M. le président. La parole est à Mme Catherine Morin-Desailly. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
Mme Catherine Morin-Desailly. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, en entame de mon propos, je veux dire que je regrette la diminution des crédits de cette mission, en particulier du programme 185 « Diplomatie culturelle et d’influence ».
Il faut certes tenir compte du contexte budgétaire, mais ce n’est pas comme si des efforts substantiels n’avaient pas déjà été réalisés dans ce secteur. Je rappelle que, déjà, sous le quinquennat de François Hollande, la mission « Action extérieure de l’État » avait connu une baisse historique de ses crédits, soit une diminution de près de 47 %, jamais rattrapée depuis lors et qui a durablement fragilisé l’Institut français. Celui-ci a dû réduire le nombre de ses agents, ce qui a parfois rendu impossible l’exécution des missions définies dans son contrat d’objectifs et de moyens (COM).
Néanmoins, comme l’a fait avant moi Olivier Cadic, je salue le sens des responsabilités, de Mme Eva Nguyen Binh, présidente de l’Institut français, ainsi que l’implication des agents en poste, qui s’adaptent et poursuivent avec détermination leur mission, y compris en zone de conflit ou de guerre.
Pourtant, l’action extérieure de l’État, aux dimensions multiples, est loin d’être un enjeu subalterne. Nous pouvons le constater chaque fois que nous nous déplaçons à l’étranger, car le fort « besoin de France » qui s’exprime nous le confirme toujours. Plus que jamais, la promotion des valeurs de notre démocratie reste un défi dans un monde soumis à des menaces protéiformes.
Pour commencer, l’audiovisuel extérieur a plus que jamais besoin de notre soutien, à l’heure où la manipulation de l’information et les ingérences étrangères s’intensifient. Outre la promotion de la langue française et de la diversité culturelle, France Médias Monde joue un rôle essentiel dans la lutte contre la désinformation. C’est d’ailleurs pour cette raison que, avec plusieurs collègues du groupe Union Centriste, nous avons souhaité, dans le cadre de l’examen de la mission « Médias, livre et industries culturelles », que les efforts demandés à l’ensemble des entreprises de l’audiovisuel public soient moindres, le groupe étant déjà faiblement doté en comparaison de ses homologues étrangers tels que Deutsche Welle ou BBC World Service.
De plus, alors que le sommet de la francophonie de Villers-Cotterêts s’est tenu récemment, vous conviendrez que l’enseignement de la langue française à l’étranger est une question essentielle. C’est la raison pour laquelle je m’inquiète, comme le rapporteur pour avis de notre commission, Claude Kern, de la diminution des moyens de l’AEFE à hauteur de 14 millions d’euros, ce qui rend désormais inatteignable l’objectif du doublement des effectifs de l’agence.
Si l’enseignement supérieur et la recherche sont également affectés, je me réjouis tout de même de l’effort consenti pour l’Université française d’Égypte (UFE), grâce à l’action de notre ambassadeur Éric Chevallier, dans une zone importante au Moyen-Orient. En effet, lorsque nous demandons à certains États de préserver l’enseignement de notre langue, nous devons nous montrer logiques et cohérents en leur fournissant les moyens nécessaires pour le faire.
Au-delà de l’AEFE, la francophonie repose également sur tout un réseau bien connu d’instituts et d’alliances. À cet égard, je ne peux qu’appuyer les propositions de Catherine Belrhiti, Yan Chantrel et Pierre-Antoine Levi, qui, dans leur excellent rapport d’octobre dernier, Le français a encore son mot à dire. Propositions pour une francophonie multilatérale et coopérative, nous engagent à poursuivre le soutien financier au réseau culturel français et à développer la mutualisation avec d’autres pays francophones.
Enfin, dans le domaine de l’action extérieure, la France possède une remarquable expertise dans l’ensemble du champ patrimonial et muséal, et nos savoir-faire jouissent d’une image d’excellence à l’international, comme le prouvent de nombreux projets. Nous l’avons montré avec ma collègue Else Joseph dans le rapport que nous avons commis sur le sujet, intitulé : Expertise patrimoniale internationale française : des atouts à valoriser, une stratégie qui reste à affirmer et coordonner.
Pour une plus grande efficacité, nous appelons à une meilleure coordination entre les deux ministères concernés, celui de la culture et celui des affaires étrangères.
Monsieur le ministre, nous souhaiterions vous rencontrer, ainsi que votre collègue Rachida Dati, pour vous soumettre des propositions qui permettront d’optimiser les moyens dévolus à quantité d’opérateurs. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
M. le président. La parole est à M. le ministre. (Applaudissements sur des travées du groupe UC. – M. Jean-Baptiste Lemoyne applaudit également.)
M. Jean-Noël Barrot, ministre de l’Europe et des affaires étrangères. Monsieur le président, monsieur le président de la commission de finances, monsieur le président de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, mesdames, messieurs les rapporteurs, mesdames les sénatrices, messieurs les sénateurs, comme le Premier ministre l’a rappelé dans sa déclaration de politique générale, l’objectif de redressement des finances publiques n’est pas seulement un objectif financier : c’est aussi une obligation morale, une obligation vis-à-vis des générations qui nous succéderont et qui vivront dans un monde sans doute différent et plus dangereux encore que celui dans lequel nous évoluons.
C’est pourquoi le ministère de l’Europe et des affaires étrangères doit contribuer lui aussi au redressement des finances publiques. Ainsi, dans le projet de loi de finances pour 2025, le Gouvernement a proposé 1,3 milliard d’euros d’économies sur la mission « Aide publique au développement » – 1,3 milliard ! – et 200 millions d’euros d’économies sur la mission « Action extérieure de l’État » – 200 millions !
En outre, pour montrer sa volonté de faire encore davantage d’efforts, le Gouvernement a déposé un amendement, très tardivement – et je vous prie de l’en excuser, car cela témoigne de l’âpreté des discussions interministérielles qui se sont tenues – visant à dégager 25 millions d’euros supplémentaires d’économies. Celles-ci seront prises pour 5 millions d’euros sur la masse salariale, en conséquence des décisions relatives aux jours de carence, pour 15 millions d’euros sur le programme 105 « Action de la France en Europe et dans le monde », pour 2 millions d’euros sur le programme 151 « Français à l’étranger et affaires consulaires », et pour 3 millions d’euros sur le programme 185 « Diplomatie culturelle et d’influence ».
Mesdames les sénatrices, messieurs les sénateurs, dans la copie conjuguant le projet de loi de finances et l’amendement du Gouvernement que je viens de vous présenter, l’essentiel de ce qui vous préoccupe sera préservé des coupes massives qui ont touché ce ministère. J’y ai veillé personnellement, car, vous le savez, je suis très attentif aux travaux et aux attentes du Sénat.
En particulier, les crédits du programme 151 pour les Français de l’étranger seront maintenus globalement, alors que tous les autres crédits diminuent, qu’ils soient consacrés aux bourses pour les élèves français et à l’aide spécifique pour les élèves en situation de handicap, aux aides sociales, dont le rapatriement d’urgence, à la Caisse des Français de l’étranger, au soutien des Oles, au Stafe, aux centres médico-sociaux ou encore au dispositif Flam.
Certes, les crédits n’augmentent pas, mais alors qu’ils auraient pu diminuer bien davantage, ils sont globalement préservés.
La diplomatie culturelle et d’influence est un autre sujet qui revient régulièrement dans vos interventions. Là encore, les crédits que nous y consacrons sont préservés, alors qu’ils auraient pu fortement diminuer. En effet, l’effort que nous faisons porter sur le programme 185 concerne surtout les coûts de fonctionnement des opérateurs et nous avons veillé à ne pas générer d’impasse. Les moyens de fonctionnement de notre réseau culturel seront donc maintenus, notamment ceux des établissements à autonomie financière qu’Olivier Cadic a mentionnés. Les bourses pour les étudiants étrangers seront également préservées et notre réseau d’enseignement français à l’étranger continuera de fonctionner.
Là encore, les crédits n’augmentent pas autant qu’on aurait pu le vouloir, mais ils échappent très largement aux coupes massives qui, par ailleurs, touchent ce ministère.
Une fois ces précisions données, mesdames les sénatrices, messieurs les sénateurs, je veux vous dire que ce ministère ne pourra souffrir d’aucune réduction de crédit supplémentaire…
Mme Hélène Conway-Mouret. Bravo !
M. Jean-Noël Barrot, ministre. … sous peine de désarmer gravement la diplomatie française.
Tout d’abord, en effet, ce ministère fournit déjà 10 % des économies demandées à l’État alors qu’il ne représente que 1 % de son budget. Il fait donc dix fois plus que les autres ministères pour contribuer au redressement des finances publiques.
Ensuite, ce ministère fait déjà beaucoup avec très peu. Notre réseau de 170 ambassades et consulats, mesdames les sénatrices, messieurs les sénateurs, fonctionne avec 110 millions d’euros, soit l’équivalent de la subvention à l’Opéra de Paris ! Je dis bien : l’équivalent de la subvention à l’Opéra de Paris ! Le nombre d’agents de ce ministère est l’équivalent des effectifs Toulouse Métropole !
Enfin, ce ministère ne pourra souffrir d’aucune réduction de crédits supplémentaires parce que réduire plus encore les crédits de la mission « Action extérieure de l’État », en particulier ceux du programme 105, nous conduirait à faire des sacrifices que nous ne pouvons pas accepter.
M. Jean-Baptiste Lemoyne. C’est un miracle quotidien !
M. Jean-Noël Barrot, ministre. Lesquels ?
Renoncer à l’ouverture d’ambassades aux Samoa et au Guyana.
Renoncer à l’ouverture du consulat à Melbourne.
Renoncer à doter nos postes de véhicules sécurisés au Pakistan, au Tchad ou en Haïti.
Renoncer à sécuriser nos enceintes à Marrakech, à Alger ou à Athènes.
Renoncer à notre contribution à la Cour pénale internationale (CPI).
Renoncer à notre contribution à l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA).
Renoncer à notre contribution à l’Organisation pour l’interdiction des armes chimiques (OIAC).
Renoncer à contribuer au centre cyber dans les Balkans, à l’Académie internationale de lutte contre le terrorisme (AILCT) en Côte d’Ivoire et à notre programme de lutte contre le narcotrafic dans les Caraïbes.
Renoncer enfin à financer les forces armées libanaises qui contribuent à la mise en œuvre du cessez-le-feu.
M. Jean-Baptiste Lemoyne. Nous ne renoncerons pas !
M. Jean-Noël Barrot, ministre. Mesdames les sénatrices, messieurs les sénateurs, non, le ministère ne supportera pas d’effort supplémentaire, à moins que nous ne voulions le désarmer. Non, le programme 105, dont je sais qu’il est régulièrement utilisé comme un gage pour abonder d’autres programmes, ne peut pas servir à financer d’effort supplémentaire, alors qu’il a pris largement sa part – plus encore que les autres programmes de cette mission – dans la contribution au redressement des finances publiques. Et, oui, les Français de l’étranger et la diplomatie culturelle et d’influence ont été largement préservés des coupes pourtant profondes qui ont affecté ce ministère.
Je veux remercier les rapporteurs spéciaux, ainsi que les rapporteurs pour avis, de la qualité de leurs travaux et je souhaite répondre à certaines de leurs interrogations.
Nathalie Goulet pose la question des économies structurelles, mais, comme l’a rappelé Catherine Morin-Desailly, celles-ci ont déjà été réalisées au cours des décennies précédentes, alors que ce ministère était progressivement privé de ses moyens. De plus, lors des États généraux de la diplomatie, il a été convenu que, sans aller jusqu’à doubler les moyens, nous devions réinvestir dans la transformation et la modernisation du ministère si nous voulions que le réseau diplomatique français reste l’un des plus importants et des plus influents dans le monde.
Quant à l’amendement visant à une économie de 30 millions d’euros que vous aviez présenté l’année dernière, madame la sénatrice, il est vrai que, quelques mois après son rejet, un décret d’annulation de crédits a été pris pour 174 millions d’euros. Mais vous pouvez considérer que cet amendement de l’année dernière est désormais inscrit dans ce projet de loi de finances, qui prévoit 200 millions d’euros d’économies sur la mission ! Peut-être n’est-il pas nécessaire d’aller plus loin… Vous demandiez 30 millions d’euros d’économies l’année dernière et vous en obtenez 200 millions d’euros dans ce PLF.
M. Jean-François Husson. Nous n’avons rien obtenu du tout, cette année !
M. Jean-Noël Barrot, ministre. Monsieur le sénateur, l’année dernière, Mme Nathalie Goulet, rapporteure spéciale des crédits de cette mission, avait défendu un amendement visant à réduire de 30 millions d’euros les crédits inscrits. Dans le PLF pour 2025, nous proposons de réduire ces crédits de 200 millions d’euros. Son amendement est donc satisfait !
M. Jean-Baptiste Lemoyne. Six fois satisfait !
M. Jean-Noël Barrot, ministre. En effet, six fois satisfait !
Monsieur Féraud, les crédits pour les bourses, notamment celles de Campus France, ne sont pas modifiés par rapport à l’exécution de 2024, ce qui doit permettre de poursuivre la trajectoire de notre politique en la matière.
Nous poursuivrons aussi notre effort en ce qui concerne l’objectif du doublement du nombre d’élèves scolarisés dans les établissements français à l’étranger, car cela ne dépend pas seulement de l’attribution de bourses.
Quant à la baisse des crédits de cette mission, elle est réelle et un certain nombre des sénatrices et des sénateurs qui sont ici présents la souhaitent. Mais elle est bien moindre que celle qui touche la mission « Aide publique au développement ».
Je remercie Valérie Boyer d’avoir évoqué les États généraux de la diplomatie et Jean-Baptiste Lemoyne de nous avoir appelés à déployer une diplomatie française à l’offensive, en nous donnant « envie d’avoir envie » (Sourires.) Je remercie également Catherine Dumas d’avoir rappelé que le programme 185 était largement préservé, puisque nous le ramenons à son niveau de 2023, et Ronan Le Gleut d’avoir mentionné que les projets de modernisation que le ministère a commencé de mettre en œuvre au service des Français de l’étranger leur donnent pleine satisfaction.
Je veux rappeler au sénateur Gontard que l’amendement du Gouvernement n’affecte pas les aides sociales, qui restent stables par rapport à l’année dernière et qui sont en hausse de 3 millions d’euros depuis 2019.
Pour ce qui est de la Caisse des Français de l’étranger, nous pourrons en débattre. Une mission a été confiée à l’inspection générale des affaires sociales (Igas) pour trouver une solution pérenne au problème de son financement.
Enfin, monsieur Kern, l’amendement du Gouvernement visera à réduire les crédits de l’AEFE de 3 millions d’euros. Là encore, certains espéraient pouvoir s’en passer, mais étant donné l’importance de la subvention de l’État à l’AEFE, les grands équilibres sont préservés. (M. Jean-Baptiste Lemoyne, Mme Olivia Richard et M. Pierre Jean Rochette applaudissent.)
M. le président. Mes chers collègues, je vous rappelle que, pour cette mission, la conférence des présidents a fixé la durée maximale de la discussion à trois heures trente.
Néanmoins, compte tenu de l’organisation de nos travaux, nous pourrons prolonger cette durée de trente minutes et poursuivre jusqu’à dix-huit heures, heure à laquelle nous devrons passer à l’examen de la mission « Cohésion des territoires ».
Nous devons examiner 64 amendements.
action extérieure de l’état
Nous allons procéder à l’examen des crédits de la mission « Action extérieure de l’État », figurant à l’état B.
ÉTAT B
(En euros) |
||
Mission / Programme |
Autorisations d’engagement |
Crédits de paiement |
Action extérieure de l’État |
3 527 537 701 |
3 532 510 413 |
Action de la France en Europe et dans le monde |
2 695 075 107 |
2 699 644 119 |
dont titre 2 |
1 343 764 707 |
1 343 764 707 |
Diplomatie culturelle et d’influence |
675 935 494 |
675 935 494 |
Français à l’étranger et affaires consulaires |
156 527 100 |
156 930 800 |
M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° II-29, présenté par Mme N. Goulet, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :
Modifier ainsi les crédits des programmes :
(En euros) |
||||
Programmes |
Autorisations d’engagement |
Crédits de paiement |
||
|
+ |
- |
+ |
- |
Action de la France en Europe et dans le monde dont titre 2 |
|
30 000 000 |
|
30 000 000 |
Diplomatie culturelle et d’influence |
|
20 000 000 |
|
20 000 000 |
Français à l’étranger et affaires consulaires |
|
|
|
|
TOTAL |
|
50 000 000 |
|
50 000 000 |
SOLDE |
- 50 000 000 |
- 50 000 000 |
La parole est à Mme le rapporteur spécial.
Mme Nathalie Goulet, rapporteur spécial. Monsieur le ministre, vous m’avez répondu par avance que votre ministère ne supporterait aucun effort d’économies supplémentaires.
Notre commission, au mois de décembre dernier, avait voté en faveur de cet amendement de suppression de 50 millions d’euros de crédits. De manière plus détaillée, celui-ci vise à réduire de 20 millions d’euros les crédits consacrés aux dépenses immobilières de l’État compte tenu de la sous-consommation de ces crédits lors des années précédentes. Il tend également à diminuer les dépenses de fonctionnement des ambassades pour encourager leur rationalisation. Enfin, nous proposons de diminuer aussi les autres crédits d’intervention en précisant, comme nous l’avons fait dans nos différents rapports, que nous souhaitions une doctrine plus précise sur les dépenses.
Monsieur le ministre, j’ai bien entendu ce que vous nous avez dit, mais, l’année dernière, j’avais présenté, au nom de la commission des finances, un amendement de suppression des crédits à hauteur de 30 millions d’euros, votre prédécesseur nous expliquant que ce n’était pas possible. Or le gouvernement d’alors avait ensuite procédé au gel de 174 millions d’euros de crédits. Or ce gel portait non pas sur les dépenses, mais sur les réserves.
Nous avons constaté, dans le cadre de l’examen budgétaire, un manque de précision concernant notamment l’affectation des équivalents temps plein, ainsi que des sous-consommations.
C’est la raison pour laquelle, monsieur le ministre, même si j’ai bien compris votre position, je défends cet amendement de la commission des finances visant à supprimer 50 millions d’euros sur les crédits de votre ministère.
M. le président. L’amendement n° II-75, présenté par M. Canévet, est ainsi libellé :
(En euros) |
||||
Programmes |
Autorisations d’engagement |
Crédits de paiement |
||
|
+ |
- |
+ |
- |
Action de la France en Europe et dans le monde dont titre 2 |
|
19 600 000 |
|
19 900 000 |
Diplomatie culturelle et d’influence |
|
26 100 000 |
|
26 100 000 |
Français à l’étranger et affaires consulaires |
|
1 200 000 |
|
1 200 000 |
TOTAL |
|
46 900 000 |
|
47 200 000 |
SOLDE |
- 46 900 000 |
- 47 200 000 |
La parole est à M. Michel Canévet.
M. Michel Canévet. Défendu.
M. le président. Quel est l’avis de la commission sur l’amendement n° II-75 ?
Mme Nathalie Goulet, rapporteur spécial. La commission en demande le retrait, monsieur le président.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Jean-Noël Barrot, ministre. Puisque la commission des finances, par cet amendement n° II-29, appelle le Gouvernement à faire des efforts supplémentaires, je me permets de revenir en arrière.
L’année dernière, madame la rapporteure spéciale, vous aviez présenté un amendement visant à réduire les crédits de la mission de 30 millions d’euros, qui avait été rejeté. Il y a ensuite eu un gel des crédits dans l’exécution de 2024. Et aujourd’hui, nous examinons ce projet de loi de finances qui devrait multiplier par six les économies par rapport à ce que vous demandiez, car la rédaction initiale du texte prévoit une économie de 200 millions d’euros sur les crédits de la mission.
Certes, les temps sont durs et le contexte justifie de solliciter un effort supplémentaire de la part du ministère. C’est pourquoi le Gouvernement a présenté l’amendement n° II-2206 que nous examinerons dans un instant et qui vise un effort supplémentaire de 25 millions d’euros, dont l’essentiel porte sur le programme 105 pour préserver le plus possible les autres programmes.
Lorsque le ministère a été informé que les crédits de cette mission seraient réduits de 200 millions d’euros, il a mis tous les moyens en œuvre pour se préparer à cette économie très substantielle. Et quand on nous a demandé de faire un effort supplémentaire, nous sommes allés au bout de tous les sacrifices – pratiquement jusqu’à l’os – auxquels nous pouvions consentir sans trahir les engagements internationaux de la France. Telle est la genèse de l’amendement n° II-2206 que je vous présenterai dans un instant.
La discussion risque de se poursuivre jusqu’en commission mixte paritaire. Néanmoins, je souhaite proposer à la rapporteure spéciale d’ajuster ce qui lui paraît prioritaire dans son amendement en fonction de l’enveloppe que nous avons définie, en particulier sur le programme 105.
Par exemple, madame la rapporteure spéciale, parmi les mesures que vous défendez figure un prélèvement de 20 millions d’euros sur le programme 185 « Diplomatie culturelle et d’influence » qui me paraît porter atteinte de manière très nette, très forte, à notre capacité à exercer notre influence à travers nos actions culturelles ou nos actions en faveur de l’enseignement français à l’étranger.
Monsieur le président, si vous en êtes d’accord, je sollicite une très brève suspension de séance pour que nous puissions faire converger la rédaction de nos deux amendements. L’autre solution serait que nous continuions le débat en espérant aboutir, en CMP, à une solution qui vous conviendra, mesdames les sénatrices, messieurs les sénateurs, tout en permettant au ministère de fonctionner.
À défaut, le Gouvernement demandera le retrait de ces deux amendements au profit de son amendement n° II-2206, car ils sont satisfaits par les économies de 200 millions d’euros que nous prévoyons, auxquelles s’ajoutent les 25 millions d’euros de crédits supplémentaires que nous prélèverons sur le programme 105 sans compromettre le fonctionnement du ministère.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Cédric Perrin, président de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées. Les rapporteurs pour avis de notre commission ont rappelé que celle-ci avait émis un avis favorable sur l’adoption des crédits de cette mission, alors qu’ils étaient à l’époque en baisse de 4 % par rapport à l’année précédente, en raison de la situation catastrophique de nos finances publiques. Cela représentait une économie de 25 millions d’euros.
Or la commission des finances, à travers l’amendement de Mme Goulet, nous propose désormais de diminuer les crédits de la mission de 50 millions d’euros !
Cela pose une question de principe. Faut-il, au nom de la réduction du déficit public, raboter – si vous me passez l’expression – toutes les politiques publiques de la France ? Ou bien ne faudrait-il pas plutôt faire des choix en déterminant les priorités que nous voulons fixer pour la Nation ?
Au sein du groupe Les Républicains – et il en est souvent de même dans les autres groupes politiques –, nous sommes nombreux à penser que le cœur de la mission régalienne de l’État doit être préservé. Or la sécurité des Français et la défense de nos intérêts nationaux sont une priorité absolue et sans doute peut-être la première mission de l’État.
Leur préservation passe par le respect de la trajectoire budgétaire de la loi de programmation militaire (LPM). Nous y avons veillé, lorsque nous avons examiné, samedi dernier, les crédits de la mission « Défense », en bénéficiant d’ailleurs du soutien de la commission des finances.
Mais l’enjeu doit aussi se traduire dans les crédits consacrés à la cyberdéfense et à la cyber-résilience, que nous examinerons demain dans le cadre du budget du secrétariat général de la défense et de la sécurité nationale (SGDSN).
Il suppose enfin que nous disposions d’un outil diplomatique renforcé et non rogné. Or nous avons gratté ses moyens jusqu’à l’os – personne ne peut le nier – et nous avons vendu les bijoux de la famille, l’immobilier notamment.
L’état du monde nous impose de réagir, mais nous ne pouvons que préserver le plus possible notre outil diplomatique quand il faudrait, en réalité, procéder à un réarmement diplomatique digne de ce nom. Partout, nos positions sont attaquées et l’action de notre pays est critiquée, voire diffamée.
Mes chers collègues, est-ce le moment de mettre notre diplomatie encore un peu plus en difficulté en procédant à une nouvelle réduction de crédits ? Je ne le crois pas et le discours que Trump a prononcé, hier, pour son investiture, devrait nous conforter dans cette position. (Applaudissements sur toutes les travées à l’exception de celles du groupe CRCE-K.)
Nous avons déjà accepté que les crédits de la mission « Aide publique au développement » soient diminués de 35 % et il me semble difficile, dans ces conditions, de voter en faveur d’un amendement visant à réduire les crédits de la diplomatie française de 50 millions d’euros.
C’est la raison pour laquelle, à titre personnel, je voterai contre ces amendements. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – Mme Olivia Richard et M. Akli Mellouli applaudissent également.)
M. le président. La parole est à Mme Olivia Richard, pour explication de vote.
Mme Olivia Richard. Monsieur le président de la commission, je souscris à l’intégralité de vos propos. Je siège en tant que sénatrice des Français établis hors de France et, malgré toute l’amitié et l’estime que j’ai pour mes collègues et les travaux éminents qu’ils mènent pour trouver des pistes d’économies, je veux leur dire que ce n’est pas en diminuant les crédits de cette mission qu’il faut le faire.
Notre outil diplomatique est à l’os. Je travaille au Sénat depuis 2001, date à laquelle j’y suis entrée comme collaboratrice parlementaire. Depuis lors, chaque année, les coupes drastiques sont venues s’ajouter à d’autres coupes drastiques.
Il me semble déjà très difficile de comprendre comment M. le ministre réussira à procéder à la coupe supplémentaire de 25 millions d’euros qu’il propose à l’amendement suivant, même si nous sommes là pour vous soutenir, monsieur le ministre.
Madame la rapporteure spéciale, vous avez parlé de rationalisation des méthodes de travail dans les ambassades. Je ne dispose pas des données sur lesquelles vous avez travaillé, mais je vais sur le terrain. Ainsi, je reviens de Turquie, où j’ai visité le service des visas. Nos agents travaillent dans des conditions inimaginables et demandent depuis des années que des travaux soient réalisés. Voilà ce à quoi nous sommes confrontés sur le terrain.
Je ne voterai pas ces amendements. (Applaudissements sur les travées du groupe UC et sur des travées du groupe Les Républicains.)