M. le président. La parole est à Mme Mélanie Vogel. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)
Mme Mélanie Vogel. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, malgré une augmentation de 587 millions d’euros, soit 3,5 %, c’est sans surprise que le groupe GEST s’opposera à l’adoption des crédits de la mission « Sécurités ». En effet, cette hausse masque mal les défauts structurels des orientations politiques qui ont été choisies.
Sur les volets police et gendarmerie, ce projet de budget entre en contradiction directe avec les préconisations de la loi du 24 janvier 2023 d’orientation et de programmation du ministère de l’intérieur. Dans sa version initiale, il ne contenait même pas de schéma d’emploi, tant dans la police que dans la gendarmerie, alors que la Lopmi prévoyait une embauche de plus de 8 000 agents supplémentaires. Il réduit par ailleurs les crédits pour la réserve opérationnelle de la gendarmerie nationale.
Le budget de la police judiciaire serait également réduit de 8 %, alors même que le Gouvernement entend faire de la lutte contre le narcotrafic et le crime organisé une grande priorité.
C’est d’autant plus incompréhensible que cette réduction s’ajoute aux baisses déjà consenties les années précédentes et à une dévalorisation du travail des policiers et des gendarmes, condamnés à faire de la politique du chiffre en matière de trafic de stupéfiants, politique épuisante, inefficace et insensée.
Est tout aussi incompréhensible la réduction du plan dédié à la lutte contre le suicide des policiers, qui passe de 2,9 millions d’euros à 1,6 million d’euros, alors que plus de 1 000 suicides ont été recensés dans la police au cours des vingt-cinq dernières années.
Sont également incompréhensibles les choix faits en matière de sécurité civile.
Le changement climatique accroît les risques de feux de forêt et d’inondations. Nous devons donc investir massivement dans la sécurité civile.
À l’exact opposé des besoins, le Gouvernement veut massivement couper les investissements dans le domaine de la sécurité civile. On mettra en tension les canadairs et on aura un pacte capacitaire inadapté à l’ensemble des défis que la crise climatique nous pose inéluctablement. Certes, les jeux Olympiques sont finis, mais tel n’est pas le cas de la crise climatique.
Monsieur le ministre, que répondrez-vous à celles et à ceux dont les habitations brûleront dans les prochains mégafeux ? Que répondrez-vous aux familles de ceux qui périront dans les inondations ? Qu’en 2024 nous ne pouvions pas prévoir qu’il fallait investir dans la sécurité civile ?
Le budget préparé par le Gouvernement augmente mal l’appareil répressif en baissant le secours aux personnes, alors qu’il faut urgemment une réforme d’ampleur.
À l’inverse, la réforme que le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires appelle de ses vœux vise à rétablir la confiance de la population envers les forces de l’ordre. Ce lien de confiance est en effet rompu depuis longtemps. Les contrôles d’identité discriminatoires, les images de manifestantes et de manifestants pacifiques plaqués au sol et aspergés de gaz lacrymogène,…
M. Joshua Hochart. Pacifiques ?
Mme Mélanie Vogel. … les témoignages des victimes des tirs de LBD (lanceur de balles de défense) qui ont perdu un œil, seulement parce qu’elles sont descendues dans la rue pour défendre une cause : tout cela mine le rapport des citoyens avec la police.
Parce que la doctrine de maintien de l’ordre que nous utilisons polarise et augmente la violence qu’elle devrait au contraire combattre, il faut remettre la désescalade et le respect de la déontologie au centre.
Alors que le maintien de l’ordre est assuré toujours plus par des unités non spécialisées, comme le pointe la Cour des comptes, il faut veiller à ce que les agents qui encadrent une manifestation aient suivi des formations spécifiques.
La France a un centre de formation de renommée européenne pour le maintien de l’ordre. Utilisons-le davantage.
Parce que les unités sont envoyées toujours plus loin pour des opérations, dans des territoires qu’elles ne connaissent pas ou pas assez, nous devons urgemment réinstaurer une police de proximité.
Alors que la réponse purement sécuritaire est vaine, qu’il faut des réponses globales pour les outre-mer, ce qui permettrait d’éviter des interventions extrêmement coûteuses – 140 millions d’euros en Nouvelle-Calédonie –, qu’il faut enfin créer une autorité de contrôle indépendante de la police et de la gendarmerie, capable de sanctionner efficacement la méconnaissance des règles déontologiques, ce budget ne prévoit rien de tel.
Nos amendements visent à corriger le tir, mais il faut des réformes structurelles. Tant que ce n’est pas le cas, nous voterons contre le budget de la mission « Sécurités », qui regroupe notamment les crédits relatifs à la sécurité intérieure et à la sécurité civile. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)
M. le président. La parole est à Mme Corinne Narassiguin. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
Mme Corinne Narassiguin. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain se félicite de l’augmentation des crédits demandés au titre des forces de sécurité intérieure. Comme l’a relevé le rapporteur spécial, la progression des crédits attendue pour 2025 par rapport au budget 2024 constitue plutôt une traduction satisfaisante de la Lopmi que nous avons votée.
Monsieur le ministre, il faudra tout de même que vous nous expliquiez le tour de passe-passe du Gouvernement, puisqu’un amendement vise à augmenter les crédits de 123 millions d’euros, alors que deux autres tendent à les baisser de 80 millions d’euros.
Si nous sommes globalement satisfaits, nous portons un regard critique sur certains manquements observés, notamment dans les programmes « Police nationale » et « Gendarmerie nationale ». Ainsi, aucune création de postes n’est prévue.
Le Gouvernement nous répondra que ce sera compensé les années suivantes, mais le récent rapport de la Cour des comptes sur la situation marseillaise peut nous faire douter de ce qui s’apparente à un vœu pieux. Sur les moyens consacrés à la formation, nous sommes sceptiques.
Il importe de revenir sur le sort réservé à la police judiciaire, dont les moyens baisseraient de 8,1 % au cours de l’année qui vient.
Pourtant, le rapport d’information sur l’organisation de la police judiciaire de Nadine Bellurot et Jérôme Durain, dont je rappelle qu’il a fait consensus, souligne la nécessité de « rééquilibrer au plus vite les effectifs entre la voie publique et l’investigation afin de faire face aux stocks préoccupants de procédures et d’assurer le bon fonctionnement de la future filière judiciaire ».
Les conclusions de la commission d’enquête sur l’impact du narcotrafic en France et les mesures à prendre pour y remédier ont également donné lieu à un consensus des groupes politiques du Sénat.
Nous avons pris bonne note des annonces gouvernementales faites récemment à Marseille sur le front de la lutte contre le narcotrafic. Pour autant, comment ne pas pointer quelques inquiétudes relevées dans le récent rapport de la Cour des comptes intitulé L’Ofast et les forces de sécurité intérieure affectées à la lutte contre les trafics de stupéfiants ? Il s’agit bien d’un sujet d’actualité si l’on rappelle que des trafiquants ont essayé de récupérer de la cocaïne saisie par l’office anti-stupéfiant, l’Ofast, donc, dans ses locaux de l’aéroport Roissy-Charles-de-Gaulle le vendredi 22 novembre dernier. Voilà qui peut nous éclairer sur l’état de la menace…
La Cour des comptes relève à plusieurs reprises les marges de progrès possible en matière de lutte contre le blanchiment, notamment pour les effectifs de la police judiciaire spécialisés dans le blanchiment. Monsieur le ministre, comment comptez-vous répondre à cette problématique ?
Plus globalement, les investissements, s’ils sont en progression, restent insuffisants, notamment en ce qui concerne le parc immobilier de la gendarmerie, comme l’illustre la situation récemment mise en lumière par la presse concernant des impayés de loyers à des mairies. M. Bourgi l’a évoqué en commission : la Lopmi prévoyait la création de 200 brigades de gendarmerie d’ici à la fin du quinquennat. Sans effort supplémentaire, nous n’y parviendrons pas.
Nous présenterons plusieurs amendements consacrés aux zones de gendarmerie.
Nous ne pouvons que regretter les coups de rabot portés aux actions mises en œuvre au titre de la sécurité et de l’éducation routières. Du permis à 1 euro par jour aux actions de sécurité routière en outre-mer, en passant par les formations des agents de la délégation à la sécurité routière, ce sont autant d’actions d’importance qui seront touchées l’année qui vient.
Nous ne pouvons que constater une baisse des crédits accordés au programme 161 « Sécurité civile », de l’ordre de 5,6 % par rapport à l’an passé. Il faut toutefois relativiser cette baisse et la mettre en perspective avec l’augmentation substantielle – 140 millions d’euros supplémentaires – accordée à la sécurité civile dans le cadre de la loi de finances pour 2024.
C’est à l’aune de cette donnée que le groupe SER a fait le choix de ne pas déposer d’amendements sur ce programme afin de ne pas nuire aux efforts budgétaires consentis en faveur de la police et de la gendarmerie nationales dans le projet de loi de finances pour 2025.
Cependant, il nous semble essentiel d’appeler l’attention du ministre de l’intérieur sur quelques sujets prégnants dans le domaine de la sécurité civile.
Notre flotte aérienne est notamment composée de douze canadairs vieillissants, et bien trop souvent défaillants, ce qui a, hélas ! affecté et limité l’action de nos sapeurs-pompiers, confrontés à de nombreux feux de forêt à chaque période estivale.
Si nous avons pu bénéficier du soutien des véhicules aériens de nos partenaires européens ces dernières années, nous ne sommes pas en mesure d’endiguer nous-mêmes ces phénomènes, qui devraient se multiplier au cours des décennies à venir, puisque la moitié de nos forêts seront soumises à des risques élevés d’incendies d’ici à 2050.
C’est pour cette raison qu’a été prévue l’acquisition de seize nouveaux canadairs au début de l’année 2023, dans le cadre de la Lopmi. Le gouvernement français a fait le choix de mutualiser ces achats avec ceux de nos voisins européens. Cette volonté n’a, pour l’heure, pas porté ses fruits et aucun avion n’a depuis lors été livré à la France.
Afin que nos engagements votés l’an passé soient tenus, il doit désormais être sérieusement envisagé que l’industrie aérienne française produise son propre modèle d’avion bombardier d’eau. Ainsi, notre sécurité civile retrouvera son autonomie en matière de lutte contre les incendies de forêt. En résumé, il ne sert à rien d’inscrire et de voter des lignes budgétaires, si c’est pour ne pas les consommer. Cette fuite en avant n’est plus tenable.
J’en viens aux effectifs de nos sapeurs-pompiers, qu’ils soient professionnels ou volontaires. Le rapport de l’inspection générale de l’administration (IGA) et de l’inspection générale de la sécurité civile (IGSC) dépeint en la matière des recrutements en berne, liés principalement à un manque de reconnaissance tant financière que sociale, ainsi qu’à une perte de sens de l’engagement et à un épuisement professionnel, notamment en raison de la multiplication des tâches qui leur sont confiées.
Le groupe SER souhaite que l’exécutif prenne ce sujet à bras-le-corps, en permettant la revalorisation immédiate de ces métiers si importants pour le bon fonctionnement de notre sécurité civile. Il forme le vœu qu’une campagne de recrutement soit menée dans les plus brefs délais, afin de garantir une disponibilité accrue de nos sapeurs-pompiers sur le terrain, ainsi que le renouvellement des générations dans la profession. Un certain nombre de gratifications et de bonifications pour leur retraite gagneraient également à être mises en œuvre.
Enfin, nous devons engager des investissements afin d’adapter nos infrastructures et nos modes de fonctionnement face au changement climatique.
Nous le constatons toutes et tous dans nos départements : les inondations et les crues se multiplient et ne sont plus seulement liées aux épisodes cévenols ou méditerranéens dans le sud de la France. Les pluies diluviennes inhérentes à la hausse des températures et la montée des eaux intrinsèque à la fonte des glaces doivent nous inquiéter ; c’est dès maintenant qu’il faut agir.
Aussi, si nous ne pouvons empêcher pleinement ces phénomènes d’advenir, nous pouvons cependant en réduire l’impact sur nos populations, en favorisant la formation du personnel de la sécurité civile à ces enjeux, ainsi qu’en injectant davantage de moyens dans la rénovation de nos infrastructures, afin que celles-ci soient plus sûres et résistantes face aux intempéries. Nous appelons ainsi de nos vœux la mise en place de pactes capacitaires dédiés à la prise en charge des conséquences de ces aléas climatiques par les Sdis.
Personne ne sera surpris : la gauche et vous, monsieur le ministre, ne partagez pas beaucoup de points communs – vous me permettrez cet euphémisme. (M. le ministre rit.) Pourtant, au moment de discuter votre budget, nous nous inscrivons dans un esprit de responsabilité qui ne surprendra pas les acteurs de la sécurité de notre pays : nous soutiendrons les crédits consacrés à la mission « Sécurités ».
Cependant, nous défendrons quelques amendements pour les rendre mieux-disants.
Nous défendons quelques-uns des combats qui sont les nôtres depuis longtemps. Je pense ici à la création d’un nouveau programme pour défendre de meilleures conditions d’accueil des victimes de violences conjugales et sexuelles dans les commissariats et gendarmeries ou encore au renforcement des moyens de l’Office mineurs (Ofmin).
Je pense aussi, quelques semaines après la publication du rapport de l’IGPN, à la proposition de nouveaux indicateurs pour évaluer la mise en œuvre des contrôles d’identité par les forces de sécurité. Cela fait écho aux travaux du comité d’évaluation de la déontologie de la police nationale (CEDPN), dont je ne doute pas que vous souhaitez les relancer. (Applaudissements sur les travées du groupe SER. – M. Michel Masset applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Stéphane Ravier.
M. Stéphane Ravier. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, au mois de février 2024, le précédent gouvernement a annulé 154 millions d’euros de crédits des budgets de la police et de la gendarmerie nationales.
Résultat : au mois de septembre 2024, la gendarmerie nationale a cessé de payer les deux tiers de ses loyers. La gestion de ces budgets régaliens par les gouvernements Borne et Attal aura été calamiteuse.
Pendant les jeux Olympiques, nos forces de l’ordre devaient assurer la sécurité. Elles l’ont fait. Quand on leur donne moyens et soutiens, la première des libertés des Français est assurée.
Il faut aussi fournir aux forces de l’ordre un budget substantiel. Le Gouvernement a échoué, et ce dans un contexte d’insécurité en hausse et de mal-être important des agents, notamment en raison de la disparition de la spécialisation des métiers souhaitée par le ministre Darmanin.
La situation est tellement dégradée que le gouvernement Barnier souhaite geler la hausse des effectifs des forces de sécurité intérieure prévus dans la Lopmi. Cela empêchera l’ouverture annoncée des 159 brigades de gendarmerie et toute hausse d’effectifs pour la police aux frontières, alors même que ces postes sont nécessaires à une politique migratoire ferme.
Monsieur le ministre, je voudrais croire en votre détermination pour venir à bout de la crise majeure qui sévit en Nouvelle-Calédonie et à Mayotte et de la crise migratoire, ainsi que pour mener à bien la lutte contre le narcoterrorisme. Pour cela il faudra avant tout gagner les arbitrages budgétaires au sein même de ce gouvernement… ou du prochain.
Votre réconciliation avec Philippe de Villiers est un signe, voire une preuve supplémentaire de votre attachement à la France, celle que nous aimons, et aux Français, ainsi que de votre volonté de les protéger.
Comment ne pas être déçu et inquiet après votre conférence de presse à Marseille sur le trafic de stupéfiants, au cours de laquelle le mot « expulsion » n’a pas été prononcé ? Vous n’avez même pas évoqué le phénomène de l’immigration, alors que, selon la police marseillaise, 50 % des trafiquants sont des clandestins et 65 % de la délinquance est le fait d’étrangers.
M. Guy Benarroche. C’est faux !
M. Stéphane Ravier. Pourquoi un tel déni ? (Exclamations sur les travées des groupes SER, GEST et CRCE-K.)
Les Marseillais attendent de l’ordre dans leur ville. En effet, quand le pire devient leur quotidien, la fatalité s’installe et la soumission et la corruption deviennent des options de vie.
Derrière ces lignes budgétaires que nous examinons se trouvent des enjeux concrets.
Je ne ferai pas l’affront au Vendéen que vous êtes d’en appeler à de l’audace, encore de l’audace, toujours de l’audace. Je demande au ministre de l’intérieur de droite assumée de ne jamais abdiquer l’honneur d’être une cible pour la gauche et la racaille d’extrême gauche qui aiment à voir un « problème systémique dans la police » (Nouvelles exclamations sur les mêmes travées.) et ne cessent de traîner dans la boue les forces de l’ordre, qui sont en réalité les victimes d’un racisme anti-flic, bien réel quant à lui.
En définitive, il nous faut mieux payer, mieux équiper, mieux diriger, mieux considérer le travail quotidien de nos forces de l’ordre. Une police promue et protégée, c’est une population et une France apaisées.
Monsieur le ministre, la mort en service de l’adjudant Éric Comyn à la suite d’un refus d’obtempérer ainsi que celles du gendarme Nicolas Molinari et de l’adjudant-chef Xavier Salou en Nouvelle Calédonie nous obligent à l’exemplarité et à mener les missions qui leur avaient été confiées jusqu’au bout pour que leur sacrifice n’ait pas été vain. (M. Joshua Hochart applaudit.)
M. le président. La parole est à M. Olivier Bitz. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
M. Olivier Bitz. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, en 2024, le haut niveau d’engagement des gendarmes et des policiers a permis de relever une succession de défis et de crises, à la fois en métropole et dans les outre-mer.
Nous devons cette réussite à l’extraordinaire mobilisation de nos forces de sécurité intérieure (FSI) et à leur professionnalisme. Le groupe Union Centriste tient à leur exprimer toute sa reconnaissance.
Aujourd’hui, nos débats budgétaires s’inscrivent dans un contexte politique et financier inédit. C’est donc avec un esprit de responsabilité qu’il faut rendre des arbitrages forcément difficiles.
Je formulerai trois observations.
Tout d’abord, nous constatons que nous nous écartons de la trajectoire fixée par la Lopmi. Cela avait déjà été le cas en 2024 à cause de mesures de régulation budgétaire, liées en grande partie aux surcoûts induits par l’organisation des jeux Olympiques et Paralympiques. Cela nous avait conduits à amputer de 154 millions d’euros les programmes « Police nationale » et « Gendarmerie nationale ».
Contrairement à la trajectoire de la Lopmi, le budget pour 2025 présente un schéma d’emploi nul pour les FSI. Il était pourtant prévu de créer 500 équivalents temps plein (ETP) pour la gendarmerie et 356 ETP pour la police nationale.
Ces renoncements interrogent nécessairement notre capacité à créer les 238 nouvelles brigades de gendarmerie promises par l’État sur nos territoires et à faire de la lutte contre le narcotrafic une priorité.
De même, comment pourrons-nous combattre l’immigration irrégulière alors que l’objectif de créer 3 000 places dans les centres de rétention administrative (CRA), d’ici à 2027, est remis en cause ?
Le gel du schéma d’emploi vient également temporiser la montée en puissance de la quatrième unité d’instruction et d’intervention de la sécurité civile (UIISC). Or un régiment doit avoir un format précis pour optimiser sa capacité opérationnelle.
Nous exprimons aussi quelques inquiétudes en matière d’investissements. La pause effectuée en 2024 sur l’acquisition de véhicules au bénéfice des FSI n’est que partiellement rattrapée en 2025, avec la commande de 1 600 véhicules. En l’occurrence, il aurait fallu en acheter 1 989, ce dès 2024.
Les lourds travaux à réaliser sur la base de sécurité civile de Nîmes pour les avions et les hélicoptères ne pourront pas sans cesse être repoussés, car nous risquerions, à terme, de remettre en cause nos capacités opérationnelles.
Les augmentations prévues viennent pour l’essentiel alimenter une dynamique forte de dépenses de fonctionnement, liée non seulement aux engagements pris antérieurement par l’État à l’égard des personnels, mais aussi aux besoins absolument impérieux de la gendarmerie en matière immobilière.
Mes chers collègues, il s’agit d’un budget de pause. Cette orientation est compréhensible, compte tenu des contraintes financières, mais elle ne saurait être prolongée les années suivantes sans remettre en cause les objectifs affirmés par le Gouvernement, d’autant que nous les partageons.
J’en viens à ma deuxième observation.
Au-delà des créations de postes dans la police et la gendarmerie et de l’installation de nouvelles brigades, il existe d’importantes difficultés à couvrir les postes existants.
Mon excellente collègue Nathalie Goulet et moi-même avons fait ce constat dans notre département, l’Orne. Les postes ont beau être ouverts par la direction générale de la police nationale (DGPN), ils ne sont pas pourvus en raison d’un manque d’attractivité. J’ai notamment à l’esprit la situation du commissariat de Flers, dont je vous ai saisi, monsieur le ministre.
Mme Nathalie Goulet. Très bien !
M. Olivier Bitz. Du côté de la gendarmerie, l’érosion des effectifs dans les brigades territoriales se fait à bas bruit et exige au moins autant d’attention que la création promise de nouvelles unités.
Du reste, nous devons pouvoir continuer à nous appuyer sur la réserve opérationnelle.
Bref, si nous pouvons comprendre la temporisation concernant la création de nouveaux postes, veillons au moins à pourvoir effectivement les postes existants. Dans cette perspective, il convient de prendre des mesures permettant de les renforcer l’attractivité des métiers concernés et de ne pas jouer sur un taux de vacances élevé pour réaliser des économies de bout de chandelle.
Troisième et dernier point : il est nécessaire de défendre notre modèle de sécurité civile, qui assure une capacité d’intervention de grande qualité à un coût maîtrisé. Or cela ne peut tenir que si nous confortons le volontariat.
Je sais, monsieur le ministre, que vous êtes très attaché à ce qu’un décret vienne intégrer le volontariat au calcul de la retraite des sapeurs-pompiers volontaires : nous attendons tous qu’il soit pris ! (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
M. le président. La parole est à M. le ministre. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées du groupe UC.)
M. Bruno Retailleau, ministre de l’intérieur. Monsieur le président, messieurs les rapporteurs spéciaux, mesdames, messieurs les sénateurs, je l’ai dit au cours de l’examen de la précédente mission, cet après-midi : un budget, ce sont bien sûr des chiffres, mais aussi des choix.
Je commencerai donc par vous parler des choix, car c’est ce qu’il y a de plus important.
La mission « Sécurités » est le cœur du travail accompli par le ministère de l’intérieur et nos forces de sécurité intérieure, policiers et gendarmes.
Je veux d’abord présenter la politique que j’entends mener pour lutter contre le haut du spectre de la criminalité, notamment le narcotrafic. Je veux m’y attaquer très vigoureusement.
Nombre d’entre vous ont salué les forces de l’ordre ; je veux le faire aussi. On ne peut jamais s’abandonner à la fatalité, car jamais rien n’est perdu.
À cet égard, je vous rappellerai les beaux succès de ces derniers jours. Je remercie les agents de la police judiciaire (PJ) et les gendarmes pour leur action, mais aussi les magistrats qui les dirigent dans le cadre des enquêtes.
Pour rappel, vingt et un membres présumés de l’organisation criminelle DZ Mafia qui visaient le célèbre rappeur SCH ont été appréhendés. Fin novembre, une vingtaine de membres de cette même organisation criminelle ont été interpellés par la PJ et la brigade de répression du banditisme (BRB) de Marseille.
La semaine dernière, un des chefs présumés de ce gang – probablement l’un des plus dangereux – aurait ordonné la commission de plusieurs narcohomicides depuis la prison où il est incarcéré. Sachez qu’il a été déféré devant le juge pour être entendu.
Encore une fois, je veux qu’on puisse saluer ces très beaux succès. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC.) On tient toujours la chronique banale de ces événements abominables ; il n’empêche que, dans le même temps, la gendarmerie, les policiers et les magistrats réussissent de très belles opérations.
Combattre le narcotrafic, c’est non seulement s’attaquer à la cause racine de la sauvagerie et du désordre considérable qu’elle entraîne, mais c’est aussi s’attaquer à de nombreux autres éléments d’une menace à nos intérêts fondamentaux que j’estime désormais existentielle.
Je pense ainsi à la corruption et au système économique sur lesquels le narcotrafic repose. Cela ne fait que fragiliser notre démocratie et nos institutions.
Étienne Blanc, qui est présent ce soir dans l’hémicycle, avait rédigé le rapport de la commission d’enquête, totalement transversale, sur l’impact du narcotrafic en France et les mesures à prendre pour y remédier.
Bien entendu, nous allons nous appuyer sur les conclusions auxquelles le Sénat est parvenu à l’issue de ces travaux, présidés par Jérôme Durain.
Ainsi, nous créerons une chaîne judiciaire spécialisée et un arsenal de nouvelles techniques d’investigation et d’enquête. Je suis certain que cela produira des résultats dans quelques années.
J’en viens au bas du spectre de la criminalité, celui qui empoisonne au quotidien la vie de nos concitoyens. J’ai proposé aux préfets, aux policiers et aux gendarmes de tester une approche nouvelle reposant sur un cadre totalement déconcentré.
Nous voulons employer une nouvelle méthode qui consiste à laisser plus de liberté aux agents de terrain, contre des résultats.
Il s’agit également d’identifier les lieux et les publics les plus problématiques. Aujourd’hui, un peu de plus de 5 % des délinquants « d’habitude » sont à l’origine de plus de 50 % des actes de délinquance : ce sont eux qu’il faut cibler en priorité !
Par ailleurs, j’insiste sur le fait qu’il est nécessaire d’assurer un continuum de sécurité. Mme Cukierman l’a rappelé, la police municipale ne peut remplacer ni la gendarmerie ni la police. J’ai été amené à visiter un certain nombre de villes depuis ma nomination. J’ai ainsi pu constater que, là où il y a un continuum de sécurité associant tous les acteurs, il y a des résultats.
Bien entendu, on doit tenir compte de la liberté des maires. Force est de constater que certains d’entre eux sont imprégnés d’une idéologie antisécuritaire,…