Mme Anne Souyris. Cet amendement vise à fixer un prix minimal de vente des boissons alcooliques en fonction du volume d’alcool contenu dans une bouteille. Une telle mesure pourrait être mise en place immédiatement.
Mme la rapporteure générale l’a indiqué, l’alcool est responsable de 49 000 décès par an en France. Comme en Écosse, nous pourrions réduire de 13,4 % le nombre des décès directement attribuables à l’alcool.
Selon la Mildeca, la mission interministérielle de lutte contre les drogues et les conduites addictives, la mesure que nous proposons aura pour effet de réduire la mortalité par cancer attribuable à la consommation d’alcool de 22 %.
Cette mesure magique, c’est le prix minimum par unité d’alcool. Elle avait été adoptée à l’Assemblée nationale dans le projet de loi de finances pour 2024, mais écartée à la suite du recours à l’article 49.3 de la Constitution.
Nous proposons d’instaurer un prix minimum de 0,60 euro par centilitre d’alcool pur. Cette mesure affectera essentiellement les prix des alcools les moins chers, principalement les vins en vrac bas de gamme, achetés par des buveurs ayant une consommation excessive.
Ainsi, il en sera fini de la bouteille d’alcool bas de gamme importée et vendue à 2,50 euros et bue par un buveur quotidien. Une bouteille de vin à 12 degrés serait désormais vendue à 3,50 euros minimum, hors inflation. À l’inverse, les bouteilles dont le prix s’élève déjà à plus de 3,50 euros ne seront pas concernées.
L’instauration de ce prix minimum permettrait, selon l’OCDE, de réaliser 237 millions d’euros d’économies par an à l’horizon 2050 sur les dépenses de santé.
Mes chers collègues, diminuer de plus de 10 % la mortalité liée à l’alcool et faire gagner 237 millions d’euros aux Français, c’est possible, en votant pour un prix minimum unitaire de l’alcool.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. Pour ma part, je suis évidemment d’accord sur le fait qu’il est nécessaire de travailler sur un prix minimum par unité d’alcool. L’Écosse a expérimenté ce prix ; il est efficace.
Cela étant, nous ne sommes pas encore prêts à instaurer ce prix minimum. Il nous faut au préalable travailler avec la filière, comme nous le préconisons dans notre rapport. Le temps est venu pour cela.
Aujourd’hui, 10 % de la population consomme plus de 60 % de la quantité d’alcool qui est bue. Il s’agit là de cas pathologiques. La mesure qui est ici proposée est une très bonne idée, mais il faut embarquer l’ensemble des viticulteurs et des brasseurs dans l’affaire. Or nous n’avons toujours pas mené de réflexion sur cette question. Il faut donc absolument attendre.
La commission a émis un avis défavorable sur cet amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Geneviève Darrieussecq, ministre. Je ne suis pas convaincue… On arrivera à une baisse relative de la taxation des alcools forts par une augmentation de celle des autres. En outre, cette mesure ne me paraît pas opportune pour atteindre un objectif de santé publique.
Par ailleurs, vous l’avez dit, madame la rapporteure générale, les marges seront captées par les grands distributeurs, ce qui entraînera des difficultés pour les petits producteurs. Je pense donc qu’il faut retravailler sur cette question.
Sur le fond, je comprends votre proposition. La disposition que vous avancez est tout à fait intéressante, mais il nous faut travailler encore pour aboutir à une taxe comportementale optimale, dans les meilleures conditions. Notre objectif est de modifier le comportement des consommateurs pour qu’ils soient en meilleure santé. Il n’est pas de gagner davantage d’argent.
Le Gouvernement émet donc un avis défavorable sur cet amendement.
Mme la présidente. La parole est à M. Bernard Jomier, pour explication de vote.
M. Bernard Jomier. Madame la ministre, le prix minimum par unité d’alcool n’entraîne aucune modification de la fiscalité. Il ne change rien à la fiscalité sur l’ensemble des alcools vendus au-dessus de ce prix minimum.
La version de cet amendement que nous avions déposée l’an dernier et qui sera de nouveau discutée lors de l’examen de projet de loi de finances tendait même à prévoir une légère baisse des droits d’accise sur tous les alcools au-dessus du prix minimum.
Cette mesure n’est donc pas destinée à renflouer les caisses de l’État. Elle cible, cela a été dit, la petite proportion de personnes ayant une consommation d’alcool excessive.
Lorsque l’on met en place ce type de mesure, on en mesure les effets au bout de quelques années. C’est parce que l’évaluation publiée par l’Écosse de cette mesure sur les gros buveurs est très positive que d’autres pays l’ont mis en œuvre à leur tour.
Il ne faut pas, contrairement à ce qu’a dit Mme la rapporteure générale, attendre que tout le monde soit d’accord : il faut provoquer la réunion des organisations concernées, pour qu’elles puissent échanger et débattre. On ne peut pas repousser un amendement, puis nous dire d’attendre, point, alors que l’intérêt de la mesure est reconnu et que, par ailleurs, elle permettrait de rendre le système de taxation plus cohérent.
Nous avons précédemment adopté l’amendement de notre collègue Duplomb sur les boissons sucrées, qui tendait à créer cette même proportionnalité, tout en limitant les effets de seuil.
Le prix minimum par unité d’alcool instaure de la cohérence. C’est en effet la concentration en alcool – le nombre de molécules d’alcool ingérées – qui suscite la taxation, laquelle est strictement corrélée à une logique de santé publique, contrairement au système actuel de taxation de l’alcool en France.
Notre système est devenu illisible et assez peu efficace en termes de santé publique au fur et à mesure que sont venus s’y greffer des éléments satisfaisant des intérêts particuliers.
Mme la présidente. La parole est à M. Thomas Dossus, pour explication de vote.
M. Thomas Dossus. En tant que sénateur du Rhône, en plus en ce jour où l’on fête le beaujolais nouveau, je sais à quel point l’alcool, notamment le vin, est un sujet sensible ici. Il nous vaut à chaque fois des débats enflammés, comme les longues discussions qu’il avait provoquées l’année dernière.
Avec cet amendement, je pense que nous avons trouvé une solution qui ne pénalise pas nos filières viticoles, lesquelles connaissent des fragilités dans certaines régions. S’il était adopté, il permettrait de prévenir les effets nocifs de la surconsommation d’alcool et de l’addiction à ce produit dans notre pays.
Si l’on veut que l’on cesse de nous répéter, comme on le fait chaque année, qu’il faut réunir tout le monde, qu’il faut que l’on travaille sur cette question, que l’on est d’accord avec l’objectif de l’amendement – ce sont ces mêmes arguments qui nous ont déjà été opposés l’année dernière ! –, provoquons une rencontre entre les acteurs de la filière en votant cet amendement, sur lequel nous pourrons ensuite revenir au cours de la navette, ou plus tard, quand la mesure sera mise en œuvre.
Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 547 rectifié, présenté par Mmes Souyris et Poncet Monge, MM. Benarroche, G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli et Mmes Ollivier, Senée et M. Vogel, est ainsi libellé :
Après l’article 9 bis
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le code de la sécurité sociale est ainsi modifié :
1° À l’article L. 245-7, les mots : « d’une teneur en alcool supérieure à 18 % » sont supprimés ;
2° L’article L. 245-9 est ainsi modifié :
a) Au 1° , les mots : « relevant de la catégorie fiscale des alcools » sont remplacés par le mot : « alcooliques » ;
b) Le 2° est abrogé.
La parole est à Mme Anne Souyris.
Mme Anne Souyris. Seuls les alcools titrant à plus de 18 degrés d’alcool sont concernés par la cotisation de sécurité sociale qui alimente la branche maladie. Cet amendement vise à harmoniser la fiscalité sur les alcools et à étendre cette cotisation à l’ensemble des boissons alcoolisées.
Certains alcools font partie de notre patrimoine, mais quel patrimoine voulons-nous léguer ? L’alcool festif, joyeux et occasionnel ? Ou l’alcool qui provoque 49 000 décès par an, joue un rôle déterminant dans 43 % des viols en milieu étudiant et a un coût social de 102 milliards d’euros ? Nos traditions culturelles ne peuvent pas justifier une consommation aussi excessive d’alcool en France.
Les travaux de la mission d’évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale sur la fiscalité comportementale en santé, dont nos collègues Élisabeth Doineau et Cathy Apourceau-Poly étaient les rapporteures, ont montré l’absence de réelle politique fiscale de lutte contre la consommation nocive d’alcool.
Cette absence de taxe est tout à fait frappante s’agissant du vin. Actuellement, un verre de vin standard à 12,5 degrés est taxé 0,4 centime, contre 10 centimes pour une bière à 4 degrés et 31 centimes pour un spiritueux à 40 degrés.
Finissons-en avec le privilège fiscal du vin, que l’on doit à l’omniprésence du lobby viticole dans nos hémicycles, il faut bien le dire. C’est un véritable problème. Au lieu de se soucier de notre santé, ce lobby empêche toute évolution sur cette question ! (MM. Laurent Burgoa et Jean-Pierre Grand protestent.)
Mme Laurence Rossignol. Vous les avez réveillés…
Mme Anne Souyris. Il n’est pas exclu que les choses puissent changer. Faisons en sorte que les risques associés à l’alcool, qui dépendent du volume d’alcool pur consommé et de la fréquence de la consommation, soient mieux pris en compte.
Telles sont les raisons pour lesquelles il convient d’étendre la cotisation de sécurité sociale à l’ensemble des boissons alcooliques.
Mme la présidente. L’amendement n° 622 rectifié n’est pas soutenu.
Quel est l’avis de la commission sur l’amendement n° 547 rectifié ?
Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. Défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. La parole est à M. Laurent Burgoa, pour explication de vote.
M. Laurent Burgoa. Alors que la viticulture française souffre, entendre de tels propos de votre part, chère collègue, c’est de la provocation. (Mme Anne Souyris s’exclame.)
Je puis accepter les propos de M. Jomier, qui a fait preuve de mesure, même s’il souhaite taxer le vin.
M. Bernard Jomier. Merci !
M. Laurent Burgoa. Il a avancé des arguments de santé publique que l’on peut entendre, même si je ne les partage pas. Mais vos propos, chère collègue, à un moment où notre agriculture et notre viticulture souffrent, sont inadmissibles.
Mme Anne Souyris. Ce sont les mêmes !
M. Laurent Burgoa. Il ne faut pas s’étonner ensuite que les agriculteurs manifestent. Je ne puis cautionner de tels propos ! (Mme Anne Souyris proteste.)
Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements identiques.
L’amendement n° 545 est présenté par Mmes Souyris et Poncet Monge, MM. Benarroche, G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mme Ollivier, M. Salmon et Mmes Senée et M. Vogel.
L’amendement n° 619 rectifié est présenté par Mmes Guillotin et Briante Guillemont, MM. Gold et Guiol, Mme Jouve, M. Laouedj, Mme Pantel et M. Roux.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Après l’article 9 bis
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – L’avant-dernière phrase du dernier alinéa de l’article L. 245-9 du code de la sécurité sociale est supprimée.
II – Le deuxième alinéa de l’article L. 313-19 du code d’imposition sur les biens et services est ainsi rédigé :
« Toutefois, l’évolution annuelle ne peut être négative. »
La parole est à Mme Anne Souyris, pour présenter l’amendement n° 545.
Mme Anne Souyris. Cet amendement vise à déplafonner les taxes sur l’alcool.
Les taxes sur les boissons sucrées et le tabac sont indexées sur l’inflation, mais pas celles sur les alcools. Selon la Cour des comptes, aucun effort notable n’a été engagé par les pouvoirs publics pour mener une politique résolue de réduction de la consommation d’alcool.
L’alcool bénéficie d’un privilège fiscal, les taxes sur les boissons alcooliques ne pouvant être relevées annuellement que de 1,75 % au maximum, même en période de forte inflation.
Pourtant, son coût net pour les finances publiques serait le double de celui du tabac. Les taxes ne couvrent pas la moitié des sommes mobilisées par les finances publiques pour les soins des maladies liées à la consommation d’alcool, selon l’Observatoire français des drogues et des tendances addictives (OFDT).
En adoptant cette mesure minime, nous pourrions développer des programmes de prévention, alors que 22 % de la population a une consommation excessive d’alcool.
Mme la présidente. L’amendement n° 619 rectifié n’est pas soutenu.
Quel est l’avis de la commission sur l’amendement n° 545 ?
Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. Défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. L’amendement n° 1303 rectifié ter, présenté par Mmes Bélim et Canalès et MM. Cozic, Fagnen, Tissot, Ros, M. Weber, Bourgi et Ziane, est ainsi libellé :
Après l’article 9 bis
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Après la section 3 du chapitre V du titre IV du livre II du code de la sécurité sociale, est rétablie une section 4 ainsi rédigée :
« Section 4 « Taxation des publicités numériques en faveur de boissons alcooliques
« Art. …. – I. – Il est institué une taxe perçue sur les dépenses de publicité numérique portant sur la promotion de boissons alcooliques. Le produit de cette taxe est versé à la Caisse nationale de l’assurance maladie.
« II. – Sont redevables de cette taxe les entreprises :
« 1° Produisant, important ou distribuant en France des boissons alcooliques, ou leurs représentants ;
« 2° Et dont le chiffre d’affaires du dernier exercice est supérieur ou égal à 2 millions d’euros, hors taxe sur la valeur ajoutée.
« III. – La taxe est assise sur les frais d’achats d’espaces publicitaires numériques, incluant notamment :
« 1° Les publicités diffusées sur les sites internet et applications mobiles ;
« 2° Les publicités sur les réseaux sociaux et plateformes de partage de contenus ;
« 3° Les campagnes de marketing digital et d’influence ;
« 4° Tout autre support publicitaire numérique.
« IV. – Le taux de la taxe est fixé à 3 % du montant hors taxes sur la valeur ajoutée des dépenses mentionnées au III du présent article.
« V. – Les modalités du recouvrement de la taxe sont précisées par décret. »
II. – Le présent article entre en vigueur le 1er janvier 2025.
La parole est à Mme Audrey Bélim.
Mme Audrey Bélim. Le coût social net de l’alcool s’élève à 102 milliards d’euros, selon l’Observatoire français des drogues et des tendances addictives. La consommation d’alcool est responsable, directement ou indirectement, vous le savez, d’environ 49 000 décès prématurés par an en France.
Comme je l’ai indiqué il y a quelques minutes, les conséquences de la consommation excessive d’alcool sont nombreuses et trop souvent irréversibles.
Si le législateur s’est efforcé depuis trente ans, pour des raisons sanitaires et sociales, d’encadrer la réclame pour des produits alcooliques, force est de constater que la publicité numérique est aujourd’hui un vecteur majeur de promotion, notamment auprès des consommateurs particulièrement jeunes.
Les réseaux sociaux et autres supports numériques permettent une diffusion massive et ciblée des messages publicitaires, contribuant à la normalisation et à l’attractivité de la consommation d’alcool.
Parce que la prévention seule ne suffit pas, cet amendement, mes chers collègues, vise à créer une taxation spécifique sur les publicités numériques en faveur des boissons alcooliques. Cette taxation permettra de disposer de nouvelles ressources pour financer des politiques de santé publique, notamment en matière de prévention des addictions, et de réguler la pression publicitaire exercée sur les supports numériques, particulièrement auprès des jeunes publics.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. Je remercie notre collègue et tous ceux qui défendent des amendements visant la publicité pour l’alcool ou favorisant d’autres addictions.
Comme vous, ma chère collègue, Cathy Apourceau-Poly et moi-même avons dénoncé dans notre rapport les pratiques que vous évoquez. La loi Évin a réglementé la publicité pour l’alcool, mais elle n’est plus adaptée aujourd’hui aux réseaux numériques et sociaux, qui exercent une influence sur les jeunes publics.
Je pense que, plutôt que de prévoir de nouvelles taxes, il faut réfléchir à des mesures de prévention adaptées à la réalité de chaque territoire, dans l’Hexagone comme dans les territoires ultramarins.
Il est important de mobiliser tous les acteurs de terrain pour faire de la prévention auprès des populations les plus vulnérables, comme les jeunes. Une véritable politique et une réelle stratégie sont nécessaires. Il faut se préoccuper de la publicité, certes, mais aussi de l’éducation, de la communication et de l’information, en associant les jeunes générations, car elles sont les plus concernées.
Telles sont les orientations que je souhaite privilégier. À cet égard, je vous renvoie à notre rapport.
J’émets donc un avis défavorable sur cet amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. La parole est à M. Bernard Jomier, pour explication de vote.
M. Bernard Jomier. On peut souscrire aux propos d’Élisabeth Doineau sur la taxation, mais le Gouvernement fait-il preuve dans le PLFSS qu’il nous a transmis d’une quelconque volonté d’avancer sur les questions que nous abordons ? Non ! Il n’y a rien dans ce texte.
En période de forte inflation, le Premier ministre de l’époque avait voulu relever le plafonnement à 1,75 % évoqué précédemment par Mme Souyris. Cela n’a finalement pas pu se faire, mais au moins en avait-il exprimé l’intention.
Aujourd’hui, le Gouvernement – je ne vous vise pas personnellement, madame la ministre – ne propose même plus une seule mesure pour tenter de limiter la consommation d’un toxique dans notre pays, alors que son coût direct pour la sécurité sociale, Mme la rapporteure générale l’a rappelé, s’élève à 3 milliards d’euros par an. Et je ne parle pas des coûts indirects… La fiscalité n’est même pas alignée sur les coûts directs. Ce n’est pas juste !
En revanche, on va prendre dans la poche de tous les assurés sociaux pour essayer de combler le trou de la sécurité sociale. Je le répète : ce n’est pas juste.
Il en est de même pour le tabac, dont nous parlerons ensuite : alors que 2 milliards d’euros de coûts directs ne sont pas couverts, la trajectoire proposée est insuffisante.
Le texte du Gouvernement ne contient rien, ni disposition fiscale ni mesure contre la publicité. Il existait pourtant plusieurs possibilités. Vous savez, nous en avons l’expérience : le Gouvernement ne traite pas chaque année tous les sujets dans le PLFSS, mais il en aborde au moins une partie et propose différentes mesures. Là, il n’y a rien ! Le vide total…
Que devons-nous faire ? Devons-nous nous contenter d’incantations, au motif que les acteurs ne sont pas mûrs et que, techniquement, il vaut mieux attendre ? Mais pendant ce temps, les coûts directs progressent. Aujourd’hui, le coût direct de la consommation de tabac et d’alcool est de 6 milliards d’euros, qui ne sont pas compensés.
À l’heure où l’on cherche à rééquilibrer les comptes sociaux, le Gouvernement aurait tout de même pu mettre des propositions sur la table, afin de compenser le coût du tabac et de l’alcool pour la sécurité sociale.
Mme la présidente. La parole est à Mme Audrey Bélim, pour explication de vote.
Mme Audrey Bélim. Il est vrai que la taxation ne règle pas tous les problèmes, mais nous constatons qu’il existe des trous dans la législation, qui n’est pas adaptée aux nouvelles technologies.
Le marketing d’influence est devenu en quelques années un levier incontournable des stratégies de communication des entreprises, notamment auprès des jeunes publics. L’objectif affiché est clair : inciter à acheter et à consommer de l’alcool.
Nous avons aujourd’hui l’occasion de combler certains trous et d’instaurer une taxation qui permettra de financer des politiques publiques.
Mme la présidente. La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge, pour explication de vote.
Mme Raymonde Poncet Monge. Nous avons eu la possibilité, au travers d’un amendement, de taxer de l’alcool qui est essentiellement importé. Nos filières viticoles n’auraient pas été affectées. Si cet amendement n’a pas été adopté, c’est non pas pour protéger vos filières, mes chers collègues, mais parce que vous êtes opposés à la taxation ; il faut être transparent à cet égard.
Il est proposé ici non pas d’interdire la publicité, mais de la taxer. Par ailleurs, on ne peut pas opposer publicité et éducation. Je l’ai dit, c’est une démarche systémique qui a permis de réduire la consommation du tabac, et on a interdit la publicité pour ce dernier.
Nous allons aborder la question des sodas. On en fait la publicité partout, y compris dans les stades. Or la publicité n’est pas neutre, elle incite à la consommation. Si on ne l’interdit pas – « il est interdit d’interdire »… –, il faut au moins la taxer. La taxation fonctionne en synergie avec d’autres dispositifs : il faut que les entreprises cessent de consacrer des budgets énormes à la publicité pour créer une image de convivialité autour de la prise d’alcool, comme le faisait hier un industriel pour le tabac avec son cow-boy.
La publicité est un vecteur essentiel. Je ne vois pas pourquoi vous ne voulez pas la taxer. Vous acceptez que les industriels consacrent des sommes énormes à la publicité, mais vous refusez d’ajouter une taxe à leurs budgets monstres.
Mme la présidente. La parole est à Mme Silvana Silvani, pour explication de vote.
Mme Silvana Silvani. Je m’y perds un peu sur la taxation : elle a un effet parfois positif, parfois négatif…
Nous le disons depuis lundi dernier, il n’y a pas grand-chose à se mettre sous la dent dans ce PLFSS en matière de prévention. Nous prenons donc ce qu’il y a… Aussi, certes, la taxation n’est pas la prévention, mais elle est un élément qui la favorise, cela a été dit.
Enfin, on nous dit très régulièrement que l’on n’est pas prêt à mettre en œuvre telle ou telle disposition, qu’il faut ouvrir un débat et travailler sur la question, voire créer une commission sur tel ou tel sujet. Or, non seulement c’est usant, mais cela entoure les décisions qui sont en train d’être prises d’une sorte de flou pas très rassurant et assez peu structurant.
Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 1303 rectifié ter.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Mme la présidente. Je suis saisie de trois amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
Les deux premiers sont identiques.
L’amendement n° 621 rectifié est présenté par Mmes Guillotin et Briante Guillemont, MM. Gold, Grosvalet et Guiol, Mme Jouve, M. Laouedj, Mme Pantel et M. Roux.
L’amendement n° 1183 rectifié bis est présenté par Mmes Canalès et Le Houerou, M. Kanner, Mmes Conconne et Féret, MM. Fichet et Jomier, Mmes Lubin, Poumirol, Rossignol et Bélim, M. Ros, Mmes Linkenheld et Narassiguin, MM. Ziane et Féraud, Mme Brossel, MM. Fagnen et Chantrel, Mme Conway-Mouret, M. Darras, Mme Bonnefoy, M. Roiron, Mme Blatrix Contat, MM. Jeansannetas, M. Weber, Marie, Tissot, Chaillou et Uzenat, Mme Artigalas, MM. Redon-Sarrazy et Ouizille, Mme Briquet, M. Cardon, Mme Carlotti, M. Cozic, Mme Daniel, MM. Devinaz et Éblé, Mme Espagnac, MM. Jacquin, P. Joly et Kerrouche, Mme de La Gontrie, MM. Lozach et Raynal, Mme S. Robert et MM. Temal et M. Vallet.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Après l’article 9 bis
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Après la section 3 du chapitre V du titre IV du livre II du code de la sécurité sociale, il est inséré une section … ainsi rédigée :
« Section …
« Taxation des publicités en faveur de boissons alcooliques
« Art. L. 246 – …. – I. – Il est institué une taxe perçue sur les dépenses de publicité portant sur la promotion d’une boisson alcoolique.
« II. – Sont redevables de cette taxe les entreprises :
« – Produisant, important ou distribuant en France des boissons alcooliques ou leurs représentants ;
« – Et dont le chiffre d’affaires du dernier exercice est supérieur ou égal à 10 millions d’euros, hors taxe sur la valeur ajoutée.
« III. – La taxe est assise sur les frais d’achats d’espaces publicitaires, quelle que soit la nature du support retenu et quelle que soit sa forme, matérielle ou immatérielle, ainsi que les frais d’événements publics et de manifestations de même nature.
« IV. – Le taux de la taxe est fixé à 3 % du montant hors taxes sur la valeur ajoutée des dépenses mentionnées au I. du présent article.
« V. – Les modalités du recouvrement sont instaurées par décret trois mois après la date d’entrée en vigueur de la loi n° … de … de financement de la sécurité sociale pour 2025. »
II. – Le présent article entre en vigueur le 1er janvier 2025.
L’amendement n° 621 rectifié n’est pas soutenu.
La parole est à Mme Marion Canalès, pour présenter l’amendement n° 1183 rectifié bis.
Mme Marion Canalès. Cet amendement tend à s’inscrire dans le droit fil de celui qu’a présenté ma collègue Audrey Bélim.
La loi Évin est-elle parfaitement respectée ? Non ! La publicité pose problème, notamment sur les réseaux sociaux, qui sont un nouveau Far West, un véritable déversoir. On y fait du marketing avec des influenceuses à l’esthétique girly dans un univers de couleur rose poudré. On est loin de la filière viticole qui ferait connaître un produit du terroir !
Des millions d’euros sont brassés par des gens inconséquents, qui s’adressent à un public extrêmement jeune et pas du tout averti. Ainsi, 79 % des jeunes âgés de 15 ans à 20 ans voient tous les jours des publicités sur les réseaux sociaux, sous forme non pas d’affiches, comme en voit ailleurs, mais de stories, de messages éphémères ou de publicités interstitielles, lesquelles s’affichent au milieu des contenus des influenceurs.
Aujourd’hui, ces publicités parlent à de nombreux jeunes et les incitent à consommer des produits qui, par ailleurs, ne sont pas de qualité. Il s’agit par exemple de boissons sucrées contenant du vin.
L’année dernière, Thomas Cazenave m’avait dit que ces pratiques étaient déjà encadrées. Ce qu’il faut aujourd’hui, c’est non pas activer le levier fiscal – nous avons compris que cette proposition ne faisait pas l’unanimité ici, même si nous continuerons de la défendre –, mais réglementer.
Or la réglementation n’est pas appliquée aujourd’hui. La loi Évin est contournée. Les influenceuses, quand leurs publicités sont repérées, sont condamnées à 3 000 euros d’amende, quand le détournement de la loi Évin est passible de 75 000 euros d’amende.
Indépendamment des questions d’ordre sanitaire, nous avons un problème avec la publicité pour notre jeunesse. Je pense qu’il faut prendre ce sujet à bras-le-corps et taxer la publicité, particulièrement celle qui touche les jeunes sur les réseaux sociaux.