M. le président. Mes chers collègues, je vous rappelle que le temps de parole attribué à chaque groupe pour chaque unité de discussion comprend le temps de l’intervention générale et celui de l’explication de vote.

Par ailleurs, le Gouvernement dispose au total de dix minutes pour intervenir.

Dans la suite de la discussion, la parole est à Mme Anne-Sophie Patru. (Applaudissements sur les travées du groupe UC. – M. Bruno Belin applaudit également.)

M. Michel Canévet. Allez la Bretagne ! (Sourires.)

Mme Anne-Sophie Patru. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, dans cette discussion un peu particulière, nous entamons une journée non moins particulière par l’examen de la mission « Administration générale et territoriale de l’État ». Celle-ci balaie une part importante et symbolique des missions du ministère de l’intérieur.

En effet, les crédits de cette mission ont vocation à garantir aux citoyens l’exercice de leurs droits dans le domaine des libertés publiques – notamment au travers de l’organisation des élections – et à assurer la présence et la continuité de l’État sur l’ensemble du territoire national, de même que la bonne déclinaison des politiques publiques.

Le montant des crédits de cette mission s’élève à 4,71 milliards d’euros en autorisations d’engagement. Après une période de désengagement de l’État dans les territoires, 4 700 ETP ayant été supprimés dans les préfectures entre 2010 et 2020, la Lopmi a lancé une démarche inverse de renforcement du réseau territorial en prévoyant de créer 204 ETP au total sur la période 2023-2024.

Dans ce budget pour 2025, le plafond d’emplois diminue sensiblement, notamment en raison des mesures d’économies, mais le nombre d’emplois réels devrait rester stable. Cette stabilisation des effectifs était nécessaire pour apurer nos comptes publics tout en gardant en ligne de mire l’objectif d’un État territorial fonctionnel, qui exige un renforcement des moyens humains. Je pense particulièrement au déploiement des maisons France Services.

Toutefois, ces évolutions masquent une évolution hétérogène des crédits des trois programmes qui composent la mission : ceux du programme 354 « Administration territoriale de l’État », qui comprend les moyens des préfectures, des sous-préfectures et des directions départementales interministérielles, augmentent ; à l’inverse, ceux du programme 232 « Vie politique » chutent en raison de l’absence d’échéances électorales prévues cette année, de même que ceux du programme 216 « Conduite et pilotage des politiques de l’intérieur », les engagements liés aux projets immobiliers structurants du ministère n’étant pas renouvelés.

Aussi, dans un contexte où tout nouveau budget sera nécessairement contraint, nous devons nous ouvrir à plus de prospective. À cet égard, je souhaite remercier notre rapporteure pour avis, Cécile Cukierman, pour son travail sur l’identité numérique. Nous devons relever le défi de la transition numérique, notamment en créant un système de procuration dématérialisée, afin de revitaliser la participation à la vie démocratique et citoyenne de notre pays. D’ici aux échéances municipales de 2026, mettons l’ouvrage sur le métier !

Le groupe Union Centriste, vous l’aurez compris, soutiendra l’adoption des crédits de cette mission, en espérant qu’il sera tenu compte de ce geste du Sénat lors des prochaines discussions budgétaires. Nos territoires en ont besoin ! (Applaudissements sur les travées des groupes UC et INDEP.)

M. le président. La parole est à M. Ian Brossat.

M. Ian Brossat. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, nous revoilà donc pour discuter de la mission « Administration générale et territoriale de l’État », dans le cadre de l’examen du projet de loi de finances pour 2025. Il faut bien le dire, monsieur le secrétaire d’État, le contexte est pour le moins particulier : le Gouvernement est en sursis et ne sera vraisemblablement plus là dans quelques heures. Un rêve éveillé va prendre fin, pour vous et quelques autres : celui qui consiste à croire que l’on peut diriger un pays comme la France en étant ultraminoritaires… (M. Jean-François Rapin proteste.)

Nous nous trouvons donc dans une situation absolument inédite : nous débattons d’un texte budgétaire présenté par un gouvernement qui vit ses dernières heures. C’est l’occasion pour nous d’exprimer certains de nos désaccords avec votre politique.

La mission que nous sommes amenés à examiner est composée de trois programmes particulièrement importants en ces temps troublés, en ce qu’ils ont vocation à assurer la présence et la continuité de l’État dans nos territoires, à financer les fonctions de support du ministère et à organiser les élections.

Je me dois de rappeler les dix années de coupes budgétaires…

M. Ian Brossat. … qu’ont subies nos préfectures, qui ne sont pas sans conséquences sur l’accès aux services publics. Les gouvernements successifs sont à l’origine de nombreuses baisses d’effectifs, laissant souvent les agents des préfectures et des sous-préfectures seuls face à une charge de travail de plus en plus importante.

En effet, pas moins de 4 500 postes ont été supprimés au sein des préfectures et des sous-préfectures, principalement dans les services essentiels chargés de l’accueil et de l’accompagnement des usagers. Ces réductions massives d’effectifs ont directement fragilisé l’accès aux services publics, de nombreux citoyens ayant du mal à accomplir des démarches administratives devenues complexes, voire inaccessibles.

Si 144 postes ont été créés entre 2023 et 2024, le plafond d’emplois pour 2025 subira une nouvelle suppression de 182 postes. Autrement dit, loin de réparer les dégâts des coupes budgétaires opérées entre 2010 et 2020, la politique qui est menée continue de restreindre l’accès à des services publics de qualité, au détriment de nos concitoyens et des territoires qui en dépendent le plus.

Le problème est d’autant plus grave que 15 % des personnes de 15 ans ou plus résidant en France étaient en situation d’illectronisme en 2021. Ces millions de Français, qui ont des difficultés à utiliser les outils numériques pour accéder à leurs droits, se retrouvent dans une impasse. Assurer une présence humaine dans les services publics n’est pas un luxe ; c’est une nécessité absolue pour maintenir l’égalité d’accès et préserver le lien entre la République et ses citoyens.

Nos services déconcentrés doivent être accompagnés et les crédits alloués n’y pourvoient pas, ce qui a des conséquences graves, notamment sur l’accueil des étrangers en préfecture. La situation est devenue tout simplement indigne : des files d’attente interminables, des rendez-vous en ligne impossibles à obtenir, et une bureaucratie kafkaïenne ajoutent à la détresse de ceux qui cherchent à régulariser leur situation.

Ces absurdités ne sont pas le fruit du hasard, mais bien le résultat d’une gestion budgétaire qui traite ces enjeux comme secondaires.

Enfin, nous le savons, la continuité de l’État sur l’ensemble du territoire est cruciale pour préserver le lien entre les citoyens et la République. Le projet politique que vous défendez est bien éloigné du nôtre ; ce budget en est une nouvelle démonstration.

Par conséquent, le groupe CRCE-K votera contre l’adoption des crédits de cette mission. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K. – M. Éric Kerrouche applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. Guy Benarroche. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)

M. Guy Benarroche. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, la mission « Administration générale et territoriale de l’État » recouvre selon nous un intérêt fondamental. Depuis des années, nous reprochons aux différents gouvernements de mener une politique que je qualifie de « recentralisation déconcentrée » du pouvoir. Ce phénomène est perçu de tous : pour preuve, une mission d’information du Sénat va être créée sur le sujet.

Les crédits du programme 232 « Vie politique », le plus modeste de cette mission, baissent de 61 % en crédits de paiement et de 62 % en autorisations d’engagement. En parallèle, les crédits du programme 216 « Conduite et pilotage des politiques de l’intérieur » augmentent de 20 % en crédits de paiement, mais diminuent de 31 % en autorisations d’engagement.

La diminution des crédits alloués au programme 232 pose de sérieuses questions sur la capacité des pouvoirs publics à organiser des élections démocratiques dans de bonnes conditions. Il convient, au minimum, de maintenir les crédits de ce programme au niveau de 2024, d’autant qu’il ne pèse que 2 % du budget de la mission.

Le Gouvernement justifie ce choix par le fait qu’aucune élection majeure ne doit se dérouler en 2025. Pourtant, c’était aussi le cas en 2024… Monsieur le secrétaire d’État, pensez-vous vraiment qu’il n’y aura pas d’élections majeures en 2025 ? (M. le secrétaire dÉtat sourit.)

La question de la compensation des coûts d’organisation des élections législatives en juin dernier à la suite de la dissolution demeure entière. En effet, ces coûts ont été assumés par les communes et les maires ont eu de grandes difficultés à organiser ces élections anticipées convoquées en urgence. Il ne faudrait pas que, par manque d’anticipation, nous nous retrouvions dans le même cas en 2025.

Les préfectures sont un outil important de l’action publique de l’État et une interface importante avec nos concitoyens ou toute personne étrangère voulant mettre à jour sa situation administrative. Nous regrettons de voir qu’une question si essentielle n’est pas prise au sérieux dans ce budget.

À titre d’illustration, l’objectif initial d’un délai de 30 jours pour que la procédure de renouvellement des titres de séjours aboutisse a été abandonné, le délai étant allongé à 55 jours pour 2025 – un délai qui, du reste, ne sera certainement pas respecté au vu des crédits de la mission.

La question du lien avec les citoyens est aussi une préoccupation importante de notre groupe. Conscients des problèmes liés à l’illectronisme, nous avons souvent poussé pour ouvrir davantage de lieux d’accueil du public et de guichets dans les préfectures.

L’administration territoriale de l’État a traité 17 millions d’appels en 2023 et l’Agence nationale des titres sécurisés (ANTS) 2 millions, auxquels s’ajoutent 1,5 million de courriels au premier semestre 2024. Ces chiffres prouvent surtout qu’un grand nombre de personnes n’arrivent pas à faire aboutir leurs démarches. Chacun d’entre nous a été sollicité au moins une fois dans son département pour intervenir à cet effet.

Nous prenons note du fait que les investissements numériques continuent de croître, mais nous regrettons que ce soit au détriment de l’emploi d’agents. Nous avons souvent déploré une forme d’abandon du service public par une contractualisation à outrance et un manque majeur de recrutement. Le Gouvernement explique ce phénomène par une difficulté à recruter dans certaines zones géographiques, où les emplois ne sont plus pourvus.

En outre, la Cour des comptes observe que le recul des emplois permanents de fonctionnaires a été compensé par des contrats courts, des vacataires ou autres services civiques qui, en définitive, ont coûté plus cher aux administrations. Résultat : la continuité du service public et la qualité de la gestion administrative en ont pâti. Qui veut tuer son chien l’accuse d’avoir la rage… Cela résume un peu la politique des derniers gouvernements !

M. Guy Benarroche. L’action n° 02 « Réglementation générale, garantie de l’identité et de la nationalité et délivrance des titres » du programme 354 couvre le droit des étrangers, la délivrance des titres sécurisés, l’organisation des élections et le suivi des associations. Or la dématérialisation a engendré une grande crise dans la délivrance des titres et dans le lien de confiance avec les citoyens. Au cours de la décennie 2010-2020, 4 500 équivalents temps plein travaillé (ETPT) ont été supprimés à l’échelon départemental.

M. le président. Il faut conclure, mon cher collègue !

M. Guy Benarroche. Je manque de temps pour aller au bout de mon propos, mais, la valeur opérationnelle de ce rapport n’étant pas certaine, le groupe écologiste ne votera pas les crédits de cette mission, à défaut d’évolutions majeures. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)

M. le président. La parole est à M. Éric Kerrouche. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

M. Éric Kerrouche. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, au regard du climat politique, il semble un peu vain d’examiner les crédits de la mission « Administration générale et territoriale de l’État »… Je veux remercier l’ensemble du personnel du Sénat et les collaborateurs parlementaires qui, je le crains, travaillent actuellement en pure perte.

M. Éric Kerrouche. Cette mission vise normalement trois objectifs : garantir aux citoyens l’exercice de leurs droits dans le domaine des libertés publiques, assurer la continuité de l’État sur l’ensemble du territoire et mettre en œuvre les politiques publiques à l’échelle locale.

Comme cela a été dit, les crédits de la mission s’élèvent à 4,71 milliards d’euros en autorisations d’engagement, soit une baisse de 15,8 % par rapport à la loi de finances initiale pour 2024, et à 4,96 milliards d’euros en crédits de paiement, soit une hausse – en trompe-l’œil – de 6,5 %.

Non seulement les crédits des trois programmes évoluent de manière disparate, mais ils sont en recul par rapport à la trajectoire pluriannuelle définie par la Lopmi. Surtout, les hausses concernent des dépenses immobilières qui ne nous paraissent pas centrales.

Permettez-moi de détailler les évolutions des trois programmes.

En ce qui concerne le programme 354, les grandes promesses de « réarmement » de l’organisation territoriale de l’État ne sont manifestement pas tenues. En effet, l’évolution des effectifs est nulle. Pis, l’amendement n° II-899 du Gouvernement visant à annuler des crédits de la mission au profit de la mission « Sécurités » risque d’aggraver encore la situation.

Cette politique, menée par un socle commun qui n’avait finalement en commun que d’être de droite, s’oppose profondément à ce que nous défendons régulièrement au Sénat, aussi bien dans le cadre de la commission des lois que dans celui de la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation. Je pensais que nous étions tous d’accord sur la nécessité de réarmer l’État local. Ce projet de loi de finances revient sur les engagements pris en la matière, ce qui est regrettable.

La nécessité d’accorder des moyens humains aux préfectures s’impose à tous, parce que ceux-ci sont une condition de déploiement du service public. Au moment où la loi du 26 janvier 2024 pour contrôler l’immigration, améliorer l’intégration, dite loi Darmanin, va encore augmenter la pression sur le contrôle de légalité, la délivrance et le renouvellement des titres d’identité, il est évident que la question du réarmement territorial aurait dû être abordée différemment. Ces services, qui subissent déjà une forte pression, risquent tout simplement d’être embolisés dans les années à venir.

Comme nous le disons chaque année, il y a lieu de s’interroger sur la doctrine territoriale de l’État. Cette dérive de l’État local a des conséquences : la façon dont les Français jugent leur maire et l’administration locale décline année après année. Localement, cela pose problème.

Si les préfectures ont regagné du crédit depuis la crise du covid-19, il n’en demeure pas moins que le déficit de confiance des maires à l’endroit de l’État s’est creusé en moyenne de 10 points depuis 2020. Pour plus de 60 % des maires, l’organisation administrative du pays laisse trop de place aux doublons entre l’État et les collectivités territoriales. Ces dernières devraient pouvoir mieux jouer leur rôle.

Pour ce qui concerne le programme 232 « Vie politique », la baisse de crédits est légitime, puisque, à ce stade, aucune élection n’est prévue en 2025… (Sourires.)

M. Éric Kerrouche. Je dis bien « à ce stade » !

En outre, le projet de loi de finances ne tient pas compte de l’organisation d’élections provinciales en Nouvelle-Calédonie, alors même que cette hypothèse devient de plus en plus probable, dans le contexte que nous connaissons.

En parallèle, nous déplorons comme l’an dernier que le Gouvernement n’engage pas une réflexion de fond quant au financement de la vie politique.

Nous pensons, en particulier, à la possibilité d’ouvrir un compte de campagne dans un établissement bancaire. À cet égard, les candidats se heurtent régulièrement à des difficultés : on a encore pu le constater lors des dernières élections législatives.

Sur un autre plan, la dotation censée compenser le coût des élections pour les communes est gelée depuis 2006. Selon les chiffres de l’Association des maires de France et des présidents d’intercommunalité (AMF), elle ne couvre désormais que 15 % du coût réel d’un scrutin. Il s’agit tout de même d’un problème démocratique… Dans un rapport de 2024, la Cour des comptes souligne le manque d’informations fiables disponibles à ce sujet. À mon sens, il serait logique d’assurer une compensation à due proportion des dépenses engagées par les communes.

Je ne m’étendrai pas davantage sur le programme 216, essentiellement consacré à deux projets immobiliers, ainsi qu’aux équipements de vidéosurveillance. Je signale simplement que nous déplorons la baisse de crédits subie par la mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires (Miviludes).

Considérant que la faiblesse des moyens dévolus aux ressources humaines était contrebalancée par l’importance des programmes immobiliers, nous étions enclins à nous abstenir. Mais, en la matière, les derniers revirements du Gouvernement ont changé la donne. Nous voterons tout compte fait contre les crédits de ce programme, car ils ne nous semblent pas à la hauteur. L’État territorial est le bien commun des Français, et il a un rôle essentiel à jouer pour lutter contre le sentiment d’abandon qu’éprouvent nombre de nos concitoyens. (Applaudissements sur les travées du groupe SER. – MM. Thomas Dossus et Ian Brossat applaudissent également.)

M. le président. La parole est à M. Marc Laménie. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP.)

M. Marc Laménie. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, la mission « Administration générale et territoriale de l’État » verra, en 2025, ses crédits baisser de 15,8 % en autorisations d’engagement et augmenter de 6,5 % en crédits de paiement, ces derniers s’élevant à 4,96 milliards d’euros.

Les trois programmes de cette mission connaissent des évolutions très dissemblables.

En premier lieu, le programme 354 « Administration territoriale de l’État », qui joue un rôle clé, englobe 58 % des crédits de la mission. Regroupant les moyens des préfectures, des sous-préfectures et des directions départementales interministérielles (DDI), son budget progresse de 4,29 % en autorisations d’engagement et de 3,19 % en crédits de paiement.

En deuxième lieu, le programme 232 « Vie politique », qui finance l’exercice des droits des citoyens en matière électorale, affiche cette année une très forte baisse : son budget recule de 61,84 % en autorisations d’engagement et de 61,08 % en crédits de paiement. Cette chute s’explique par l’absence d’échéance électorale, que les précédents orateurs ont rappelée. Il est logique que ces crédits fluctuent au gré du calendrier électoral.

En troisième et dernier lieu, le programme 216 « Conduite et pilotage des politiques de l’intérieur », qui représente 40 % des crédits de la mission, accuse une forte baisse en autorisations d’engagement. Cette diminution est elle aussi logique. Elle s’explique par l’entrée dans la phase de construction de divers projets immobiliers du ministère de l’intérieur. (M. le secrétaire dÉtat le confirme.)

Mes chers collègues, vous voyez combien le champ de cette mission est vaste. Je me contenterai donc, pour ma part, d’aborder deux sujets.

Premièrement, force est de constater que l’ingénierie territoriale proposée aux communes a perdu de sa qualité. Je précise que, bien souvent, la baisse des moyens de l’administration territoriale de l’État a été contrebalancée par les initiatives des conseils départementaux. Ces derniers ont créé des structures chargées de répondre aux besoins des communes en leur apportant soutien et conseil.

Deuxièmement, je tiens à évoquer le couple préfet-maire et, plus largement, la relation entre le préfet et les élus locaux. Ce lien doit être préservé à tout prix : il est essentiel pour faire face aux difficultés que rencontrent nos concitoyens, notamment dans les territoires ruraux. Je pense en particulier aux aléas climatiques.

Monsieur le secrétaire d’État, je ne saurais conclure cette intervention sans exprimer la satisfaction que m’inspire le travail de l’Agence nationale des titres sécurisés, récemment rebaptisée France Titres. Dans le département des Ardennes, dont je suis l’élu, cette agence emploie plusieurs centaines de personnes. À ce titre, je me dois d’ailleurs de saluer l’engagement de Boris Ravignon, maire de Charleville-Mézières.

Dans l’ensemble de notre territoire, les délais de délivrance des titres ont sensiblement baissé. En moyenne, il faut désormais treize jours pour obtenir une carte nationale d’identité (CNI) et vingt jours pour obtenir un passeport. Cette amélioration est notamment due au dévouement des personnels de France Titres, dont les missions sont si importantes. (M. le secrétaire dÉtat acquiesce.)

Les élus du groupe Les Indépendants – République et Territoires voteront les crédits de cette mission. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP.)

M. le président. La parole est à M. François Bonhomme. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. François Bonhomme. Comment garantir à nos services publics les moyens humains dont ils ont besoin ? Comment les accompagner dans la nécessaire transition numérique malgré la situation financière actuelle ? Telles sont les questions auxquelles nous confronte l’examen de cette mission.

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, dans un contexte dominé par les difficultés, Cécile Cukierman, rapporteure pour avis de la commission des lois, évoque des « dynamiques budgétaires contrastées ». En autorisations d’engagement, le budget de cette mission baisse en effet de près de 16 %, pour s’établir à 4,71 milliards d’euros, tandis qu’en crédits de paiement il connaît une hausse sensible, pour atteindre 4,96 milliards d’euros. Pour évaluer sa portée, il faut donc examiner la ventilation des crédits dans les trois programmes de la mission.

Le principal des trois, à savoir le programme 354 « Administration territoriale de l’État » voit ses crédits augmenter pour s’établir à 2,7 milliards d’euros.

Ce programme est un support financier essentiel. Il regroupe les crédits d’investissement et de fonctionnement des services déconcentrés et le budget dédié à 74 000 agents affectés, notamment, à la délivrance des titres, au contrôle de légalité et à la gestion des crises. S’y ajoutent les crédits de personnel des 31 300 agents travaillant dans les préfectures, les sous-préfectures, les secrétariats généraux communs départementaux (SGCD), les directions départementales interministérielles ou encore les secrétariats généraux pour les affaires régionales (Sgar).

En autorisations d’engagement, le budget de ce programme augmente de près de 4,3 %, ce qui représente 113 millions d’euros supplémentaires par rapport à 2024. Il s’agit en particulier de financer les marchés pluriannuels d’énergie et la rénovation des bâtiments administratifs publics, afin de réduire leur empreinte énergétique.

Le développement d’outils numériques bénéficie d’un budget spécifique en hausse de 3 %. En améliorant la gestion administrative et la communication, ces investissements ont vocation à accroître l’efficacité des services déconcentrés.

Les crédits consacrés à la gestion de crise devraient permettre, quant à eux, de maintenir quatre exercices territoriaux annuels – ces derniers sont essentiels à une bonne préparation – tout en accélérant le déploiement des plans particuliers d’intervention (PPI), chantier qui inclut la mise à jour des équipements et des plans territoriaux.

Le programme 232 « Vie politique » est sans surprise plus modeste : il ne représente que 2 % du budget total de la mission. Ses crédits baissent de plus de 60 % en raison de l’absence d’échéance électorale majeure en 2025, après une année 2024 ponctuée de différents scrutins, prévus ou non. On voit mal comment le Gouvernement ou le Parlement pourraient anticiper, à ce titre, d’hypothétiques élections l’année prochaine, exception faite des élections provinciales en Nouvelle-Calédonie.

Quant au budget du programme 216 « Conduite et pilotage des politiques de l’intérieur », il baisse de 31 % en autorisations d’engagement. Ce recul est essentiellement dû à l’absence de reconduction de projets immobiliers, dont un chantier de grande envergure : le nouveau site de la DGSI, à Saint-Ouen, dont l’ouverture est prévue pour 2028.

En revanche, le budget de ce programme connaît une forte hausse en crédits de paiement. C’est la traduction d’une dynamique de modernisation numérique dont relève l’ambitieux projet de réseau Radio du futur (RRF), visant à moderniser les outils de communications mobiles prioritaires utilisés par nos forces de sécurité et de secours. Il s’agit de créer un réseau haut débit sécurisé et résilient, à même de garantir la continuité des missions quotidiennes de sécurité et de secours et capable d’affronter des crises ou des événements majeurs.

Dans le contexte que nous connaissons, la stabilité des moyens humains relevant de cette mission mérite d’être notée. Souvenons-nous qu’entre 2012 et 2020 les emplois affectés à l’État territorial ont diminué de plus de 14 %… Il semble que la Lopmi ait inversé la tendance et que l’on tente désormais de rattraper le retard accumulé.

Entre 2023 et 2024, 204 postes ont été créés, portant l’effectif actuel des préfectures et des sous-préfectures à environ 30 000 agents. Le taux d’administration par département a, ainsi, légèrement augmenté.

J’y insiste : dans ce contexte budgétaire difficile, on aurait pu craindre une nouvelle réduction des moyens humains. À l’inverse, cette année devrait être marquée par la stabilité des emplois réels. Cette décision est raisonnable ; mais nous devrons, demain, continuer de renforcer l’État territorial au plus près du citoyen. La trajectoire retenue, impliquant la création de 350 emplois d’ici à 2027, semble encore atteignable.

Sur ce dossier, je tiens à saluer l’action du ministre de l’intérieur. Dès septembre dernier, Bruno Retailleau a obtenu pour 2024 le fléchage de 26 millions d’euros supplémentaires vers le programme 354. Selon ses propres termes, « cette rallonge budgétaire va permettre aux préfectures d’envisager plus sereinement cette fin de gestion 2024 et d’éviter des reports de charges conséquents sur 2025, qui auraient considérablement grevé les marges de manœuvre budgétaires des services de l’administration territoriale de l’État l’an prochain et les auraient mis en grandes difficultés ».

Lors des arbitrages budgétaires, le ministre de l’intérieur n’a pas ménagé ses efforts pour obtenir cette stabilisation des effectifs, malgré les nécessaires baisses de crédits.

J’en viens à présent aux maisons France Services, dont il convient de saluer la réussite.

Piloté par le ministère du partenariat avec les territoires et de la décentralisation et par l’Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT), ce réseau se compose de 2 753 guichets uniques de proximité regroupant plusieurs administrations. Actuellement, quarante et une sous-préfectures et cinq préfectures détiennent le label France Services.

L’objectif est de proposer une offre élargie et gratuite de services, qu’il s’agisse de la santé, de la famille, des retraites, des droits en tout genre, du logement, des impôts, de la recherche d’emploi ou encore de l’accompagnement au numérique. Les maisons France Services doivent être implantées au plus près des habitants, notamment dans les zones rurales et les quartiers prioritaires de la politique de la ville (QPV).

Dans un récent rapport, la Cour des comptes a souligné le succès de ces structures. Elle a salué l’effort de proximité – pour les usagers, les espaces France Services sont presque tous accessibles en moins de trente minutes de transports – et l’augmentation du nombre de demandes traitées. Ces dernières ont bondi de 1,17 million en 2020 à près de 9 millions à la fin de l’année 2023. La Cour des comptes précise que plus de 80 % des demandes sont traitées sur place et que le taux de satisfaction des usagers dépasse 90 %.

Dans nos territoires, l’action de France Services est bel et bien positive. Néanmoins, certaines sous-préfectures semblent encore insuffisamment dotées. Il convient de lever ce frein pour continuer à étoffer ce service public de proximité. Rappelons que certaines sous-préfectures fonctionnent avec seulement une dizaine d’agents.

En matière de dématérialisation, deux dossiers retiennent spécialement notre attention : la dématérialisation des titres et celle des procurations.

Dans une logique de modernisation de l’administration publique, les documents officiels physiques – cartes, attestations, certificats, diplômes ou encore titres de transport – doivent, à terme, être remplacés par des supports numériques accessibles via des plateformes en ligne ou des dispositifs électroniques.

Cette évolution présente de nombreux avantages : facilitation des démarches, réduction de la dépense publique, sécurisation des procédures et des données ou encore réduction de l’empreinte écologique liée à l’usage du papier et aux processus physiques.

Toutefois, la dématérialisation a aussi ses limites, qu’il convient de prendre en compte. Une partie de la population, notamment les personnes âgées et les habitants de certaines zones rurales, peine à accéder aux services en ligne, que ce soit pour des raisons techniques ou par manque de culture numérique. De plus, l’ergonomie de certains sites, comme celui de l’ANTS, peut se révéler trop complexe.

Pour les procurations, il convient aussi d’être prudent. Bien sûr, la dématérialisation de ces documents est gage de simplification, notamment pour les personnes vivant à l’étranger et dans les zones rurales, ou faisant face à des contraintes de mobilité. Mais les gains de temps restent relatifs, et il faut pouvoir s’assurer que la personne demande bien la procuration pour elle-même. En ce sens, la présence physique demeure une garantie essentielle : elle permet, en particulier, de vérifier les documents d’identité.

Mes chers collègues, en commission des finances et en commission des lois, les élus de notre groupe se sont exprimés en faveur des crédits de cette mission, contrairement à l’an dernier.

Nous ne pouvons pas occulter le contexte de fragilité budgétaire dans lequel nous sommes placés. Chaque mission doit contribuer au redressement des finances publiques. Le budget de la mission « Administration générale et territoriale de l’État » est d’ailleurs globalement préservé. Nous resterons toutefois vigilants, car nous souhaitons préserver, à long terme, les objectifs de la Lopmi.

Enfin, le nouveau cap fixé par le ministre de l’intérieur nous encourage à voter ces crédits. Devant la commission des lois, M. Retailleau a notamment plaidé pour un renforcement du rôle du préfet de département…