M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Grand.
M. Jean-Pierre Grand. Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, cette proposition de loi, dont le dispositif est juridiquement contestable, comme l’a brillamment démontré notre rapporteur, est perçue comme un texte d’abolition de la corrida et des combats de coqs.
Même si je respecte la liberté des groupes et si j’ai de la considération pour l’auteure de la proposition de loi, on peut s’interroger sur l’opportunité de débattre d’un tel texte. Celui-ci me semble déconnecté, et son examen nous oblige à consacrer un temps précieux pour aborder un sujet clivant, et surtout non prioritaire, dans un contexte politique, économique et social où le bloc parlementaire central doit faire face à l’activisme des extrêmes, lesquels n’ont qu’un seul but : celui de paralyser le fonctionnement normal de la Nation et de ses institutions.
Les partisans de l’abolition des corridas, un thème qui transparaît au travers de ce texte, ont un porte-parole, non pas dans notre hémicycle, mais à l’Assemblée nationale, en la personne du député de La France insoumise Aymeric Caron, adversaire acharné de nos traditions taurines.
Cette proposition de loi est perçue par les populations de notre sud populaire – j’insiste sur le terme « populaire » – comme un texte discriminant, et non comme un dispositif à visée éducative pour les enfants.
Je suis élu de l’une des trois régions – l’Occitanie, la Nouvelle-Aquitaine et Provence-Alpes-Côte d’Azur – dans lesquelles les traditions taurines sont sacrées. Le droit français, et notamment le code pénal, que vous cherchez à modifier, mes chers collègues, reconnaît qu’il s’agit là d’une exception culturelle et tolère la corrida lorsqu’une tradition locale ininterrompue peut être invoquée.
Ne nous y trompons pas : sous couvert d’interdire l’entrée des arènes aux mineurs de moins de 16 ans, au prétexte de les protéger, cette proposition de loi n’est, en réalité, qu’un faux nez pour interdire la corrida en France.
Depuis le milieu du XIXe siècle, la jeunesse du sud de la France assiste aux corridas et participe aux manifestations taurines. J’indique d’ailleurs, pour les historiens, que c’est la pratique de la corrida qui a permis de sauver les arènes d’Arles ou de Nîmes – il est bon de le rappeler !
Les territoires où perdurent ces traditions ne se distinguent aucunement par un surcroît de violences de la part des jeunes aficionados, qui libéreraient ainsi leur agressivité et qui auraient subi en plus des traumatismes… Aucune étude scientifique n’a démontré que les spectacles taurins présentaient un quelconque danger pour les enfants ni qu’ils avaient un impact négatif sur eux.
La vraie violence s’exprime ailleurs : sur internet, sur les réseaux sociaux, dans les jeux vidéo, dans les films – rien n’empêche ainsi les enfants de 12 ans de regarder Terminator à la télévision, un film horrible, dont on fait pourtant la promotion ! Tout cela pervertit le discernement d’une jeunesse au point de l’inciter à la violence, et même parfois à la criminalité. (M. Yan Chantrel, Mme Laurence Rossignol et M. Thomas Dossus ironisent.)
Laissons donc aux parents le droit sacré d’exercer leur autorité parentale et de juger si leurs enfants peuvent les accompagner aux arènes pour assister à une corrida, organisée dans le cadre juridique dérogatoire qui reconnaît cette tradition comme un patrimoine culturel immatériel.
Ne détruisons pas, par l’adoption de cette proposition de loi, la pratique de la tauromachie, qui irrigue toute une culture populaire dans nos territoires, entre la région des Garrigues et la Méditerranée, entre les Pyrénées et la Gascogne.
Les deux amendements de suppression que nous avons déposés constituent la traduction juridique logique du rapport adopté par la commission des lois, sur l’initiative de notre rapporteur.
Le groupe Les Indépendants – République et Territoires votera, dans sa totalité, contre cette proposition de loi. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains. – MM. Henri Cabanel et Denis Bouad applaudissent également.)
M. le président. La parole est à M. Arnaud Bazin. (Mme Samantha Cazebonne applaudit.)
M. Arnaud Bazin. Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, permettez-moi d’abord de remercier Samantha Cazebonne, dont la ténacité a permis l’inscription à l’ordre du jour de ce texte. Je remercie également notre rapporteur, qui a eu l’honnêteté de reconnaître que le dispositif proposé visait à protéger l’enfance. Je remercie enfin le président Patriat, qui a permis que l’on utilise la niche parlementaire de son groupe pour débattre de cette question.
Je voudrais immédiatement faire pièce à une critique, assez désagréable, qui a été formulée à plusieurs reprises, selon laquelle l’objectif des auteurs de cette proposition de loi serait en fait, de manière hypocrite, d’interdire la corrida.
Bien sûr, la plupart des cosignataires de ce texte sont hostiles à la corrida. Cependant, nous sommes lucides et conscients du rapport de force qui s’est manifesté à l’Assemblée nationale – chacun sait que la navette est obligatoire entre les deux chambres –, à tel point que le débat n’a même pas pu y avoir lieu sur cette question.
Doit-on pour autant s’interdire de limiter au moins les dégâts en faisant en sorte d’éviter que les mineurs ne soient exposés à des pratiques ? Je ne le crois pas. Nous pouvons chercher à agir en toute bonne foi. L’accusation d’atteinte à la sincérité me paraît donc singulièrement déplacée.
Je voudrais ensuite mener une analyse raisonnée, basée sur des faits, des constats statistiques, une analyse clinique, et m’extraire des aspects passionnels.
Évoquons l’aspect juridique. Aux termes de l’article 521-1 du code pénal, le fait d’exercer des sévices graves ou de commettre un acte de cruauté envers les animaux est passible de trois ans d’emprisonnement et de 45 000 euros d’amende. Ce n’est pas rien ! Des circonstances aggravantes sont également prévues, parmi lesquelles figure la présence de mineurs. Dans ce cas, mes chers collègues, on n’a pas eu de problème à introduire la protection des mineurs dans un texte visant à protéger les animaux… (Mme Samantha Cazebonne applaudit.) Je vous laisse méditer sur ce point.
Le code pénal prévoit également des dérogations pour la corrida dans dix départements, ce qui représente une soixantaine de communes.
La conclusion logique que nous pouvons en tirer est que les corridas sont considérées comme des actes de cruauté, des sévices graves. La présence de mineurs est reconnue comme nocive, puisqu’elle entraîne une aggravation des peines. La corrida est donc clairement caractérisée pour ce qu’elle est.
On nous oppose l’argument relatif à l’autorité parentale, mais celle-ci a déjà été battue en brèche, car le législateur est intervenu à plusieurs reprises pour protéger les mineurs. Les orateurs précédents ont déjà rappelé de nombreux éléments. J’ajouterai simplement que l’article D. 4153-37 du code du travail interdit d’affecter des mineurs de moins de 18 ans à des travaux d’abattage, d’euthanasie et d’équarrissage des animaux. Cela montre que le législateur avait la conviction qu’assister à de tels actes est vraiment nocif pour le développement psychologique des mineurs.
En outre, je tiens à apporter une petite précision juridique, car certains essaient de nous faire croire que l’adoption de la proposition de loi aboutirait à l’interdiction des courses de taureaux camarguaises ou landaises. Le terme « course de taureaux » est une traduction littérale de l’expression « corrida de toros », qui désigne la pratique des corridas espagnoles. En 1951, lorsque la dérogation a été votée, il a été acté qu’elle ne concernait que la course de taureaux. Les courses camarguaises et landaises ne donnent lieu à aucun acte de cruauté. Il n’y a donc aucun problème à légiférer comme nous proposons de le faire.
En ce qui concerne l’argument de la nocivité, je rappellerai simplement les statistiques. Plus de quinze études démontrent que lorsqu’un mineur est exposé de manière répétée à des actes de cruauté et de sévices, il est statistiquement davantage susceptible de commettre de tels faits. J’y insiste, c’est un acquis statistique.
Les psychiatres ont détaillé les mécanismes psychologiques à l’œuvre. On sait très bien comment cela se passe. Le mineur est soumis à un conflit de loyauté : un contexte joyeux se conjugue à la réalisation d’actes qui sont habituellement réprouvés par la société. Cela pose un problème psychique pour le développement de l’enfant. Les psychiatres que vous avez auditionnés, mes chers collègues, l’ont largement démontré.
Enfin, il y a le bon sens des parents, tout simplement ! Qui emmènerait spontanément son enfant voir des actes de cruauté ?
Mme Monique Lubin. Justement !
M. Arnaud Bazin. L’argument selon lequel interdire l’accès des mineurs à la corrida irait à l’encontre de cette pratique est totalement réversible : nous disons simplement que si l’on ne conditionne pas les mineurs à assister à des corridas, ils n’auront pas d’intérêt à aller en voir une fois devenus adultes. (Applaudissements sur des travées des groupes RDPI et GEST. – Mme Sophie Briante Guillemont et M. Yan Chantrel applaudissent également.)
M. le président. La discussion générale est close.
La commission n’ayant pas élaboré de texte, nous passons à la discussion des articles de la proposition de loi initiale.
proposition de loi visant à interdire la corrida et les combats de coqs en présence de mineurs de moins de seize ans
Article 1er
Le onzième alinéa de l’article 521-1 du code pénal est remplacé par trois alinéas ainsi rédigés :
« Le présent article n’est pas applicable, dès lors que les personnes présentes sont âgées de plus de seize ans :
« 1° Aux courses de taureaux lorsqu’une tradition locale ininterrompue peut être invoquée ;
« 2° Aux combats de coqs dans les localités où une tradition ininterrompue peut être établie. »
M. le président. La parole est à M. Arnaud Bazin, sur l’article.
M. Arnaud Bazin. Nous avons tenu compte de l’argument principal de la commission, qui est que la peine prévue dans la proposition de loi est disproportionnée.
Il y avait une logique, comme j’espère l’avoir démontré dans le temps qui m’était imparti lors de la discussion générale, à supprimer la dérogation prévue pour les courses de taureaux en présence de mineurs, en modifiant l’article 521-1 du code pénal.
Nous vous soumettrons donc dans quelques instants un amendement qui prévoit, en cas d’infraction, une amende de 7 500 euros, identique à celle encourue en cas de vente d’alcool à des mineurs. J’espère que cette peine paraîtra plus proportionnée à la commission ; sinon, j’aimerais que le rapporteur explique de manière argumentée pourquoi il s’y oppose.
Il est donc très important que nous puissions repousser l’examen de l’amendement de suppression de l’article 1er afin que l’on puisse débattre de l’amendement que nous proposons, lequel vise, je le redis, à limiter à une amende raisonnable la peine encourue en cas de présence de mineurs. Je rappelle qu’il est établi que cette présence est tout à fait néfaste pour leur développement psychique.
M. le président. La parole est à M. Max Brisson, sur l’article.
M. Max Brisson. Il n’est pas dans mon intention de défendre la corrida au titre d’une tradition, car les plus grands progrès moraux se sont faits contre les traditions. Je préfère défendre une culture, une identité, une sensibilité.
L’article 1er vise non pas à interdire aux moins de 16 ans d’accéder aux corridas, mais à interdire la corrida en présence de mineurs de moins de 16 ans, tout en faisant porter le risque de condamnation pour cette infraction pénale sur les organisateurs, et non sur le mineur ou ses parents.
Il suffirait en effet, si le texte était adopté, de faire entrer dans une arène un mineur pour qu’une infraction pénale soit constituée et que l’organisation des corridas soit ainsi mise à mal. Ce n’est donc pas la santé mentale de l’enfant qui est recherchée par les auteurs du texte, mais bien l’interdiction in fine de ces pratiques.
L’UVTF a travaillé sur la notion d’accompagnement. La plupart des règlements taurins prévoient déjà qu’un mineur de moins de 12 ans ne peut pas assister à une corrida sans être accompagné. Les corridas, en effet, sont régies par des règlements municipaux. La proposition de loi que nous examinons porterait atteinte, si elle était adoptée, au droit de différenciation des collectivités.
Si la démarche qui le sous-tend est plus habile que celle mise en œuvre dans les propositions de loi d’interdiction totale, l’article 1er vise néanmoins le même objectif : empêcher toute transmission aux jeunes générations et donc condamner, demain, la corrida à une mort certaine.
C’est la raison pour laquelle je m’opposerai à cet article et voterai l’amendement visant à le supprimer. (M. Laurent Burgoa et Mme Elsa Schalck applaudissent.)
M. le président. La parole est à M. Pierre Ouzoulias, sur l’article.
M. Pierre Ouzoulias. Je m’interroge sur le choix du titre de la proposition de loi. Vous nous dites, mes chers collègues auteurs de ce texte, que vous voulez interdire la corrida en présence de mineurs de moins de 16 ans. Mais si vous vouliez vraiment protéger les mineurs, pourquoi n’avez-vous pas inversé les termes et interdit la présence de mineurs de moins de 16 ans aux corridas ? Cela aurait été plus pertinent au regard de votre projet.
Je partage totalement le point de vue de Max Brisson : ce qui est visé, c’est la corrida. Il aurait été plus simple de le dire ! Car le discours qui est tenu n’a pas de sens.
Par ailleurs, vous voulez protéger les enfants, mais savez-vous que la chasse accompagnée est possible en France à partir de 15 ans ? C’est le cas notamment de la grande vénerie. (M. Laurent Burgoa renchérit.) Un mineur de 15 ans pourrait donc assister à la mise à mort d’un cerf lors d’une chasse à courre, mais ne pourrait pas assister à la mort d’un taureau dans une arène ! Je ne comprends pas la logique…
Mme Laurence Rossignol. J’avais déposé une proposition de loi contre la chasse à courre…
M. Pierre Ouzoulias. Je ne suis pas favorable à la chasse à courre, mais je relève le manque de logique.
Par ailleurs, si vous souhaitez lutter contre la souffrance animale, ce que je comprends, je vous indique que la France importe chaque année 1,2 million de têtes de bétail : des bovins et des porcs. Avez-vous la certitude que, dans certains pays étrangers que je ne citerai pas, l’abattage se fait dans des règles de respect de la souffrance animale ? Je n’en suis pas sûr, et je pense même que, dans certains pays, des mineurs participent à la mise à mort dans les abattoirs.
Mme Raymonde Poncet Monge. Et alors ?
M. Pierre Ouzoulias. On pourrait élaborer des textes plus responsables et moins hypocrites, qui traiteraient à la fois de la protection des enfants et de la souffrance animale, et éviter ce faux débat sur la corrida.
M. le président. La parole est à M. Henri Cabanel, sur l’article.
M. Henri Cabanel. Je fais partie de ces parlementaires qui disent souvent que nous faisons des lois bavardes et que l’on pourrait mieux dépenser notre énergie à voter des lois que les Français attendent. Tel n’est pas le cas du texte qui nous est proposé lorsque l’on connaît la situation du pays…
J’ai écouté attentivement les uns et les autres. Je partage les propos qui viennent d’être tenus : il y a une espèce d’hypocrisie dans ce texte. L’exposition à la violence des mineurs de moins de 16 ans est mise en avant, mais il s’agit en fait de lutter contre la corrida. Il aurait été beaucoup plus simple de déposer un texte pour interdire cette pratique, comme l’a fait Aymeric Caron, plutôt que d’utiliser cet artifice.
Cette proposition de loi me gêne énormément, car la responsabilité des organisateurs serait engagée. Voilà qui les affaiblirait encore davantage alors qu’ils se trouvent dans une situation économique difficile.
Permettez-moi aussi de reprendre les propos du garde des sceaux et de notre rapporteur : les parents ne sont-ils pas les meilleurs gardiens de l’intérêt supérieur de l’enfant ?
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Pas toujours !
M. Henri Cabanel. Il faut donc les laisser exercer leurs responsabilités.
Dans les villes taurines, la corrida est une fête. Aujourd’hui, plus que jamais, les Français en ont besoin. Laissons-les tranquilles ! (Mme Isabelle Florennes, M. Laurent Burgoa et Mme Elsa Schalck applaudissent.)
M. le président. La parole est à M. Thomas Dossus, sur l’article.
M. Thomas Dossus. Les auteurs de la proposition de loi souhaitent interdire aux organisateurs de corridas d’accueillir des mineurs dans leurs spectacles.
Il y a quelques mois, nous avons travaillé sur la régulation de l’industrie du porno. Nous avons pointé le laxisme des exploitants de plateformes pornographiques dans la manière dont ils empêchaient, ou pas, les mineurs d’accéder à leurs sites. C’est bien la société qui doit fixer les limites : on ne se réfugie pas derrière l’autorité parentale pour interdire aux mineurs d’accéder à de tels sites. C’est la même chose pour les sites de paris en ligne.
Et ce n’est pas pour autant qu’on veut interdire la pornographie ou les paris en ligne ! Nous voulons juste protéger les mineurs.
C’est, encore une fois, la même chose pour les bars : les gérants ne doivent pas vendre de l’alcool à des mineurs, ils ont une responsabilité et peuvent être sanctionnés.
Vous le voyez, c’est bien la société qui intervient dans ces différentes situations, pas seulement l’autorité parentale. Nous avons donc bien besoin de fixer un cadre et des limites, en particulier pour les enfants.
En l’espèce, il n’est pas acceptable d’exposer un mineur à un spectacle de torture animale.
M. le président. La parole est à Mme Laurence Rossignol, sur l’article.
Mme Laurence Rossignol. Le bien-être animal est une question philosophique tout à fait passionnante, qui interroge les rapports entre l’homme et le reste du vivant. Cette question est apparue au moment de la révolution industrielle lorsque l’animal a été réifié, totalement annexé dans le contexte d’une activité industrielle, alors qu’auparavant il s’intégrait dans un cadre agricole.
Notre droit a progressivement construit les notions de bien-être animal, de protection des animaux et de sensibilité animale. Et même ceux qui défendent la corrida doivent avoir le courage de dire que celle-ci est uniquement une dérogation à l’ensemble de nos règles de droit sur la protection des animaux.
Sommes-nous prêts, au nom des traditions ou de la culture – la différence entre ces notions me semble subtile… –, à continuer de défendre cette dérogation ?
Je peux comprendre ceux de nos collègues qui estiment qu’il y a déjà suffisamment d’incendies dans leur département pour en allumer un autre. Mais, selon le code civil, les animaux sont des êtres vivants doués de sensibilité. Cela concernerait-il tous les animaux, par exemple un labrador, à l’exception des taureaux ?
Il me paraît important d’éduquer les enfants à refuser de faire de la cruauté et de la souffrance animale un sujet de réjouissance et de spectacle. Les défenseurs de cette position ne me paraissent pas devoir être traités comme ils l’ont été par certains intervenants…
J’aborderai tout à l’heure la question des dérogations à l’autorité parentale.
M. le président. La parole est à Mme Samantha Cazebonne, sur l’article.
Mme Samantha Cazebonne. Je veux moi aussi défendre cet article. C’est justement parce que nous avons entendu les arguments du rapporteur que nous ne voulons pas que ce débat cesse.
Je rappelle que 80 % des Français attendent que nous nous emparions de ce sujet. Comme mon nom l’indique, je suis originaire du Sud-Ouest et j’en suis fière, mais je fais partie d’une génération qui veut que les choses évoluent, en particulier en matière de protection de l’enfance.
Lorsque le législateur a pris la décision de rendre obligatoire le port de la ceinture de sécurité à l’arrière, il a sauvé la vie d’enfants. J’étais enfant à cette époque et je remercie le Parlement d’avoir pris cette décision – certains d’entre vous étaient peut-être déjà parlementaires. C’est dans cet esprit que nous avons déposé ce texte.
Nous souhaitons faire entendre la voix des enfants qui ont été traumatisés par ces spectacles. Laissez-nous débattre, argument contre argument ! C’est d’autant plus juste de débattre que, je le disais, 80 % des Français soutiennent cette proposition de loi. Ils sont donc nombreux, et il y en aussi dans les territoires taurins.
M. le président. La parole est à M. Guillaume Gontard, sur l’article.
M. Guillaume Gontard. Je veux d’abord remercier mes collègues qui sont à l’initiative de cette proposition de loi, parce que le sujet est important. Il y a quelques années, nous avions déposé un texte différent, visant à complètement interdire la corrida.
J’entends beaucoup parler des traditions, mais heureusement qu’on ne s’autorise pas tout en leur nom ! Il arrive que nous regardions les choses différemment avec le temps, parce qu’elles évoluent. Je crois que c’est le cas pour les corridas.
On a évoqué le rapport à la mort. J’ai été élevé en milieu rural, j’ai vu tuer le cochon et dépecer un lapin, par mon grand-père. Je sais ce que c’est et je conviens qu’il est important de savoir d’où vient notre nourriture.
Mais nous parlons de tout autre chose avec la corrida. Je suis allé en voir une et je dois dire que j’ai été traumatisé – j’y pense encore ! C’est une mise en scène de la mort, de la cruauté ; c’est même une célébration de la mort. Les gens se lèvent et applaudissent le sang ; il y a là une symbolique tout à fait particulière.
Que des adultes y aillent, à la rigueur, mais pas les enfants ! Il est de la responsabilité des adultes de les protéger.
La notion de mineur est d’ailleurs importante. On ne fait pas voir à des enfants la même chose qu’à des adultes et notre responsabilité est, je le redis, de les protéger. Tel est le sens de cette proposition de loi.
M. le président. La parole est à Mme Monique Lubin, sur l’article.
Mme Monique Lubin. Je partage l’idée, déjà avancée par plusieurs collègues, que cette proposition de loi est uniquement un faux nez et que ce que veulent réellement certains parlementaires, c’est l’extinction de la corrida ou des combats de coqs. En ce qui me concerne, je connais la corrida, mais pas les combats de coqs.
En tout cas, nos débats donnent parfois l’impression – imaginons quelqu’un qui arriverait d’une autre galaxie… – que nous vivons dans un pays où tous les enfants sont soumis chaque jour à la vue d’une corrida !
Comme le rappelait M. le garde des sceaux, la corrida, comme le combat de coqs d’ailleurs, est une pratique extrêmement encadrée et limitée à certaines régions. En outre, il y a peu d’arènes, et elles organisent seulement quelques prestations par an.
J’assiste de temps à temps à une corrida et je peux témoigner du fait que le nombre d’enfants présents est infinitésimal. (Protestations sur les travées du groupe GEST.) C’est une réalité, mes chers collègues ! (MM. Pierre Ouzoulias et Henri Cabanel opinent.) D’ailleurs, il me semble vraiment que ceux qui en parlent le plus sont ceux qui connaissent le moins le sujet.
En outre, comme le disait mon collègue du Sud-Ouest, avec lequel je ne suis pourtant pas souvent d’accord, les jeunes mineurs qui assistent à une corrida sont accompagnés d’adultes qui leur ont auparavant expliqué certaines choses.
Et, de grâce, ne mettez pas cela sur le dos de la protection de l’enfance et ne nous faites pas passer pour des gens qui ne veulent pas protéger les enfants ! Nous devons évidemment protéger ces derniers, par exemple contre l’actualité qui, chaque jour, les agresse.
J’y insiste, les enfants ne sont quasiment jamais exposés à un spectacle de corrida. (MM. Max Brisson, Laurent Burgoa et Henri Cabanel applaudissent.)
M. le président. La parole est à M. Éric Kerrouche, sur l’article.
M. Éric Kerrouche. Pour l’instant, nous avons évité la caricature alors qu’il s’agit d’un sujet passionnel, sur lequel il est difficile de faire preuve de modération.
Je pense moi aussi que ce texte est hypocrite, parce qu’il vise, au fond, la fin de la corrida – et pas autre chose ! Le travail du rapporteur montre d’ailleurs qu’il n’est pas opérationnel d’un point de vue juridique parce que son objectif est différent des motifs invoqués.
Je ne suis pas un aficionado, mais je vais à des corridas et je reconnais que c’est un spectacle particulier qui peut être dur. Il est d’autant plus dur que notre société a tendance à mettre la mort de côté. Nous cachons souvent la mort, y compris celle de la plupart des animaux.
Néanmoins, si je peux entendre que ce spectacle est dur, la corrida reste un combat et il ne faut pas en nier l’essence.
La corrida n’existe pas parce qu’il y a une tradition ; elle existe là où il y a une tradition. Elle est donc limitée à une partie du pays. Contrairement à ce que semble penser Laurence Rossignol, je crois qu’il existe une différence entre tradition – un mot que je n’aime pas – et culture : la corrida fait partie des cultures locales.
Certains semblent dire qu’ils veulent s’arrêter là, mais ce n’est pas vrai : avec ce texte, on dit à une partie de la population que la diversité culturelle, un élément fondateur de notre pays, n’a pas de sens et qu’il ne doit y avoir qu’un seul mode de vie. Je ne peux pas entendre un tel discours. C’est pourquoi je voterai la suppression de cet article. (MM. Max Brisson et Laurent Burgoa, ainsi que Mme Elsa Schalck, applaudissent.)
M. le président. La parole est à Mme Cécile Cukierman, sur l’article.
Mme Cécile Cukierman. Je veux à mon tour rassurer les auteurs de ce texte et ceux qui le défendent.
On ne peut que respecter la proposition qui nous est faite, mais il faut tout de même noter le nombre particulièrement élevé de courriers que chacun de nous a reçus et le déchaînement – je crois qu’on peut le dire ainsi – qu’on a constaté sur les réseaux sociaux.
Cela nous amène nécessairement à nous poser la question du sens véritable de ce texte : est-ce vraiment la protection de l’enfance ou plutôt l’interdiction des corridas et des combats de coqs ?
On peut d’autant plus se poser cette question après avoir entendu certains propos cet après-midi. La corrida et le combat de coqs sont aujourd’hui reconnus comme des actes de culture, non comme une tradition. Il ne s’agit pas du respect d’une ancienne tradition de combat animalier qui remonterait à une vieille origine humaine ! Ce sont, j’y insiste, des actes de culture.
Est-ce violent d’emmener un enfant de 6 ans au Louvre voir des statues grecques nues ? (Exclamations ironiques sur les travées du groupe SER. – Mme Raymonde Poncet Monge mime une brasse coulée.) On peut s’interroger, parce que chacun a sa propre définition de la violence.
M. Thomas Dossus. Ce n’est pas la même chose !
Mme Cécile Cukierman. Si ce n’est pas la même chose, pourquoi avoir comparé la corrida à un accident de la route, et rapporter l’interdiction dont nous discutons à l’obligation de porter la ceinture à l’arrière d’une voiture ? (MM. Max Brisson et Laurent Burgoa applaudissent.)
M. le président. La parole est à M. Laurent Burgoa, sur l’article.
M. Laurent Burgoa. Je soutiendrai moi aussi l’amendement de suppression de l’article que nous présentera Jean-Pierre Grand.
Mais permettez-moi de répondre à Samantha Cazebonne. Jusqu’à présent, notre débat a permis d’avancer des arguments pour ou contre la proposition de loi, ce qui est normal – cela s’appelle la démocratie !
Ma chère collègue, vous dites que vous avez assisté à des corridas. Je suis d’accord avec ce que soulignait Monique Lubin : il n’y a pas de mineurs seuls, ils viennent avec leurs parents. Dans mon cas, mes parents m’ont emmené pour la première fois voir un spectacle taurin à l’âge de 5 ans. Est-ce que je suis plus agressif ou traumatisé que d’autres ? J’y ai emmené mes deux enfants : mon garçon a tout de suite adhéré, ma fille non et elle est ensuite restée à la maison avec ses grands-parents. C’est cela l’éducation !
Enfin, est-ce que la corrida est un spectacle plus violent qu’un combat de boxe, que ce soit entre deux hommes ou entre deux femmes ?