compte rendu intégral

Présidence de Mme Anne Chain-Larché

vice-présidente

Secrétaires :

Mme Alexandra Borchio Fontimp,

Mme Véronique Guillotin.

Mme la présidente. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à dix heures trente.)

1

Procès-verbal

Mme la présidente. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.

Il n’y a pas d’observation ?…

Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.

2

Rappel au règlement

Mme la présidente. La parole est à M. Patrick Kanner, pour un rappel au règlement.

M. Patrick Kanner. Mon rappel au règlement se fonde sur l’article 32 de notre règlement, qui a trait à la sincérité de nos débats.

Hier, notre collègue Bernard Jomier interrogeait Mme la ministre du travail, présente au banc, au sujet de l’allégement des charges des entreprises. Nous avons entendu de sa part, à cette occasion, une réponse très ferme : elle démentait tout ce qui était indiqué dans Le Figaro. Ce matin, ouvrant de bonne heure un autre journal bien connu, Le Parisien, j’y lis avec attention l’interview du ministre Armand, qui, manifestement, se place en opposition au Premier ministre concernant certaines mesures fiscales prévues à l’endroit des entreprises.

Hier, à propos d’un amendement de Mme Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales, nous avons entendu les réserves exprimées par le ministre du budget, mis en minorité lors du vote malgré notre franc soutien. Ce matin, j’écoutais M. Ferracci, ministre délégué chargé de l’industrie, dire tout le bien qu’il pensait de l’amendement de Mme Doineau, sans toutefois la citer, ce que je regrette pour elle.

Ma question est donc simple : dans quelles conditions travaillons-nous ? Y a-t-il un pilote dans l’avion, mes chers collègues ?

J’ai pu mesurer hier combien l’ex-opposition au Gouvernement, devenue majorité gouvernementale et sénatoriale, soutenait le Premier ministre, vu les applaudissements nourris dont elle l’a gratifié lorsque je lui ai posé une question d’actualité. Mais qui fait quoi au juste dans ce gouvernement ? Dans quelles conditions le Parlement travaille-t-il ?

Je souhaite qu’il soit donné acte de la situation dans laquelle nous travaillons aujourd’hui. (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe SER. – Mme Raymonde Poncet Monge applaudit également.)

Mme la présidente. Acte vous est donné de ce rappel au règlement, mon cher collègue.

La parole est à M. le président de la commission.

M. Philippe Mouiller, président de la commission des affaires sociales. Je souhaite appuyer le propos du président Kanner, tout en marquant ma différence.

L’appuyer, tout d’abord : nous ne pouvons que regretter le manque d’informations tangibles et d’éléments chiffrés, d’autant que les données que nous avons pu obtenir n’ont été transmises, pour certaines, que quarante-huit heures avant l’examen en séance du PLFSS. C’est notamment dans ces conditions que nous avons découvert que les chiffres qui nous avaient été communiqués sur le déficit n’étaient pas les bons. Certes, je suis parlementaire depuis dix ans et cela fait dix ans que ce genre de choses arrive… (Sourires.) Votre remarque quant à la qualité des informations qui nous sont fournies est donc extrêmement pertinente, mon cher collègue.

Ensuite, pour ce qui est des prises de position diverses et variées des ministres, il y a un véritable débat sur la ligne de conduite du Gouvernement. Nous sommes parfois perdus entre ce que nous entendons ici et ce que nous lisons dans la presse : c’est incontestable. Cela étant, ma logique consiste à faire en sorte que nous menions nos travaux en conscience, au regard des informations définitives que nous obtenons tardivement et en suivant la ligne politique que nous avons définie pour nous-mêmes. Je fais donc abstraction de ce qui est dit dans la presse – de manière générale, il ne faut pas toujours croire ce qui y est écrit.

Tout cela suscite des inquiétudes quant à la bonne tenue de nos débats à venir, je ne puis qu’en convenir. Mais, pour ce qui est de la qualité des travaux menés dans cet hémicycle, notre position est la suivante : nous souhaitons que ce soit le projet du Sénat qui soit en définitive le projet retenu. Nous laisserons les membres du Gouvernement discuter entre eux et, de cette façon, nous aurons tout le poids requis pour défendre notre position. (M. Laurent Burgoa applaudit.)

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.

Mme Geneviève Darrieussecq, ministre de la santé et de laccès aux soins. Monsieur le président Kanner, je ne connais pas la teneur de tous les débats que vous avez eus avec mes collègues hier. Ce que je sais, cependant, c’est que la situation politique exige de s’inscrire dans une logique de coconstruction. Et, si tout le monde n’a pas nécessairement la même ligne quant aux avancées obtenues, nous devons trouver le meilleur chemin. Il y va de notre responsabilité, pour la France et pour les Français.

Précisément, nous y sommes, dans cette construction, et le Sénat y participe largement : je veux en remercier toutes les sénatrices et tous les sénateurs. (M. Bernard Pillefer et Mme Nadia Sollogoub applaudissent. – M. Patrick Kanner et Mme Annie Le Houerou sexclament.)

3

Article additionnel après l'article 8 quinquies - Amendement n° 23 rectifié (interruption de la discussion)
Dossier législatif : projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2025
Après l’article 8 quinquies (suite)

Financement de la sécurité sociale pour 2025

Suite de la discussion d’un projet de loi

Mme la présidente. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi, dont le Sénat est saisi en application de l’article 47-1, alinéa 2, de la Constitution, de financement de la sécurité sociale pour 2025 (projet n° 129, rapport n° 138, avis n° 130).

Dans la discussion des articles, nous poursuivons, au sein du titre Ier de la deuxième partie, l’examen des amendements tendant à insérer un article additionnel après l’article 8 quinquies.

DEUXIÈME PARTIE (SUITE)

DISPOSITIONS RELATIVES AUX RECETTES ET À L’ÉQUILIBRE GÉNÉRAL DE LA SÉCURITÉ SOCIALE POUR L’EXERCICE 2025

TITRE Ier (SUITE)

DISPOSITIONS RELATIVES AUX RECETTES, AU RECOUVREMENT ET À LA TRÉSORERIE

Discussion générale
Dossier législatif : projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2025
Article 9 (début)

Après l’article 8 quinquies (suite)

Mme la présidente. L’amendement n° 11 rectifié bis, présenté par Mme N. Goulet, MM. Canévet, Henno, Kern, Laugier, Longeot, Levi et S. Demilly, Mmes Sollogoub, Saint-Pé et Jacquemet, MM. Delahaye, Bitz, Bonneau et Lafon, Mme Perrot, M. Reichardt, Mme O. Richard, MM. Pillefer, Menonville, Maurey et Courtial et Mmes Romagny et Antoine, est ainsi libellé :

Après l’article 8 quinquies

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L’article L. 114-12-4 du code de la sécurité sociale est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Ces mêmes organismes et administrations communiquent, dans les mêmes conditions et sous les mêmes réserves, avec les organismes et administrations chargés des mêmes missions dans un autre État membre de l’Union européenne ou partie à l’accord sur l’espace économique européen. »

La parole est à Mme Nathalie Goulet.

Mme Nathalie Goulet. Cet amendement, dont l’examen rouvre un long tunnel de propositions de lutte contre la fraude, tend à améliorer l’échange de données entre les divers organismes chargés de cette mission au sein des différents États européens.

Cette mesure de lutte contre la fraude transfrontalière a été à maintes reprises adoptée par notre assemblée ces dernières années ; elle a notamment fait l’objet d’une proposition de résolution adoptée par notre commission des affaires européennes puis devenue résolution du Sénat au mois de mars 2020.

Plusieurs questions d’actualité ont par ailleurs été posées au Gouvernement sur ce thème, visant notamment le cas de personnes travaillant dans un pays voisin et percevant des allocations chômage en France.

Il est grand temps d’améliorer l’échange de données !

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. Comme le dit notre collègue Nathalie Goulet, nous entrons dans un tunnel, mais un tunnel fort intéressant, puisque nous nous efforçons de formuler des propositions pour lutter contre la fraude aux prestations sociales, en l’espèce contre la fraude transfrontalière au sein de l’Union européenne.

Ma collègue met le doigt sur une situation connue depuis très longtemps, qui vaut pour les prestations, mais aussi pour le tabac – nous aurons l’occasion d’en reparler.

Cette lutte suppose de contrôler de façon bien plus sourcilleuse tout ce qui a trait aux situations transfrontalières. Le système d’échange électronique d’informations sur la sécurité sociale (EESSI), mis en place en 2023, permet un échange sécurisé d’informations dans un cadre conforme à la réglementation. Il relie 3 400 organismes de 32 pays participants : les 27 États membres de l’Union européenne auxquels s’ajoutent l’Islande, le Liechtenstein, la Norvège, la Suisse et le Royaume-Uni. Des progrès ont donc été réalisés.

La commission des affaires sociales a émis un avis défavorable sur votre amendement, ma chère collègue, au motif que cet échange existe déjà via l’EESSI. À titre personnel, toutefois, je pense que nous pouvons faire encore mieux, car il reste beaucoup de trous dans la passoire !

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Geneviève Darrieussecq, ministre. Je ne peux que confirmer l’exposé de Mme la rapporteure générale : il existe désormais une organisation européenne qui répond à la demande ici formulée. Votre amendement est donc satisfait, madame la sénatrice : je vous demande de bien vouloir le retirer ; à défaut, l’avis du Gouvernement serait défavorable.

Mme la présidente. La parole est à Mme Nadia Sollogoub, pour explication de vote.

Mme Nadia Sollogoub. Madame la ministre, en quoi pénaliserions-nous qui que ce soit en inscrivant dans la loi le principe selon lequel la démarche visée doit être améliorée, renforcée et systématisée ? Il arrive que nous ne touchions à la loi que d’une main tremblante, de peur de compliquer la vie d’un tas de gens. Mais, en l’espèce, nous ne risquons rien à inscrire cette disposition dans la loi.

Manifestement, en la matière, nous pouvons monter en puissance, d’autant que, comme il est rappelé au début de l’exposé des motifs de l’amendement, cette fraude est connue et massive – et pourtant, nous n’arrivons pas à l’enrayer efficacement.

Nous n’avons rien à perdre, j’y insiste, à inscrire noir sur blanc dans la loi que les services des différents pays doivent communiquer davantage entre eux : je voterai cet amendement.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 11 rectifié bis.

(Lamendement nest pas adopté.)

Mme la présidente. L’amendement n° 28 rectifié, présenté par Mme N. Goulet, MM. Canévet, Kern, Henno, Laugier, Longeot et S. Demilly, Mme Saint-Pé, M. Bitz, Mme Sollogoub, MM. Bonneau et Lafon, Mme Perrot, MM. Levi et Delahaye, Mmes Jacquemet et O. Richard, MM. Pillefer, Menonville, Maurey et Courtial et Mmes Romagny et Antoine, est ainsi libellé :

Après l’article 8 quinquies

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le code de la sécurité sociale est ainsi modifié :

1° Au premier alinéa de l’article L. 114-16- 1, après le mot : « État », sont insérés les mots : « des collectivités territoriales » ;

2° L’article L. 114-16-3 est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« …° Les agents mentionnés à l’article L. 133-2 du code de l’action sociale et des familles. » ;

3° Après le 3° de l’article L. 114-19, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« …° Aux agents chargés du contrôle mentionnés à l’article L. 133-2 du code de l’action sociale et des familles ».

La parole est à Mme Nathalie Goulet.

Mme Nathalie Goulet. Nos collègues qui sont saisis de problèmes de fraudes aux cotisations seront à coup sûr absolument charmés par le sort qui vient d’être réservé à l’amendement précédent…

Toujours au chapitre des communications de données, l’amendement n° 28 rectifié vise à autoriser les agents habilités par le conseil départemental à échanger des renseignements. On me répondra qu’une telle possibilité existe déjà, mais je peux vous dire, mes chers collègues, que certaines personnes touchent deux fois le revenu de solidarité active (RSA), dans deux départements mitoyens, par exemple dans la Mayenne de notre rapporteure générale et dans le département de l’Orne, dont je suis élue.

Les échanges de données entre départements, sur lesquels pèse une énorme charge sociale, ne se font pas ; il faut y remédier. Ce serait un minimum, et c’est ce que recommandent l’ensemble des rapports.

Je veux bien que l’on trouve cette mesure superfétatoire, mais, quand l’addition de la fraude sociale atteint des dizaines de milliards d’euros, il faut que les échanges de données puissent se faire.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. Je remercie de nouveau ma collègue de son travail sur l’ensemble des fraudes possibles.

Les assistants de service social des départements, qui suivent par exemple des bénéficiaires du RSA, transmettent déjà des données aux agents habilités de la caisse d’allocations familiales (CAF), avec laquelle beaucoup de départements ont passé une convention. Les enquêtes se font donc de concert.

Cela dit, je ne suis pas certaine qu’il soit bon de donner davantage de pouvoirs aux agents départementaux, car ils seraient juges et parties. Il faut intensifier les échanges d’informations ; de là à élargir le champ des habilitations accordées, il y a un pas qu’il n’est pas nécessairement souhaitable de franchir.

En revanche, lorsqu’une convention est signée entre un département et une CAF, on anticipe un certain volume de dossiers. On ne peut pas tout vérifier, car, des deux côtés, cela supposerait des effectifs pléthoriques de contrôleurs. Ainsi se met-on d’accord sur un certain nombre d’enquêtes choisies au hasard, mais il est impossible de toucher l’ensemble des fraudeurs.

Je me permets de préciser que le département de la Mayenne n’est pas celui où l’on constate le plus de fraudes. Il convient avant tout d’intensifier l’action dans les départements où les bénéficiaires de prestations sont les plus nombreux.

Avis défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Geneviève Darrieussecq, ministre. Des échanges sont déjà prévus entre les agents de contrôle qui ont une mission générale de lutte contre la fraude aux finances publiques. Lesdits agents sont désignés pour ces missions et assermentés devant les tribunaux, parce qu’ils manipulent des informations sensibles.

La mesure que vous proposez constituerait donc une évolution majeure, dont le cadre législatif et réglementaire devrait faire l’objet d’un examen très approfondi. Les conseils départementaux et leurs agents n’ont pas, à ce jour, de mission générale comparable de vérification, de contrôle ou de lutte contre la fraude aux finances publiques au sens large. Nous ne saurions donc, en l’état et tant qu’une telle mission ne leur aura pas été confiée par la loi, leur donner accès à des informations de ce type sans porter atteinte au respect de la vie privée ou à la présomption d’innocence.

En outre, il faudrait examiner avec soin les données dont l’échange est envisagé, ainsi que la finalité de ces échanges, pour s’assurer qu’ils s’inscrivent bien dans le cadre juridique posé par le règlement général sur la protection des données (RGPD).

Votre amendement ne peut donc être adopté en l’état, madame la sénatrice, car les modifications que vous proposez exigeraient un travail d’examen et de cadrage des échanges envisagés, mais aussi d’aménagement d’autres dispositions légales.

En tout état de cause, il existe déjà un cadre d’échange de données dont bénéficient les agents des conseils départementaux : par exemple, les informations ou les pièces justificatives permettant d’apprécier la situation des personnes au regard des conditions d’attribution sont à leur disposition, comme le sont les données relatives aux changements de situation ou aux événements pouvant avoir une incidence sur le versement des aides. Ainsi les agents des collectivités territoriales ont-ils d’ores et déjà accès au répertoire national commun de la protection sociale (RNCPS), qui contient pour chaque bénéficiaire les données émanant des organismes qui lui versent des prestations.

Votre amendement est donc en partie satisfait, madame la sénatrice. Je vous demande de bien vouloir le retirer ; à défaut, l’avis du Gouvernement serait défavorable.

Mme la présidente. La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour explication de vote.

Mme Nathalie Goulet. À l’échelon départemental, il existe aussi les comités opérationnels départementaux antifraude (Codaf). Si je résume, néanmoins, les départements peuvent payer, mais ils ne peuvent pas contrôler : je maintiens mon amendement !

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 28 rectifié.

(Lamendement nest pas adopté.)

Mme la présidente. L’amendement n° 13 rectifié, présenté par Mme N. Goulet, MM. Canévet, Kern, Henno, Laugier, Longeot et S. Demilly, Mme Saint-Pé, M. Bitz, Mme Sollogoub, MM. Bonneau et Lafon, Mme Perrot, MM. Levi et Delahaye, Mmes Jacquemet et O. Richard, MM. Pillefer, Menonville, Maurey et Courtial et Mmes Romagny et Antoine, est ainsi libellé :

Après l’article 8 quinquies

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L’article L. 114-16-3 du code de la sécurité sociale est complété par un alinéa ainsi rédigé :

«…° Le ou les présidents des tribunaux de commerce du ressort. »

La parole est à Mme Nathalie Goulet.

Mme Nathalie Goulet. Cet amendement se justifie par son texte même.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. Votre intention est parfaitement légitime, ma chère collègue, mais il se trouve que la mission visée n’entre pas dans les attributions des présidents de tribunal de commerce : avis défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Geneviève Darrieussecq, ministre. La loi de financement de la sécurité sociale pour 2023 a déjà ouvert aux organismes sociaux la faculté d’obtenir des renseignements auprès des greffiers des tribunaux de commerce. Votre demande est donc satisfaite par le droit existant, madame la sénatrice : demande de retrait ou, à défaut, avis défavorable.

Mme la présidente. Madame Goulet, l’amendement n° 13 rectifié est-il maintenu ?

Mme Nathalie Goulet. Non, je le retire, madame la présidente.

Mme la présidente. L’amendement n° 13 rectifié est retiré.

L’amendement n° 103 rectifié, présenté par Mme N. Goulet, MM. Canévet, Kern, Henno, Laugier, Longeot et S. Demilly, Mme Saint-Pé, M. Bitz, Mme Sollogoub, MM. Bonneau et Lafon, Mme Perrot, MM. Levi et Delahaye, Mme Jacquemet, MM. Pillefer, Menonville, Maurey et Courtial et Mmes Romagny et Antoine, est ainsi libellé :

Après l’article 8 quinquies

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L’article L. 114-16-3 du code de la sécurité sociale est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« …°Les agents consulaires. »

La parole est à Mme Nathalie Goulet.

Mme Nathalie Goulet. Cet amendement vise à ajouter les agents consulaires à la liste des agents mentionnés à l’article L. 114-16-3 du code de la sécurité sociale, afin d’améliorer l’échange de données.

J’ai déjà donné hier l’exemple des demandes de visa, madame la ministre : certains individus doivent, au moment de déposer leur demande, fournir une preuve de solvabilité et d’hébergement sur le sol français – en d’autres termes, ils doivent justifier de leurs facultés contributives. Mais, une fois arrivés sur le territoire français, ils font des demandes de prestations sociales, voire de logement social !

Nos services consulaires demandent à être associés aux éventuels contrôles, car il arrive, j’y insiste, que des personnes qui ont justifié de leurs facultés contributives au moment d’obtenir leur visa perdent brusquement lesdites facultés sitôt arrivées en France. Il s’agit tout simplement de faciliter les échanges de données.

Corapporteur spécial de la mission « Action extérieure de l’État », je constate que le service de lutte contre la fraude du ministère des affaires étrangères est à tout le moins qualifié pour être ajouté à la boucle des échanges de renseignements.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. Hier, nous avons beaucoup parlé des difficultés qu’ont les consulats à remettre les certificats de vie dont ont besoin les Français établis hors de France. Nos collègues représentant les Français de l’étranger en ont témoigné, les consulats débordent d’activité.

L’adoption de cet amendement reviendrait à leur confier une mission supplémentaire de lutte contre la fraude. Je n’y suis pas opposée, mais avec quels moyens l’exerceraient-ils ? Aujourd’hui, ils n’en ont tout simplement pas la capacité : avis défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Geneviève Darrieussecq, ministre. Comme précédemment, madame la sénatrice, la mesure que vous proposez constituerait une évolution majeure du cadre réglementaire et législatif ; elle mérite donc un examen très approfondi.

Les agents consulaires n’ont pas, à ce jour, de mission générale de vérification, de contrôle ou de lutte contre la fraude aux finances publiques au sens large. Les doter d’une telle mission par la loi nécessiterait un travail plus poussé : on ne saurait y procéder par l’examen de ce simple amendement, lequel ne peut donc être adopté en l’état.

Je rappelle en outre qu’il existe déjà un cadre juridique d’échange de données entre les organismes de sécurité sociale et les autorités consulaires : les organismes chargés de la gestion d’un régime obligatoire de sécurité sociale et les services de l’État chargés des affaires consulaires se communiquent toutes informations utiles à l’appréciation et au contrôle de l’ouverture des droits et des conditions de service des prestations et des aides qu’ils versent, ainsi qu’au recouvrement des créances qu’ils détiennent et aux vérifications par les autorités consulaires des conditions de délivrance des documents d’entrée et de séjour sur le territoire français.

Votre amendement étant en partie satisfait, je vous demande de le retirer ; à défaut, l’avis du Gouvernement serait défavorable.

Mme la présidente. Madame Goulet, l’amendement n° 103 rectifié est-il maintenu ?

Mme Nathalie Goulet. Oui, madame la présidente !

Comme je l’ai dit, madame la ministre, je suis corapporteur spécial de la mission « Action extérieure de l’État » ; je suis donc bien placée pour savoir qu’il existe au ministère des affaires étrangères un service spécifiquement dédié à la lutte contre la fraude. Il s’agit non pas de communiquer des informations, mais de mettre les services consulaires dans la boucle pour l’hypothèse où l’on en aurait besoin.

Si cela n’est pas fait cette année, madame la ministre, tant pis : ce sera pour l’année prochaine ! Il a fallu quatre ans pour interdire le versement de prestations liées au domicile en France sur des comptes à l’étranger ; il faudra quatre ans pour associer nos consulats aux échanges d’informations. Ce n’est pas grave : je suis encore là pour cinq ans !

Mme la présidente. La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge, pour explication de vote.

Mme Raymonde Poncet Monge. Je vois avec étonnement ce long tunnel consacré à la lutte contre les fraudes s’arrêter au seuil des cotisations patronales. Je cite le Haut Conseil du financement de la protection sociale : « l’essentiel de la fraude trouve son origine dans les pertes associées aux cotisations », alors que la « part des assurés, et notamment des titulaires de minima sociaux, est faible dans l’ensemble » – rassurez-vous, mes chers collègues, tous ces gens qui touchent deux RSA, je comprends que cela vous fasse de la peine… Ainsi, 10 % seulement du travail dissimulé est redressé.

Dans ce long tunnel de lutte contre la fraude, vous ne faites tout simplement aucune place aux fraudes aux cotisations des employeurs, dont 90 % ne font l’objet d’aucun redressement !

Vous concentrez vos efforts sur les fraudes aux prestations. Vous êtes encore là pour cinq ans, ma chère collègue ? Je me permets de vous inviter, pour ce qui reste de votre mandat, à déplacer votre attention – je n’ose dire votre obsession (M. Laurent Burgoa sexclame.) – vers l’autre côté de la fraude sociale, c’est-à-dire vers les employeurs.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 103 rectifié.

(Lamendement nest pas adopté.)

Mme la présidente. L’amendement n° 832, présenté par Mmes Poncet Monge et Souyris, MM. Benarroche, G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mme Ollivier, M. Salmon et Mmes Senée et M. Vogel, est ainsi libellé :

Après l’article 8 quinquies

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Au premier alinéa de l’article L. 114-17-1-1 du code de la sécurité sociale, les mots : « peut procéder » sont remplacés par le mot : « procède » et les mots : « tout ou partie de » sont supprimés.

La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge.

Mme Raymonde Poncet Monge. L’occasion m’est donnée de rééquilibrer un peu ce tunnel…

Cet amendement tend à rendre automatique l’annulation par l’assurance maladie des cotisations sociales qu’elle a prises en charge au bénéfice du professionnel de santé reconnu coupable de faits à caractère frauduleux.

Contrairement à ce que laissent accroire certaines prises de position au sein du débat public, la fraude sociale reste majoritairement patronale : la fraude aux cotisations patronales représente 56 % de la fraude totale, pour un montant de 7,25 milliards d’euros de fraudes aux Urssaf et à la Mutualité sociale agricole (MSA).

Les fraudes commises par les professionnels et les établissements de santé représentaient 80 % de la fraude à l’assurance maladie en 2023. La loi de financement de la sécurité sociale pour 2024 a ouvert la possibilité de supprimer la participation de l’assurance maladie au paiement des cotisations sociales de professionnels de santé reconnus coupables de fraude.

Si cette disposition va dans le bon sens, elle ne rend pas automatique – comme c’est bizarre… – cette annulation de la prise en charge des cotisations sociales par l’assurance maladie lorsque l’établissement ou le professionnel de santé est reconnu coupable de fraude. Pareille complaisance ne s’applique pas aux bénéficiaires du RSA – nous venons de sortir d’un tunnel d’appels à la vigilance sur ce point – ou des allocations familiales : lorsque la fraude est avérée, ceux-ci ont l’obligation – c’est bien normal – de rembourser les sommes perçues à tort.

En conséquence, notre amendement a pour objet de rendre automatique l’annulation des cotisations sociales prises en charge, ce qui est le minimum, et de la faire porter sur l’ensemble du montant pris en charge à tort par l’assurance maladie.