M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Olivier Paccaud, rapporteur spécial. Les amendements nos II- 207 rectifié ter, II-78 rectifié et II-438 visent à revaloriser la rémunération des AESH. Malheureusement, je demande qu’ils soient retirés, pour des raisons budgétaires.
De toute évidence, les AESH, qui représentent le deuxième corps de l’éducation nationale, exercent un métier difficile, qui suppose de porter une attention particulière aux enfants à inclure ; aussi, mieux ils seront payés, mieux ce sera. Cependant, des efforts ont déjà été accomplis par le passé. En particulier, une politique de déprécarisation a été menée pour transformer les CDD en CDI. En outre, le projet de loi de finances pour 2025 prévoit de majorer de plus de 60 millions d’euros les crédits alloués à la rémunération des AESH.
On peut critiquer beaucoup de choses dans la politique menée par le Gouvernement depuis des années en matière d’éducation (Rires sur les travées du groupe SER.),…
Mme Colombe Brossel. Ça, c’est sûr !
M. Olivier Paccaud, rapporteur spécial. …mais, en ce qui concerne l’inclusion scolaire, vous lui faites un procès injuste. Il est prévu d’embaucher 2 000 AESH supplémentaires, ce qui porte le nombre d’effectifs à 135 000 : vu d’où nous sommes partis, ce n’est pas si mal !
En une dizaine d’années, nous avons permis l’inclusion de 240 000 enfants en situation de handicap. On peut toujours faire mieux – vraisemblablement, il y a des choses qui ne vont pas dans l’application de la loi Vial –, mais le procès que vous faites me semble tout de même assez cruel.
Sur les amendements nos II-575 rectifié bis et II-570 rectifié, qui visent à garantir la bonne application de la loi Vial, je sollicite l’avis du Gouvernement.
Cette loi, issue d’une proposition de loi adoptée ici il y a quelques mois et promulguée quasiment dans la foulée, n’est pas parfaitement appliquée partout. Toutefois, cela ne fait pas de Mme la ministre une délinquante !
Si la loi n’est pas totalement respectée, c’est parce qu’elle est compliquée à respecter. (M. Cédric Vial hoche la tête en signe de dénégation.) Dans certains cas, il s’agit moins d’une question de moyens que d’une question d’organisation en « point de croix ». Certains AESH ne souhaitent pas s’occuper des enfants pendant la pause méridienne ; pour d’autres, cela ne pose aucun problème.
Bref, il faut trouver une solution plus administrative ou technique. La ministre peut peut-être nous éclairer sur ce point.
M. le président. Quel est donc l’avis du Gouvernement ?
Mme Anne Genetet, ministre. Je vous remercie d’avoir conçu cette loi, monsieur Vial, qui a été votée par le Sénat à l’unanimité. Si elle a été très rapidement promulguée, c’était pour répondre sans attendre au besoin de nombreux enfants.
Lors de mon audition devant la commission de la culture et de l’éducation, vous m’aviez signalé les difficultés liées à l’application de votre texte. J’ai tenu à constater ce que vous signaliez et j’ai vu combien il était beaucoup plus facile de faire compliqué quand on peut faire simple.
Cette situation est infiniment regrettable. C’est la raison pour laquelle j’ai demandé à mes services de rédiger un décret beaucoup plus simple visant à poser clairement le régime de prise en charge et de responsabilité. Il sera publié dans les prochains jours et affranchira l’ensemble des académies et des communes de l’actuelle convention, qui, je le reconnais, n’était pas forcément très agile.
Soyez rassuré, les moyens prévus dans le budget pour 2025 permettront – je m’y engage – de couvrir l’accompagnement des élèves en situation de handicap, qui en ont besoin, pendant la pause méridienne par nos accompagnants.
J’en profite pour remercier les AESH, qui font un travail difficile et soutenu. Nous avons récemment revalorisé leur rémunération et avons modifié leurs conditions d’exercice, notamment en prolongeant leur contrat au-delà de six ans. Nous travaillons encore à valoriser leur métier et à leur proposer une véritable carrière.
Les efforts accomplis en ce sens produiront des effets visibles au cours de l’année 2025. Nous aurons les moyens financiers nécessaires pour recruter 2 000 AESH supplémentaires, comme le prévoit le budget. C’est la raison pour laquelle je vous demande de retirer votre amendement, faute de quoi j’émettrai un avis défavorable.
Je vous confirme toutefois la volonté politique qui est la mienne : nous continuerons à avancer, je m’y engage.
Sur les quatre autres amendements en discussion commune, le Gouvernement émet un avis défavorable.
M. le président. Quel est maintenant l’avis de la commission sur les amendements nos II-575 rectifié bis et II-570 rectifié ?
M. Olivier Paccaud, rapporteur spécial. Je le regrette, mais après avoir entendu Mme la ministre, l’avis de la commission est défavorable.
La question est non pas financière mais, à mon sens, plutôt organisationnelle. En outre, le montant de 31 millions d’euros n’est pas neutre.
M. le président. Monsieur Vial, l’amendement n° II-575 rectifié bis est-il maintenu ?
M. Cédric Vial. Madame la ministre, je tiens tout d’abord à vous remercier de vos propos et de l’approche que vous adoptez.
Pour ma part, je ne suis pas persuadé de la nécessité d’un décret, dans la mesure où le système a fonctionné de la manière la plus simple du monde de 2005 à 2022, sans qu’il en fût besoin. On en vient à complexifier les choses, même lorsque l’on cherche à décomplexifier.
Néanmoins, vous avez choisi d’élaborer un décret qui permettra de simplifier la situation ; dont acte, je vous en remercie. Il est nécessaire d’avancer.
Je souhaite également répondre au rapporteur spécial Olivier Paccaud.
Il existe bien entendu des situations dans lesquelles les recrutements sont difficiles, y compris à l’heure actuelle, parce qu’il s’agit de postes entre plusieurs établissements ou en raison des horaires requis. Nous ne résoudrons pas tous les problèmes, il y en aura toujours. Des effets de bord se manifesteront également. Certes, le contrat unique donnera lieu à des contrats de trente-deux heures ou de vingt-quatre heures, ce qui sera plus simple, car les agents concernés choisiront un poste avec ou sans le temps méridien.
Pour autant, des avenants pourront s’avérer nécessaires pour les enfants déjà scolarisés, et c’est là que des difficultés sont susceptibles de survenir, même si nous trouvons généralement des solutions.
Ce sujet est très important et ce n’est pas par hasard qu’il a fait l’unanimité sur ces travées comme à l’Assemblée nationale, c’est parce qu’il est essentiel pour la prise en charge des enfants en situation de handicap. Pour les collectivités, cette question est devenue un véritable casse-tête, alors que nous avions agi pour leur simplifier la vie.
Je maintiens donc mon amendement, tout en attendant de voir ce qui se passera d’ici à la réunion de la commission mixte paritaire. Nous aurons probablement l’opportunité, du moins j’en forme le vœu, non seulement de voir votre décret paraître dans les prochains jours, comme vous l’avez indiqué, mais aussi d’aller jusqu’à la commission mixte paritaire pour obtenir des garanties quant à l’avancée effective du dossier.
Restera un autre sujet sous-jacent : l’organisation de l’école inclusive elle-même. Vous l’avez souligné, nous sommes passés à 4,6 milliards d’euros. C’est la raison pour laquelle, au-delà de la petite question du jour, l’enjeu de la prise en charge et de la compensation humaine est capital, et pose problème actuellement.
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° II-207 rectifié ter.
(L’amendement n’est pas adopté.)
M. le président. La parole est à M. Max Brisson, pour explication de vote, sur l’amendement n° II-575 rectifié bis.
M. Max Brisson. Je n’aime pas m’opposer au rapporteur spécial, mais il me semble que la complexification mise en place par l’administration tenait précisément à des motifs financiers. La circulaire de huit pages publiée par la Dgesco avait précisément pour but d’empêcher que la loi Vial soit mise en œuvre !
Je le fais rarement, mais je voterai contre l’avis de la commission, c’est-à-dire en faveur de cet amendement.
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° II-575 rectifié bis.
(L’amendement est adopté.)
En conséquence, l’amendement n° II-570 rectifié n’a plus d’objet.
Mes chers collègues, nous arrivons au terme du temps imparti pour l’examen de la mission « Enseignement scolaire ». Il nous reste cinquante-cinq amendements à examiner.
Dès lors, conformément à l’organisation de nos travaux décidée par la conférence des présidents et en accord avec la commission des finances, la suite de l’examen de cette mission est reportée au samedi 7 décembre, à l’issue de l’examen des missions de la journée.
Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quinze heures cinq.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à treize heures trente-cinq, est reprise à quinze heures cinq, sous la présidence de Mme Anne Chain-Larché.)
PRÉSIDENCE DE Mme Anne Chain-Larché
vice-présidente
Mme la présidente. La séance est reprise.
6
Mises au point au sujet de votes
Mme la présidente. La parole est à Mme Samantha Cazebonne.
Mme Samantha Cazebonne. Lors du scrutin public n° 136 sur l’amendement n° II-18, l’ensemble du groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants (RDPI) souhaitait voter contre.
Mme la présidente. La parole est à M. Bernard Fialaire.
M. Bernard Fialaire. Lors du scrutin n° 114, mon collègue Michel Masset souhaitait voter pour.
Mme la présidente. La parole est à Mme Nadia Sollogoub.
Mme Nadia Sollogoub. Lors du scrutin n° 135 sur la première partie du projet de loi de finances (PLF) pour 2025, mon collègue Vincent Delahaye souhaitait voter contre.
Mme la présidente. La parole est à Mme Brigitte Devésa.
Mme Brigitte Devésa. Lors des scrutins publics nos 118, 121, 122, 123, 124 et 130, je souhaitais voter contre.
Mme la présidente. Acte est donné de ces mises au point, mes chers collègues. Elles figureront dans l’analyse politique des scrutins concernés.
7
Loi de finances pour 2025
Suite de la discussion d’un projet de loi
Mme la présidente. Nous reprenons la discussion du projet de loi de finances pour 2025, considéré comme rejeté par l’Assemblée nationale.
Nous poursuivons l’examen, au sein de la seconde partie du projet de loi de finances, des différentes missions.
Santé
Mme la présidente. Le Sénat va examiner les crédits de la mission « Santé ».
La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Vincent Delahaye, rapporteur spécial de la commission des finances. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, la mission « Santé » comprend trois programmes, dont l’aide médicale de l’État (AME), qui représente plus de 80 % de ses crédits. La pertinence de cette mission, qui se réduit de plus en plus à l’AME, suscite des interrogations, que j’ai déjà soulevées l’année dernière et que mon prédécesseur exprimait avant moi.
Ses crédits connaissent en apparence une diminution considérable de 40 % dans le projet de loi de finances pour 2025, soit une réduction de 1,1 milliard d’euros. Cette baisse résulte toutefois uniquement de l’épuisement du financement européen du programme 379 « Reversement à la sécurité sociale des recettes de la Facilité pour la Relance et la Résilience (FRR) européenne au titre du volet “Ségur investissement” du plan national de relance et de résilience (PNRR) », lequel, créé fin 2022, recueille les crédits européens de la Facilité pour la reprise et la résilience (FRR) destinés à la France, qui soutiennent le volet investissements du Ségur de la santé.
Ce volet représente 19 milliards d’euros, dont 6 milliards d’euros proviennent de la FRR. Entre 2021 et 2024, plus de 4,8 milliards ont été versés à la mission « Santé » par ce biais, soit plus de 80 % de la somme promise.
De nombreuses actions financées par le programme 204 « Prévention, sécurité sanitaire et offre de soins » ont été transférées à l’assurance maladie au fil des années. Ce programme finance un grand nombre d’actions extrêmement dispersées, pour des montants généralement faibles, qui ne disposent pas d’une masse critique suffisante pour produire un réel impact sur les objectifs de santé publique. Une réflexion sur ses financements en vue d’éviter un saupoudrage excessif est une piste à explorer.
L’AME demeure l’élément principal de la mission. Ses dépenses représenteront environ 1,320 milliard d’euros en 2025, en hausse de 9,2 % par rapport à la loi de finances initiale pour 2024. Cette évolution résulte notamment de l’augmentation du nombre de bénéficiaires, passé de 411 000 à la fin de l’année 2022 à plus de 459 000 à la fin du premier semestre 2024, soit une hausse de 11 %.
Ces éléments conduisent à poser de nouveau la question, plusieurs fois abordée dans notre assemblée, de l’étendue des soins pris en charge par l’AME.
Dans de nombreux pays européens, seuls les soins urgents, les soins liés à la maternité, les soins aux mineurs et les dispositifs de soins préventifs dans le cadre de programmes sanitaires publics sont pris en charge gratuitement pour les étrangers en situation irrégulière.
Par l’éventail des soins couverts, l’AME constitue une exception par rapport à nos voisins, difficilement justifiable dans un contexte d’augmentation continue et non maîtrisée de sa charge budgétaire. Le Sénat dénonce cette situation depuis de nombreuses années et vote régulièrement des mesures de réduction de l’éventail des soins pris en charge.
Le rapport sur l’aide médicale de l’État de MM. Claude Evin et Patrick Stefanini de décembre 2023, qui devait servir de base à une réforme réglementaire du précédent gouvernement, laquelle n’est jamais advenue, formule plusieurs recommandations en ce sens, notamment l’adaptation du régime de prise en charge des frais relatifs à des prestations programmées non urgentes.
Celles-ci ne peuvent être délivrées sans accord des caisses primaires d’assurance maladie (CPAM) aux assurés bénéficiant d’une AME depuis moins de neuf mois. Cette condition d’ancienneté semble étonnante : rien ne justifie que la délivrance d’une prestation soit subordonnée à une autorisation de l’assurance maladie seulement pour certains assurés.
Je vous présenterai donc un amendement visant à adapter le régime d’accord préalable en l’étendant à tous les assurés. Quelle que soit la durée de son affiliation à l’AME, un bénéficiaire pourrait ainsi accéder à une prestation incluse dans le panier de soins, définie par décret comme non urgente, sous condition d’accord des CPAM.
Je vous soumettrai également un amendement de crédits tirant les conséquences de ces dispositions pour encourager le Gouvernement à inclure plus de prestations dans le panier de soins non urgents. Le rapport Evin-Stefanini recommandait notamment d’y inclure les actes de masso-kinésithérapie, la pose de prothèses dentaires, l’hospitalisation à domicile ou encore les soins médicaux et de réadaptation.
L’addition des gains attendus de cette restriction du panier de soins aboutirait à une économie estimée à 200 millions d’euros en autorisations d’engagement comme en crédits de paiement.
La commission des finances propose l’adoption des crédits de la mission assortis de ces modifications.
Mme la présidente. La parole est à Mme la rapporteure pour avis.
Mme Florence Lassarade, rapporteure pour avis de la commission des affaires sociales. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, la commission des affaires sociales a exprimé ses inquiétudes et ses réserves quant aux évolutions du budget de la mission « Santé » en 2025. Le montant total des crédits diminuerait de 40 % par rapport au dernier projet de loi de finances, pour s’établir à 1,643 milliard d’euros.
Cette baisse draconienne mérite toutefois d’être nuancée : si l’on écarte le programme 379, qui constitue une passerelle budgétaire entre l’État et la sécurité sociale pour le reversement de crédits de l’Union européenne, le budget de la mission ne diminue que de 4,2 %. Néanmoins, cette baisse entraîne, pour les deux programmes concernés, des évolutions jugées préoccupantes par la commission.
En premier lieu, le programme 204 « Prévention, sécurité sanitaire et offre de soins » subit une forte diminution de ses crédits, de l’ordre de 18 %. En 2025, il disposerait d’un budget de 222 millions d’euros, soit près de 50 millions d’euros de moins que l’année précédente. Une telle évolution affectera nécessairement les conditions d’exécution des actions qu’il contient. Cette trajectoire inquiète d’autant plus qu’elle semble appelée à s’inscrire dans la durée : d’ici à 2027, les crédits du programme 204 devraient diminuer de près de 10 %.
Alors que le renforcement de la prévention devrait constituer une priorité d’action et un horizon de nos politiques de santé, ces économies sapent les bases d’une évolution qui exigerait, au contraire, un investissement patient et continu.
En second lieu, au sein du programme 183 « Protection maladie », l’aide médicale de l’État connaît une hausse de ses crédits de 9,2 %, principalement soutenue par l’augmentation non maîtrisée du nombre de ses bénéficiaires. Dotée d’un budget de 1,319 milliard d’euros, elle concentrera plus de 80 % du total des crédits de la mission en 2025.
Si elle représente un dispositif sanitaire utile, qui concourt à la protection de la santé individuelle et collective, elle nécessite toutefois certaines évolutions.
Dans la continuité du rapport de MM. Claude Evin et Patrick Stefanini remis en décembre 2023, la commission a exploré plusieurs pistes avec deux objectifs : mieux maîtriser la dépense de l’AME et renforcer son acceptabilité collective.
Un recours élargi au régime de l’accord préalable pour les seuls soins non urgents programmés nous semble susceptible de répondre aux critiques récurrentes qui lui sont adressées. Sans engendrer de refus de soins ni remettre en cause notre vision de la solidarité collective, cette évolution réaffirmerait que l’AME doit demeurer un dispositif d’accès aux soins inconditionnel, mais proportionné.
Sous réserve de l’adoption des amendements visant, d’une part, à adapter le modèle de prise en charge des soins non urgents programmés et, d’autre part, à minorer en conséquence le montant des crédits de l’AME de 200 millions d’euros, la commission a émis un avis favorable à l’adoption des crédits de la mission « Santé ». (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC.)
Mme la présidente. Mes chers collègues, je vous rappelle que le temps de parole attribué à chaque groupe pour chaque discussion comprend le temps de l’intervention générale et celui de l’explication de vote.
Par ailleurs, le Gouvernement dispose au total de dix minutes pour intervenir.
Dans la suite de la discussion, la parole est à M. Bernard Jomier. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
M. Bernard Jomier. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, la mission « Santé » du projet de loi de finances soulève chaque année la même interrogation, qui n’a pas échappé aux rapporteurs : où réside sa cohérence ?
La politique de l’État en matière de santé et de prévention souffre d’un double déficit : l’absence d’une véritable ambition en matière de santé publique et le manque d’un pilotage financier cohérent, actuellement marqué par des transferts de charges de l’État vers l’assurance maladie, au détriment de responsabilités qui devraient lui incomber directement.
La politique de prévention se trouve diluée dans trente et un programmes budgétaires. Cette dispersion s’accompagne d’incohérences : le programme 204, censé regrouper la prévention, la sécurité sanitaire et l’offre de soins, ne présente qu’une vision fragmentée du sujet. Or une politique de prévention digne de ce nom exige des moyens clairs, une coordination structurée et une lisibilité pour tous les acteurs.
Pour 2025, le Gouvernement propose une réduction de 14 millions d’euros des crédits alloués au pilotage de la politique de santé publique par rapport à 2024.
L’action n° 12 « Santé des populations » subit une diminution de 8,92 % en crédits de paiement, tandis que la prévention des maladies chroniques et l’amélioration de la qualité de vie des malades voient leur budget amputé de 1 million d’euros. La prévention des risques liés à l’environnement et à l’alimentation n’est pas épargnée et subit une réduction de près de 2 %.
Ces coupes budgétaires traduisent une réalité simple : le covid n’y a rien changé, le Gouvernement a renoncé à investir dans la santé publique. Dans ce domaine, les actes valent plus que les mots.
La santé mentale, par exemple, annoncée comme une grande cause nationale par le Premier ministre, demeure absente des priorités budgétaires.
M. Patrick Kanner. Eh oui…
M. Bernard Jomier. Ni le projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) ni le PLF n’y consacrent les crédits nécessaires. Le Gouvernement n’hésite pourtant pas à user d’amendements pour faire évoluer ses textes budgétaires. Des mots, toujours des mots…
La mission « Santé » finance également des opérateurs essentiels comme l’Institut national du cancer (Inca) et l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses).
En ce qui concerne cette dernière, le reversement au budget de l’État des montants de taxes perçues qui devaient couvrir ses missions paraît incompréhensible, d’autant que, dans le même temps, l’État plafonne les redevances perçues par l’agence pour ses opérations d’évaluation. Ces décisions fragilisent son équilibre financier, alors même que ses missions ne cessent de s’enrichir, à la demande de l’État.
L’essentiel du budget de la mission est constitué du programme 183, qui finance l’AME. Chaque année, ce dispositif est la cible d’attaques injustifiées. Le rapport Evin-Stefanini l’a pourtant rappelé avec force : l’AME constitue une mesure de santé publique et ne représente en rien un facteur d’attractivité pour les migrations. Il est temps de sortir de cette spirale de stigmatisation à laquelle, malheureusement, la majorité sénatoriale s’est manifestement ralliée. L’AME incarne un principe fondamental de solidarité ainsi qu’une exigence de déontologie chère aux soignants, transcendant les clivages politiques.
Allez-vous écouter l’unanimité des institutions et organisations de soignants, jusqu’à l’Académie nationale de médecine, ou allez-vous sourire encore et encore à Mme Le Pen, comme le fait M. Barnier ?
Les enfants représentent 25 % des bénéficiaires de l’AME. Allez-vous réduire les soins qui leur sont destinés ? Parmi les migrants, 100 % femmes et 80 % des hommes ont subi des violences sexuelles durant leur parcours migratoire. Allez-vous les abandonner à leurs souffrances ?
Allez-vous demander aux professionnels de santé de détecter des pathologies pour ne pas les soigner, car vous aurez supprimé leur prise en charge ou vous l’aurez rendue trop complexe ?
Allez-vous renvoyer vers nos hôpitaux ces patients, et les coûts y afférents, alors que ces établissements sont déjà fragilisés par un sous-financement ? Il manque aujourd’hui, je le rappelle, 2 milliards d’euros à l’hôpital et vous n’avez rien accordé au secteur dans le PLFSS.
Si nous entendons ouvrir un débat sérieux sur le panier de soins offert par l’AME, si nous entendons encore abaisser son taux de fraude, déjà le plus bas de toutes les prestations de l’assurance maladie, fondons-nous sur des données objectives, et non sur la volonté de faire une concession au Rassemblement national pour apaiser ses velléités. (M. Jean-Jacques Panunzi s’exclame.)
Lisez le rapport Evin-Stefanini avec vos deux yeux, et non seulement l’œil droit ! Vous soutiendrez alors l’extension de la durée de l’AME à deux ans, comme le préconisent ses auteurs, et vous aborderez sereinement la question de son intégration dans le régime général de la sécurité sociale, comme le propose l’Académie nationale de médecine. Une telle évolution permettrait de prévenir les ruptures de droits, aujourd’hui trop nombreuses et identifiées comme des freins importants à l’accès aux soins.
Pour notre part, nous défendons l’AME, car la réalité des faits et le respect de nos valeurs nous y conduisent. En la détricotant, vous portez atteinte aux valeurs des soignants et à la devise de fraternité du pays, pour un effet financier probablement négatif et avec pour seule conséquence politique de nourrir les discours du Rassemblement national et donc le renforcer. (Applaudissements sur les travées des groupes SER et GEST.)
Mme la présidente. La parole est à M. Stéphane Ravier.
M. Stéphane Ravier. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, quand il entre au service pédiatrique de la Timone, à Marseille, Léo a quatre ans et une tumeur cancéreuse lui ronge le tibia. L’opération est urgente ; pourtant, elle a été repoussée à trois reprises auparavant, en raison du manque de personnel. Imaginez l’injustice pour ce petit ange, l’angoisse et la douleur de sa famille. C’est à hurler et à pleurer de chagrin !
À l’hôpital Nord de Marseille, depuis le covid, 30 % des infirmières de bloc ont rendu leur blouse. Dans le service d’urologie de transplantation, les créneaux d’accès aux blocs ont diminué de 20 % depuis deux ans.
Si l’épidémie de covid est passée, les soignants continuent à travailler en situation de guerre : un tiers des blocs opératoires de la deuxième ville de France sont fermés. Malgré cela, ils ne baissent pas les bras et inventent des procédés d’urgence : les chefs de service se réunissent trois fois par semaine pour ce qu’ils appellent un Tetris, afin de faire entrer un maximum de patients dans un minimum de blocs.
Face à une telle situation, nous serions en droit d’attendre un budget de la santé pour 2025 qui mette l’accent sur l’investissement hospitalier, la rémunération de l’ensemble des soignants, le continuum médical, la structuration d’oasis médicales dans les déserts du même nom et le financement de l’innovation. Au lieu de cela 80 % des crédits de cette mission « Santé », soit 1,3 milliard d’euros, sont consacrés à l’aide médicale de l’État, réservée aux seuls clandestins !
Dès 2018, l’inspection générale des finances (IGF) et l’inspection générale des affaires sociales (Igas) ont reconnu, ne vous en déplaise, mon cher collègue, l’existence d’une migration pour soins, alors qu’il y avait 150 000 bénéficiaires de l’AME de moins qu’aujourd’hui. Pourtant, vous refusez obstinément de remettre en question cette pompe aspirante.
Un rapport de l’Assemblée nationale datant de 2021 précise que, depuis 2015, les étrangers ont bénéficié de 14,8 % des transplantations, alors que les étrangers résidant en France ne représentent que 7,4 % de la population.
Cela s’explique par deux facteurs : premièrement, les passeurs vendent 2 000 euros la carte de centre de dialyse et de greffe, pour une opération qui nous coûte 40 000 euros, deuxièmement, cette immigration à la carte promeut souvent des profils jeunes, qui sont prioritaires par rapport aux Français eux-mêmes.