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Remplacement de sénateurs devenus membres du Gouvernement

M. le président. En application de l’article L.O. 153 du code électoral ont cessé d’exercer leur mandat de sénateur, le lundi 21 octobre 2024 à minuit, M. François-Noël Buffet, Mmes Agnès Canayer, Marie-Claire Carrère-Gée, Nathalie Delattre, Laurence Garnier, Françoise Gatel, M. Thani Mohamed Soilihi, Mme Sophie Primas et M. Bruno Retailleau, qui ont été nommés membres du Gouvernement.

Par lettre en date du 27 septembre 2024, le ministère de l’intérieur m’a fait connaître que, en application de l’article L.O. 319 du code électoral, Mme Salama Ramia a remplacé, en qualité de sénatrice de Mayotte, M. Thani Mohamed Soilihi (Applaudissements.) et que, en application de l’article L.O. 320 du code électoral, M. Paul Vidal a remplacé, en qualité de sénateur du Rhône, M. François-Noël Buffet (Applaudissements.), Mme Virginie Lucot Avril a remplacé, en qualité de sénatrice de la Seine-Maritime, Mme Agnès Canayer (Applaudissements.), M. Jean-Baptiste Olivier a remplacé, en tant que sénateur de Paris, Mme Marie-Claire Carrère-Gée (Applaudissements.), Mme Mireille Conte Jaubert a remplacé, en qualité de sénatrice de la Gironde, Mme Nathalie Delattre (Applaudissements.), M. Maurice Perrion a remplacé, en qualité de sénateur de la Loire-Atlantique, Mme Laurence Garnier (Applaudissements.), Mme Anne-Sophie Patru a remplacé, en qualité de sénatrice d’Ille-et-Vilaine, Mme Françoise Gatel (Applaudissements.), M. Éric Dumoulin a remplacé, en qualité de sénateur des Yvelines, Mme Sophie Primas (Applaudissements.), Mme Brigitte Hybert, qui ne peut être présente aujourd’hui, a remplacé, en qualité de sénatrice de la Vendée, M. Bruno Retailleau. (Applaudissements.)

Le mandat de nos collègues a débuté le 22 octobre 2024 à zéro heure.

Mes chers collègues, en votre nom à tous, je leur souhaite la plus cordiale bienvenue. Le Sénat est heureux de les accueillir et s’appliquera par tous moyens à leur faciliter l’exercice de leur mandat, ici comme dans leur département.

5

Candidatures aux fonctions de vice-président du Sénat

M. le président. J’informe le Sénat que le groupe Les Républicains m’a fait connaître le nom des candidats qu’il propose pour remplacer, en qualité de vice-présidents du Sénat, M. Mathieu Darnaud, qui, par lettre en date du 8 octobre dernier, m’a indiqué qu’il souhaitait démissionner de cette fonction à compter du 21 octobre 2024 à minuit, et Mme Sophie Primas, qui a été nommée, le 21 septembre dernier, ministre déléguée chargée du commerce extérieur et des Français de l’étranger.

Les candidatures de M. Didier Mandelli et de Mme Anne Chain-Larché ont été publiées et leur désignation aura lieu conformément à l’article 2 bis du règlement du Sénat.

6

Remplacement d’un juge à la cour de justice de la République

M. le président. À la suite de la cessation du mandat de sénateur de M. Thani Mohamed Soilihi, qui a été nommé secrétaire d’État chargé de la francophonie et des partenariats internationaux, acte est donné de la fin de ses fonctions de juge titulaire à la Cour de justice de la République.

En application de l’article 6 de la loi organique n° 93-1252 du 23 novembre 1993 sur la Cour de justice de la République, sa suppléante, Mme Patricia Schillinger, devient juge titulaire.

Par conséquent, mes chers collègues, nous pourrions organiser le scrutin pour l’élection d’un nouveau juge suppléant le mardi 29 octobre de 14 heures 30 à 15 heures en salle des conférences.

Le délai limite pour le dépôt des candidatures à la présidence serait fixé au lundi 28 octobre à 15 heures.

Y-a-t-il des observations ?…

Il en est ainsi décidé.

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Intitulé du projet de loi (interruption de la discussion)
Dossier législatif : projet de loi de simplification de la vie économique
Discussion générale (fin)

Simplification de la vie économique

Suite de la discussion en procédure accélérée et adoption d’un projet de loi dans le texte de la commission modifié

M. le président. L’ordre du jour appelle les explications de vote des groupes et le vote par scrutin public solennel sur le projet de loi de simplification de la vie économique (projet n° 550 [2023-2024], texte de la commission n° 635, rapport n° 634).

La procédure accélérée a été engagée sur ce texte.

Mes chers collègues, je vous rappelle que ce scrutin s’effectuera depuis les terminaux de vote. Je vous invite donc à vous assurer que vous disposez bien de votre carte de vote et à vérifier que celle-ci fonctionne correctement en l’insérant dans votre terminal de vote. En cas de difficulté, les huissiers sont à votre disposition.

Avant de passer au vote, je vais donner la parole à ceux de nos collègues qui ont été inscrits pour expliquer leur vote.

J’indique au Sénat que, compte tenu de l’organisation du débat décidée par la conférence des présidents, chacun des groupes dispose de sept minutes pour ces explications de vote, à raison d’un orateur par groupe, l’orateur de la réunion administrative des sénateurs ne figurant sur la liste d’aucun groupe disposant de trois minutes.

Vote sur l’ensemble

M. le président. La parole est à M. Fabien Gay, pour le groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K.)

M. Fabien Gay. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le ministre, mes chers collègues, au mois de juin dernier, nous avons été saisis de ce projet de loi, dont le but affiché était de créer un « choc de compétitivité » pour les entreprises, en tentant de réaliser une énième simplification des normes.

Que dire désormais ?

La mesure phare, la fiche de paie simplifiée, a été détricotée et c’est heureux, car celui qui, dans les locaux de Bercy, a eu cette idée n’a à l’évidence jamais géré une entreprise ni vu le travail d’un service des ressources humaines (RH) et de paie.

Mme Pascale Gruny. C’est clair !

M. Fabien Gay. Il n’aurait pas sinon soutenu que cette disposition faciliterait la vie des entreprises. Même le Medef (Mouvement des entreprises de France) n’y était pas favorable, c’est dire !

De même, toutes les habilitations à légiférer par ordonnance ont été supprimées.

Ainsi, ce qui reste du texte est, soyons honnêtes, un peu creux. Ce n’est rien d’autre qu’un empilement, sans fil rouge, de diverses mesures sans aucun lien entre elles – c’était d’ailleurs un peu la marque de fabrique des derniers textes gouvernementaux.

Et que dire du contexte politique ? Celui-ci a été bouleversé par l’annonce de la dissolution de l’Assemblée nationale par Emmanuel Macron, puis par celle du résultat des élections législatives.

J’ai donc une première question, monsieur le ministre.

Sur ce texte, quelle est la volonté du nouveau gouvernement ? Compte-t-il aller au bout de son examen ? La droite sénatoriale, qui en a bien amoindri la portée tout en introduisant les tests PME, va-t-elle le soutenir à l’Assemblée nationale, maintenant qu’elle participe au Gouvernement et que ses ennemis d’hier sont devenus ses amis ? Si oui, pour quoi faire ?

Ce texte est l’illustration d’un cas politique qui a été largement désavoué lors des dernières élections législatives. Il ne comprend aucune mesure en direction des salariés, de leurs syndicats ou en faveur d’un renforcement du droit social et environnemental.

De la suppression de l’information des salariés en cas de cession de leur entreprise à la remise en cause de l’automaticité du chèque énergie, sans prendre en compte la fracture numérique, ce sont encore une fois les travailleurs et les travailleuses, en particulier les plus précaires, qui seront les premières cibles de ce texte.

Comme à l’habitude, la ligne politique libérale et autoritaire du Président de la République s’accompagne d’une succession de renoncements en matière environnementale. Quel contresens historique !

Alors que nous sommes d’ores et déjà confrontés aux terribles effets du réchauffement climatique, comme nous le démontrent encore les inondations dévastatrices de ces dernières semaines, vous nous proposez de faciliter le déploiement de giga data centers, très énergivores et peu pourvoyeurs d’emplois, dérogeant une fois de plus au droit environnemental.

Il nous paraît impensable de revenir à une conception archaïque de l’économie, où la conquête de nouveaux acquis sociaux et la défense de la biodiversité seraient reléguées en simples variables d’ajustement des politiques économiques.

Plus largement, il n’est pas sérieux de chercher à légiférer sur des sujets dont le champ s’étend du monde du travail aux compétences des collectivités territoriales, en passant par le droit à l’énergie, la justice administrative, l’environnement et l’urbanisme, si nous ne savons pas où nous allons.

C’est d’ailleurs là que le bât blesse : depuis plusieurs années, la France souffre de l’absence d’une politique et d’une stratégie industrielles claires et efficaces.

Il ne suffit pas, pour construire une politique industrielle et répondre aux besoins des hommes et de la planète, de saupoudrer de l’argent public, comme cela a été fait dans le cadre des différents des plans de relance et de France 2030 : près de 6 000 dispositifs ont ainsi été créés, de l’échelon local à l’échelon européen, pour accompagner les entreprises, pour un montant total de 182 milliards d’euros chaque année.

Le résultat, on le connaît : beaucoup de com’ pour annoncer la réindustrialisation du pays, des projets lancés en grande pompe à Versailles ou ailleurs… Pourtant, la réalité est toute autre : pour l’instant, une seule gigafactory a vu le jour : elle a créé 2 000 emplois, quand 162 plans de licenciements sont en cours et que 100 000 emplois sont menacés.

Cette situation résulte non pas d’un impensé, mais bien de l’idéologie qui irrigue les droites coalisées de ce pays.

Pis encore, pour vous, l’entreprise se réduit seulement au patronat et aux actionnaires, alors que l’entreprise, c’est surtout des machines-outils, des territoires, des sous-traitants, des savoir-faire et des travailleurs et des travailleuses.

L’intelligence et la créativité ouvrières, qui existent partout dans notre pays, montrent que l’on devrait un peu plus écouter les travailleurs et les travailleuses et les associer bien davantage à la gestion de leur entreprise et de la France.

Nous vous proposons donc, madame la ministre, monsieur le ministre, de prendre un autre chemin, afin de réaliser un vrai choc pour l’entreprise.

Il faut d’abord prononcer un moratoire immédiat sur tous les plans de licenciement en cours. Il n’est pas possible de mener une politique industrielle audacieuse et d’afficher une volonté de souveraineté dans ce domaine, alors que l’on continue de se séparer de centaines de sites industriels et de perdre des dizaines de milliers d’emplois.

Nous ne sommes pas condamnés à assembler des pièces usinées aux quatre coins du monde. Nous pouvons bel et bien retrouver la maîtrise de toute la chaîne de valeur en France et dans l’Union européenne.

Ensuite, il est temps de légiférer pour amorcer une croissance vertueuse dans notre pays, fondée sur le conditionnement des aides publiques à la mise en place de garanties pour l’emploi et l’environnement. Une entreprise qui a touché des aides publiques et qui délocalise doit rembourser l’argent perçu.

Nous vivons dans un pays où l’on est plus dur et plus inventif pour contrôler les chômeurs lors de l’ouverture de leurs droits, acquis grâce aux cotisations sociales, que pour contrôler les entreprises, qui reçoivent pourtant des milliards d’euros d’aides publiques, sans vérification ni justificatif.

Enfin, nous appelons de nos vœux l’adoption d’un texte rapidement afin de responsabiliser les donneurs d’ordre, car le système d’externalisation organisé par le capital permet aux grands groupes de considérer leurs sous-traitants comme des variables d’ajustement de leurs profits.

Je tiens d’ailleurs à saluer les salariés de MA France à Aulnay-sous-Bois, qui sont en grève et qui occupent leur usine depuis six mois. Stellantis, le donneur d’ordre, a décidé de délocaliser la production de pièces embouties en Turquie, sans un mot du Gouvernement. Le patron italien de l’usine propose aux salariés 15 000 euros pour trente ans de bons et loyaux services… Voilà ce qu’est le monde de l’entreprise aujourd’hui !

Pour toutes ces raisons et je pourrais en citer bien d’autres encore – nous parlerons des questions énergétiques lors de l’examen du projet de budget –, nous voterons contre ce texte. (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE-K et GEST.)

M. le président. La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge, pour le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST, ainsi que sur quelques travées du groupe SER – Ah ! sur des travées du groupe Les Républicains.)

Mme Raymonde Poncet Monge. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le ministre, mes chers collègues, alors que le précédent ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique présentait son projet de loi de simplification comme un texte de justice sociale envers les très petites entreprises (TPE) et les petites et moyennes entreprises (PME), nous en sommes finalement réduits à examiner un texte fourre-tout, dont les impacts sont, selon le Conseil d’État, mal évalués et dont les mesures bénéficient essentiellement aux grands groupes et ne concernent guère les PME. En effet, ces dernières, hormis les mesures bienvenues relatives à la trésorerie, en sortent plutôt affaiblies.

La possibilité pour les acheteurs publics de déroger à l’obligation d’allotissement pour les projets d’éolien en mer ne garantit ainsi aucunement, à cause de votre refus des amendements écologistes, l’accessibilité à la commande publique des PME, alors que 500 TPE-PME se sont mobilisées en 2021 pour réclamer la mise en place d’une filière industrielle de l’éolien offshore : le texte les transforme en sous-traitants et non pas en cotraitants. Heureusement, le Sénat a supprimé la dérogation au paiement direct.

Ce texte ne vise pas à corriger le désavantage des petites et moyennes entreprises par rapport aux grands groupes dans la gestion de la charge administrative.

Je pourrais évoquer aussi la tentative de modification du bulletin de paie, qu’aucune organisation syndicale ou patronale n’a jamais demandée et que le Gouvernement s’obstinait à imposer, après en avoir fait la marotte de sa communication.

En fait, l’objectif idéologique visé était de rassembler sous une seule ligne les différents droits et risques couverts par les contributions sociales, dans le contexte d’une offensive contre le salaire socialisé, et de ne plus faire apparaître le montant croissant des exonérations.

En définitive, après l’organisation d’une consultation publique, à laquelle des milliers de personnes ont participé et qui a donné lieu à la formulation de nombreuses propositions, après la publication d’un rapport parlementaire, nous avons vu arriver une proposition qui n’avait été demandée par personne, n’avait fait l’objet d’aucune concertation et dont l’impact, au regard de l’objectif affiché, était négatif.

Il en va de même pour l’affaiblissement du droit d’information des salariés en cas de projet de vente de l’entreprise, droit instauré par la loi du 17 mars 2014 relative à la consommation, dite Hamon. Le Gouvernement a amorcé le mouvement et la majorité sénatoriale s’est chargée de pousser la logique jusqu’au bout en supprimant purement et simplement ce droit, au mépris du risque juridique.

Alors que, selon un rapport d’information du Sénat, 30 000 entreprises disparaissent tous les ans faute de repreneur, alors que CCI France, l’établissement national des chambres de commerce et d’industrie, estime que les repreneurs extérieurs recherchent plutôt des entreprises d’au moins dix salariés qui réalisent un chiffre d’affaires de plus de 1 million d’euros, vous vous attaquez à la possibilité pour les salariés de présenter une offre d’acquisition, notamment des TPE, sous le seul prétexte que le dispositif existant est modestement efficace, sans analyser pour autant les moyens de le rendre plus opérant. Ce faisant, vous démontrez surtout votre incapacité à comprendre qu’une entreprise, c’est aussi ses salariés.

Il n’est dès lors pas étonnant que la composition du futur Haut Conseil à la simplification pour les entreprises ne comporte pas de délégués des salariés : seuls des représentants des employeurs y siégeront.

Pour la majorité de droite, simplification rime avec dérégulation du droit social et, notamment dans ce texte, avec détricotage du droit de l’environnement et fin de l’ambition écologique.

Un article vide ainsi de sa substance l’obligation de compensation environnementale des projets à fort impact sur la biodiversité, conformément au principe « éviter, réduire, compenser ». Ainsi, l’obligation de résultats disparaît et devient en creux une obligation de moyens, laquelle doit intervenir dans un « délai raisonnable », sans plus de précisions, alors que les atteintes aux milieux et aux habitats peuvent être immédiatement irréversibles.

Ce recul écologique inédit a lieu, alors que, selon l’Observatoire national de la biodiversité, la France est le pays d’Europe où l’indice de risque d’extinction des espèces a le plus augmenté en vingt ans – il a doublé en métropole, alors qu’il a augmenté d’un tiers sur notre continent. Qui plus est, seulement 20 % des habitats naturels d’intérêt communautaire demeurent en bon état.

Par ailleurs, et c’est un constat alarmant, 66 000 hectares sont artificialisés chaque année. Alors que la loi visant à faciliter la mise en œuvre des objectifs de lutte contre l’artificialisation des sols et à renforcer l’accompagnement des élus locaux vient à peine d’être adoptée, ce texte vise à étendre la possibilité de recourir au dispositif d’intérêt national majeur aux data centers, grands consommateurs d’hectares de terres agricoles ou naturelles : sous couvert de défendre la souveraineté économique, on autorise le contournement du droit environnemental. De même, grâce à l’adoption d’un autre amendement du groupe Les Républicains, les implantations industrielles et les logements afférents sont exclus du calcul des enveloppes d’artificialisation. Voilà autant de reculs majeurs sur l’objectif « zéro artificialisation nette ».

Enfin, dans sa précipitation, le Gouvernement souhaite modifier des dispositions du code minier qui ne sont pas encore entrées en vigueur : la Guyane se voit ainsi livrée à une prédation minière, qui, sous prétexte de transition numérique et écologique, met en péril l’une des dernières forêts primaires du monde. Les mines ont pourtant un effet d’entraînement économique quasi nul pour le territoire. Celui-ci abrite des peuples autochtones qui, eux, préservent la forêt et en dépendent : cette vision extractiviste et postcoloniale met en péril leur habitat et leurs modes de vie.

Si ce texte vise à lever les normes, il apparaît qu’il participe aussi de la politique austéritaire du Gouvernement et de sa recherche d’économies pour compenser sa gestion en faveur des grands groupes. Pour ces derniers, en cas d’entorse aux obligations de la loi, prévaut une attitude de compréhension, de confiance, de baisse des peines, d’absence de stigmatisation. Pour les pauvres et les chômeurs, en revanche, c’est l’inverse !

Comme il manque à l’État 300 agents pour assurer les missions de contrôle en matière d’accessibilité des établissements recevant du public, ce projet de loi vise en fait, en dépit de l’avis défavorable du Conseil national consultatif des personnes handicapées (CNCPH), à privatiser les procédures de déclaration et d’autorisation.

Comme l’État manque aussi de magistrats, dont l’effectif n’a progressé que de 4 % en dix ans, alors que le nombre d’entrées devant les tribunaux administratifs a bondi de 46 %, il est proposé d’élargir les fonctions des magistrats honoraires.

In fine, ce projet de loi a été écrit dans une précipitation évidente. Il ne comporte aucune réelle mesure de simplification, si ce n’est la suppression de normes protectrices de l’environnement. Il est manifestement le produit d’un gouvernement qui avance à tâtons, sans analyse d’impact des mesures qu’il propose.

Véritable retour du refoulé antiécologique, ce texte est surtout un cadeau de plus aux grands groupes. Il s’ajoute aux milliards d’euros d’aides annuelles qui leur sont octroyés sans conditionnalité écologique et sociale.

En conséquence, le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires votera contre ce projet de loi. (Applaudissements sur les travées des groupes GEST – Mme Cathy Apourceau-Poly applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. Michaël Weber, pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

M. Michaël Weber. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le ministre, mes chers collègues, je savais que le Président de la République était un grand lecteur d’André Gide ; néanmoins, je ne savais pas que cela avait inspiré ses ministres. « Tant pis pour le lecteur paresseux : j’en veux d’autres. Inquiéter, tel est mon rôle », disait Gide.

Si, pour tout ce qui relève du romanesque, on admet cette complexité, qui, dans ses scories, dévoile toute sa profondeur, il ne saurait en aller de même pour les textes législatifs, car leur clarté est une véritable caryatide pour notre démocratie. Cette clarté est si importante que, dès 1999, le Conseil constitutionnel reconnaissait la valeur constitutionnelle des principes d’accessibilité et d’intelligibilité de la loi, qui découlent des articles 4 et suivants de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen.

Dès lors, simplifier pour une meilleure compréhension de tous les citoyens paraît un objectif des plus louables, notamment dans un contexte d’inflation législative, à laquelle d’ailleurs le chef d’État n’a pas semblé résister depuis 2017. En effet, en France, le poids des normes s’élève aujourd’hui peu ou prou à 44,1 millions de mots !

Pourtant, sous ses allures de rigueur, de réorganisation, de réaménagement de ses textes, le Gouvernement, comme le dirait Gide, inquiète plus qu’il n’éclaircit !

Personne ici ne pourra prétendre se positionner contre l’objectif consistant à faciliter la vie économique. Pourtant, bien souvent, derrière l’apparat d’un titre nullement éponyme se cachent des idoles bien creuses. Ces idoles, nous les avons auscultées en un temps record : la discussion a duré quinze jours en commission, trois en séance publique. C’est à croire qu’il convenait aussi, par une même occasion, de simplifier le débat parlementaire – d’une pierre deux coups, me direz-vous !

Cela ne s’arrête pas là. Le coup de grâce, plutôt les coups de grâce, tant ils étaient nombreux, furent portés au droit d’information des salariés, à l’obligation de mise en place de mesures garantissant une protection de la biodiversité ou encore à la libre administration des collectivités.

Mes chers collègues, je pourrais continuer longtemps cette énumération, tant les rédacteurs de ce texte se sont épanchés sur tout ce qu’il était possible de faire, sur toutes les mesures qui leur sont passées à l’esprit, sans lien, sans causalité, sans fond, sans but concret… En somme, voilà un texte composite, dont il est impossible de décrire la forme exacte.

Dans ce foisonnant dédale de prescriptions ô combien simplificatrices, trois points – je pourrais en citer bien davantage ! – ont retenu toute notre attention, tant la confusion entre simplification et régression est prégnante.

J’évoquerai d’abord l’article 7, qui, même s’il a été supprimé, nous hante encore au souvenir de son dessein. Il est l’allégorie d’une volonté d’encourager l’économie et l’industrie au détriment du droit d’information des salariés. La fiche de paie n’est pas compréhensible ? Supprimons les lignes inexpliquées ! En effet, pourquoi, me direz-vous, tenter vainement d’expliquer ces bulletins de paie, de réaliser un véritable travail en amont afin d’en modifier les termes, la forme ou la longueur ? Les problèmes ne disparaissent-ils pas de l’imaginaire collectif quand ils n’y sont plus inscrits ?

Ensuite, un problème ne venant jamais seul, il convient aussi de mentionner le fameux article 18, qui supprime l’obligation de résultat en matière de compensation des atteintes à la biodiversité. Il offre aussi, comme si cela ne suffisait pas, à tout porteur d’un projet, quelle qu’en soit la nature, la grande liberté de moduler, dans une temporalité incertaine, la compensation, désormais réduite. On se désolera de l’adoption de cet article, qui ouvre ipso facto la voie à davantage de dégradations, ce qui va à l’encontre du droit de l’environnement.

Je pourrais aussi revenir sur les articles 15 à 21, qui multiplient les recours au formidable « motif d’intérêt national majeur ». Il est désormais permis de contourner les règles de droit de l’urbanisme et les contraintes applicables aux documents d’urbanisme, dès lors qu’il s’agit de l’implantation de projets industriels.

L’inquiétude plus que l’éclaircissement, encore et toujours ! Tel est bien, mes chers collègues, le fil rouge de ce projet de loi.

Au fond, rien de bien surprenant s’agissant d’un texte émanant de Bercy et délibérément conçu comme des plus éclectiques. Dès l’incipit, dès même les premières secondes de nos débats, tout était dit : la simplification de la vie économique proposée s’adresse d’abord à ceux qui bénéficient déjà d’un certain confort, aux grandes entreprises, et c’est tout. Cette volonté de simplification se veut dès lors omniprésente, touchant tous les domaines afférant à l’économie : elle vise à rationaliser à tout prix ! Rationaliser, que dis-je ? Il s’agit plutôt de donner en vitesse un semblant de nouveauté à ce qui, pourtant, ne présentait pas particulièrement en l’état le caractère d’un problème urgent. C’est ce que montre par ailleurs le choix de recourir à un tel texte malgré les réticences émises par le Conseil d’État, dans son avis du 22 avril 2024. L’enjeu était donc d’imposer la tenue d’un débat express, en espérant que, dans le foisonnement des lignes, la suppression de protections sociales, écologiques et territoriales passerait inaperçue.

Enfin, aussi étonnant que cela puisse paraître, ce qui nous fut présenté là, c’est un texte tout droit venu du ministère de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, mais sans son ministre pour le défendre.

M. Mickaël Vallet. Il est en Suisse ! (Sourires sur les travées du groupe SER.)

M. Michaël Weber. Cependant, c’est bien M. Le Maire, grand défenseur de ce projet de loi, qui se targuait de simplifier la fiche de paie. C’est lui encore qui disait, à quelques jours de la dissolution, qu’il avait « sauvé l’économie » jusque dans ses moindres recoins.

Un tel triomphalisme intervient alors que la note financière de la France stagne à un double A et que la chambre basse met en place, en ce moment même, une commission d’enquête sur le dérapage des finances publiques.

Certes, vous me rétorquerez que M. Le Maire n’est plus là. Nous nous adressons donc maintenant à vous, monsieur Kasbarian, en votre qualité de ministre de la « simplification ». Vous-même, comment entendez-vous ce terme ? Vous avez récemment mentionné la nécessité de « débureaucratiser » les services publics régionaux. (M. le ministre acquiesce.) Je suis surpris de l’emploi de tant de néologismes pour arriver au même résultat : le superflu !

Ainsi, en simplifiant, comme vous songez à le faire, dans un mouvement de pure émanation de la pensée et non à droit constant, la plume du législateur est devenue d’autant plus bavarde et imprécise qu’elle ne dit plus rien. Elle ajoute du futile et raye du nécessaire. Elle ne simplifie pas, elle abîme !

Pourtant, je me souviens encore des paroles de Mme la ministre déléguée Olivia Grégoire, qui, lors de la discussion de ce texte, nous disait qu’il fallait éviter les lois bavardes, car les entrepreneurs « en bavent ». Notez, mes chers collègues, l’allitération. Eh bien, je répondrai en tenant à peu près le même langage : « Évitons les lois bâclées, les citoyens en blêmissent ! »

Vous l’aurez compris, mes chers collègues, le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain votera résolument contre ce projet de loi qui émane du « Mozart de la finance », mais qui aboutit à une cacophonie législative ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées des groupes SER et GEST – M. Fabien Gay applaudit également.)