M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Claude Raynal, président de la commission des finances. Mes chers collègues, en application de l’article 46 bis, alinéa 2, de notre règlement, je sollicite l’examen séparé de certains amendements aux missions « Économie », « Travail, emploi et administration des ministères sociaux », « Justice » et « Relations avec les collectivités territoriales », de façon à permettre des regroupements par thématiques.
Il s’agit, dans un souci de logique et de clarté, de sortir des regroupements par gages et d’éviter des discussions communes sur un nombre excessif d’amendements.
M. le président. Je suis donc saisi, en application de l’article 46 bis, alinéa 2 du règlement du Sénat, d’une demande de la commission des finances d’examen séparé de certains amendements portant sur les crédits des missions « Économie », « « Travail, emploi et administration des ministères sociaux », « Justice » et « Relations avec les collectivités territoriales ».
Y a-t-il des oppositions ?…
Il en est ainsi décidé.
Sécurités (suite)
Compte d’affectation spéciale : Contrôle de la circulation et du stationnement routiers (suite)
Mes chers collègues, dans la suite de notre discussion générale, je vous rappelle que le temps de parole attribué à chaque groupe pour chaque unité de discussion comprend le temps d’intervention générale et celui de l’explication de vote.
Par ailleurs, le Gouvernement dispose au total de quinze minutes pour intervenir.
La parole est à M. Marc Laménie.
M. Marc Laménie. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, trois commissions – celle des finances, bien sûr, mais aussi celle des lois et celle des affaires étrangères, de la défense et des forces armées – sont concernées par la mission « Sécurités », ce qui souligne son importance.
L’année 2023 n’avait pas été particulièrement calme, avec les manifestations contre la réforme des retraites, le mouvement contre les mégabassines, ou encore les émeutes dans les banlieues.
L’année 2024 a également été une année d’engagements intenses pour l’ensemble de nos forces de l’ordre. Elle a bien sûr été marquée par la tenue des jeux Olympiques et Paralympiques à Paris, très belle réussite pour notre pays. Le défi était énorme, mais nos forces de sécurité – policiers, gendarmes, autres militaires et sapeurs-pompiers – ont su le relever avec dévouement et compétences. Nous leur adressons ce soir un message de respect et de reconnaissance.
Hélas, 2024 n’a pas été qu’une année de célébrations. Les outre-mer, particulièrement la Nouvelle-Calédonie, ont été le théâtre de violents affrontements. Nous voulons redire ici que nous condamnons fermement le recours à la violence, qui a entraîné la mort de treize personnes, dont deux gendarmes, et plusieurs centaines de blessés. Nous avons une pensée pour eux et pour leur famille. Ces violences, tout comme les dégradations qui les ont accompagnées, sont inacceptables.
Les missions de sécurisation et de maintien de l’ordre ont demandé un effort majeur à nos gendarmes et policiers. Par ailleurs, les Français nourrissent de fortes attentes en matière de lutte contre l’insécurité. Aussi, nous nous félicitons que le budget « Sécurités » soit en augmentation.
Nous ne pouvons cependant nous empêcher de remarquer que, si cette hausse est proche de celle envisagée par la Lopmi, intervenant après la loi d’orientation et de programmation pour la sécurité intérieure (Lopsi), elle lui est tout de même légèrement inférieure.
En outre, les événements exceptionnels que nous avons cités ont entraîné des dépenses imprévues qu’il faudra bien couvrir.
Les contraintes budgétaires auxquelles nous sommes actuellement confrontées sont très sérieuses, mais elles ne peuvent limiter l’exercice des missions régaliennes de l’État.
La Lopmi prévoyait une augmentation des recrutements. Le budget que nous examinons les suspend. Cela ne va pas dans le bon sens.
Nous devons respecter la loi de programmation et tenir notre engagement de remettre « du bleu » dans la rue. C’est une demande majeure de nos concitoyens, si ce n’est leur principale exigence.
L’insécurité progresse dans notre pays et il est de notre devoir d’inverser la tendance.
La lutte contre le narcotrafic et, plus largement, contre la criminalité organisée sera probablement l’un des grands chantiers des années à venir. La gangrène des stupéfiants ne touche plus seulement des zones bien circonscrites du territoire. Elle s’est tant étendue ces dernières années que même les villes moyennes et les zones rurales sont touchées par des règlements de comptes.
Nous ne pouvons plus laisser faire. Dans la lignée des opérations « place nette » qui ont été menées au début de l’année, il nous faut continuer à lutter de manière implacable contre ce qui ronge nos territoires et notre jeunesse.
La gendarmerie et la police devront continuer à protéger nos concitoyens contre le risque terroriste, contre la délinquance du quotidien, mais aussi contre les débordements qui, quoiqu’imprévisibles, ne manqueront pas de se produire. Elles devront également lutter contre les violences intrafamiliales et prendre à leur compte de nombreuses interventions à caractère social.
À cela s’ajoute que la France, comme tous ses partenaires européens, fait face à une augmentation des flux migratoires, notamment irréguliers. Surveiller les frontières et éloigner les étrangers qui doivent quitter notre territoire sont deux missions qui requièrent de plus en plus de personnel. Nos forces de l’ordre doivent enfin veiller à assurer la sécurité routière.
Avec des missions aussi vastes et essentielles, il est évident que les moyens des forces de l’ordre doivent être augmentés. Il importe à cet égard de susciter des vocations chez les jeunes pour réussir des recrutements de qualité et en nombre suffisant, certains territoires étant sous-dotés. La réserve opérationnelle et les cadets de la gendarmerie méritent aussi une attention particulière.
Le groupe Les Indépendants sera très attentif aux débats que nous aurons ce soir, afin que la mission « Sécurités » bénéficie de moyens suffisants. Nous nous opposerons à tout amendement tendant à diminuer les crédits de ce budget régalien.
M. le président. La parole est à M. Stéphane Le Rudulier. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Stéphane Le Rudulier. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, tout le monde sait que ce projet de budget a été préparé dans une période très difficile. Nous connaissons tous ici le contexte de dérapage du déficit public, qui a atteint un record historique.
Et pourtant, nous observons une hausse significative des crédits du budget de la sécurité pour 2025. Pour preuve, les autorisations d’engagement des programmes « Police nationale » et « Gendarmerie nationale » ont augmenté au total de 0,7 milliard d’euros, les crédits de paiement augmentant pour leur part de 1 milliard d’euros.
La priorité accordée à la sécurité publique malgré un contexte budgétaire très dégradé est le reflet d’un choix politique clairement assumé par le Gouvernement. L’urgence sécuritaire n’a pas été sacrifiée sur l’autel de l’urgence budgétaire.
Ce budget s’inscrit dans une dynamique de réussite dont le crédit vous revient, monsieur le ministre, tant vos débuts ont été remarquables et remarqués. Vous avez notamment choisi de vous inscrire dans la trajectoire financière inédite impulsée par votre prédécesseur à travers la loi d’orientation et de programmation du ministère de l’intérieur.
Nous avons l’obligation de poursuivre les efforts entrepris sans relâche depuis plusieurs années. Il faut savoir que, sur 1 000 euros de dépense publique, seulement 23 euros sont dédiés à la sécurité, contre 575 euros aux dépenses sociales. Notre État social est obèse, impotent et inconséquent ; notre budget régalien est quant à lui à l’os, nos forces de l’ordre sont quasiment clochardisées.
Le parent pauvre des dépenses publiques ne peut plus le demeurer. L’urgence sécuritaire, la vie de milliers de Français, la quiétude et le droit à la sécurité de millions d’autres sont en jeu. Oui, la France est devenue, si j’ose dire, l’homme dangereux de l’Europe !
Ainsi, l’indice de paix globale, principal indicateur utilisé pour quantifier la sécurité d’un pays donné, classe la France troisième pays le plus dangereux d’Europe. Le risque de terrorisme est parmi les plus élevés et le taux de criminalité organisée y est désormais plus élevé que chez nos voisins d’Europe occidentale.
La douce France jadis chantée par Charles Trenet a laissé place à l’ensauvagement massif et au diktat des narcotrafiquants, souvent sur fond d’enclave islamique. (Mme Marie-Pierre de La Gontrie s’exclame.) Nous ne pouvons pas lutter contre cette nouvelle barbarie avec les moyens et les outils d’hier. Marianne est défigurée et doit retrouver sa dignité.
Cela passe par un budget de courage.
Oui, la France Orange mécanique ne se combat que d’une seule manière : en donnant des moyens aux héros du quotidien, à ces héros anonymes, ces femmes et ces hommes de courage, de désintéressement et de dévouement que sont nos services de sécurité, nos policiers et nos gendarmes.
Et si ce budget est marqué par une hausse incontestable des moyens alloués à la sécurité et par la continuité dans la modernisation des forces de l’ordre, il semble néanmoins que les recrutements et le renforcement du personnel, qui comptaient parmi les points forts des politiques sécuritaires récentes, marquent le pas. C’est un sujet d’inquiétude.
Pour la gendarmerie nationale, c’est un renoncement important par rapport à la programmation de la Lopmi, qui prévoyait une cible de plus de 500 équivalents temps plein.
Pour la police nationale, on assiste à un gel des recrutements, alors que 356 créations d’emplois étaient prévues en 2025 dans la Lopmi.
Ces renoncements interrogent, d’autant plus que, comme l’a relevé Henri Leroy, les objectifs opérationnels fixés par la Lopmi restent inchangés. L’absence de moyens humains supplémentaires pourrait à terme s’avérer préjudiciable pour faire face à des missions de plus en plus complexes et nombreuses.
La question du soutien est cruciale. L’année 2024 a été celle du plus grand succès sécuritaire contemporain : la sécurisation des jeux Olympiques et Paralympiques et, en particulier, de la cérémonie d’ouverture, en plein air le long de la Seine.
L’année 2024 est aussi marquée la baisse de certains types de délinquance et l’amélioration de la capacité de réponse des forces de l’ordre. C’est à saluer. Le Gouvernement peut se féliciter aujourd’hui de la récolte du courage semé hier. Mais nous ne remercierons pas nos forces de l’ordre en gelant les recrutements !
Le second motif d’inquiétude, c’est la situation alarmante du parc immobilier de la gendarmerie nationale.
Aujourd’hui, la gendarmerie est propriétaire de 649 casernes. Or ces infrastructures souffrent d’un sous-investissement chronique qui a engendré, selon la commission des finances du Sénat, une dette grise estimée à 2,2 milliards d’euros sur les dix dernières années. Certes, une hausse des crédits d’investissement, de 62 millions d’euros par rapport à 2024, est prévue en 2025. C’est un pas dans la bonne direction, mais il reste nettement insuffisant pour engager les grandes opérations nécessaires à une remise à niveau durable. Force est de reconnaître que le modèle du patrimoine de la gendarmerie est à bout de souffle. Nous ne pouvons continuer ainsi et je sais, monsieur le ministre, que vous avez conscience de ce problème. Il faut un véritable changement de paradigme : peut-être conviendrait-il de faciliter le recours aux partenariats public-privé.
Mes chers collègues, pour conclure, je dirai que, si l’on excepte ces deux motifs d’inquiétude, le budget de la mission « Sécurités » pour 2025 s’inscrit dans la continuité des réformes prioritaires portées par le gouvernement précédent. Il illustre une volonté claire : faire de la sécurité un pilier central de nos politiques publiques. Les moyens financiers qui lui sont alloués traduisent une ambition de moderniser et de renforcer l’efficacité des actions de l’État, un impératif face aux nombreux défis qui subsistent.
De grâce, ne baissons pas le rythme, car chaque euro d’argent public en moins pour la sécurité est une parcelle du territoire de la République en plus grignotée par les narcotrafiquants, les criminels et les délinquants, qui menacent notre Nation et avancent à grands pas ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées du groupe UC.)
M. le président. La parole est à Mme Patricia Schillinger.
Mme Patricia Schillinger. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, avec l’examen des crédits alloués à la mission « Sécurités » pour 2025, nous abordons une pierre angulaire des fonctions régaliennes de l’État.
Ce budget est marqué par une hausse globale des crédits alloués à la police et à la gendarmerie. Il s’élève à 24,3 milliards d’euros en crédits de paiement, soit une augmentation de 1 milliard d’euros par rapport à 2024. Les membres du groupe RDPI saluent l’effort consenti dans un contexte extrêmement tendu pour les finances publiques. La hausse des crédits témoigne de la volonté de sanctuariser les moyens des forces de sécurité, en entretenant la dynamique impulsée par la Lopmi.
Cependant, cette augmentation masque certaines limites. Nous regrettons ainsi la stagnation des effectifs, qui s’inscrit à rebours de l’ambition initiale de renforcement des personnels portée par la Lopmi, notamment dans la gendarmerie. En effet, il est indispensable de renforcer les effectifs avec les nouvelles brigades prévues sur tout le territoire.
Pour la police nationale, l’effet de cannibalisation des dépenses de personnel au détriment des investissements, en particulier dans l’immobilier et les équipements, freine une modernisation pourtant essentielle. Plusieurs événements récents, qu’il s’agisse des émeutes en Nouvelle-Calédonie ou des mobilisations exceptionnelles pour les Jeux, ont souligné l’importance de disposer de forces de sécurité bien équipées et bien formées.
L’année 2024 a révélé la nécessité d’une provision budgétaire pour mieux anticiper les surcoûts liés aux crises, à l’instar du modèle de la mission « Défense » pour les opérations extérieures.
En matière de sécurité numérique, la hausse de près de 49 % des crédits destinés aux systèmes d’information est un progrès important pour lutter contre les nouvelles menaces, mais une coordination accrue et des ressources humaines adaptées restent nécessaires.
L’état préoccupant du parc immobilier de la gendarmerie, avec une dette grise estimée à 2,2 milliards d’euros, illustre les lacunes d’investissement chroniques dont nous souffrons. La solution passe par des innovations financières, comme le recours aux partenariats public-privé, pour engager des rénovations structurelles.
À ce titre, je tiens à saluer l’engagement pris par le ministère de l’intérieur de permettre à la gendarmerie d’honorer, dès ce mois-ci, les 200 millions d’euros de loyers en retard dus aux collectivités. Il y va de la confiance entre l’État et les collectivités, qui ont investi massivement pour le maintien des forces de l’ordre sur leur territoire.
Dans un même esprit, il est impératif de garantir à nos forces de l’ordre des conditions de travail dignes, en particulier dans les zones rurales et ultramarines.
Fruit d’un compromis nécessaire, ce budget n’en traduit pas moins une volonté sincère, celle de maintenir et de poursuivre les efforts engagés afin de garantir et renforcer la sécurité des Français.
Nous sommes cependant conscients que, pour répondre pleinement aux attentes de nos concitoyens et aux défis sécuritaires croissants, trois axes mériteront notre attention.
D’abord, nous devrons être attentifs au renforcement des recrutements dans les prochaines années pour atteindre les cibles de la Lopmi, avec un calendrier clair et contraignant.
Nous devrons ensuite nous attacher à la révision de nos priorités d’investissement, notamment en matière d’immobilier, pour éviter que la gestion de la dette locative n’alourdisse davantage les budgets futurs.
Enfin, il faudra prévoir l’amplification du soutien aux collectivités locales, partenaires indispensables pour les équipements des forces de sécurité et des Sdis.
Face aux nombreux défis à relever et aux importants efforts à engager, ce budget témoigne d’une réelle volonté de soutien à nos forces de l’ordre et de sécurité, dans un contexte budgétaire très contraint.
Aussi le groupe RDPI soutiendra-t-il l’adoption de ces crédits essentiels, afin de conserver la dynamique positive engagée depuis l’adoption de la Lopmi.
M. le président. La parole est à M. Michel Masset. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)
M. Michel Masset. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la mission « Sécurités » permet de financer les actions du ministère de l’intérieur visant à assurer la sécurité intérieure, à poursuivre l’effort contre la délinquance, à garantir la protection des populations et les capacités de gestion de crise, et à intensifier la lutte contre les incendies et l’insécurité routière. Je saisis cette occasion pour saluer tous ceux qui, au sein des forces de sécurité, concourent à ces missions.
Ces actions fondamentales pour la société sont au cœur des prérogatives de l’État et nous ne devons pas trembler au moment de leur allouer des moyens ambitieux permettant de répondre aux besoins présents et futurs.
La trajectoire globale proposée peut paraître insuffisante pour atteindre ces objectifs. Les crédits proposés par le Gouvernement pour 2025 s’élèvent à 17,3 milliards d’euros en CP, soit une augmentation de 3,6 % par rapport à 2024. Toutefois, cette augmentation doit être analysée à l’aune des coupes budgétaires décidées par le Gouvernement et des dépenses exceptionnelles liées au contexte de la crise en Nouvelle-Calédonie.
Pour les programmes 176 « Police nationale » et 152 « Gendarmerie nationale », nous aurions souhaité davantage de crédits, de manière à résoudre les difficultés structurelles de cette mission. La Cour des comptes a fait un bilan mitigé de la première année d’exécution de la Lopmi. Elle regrette que les dépenses d’investissement prévues soient utilisées comme variables d’ajustement des dépenses de fonctionnement, celles-ci étant pourtant connues depuis longtemps.
Or cette exécution budgétaire conduit le Gouvernement à proposer un statu quo en matière de recrutement. Ainsi, dans la police nationale, nous renoncerions à recruter les 356 ETP supplémentaires prévus par la programmation.
Pour la sécurité de nos concitoyens, nous savons que la présence du « bleu » de la gendarmerie et de la police est un facteur clé pour retrouver de la sérénité et de la proximité, en lien direct et continu avec la population. Au passage, je tiens à rappeler que les agents de surveillance de la voie publique (ASVP) sont recrutés par les communes pour pallier l’insuffisance de gendarmes et de policiers. C’est une charge supplémentaire pour ces collectivités.
Je constate également que la formation des gendarmes et des policiers devrait faire l’objet d’une plus grande attention. Il n’est qu’à se référer au rapport d’information de Catherine Di Folco et Maryse Carrère sur le sous-dimensionnement chronique de la formation initiale, dans lequel sont proposées quelques pistes nouvelles.
J’en viens à la question de la sécurité civile. Samedi dernier, nous avons examiné de nombreux amendements déposés par le RDSE et d’autres groupes visant à revaloriser la taxe spéciale sur les conventions d’assurances, ainsi que la fraction allouée aux départements pour financer les Sdis. Nous aurions pu acter une trajectoire de soutien aux départements dans ce budget 2025.
J’ai bien compris qu’il fallait attendre les conclusions du Beauvau de la sécurité qui concerneront notamment le financement des Sdis. Toutefois, il faut également tenir compte d’une part, des inquiétudes que cela suscite dans un contexte de forte instabilité politique, d’autre part, du besoin urgent de revalorisation du financement de ces services.
La dynamique de la TSCA depuis 2006 – +4,9 % – ne suit pas du tout la hausse du coût des Sdis, de l’ordre de 13 % entre 2023 et 2024. Cela explique que le taux de couverture des moyens de la contribution des départements aux Sdis par la TSCA s’élève seulement à 43,6 % en 2021.
L’augmentation des besoins des Sdis est principalement le fait du changement climatique. Un débat organisé sur ce sujet par le groupe RDSE voilà trois semaines a mis en exergue l’impérieuse nécessité d’allouer dès maintenant des crédits à l’investissement. Je pense à des dispositifs de pompage pour répondre aux inondations qui touchent de nombreux territoires, notamment le département de Lot-et-Garonne, ou à des moyens pour lutter contre les incendies.
Nous appelons à un effort supplémentaire. Je souhaite que nos débats aboutissent à une revalorisation des crédits consacrés aux Sdis. Exaucer ce vœu offrira une réponse aux enjeux importants des territoires dans un contexte contraint. C’est seulement alors que le groupe RDSE votera les crédits de la mission « Sécurités ». (Applaudissements sur les travées des groupes RDSE et UC.)
Mme Nathalie Goulet. Très bien !
M. le président. La parole est à Mme Isabelle Florennes. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
Mme Isabelle Florennes. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, avant tout, je tiens à saluer l’engagement de toutes les forces de sécurité – gendarmerie et police – lors tant des jeux Olympiques et Paralympiques que des cérémonies du 80e anniversaire des débarquements de Provence et de Normandie, ainsi que de la Libération de Paris.
Grâce aux 35 000 policiers et gendarmes qui ont œuvré lors des JOP, sans oublier les 45 000 bénévoles, la ferveur populaire a pu s’exprimer librement et sans crainte pour soutenir tous les sportifs présents.
Cette quiétude a eu néanmoins un coût que notre collègue et rapporteur spécial de la mission « Sécurités » Bruno Belin a estimé à 814 millions d’euros pour la période 2020-2024 pour la police nationale et à concurrence de 327 millions d’euros sur trois ans pour la gendarmerie.
Il faut espérer que ces coûts ainsi que ceux qui sont liés aux opérations de maintien de l’ordre en Nouvelle-Calédonie, en Martinique et à Mayotte, lesquels s’élèvent à 155 millions d’euros, seront cantonnés au budget 2024.
Si je conclus ce bref bilan de l’année 2024 sur un rappel des interventions dans les territoires d’outre-mer, c’est parce que celles-ci font écho à la commission d’enquête sur les émeutes survenues à compter du 27 juin 2023 dont j’ai fait partie et qui a été présidée par notre ancien collègue François-Noël Buffet.
Dans le projet annuel de performances de la mission ministérielle « Sécurités », rien n’est dit expressément dans les programmes 176 « Police nationale » et 152 « Gendarmerie nationale » sur les mesures à prendre pour éviter une nouvelle situation insurrectionnelle, comme celle dans laquelle a été plongée une partie du territoire français et qui a causé plus de 1 milliard d’euros de dégâts.
Certes, le budget de l’action n° 01 « Ordre public et protection de la souveraineté » du programme 176 augmente de 14,28 % et il en va de même, dans une moindre mesure toutefois – +1,05 % –, pour l’action équivalente du programme 152. Reste que rien n’est clairement spécifié dans le domaine de la prévention des émeutes.
Le rapport de la commission d’enquête a prescrit vingt-cinq mesures, six d’entre elles nécessitant une prise en compte dans le projet de loi de finances : garantir l’adéquation de la formation des forces de l’ordre aux contextes émeutiers avant leur déploiement ; se doter des moyens matériels et des équipements permettant de faire face à des contextes émeutiers longs et protéiformes ; assurer la sécurisation des bâtiments utilisés par les forces de l’ordre et des armureries pour se prémunir de toute prise d’assaut ; consolider et amplifier l’activité des services de renseignement dans le suivi et la connaissance des « quartiers sensibles » et des phénomènes de violences urbaines ; faciliter le déploiement de la vidéoprotection au sein des communes rurales ou de petite taille ; assurer un traitement judiciaire des violences urbaines efficace en contexte de crise ou d’émeutes.
Même si ces prescriptions n’apparaissent pas explicitement dans le projet annuel de performances pour 2025, je souhaite qu’elles puissent y trouver leur concrétisation.
Pour conclure, je reviens plus spécifiquement sur l’un des objectifs du programme 176 portant sur l’accueil des usagers et les conditions de travail des policiers. Ainsi, les Hauts-de-Seine, département très dense et très peuplé – 1,6 million d’habitants répartis sur trente-six communes – compte actuellement vingt-cinq commissariats ; il semble toujours envisagé d’en fermer à terme six ou sept. Comment répondre à l’ambition d’un accueil amélioré quand on éloigne une partie de la population d’un commissariat de proximité ?
La réponse ne peut pas être une augmentation des structures de police municipale. Il en est de même pour les crédits consacrés aux moyens mobiles des policiers, qui, et je le regrette, n’augmentent pas.
Malgré ces questionnements, le groupe Union Centriste votera majoritairement les crédits de la mission « Sécurités ».
M. le président. La parole est à Mme Cécile Cukierman.
Mme Cécile Cukierman. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, puisque tout le monde continue comme si de rien n’était, je ferai de même. (M. le ministre manifeste son fatalisme.)
M. Stéphane Piednoir. Cela ne dépend pas de nous !
Mme Cécile Cukierman. Malgré cette boutade, je reste convaincue que les enjeux de sécurité dépassent ce qui pourrait arriver dans les heures à venir.
En effet, l’exercice de la sécurité est avant tout l’une des grandes missions régaliennes de l’État. Au travers de l’examen budgétaire de la mission « Sécurités », il nous faut la mettre en œuvre, en assurer le fonctionnement au quotidien et partout sur le territoire de la République. Il s’agit là d’un élément essentiel du pacte républicain, donc de l’égalité républicaine.
Pourtant, trop souvent, nombre de nos concitoyens ont le sentiment d’être abandonnés et de ne pas être suffisamment pris en compte, voire d’être exclus, ce qui provoque parfois des réactions qui s’expriment avec retard et entretient un sentiment d’insécurité, qu’il soit réel ou ressenti, face à un service public de la sécurité défaillant. Certains l’ont évoqué, il suffit de se remémorer les fortes violences qui se sont produites il y a plus d’un an et du désarroi dans lequel elles ont plongé les habitants de certains de nos territoires.
La sécurité est une mission régalienne que l’État doit assurer pleinement et pour l’exercice de laquelle il ne peut sans cesse se décharger sur les collectivités territoriales, même si, dans ce domaine aussi, elles sont des partenaires indispensables. J’aurai l’occasion de le répéter, une police municipale ne remplacera jamais une police de proximité et les services d’incendie et de secours ne resteront efficaces que si l’État se trouve aux côtés des départements pour financer leurs missions et assurer la mise en œuvre de celles-ci.
La sécurité n’est l’exclusive d’aucune sensibilité politique. Il s’agit de notre bien commun. Pour appartenir à une famille politique qui a malheureusement dû faire face à des émeutes dans un certain nombre de communes dès les années 1980 – le Mas du taureau ou les Minguettes –, je sais combien il est difficile de conserver une cohérence communale pour assurer le vivre-ensemble, prévenir les débordements et, le cas échéant, les réprimer.
Aujourd’hui, la plupart des villes sont confrontées à ces risques. Elles le sont avec plus de force encore qu’il y a quelques décennies, notamment en raison du déploiement du narcotrafic. Nous y reviendrons certainement lors de l’examen de la proposition de loi visant à sortir la France du piège du narcotrafic d’Étienne Blanc et Jérôme Durain, qui fait suite au rapport de la commission d’enquête sur l’impact du narcotrafic en France et les mesures à prendre pour y remédier.
Dans ce domaine, la police municipale ne pourra pas tout faire. Les caméras mises en place par les communes et l’éventuel armement des policiers municipaux ne suffiront pas. Il faudra que l’État assure sa mission en la matière pour garantir la sécurité de celles et de ceux qui seront exposés.
Sur la mission « Sécurités », le groupe CRCE–K a déposé trois amendements sur des sujets essentiels. Ils visent notamment à donner à la gendarmerie les moyens d’exercer ses missions, ainsi qu’à favoriser le déploiement d’une véritable police de proximité. Nous demeurons en effet convaincus que, depuis les décisions de Nicolas Sarkozy, la question budgétaire ne peut servir d’argument pour réduire les effectifs. Si tout s’est bien passé pendant les jeux Olympiques, en particulier sur les sites olympiques, même si cela a été très dur pour les forces de l’ordre qui ont été mobilisées et majoritairement privées de leurs congés, c’est parce qu’elles étaient nombreuses, ce qui leur a permis d’exercer leur mission sereinement. Cette configuration a rendu possible l’alchimie entre policiers et visiteurs.
Monsieur le ministre, sans surprise, nous ne voterons pas les crédits de cette mission. Le budget tout comme la politique qui est mise en œuvre ne répondent ni à nos attentes ni à l’exigence d’une sécurité du quotidien dans tous les territoires. Aujourd’hui, les premières victimes de l’insécurité, ce sont les habitants des quartiers populaires, ce sont les plus pauvres, les plus démunis, qui sont bien souvent seuls face au trafic qui se développe là où ils habitent. (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE-K et sur des travées du groupe RDSE.)