Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre. Votre amendement vise à accroître les moyens humains consacrés à la mise en œuvre de la politique interministérielle d’égalité entre les femmes et les hommes.
Nous proposons dans le PLF pour 2025 de sanctuariser l’effectif mobilisé pour cette dernière, alors même que les schémas d’emplois des ministères sociaux contiennent une baisse de 90 équivalents temps plein. En 2024, 10 emplois supplémentaires ont déjà été accordés.
Par ailleurs, nous devons garder sur ce sujet, comme sur les autres, une vision globale. Les moyens peuvent être humains, mais ils sont également financiers. À ce titre, les dépenses d’intervention de la politique d’égalité figurent dans le programme 137. Les crédits de celui-ci ont été multipliés par 2,5 en cinq ans, passant de 30 millions à 77 millions d’euros en lois de finances initiales entre 2020 et 2024. En 2025, le budget de ce programme atteindra les 85 millions d’euros, soit une augmentation, au moment même où nous baissons les moyens, un peu partout, de 7,7 millions d’euros.
Par rapport à la loi de finances pour 2024, nous sanctuarisons donc l’effectif, d’un côté, et nous augmentons les crédits, de l’autre. Ces fonds sont destinés pour l’essentiel au financement de l’aide universelle d’urgence aux victimes de violences conjugales.
En matière d’égalité professionnelle, je précise que nous aurons à travailler ensemble sur l’importante transposition de la directive visant à renforcer l’application du principe de l’égalité des rémunérations entre les femmes et les hommes pour un même travail ou un travail de même valeur par la transparence des rémunérations et les mécanismes d’application du droit, dite directive Transparence salariale. Ce texte aura des répercussions considérables.
Mme Monique Lubin. C’est loin…
Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre. Il aidera à tendre toujours plus vers l’égalité des salaires entre les hommes et les femmes. Cette transposition en droit français devra être faite avant le printemps 2026. Nous nous y emploierons ensemble.
Pour toutes ces raisons, le Gouvernement demande le retrait de ces amendements, à défaut, l’avis sera défavorable.
M. le président. La parole est à M. Marc Laménie, pour explication de vote.
M. Marc Laménie. Je comprends les auteurs de ces deux amendements, dont les objets ont trait à d’importants sujets de société. Mercredi soir, un amendement analogue a été discuté lors de l’examen de la mission « Outre-mer », mais nous savons que la tâche est immense dans toutes les missions relatives à l’égalité entre les femmes et les hommes, ainsi que dans celles en lien avec les violences intrafamiliales. Je pense particulièrement à la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances » du fait de sa masse financière.
Par ailleurs, un travail considérable a été réalisé au sein de la délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes. Je rejoins par ce constat les propos de notre rapporteur.
M. Jean-Baptiste Lemoyne. Vous nous faites la synthèse !
M. Marc Laménie. En outre, chaque territoire compte une délégation départementale aux droits des femmes et à l’égalité, placée sous l’autorité du préfet. Je pense également au travail effectué par les centres d’information sur les droits des femmes et des familles (CIDFF) et par les bénévoles associatifs.
Pour conclure, ces amendements relèvent aussi d’autres ministères que celui ici représenté : justice, sécurité, etc. Sur le présent point technique, même si le volet humain est prioritaire, je me rallie à l’avis de monsieur le rapporteur et de Mme la ministre.
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° II-1068 rectifié.
(L’amendement n’est pas adopté.)
M. le président. L’amendement n° II-1082 rectifié, présenté par Mme Lubin, MM. Jacquin, Jeansannetas et Kanner, Mmes Le Houerou, Féret, Poumirol et Conconne, MM. Jomier et Fichet, Mmes Canalès, Rossignol et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Modifier ainsi les crédits des programmes :
(En euros) |
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Programmes |
Autorisations d’engagement |
Crédits de paiement |
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+ |
- |
+ |
- |
Accès et retour à l’emploi |
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Accompagnement des mutations économiques et développement de l’emploi |
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Amélioration de la qualité de l’emploi et des relations du travail |
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1 500 000 |
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1 500 000 |
Soutien des ministères sociaux |
1 500 000 |
|
1 500 000 |
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dont titre 2 |
1 500 000 |
1 500 000 |
||
TOTAL |
1 500 000 |
1 500 000 |
1 500 000 |
1 500 000 |
SOLDE |
0 |
0 |
La parole est à Mme Monique Lubin.
Mme Monique Lubin. Par cet amendement, nous proposons la suppression de l’Autorité des relations sociales des plateformes d’emploi. En effet, cette structure a été créée dans un seul but : aller vers la mise en place dans notre pays d’un tiers-statut, prétendu statut « intermédiaire » entre le salariat et l’indépendance, pour les travailleurs des plateformes.
La création de l’Arpe, décidée à la suite du lobbying des plateformes, vise ainsi à exonérer celles-ci de l’obligation de reconnaître à leurs travailleurs le statut de salarié, en échange d’une parodie de dialogue social. De fait, les accords conclus par cette autorité ne parviennent même pas à faire accéder les travailleurs à une rémunération équivalente au Smic horaire !
Par ailleurs, la légitimité de cette autorité est faible. Aux élections professionnelles de 2024, la participation s’est élevée à 3,90 % pour les livreurs et à 19,96 % pour les VTC. Pour cette dernière catégorie, une majorité de votes s’est tournée vers des organisations soutenant la présomption de salariat.
En outre, la légitimité de ce tiers-statut est fortement mise en question.
À l’échelle nationale, la jurisprudence a clairement remis en cause son principe même. Depuis l’arrêt Uber de la Cour de cassation du 4 mars 2020, les tribunaux français ont acté de nombreuses requalifications en contrat de travail, affirmant ainsi la nature subordonnée des relations entre les plateformes et leurs travailleurs.
À l’échelle européenne, la directive sur les travailleurs des plateformes récemment adoptée rend l’existence de l’Arpe totalement caduque. Ce texte, qui doit être transposé dans le droit français dans les deux ans, établit une présomption de salariat pour les travailleurs des plateformes, malgré les efforts du gouvernement français pour maintenir une dérogation au prétexte de l’existence de l’Arpe !
Cette tentative a échoué. En conséquence, les travailleurs en question seront reconnus comme salariés, bénéficiant des instances de dialogue social et des droits attachés à ce statut.
L’Arpe coûte chaque année 1,5 million d’euros, abondés par la taxe sur la mise en relation par voie électronique en vue de fournir certaines prestations de transport. Nous souhaitons non pas supprimer cette dernière, mais réaffecter les crédits correspondants au financement de l’inspection du travail, afin de garantir la mise en œuvre effective des droits des travailleurs de ce secteur.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Emmanuel Capus, rapporteur spécial. En premier lieu, on ne peut pas se plaindre du manque de régulation et d’autorégulation des plateformes et, en même temps, supprimer l’autorité mise en place pour s’en charger ! (Protestations sur les travées du groupe GEST.)
Mme Monique Lubin. Rien à voir !
M. Emmanuel Capus, rapporteur spécial. En second lieu, dans votre argumentaire, vous avez vous-même indiqué que la jurisprudence était très claire : s’il existe, un contrat de travail est reconnu quelle que soit la plateforme. En cas, d’une part, de prestation de travail avec lien de subordination et, d’autre part, de rémunération, la Cour de cassation reconnaît depuis l’arrêt Uber qu’un travailleur est non pas indépendant, mais salarié, auquel cas l’intéressé bénéficie de ce statut protecteur…
Mme Monique Lubin. Pas en France…
M. Emmanuel Capus, rapporteur spécial. … et c’est une bonne chose !
Cet amendement étant contre-productif, la commission émet un avis défavorable.
Mme Monique Lubin. C’est bien dommage !
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge, pour explication de vote.
Mme Raymonde Poncet Monge. La loi qui a été adoptée à partir d’un projet de votre gouvernement – même s’il s’agit du précédent, la logique est la même ! – avait pour objet de sécuriser l’employeur contre les procédures de requalification en contrat de travail qui s’accroissaient.
Mme Monique Lubin. C’est sûr !
Mme Raymonde Poncet Monge. Le but était de contrer les démarches de requalification plutôt que d’appliquer la directive européenne dans toutes ses implications. Il faut changer de camp !
Mme Monique Lubin. Exactement !
Mme Raymonde Poncet Monge. Il convient de ne plus recevoir Uber et de ne plus le favoriser par une loi…
Nous sommes européens, je crois ! Alors, appliquons dans sa totalité la loi européenne, tant dans son esprit que dans ses modalités : renversement de la charge de la preuve, présomption de salariat, etc.
Mme Monique Lubin. Tout à fait !
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre. Je vous trouve très sévères ! Depuis la création de cette instance en 2023, cinq accords sur des sujets importants ont tout de même été conclus dans le secteur des VTC : revenu minimum de course, amélioration de la rémunération des conducteurs, méthodes et moyens de négociation, transparence et désactivation, liberté de choix de la course pour les chauffeurs. Un accord spécifique a également été conclu pour le secteur de la livraison.
Ces avancées sont tout de même concrètes ! Le taux de participation aux élections professionnelles qui ont eu lieu récemment est faible, certes, mais d’un niveau similaire à celui que nous avons connu il y a quelques semaines dans les TPE. Nous pouvons nous interroger sur la manière de retrouver une meilleure participation.
Travaillons sur la transposition de la directive ! Par exemple, dans le secteur de l’insertion par l’activité, l’Association pour le droit à l’initiative économique (Adie), dans un discours un peu différent des autres, distingue les VTC, souvent propriétaires d’un capital constitué par leur véhicule, et les livreurs, davantage en situation de précarité malgré les accords qui ont été signés.
Pour toutes ces raisons, je vous trouve, encore une fois, très sévères, mesdames les sénatrices, à l’égard d’une instance qui a le mérite d’exister et d’apporter des avancées concrètes sans attendre le Grand Soir.
Le Gouvernement confirme donc son avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° II-1082 rectifié.
(L’amendement n’est pas adopté.)
M. le président. L’amendement n° II-1034 n’est pas soutenu.
L’amendement n° II-1076 rectifié, présenté par M. P. Joly, Mme Lubin, MM. Jeansannetas et Kanner, Mmes Le Houerou, Féret, Poumirol et Conconne, MM. Jomier et Fichet, Mmes Canalès, Rossignol et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Modifier ainsi les crédits des programmes :
(En euros) |
||||
Programmes |
Autorisations d’engagement |
Crédits de paiement |
||
+ |
- |
+ |
- |
|
Accès et retour à l’emploi |
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Accompagnement des mutations économiques et développement de l’emploi |
650 000 |
650 000 |
||
Amélioration de la qualité de l’emploi et des relations du travail |
|
|
|
|
Soutien des ministères sociaux dont titre 2 |
650 000 |
650 000 |
||
TOTAL |
650 000 |
650 000 |
650 000 |
650 000 |
SOLDE |
0 |
0 |
La parole est à Mme Corinne Féret.
Mme Corinne Féret. Cet amendement vise à rétablir les microcrédits spécifiquement accordés aux personnes en situation de réinsertion professionnelle ou de maintien dans l’emploi.
En France, le dispositif de microcrédit personnel est d’utilité sociale. Il permet en effet aux personnes exclues du crédit classique en raison de leur insuffisance de ressources de financer un projet d’insertion ou de réinsertion.
Grâce à ce microcrédit, plusieurs dizaines de milliers de nos concitoyens ont retrouvé un emploi ou évité de perdre celui qu’ils occupaient – le plus souvent, il s’agit d’acquérir un véhicule.
Le microcrédit repose sur trois acteurs : le réseau des banques, l’État, le réseau associatif.
L’ensemble des rapports qui ont été remis aux gouvernements et l’ensemble des acteurs, y compris les services de l’État et ses administrations, saluent l’efficacité de ce dispositif, qui repose en grande partie sur le travail assuré par nos associations.
C’est pourquoi nous proposons le rétablissement de ce dispositif.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Ghislaine Senée, rapporteure spéciale. La commission des finances sollicite le retrait de cet amendement.
Le PLF pour 2025 prévoit d’ores et déjà une ligne en faveur du microcrédit social à hauteur de 16 millions d’euros, ce qui a été jugé suffisant par la commission.
À titre personnel, bien évidemment, je voterai cet amendement avec grand plaisir…
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° II-1076 rectifié.
(L’amendement n’est pas adopté.)
M. le président. L’amendement n° II-1024, présenté par Mmes Poncet Monge et Senée, MM. Benarroche, G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mme Ollivier, M. Salmon et Mmes Souyris et M. Vogel, est ainsi libellé :
Modifier ainsi les crédits des programmes :
(En euros) |
||||
Programmes |
Autorisations d’engagement |
Crédits de paiement |
||
+ |
- |
+ |
- |
|
Accès et retour à l’emploi |
||||
Accompagnement des mutations économiques et développement de l’emploi |
120 000 |
120 000 |
||
Amélioration de la qualité de l’emploi et des relations du travail |
120 000 |
|
120 000 |
|
Soutien des ministères sociaux dont titre 2 |
||||
TOTAL |
120 000 |
120 000 |
120 000 |
120 000 |
SOLDE |
0 |
0 |
La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge.
Mme Raymonde Poncet Monge. Le présent amendement vise à revenir sur la baisse des crédits subie par l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses).
Même si le ministère du travail reste un petit contributeur financier à côté d’autres ministères, il ne peut pas donner le signal, y compris aux autres ministères, que le budget de cet opérateur peut baisser sans conséquence sur ses actions, compte tenu de leur importance !
Il est pertinent que la présente mission soit contributrice, puisque l’agence joue un rôle essentiel pour l’amélioration des connaissances entourant les risques professionnels.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Ghislaine Senée, rapporteure spéciale. Les opérateurs de l’État, comme le reste des administrations publiques, doivent évidemment participer à l’effort collectif de redressement des finances publiques.
Toutefois, il est clair que l’Anses joue un rôle particulièrement important.
La commission des finances avait initialement émis un avis défavorable, mais, après une longue discussion avec mon collègue rapporteur spécial Emmanuel Capus, nous avons décidé de solliciter l’avis du Gouvernement.
M. le président. Quel est donc l’avis du Gouvernement ?
Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre. Pour démontrer l’accent qui est mis dans ce budget sur la question de la santé, de la sécurité et des conditions de travail, sujet qui doit redevenir central à la fois dans les politiques publiques et dans les discussions que nous pouvons avoir ici, le Gouvernement émet un avis favorable sur cet amendement.
M. le président. Nous allons procéder au vote des crédits de la mission « Travail, emploi et administration des ministères sociaux », figurant à l’état B.
Je n’ai été saisi d’aucune demande d’explication de vote avant l’expiration du délai limite.
Je mets aux voix ces crédits, modifiés.
(Les crédits sont adoptés.)
M. le président. J’appelle en discussion les amendements tendant à insérer des articles additionnels qui sont rattachés, pour leur examen, aux crédits de la mission « Travail, emploi et administration des ministères sociaux ».
Après l’article 64
M. le président. L’amendement n° II-5, présenté par M. Capus et Mme Senée, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :
Après l’article 64
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après le premier alinéa de l’article L. 6243-1 du code du travail, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Les contrats d’apprentissage conclus dans les entreprises de deux cent cinquante salariés et plus afin de préparer un diplôme ou un titre à finalité professionnelle équivalant au moins au niveau 6 du cadre national des certifications professionnelles ne donnent pas lieu au versement à l’employeur d’une aide par l’État. »
La parole est à Mme la rapporteure spéciale.
Mme Ghislaine Senée, rapporteure spéciale. Nous avons déjà eu le loisir de présenter cet amendement, qui vise à concentrer les aides à l’apprentissage sur les plus petites entreprises et sur les jeunes dont le niveau de qualification est inférieur à bac+3.
Nous souhaitons, par cet amendement, concentrer véritablement les aides, qui ne seraient plus versées aux entreprises de plus de 250 salariés pour l’embauche d’un apprenti qui prépare un diplôme de niveau bac+3 et plus.
Ce ciblage conduira à ce qu’il n’y ait pas d’effet sur les PME ni sur les entreprises de plus de 250 salariés qui signent des contrats d’apprentissage avec des jeunes préparant des diplômes de niveau inférieur au niveau bac+3.
Par cet amendement, nous souhaitons inviter le Gouvernement à privilégier un meilleur ciblage des aides sur une réduction de leur montant.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre. Nous avons déjà eu cette discussion.
Le Gouvernement propose un ciblage des aides, mais sur la base de la taille des entreprises, et non sur le niveau de qualification.
En effet, nous avons proposé de baisser le montant de l’aide, qui était de 6 000 euros, à 5 000 euros pour les entreprises de moins de 250 salariés, qui, je le répète, concentrent 80 % des apprentis de notre pays, et à 2 000 euros pour les entreprises de plus de 250 salariés.
Pourquoi ne souhaitons-nous pas différencier en fonction des niveaux de qualification ? Parce que, comme l’a montré une étude de l’Association pour l’emploi des cadres (Apec) réalisée en novembre dernier, un tiers des étudiants en master sont aujourd’hui en apprentissage. L’apprentissage est donc un vrai moyen de démocratisation et d’accès à l’enseignement supérieur.
Ensuite, la Confédération de l’artisanat et des petites entreprises du bâtiment (Capeb), qui recrute parmi les CAP et les bacs pro, nous recommande de ne surtout pas toucher aux niveaux de qualification supérieurs, afin que l’apprentissage ne soit pas vu comme la voie de garage dans un pays qui reste encore trop axé sur les diplômes – nous sommes d’accord sur ce point.
Enfin, et c’est le sens d’une discussion que j’ai eue dans l’Aveyron avec le président de la chambre de métiers et de l’artisanat et celui de la chambre de commerce et d’industrie (CCI), continuer à aider l’apprentissage sur les niveaux 6 et 7, c’est aussi permettre aux TPE et aux PME de commencer à recruter davantage ce type de profils, à un moment où l’on a besoin d’augmenter le niveau de compétence et de favoriser la montée en gamme de l’ensemble de l’économie française.
Pour ces raisons, autant je veux différencier par la taille de l’entreprise – je répète que l’on trouve 80 % de nos apprentis dans les petites et moyennes entreprises –, autant je pense que différencier en fonction du niveau de diplôme serait une erreur.
J’émets donc un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. La parole est à Mme la rapporteure spéciale.
Mme Ghislaine Senée, rapporteure spéciale. Le dispositif de notre amendement différencie bien selon la taille de l’entreprise.
Mme Ghislaine Senée, rapporteure spéciale. Les TPE-PME pourront absolument accéder aux qualifications aux niveaux 6 et 7. Cela répond donc bien à ce que nous demandons.
En fait, nous considérons que nous n’avons pas à accompagner les très grandes entreprises – de plus de 250 salariés – dans le recrutement d’étudiants en master et en école d’ingénieurs. En revanche, il est clair pour nous qu’il faut bien évidemment pouvoir continuer à accompagner les PME.
Je pense qu’il faut vraiment que nous puissions cibler. D’ailleurs, initialement, l’idée était vraiment de cibler les niveaux bac et infra-bac.
En l’occurrence, nous laissons aux PME la possibilité de recruter les plus hauts profils.
M. le président. La parole est à M. Olivier Rietmann, pour explication de vote.
M. Olivier Rietmann. Emmanuel Capus, qui en est également membre, pourra en témoigner : la délégation sénatoriale aux entreprises a organisé deux tables rondes sur le sujet, dont une avec le Medef, le Mouvement des entreprises de taille intermédiaire (Meti), la Confédération des petites et moyennes entreprises (CPME) et l’Union des entreprises de proximité (U2P).
Je souscris sans réserve à l’amendement des rapporteurs spéciaux : non seulement il faut travailler sur la taille de l’entreprise et ne pas limiter le niveau d’apprentissage pour les entreprises de moins de 250 salariés, afin de donner la possibilité à la fois aux TPE-PME qui n’en auraient pas forcément les moyens d’aller chercher des compétences et aux apprentis de travailler pour ces entreprises, quel que soit leur niveau, mais il faut aussi, pour les entreprises de plus de 250 salariés, limiter le niveau d’apprentissage – l’amendement a retenu bac+3, ce qui convient parfaitement.
En effet, on doit tenir compte de l’effet d’aubaine qui existe pour les grandes et très grandes entreprises, qui, il faut dire les choses franchement, ont la possibilité de recruter des apprentis de niveau bac+5, +6 ou +7 qui vont faire le travail de cadres moyens, mais avec des salaires bien inférieurs à ce que pourrait leur coûter un cadre.
C’est de l’argent public qui est utilisé sans véritable efficacité. C’est tout le contraire de ce que nous recherchons ! Cela revient à jeter de l’argent public par les fenêtres.
Les tables rondes que nous avons organisées nous ont montré que les critères définis dans l’amendement sont exactement ceux qu’il faut retenir pour l’accompagnement de l’apprentissage.
Je voterai donc l’amendement des rapporteurs spéciaux de la commission des finances, et j’encourage mes collègues à faire de même.
M. Emmanuel Capus, rapporteur spécial. Excellent !
M. le président. La parole est à Mme Marie-Do Aeschlimann, pour explication de vote.
Mme Marie-Do Aeschlimann. Ce sujet me tient à cœur.
Je n’avais pas bien compris, lors de la présentation de l’amendement, sa finalité exacte. À la lumière des précisions qui ont été apportées et de l’explication de vote du président Rietmann, je trouve que c’est une bonne idée.
Nous sommes tous d’accord avec l’idée de recentrer les aides à l’apprentissage, compte tenu du problème de finances publiques et du problème d’efficience de la dépense publique. Même si nous considérons tous que l’apprentissage est un levier essentiel pour l’insertion professionnelle, notamment de nos jeunes, force est de constater qu’il a coûté beaucoup d’argent et que les finances publiques ne peuvent plus supporter cette dépense.
À cet égard, il est important de cumuler le critère de la taille de l’entreprise avec celui du niveau du diplôme.
En effet, il faut continuer à soutenir l’apprentissage là où il est le plus efficient, c’est-à-dire pour les bas niveaux de qualification et pour les jeunes qui n’ont pas réussi dans le système « normal », si je puis dire.
Dans le même temps, il est important de tracer des pistes et de donner de l’espoir, pour montrer, comme Mme la ministre l’a dit très justement, que l’apprentissage n’est pas une voie de garage.
Il faut ainsi pouvoir soutenir les niveaux de diplômes importants, pour permettre aux TPE-PME d’accéder à de la ressource humaine qualifiée, mais aussi pour montrer aux jeunes qui s’engagent dans l’apprentissage que l’on peut, quand on est apprenti, progresser, avoir une vraie carrière et accéder à des diplômes importants.
Bravo pour cette idée, madame, monsieur les rapporteurs spéciaux !
M. Emmanuel Capus, rapporteur spécial. Merci !
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre. Je n’ai pas les chiffres en tête, mais je sais que les apprentis de niveaux 6 et 7 sont surreprésentés dans les grandes entreprises – je pourrai vous communiquer les chiffres qui l’attestent.
Cette mesure risque donc de pénaliser ces derniers (M. Olivier Rietmann le conteste.), dans un contexte de durcissement des conditions économiques, ainsi que vous l’avez vous-même signalé précédemment très justement, avec un taux de chômage des jeunes, y compris des jeunes diplômés, qui augmente de 2 points en un an.
C’est un point de vigilance que je veux porter à votre attention : les apprentis de niveaux 6 et 7 étant surreprésentés dans les grandes entreprises, la suppression de cette aide aura un effet plus négatif que ce que nous proposons ici.
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 64.
L’amendement n° II-256 rectifié n’est pas soutenu.
Je suis saisi de deux amendements identiques.
L’amendement n° II-639 est présenté par Mme Puissat, au nom de la commission des affaires sociales.
L’amendement n° II-1120 est présenté par le Gouvernement.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Après l’article 64
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le 4° du II de l’article L. 6323-6 du code du travail est abrogé.
La parole est à Mme Pascale Gruny, pour présenter l’amendement n° II-639.
Mme Pascale Gruny, au nom de la commission des affaires sociales. Cet amendement a été déposé par ma collègue rapporteur pour avis Frédérique Puissat.
Les actions de formation éligibles au compte personnel de formation (CPF) dispensées aux créateurs ou repreneurs d’entreprises, les aides à la création ou à la reprise d’une entreprise (Acre) sont particulièrement concernées par des abus. Plusieurs campagnes de régulation ont déjà été menées, qui ont permis de diminuer les dépenses de 415 millions d’euros en 2022 à 125 millions d’euros en 2023.
Les mesures de régulation ne peuvent toutefois aller plus loin, en raison de la disposition légale prévoyant l’éligibilité automatique au CPF des actions Acre.
Cette éligibilité de droit n’est pas justifiée dès lors qu’elle provoque encore des effets d’aubaine, confirmés par France Compétences. Certaines offres de formation, refusées à l’enregistrement des répertoires nationaux, sont éligibles au CPF par ce biais détourné.
Cet amendement de la commission des affaires sociales vise donc à supprimer l’éligibilité de droit au CPF des actions de formation Acre.
Cette mesure permettra de garantir la qualité des formations, puisque seules les offres sanctionnées par une certification inscrites au répertoire national ou au répertoire spécifique pourront être prises en charge au titre du CPF. Les actions de formation au titre de l’Acre visant à encourager les entrepreneurs à créer ou à reprendre une entreprise resteront possibles et remboursables, notamment par le biais des chambres consulaires, ce qui permettra une première approche d’experts.
De plus, cette suppression générerait une économie budgétaire substantielle, estimée à 62,5 millions d’euros en année pleine.