L’office est également informé des enquêtes judiciaires de grande envergure diligentées par des services de la police nationale, de la gendarmerie nationale, des douanes et droits indirects, en particulier les enquêtes qui présentent une dimension internationale marquée et visent des filières d’importation complexes, et peut demander à être saisi concurremment avec d’autres services enquêteurs s’il le juge opportun.
Il centralise les informations concernant les demandes adressées aux fonctionnaires ou agents publics visant à permettre la mise en œuvre des opérations de surveillance mentionnées à l’article 706-80-1 du code de procédure pénale et à l’article 67 bis-3 du code des douanes. Il assure, dans des conditions définies par décret en Conseil d’État, la centralisation des informations recueillies par les cellules de renseignement opérationnel sur les stupéfiants prévues à l’article L. 856-1 du code de la sécurité intérieure. Dans les conditions prévues au II de l’article L. 822-3 du même code, il est rendu destinataire des renseignements collectés par les services de renseignement lorsque ceux-ci concernent la lutte contre le trafic de stupéfiants ; par dérogation au 1° du II du même article L. 822-3, la transmission de ces renseignements n’est pas subordonnée à une autorisation préalable du Premier ministre au seul motif que celle-ci poursuit une finalité différente de celle qui en a justifié le recueil.
L’office coordonne la mise en œuvre des mesures de prévention, de recherche et de constatation des infractions constitutives de trafic de stupéfiants dont les modalités sont fixées par la loi n° 94-589 du 15 juillet 1994 relative à l’exercice par l’État de ses pouvoirs de police en mer pour la lutte contre certaines infractions relevant de conventions internationales.
III (nouveau). – Le II de l’article L. 822-3 du code de la sécurité intérieure est ainsi modifié :
1° Les deuxième et troisième alinéas sont supprimés ;
2° Le quatrième alinéa est ainsi modifié :
a) Au début, la mention : « 2° » est supprimée ;
b) Sont ajoutés les mots : « sont subordonnées à une autorisation préalable du Premier ministre, délivrée dans les conditions prévues aux articles L. 821-1 à L. 821-4 après avis de la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement ».
IV (nouveau). – Le présent article entre en vigueur dans un délai de trois mois à compter de la promulgation de la présente loi.
Mme la présidente. La parole est à M. Olivier Paccaud, sur l’article.
M. Olivier Paccaud. Madame la présidente, monsieur le ministre d’État, mes chers collègues, que jamais la loi du crime ne puisse remplacer celle de la République !
Depuis la nuit des temps, dans la mythologie ou même dans la Bible, le banditisme existe. Des cours des miracles à la French Connection en passant par les Apaches de la Belle Époque, le crime en bande organisée n’a cessé de se renouveler, toujours guidé par l’appât du gain, sans scrupule ni pitié.
Depuis toujours aussi, l’homme tente d’œuvrer pour empêcher que ne s’impose la loi du plus fort, du plus cruel, du plus craint.
Pensez aux Tables de la loi : « Tu ne tueras point », « Tu ne voleras point ». Cette morale judéo-chrétienne fonde notre droit. Le pacte républicain, le contrat social et l’acceptation d’une autorité étatique reposent ainsi sur la capacité de l’État à protéger ses concitoyens.
L’article II de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen est clair : « Le but de toute association politique est la conservation des droits naturels et imprescriptibles de l’homme. Ces droits sont la liberté, la propriété, la sûreté, et la résistance à l’oppression. »
Avec le narcotrafic, la réalité dépasse maintenant les fictions les plus brutales. Scarface est devenu un conte pour enfants.
Devant cette ultraviolence, devant cet ensauvagement, devant la démonisation de la voyoucratie, qui ose désormais s’attaquer aux États, il est indispensable de faire face.
Il s’agit non plus d’un simple trafic de drogue, mais d’une véritable guerre, déclarée par un ennemi sans aucune limite.
Il est donc nécessaire, indispensable et vital de s’armer humainement, techniquement, matériellement et législativement pour doter notre État de droit, notre justice et nos forces de l’ordre des moyens d’éradiquer ce trafic, qui décime notre jeunesse – et pas seulement – et ronge des pans entiers de notre société.
Décrétons la tolérance zéro pour les narcos, pour que jamais la loi du crime ne remplace celle de la République ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Catherine Conconne, sur l’article.
Mme Catherine Conconne. Madame la présidente, monsieur le ministre d’État, mes chers collègues, je salue les courageux président et rapporteur de la commission d’enquête sur le narcotrafic.
L’excellent rapport auquel ils ont abouti fera date. Il recueille de plus une forme de consensus, tant nous sommes conscients, plus que jamais, de la révolution perverse et négative que représente ce trafic, minant nos relations quotidiennes, notre lien social et notre vivre ensemble. Au-delà des meurtres et des crimes que nous connaissons, c’est en effet toute la société qui s’en trouve bouleversée.
L’article 1er du texte prévoit des moyens supplémentaires au bénéfice de l’Ofast. Frappé au coin du bon sens, il fait suite aux nombreux auditions et déplacements qu’a organisés la commission d’enquête, sous la conduite de Jérôme Durain, y compris en Martinique.
Sur place, les fonctionnaires et responsables de l’Ofast ont tous fait état d’un besoin de coordination et de renforcement non seulement des moyens, mais aussi de l’autorité de cet office.
L’Ofast doit devenir le pôle central de la lutte contre le narcotrafic. Pour ce faire, il doit être doté des moyens matériels et humains nécessaires, mais aussi s’appuyer sur une réglementation qui sache adapter : à situation exceptionnelle, moyens et règlements exceptionnels.
Il faut aussi que la loi soit appliquée beaucoup plus rapidement. Évitons d’être pris de court par ceux qui courent plus vite que nous.
Mme la présidente. La parole est à M. Marc-Philippe Daubresse, sur l’article.
M. Marc-Philippe Daubresse. Madame la présidente, monsieur le ministre d’État, mes chers collègues, nous sommes tous très heureux de constater qu’une commission d’enquête transpartisane aboutit à des résultats consensuels.
Je me félicite également que l’idée selon laquelle nous avons besoin non pas seulement d’un parquet anti-drogue, mais d’un parquet anti-criminalité ait fini par s’imposer. Comme vient de le dire Mme Jourda, l’essentiel réside dans son organisation.
J’ai participé activement à la création du parquet antiterroriste qui, à ses débuts, suscitait quelque inquiétude. Il a pourtant été – le ministre Retailleau l’a souligné avec raison – d’une efficacité redoutable.
Nous devons donc trouver le même type d’organisation pour le parquet anti-criminalité.
L’amendement de Bruno Retailleau tend à créer par voie réglementaire un chef-de-filât, afin de mettre en synergie l’ensemble des services chargés de la lutte contre la criminalité organisée.
Mes chers collègues, vous en conviendrez sans doute, il faut oser prononcer le terme de « police judiciaire ». Or j’ai attendu trente-cinq minutes avant qu’il n’y soit fait mention !
Tous les services de la police judiciaire, tous les offices centraux qui y sont rattachés et tous les organes relevant de la direction nationale de la police judiciaire (DNPJ) concourent pourtant à la lutte contre le blanchiment, contre le narcotrafic et contre toutes les pratiques qui ont été citées à juste titre.
Dans la mesure où les liens entre les différents services de police judiciaire se sont distendus, à l’échelon tant central que territorial – disons-le, puisque nous avons enquêté sur le sujet –, il faudrait, monsieur le ministre, que vous apportiez des précisions à l’amendement par ailleurs très pertinent que vous nous soumettez.