Alors que la mission « Outre-mer » devrait viser le rattrapage des écarts persistant entre l’outre-mer et l’Hexagone, la baisse de ses crédits traduit la totale déconnexion entre les besoins de terrain et les arbitrages du Gouvernement.

Cette baisse nous inquiète à plusieurs titres. Tout d’abord, du fait de la contraction du budget consacré à la continuité territoriale, l’État ne tient pas ses engagements pris lors du Ciom de juillet 2023.

Le programme « Conditions de vie outre-mer » connaît également une baisse considérable, puisqu’il perd plus de 30 % de ses crédits. Cette coupe touchera en premier lieu le logement, alors même que, dans les outre-mer, 80 % de la population est éligible au logement social et que les besoins en constructions neuves sont alarmants. Dans le même temps, la baisse des réhabilitations depuis 2022 ne répond pas au problème de l’insalubrité des logements.

En outre, nos collectivités territoriales, confrontées à des réalités bien différentes de celles de l’Hexagone, sont particulièrement touchées par la baisse des crédits.

Comment discuter du budget des outre-mer sans évoquer la situation de la Kanaky-Nouvelle-Calédonie ?

Les souffrances sont présentes et les plaies sont encore vives, mais les accords de Nouméa n’ont jamais autant résonné dans les cœurs et les consciences. La revendication d’un peuple à son droit à l’autodétermination demeure, elle, légitime.

Huit mois après les événements du 13 mai, la crainte d’émeutes de la faim se fait ressentir chaque jour. Cette catastrophe sociale et économique est la conséquence d’une attitude totalement déraisonnable, jusqu’au-boutiste et paternaliste, mêlée à des réflexes colonialistes qui doivent disparaître.

Aujourd’hui, l’heure est à la responsabilité collective, celle de reconstruire la Kanaky-Nouvelle-Calédonie. Tel est le sens des amendements déposés sur cette mission, avec l’assentiment massif des élus, indépendantistes et non-indépendantistes.

Si nous défendons un cadre conventionnel pluriannuel, nous ne sommes pas partisans d’une logique de prêt. Pourquoi ajouter de la dette à un taux d’endettement qui atteint déjà plus de 340 % ? Il faut des réponses concrètes, à la hauteur de l’urgence de la situation en Kanaky-Nouvelle-Calédonie. C’est la condition d’une paix durable.

Enfin, il me faut évoquer Mayotte, qui se sent complètement abandonnée, malgré les différentes visites ministérielles. Votre loi d’urgence intervient plus de deux mois après le passage du cyclone. En attendant la reconstruction, ce que vivent les Mahorais au quotidien, c’est une situation d’urgence humanitaire faite de manques en matière d’accès à l’eau, à la nourriture, à l’énergie et aux soins.

À l’heure actuelle, nous déplorons la mort de trente-neuf personnes, qui ont été comptabilisées. Mais nous sommes solidaires de toutes les victimes sans-papiers, celles qui ont perdu la vie, celles qui ont été blessées, celles qui ne peuvent pas être soignées et celles qui continuent de mourir de faim. Notre groupe adresse ses sincères remerciements à tous ceux qui viennent en aide à toutes les victimes, quelles qu’elles soient.

Derrière les lignes budgétaires, il y a des vies humaines et l’avenir de près de 3 millions de Français en outre-mer. Les outre-mer ne peuvent être les premiers territoires à pâtir de la baisse des dépenses publiques.

La mission « Outre-mer » fait partie des missions les plus touchées par vos mesures d’austérité, qui traduisent, en creux, le manque de projets et de vision du Gouvernement dans ce domaine, ainsi que votre méconnaissance de nos territoires. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Catherine Conconne. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

Mme Catherine Conconne. Madame la présidente, monsieur le ministre d’État, mes chers collègues, nous tous, vous comme moi, nous pourrons dire, une fois nos missions politiques terminées, que nous avons vécu une sacrée époque !

Une époque où une instabilité institutionnelle à nulle autre pareille nourrit une défiance généralisée dans l’opinion.

Une époque où tout est aléatoire, aussi déréglé que le climat et aussi imprévisible chaque jour qui passe.

Je vous laisse imaginer à quel point cette ambiance atteint des niveaux extraordinaires dans les pays dits d’outre-mer. Il est vrai que des décennies de combats, de luttes inachevées et d’exigences pour l’égalité ont laissé des traces et des séquelles que l’on pourrait qualifier d’irréparables.

Cette course permanente de rattrapage pour des conditions de vie légitimement plus acceptables ont aussi laissé une impression amère de « loin des yeux, loin du cœur », qui demeure. Même si des efforts et des progrès sont objectivement visibles, les indicateurs, que je ne rappellerai pas ici, sont alarmants. Certains de nos compatriotes vivent dans une extrême précarité et ressentent forcément une impression d’abandon.

S’il fallait évoquer, dans le peu de temps qui m’est imparti, des questions de vie chère, de prix, bien sûr, mais aussi de revenus, je parlerais, par exemple, des pensions de retraite, dont le faible niveau plonge nombre de travailleurs, aux durs métiers, dans une inextricable pauvreté. Il n’est pas juste, monsieur le ministre, que 30 % de nos compatriotes vivent en dessous du seuil de pauvreté !

J’ai obtenu à ce titre, ici même, et très officiellement du ministre de l’époque, avec l’accord de la Première ministre, la création d’une mission du Conseil d’orientation des retraites (COR) sur ce sujet. Je l’attends toujours ! Je compte sur vous pour que ses travaux aboutissent enfin.

Dans ce contexte difficile, je n’ajouterai pas d’huile sur le feu et ne pointerai pas du doigt d’éternels fautifs. L’heure est au maré rein, comme on dit chez moi, en créole, c’est-à-dire à la détermination et à la solidarité collective, indéniable, responsable, nourrie dans un dialogue mûr et mature qu’il vous appartient d’établir avec écoute et respect.

Vous devez apprendre à nous reparler ; nous devons aussi apprendre à vous reparler. Nous devons nous enrichir les uns les autres, que nous soyons élus locaux, nationaux ou représentants de l’État. Certes, en restant debouts autour de nos propres valeurs politiques, mais en ayant plus que jamais pour seul objectif le progrès de nos pays.

Il faudra donner, monsieur le ministre, des signaux forts. À ce titre, la tâche sera immense. Je vous souhaite, d’ores et déjà, la bienvenue.

Nourrie comme je le suis depuis des décennies à la parole césairienne, je vous le dis : ensemble, il faut « un pas, un autre pas, encore un autre pas et tenir gagné chaque pas ».

Au vu des pas annoncés dans ce budget, rectifié, dédié à l’outre-mer, je vous annonce que, par solidarité, et toujours dans un esprit constructif et de progrès, je voterai les crédits de la mission « Outre-mer ». (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Annick Petrus. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme Annick Petrus. Madame la présidente, monsieur le ministre d’État, mes chers collègues, les outre-mer, et particulièrement Saint-Martin, font face à des défis structurels qui appellent des réponses spécifiques et ambitieuses.

La question de la vie chère reste l’un des plus lourds fardeaux pour nos concitoyens. À Saint-Martin, les produits alimentaires sont en moyenne 47 % plus chers que dans l’Hexagone. Cela pèse lourdement sur des ménages dont le revenu médian est bien inférieur à la moyenne nationale, dans un territoire où le PIB par habitant s’élève à seulement 16 962 euros et où 40 % de la population vit sous le seuil de pauvreté. Ces chiffres traduisent une précarité économique alarmante, qui affecte non seulement le pouvoir d’achat des familles, mais aussi les perspectives de la jeunesse locale.

À cette situation difficile vient s’ajouter une nouvelle source de préoccupation : la décision de la ministre des comptes publics, Mme Amélie de Montchalin, de maintenir la hausse de la taxe de solidarité sur les billets d’avion.

Dans une récente prise de parole, elle a justifié cette décision en disant qu’il s’agissait d’une mesure de « justice fiscale et écologique », en précisant que « les 20 % des Français les plus aisés sont responsables de plus de la moitié des dépenses liées aux voyages en avion ».

Pourtant, cette mesure aura des conséquences directes sur nos territoires. Elle entraînera une augmentation significative du prix des billets d’avion, pénalisant lourdement les populations ultramarines, qui dépendent quasi exclusivement du transport aérien pour leurs déplacements.

Pour Saint-Martin, en raison de sa triple insularité, cette augmentation compromettra la continuité territoriale et aggravera encore davantage la fracture territoriale. Il sera en effet beaucoup plus difficile de se rendre à des consultations médicales en Guadeloupe ou en Martinique, de poursuivre sa scolarité après la terminale, de visiter un détenu en prison en Guadeloupe, etc.

Dans un contexte où la vie chère pèse déjà sur les familles et alors que certains territoires ultramarins connaissent des tensions sociales croissantes, cette décision est incompréhensible et risque de provoquer un effet de contagion des troubles sociaux.

Dans ce contexte tendu, il est impératif d’apporter des réponses concrètes pour soutenir les territoires ultramarins, notamment leur jeunesse.

L’éloignement géographique, les coûts liés à la mobilité et le manque de proximité culturelle et familiale rendent le dispositif actuel du RSMA peu accessible pour de nombreux jeunes Saint-Martinois. C’est pourquoi la création d’une antenne spécifique du RSMA à Saint-Martin apparaît comme une solution stratégique.

Cette antenne, qui pourrait accueillir quatre-vingts jeunes par an, permettrait de proposer des formations adaptées aux réalités économiques locales, dans des secteurs porteurs tels que le bâtiment et les travaux publics, le nautisme et l’économie bleue.

Ces formations, en lien direct avec les besoins non satisfaits des entreprises locales, offriraient des débouchés concrets tout en renforçant l’attractivité du territoire pour les investisseurs ; elles favoriseraient aussi l’esprit d’entreprise de nos jeunes.

Au-delà des apprentissages techniques, le RSMA inculque des valeurs fondamentales : discipline, respect et solidarité. Ces qualités ne favorisent pas seulement l’employabilité des jeunes, elles renforcent également la cohésion sociale dans un territoire marqué par de fortes inégalités.

Offrir un cadre structurant et valorisant à ces jeunes, c’est investir dans la stabilité sociale et économique de Saint-Martin et, plus largement, des outre-mer.

Je tiens également à rappeler que les jeunes Saint-Martinois demandent non pas un traitement de faveur, mais bien une égalité des chances. Une antenne locale du RSMA permettrait d’atteindre cet objectif, en offrant à une génération désillusionnée un avenir concret, adapté et valorisant, au sein même de leur communauté.

Cette mesure, au-delà de ses répercussions locales, est une réponse pragmatique à un enjeu national : permettre à la jeunesse ultramarine de trouver sa place.

Mme la présidente. Il faut conclure, ma chère collègue.

Mme Annick Petrus. N’attendons pas qu’une catastrophe survienne pour que les outre-mer retiennent votre attention ! Avoir prévu, comme pour les autres territoires, un ministère de plein exercice pour les outre-mer, et qui plus est d’État, est certes une bonne chose, mais si les actes ne suivent pas, cela n’aura point d’intérêt. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Audrey Bélim. (Applaudissements sur les travées du groupe SER. – M. Teva Rohfritsch applaudit également.)

Mme Audrey Bélim. Madame la présidente, monsieur le ministre d’État, mes chers collègues, quel aurait été le destin de la Guyane si le port spatial de l’Europe n’était pas limité à un bout de terrain, si l’État avait décidé d’en faire le territoire de l’excellence aérospatiale européenne ?

Quel aurait été le destin de La Réunion, hot spot de la biodiversité, s’il avait été décidé d’en faire le territoire de l’excellence en sciences naturelles et en volcanologie ?

Quel aurait été le destin des territoires ultramarins et de la France hexagonale si l’on avait décidé de faire des ressources et des situations géographiques de chacun des forces au service du rayonnement de la France dans tous les océans ?

La réalité de nos territoires en ce début 2025 est bien loin de cet espoir. À la suite du passage du pire cyclone depuis quatre-vingt-dix ans, Mayotte, département très fragile, est complètement dévastée. J’adresse à nos compatriotes mahorais un puissant message de solidarité au nom du groupe socialiste.

Avant cet événement dramatique, nous parlions des mouvements sociaux très importants contre la vie chère aux Antilles. Juste avant cela, nous parlions même de guerre civile en Nouvelle-Calédonie-Kanaky. Et, au-delà, tout ce dont on ne parle pas dans les médias hexagonaux : la vie chère dans tous les outre-mer, comme chez moi, à La Réunion, les problèmes de sécurité, de logement, de santé aussi. C’est pourquoi le groupe socialiste souhaite attirer votre attention sur ces sujets fondamentaux.

Nous vous proposons de renforcer les effectifs de l’Autorité de la concurrence et des directions départementales de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DDCCRF) pour leur donner des moyens de contrôle spécifiques aux outre-mer et enfin venir à bout de ces insupportables monopoles qui empoisonnent la vie des Ultramarins.

C’est pourquoi nous vous alertons une fois encore sur la baisse de la ligne budgétaire unique, alors que les besoins en logement sont énormes et que leur coût contribue à aggraver encore la cherté de la vie.

Je vous proposerai dans les prochaines semaines, lors d’une niche du groupe socialiste, d’expérimenter l’encadrement des loyers dans les outre-mer. À Saint-Denis ou à Saint-Paul, par exemple, ils sont équivalents à ceux de Montpellier !

Mais nous devons marcher sur nos deux jambes : il nous faut à la fois réguler les loyers et construire des logements. Maintenons et amplifions nos efforts en matière de construction et de réhabilitation.

Monsieur le ministre, voyez dans mon discours non pas du pessimisme ou de la mendicité, mais comme un appel à travailler ensemble.

Il y a quelques années, vous avez dit à l’une de nos collègues alors députée, Ericka Bareigts, laquelle dénonçait des propos inadmissibles sur le fait que la France était de « race blanche », que, ce jour-là, c’était elle – une femme noire, une Réunionnaise – qui avait incarné Marianne. Nous avons la mémoire de ce moment où ces quelques mots ont ramené les outre-mer au cœur de la Nation.

Les outre-mer sont à un moment historique. Nous avons connu des années de non-considération, particulièrement depuis 2017. Cette absence de considération fait que notre sentiment d’appartenance à la France, hélas ! se fragilise et se fracture. Alors même que nous sommes Français, nous avons trop souvent cette désagréable impression de ne pas compter autant que nos compatriotes de la France hexagonale.

Monsieur le ministre, votre rôle aujourd’hui est de construire avec nous l’avenir de nos territoires et de retrouver le chemin de l’égalité réelle.

Avec nous, parce que nous connaissons nos territoires.

Mme la présidente. Il faut conclure, ma chère collègue.

Mme Audrey Bélim. Avec nous, parce que nous voulons affirmer notre fierté républicaine, notre fierté d’être Français, même dispersés aux quatre coins du monde.

Et parce que ce sera aussi avec nous que, demain, la France pourra redevenir grande. (Applaudissements sur les travées du groupe SER. – M. Teva Rohfritsch, Mme Marie-Laure Phinera-Horth, Mme Evelyne Corbière Naminzo et M. Saïd Omar Oili applaudissent également.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Viviane Malet. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme Viviane Malet. Madame la présidente, monsieur le ministre d’État, mes chers collègues, le 5 décembre dernier, date initiale d’examen des crédits de la mission « Outre-mer », je devais débuter mon propos en soulignant la résilience dont fait preuve la Nouvelle-Calédonie, qui tente de se relever des violentes émeutes qu’elle a connues. Depuis, il y a eu le 14 décembre et le passage du cyclone Chido, qui a dévasté Mayotte.

Je souhaite renouveler mon soutien plein et entier aux Mahoraises et aux Mahorais qui résident désormais dans un département où tout est à reconstruire : habitations, infrastructures publiques et centres de soins.

Chacun des territoires qui forment nos outre-mer est différent ; nous devons, nous, parlementaires, œuvrer à la reconnaissance de leurs spécificités, qu’il s’agisse de leurs atouts ou de leurs handicaps structurels.

C’est la raison pour laquelle nous nous attachons à dénoncer les différences de traitement et les réglementations qui ne se justifient pas ou qui ne sont pas en adéquation avec les besoins de nos territoires

La taxe générale sur les activités polluantes (TGAP) en est une illustration contre laquelle je me bats depuis six ans maintenant. J’ose espérer que le Gouvernement reprendra nos demandes sur ce sujet.

J’adhère au principe de réduction du déficit public, mais les besoins fondamentaux des outre-mer ne sauraient être sacrifiés en son nom. Ces territoires traversent des crises qui pourraient prendre de l’ampleur, ce qui, en définitive, entraînerait des dépenses bien plus importantes. Les Ultramarins attendent des actes concrets, des mesures fortes qui leur permettent de mieux vivre, notamment en matière de logement, de travail, de continuité territoriale, de sécurité, de santé et de souveraineté alimentaire.

Concernant le logement, le constat est cinglant : tous les crédits de la LBU ne sont pas consommés, alors que les besoins sont criants. Pour le seul département de La Réunion, nous avons plus de 40 000 demandes de logement, alors qu’à peine 2 000 logements sont livrés chaque année.

Monsieur le ministre, pour mieux consommer les crédits de la LBU, simplifions les procédures et adaptons les politiques publiques aux différents territoires. Fléchons les priorités pour chacun, mais convenons aussi d’une convention en partie décentralisée avec les élus locaux.

Concernant la continuité territoriale, le Gouvernement a pris des engagements forts lors du Ciom du 18 juillet 2023. C’est la raison pour laquelle j’ai déposé un amendement visant à rétablir les crédits nécessaires pour permettre le déploiement de ces décisions importantes pour nos habitants, notamment pour ceux qui doivent se former.

Je souhaite aussi profiter de cette tribune pour lancer une alerte sur les difficultés de l’agriculture et de la chambre d’agriculture de La Réunion.

Nos planteurs de canne à sucre ont connu en 2024 la pire récolte depuis plusieurs décennies. Cette chute sans précédent est le reflet d’une crise profonde touchant les agriculteurs, liée à des revenus agricoles insuffisants. N’oublions pas que plus de 42 % des agriculteurs réunionnais vivaient en 2020 sous le seuil de pauvreté et que le niveau des retraites agricoles mérite de figurer dans les travaux du Gouvernement.

Je défendrai pour nos éleveurs un amendement visant à relever le plafond du régime spécifique d’approvisionnement, qui ne l’a pas été depuis dix ans, et ce malgré une promesse faite en 2019 par le Président de la République.

J’attire de même votre attention sur la question du pouvoir d’achat dans les départements ultramarins. Si La Réunion a été précurseur dans le domaine de la vie chère avec la mise en place du premier bouclier qualité prix (BQP), celui-ci est désormais à bout de souffle. L’écart de prix avec l’Hexagone est tel que nous devons parvenir à déterminer, au-delà des coûts de transport et d’assurance, les intermédiaires qui viennent grever les prix des produits.

Je conclurai en abordant très rapidement deux thématiques d’actualité – la problématique de l’accès à l’eau à Mayotte et celle de la sécheresse qui touche l’est de La Réunion. Ces questions doivent être des priorités absolues.

Enfin, je veux dire que la baisse de la prise en charge par l’État des contrats aidés risque de porter un coup fatal à nombre d’associations à La Réunion.

Mme la présidente. Il faut conclure, ma chère collègue.

Mme Viviane Malet. Monsieur le ministre, en huit ans, vous êtes le huitième ministre des outre-mer, ce qui n’est pas propice à une vision de long terme. Je compte néanmoins sur vous pour nous aider à relever tous ces défis et à accorder à nos chantiers prioritaires les crédits qu’ils méritent. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. Marc Laménie applaudit également.)

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre d’État.

M. Manuel Valls, ministre dÉtat, ministre des outre-mer. Madame la présidente, mesdames, messieurs les sénateurs, c’est un grand honneur de me présenter aujourd’hui devant le Sénat pour défendre les crédits de la mission « Outre-mer ». J’ai plaisir à vous retrouver, quelques années après d’autres exploits… (Sourires.)

Je remercie les orateurs pour leurs interventions, qui témoignent de la très grande attention que porte votre institution à nos territoires d’outre-mer, avec son président Gérard Larcher, la présidente de la délégation aux outre-mer, Mme Micheline Jacques, les sénateurs et sénatrices ultramarins, et toutes celles et tous ceux – que je sais nombreux parmi vous – qui, comme moi, ont au cœur ces territoires de notre République.

Le Premier ministre, avec l’accord du Président de la République, a fait un choix fort dans la composition de son gouvernement : celui de créer un ministère d’État aux outre-mer, pour la première fois depuis plus de cinquante ans, et de lui confier la deuxième place dans l’ordre protocolaire, en y nommant un ancien Premier ministre. C’est le signe de la grande attention portée à ces territoires, qui doivent être, comme l’a dit hier le Premier ministre dans sa déclaration de politique générale, notre « toute première préoccupation ». Ce choix m’honore, mais surtout il m’oblige.

Notre préoccupation aujourd’hui, vous l’avez tous dit, c’est bien sûr la situation de nos compatriotes mahorais. Je sais que vous la suivez de près, avec la sénatrice Salama Ramia, le sénateur Saïd Omar Oili et, bien sûr, avec le ministre Thani Mohamed Soilihi. Je veux ici saluer leur courage et leur engagement constant.

M. Jean-Baptiste Lemoyne. Tout à fait !

M. Manuel Valls, ministre dÉtat. J’étais à Mayotte avec eux voilà quelques jours seulement. J’y ai vu un territoire de la République dévasté. Je veux avoir de nouveau, avec vous, une pensée pour tous les Mahorais et leurs proches. Les morts, les blessés physiques et psychologiques, les habitants qui ont été particulièrement isolés après le cyclone, ces vies meurtries, ces hommes et ces femmes sans toit, ces travailleurs inquiets, de nouveau frappés par une tempête tropicale intense il y a trois jours : tous nous obligent.

L’ensemble des services de l’État sont pleinement mobilisés jour et nuit à leurs côtés, et je veux rendre hommage à leur travail.

J’ai présenté hier à l’Assemblée nationale, et je présenterai bientôt devant vous, un projet de loi d’urgence pour Mayotte, qui doit aider à répondre à la crise et à poser les premières pierres de la refondation. Vous l’avez dit, le cyclone a révélé une fois encore les maux dont souffre ce territoire. Ils sont de natures diverses, mais je veux souligner que Mayotte fait face à deux fléaux particuliers, qui empêcheraient demain, s’ils n’étaient pas résolus, toute reconstruction : l’immigration illégale et l’habitat illégal.

Une deuxième loi de programme, « Mayotte debout », plus structurelle sera présentée dans deux mois, après un travail approfondi avec les élus locaux, les sénateurs mahorais et la délégation aux outre-mer de votre chambre.

Notre préoccupation va aussi naturellement à la Nouvelle-Calédonie. Le territoire a connu, au mois de mai dernier, des émeutes qui l’ont laissé exsangue, détruisant 15 % à 20 % de son PIB, comme l’a rappelé Georges Naturel. Le soutien de l’État a été fort et constant depuis le début de cette crise. Il faut maintenant trouver un chemin de réconciliation.

À la demande du Premier ministre, j’entamerai, dès le début du mois de février prochain, une discussion, une négociation, avec tous les acteurs politiques calédoniens, suivant un agenda précis, pour que puisse se dessiner un accord politique, condition indispensable de la refondation du modèle calédonien dans un destin commun. Vous comprendrez que je m’inspire de la méthode suivie par Michel Rocard et Lionel Jospin, puisque j’ai travaillé avec eux, mais également du travail qui a été effectué par le Sénat et de l’engagement plus personnel du président Larcher.

Notre préoccupation, c’est aussi bien sûr celle de la vie chère, fléau du quotidien dans tous ces territoires, qui a enflammé la Martinique au mois de septembre dernier. Georges Patient, Teva Rohfritsch et nombre d’entre vous ont cité des chiffres éloquents. Nous devons à nos concitoyens de trouver des solutions concrètes à ce défi, en faisant la vérité des prix et en trouvant des outils de régulation plus puissants.

Des propositions de loi viendront bientôt en discussion devant les deux assemblées, notamment au Sénat, avec un texte de l’ancien ministre Victorin Lurel : elles devraient permettre d’avancer. Je compte sur vous, monsieur le sénateur, car je connais votre engagement sur ces sujets, votre lucidité sur ce qui a été ou n’a pas été fait. Vous le savez, gouverner, c’est difficile, mais nous devons aller de l’avant.

Au-delà des préoccupations et des crises, nos outre-mer doivent être toujours dans nos regards comme des territoires de formidables opportunités. Quand éclatent les émeutes, quand s’abattent les cyclones et les tempêtes, ces territoires se rappellent à Paris. Mais quand se calment la fièvre et les tumultes, ils retombent dans l’oubli. Cela doit complètement changer.

Ces territoires sont aussi des joyaux de la République, ils abritent 10 % de la biodiversité du monde, 20 % de ses atolls. Ils représentent plus de 11 millions de kilomètres carrés et font de la France la deuxième puissance maritime mondiale.

M. Philippe Folliot. La première !

M. Manuel Valls, ministre dÉtat. Il me semble que c’est plutôt la deuxième…

Ce sont eux qui nous permettent d’être un pays-monde, présent sur cinq continents et dans trois océans. Ils sont le berceau de 2,7 millions de nos concitoyens sans compter le million d’Ultramarins dans l’Hexagone, et sont riches d’identités, de cultures, de traditions singulières, de tant de visages qui ont fait l’histoire, souvent tourmentée, et la beauté de notre République.

Mais c’est aussi dans ces territoires que se concentrent les plus grandes difficultés, les plus grandes vulnérabilités, la pauvreté, l’éloignement, l’immigration, la violence et le narcotrafic. Ils ont parfois, trop souvent, le sentiment d’être abandonnés, un sentiment profond d’injustice, qui est une réalité. Cela aussi doit changer.

Nous devons porter toute notre attention aux besoins singuliers de chaque territoire et favoriser leur projection et leur insertion dans leurs bassins régionaux. Cela a été souvent dit : il faut décidément passer aux actes. Une parlementaire posait hier au Premier ministre, au fond, la meilleure des questions : « Qu’est-ce que la France des outre-mer ? » C’est à cela que je veux, avec vous, répondre, en construisant dans le dialogue avec les forces vives des outre-mer de nouvelles trajectoires de développement et de financement par territoire, avec des moyens constants, comme l’a demandé hier le Premier ministre.

Je m’y consacrerai, avec engagement et détermination. C’est une belle mission. Le Ciom sera réuni pour acter cette ambition et cette méthode renouvelées, après vous avoir consultés, cela va de soi.

Le budget qui vous est présenté aujourd’hui doit nous donner les moyens de l’action, pour faire face aux crises comme pour accompagner le développement de tous les territoires. Vous le savez, la mouture initiale du projet de loi de finances pour 2025 qui avait été présentée aux assemblées demandait aux outre-mer des efforts importants et, disons-le, excessifs dans le contexte des crises multiples qu’ils traversent.

Dès mon arrivée au ministère des outre-mer, j’ai demandé à ce que de nouveaux arbitrages soient pris par le Gouvernement pour rétablir cette situation. Je veux remercier le Premier ministre de l’avoir permis, en donnant au budget des outre-mer un traitement tout à fait exceptionnel dans le contexte des finances publiques que nous connaissons. Cela témoigne, je le crois, de la réelle priorité donnée à ces territoires.

Si les amendements présentés et soutenus par le Gouvernement sont aujourd’hui adoptés, le budget des outre-mer s’élèvera en effet pour l’année 2025 à 3,5 milliards d’euros en autorisations d’engagement et à 3 milliards d’euros en crédits de paiement, soit une hausse de 11 % en AE et de 6 % en CP par rapport à une loi de finances initiale pour 2024 déjà historiquement élevée.

Cela témoigne de la réalité de l’engagement et de la solidarité de la Nation avec nos territoires ultramarins. Je sais qu’il y a beaucoup à faire en raison des retards accumulés depuis longtemps.

Ce budget va nous permettre de poursuivre l’effort pour accompagner la reconstruction de la Nouvelle-Calédonie. Depuis le début de cette crise, l’État a déjà engagé, je le rappelle, près de 600 millions d’euros. La loi de finances comprendra une garantie de l’État, qui sera portée à 1 milliard d’euros, pour un prêt de l’Agence française de développement (AFD) au gouvernement de Nouvelle-Calédonie. Une enveloppe de 200 millions d’euros en subventions sera incluse dans la mission « Outre-mer », pour permettre la reconstruction des écoles et des bâtiments publics. Une nouvelle dotation de la société de gestion de fonds de garantie d’outre-mer (Sogefom), à hauteur de 29 millions d’euros, sera accordée pour poursuivre et amplifier le soutien aux entreprises via des prêts garantis. Enfin, l’État complétera l’avance accordée en décembre 2024, dont le dernier tiers sera versé si les conditions demandées sont remplies. Car il faudra aussi des réformes en Nouvelle-Calédonie.

Je le sais, certains d’entre vous voudraient faire encore plus. Mais j’en appelle, si possible, à la responsabilité collective, pour ne pas fragiliser l’équilibre général qui a pu être trouvé. La proposition du Gouvernement donne déjà des moyens puissants pour soutenir le territoire, même si je n’ignore rien des inquiétudes sur place.

Ce budget permettra aussi d’amorcer le travail, immense, difficile, qui se présente devant nous pour la refondation de Mayotte. Nous le savons, des moyens considérables seront nécessaires. Les services de l’État sont mobilisés sans compter, chacun au travers de son budget, depuis le début de la crise.

L’évaluation des dégâts est en cours et tous les moyens budgétaires seront mis en œuvre en exécution dans le courant de l’année pour répondre à ces besoins. D’ores et déjà, le budget prévoit une enveloppe nouvelle de 100 millions d’euros en AE et de 35 millions d’euros en CP pour commencer immédiatement la reconstruction des bâtiments publics, sans attendre l’évaluation complète.

Ces moyens sont une première amorce. Ils ont bien évidemment vocation à être massivement complétés ensuite. Je sais, madame la sénatrice Ramia, que des promesses ont très souvent été faites à Mayotte et que beaucoup d’engagements ont été pris. Encore faut-il ensuite passer aux actes ; je compte sur votre vigilance.

Cet effort pour la refondation de Mayotte vient s’ajouter à des dispositifs de soutien qui étaient d’ores et déjà prévus avant Chido et qui sont confirmés dans ce budget. Je pense notamment à une subvention de 100 millions d’euros au conseil départemental pour faire face à la hausse de ses dépenses sociales, à une enveloppe de 60 millions d’euros pour le plan eau Mayotte, dont 21,7 millions d’euros dans le budget de la mission « Outre-mer », à une enveloppe de 2,5 millions d’euros pour l’appui au financement des constructions scolaires. Et cela sans compter tous les autres dispositifs, à l’instar des contrats de convergence, et les budgets mobilisés par tous les ministères.

Enfin, au-delà des territoires en crise, ce budget revalorisé permet aussi de maintenir et de renforcer nos dispositifs de soutien au développement de tous les territoires. Sans en détailler l’ensemble – nous y reviendrons au cours de la discussion –, je voudrais souligner plusieurs points que nous avons pu améliorer.

La réforme des exonérations de charges dites Lodéom (loi pour le développement économique des outre-mer), qui était initialement prévue cette année, ne sera pas incluse dans ce budget. Ce sont ainsi 180 millions d’euros qui sont réinjectés dans les territoires. Cela nous donne le temps d’une meilleure concertation au cours de l’année 2025 pour voir collectivement comment nous pourrions améliorer les choses.

Les dispositifs de soutien à l’investissement public et privé dans les territoires voient leurs dotations dynamisées, notamment l’AFD et Bpifrance. Nous améliorons aussi les contrats de convergence et de transformation, outils essentiels pour nos collectivités.

Bien évidemment, je n’oublie pas que le soutien de l’État aux territoires d’outre-mer va bien au-delà des crédits de la mission « Outre-mer ». L’effort financier de près de 25 milliards d’euros, dont 5 milliards d’euros de dépenses fiscales et 20 milliards d’euros de crédits budgétaires, est porté par 105 programmes, dans tous les ministères.

En tant que ministre des outre-mer, je souhaite donner une meilleure visibilité à ces crédits et améliorer le travail interministériel et la coordination avec les collectivités territoriales pour voir l’efficacité de ces dépenses. Je serai très attentif, comme vous et avec vous, à ce que les dépenses qui concernent nos outre-mer dans ces budgets soient bien prises en compte et bien traitées. Nous devons aussi faire beaucoup mieux en termes de consommation des fonds européens.

Mesdames, messieurs les sénateurs, le budget qui vous est aujourd’hui présenté, complété par les amendements du Gouvernement, est un budget de solidarité et d’ambition pour nos outre-mer. Je ne viens pas ici pour crier victoire ; je viens ici avec humilité et modestie, parce que je sais le travail qu’il reste à accomplir. Je connais ce sentiment d’inégalité, les réalités, les attentes et les colères.

Solidarité avec les territoires en crise, avec les plus fragiles, et ambition pour accompagner chacun des territoires dans une trajectoire de développement plus ambitieuse et plus durable. Logement, agriculture, autonomie alimentaire, lutte contre la pauvreté, économie bleue : les sujets sont multiples et il faut les traiter.

Je souhaite que ce budget puisse être adopté avec vous, car il faut construire ensemble. Nous devons nous donner les moyens d’agir, pour tous nos concitoyens ultramarins, qui représentent ce qu’il y a de plus beau dans notre pays. Ils le méritent, pour une France en grand. Cela doit être une priorité républicaine. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI et sur des travées du groupe RDSE. – Mme Catherine Conconne et M. Marc Laménie applaudissent également.)

Mme la présidente. Je vous rappelle que, pour cette mission, la conférence des présidents a fixé la durée maximale de la discussion à six heures ; 134 amendements sont à examiner.

Au-delà, conformément à l’organisation de nos travaux décidée par la conférence des présidents, et en accord avec la commission des finances, la suite de l’examen de cette mission sera reportée à la fin des missions de la semaine.

Nous allons procéder à l’examen des crédits de la mission « Outre-mer », figurant à l’état B.

ÉTAT B

(En euros)

Mission / Programme

Autorisations dengagement

Crédits de paiement

Outre-mer