Sommaire
Présidence de M. Gérard Larcher
Secrétaires :
Mme Sonia de La Provôté, M. Mickaël Vallet.
2. Hommage à Gérard César, ancien sénateur
3. Souhaits de bienvenue à une délégation parlementaire
4. Questions d’actualité au Gouvernement
M. Gabriel Attal, Premier ministre
M. François Patriat ; M. Gabriel Attal, Premier ministre.
sécurisation des jeux olympiques
M. Dany Wattebled ; M. Gérald Darmanin, ministre de l’intérieur et des outre-mer ; M. Dany Wattebled.
situation des établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes
Mme Maryse Carrère ; M. Gabriel Attal, Premier ministre.
M. Patrick Kanner ; M. Gabriel Attal, Premier ministre ; M. Patrick Kanner.
Mme Cécile Cukierman ; M. Gabriel Attal, Premier ministre ; Mme Cécile Cukierman.
M. François Bonneau ; M. Jean-Noël Barrot, ministre délégué auprès du ministre de l’Europe et des affaires étrangères, chargé de l’Europe.
liberté de la presse, liberté d’expression et défense de l’audiovisuel public
Mme Anne Souyris ; Mme Prisca Thevenot, ministre déléguée auprès du Premier ministre, chargée du renouveau démocratique, porte-parole du Gouvernement.
lutte contre le narcotrafic (i)
M. Étienne Blanc ; Mme Sarah El Haïry, ministre déléguée auprès de la ministre du travail, de la santé et des solidarités, de la ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse et du garde des sceaux, ministre de la justice, chargée de l’enfance, de la jeunesse et des familles ; M. Étienne Blanc.
M. Georges Naturel ; M. Gérald Darmanin, ministre de l’intérieur et des outre-mer ; M. Georges Naturel.
lutte contre le narcotrafic (ii)
M. Jérôme Durain ; M. Gérald Darmanin, ministre de l’intérieur et des outre-mer ; M. Jérôme Durain.
Mme Catherine Belrhiti ; Mme Nicole Belloubet, ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse ; Mme Catherine Belrhiti.
quatrième année d’études en médecine générale
M. Guislain Cambier ; M. Frédéric Valletoux, ministre délégué auprès de la ministre du travail, de la santé et des solidarités, chargé de la santé et de la prévention ; M. Guislain Cambier.
participation de taïwan à l’assemblée de l’organisation mondiale de la santé
Mme Else Joseph ; M. Franck Riester, ministre délégué auprès du ministre de l’Europe et des affaires étrangères, chargé du commerce extérieur, de l’attractivité, de la francophonie et des Français de l’étranger ; Mme Else Joseph.
M. Rachid Temal ; M. Jean-Noël Barrot, ministre délégué auprès du ministre de l’Europe et des affaires étrangères, chargé de l’Europe ; M. Rachid Temal.
Mme Anne-Marie Nédélec ; M. Thomas Cazenave, ministre délégué auprès du ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargé des comptes publics ; Mme Anne-Marie Nédélec.
5. Souhaits de bienvenue à une délégation d’académiciens
6. Questions d’actualité au Gouvernement (suite)
Mme Anne-Catherine Loisier ; M. Christophe Béchu, ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.
Suspension et reprise de la séance
PRÉSIDENCE DE M. Mathieu Darnaud
7. Candidatures à une commission mixte paritaire
8. Frais bancaires sur succession. – Adoption d’une proposition de loi dans le texte de la commission modifié
M. Hervé Maurey, rapporteur de la commission des finances
Clôture de la discussion générale.
Amendement n° 5 de la commission. – Adoption.
Amendement n° 1 de M. Rémi Féraud. – Devenu sans objet.
Amendement n° 6 de la commission. – Adoption.
Amendement n° 3 rectifié de M. Christian Bilhac. – Rejet.
Amendement n° 7 de la commission. – Adoption.
Adoption de l’article modifié.
Amendement n° 4 de Mme Isabelle Florennes. – Retrait.
Amendement n° 2 de Mme Nathalie Goulet. – Retrait.
Adoption de la proposition de loi dans le texte de la commission, modifié.
Suspension et reprise de la séance
9. Saisie et confiscation des avoirs criminels. – Adoption définitive des conclusions modifiées d’une commission mixte paritaire sur une proposition de loi
Mme Muriel Jourda, rapporteur pour le Sénat de la commission mixte paritaire
Texte élaboré par la commission mixte paritaire
Amendement n° 1 du Gouvernement. – Réservé.
Amendement n° 2 du Gouvernement. – Réservé.
Amendement n° 3 du Gouvernement. – Réservé.
Adoption définitive de la proposition de loi dans le texte de la commission mixte paritaire, modifié.
Suspension et reprise de la séance
10. Dispositions législatives relatives à la santé. – Adoption définitive en deuxième lecture d’un projet de loi dans le texte de la commission
Mme Marie-Do Aeschlimann, rapporteure de la commission des affaires sociales
Clôture de la discussion générale.
Adoption définitive de la proposition de loi dans le texte de la commission.
Suspension et reprise de la séance
11. Accompagnement humain des élèves en situation de handicap – Adoption définitive en deuxième lecture d’une proposition de loi dans le texte de la commission
Mme Anne Ventalon, rapporteure de la commission de la culture
Clôture de la discussion générale.
Adoption définitive de la proposition de loi dans le texte de la commission.
M. Laurent Lafon, président de la commission de la culture
Conclusions de la conférence des présidents
13. Ordre du jour
Nomination de membres d’une commission mixte paritaire
compte rendu intégral
Présidence de M. Gérard Larcher
Secrétaires :
Mme Sonia de La Provôté,
M. Mickaël Vallet.
1
Procès-verbal
M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n’y a pas d’observation ?…
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.
2
Hommage à Gérard César, ancien sénateur
M. le président. Monsieur le Premier ministre, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, c’est avec une grande tristesse que nous avons appris la disparition de Gérard César, ancien sénateur de la Gironde. (Mmes et MM. les sénateurs, ainsi que M. le Premier ministre et Mmes et MM. les membres du Gouvernement, se lèvent.)
Nous honorons non seulement la mémoire du sénateur qu’il a été, de l’élu de terrain – il fut maire et conseiller général –, mais aussi et peut-être avant tout le viticulteur, l’ardent défenseur du vin, patrimoine de la culture française.
Ce viticulteur dans l’âme milita au sein du syndicalisme agricole et devint, au milieu des années 1960, président des Jeunes Agriculteurs de la Gironde. Il dirigea la belle cave coopérative de Rauzan.
En 1973, année durant laquelle il fut élu conseiller général du canton de Pujols, il devint suppléant de Robert Boulin. L’année suivante, il fut élu maire de Rauzan, fonction qu’il a exercée jusqu’en 2022.
Il devint député en 1976, lorsque Robert Boulin entra au Gouvernement.
Gérard César devient sénateur en juin 1990, à la suite du tragique décès de Jean-François Pintat. Il siège alors au groupe du Rassemblement pour la République (RPR). Il est d’abord membre de la commission des affaires sociales, avant que nous ne nous retrouvions au sein de la commission des affaires économiques, dont il devient vice-président en 2001. Il fut aussi membre de la délégation du Sénat pour l’Union européenne, puis de la commission des affaires européennes.
Notre ancien collègue a toujours été en première ligne pour défendre l’agriculture française et l’activité viticole au Parlement. Il a créé et présidé avec brio le groupe d’études Vigne et vin du Sénat. Je ne vous citerai pas la définition qu’il donnait du vin, je rappellerai simplement que, pour lui, ce n’était pas de l’alcool ! (Sourires.)
Il fut rapporteur de la loi d’orientation agricole, en 2005, puis de la loi de modernisation de l’agriculture et de la pêche, en 2010.
En octobre 2017, il quitte le Sénat, ayant choisi de se consacrer à ses mandats locaux. Il présida avec passion, jusqu’en 2022, l’Association des maires de Gironde. Il est resté jusqu’au bout attaché à cette terre qu’il arpentait entre les rangs de ses vignes, cette terre qui produit le Haut-Mazières.
Je serai demain aux côtés de son épouse et de sa fille. À elles, à toute sa famille, ainsi qu’à ses collègues de l’Amicale gaulliste du Sénat, dont il fut le secrétaire général, je souhaite dire la part que la Haute Assemblée prend à leur chagrin. (Mmes et MM. les sénateurs, ainsi que M. le Premier ministre et Mmes et MM. les membres du Gouvernement, observent une minute de silence.)
3
Souhaits de bienvenue à une délégation parlementaire
M. le président. J’ai le plaisir de saluer la présence dans la tribune d’honneur d’une délégation de sept parlementaires de la Chambre des conseillers du Royaume du Maroc, conduite par le docteur Mohammed Zidouh, président du groupe d’amitié Maroc-France de cette chambre, accompagné de sa vice-présidente et de ses rapporteurs. (Mmes et MM. les sénateurs, ainsi que M. le Premier ministre et Mmes et MM. les membres du Gouvernement, se lèvent et applaudissent.)
La délégation est accompagnée par notre collègue Christian Cambon, président du groupe d’amitié France-Maroc de notre assemblée.
À l’invitation de ce groupe d’amitié, la délégation effectue une visite d’étude en France, qui l’aura conduite de Marseille et Toulon jusqu’à Paris ; elle s’est focalisée sur les questions de sécurité et de défense, en particulier en Méditerranée.
Cette visite intervient alors que nous célébrons cette année le quatre-vingtième anniversaire du débarquement en Provence, auquel les troupes marocaines ont éminemment contribué : souvenons-nous, mes chers collègues, des dix mille Marocains morts pour la libération de notre pays ! Notre mémoire partagée rappelle la profondeur des liens tissés au fil de l’histoire entre la France et le Royaume du Maroc.
Ce matin, j’ai eu plaisir à recevoir la délégation pour un entretien qui nous a permis d’identifier les prochaines étapes du rapprochement entre nos deux assemblées.
Le dynamisme de notre coopération interparlementaire, qui doit tant au président Cambon, contribue éminemment à la relance, dans toutes ses dimensions, de la relation bilatérale franco-marocaine, que nous appelons de nos vœux les plus profonds.
Cette relation a également trouvé une expression forte dans le jumelage européen, achevé en mars 2023, dont le Sénat a été le chef de file, qui a marqué une collaboration intense entre nos chambres.
En votre nom à tous, permettez-moi de souhaiter à nos amis et collègues de la Chambre des conseillers du Maroc la plus cordiale bienvenue au Sénat français ! (Mmes et MM. les sénateurs, ainsi que M. le Premier ministre et Mmes et MM. les membres du Gouvernement, applaudissent longuement.)
4
Questions d’actualité au Gouvernement
M. le président. L’ordre du jour appelle les réponses à des questions d’actualité au Gouvernement.
Je vous rappelle que la séance est retransmise en direct sur Public Sénat et sur notre site internet.
Au nom du bureau du Sénat, j’appelle chacun de vous, mes chers collègues, à observer au cours de nos échanges l’une des valeurs essentielles du Sénat : le respect, qu’il s’agisse du respect des uns et des autres ou de celui du temps de parole.
Avant d’aborder une série de questions dont certaines porteront sur la Nouvelle-Calédonie, je souhaite appeler solennellement l’ensemble de la population calédonienne à la raison et au calme, comme viennent de le faire, dans un communiqué commun, les forces politiques calédoniennes, indépendantistes et non-indépendantistes. Tout embrasement supplémentaire mettrait à mal le vivre ensemble et la construction du destin commun si cher aux signataires de l’accord de Nouméa. Il y a déjà eu trop de morts, ce n’est pas acceptable.
Je tiens à rendre un hommage particulier aux forces de l’ordre, à leur courage et à leur engagement face au déchaînement de violence auquel elles font face depuis plusieurs jours ; le nombre de blessés en témoigne. J’ai une pensée particulière pour le gendarme qui lutte pour la vie en ce moment.
J’exprime également ma solidarité aux Calédoniens qui ont été victimes de ces débordements et exactions.
Enfin, mes pensées vont aussi aux membres du personnel pénitentiaire qui, dans l’exercice de leur mission pour l’État de droit, ont été assassinés, pour deux d’entre eux, et grièvement blessés, pour les trois autres.
La parole est à M. le Premier ministre.
M. Gabriel Attal, Premier ministre. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, j’aurai en effet l’occasion, dans un instant, de répondre à plusieurs questions posées par des présidents de groupe sur la situation en Nouvelle-Calédonie.
Mais, avant de le faire, je veux ici, comme devant l’Assemblée nationale, avoir un mot pour les deux agents de l’administration pénitentiaire qui ont été froidement et lâchement assassinés hier dans l’Eure.
Ce drame absolu bouleverse évidemment l’administration pénitentiaire, dont je veux saluer l’engagement quotidien, au service de la République et des Français. C’est également un bouleversement absolu pour l’ensemble de nos concitoyens, qui éprouvent une reconnaissance totale pour celles et ceux qui se lèvent tous les matins pour les défendre, pour défendre nos lois, pour défendre les règles de la République.
Or c’est bien elle qui a été attaquée hier : la République. C’est sur nos lois qu’on a tiré, sur le respect de nos règles, sur des femmes et des hommes qui se battent, tous les jours, contre l’impunité. Je veux dire ici, comme j’ai eu l’occasion de le faire il y a quelques instants encore à l’Assemblée nationale, que notre détermination à retrouver les auteurs de ce crime, pour les juger, pour les sanctionner le plus lourdement possible, est totale.
Le ministre de l’intérieur a déployé des moyens absolument exceptionnels. L’enquête progresse ; évidemment, aucun moyen n’est économisé pour retrouver ces criminels. Je le redis : ils sont traqués, ils seront trouvés et ils paieront !
Plus largement, nous travaillons avec l’administration pénitentiaire. Le garde des sceaux était hier à Caen auprès des collègues des victimes. Il reçoit, depuis treize heures aujourd’hui, des représentants de l’intersyndicale pour identifier avec eux, avec l’ensemble des organisations syndicales, tous les moyens que nous pouvons mettre en œuvre pour renforcer encore la protection que nous devons à nos agents pénitentiaires. Nous la leur devons, parce qu’eux-mêmes protègent, chaque jour, notre République ! (Applaudissements.)
nouvelle-calédonie (i)
M. le président. La parole est à M. François Patriat, pour le groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
M. François Patriat. Monsieur le Premier ministre, le Président de la République a convoqué ce matin un conseil de défense et de sécurité nationale. Il a souhaité que l’état d’urgence soit instauré en Nouvelle-Calédonie, où la situation – vous l’avez dit, monsieur le président – revêt un caractère exceptionnel.
C’est avec une profonde tristesse que nous avons appris ce matin le décès de trois de nos compatriotes en Nouvelle-Calédonie.
Les habitants de l’archipel ont traversé une deuxième nuit de violences, plus terrible encore que la précédente. Là-bas, le temps s’est arrêté ; des policiers et gendarmes ont été blessés, des gendarmeries prises d’assaut.
Après vous, monsieur le président, monsieur le Premier ministre, nous tenons ici à rendre un hommage appuyé au courage et à l’engagement des forces de l’ordre. Nos pensées émues vont à nos concitoyens calédoniens qui vivent dans l’angoisse, pris qu’ils sont au milieu des tirs, des incendies et des attaques à l’arme blanche.
Nous sommes tous conscients que la violence doit cesser. Les premières victimes de ces violences sont les Calédoniens eux-mêmes. Je tiens à saluer le courage des responsables politiques, loyalistes comme indépendantistes, qui ont appelé au calme. C’est ce sens des responsabilités qui doit s’imposer.
L’accord de Nouméa a affirmé le destin commun de tous les citoyens de la Nouvelle-Calédonie. Par trois fois, les Calédoniens ont eu à écrire ce destin. Par trois fois, ils ont choisi la République.
Le projet de loi constitutionnelle que nous avons voté et que l’Assemblée nationale a adopté la nuit dernière est une étape nécessaire de ce processus, qui, depuis plus de trente ans, a toujours suivi la voie démocratique.
Le temps est venu de panser nos blessures et d’ouvrir une nouvelle page de notre histoire commune.
Le Président de la République a tendu la main aux représentants calédoniens. La solution sera le dialogue. Nous avons tous la responsabilité de le rendre possible, car les violences n’apporteront pas de réponse pour le présent, elles ne panseront pas les blessures du passé et, plus grave encore, elles compromettront l’avenir de la population calédonienne et de sa jeunesse.
Alors, monsieur le Premier ministre, quelles mesures immédiates le Gouvernement entend-il prendre pour ramener l’ordre dans l’archipel ?
Quelles voies permettront de rétablir le dialogue et de bâtir un avenir commun, pour tous les Calédoniens ? (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI, ainsi que sur des travées du groupe INDEP. – Mme Annick Jacquemet applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.
M. Gabriel Attal, Premier ministre. Monsieur le président François Patriat, depuis le début de la semaine, la Nouvelle-Calédonie est frappée par des violences d’une rare gravité.
Ces violences ont provoqué des dégâts majeurs, blessé plusieurs centaines de personnes, parmi lesquels des dizaines de policiers et de gendarmes. Ces dernières heures, ajoutant au drame, plusieurs personnes sont décédées lors de ces violences. Je veux avoir une pensée pour elles et pour les Calédoniens qui veulent le retour au calme.
Je veux le dire de nouveau devant vous, comme je l’ai fait hier à l’Assemblée nationale : aucune violence n’est justifiable ou tolérable ; la violence ne peut jamais être acceptée. Je le redis, aucune violence ne sera jamais tolérée !
Je tiens aussi à rendre hommage, une nouvelle fois, à l’engagement exceptionnel des forces de l’ordre. Policiers et gendarmes parviennent à garder leur sang-froid, malgré les attaques, malgré parfois les tirs d’armes à feu. Ces policiers et ces gendarmes assument et tiennent courageusement leur rôle pour protéger les vies et permettre le retour au calme.
Notre urgence, aujourd’hui, c’est le rétablissement de l’ordre et le retour du calme et de la sérénité. Ce matin, le Président de la République a convoqué un conseil de défense et de sécurité nationale pour aborder la situation en Nouvelle-Calédonie. Des décisions fortes ont été prises.
À l’issue de cette séance de questions au gouvernement, le conseil des ministres sera réuni, exceptionnellement un mercredi après-midi, pour acter la déclaration de l’état d’urgence en Nouvelle-Calédonie, qui va nous permettre de déployer des moyens supplémentaires massifs pour le rétablissement de l’ordre. Ces moyens s’ajouteront à ceux que le ministre de l’intérieur et des outre-mer a d’ores et déjà annoncés, à savoir quatre escadrons de gendarmerie mobile, ainsi que des renforts du Raid et du GIGN (groupe d’intervention de la gendarmerie nationale).
Vous savez également que le haut-commissaire de la République en Nouvelle-Calédonie a annoncé l’instauration d’un couvre-feu et pris d’autres mesures pour tenter de rétablir l’ordre.
On ne sait que trop bien, particulièrement en Nouvelle-Calédonie, jusqu’où peuvent mener les violences. C’est pourquoi, je le répète, le retour de l’ordre et du calme est la priorité absolue.
Je veux saluer, comme vous l’avez fait, monsieur Patriat, la très grande responsabilité dont ont fait montre les responsables calédoniens, non-indépendantistes comme indépendantistes, qui ont unanimement appelé, dans un communiqué, à cesser les violences.
Au mois de mars dernier, à une très large majorité, le Sénat a adopté le projet de loi constitutionnelle sur le dégel du corps électoral. Hier, l’Assemblée nationale l’a adopté à son tour. Ce texte s’inscrit dans la lignée du processus engagé depuis la décision souveraine des Calédoniens, affirmée par trois fois, lors de trois référendums, de demeurer dans la République.
Le dégel du corps électoral est un enjeu démocratique ; je rappelle que le Conseil d’État nous a enjoint de prendre cette mesure. Il s’agit de permettre à des milliers de personnes nées en Nouvelle-Calédonie, ou y résidant depuis de nombreuses années, de participer aux prochaines élections provinciales, qui sont des élections locales.
Dans ce contexte, nous n’avons jamais cessé d’appeler au dialogue ; nous n’avons jamais cessé de créer les conditions du dialogue, en tendant la main à tous les acteurs, indépendantistes comme non-indépendantistes. Nous gardons invariablement ce cap, le cap du dialogue.
Nous cherchons, de nouveau, à créer les conditions d’un accord politique global. C’est pourquoi le Président de la République a annoncé qu’il ne convoquerait pas le Congrès immédiatement après l’adoption conforme du projet de loi constitutionnelle par l’Assemblée nationale. C’est pourquoi le Président de la République a écrit à l’ensemble des responsables calédoniens pour leur proposer de se réunir à Paris et de tenter, de nouveau, de trouver un consensus. Si ce consensus est trouvé, nous pourrons évidemment continuer à avancer. S’il ne l’est pas, il faudra aussi continuer à avancer, selon la manière que nous avions prévue.
Je crois fermement qu’il est possible de trouver la voie d’un consensus. Je crois fermement qu’avec toutes les bonnes volontés autour de la table nous y parviendrons ! (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI, ainsi que sur des travées des groupes INDEP et UC.)
sécurisation des jeux olympiques
M. le président. La parole est à M. Dany Wattebled, pour le groupe Les Indépendants – République et Territoires.
M. Dany Wattebled. Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, je veux d’abord exprimer tout mon soutien aux familles des agents décédés, ainsi que de ceux qui ont été gravement blessés, dans l’assaut ignoble et barbare d’un fourgon pénitentiaire dans l’Eure. Une telle violence n’est pas tolérable, justice doit être faite !
Cette attaque survient quelques semaines avant le début des jeux Olympiques et Paralympiques dans notre pays. Ces Jeux sont une chance formidable pour la France, pour notre rayonnement et pour notre économie, mais l’organisation de cet événement mondial représente un défi majeur, a fortiori pour ce qui est de sa sécurisation.
Monsieur le Premier ministre, nos forces de sécurité font déjà face à de multiples menaces. Nos policiers et nos gendarmes doivent en effet assurer le maintien de l’ordre public, malgré des émeutes de plus en plus violentes et récurrentes. Les forces de l’ordre sont également engagées dans la lutte contre la drogue, à travers des opérations « place nette » de grande ampleur. Elles doivent enfin continuer de protéger nos concitoyens contre la menace terroriste, portée au niveau d’alerte « urgence attentat ».
Nous saluons le travail de ces femmes et de ces hommes. Plus que jamais, ils assurent une mission essentielle sans ménager leurs efforts.
Dans un tel contexte, certains s’inquiètent de notre capacité à maintenir l’ordre : parviendrons-nous à assurer la sécurité des jeux Olympiques sans fragiliser celle des territoires les plus reculés, notamment lors des manifestations sportives, culturelles ou touristiques qui auront lieu cet été, ou encore sans remettre en cause la lutte contre l’immigration irrégulière vers l’Angleterre depuis nos côtes du Nord et du Pas-de-Calais ?
Monsieur le ministre, pouvez-vous nous rassurer ? Les moyens de sécurité mis en œuvre sont-ils à la mesure des défis qui se posent sur l’ensemble du territoire ? N’allons-nous pas déshabiller Pierre pour habiller Paul ? (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP, ainsi que sur des travées du groupe UC.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de l’intérieur et des outre-mer.
M. Gérald Darmanin, ministre de l’intérieur et des outre-mer. Monsieur le sénateur Wattebled, permettez-moi à mon tour de présenter mes condoléances, auxquelles s’associe le garde des sceaux, aux familles de ces agents pénitentiaires, ainsi que d’avoir une pensée toute particulière pour les forces de l’ordre qui servent en Nouvelle-Calédonie et, notamment, pour ce gendarme qui lutte pour sa vie en ce moment même.
Votre question porte sur l’organisation des jeux Olympiques et les conséquences que celle-ci peut avoir sur la sécurité de notre pays pendant la période assez longue qui s’étend depuis l’arrivée de la flamme olympique à Marseille, le 8 mai dernier, jusqu’en septembre, puisque les jeux Paralympiques aussi requerront du temps et de l’énergie des forces de l’ordre : rappelons que leur cérémonie d’ouverture, place de la Concorde, rassemblera autant de monde que le Stade de France peut en contenir avant que ne se déroulent, jusqu’à la mi-septembre, de très nombreuses épreuves, partout sur le territoire national.
J’ai déjà eu l’occasion de présenter les dispositions que nous avons prises, notamment l’augmentation des effectifs de police et de gendarmerie, que vous avez vous-mêmes approuvée, mesdames, messieurs les sénateurs – onze escadrons de gendarmerie et de CRS ont été recréés, tous ont été inaugurés –, ou encore le refus de tout congé pendant cette période pour les policiers, les gendarmes, les agents de préfecture, toute la hiérarchie et, bien sûr, les membres de mon cabinet. De la sorte, l’intégralité du ministère de l’intérieur, 100 % des policiers et des gendarmes seront présents, partout en France, pendant les jeux Olympiques, alors que d’ordinaire, l’été, on ne dispose que de 50 % de leurs effectifs.
Cette présence intégrale nous permettra à la fois d’aligner, si j’ose dire, les 45 000 policiers et gendarmes supplémentaires qui seront nécessaires en Île-de-France pour assurer la sécurité des jeux Olympiques et de leur cérémonie d’ouverture, mais aussi de garantir le même niveau de sécurité qu’habituellement, voire un niveau bien supérieur, partout sur le territoire national, d’accueillir le Tour de France à Nice, d’organiser les festivités du 14 juillet, les manifestations culturelles, ainsi que de faire face à d’éventuels événements dramatiques, comme les mégafeux de forêt qui pourraient se reproduire cette année.
On pourra aussi affronter les difficultés qui surviendraient aux frontières. Dans notre département du Nord, monsieur le sénateur, comme dans les Alpes-Maritimes, il y aura plus de policiers et de gendarmes que l’été dernier pour tenir la frontière. Partout sur le territoire national, il y aura plus de policiers et de gendarmes !
Regardez l’arrivée de la flamme olympique à Marseille : un succès populaire sans aucun incident ! Depuis, huit étapes se sont déroulées sans aucun incident. La flamme était en Corse hier, la voici aujourd’hui dans les Pyrénées-Orientales. Soyons fiers de nos forces de l’ordre ! (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI, ainsi que sur des travées des groupes INDEP et UC.)
M. le président. La parole est à M. Dany Wattebled, pour la réplique.
M. Dany Wattebled. Merci de votre réponse, monsieur le ministre, et surtout, vive les Jeux ! Faisons en sorte, tous ensemble, que tout se passe très bien ! (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP.)
situation des établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes
M. le président. La parole est à Mme Maryse Carrère, pour le groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)
Mme Maryse Carrère. Ma question s’adresse à M. le Premier ministre.
Je tiens au préalable, au nom du groupe du RDSE, à dire que nous partageons les inquiétudes exprimées à l’instant au sujet de la situation en Nouvelle-Calédonie et à adresser toutes nos condoléances aux familles des victimes. J’ai aussi une pensée pour la famille et l’entourage des deux agents de l’administration pénitentiaire assassinés dans l’Eure.
Monsieur le Premier ministre, dans une récente étude, la Fédération hospitalière de France a présenté la situation financière préoccupante des Ehpad publics : près de 85 % d’entre eux enregistrent un résultat déficitaire pour l’année 2023 alors que, en 2019, ils n’étaient que 44 % à boucler leurs budgets dans le rouge.
Cette tendance confirme qu’il est urgent de mener une réforme structurelle du financement de ces établissements essentiels. Les fonds d’urgence répétés – 100 millions d’euros l’année dernière, 695 millions cette année – ne font que calmer superficiellement l’hémorragie qui touche principalement les établissements publics, mais aussi les Ehpad associatifs à but non lucratif.
Les directeurs d’établissement dénoncent l’impact de l’inflation sur les charges d’exploitation, mais également la compensation incomplète des revalorisations salariales et l’évolution insuffisante des tarifs d’hébergement.
La situation pousse ces responsables à chercher à faire des économies sur tout et sur tous ! La loi du 28 décembre 2015 relative à l’adaptation de la société au vieillissement a mis en place un système de dotation « soins et dépendance » en faveur des Ehpad, mais celui-ci ne leur permet plus d’assurer une prise en charge de leurs résidents répondant à leurs besoins, malgré des taux d’occupation proches des 95 %.
Ce n’est pas une question de volonté de la part des membres du personnel de ces établissements : dans ces conditions précaires, ils font preuve d’un dévouement que nous pouvons saluer. La question du financement de la cinquième branche du régime général de la sécurité sociale, relative à l’autonomie, reste au cœur du débat. Ce financement doit faire l’objet de choix concrets, à la hauteur des besoins du secteur, qui devront permettre de ne plus faire peser sur les résidents ou leurs familles cette situation budgétaire intenable.
Aussi, monsieur le Premier ministre, afin de garantir aux Ehpad les moyens d’assurer un accompagnement respectueux de la dignité des personnes âgées, quelle réforme de leur financement envisagez-vous ? (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE. – M. Daniel Chasseing applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.
M. Gabriel Attal, Premier ministre. Madame la présidente Maryse Carrère, ces derniers mois ont été émaillés d’images et de témoignages scandaleux, révoltants, sur les conditions de vie dans certains Ehpad. Ces images et ces témoignages ont fait douter certaines familles et ont jeté l’opprobre, injustement – j’insiste sur ce point –, sur toutes les femmes et les hommes qui travaillent dans nos Ehpad, des femmes et des hommes qui, dans leur écrasante majorité, se donnent sans compter et s’engagent pour les autres ; je veux leur rendre hommage avec vous.
Nous devons répondre aux défis des Ehpad, d’autant que le grand âge est un enjeu de société majeur et le sera encore plus à l’avenir au vu de l’allongement de l’espérance de vie.
Au-delà des cas particuliers que vous connaissez, l’ensemble du secteur souffre de l’inflation et d’un manque d’attractivité des métiers. Fadila Khattabi, tout le Gouvernement et moi-même avons pleinement conscience des difficultés des Ehpad et nous répondons présent !
Nous répondons présent pour rétablir la confiance dans ces établissements, avec un vaste plan de contrôle. Nous répondons présent aussi, évidemment, pour préserver leur viabilité. Tel est le sens du fonds d’urgence de 100 millions d’euros créé l’an dernier, ainsi que de l’augmentation inédite des dotations entre 2019 et 2023, fruit du Ségur de la santé : cela signifie 4 milliards d’euros de plus pour nos aînés, pour que le personnel des Ehpad soit mieux payé et plus nombreux.
Malgré tout, je sais que des établissements connaissent toujours des difficultés structurelles. Là aussi, nous prenons le problème à bras-le-corps. Nous avons entendu l’appel des différents acteurs : nous augmentons de 5 %, en 2024, la dotation des Ehpad publics pour réduire le déficit et poursuivre les revalorisations salariales. À l’échelle locale, les situations difficiles font l’objet d’un suivi par les agences régionales de santé (ARS), en lien avec les élus, et des crédits complémentaires sont alloués aux Ehpad les plus en difficulté.
Nous agissons enfin, madame la présidente Carrère, pour que ce ne soient pas les plus modestes qui pâtissent de cette situation difficile. Ainsi, la loi du 8 avril 2024 portant mesures pour bâtir la société du bien vieillir et de l’autonomie, ou loi Bien Vieillir, que vous avez votée, a donné aux établissements la possibilité de définir deux tarifs d’hébergement différenciés en fonction des revenus.
Ces mesures sont importantes, mais je pense, comme vous, que nous devons aller plus loin, notamment en faisant évoluer la gouvernance des Ehpad. Mon gouvernement a donc proposé aux présidents de conseils départementaux une expérimentation qui verrait l’État financer la dépendance, comme le demandent les professionnels. Près d’un quart des départements s’y sont portés candidats, et je souhaite que le mouvement se poursuive. Par ailleurs, comme vous le savez, Éric Woerth a effectué un important travail sur l’approfondissement de la décentralisation, qui l’a évidemment conduit à aborder également cette question-là ; il nous remettra son rapport dans les tout prochains jours.
Vous voyez, madame la présidente, que nous reconnaissons l’importance de cette question pour notre cohésion sociale ; nous continuerons donc à agir avec force pour le bien vieillir dans notre société. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI, ainsi que sur des travées des groupes INDEP et UC.)
nouvelle-calédonie (ii)
M. le président. La parole est à M. Patrick Kanner, pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
M. Patrick Kanner. Monsieur le Premier ministre, il est minuit à Nouméa et, à 17 000 kilomètres de Paris, la République vacille.
La Nouvelle-Calédonie s’embrase et renoue avec une histoire douloureuse de tensions et de violences, que je condamne. Trois personnes ont été tuées lors de la dernière nuit d’affrontements. C’est dramatique. Mes pensées vont aux familles endeuillées. Je veux aussi apporter tout mon soutien aux sapeurs-pompiers et aux membres des forces de l’ordre déployés sur le terrain, qui ont à déplorer plus d’une centaine de blessés, parmi lesquels un gendarme se trouve entre la vie et la mort.
L’ordre républicain doit être rétabli en Nouvelle-Calédonie, dans les rues autant que dans les esprits.
Pour cela, il faut naturellement une réponse sécuritaire, mais il faut aussi construire de justes équilibres pour parvenir à une désescalade de la crise. Le temps long est la condition d’un débat serein, sur l’archipel plus que nulle part ailleurs. Nous vous avons alerté en vain à maintes reprises. Le 7 mai encore, mon collègue député Boris Vallaud et moi-même avons soumis nos propositions au Président de la République.
Pour sortir de cette crise, il faut renouer avec la lucidité, l’humilité et l’impartialité qui prévalaient depuis 1988. Il faut créer immédiatement une mission de dialogue entre tous les partenaires calédoniens et l’État. Il faut annoncer que le Congrès ne sera pas convoqué. Il faut aboutir, sans ultimatum dans le temps, à un accord global tripartite dont vous devez être le garant, monsieur le Premier ministre.
Vos appels au calme ont été totalement improductifs, car ce dossier ne devait pas quitter le bureau historique du Premier ministre.
En conséquence, allez-vous interrompre le processus constitutionnel ? Allez-vous enfin vous engager personnellement ? Allez-vous vous rendre en Nouvelle-Calédonie ? (Applaudissements sur les travées des groupes SER et GEST.)
M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.
M. Gabriel Attal, Premier ministre. Monsieur le sénateur Patrick Kanner, je salue la tonalité de votre question : il y a d’abord une volonté commune, celle du retour à l’ordre, au calme et à la sérénité. C’est la priorité absolue. Aucune violence n’est jamais justifiable ou tolérable, aucune violence n’est acceptable.
J’ai de nouveau une pensée pour les victimes des violences qui se sont produites ces dernières heures et renouvelle tout mon soutien à nos forces de sécurité. Nos forces de l’ordre seront renforcées dans les prochaines heures ; des renforts ont en effet été envoyés par le ministre de l’intérieur et des outre-mer afin de continuer à protéger les Calédoniens victimes de ces violences.
Pour le reste, monsieur le sénateur, je vous redirai ce que j’ai répondu à François Patriat : un processus démocratique a conduit les Calédoniens à se prononcer par trois fois (Murmures sur les travées du groupe GEST.) ; ensuite, un projet de loi constitutionnelle a été soumis démocratiquement au Parlement et adopté dans les mêmes termes par le Sénat et par l’Assemblée nationale.
M. Yannick Jadot. Et alors ?
M. Gabriel Attal, Premier ministre. L’aboutissement de cette procédure institutionnelle et démocratique, c’est la convocation du Parlement en Congrès. Si nous n’étions pas ouverts au dialogue, si nous ne recherchions pas un accord politique global, nous aurions annoncé la convocation du Parlement en Congrès immédiatement après l’adoption de ce texte dans les mêmes termes par l’Assemblée nationale. (Exclamations sur les travées des groupes SER et CRCE-K.)
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. C’est bien ce qui se passe !
M. Gabriel Attal, Premier ministre. Pourtant, le Président de la République a proposé que nous puissions nous mettre autour de la table avec l’ensemble des responsables calédoniens avant que le Parlement ne soit réuni en Congrès, précisément pour laisser du temps au dialogue et continuer à se parler.
M. Yannick Jadot. Donnez du temps !
M. Gabriel Attal, Premier ministre. Je proposerai dans les toutes prochaines heures une date aux forces politiques calédoniennes pour que nous puissions nous rencontrer et avancer ensemble, au service des Calédoniens, au service de la République. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
M. le président. La parole est à M. Patrick Kanner, pour la réplique.
M. Patrick Kanner. Monsieur le Premier ministre, nous le savons, cette crise se produit sur fond de crise économique, de crise sociale, de crise institutionnelle, d’influences étrangères.
Vous avez délibérément décidé de tourner le dos à une méthode éprouvée depuis 1988 par Michel Rocard, puis par Lionel Jospin. C’est la première fois depuis cette date qu’un gouvernement décide unilatéralement d’engager un processus constitutionnel avant d’avoir trouvé un accord à l’échelon local.
M. Rachid Temal. Oui !
M. Patrick Kanner. C’est la première fois !
Monsieur le Premier ministre, votre rôle, c’est de prévenir les crises, non d’éteindre les incendies. (Applaudissements sur les travées des groupes SER, CRCE-K et GEST.)
nouvelle-calédonie (iii)
M. le président. La parole est à Mme Cécile Cukierman, pour le groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky.
Mme Cécile Cukierman. Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, mes chers collègues, j’associe à cette question d’actualité notre collègue Robert Wienie Xowie, retenu en Nouvelle-Calédonie.
Monsieur le Premier ministre, comment ne pas constater que votre jusqu’au-boutisme ainsi que celui du Président de la République ont plongé la Nouvelle-Calédonie dans une crise profonde, marquée par la violence ?
On dénombre déjà des centaines de blessés, notamment un gendarme, très grièvement blessé. Trois manifestants ont déjà été tués. C’est terrible ! Il faut que cela s’arrête. Au nom de mon groupe, je présente toutes mes condoléances aux familles concernées.
Cet acharnement a conduit à l’adoption à marche forcée du projet de loi constitutionnelle qui remet en cause le processus de décolonisation issu de l’accord de Nouméa en actant le dégel du corps électoral. En faisant cela, vous avez fait vaciller la paix civile.
Cessez donc vos éléments de langage ! Vous saviez qu’en poussant l’Assemblée nationale au vote du texte, véritable victoire à la Pyrrhus, vous fermiez la porte au dialogue.
Ce n’est pas un conseil de défense et de sécurité nationale qu’il faut, c’est le retrait du projet de loi, seul acte à même de permettre l’apaisement et la reprise du dialogue, comme le demande collectivement la quasi-totalité des groupes politiques au congrès de Nouvelle-Calédonie.
Il y a une heure, l’état d’urgence a été annoncé. Cette décision signe la faillite de votre politique. Je l’affirme solennellement : c’est une faute démocratique lourde d’avoir recours à l’état d’urgence pour imposer un projet de loi, de surcroît un projet de loi constitutionnelle.
Monsieur le Premier ministre, vous pouvez, vous devez stopper cet engrenage. Allez-vous retirer le projet de loi constitutionnelle ? (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE-K et SER. – Mme Raymonde Poncet Monge applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.
M. Gabriel Attal, Premier ministre. Madame la sénatrice Cukierman, j’étais en accord avec le début de votre question, je suis fortement en désaccord avec sa fin. L’état d’urgence n’est pas instauré pour un projet de loi constitutionnelle, il l’est pour protéger les Calédoniens qui, depuis plusieurs jours, sont victimes de violences.
Le seul objectif des mesures que nous avons décidées en conseil de défense, notamment l’état d’urgence qui sera tout à l’heure soumis au conseil des ministres, c’est le retour à l’ordre. Pourquoi ? Parce que c’est un préalable à tout, parce que la violence ne peut jamais être justifiée ou acceptable.
Pour le reste, j’ai déjà répondu à deux reprises, à MM. François Patriat et Patrick Kanner. Je rappelle le processus qui a été conduit ces dernières années par le Gouvernement, par Sébastien Lecornu, quand il était ministre des outre-mer, par Gérald Darmanin, ministre de l’intérieur et des outre-mer. Il a permis l’organisation de ces référendums et l’élaboration du texte qui a été adopté largement par le Sénat comme par l’Assemblée nationale.
La tension est très forte. Je salue la responsabilité de l’ensemble des forces politiques calédoniennes, qui ont appelé au calme et à la fin des violences. Nous devons toutes et tous nous hisser à leur hauteur et faire preuve du même grand sens des responsabilités qu’elles aujourd’hui. C’est ce que je retiens de leurs différentes interventions.
Je le redis une nouvelle fois : notre main est toujours tendue, nous sommes toujours ouverts au dialogue. Je souhaite évidemment que la rencontre avec les forces politiques calédoniennes que nous avons proposée puisse avoir lieu très rapidement. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
M. le président. La parole est à Mme Cécile Cukierman, pour la réplique.
Mme Cécile Cukierman. Monsieur le Premier ministre, le dialogue ne se décrète pas, pas plus qu’il ne s’impose. Il se construit dans le respect des forces en présence.
Avec la méthode qui a été la vôtre, vous avez attisé le feu. Il est maintenant temps de l’éteindre et de reprendre sur de nouvelles bases la construction d’un avenir meilleur pour le peuple kanak comme pour la République française. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K.)
situation en géorgie
M. le président. La parole est à M. François Bonneau, pour le groupe Union Centriste. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
M. François Bonneau. Ma question s’adresse à M. le ministre de l’Europe et des affaires étrangères.
La République de Géorgie poursuivait résolument son chemin vers l’intégration européenne, confirmée par l’obtention du statut de candidat à l’Union européenne à la fin de 2023. Il s’agit là d’une avancée significative qui a renforcé les aspirations européennes de plus de 80 % de sa population.
Cette dynamique se trouve aujourd’hui menacée. Nous observons avec une profonde préoccupation que le parti au pouvoir, Rêve géorgien, dirigé par l’oligarque Bidzina Ivanichvili, adopte des lois qui tournent le dos aux valeurs et aux principes européens, malgré les avertissements répétés du Conseil de l’Europe et de la Commission de Venise. Plus particulièrement, le projet de loi sur la transparence de l’influence étrangère, évoquant étrangement la loi russe sur les agents étrangers, a suscité une vaste opposition au sein de la population et de très nombreuses manifestations à Tbilissi.
Dans un contexte déjà alourdi par les tensions régionales liées à la guerre en Ukraine et la présence militaire russe dans les pays du Caucase du Sud, la Géorgie risque de se retrouver isolée à un moment très critique de son histoire moderne.
La France a une relation historique avec la Géorgie, notamment marquée par l’accueil du gouvernement géorgien en exil de 1918 à 1921. Elle a joué un rôle clé dans la stabilisation post-guerre russo-géorgienne de 2008. Elle se doit aujourd’hui de prendre vigoureusement position.
Nos engagements concernant l’intégrité territoriale et la souveraineté de la Géorgie sont clairs, tout comme est manifeste notre soutien aux valeurs de démocratie et de liberté. La présidente de la Géorgie, Salomé Zourabichvili, franco-géorgienne, incarne les liens entre nos deux pays et s’oppose avec beaucoup de courage aux caciques du parti en place.
Monsieur le ministre, compte tenu de ces éléments, comment la France prévoit-elle de défendre nos intérêts stratégiques communs et de soutenir les Géorgiens dans leur aspiration européenne, malgré l’adoption de la loi controversée, adoption par ailleurs applaudie par la Russie et la Biélorussie ? (Applaudissements sur les travées du groupe UC. – M. Emmanuel Capus applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué chargé de l’Europe.
M. Jean-Noël Barrot, ministre délégué auprès du ministre de l’Europe et des affaires étrangères, chargé de l’Europe. Monsieur le sénateur François Bonneau, hier soir, comme depuis plusieurs semaines, le peuple géorgien s’est levé pour défendre la liberté et la démocratie, en bravant les violences et les milices, en brandissant le drapeau européen, en chantant l’Ode à la joie.
Vous avez raison, nous ne pouvons rester sourds au chant d’un peuple qui rêve de la démocratie telle que nous la connaissons et la vivons en Europe. À l’heure où l’Europe est tant décriée, dénigrée par les populistes et les nationalistes de tous bords, ce chant qui s’élève dans la nuit en Géorgie nous rappelle que l’Europe, c’est la liberté, que l’Europe, c’est la démocratie, que l’Europe, c’est l’espérance pour tant de peuples dans le monde.
Oui, je veux dire au peuple géorgien que la France l’entend, que l’Europe l’entend et qu’il est l’incarnation de la volonté des peuples à vivre libres. Je sais d’ailleurs, monsieur le sénateur, qu’avec le président de la commission des affaires européennes, Jean-François Rapin, et une délégation de sénateurs vous avez récemment relayé ce message en Géorgie.
Oui, la France déplore l’adoption de ce projet de loi, qui discrédite les ONG et les médias indépendants. La France condamne les violences contre les manifestations et appelle les autorités géorgiennes à faire respecter le droit de manifester pacifiquement et la liberté des médias.
Oui, la France se tient aux côtés de la Géorgie dans son chemin vers l’Union européenne, qui est le seul auquel son peuple aspire. Chacun le sait ici, rien n’est plus puissant qu’une idée dont le temps est venu. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
liberté de la presse, liberté d’expression et défense de l’audiovisuel public
M. le président. La parole est à Mme Anne Souyris, pour le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)
Mme Anne Souyris. Ma question s’adressait à Mme la ministre de la culture.
Dimanche dernier, l’ensemble des organisations syndicales représentatives de Radio France appelaient à la grève, pour la liberté d’expression. Leur inquiétude est justifiée par une suite d’événements troublants, dans un contexte de montée de l’extrême droite, de politiques liberticides et de répression des manifestations, notamment étudiantes, au sein même de nos universités, dans notre pays et en Europe. (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)
D’abord, l’humoriste Guillaume Meurice est suspendu par la direction de Radio France pour des propos tenus à l’antenne. (Nouvelles exclamations sur les mêmes travées.) S’ils interrogent, ces propos n’ont pas fait l’objet d’une condamnation par la justice – au contraire, la plainte a été classée sans suite.
M. Roger Karoutchi. Pas pour les mêmes raisons !
Mme Anne Souyris. Ensuite, Mme Dati présente un projet de réforme de l’audiovisuel public, une sorte de « fusion-acquisition » des médias publics. Lundi dernier, madame la ministre, un député de votre majorité s’en inspirait et proposait de remplacer France 24 – elle rassemble 140 millions de téléspectateurs sur cinq continents et propose des programmes en quatre langues – par France Info, dont le service, certes, est de grande qualité, mais dont l’audience reste discrète.
« En même temps », les directions des médias publics proposent un virage éditorial et suppriment des programmes majeurs comme Vert de rage, Planète bleue, Le pourquoi du comment : économie et social et La Terre au carré, autant de programmes sur l’environnement qui n’ont probablement pas beaucoup d’intérêt pour certains…
Après tout, « qui aurait pu prédire la crise climatique ? » Je ne vous le demanderai pas ! (Sourires sur les travées des groupes GEST, SER et CRCE-K.) Qui aurait pu prédire la crise démocratique et climatique ?
Madame la ministre, je vous rappelle que la démocratie est vivante quand elle est plurielle. Oui, les médias publics sont puissants quand ils sont libres de s’exprimer.
Madame la ministre, comment allez-vous garantir le pluralisme et la liberté d’expression des médias publics, donc la démocratie elle-même, avec cette réforme ? (Applaudissements sur les travées du groupe GEST, ainsi que sur des travées des groupes SER et CRCE-K.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée chargée du renouveau démocratique, porte-parole du Gouvernement.
Mme Prisca Thevenot, ministre déléguée auprès du Premier ministre, chargée du renouveau démocratique, porte-parole du Gouvernement. Madame la sénatrice Souyris, je vous prie d’excuser la ministre de la culture qui ne peut pas être présente aujourd’hui.
Vous avez souligné l’importance de l’audiovisuel public. Nous devons en effet le renforcer, car il fait face à deux défis majeurs : d’une part, une concurrence exacerbée, également à l’international, d’autre part, la défiance de plus en plus importante à l’égard de l’information.
Dans ce cadre, un projet de loi a été présenté, débattu et voté hier en commission à l’Assemblée nationale. Ce texte ne vient pas de nulle part, il s’inspire directement de travaux parlementaires, qu’il s’agisse du rapport d’information de MM. Gattolin et Leleux, de celui de MM. Karoutchi et Hugonet ou de celui de MM. Gaultier et Bataillon. Tous veulent la même chose : conserver un audiovisuel puissant, fort et indépendant. Nous devons donc continuer à être respectueux de cet audiovisuel et à travailler ensemble sur tous ces enjeux.
Madame la sénatrice, je tiens à le dire, je suis assez étonnée de vous entendre évoquer un risque pour la liberté d’expression et la pluralité d’expression d’opinions dans notre audiovisuel en général. S’il y a un risque, il vient de certains de vos alliés à l’Assemblée nationale (Exclamations sur les travées des groupes GEST, SER et CRCE-K.), qui, pas plus tard qu’hier, appelaient à supprimer les éditorialistes et à menacer la liberté d’opinion. (Marques d’approbation et applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)
Charité bien ordonnée commence par soi-même ! (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
lutte contre le narcotrafic (i)
M. le président. La parole est à M. Étienne Blanc, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Étienne Blanc. Ma question s’adresse à M. le Premier ministre.
L’ensemble des sénateurs du groupe Les Républicains partagent les sentiments d’effroi et de compassion qui ont été exprimés sur toutes les travées à la suite du drame survenu hier dans le département de l’Eure.
Monsieur le Premier ministre, Jérôme Durain, président de la commission d’enquête, et moi-même avons mené des travaux sur l’impact du narcotrafic en France et les mesures à prendre pour y remédier. Dans notre rapport, il apparaît une sorte de dissonance entre deux chiffres : d’une part, le chiffre d’affaires du narcotrafic s’établit entre 3,5 milliards d’euros et 6 milliards d’euros, d’autre part, le montant des saisies réalisées par la justice s’élève à 117 millions d’euros. Autant vous dire, monsieur le Premier ministre, que cette différence est absolument considérable.
Pourtant, c’est là que réside la réponse. La confiscation, les saisies, c’est bien ce qui permet de détruire la motivation même du système de narcotrafic en France. Qui plus est, dans une République qui connaît des problèmes pour faire face au fonctionnement de sa justice, dont la police et la douane manquent de moyens, nous pouvons trouver là un gisement de ressources absolument considérable permettant de répondre aux besoins des services.
Monsieur le Premier ministre, ma question est simple : pourquoi ce montant est-il aussi faible ? Qu’est-ce qui l’explique ? Quels moyens votre gouvernement mettra-t-il en place pour saisir ce qui doit être saisi et mis à la disposition de la sécurité des Français ? (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée chargée de l’enfance, de la jeunesse et des familles. (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Sarah El Haïry, ministre déléguée auprès de la ministre du travail, de la santé et des solidarités, de la ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse et du garde des sceaux, ministre de la justice, chargée de l’enfance, de la jeunesse et des familles. Monsieur le sénateur Étienne Blanc, vous l’avez dit et nous faisons nôtres vos propos : notre pays est en deuil, parce que, oui, hier, deux agents de l’administration pénitentiaire ont été lâchement abattus par un commando barbare. Trois autres agents sont gravement blessés et le pronostic vital de l’un d’entre eux est encore engagé, tout est mis en œuvre pour qu’il s’en sorte.
Le garde des sceaux s’est rendu immédiatement auprès de leurs collègues, à Caen, et il a également pu rencontrer les familles. (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Michel Savin. Ce n’est pas le sujet !
Mme Sarah El Haïry, ministre déléguée. Je veux le dire ici et le rappeler, à la suite du Premier ministre : au travers de ces agents de la pénitentiaire, c’est bien la République entière qui est gravement attaquée. (Protestations sur les mêmes travées.)
Monsieur le sénateur Blanc, il se trouve qu’en ce moment même le garde des sceaux discute avec l’intersyndicale des agents pénitentiaires…
M. François Bonhomme. Ce n’est pas la question !
Mme Sarah El Haïry, ministre déléguée. J’y arrive.
… et la violence de ces crimes inouïs conduit celui-ci à adopter des mesures radicales contre le crime organisé. (Mêmes mouvements.)
Dès le mois dernier, le garde des sceaux a annoncé des mesures fortes : création d’un parquet national anticriminalité, cour d’assises spécialement composée pour les règlements de compte, statut du repenti, nouveau crime d’association de malfaiteurs. Monsieur le sénateur, à l’automne prochain, un projet de loi spécifique sera présenté. Il pourra être nourri de votre rapport, dont le garde des sceaux salue la qualité…
M. François Bonhomme. Merci !
Mme Sarah El Haïry, ministre déléguée. … et que vous présenterez officiellement, je crois, dès mardi prochain.
Nous tirerons toutes les conséquences de ce drame atroce. Notre main ne tremblera pas ni sur les confiscations ni sur les sanctions. (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. François Bonhomme. Un numéro vert ?
Mme Sarah El Haïry, ministre déléguée. Vous pouvez compter sur la détermination du garde des sceaux pour répondre aux enjeux, sur lesquels nous sommes d’accord. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
M. le président. La parole est à M. Étienne Blanc, pour la réplique.
M. Étienne Blanc. Madame la ministre, votre absence de réponse est révélatrice de l’ampleur du désastre. (Applaudissements nourris sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. Georges Naturel, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Georges Naturel. Monsieur le Premier ministre, depuis trois jours, je suis en lien étroit avec nos compatriotes calédoniens, soumis à la violence et à la peur, dans une situation insurrectionnelle et un chaos urbain.
Vous connaissez le triste bilan. Il ne fait que s’alourdir. On dénombre déjà quatre morts. J’apprends à l’instant le décès du gendarme qui se trouvait en urgence absolue : il a payé de sa vie la défense de la République et la protection des Calédoniens. Plus d’une centaine d’entreprises ont été détruites ou pillées. Pour faire face à cette situation insurrectionnelle, des milices civiles ont été mises en place dans différents quartiers.
À mon tour, je tiens à rendre hommage aux forces de l’ordre, épuisées, qui affrontent avec courage et ténacité ces situations de chaos urbain, ainsi qu’à tous les Calédoniens qui ont vu leurs biens ravagés et partir en fumée et qui sont reclus dans l’angoisse et la crainte, sans céder aux provocations.
Nous saluons l’instauration de l’état d’urgence décidée cet après-midi par le Président de la République à la suite de nos appels au sursaut. Comme vous l’avez rappelé tout à l’heure, monsieur le Premier ministre, il faut à tout prix rétablir l’ordre en Nouvelle-Calédonie. C’est tout l’objet de ma question.
Comment comptez-vous renouer les fils du dialogue dans le dossier calédonien ? Reprendrez-vous personnellement le dossier ? Quels acteurs calédoniens participeront aux discussions annoncées à Paris ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de l’intérieur et des outre-mer.
M. Gérald Darmanin, ministre de l’intérieur et des outre-mer. Monsieur le sénateur Naturel, nous venons en effet d’apprendre la mort du gendarme de 24 ans de l’escadron de Melun. En tant que ministre de l’intérieur, je tiens à exprimer mon émotion. J’ai une pensée pour lui, sa famille et ses camarades.
Voici comment il est mort, monsieur le sénateur : après une nuit de protection dans un endroit particulièrement dangereux, où les tirs ont été effectués à balles réelles, des « vieux », comme l’on dit chez vous en Nouvelle-Calédonie, sont venus parler aux gendarmes, il a alors retiré son casque, s’est fait tirer dessus et a reçu une balle en plein front.
Depuis trois jours, alors que c’est la démocratie que nous rétablissons en Nouvelle-Calédonie, conformément à la volonté du peuple calédonien qui s’est exprimée par trois fois, des centaines de policiers et de gendarmes sont blessés, leurs familles terrorisées. Aucun mort du fait du travail des policiers et des gendarmes n’est à déplorer. Ils ne font qu’assurer la protection des Calédoniens.
J’en veux pour preuve, monsieur le sénateur, parce que ce n’est jamais dit, ces véhicules blindés des gendarmes dans lesquels se trouvaient des parturientes kanakes, des citoyennes françaises qui traversaient la Nouvelle-Calédonie pour aller accoucher : ils se sont fait tirer dessus à balles réelles. Voilà ce qui se passe en Nouvelle-Calédonie !
La violence qui s’exprime là n’a rien à voir avec la politique. La CCAT (cellule de coordination des actions de terrain), qui, on le sait, est désormais loin du FLNKS (Front de libération nationale kanak et socialiste), est un groupe mafieux, qui veut manifestement instaurer la violence comme elle l’a fait dans l’usine du Sud, l’année dernière. La République ne tremblera pas.
Oui au dialogue politique. Vous savez que, en Nouvelle-Calédonie, en ce moment, le dialogue politique existe entre le FNLKS et les loyalistes. Pendant que nous débattions au Parlement, des réunions se tenaient et je salue, comme l’ont fait le président du Sénat et le Président de la République, le communiqué commun de toutes les forces politiques.
Reste qu’il ne faut pas confondre la pression politique, les manifestations et les contestations avec la violence, les tirs à balles réelles et les personnes qui pillent, qui tuent et qui en veulent à la République.
Oui au dialogue, comme l’a dit le Premier ministre, autant qu’il le faudra, où il le faudra, avec qui il le faudra, mais jamais la République ne doit trembler devant les kalachnikovs. (Applaudissements sur les travées des groupes RDPI, INDEP, UC et Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. Georges Naturel, pour la réplique.
M. Georges Naturel. Monsieur le ministre, je vous remercie de cette réponse.
Oui, il faut rétablir l’ordre. Ce sera long.
Il faut reconstruire ce qui a été détruit ces trois derniers jours. Ça aussi, ce sera long.
Il faut à tout prix renouer de manière sérieuse les fils du dialogue. Confierez-vous ce chantier à des personnalités qualifiées et à de nouveaux interlocuteurs, qui sauront lancer un nouveau format et repenser la méthode, comme cela a été demandé plusieurs fois ?
Monsieur le Premier ministre, je m’adresse à vous : ne nous abandonnez pas ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
lutte contre le narcotrafic (ii)
M. le président. La parole est à M. Jérôme Durain, pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
M. Jérôme Durain. Ma question s’adresse à M. le ministre de l’intérieur et des outre-mer.
Le drame qui s’est produit hier dans l’Eure a profondément ému la représentation nationale. Je veux exprimer au nom de mon groupe nos sincères condoléances aux familles et aux proches des agents blessés ou sauvagement assassinés.
Je le dis avec toute la prudence qui convient, il est difficile de ne pas relier ces faits aux constats que la commission d’enquête sénatoriale sur l’impact du narcotrafic en France et les mesures à prendre pour y remédier a formulés hier. Fort de ce rapport, le Sénat appelle à « un nécessaire sursaut [pour] sortir du piège du narcotrafic ».
Pourtant, monsieur le ministre, vous avez réitéré ce matin votre volonté d’attaquer le fléau par le bas. Nous pensons au contraire qu’il faut frapper les réseaux au portefeuille et à la tête.
Monsieur le ministre, allez-vous répondre à l’appel unanime du Sénat ? (Applaudissements sur les travées du groupe SER. – M. Thomas Dossus applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de l’intérieur et des outre-mer.
M. Gérald Darmanin, ministre de l’intérieur et des outre-mer. Monsieur le sénateur Durain, c’est avec prudence que vous faites le lien entre l’attaque ignoble qui a eu lieu au péage dans l’Eure et le narcotrafic. Pour ma part, je ne m’encombre pas de prudence : il y a un lien, c’est une évidence.
D’abord, parce que nous parlons d’un narcotrafiquant ayant été arrêté par la police de notre pays. Il avait entamé sa carrière de criminel – si j’ose dire – dès l’âge de 10 ans et il était manifestement – c’est pour cela qu’il a été par deux fois jugé aux assises – le commanditaire de meurtres à Marseille, là où la police et la justice accomplissent un travail formidable et, vous le savez, très difficile.
Ensuite, parce que l’équipe de tueurs qui est intervenue – l’enquête le dira, mais, après quatre ans au ministère de l’intérieur, je commence malheureusement à avoir un peu d’expérience – a procédé de façon à peu près similaire à ce que l’on voit lors des règlements de compte dans certaines villes, notamment dans le sud de la France.
Monsieur le sénateur, vous avez parfaitement raison. Devant votre commission d’enquête, j’ai moi-même évoqué le fait que le narcotrafic était le plus grand danger pour notre unité nationale. Bien sûr qu’il faut par le bas attaquer les points de deal, interpeller les « choufs » et les trafiquants, faire des saisies et attaquer les consommateurs, mais personne ne doute un seul instant que le sénateur Blanc et vous-même ayez raison : la confiscation doit être générale, l’argent du crime doit être confisqué et nous devons faire cent fois plus que ce que nous faisons collectivement.
Comme l’a dit la ministre déléguée en réponse à une question précédente, nous suivrons les préconisations du Sénat.
C’est tout notre pays, le monde entier qui doit réagir. En effet, que se passe-t-il ? Monsieur le sénateur, vous le savez très bien. La première cause de mortalité aux États-Unis, le plus grand pays développé au monde, c’est le Fentanyl. Aux Pays-Bas, en Belgique, on assassine des journalistes et des avocats et on assassine peut-être putativement des hommes et des femmes politiques. En Amérique du Sud, la production de stupéfiants a été multipliée par cent parce que les États-Unis se sont désintéressés de ce trafic. En Afghanistan, depuis que nous en sommes partis avec les Américains, l’augmentation de la production d’héroïne et de cocaïne paie l’argent de la drogue et la rend moins chère chez nous.
Oui, monsieur le sénateur, il faut tous se réveiller. Cela fait quatre ans que je le dis : la drogue, il faut la combattre ; elle n’est jamais festive, mais toujours mortelle. Nous vous accompagnerons. Plus personne ne doit tenir un discours complaisant à l’égard de cette consommation. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI, ainsi que sur des travées des groupes INDEP, UC et Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. Jérôme Durain, pour la réplique.
M. Jérôme Durain. Monsieur le ministre, l’écart est grand entre le discours que vous tenez devant nous et les actes du Gouvernement.
Vous affirmez que la drogue est la plus grande menace sécuritaire que notre pays et le monde vont connaître. Nous partageons cet avis, mais nous estimons que votre réponse n’est pas à la hauteur de la menace.
Sur le terrorisme, nous sommes en ordre de bataille. Sur le narcotrafic, nous avançons en ordre dispersé. Corruption, outre-mer, blanchiment, sécurité des ports, prison, procédure pénale, coopération internationale, magistrats et policiers en demande de moyens : tous les chantiers sont ouverts.
Le Sénat propose la création d’un parquet national anti-stupéfiants, avec pour corollaire du côté répressif une sorte de Drug Enforcement Administration à la française (DEA). Nous vous proposons une vision globale, une stratégie et surtout des moyens et un pilotage spécifique des services de renseignement, de sécurité et de justice favorisant un dialogue entre eux.
Ces propositions sont sur la table. Il est temps que le Gouvernement s’en saisisse ! (Applaudissements sur les travées du groupe SER, ainsi que sur des travées du groupe RDSE. – MM. Franck Dhersin, Rémy Pointereau et Mme Nadine Bellurot applaudissent également.)
recrutement des enseignants
M. le président. La parole est à Mme Catherine Belrhiti, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Catherine Belrhiti. Ma question s’adresse à Mme la ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse.
Madame la ministre, vous avez récemment reconnu les difficultés de recrutement des enseignants dans certaines académies pour la rentrée 2024. Les premiers résultats des écrits du concours de recrutement des professeurs des écoles affichent ainsi un ratio de candidats par poste largement inférieur aux précédentes décennies, et ce avant même les résultats définitifs.
Face à ce constat, vous répondez chaque année par le recrutement de nouveaux contractuels, dans des conditions de formation loin d’être adaptées. La volonté gouvernementale de passer le concours de recrutement à bac+3 est une réponse bien insuffisante face à la gravité de la situation. Insérer nos futurs enseignants dans leur milieu professionnel selon les modalités actuelles ne conduira qu’à les exposer à plusieurs problèmes systémiques de l’éducation nationale : la rémunération, le déroulement des carrières, la mobilité et le manque de reconnaissance. Qui aujourd’hui souhaiterait gagner 1,1 fois le Smic en début de carrière après cinq années d’études ?
De plus, le système de gestion des ressources humaines, qui ne fonctionne qu’à l’ancienneté, conduit à envoyer de jeunes professeurs loin de chez eux, dans les territoires réputés les plus difficiles. Cela revient souvent à leur demander de sacrifier leur projet de vie.
Madame la ministre, quand le Gouvernement se décidera-t-il enfin à mettre en place un pacte qui rendra à la profession son attractivité et offrira à la jeunesse de ce pays un avenir ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse.
Mme Nicole Belloubet, ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse. Madame la sénatrice Belrhiti, j’ai effectivement reconnu que nous rencontrions des difficultés de recrutement de nos personnels enseignants lors des concours.
Je me permets simplement de signaler que nous ne sommes pas les seuls dans ce cas. (Exclamations ironiques sur les travées du groupe Les Républicains.) J’ai récemment participé à une réunion du Conseil de l’Union européenne : tous les pays – je dis bien : « tous les pays » – de l’Union européenne, quelles que soient les rémunérations de leurs enseignants, quelle que soit l’organisation de leur système éducatif, connaissent de telles difficultés.
Nous avons pris un certain nombre de décisions pour y faire face.
D’abord, ainsi que vous l’avez rappelé, nous allons – je le reconnais devant vous – recruter des personnels contractuels, afin d’assurer la rentrée prochaine. Mais nous le ferons suffisamment tôt, parfois dès le 1er juin, pour que les personnes concernées puissent bénéficier d’une formation et prendre leur poste au 1er septembre. Cela me semble être un progrès.
Ensuite, comme mes prédécesseurs s’y étaient engagés, et contrairement à ce que vous indiquez, nous avons augmenté la rémunération de nos personnels enseignants, notamment en début de carrière. Alors qu’un enseignant du premier degré gagnait moins de 1 800 euros net par mois en 2017, il gagne plus de 2 100 euros net par mois aujourd’hui. Je pense que cela mérite d’être salué.
Enfin, ainsi que vous l’avez souligné, nous avons décidé de modifier la formation initiale de nos personnels. Nous mettons en place – c’est véritablement une réforme structurante et enthousiasmante – une formation d’excellence. D’une part, la préparation au concours se fera désormais à bac+3. D’autre part, les jeunes recrutés bénéficieront d’une gratification et d’une rémunération. Ils poursuivront leurs études jusqu’au master tout en effectuant sur le terrain des stages d’observation et de pratique accompagnée et des stages en responsabilité afin de se professionnaliser.
Ces différents éléments conditionnent, me semble-t-il, l’attractivité de la profession. J’y crois beaucoup.
M. le président. Il faut conclure !
Mme Nicole Belloubet, ministre. Et je pense surtout que, comme le disait Charles Péguy, le métier d’enseignant est le plus beau métier du monde, et qu’il faut…
M. Rachid Temal. Le payer correctement !
Mme Nicole Belloubet, ministre. … le dire et le redire. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
M. le président. La parole est à Mme Catherine Belrhiti, pour la réplique.
Mme Catherine Belrhiti. Madame la ministre, j’ai enseigné pendant quarante ans ; ce métier, je le connais. La crise la plus difficile que nous ayons à résorber est certainement celle de l’enseignement.
Vous traitez le problème d’attractivité par de petites réformes mises bout à bout, alors que nous avons besoin de repenser la profession en prévoyant un véritable plan d’insertion des jeunes professeurs. Par exemple, la régionalisation des concours semble aujourd’hui une étape indispensable.
Madame la ministre, sans une réforme d’ampleur, sans ce nouveau pacte fondateur, la contractualisation de l’éducation nationale est inexorable.
Soyez-en assurée, les professeurs qui ne s’épanouissent pas dans leur métier ne seront pas en mesure de former les têtes bien faites de demain ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
quatrième année d’études en médecine générale
M. le président. La parole est à M. Guislain Cambier, pour le groupe Union Centriste. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
M. Guislain Cambier. Ma question s’adresse à M. le ministre délégué auprès de la ministre du travail, de la santé et des solidarités, chargé de la santé et de la prévention.
Depuis décembre 2022, les internes en quatrième année de médecine générale doivent effectuer un stage en cabinet médical. Cette réforme a deux objectifs : d’une part, renforcer la formation et la professionnalisation des médecins généralistes afin de faciliter et de sécuriser leur installation ; d’autre part, répondre aux besoins de santé croissants de la population, en particulier dans les territoires plus isolés et moins dotés en ressources médicales. Ce sont de beaux objectifs, mais rien n’est prêt !
Dans nos territoires, les élus, les médecins, les formateurs et les étudiants nous alertent sur l’urgence de publier les textes réglementaires. Les futurs généralistes concernés ont en effet débuté leur internat en 2023. Votre prédécesseur avait acté oralement plusieurs arbitrages qui ont engagé la parole de l’État auprès des étudiants, des professionnels et de la population. Mais, à ce jour, aucun texte relatif aux questions évoquées n’a été publié.
De ce fait, dans mon département, le Nord, beaucoup de praticiens nous disent qu’ils n’ont pas la place dans leur cabinet pour recevoir les 250 docteurs juniors programmés par an. Ces médecins risquent d’avoir à exercer dans des salles qui ne sont pas destinées à des consultations médicales, avec seulement un lit, une table et un ordinateur.
Les élus locaux sont évidemment prêts à accompagner la réforme pour revitaliser la médecine de proximité et orienter nos médecins vers nos territoires. Mais mettre à disposition de nouveaux locaux, des logements et, éventuellement, les construire nécessite un calendrier précis.
Monsieur le ministre, dans quels locaux les docteurs juniors exerceront-ils ? Sous quelle autorité ? Quelle sera leur formation, et celle des maîtres de stage ? Quid de leur rémunération et de leur logement ? (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué chargé de la santé et de la prévention.
M. Frédéric Valletoux, ministre délégué auprès de la ministre du travail, de la santé et des solidarités, chargé de la santé et de la prévention. Monsieur le sénateur Guislain Cambier, comme vous l’avez souligné, la médecine générale est essentielle à l’avenir de notre système de santé.
C’est pourquoi le Gouvernement a souhaité envoyer un signal fort d’attractivité et de reconnaissance – c’est un terme que vous avez employé –, afin que les jeunes soient de plus en plus nombreux à choisir cette voie et à s’installer dans nos territoires.
Conformément aux engagements du Président de la République, mes prédécesseurs, en lien avec Sylvie Retailleau, ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche, ont engagé une réforme ajoutant une quatrième année au diplôme d’études spécialisées de médecine générale.
En effet, jusqu’à présent, la médecine générale était la seule discipline à n’avoir que trois années d’internat. Cette absence de phase de consolidation était considérée comme une faiblesse ne favorisant pas l’installation en sortie de cursus dont nous avons besoin.
La nouvelle maquette de formation du diplôme d’études spécialisées de médecine générale a été publiée l’an dernier. Elle a suscité des interrogations de la part des internes et de nombreux acteurs. Aussi ai-je demandé à des personnalités qualifiées de poursuivre la concertation nécessaire à l’identification des conditions de succès.
Des textes d’application – vous y avez fait référence – doivent encore être publiés. Je veillerai à ce qu’ils puissent l’être dans les meilleurs délais, c’est-à-dire d’ici à la fin de l’été.
Dès l’année 2026, ce sont 3 600 docteurs juniors qui pourront venir consulter, sous la supervision de médecins généralistes partout dans nos territoires, et notamment dans les zones les moins dotées. Pour qu’ils puissent s’installer dans les déserts médicaux, nous devons travailler dès maintenant à leurs conditions d’accueil et de logement.
Je souhaite anticiper l’échéance en la préparant dès à présent avec les collectivités territoriales. Pour cela, j’ai reçu l’ensemble des associations d’élus locaux, notamment les maires de France.
Je tiens à rappeler un élément : couplée à la fin du numerus clausus, qui est en vigueur depuis 2019 et qui a déjà permis – rappelons-le – de compter 25 % d’étudiants en plus en deuxième année de médecine, la réforme de la quatrième année de médecine générale constitue un tournant majeur pour la structuration des soins primaires dans notre pays.
Nous serons au rendez-vous : nous préparons dès maintenant les stages dans les territoires sous-dotés. Nous publierons les textes qui vous préoccupent tant, monsieur le sénateur. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
M. le président. La parole est à M. Guislain Cambier, pour la réplique.
M. Guislain Cambier. Monsieur le ministre, je vous remercie de cette réponse. De nombreux internes qui, après avoir été formés à Lille, ont découvert Maubeuge, Avesnes-sur-Helpe ou Gouzeaucourt veulent s’y installer. Nous souhaitons le succès de la réforme. Nous avons donc besoin de ces textes pour pouvoir transformer l’essai. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
participation de taïwan à l’assemblée de l’organisation mondiale de la santé
M. le président. La parole est à Mme Else Joseph, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Else Joseph. Ma question s’adressait à M. le ministre de l’Europe et des affaires étrangères.
Lors de la récente pandémie de covid-19, nous avons constaté que la coopération et l’inclusion de tous les pays étaient, ô combien, nécessaires, à travers les différents dispositifs de l’Organisation mondiale de la santé (OMS). Un accord pourrait même être prochainement adopté lors de la 77e Assemblée mondiale de la santé, qui se tiendra dans quelques jours.
La réponse aux pandémies suppose que tous les pays soient intégrés aux dispositifs de l’OMS, sans exclusion et sans réserve. À plusieurs reprises, la France s’est déclarée favorable à la participation de Taïwan au sein d’instances de l’OMS, reconnaissant son expertise médicale, par la voix de M. Le Drian en 2021 ou celle de Mme Colonna en 2023.
Cependant, il faut constater que, à part quelques réunions chichement autorisées par an, Taïwan ne peut pas s’impliquer dans des mécanismes comme le système mondial de surveillance de la grippe et de riposte ou le réseau mondial de vérification sanitaire numérique. Taïwan n’est ainsi pas en mesure de délivrer et de vérifier des documents de certification numérisée conformes aux normes internationales.
En cas de nouvelle pandémie, cela créerait des difficultés pour les Taïwanais travaillant à l’étranger, mais aussi pour tous les étrangers vivant à Taïwan, dont plusieurs milliers de Français. Cette exclusion de Taïwan est contraire aux objectifs de l’OMS, empêche la lutte contre les virus et nuit à la santé de toutes les populations.
Monsieur le ministre, Taïwan doit pouvoir participer pleinement aux activités de l’OMS. La lutte contre les pandémies ne saurait être sacrifiée du fait de pressions mesquines. Je vous demande donc de prendre des mesures concrètes en faveur de Taïwan.
Pourquoi faire preuve de lenteur alors qu’on sait visiblement dérouler le tapis rouge pour certains ? Qu’attendez-vous pour que Taïwan soit pleinement intégrée à l’OMS ? Pourquoi tant d’hésitations ? La santé publique mondiale et la santé des Français n’attendent pas ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué chargé du commerce extérieur, de l’attractivité, de la francophonie et des Français de l’étranger.
M. Franck Riester, ministre délégué auprès du ministre de l’Europe et des affaires étrangères, chargé du commerce extérieur, de l’attractivité, de la francophonie et des Français de l’étranger. Madame la sénatrice Joseph, je connais votre intérêt pour le sujet, vous qui êtes vice-présidente du groupe d’échanges et d’études Sénat-Taïwan, présidé par Jean-Baptiste Lemoyne.
Comme chaque année, la question de la participation de Taïwan à l’Assemblée mondiale de la santé est soulevée. La position de la France est connue et constante : il n’y a qu’une seule Chine. Nous soutenons cependant, dans le respect de la politique d’une seule Chine, la participation de Taïwan aux travaux des organisations internationales lorsque leur statut le permet et lorsque c’est dans l’intérêt collectif. Notre position sur ce point n’a pas changé ; elle a d’ailleurs été exprimée devant cette assemblée à plusieurs reprises.
Je l’ai indiqué, la France s’en tient depuis 1964 à sa politique constante d’une seule Chine et n’a pas de relations diplomatiques avec Taïwan. Cela n’empêche en aucun cas le développement de coopérations riches avec Taïwan dans de très nombreux domaines.
C’est dans cette perspective que nous appelons l’OMS, dans le respect de ses statuts, à inclure davantage Taïwan dans ses travaux, notamment à l’occasion de l’Assemblée mondiale de la santé, qui aura lieu fin mai et qui est chaque année un rendez-vous majeur pour les sujets de santé publique mondiale. Certains défis à relever sont majeurs ; vous en avez évoqué plusieurs, madame la sénatrice. (M. François Patriat applaudit.)
M. le président. La parole est à Mme Else Joseph, pour la réplique.
Mme Else Joseph. Monsieur le ministre, je vous remercie de votre réponse, mais il est temps de passer des paroles aux actes. J’aimerais que les décisions prises par l’OMS le soient en dehors de toute pression politique ou économique. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
situation internationale
M. le président. La parole est à M. Rachid Temal, pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
M. Rachid Temal. Monsieur le ministre, quel message le Président de la République et le Gouvernement souhaitaient-ils adresser aux Français et au monde en envoyant l’ambassadeur de France assister à la cérémonie d’investiture de Vladimir Poutine ? (Sourires.)
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué chargé de l’Europe. (Exclamations sur les travées du groupe SER.)
M. Jean-Noël Barrot, ministre délégué auprès du ministre de l’Europe et des affaires étrangères, chargé de l’Europe. Monsieur le sénateur, merci beaucoup de votre question ! (Exclamations amusées sur les mêmes travées.)
Je crois que nul ici ne peut accuser la France, le Président de la République ou le Gouvernement de manquer de fermeté à l’égard de la Russie de Vladimir Poutine.
Dès les premiers jours de l’offensive russe en Ukraine, c’est la France qui a pris l’initiative de proposer le premier des quatorze paquets de sanctions ayant visé les intérêts russes et gelé les avoirs, avoirs dont les revenus seront désormais utilisés pour financer le soutien militaire à l’Ukraine.
M. Victorin Lurel. Ce n’est pas la question !
M. Jean-Noël Barrot, ministre délégué. C’est encore la France qui a signé, par la main du Président de la République, un accord de sécurité avec l’Ukraine l’engageant à soutenir cette dernière sur le plan militaire à hauteur de 3 milliards d’euros en 2024. Vous en savez quelque chose, puisque le Sénat a soutenu cet accord.
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Et la question ?
M. Jean-Noël Barrot, ministre délégué. C’est enfin la France qui a condamné le contexte de répression dans lequel se sont déroulées les élections sur le territoire russe et qui a dénoncé les résultats des élections tenues dans les territoires occupés. (Marques d’impatience sur les travées du groupe SER.)
M. Victorin Lurel. Vous ne répondez toujours pas à la question !
M. Jean-Noël Barrot, ministre délégué. Monsieur le sénateur, vous semblez vouloir utiliser votre question pour pointer du doigt la diplomatie française. Permettez-moi donc d’utiliser ma réponse pour rendre hommage à l’excellence de la diplomatie française. (Protestations sur les travées du groupe SER.)
M. Hussein Bourgi. Ce n’est pas le sujet !
M. Hervé Gillé. Que faisait-il là-bas ?
M. Jean-Noël Barrot, ministre délégué. Notre ambassadeur de France en Russie, en poste depuis quatre ans, exerce ses responsabilités dans des conditions extrêmement difficiles et sous la pression permanente du pouvoir russe.
M. Hussein Bourgi. Ce n’est pas le sujet !
M. Jean-Noël Barrot, ministre délégué. En se joignant au peuple russe rassemblé en la mémoire d’Alexeï Navalny, victime d’un assassinat politique, il a montré le meilleur des visages de la diplomatie française.
M. Mickaël Vallet. Eh oui, la diplomatie, c’est un métier…
M. Jean-Noël Barrot, ministre délégué. Il a été l’honneur de la République et de la France ! (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI. – Protestations sur les travées du groupe SER.)
M. Mickaël Vallet. Vous n’avez pas répondu à la question : c’était une boulette, oui ou non ?
M. le président. La parole est à M. Rachid Temal, pour la réplique.
M. Rachid Temal. Monsieur le ministre, la diplomatie, nous la défendons ; les diplomates, nous les défendons. Je rappelle au passage que c’est le gouvernement auquel vous appartenez qui a engagé une réforme particulièrement décriée par les membres du corps diplomatique ; nous, nous les avons défendus au Parlement.
Vous n’avez pas répondu à ma question. Celle-ci n’avait pas pour objet de remettre en cause nos diplomates, qui font un travail remarquable !
En l’occurrence, c’est vous qui n’avez pas protégé le diplomate en question, notre ambassadeur en Russie. Depuis le début de l’année 2024, il a été convoqué à trois reprises, dont le 6 mai, soit la veille de l’investiture de Vladimir Poutine, à laquelle vous lui avez pourtant demandé de participer.
Vous évoquez l’action de la France ? Nous avons voté les mesures concernées. Mais vous avez oublié de préciser que, à l’exception de la Hongrie et de la Slovaquie – voyez avec qui nous étions… –, aucun pays de l’Union européenne n’était présent le 7 mai, ni le Royaume-Uni, ni les États-Unis, ni les autres pays du G7. Nous étions les seuls !
Vous avez rappelé que la France a condamné les conditions d’élection du président russe. Le 15 mars, de retour de la réunion du Triangle de Weimar, avec les Allemands et les Polonais, le Président de la République a indiqué qu’il ne pouvait pas saluer les élections dans un pays qui emprisonne ses opposants, qui parfois les tue et qui mène une guerre. Et, un mois plus tard, le même envoie son ambassadeur à Moscou !
C’est cela, la faute qui vous est reprochée ! Car c’est bien une faute. Le message que vous adressez aux Ukrainiens et aux autres pays, c’est que la France tient un double discours ou, à tout le moins, n’est pas claire. Et ne venez pas nous parler d’« ambiguïté stratégique », comme à propos de l’éventuel envoi de troupes au sol. Là, vous abaissez la parole de la France ! Vous abaissez sa capacité à intervenir dans le débat ! C’est une faute, monsieur le ministre ; une triple faute : diplomatique, politique et morale ! (Applaudissements sur les travées des groupes SER et GEST, ainsi que sur des travées des groupes Les Républicains et UC. – M. Claude Malhuret applaudit également.)
sommet choose france
M. le président. La parole est à Mme Anne-Marie Nédélec, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Anne-Marie Nédélec. Monsieur le ministre, à l’issue du sommet Choisissez la France, près de 15 milliards d’euros d’investissements ont été annoncés, avec des promesses d’emplois à la clé.
L’attractivité de notre pays repose en grande partie sur des dispositifs fiscaux, comme le crédit d’impôt recherche, qui fait de la France une terre de recherche avant d’être une terre de production. D’ailleurs, quelle part de ces investissements sera consacrée à de nouvelles activités et à de nouveaux emplois, et quelle part sera consacrée, par exemple, au rachat d’actifs ?
Certes, les nombreuses subventions à la relocalisation attirent les projets, mais elles ne permettront pas forcément de les ancrer dans la durée dans notre territoire. Leur incidence réelle en matière d’emploi suscite donc des interrogations.
Monsieur le ministre, pouvez-vous nous assurer que les projets d’investissements qu’accueille la France auront un effet réel et durable en termes d’emplois et de valeur ajoutée ? Quand et comment allez-vous améliorer l’attractivité réelle de la France, en agissant aussi sur la production et l’accès au foncier économique, une attente forte de nos très petites entreprises (TPE), petites et moyennes entreprises (PME) et entreprises de taille intermédiaire (ETI), sur lesquelles repose aujourd’hui une grande partie de nos emplois ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué chargé des comptes publics.
M. Thomas Cazenave, ministre délégué auprès du ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargé des comptes publics. Madame la sénatrice, permettez-moi de vous le dire, ce septième sommet Choose France…
M. Mickaël Vallet. Et en français, ça donne quoi ?
M. Thomas Cazenave, ministre délégué. … est un magnifique succès.
C’est un succès eu égard au nombre de chefs d’entreprise réunis à Versailles. C’est un succès, car ce sommet permettra 15 milliards d’euros d’investissements dans 56 projets sur l’ensemble de notre territoire et la création de 10 000 emplois.
D’une certaine manière, c’est le point d’orgue de la politique en faveur de l’attractivité de notre territoire, dont le cap avait été fixé par le Président de la République en 2017 et qui est menée avec constance depuis 2017 par Bruno Le Maire.
D’ailleurs, la dernière enquête réalisée prouve que nous sommes le pays le plus attractif d’Europe pour les investissements. Je pense que nous pouvons nous féliciter collectivement de cette excellente nouvelle. Cette attractivité ne tombe pas du ciel. Elle est le résultat de la politique fiscale que nous avons conduite, là aussi, avec constance. Je pense à la baisse de l’impôt sur les sociétés, au plan France 2030, qui permet à notre pays, dans les innovations de rupture, d’être très attractif pour les investisseurs, mais aussi à la politique de formation et à la loi relative à l’industrie verte.
Vous le voyez, madame la sénatrice, il s’agit d’un ensemble cohérent de mesures au service d’une réindustrialisation durable de notre territoire. Cela doit, me semble-t-il, nous encourager à poursuivre vers le plein emploi et la réindustrialisation.
Je profite de ces questions au Gouvernement pour le dire : lorsque nous avons de bonnes nouvelles – en l’occurrence, je pense que c’en est une –, il faut s’en réjouir ! (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
M. le président. La parole est à Mme Anne-Marie Nédélec, pour la réplique.
Mme Anne-Marie Nédélec. Mais je m’en réjouis, croyez-le bien, monsieur le ministre ! Simplement, il y a les annonces et il y a les chiffres. Or les chiffres sont têtus.
Selon le dernier baromètre Ernst & Young, la rentabilité des investissements étrangers en termes d’emplois est plus faible chez nous que chez nos voisins. Elle est en moyenne de trente-trois emplois par projet en France, contre cinquante-neuf emplois en Allemagne ou au Royaume-Uni.
Par ailleurs, l’Insee rappelle que les investissements directs à l’étranger ne font que revenir à leur niveau d’il y a dix ans. Enfin, d’après L’Usine Nouvelle, alors que 132 projets Choisissez la France ont été annoncés depuis 2018 – cela fait maintenant six ans –, seule une trentaine d’usines ou de centres de recherche ont ouvert leurs portes. Je vous le disais, les chiffres sont têtus ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
5
Souhaits de bienvenue à une délégation d’académiciens
M. le président. Mes chers collègues, je salue la présence en tribune du président de l’Académie des sciences, Alain Fischer, et de la présidente de l’Académie nationale de médecine, Catherine Barthélémy. Ils sont accompagnés d’une trentaine d’académiciens et de chercheurs, ainsi que des députés et sénateurs membres de l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques, présidé par le sénateur Stéphane Piednoir.
Leur présence s’inscrit dans le cadre d’un partenariat noué par l’Office avec les Académies afin de favoriser une meilleure compréhension entre sciences et politique. En votre nom à tous, je leur souhaite la bienvenue et des échanges fructueux. (Mmes et MM. les sénateurs ainsi que Mmes et MM. les membres du Gouvernement se lèvent et applaudissent.)
6
Questions d’actualité au Gouvernement (suite)
M. le président. Nous reprenons les réponses à des questions d’actualité au Gouvernement.
responsabilité élargie des producteurs des produits et matériaux de construction du secteur du bâtiment
M. le président. La parole est à Mme Anne-Catherine Loisier, pour le groupe Union Centriste. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
Mme Anne-Catherine Loisier. Ma question s’adresse à M. le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.
Aujourd’hui, 1 500 entreprises acteurs de la transformation du bois, dont 90 % de PME, établies sur l’ensemble de notre territoire national, sont durement frappées par la mise en place de la responsabilité élargie des producteurs (REP) sur les produits et matériaux de construction du bâtiment, issue de la loi du 10 février 2020 relative à la lutte contre le gaspillage et à l’économie circulaire, dite loi Agec.
Celle-ci risque d’entraîner des blocages des industries françaises, des fraudes, mais aussi un recours croissant aux importations. En effet, elle induit pour la prise en charge du recyclage des produits en fin de vie des tarifs discriminants, jusqu’à six à vingt fois plus élevés que ceux qui sont appliqués, par exemple, aux structures en béton ou en acier.
Les industriels de la transformation du bois s’acquittent depuis le 1er mai dernier d’une écocontribution dont le montant peut avoisiner 3 % de leur chiffre d’affaires, taux qui pourrait atteindre entre 6 % et 9 % à horizon 2027. Imposer de tels surcoûts au bois, matériau renouvelable de construction et de décarbonation, alors que les enjeux de la planification écologique et de la construction de logements sont devant nous, est un non-sens.
En fait, monsieur le ministre, c’est le barème de cette REP qui pose problème. Il n’est pas adapté aux réalités et il doit être revu. Il ne tient aucun compte du cycle de vie vertueux et du profil écologique des produits en bois. Qui plus est, il ignore que le bois de déconstruction est déjà aujourd’hui largement trié, valorisé, réutilisé dans la production de panneaux, de palettes ou en biomasse énergie. C’est donc une économie circulaire vertueuse qui est en place, mais elle n’est pas prise en compte par la REP actuelle.
Je sais que votre ministère fait des propositions en ce sens. Malheureusement, à ce jour, aucune mesure ne fait baisser le barème applicable au bois. À titre d’exemple, aujourd’hui, pour le parquet en bois massif, le surcoût est de 400 %.
Monsieur le ministre, à l’heure de la simplification des normes et de la réindustrialisation de notre pays, qu’allez-vous faire pour préserver la compétitivité de nos entreprises françaises ? (Applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.
M. Christophe Béchu, ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires. Madame la sénatrice Loisier, je vous remercie de votre question sur la responsabilité élargie des producteurs, en particulier dans la filière du bâtiment, qui n’est pas la plus simple.
À l’heure actuelle, trois de nos quatre éco-organismes ont été mis en demeure. Il s’agit pour nous d’obtenir plus de transparence, y compris sur une partie de l’application des barèmes. Une mission est conduite en ce sens par le ministère des finances.
Par ailleurs, une concertation spécifique est engagée avec les acteurs du bois – je pense en particulier à la Fédération nationale du bois (FNB) et à l’Union des industriels et constructeurs bois (UICB) –, afin d’éviter d’avoir des zones blanches. Vous pointez le coût de la dépense pour les producteurs et le fait que certains se plaignent de ne plus nécessairement avoir le service en face.
J’en viens plus précisément à votre question.
Vous avez raison : nous ne pouvons pas considérer le bois comme les autres matériaux. C’est la raison pour laquelle j’ai signé un arrêté le 20 février. Un décret qui répondra en grande partie à vos attentes est sur le point d’être mis en consultation pour pouvoir être publié à la fin du mois de juin.
Sur l’arrêté, les choses sont assez simples. Les produits qui sortent de nos scieries et qui sont frais sont confrontés – vous connaissez cela par cœur – à la compétition de produits de construction préfabriqués en provenance de l’extérieur. Nous avons donc mis en place un abattement pour que les produits issus de scieries dont le taux d’humidité dépasse les 20 % puissent être d’un coût moindre lors de leur mise sur le marché.
Surtout – c’est le plus important –, nous allons moduler les niveaux de financement des matériaux en fonction de la réalité de la collecte et du recyclage. Compte tenu de ce que vous décrivez dans la filière bois, le décret, qui devrait être publié, je l’ai dit, au plus tard à la fin du mois de juin, permettra de remettre de l’équité et même un peu de bon sens dans le dispositif dont vous avez rappelé la genèse. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
M. le président. Nous en avons terminé avec les questions d’actualité au Gouvernement.
Notre prochaine séance de questions au Gouvernement aura lieu le mercredi 22 mai 2024, à quinze heures.
Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à seize heures vingt-cinq, est reprise à seize heures quarante, sous la présidence de M. Mathieu Darnaud.)
PRÉSIDENCE DE M. Mathieu Darnaud
vice-président
M. le président. La séance est reprise.
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Candidatures à une commission mixte paritaire
M. le président. J’informe le Sénat que des candidatures pour siéger au sein de la commission mixte paritaire chargée d’élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion de la proposition de loi renforçant l’ordonnance de protection et créant l’ordonnance provisoire de protection immédiate ont été publiées.
Ces candidatures seront ratifiées si la présidence n’a pas reçu d’opposition dans le délai d’une heure prévu par notre règlement.
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Frais bancaires sur succession
Adoption d’une proposition de loi dans le texte de la commission modifié
M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale, visant à réduire et à encadrer les frais bancaires sur succession (proposition n° 374, texte de la commission n° 576, rapport n° 575).
Discussion générale
M. Thomas Cazenave, ministre délégué auprès du ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargé des comptes publics. Monsieur le président, monsieur le président de la commission des finances, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, ce texte est avant tout un texte de justice et d’humanité.
C’est un texte d’humanité, parce que l’enjeu est de ne pas ajouter de la fragilité à la fragilité. Sans encadrement, les frais bancaires au moment des successions viennent ajouter à la perte d’un proche l’inquiétude face aux coûts à supporter.
C’est un texte de justice, parce que ces frais peuvent être excessifs.
Tel est le sens de la proposition de loi que nous examinons aujourd’hui. Je veux saluer le travail qui a permis sa construction, tout comme l’engagement des parlementaires, au premier rang desquels la députée Christine Pires Beaune et le sénateur Hervé Maurey ; je connais leur investissement à tous les deux sur le sujet.
Mesdames, messieurs les sénateurs, dès le dépôt de ce texte, le Gouvernement et la majorité ont été à vos côtés pour lui permettre d’aboutir.
Olivia Grégoire avait eu l’occasion de le rappeler devant l’Assemblée nationale : le Gouvernement agit depuis 2017 pour limiter les frais bancaires des plus fragiles.
En 2019, le Gouvernement a élargi les critères permettant d’être reconnu comme « fragile », situation qui donne le droit à un plafonnement des frais bancaires.
Depuis lors, près de 700 000 Français supplémentaires bénéficient de ce plafonnement. Au total, 4,1 millions de nos compatriotes bénéficient d’un plafonnement de frais.
La loi du 16 août 2022 portant mesures d’urgence pour la protection du pouvoir d’achat a introduit de nouvelles mesures, notamment pour les Français victimes de fraude.
Au-delà de la lutte inlassable que nous menons contre les fraudeurs,…
Mme Nathalie Goulet. Bravo !
M. Thomas Cazenave, ministre délégué. … il est aussi de notre responsabilité de protéger ceux qui en sont victimes.
Le texte qui nous réunit aujourd’hui sur les frais de clôture du compte d’un défunt est l’aboutissement d’un engagement, celui de Bruno Le Maire, qui avait permis, dès 2021, la réduction des frais appliqués par certaines banques.
Cet engagement méritait d’être traduit dans la loi pour devenir une règle uniforme, appliquée par tous. C’est l’objet de ce texte, que le travail parlementaire mené en particulier par le rapporteur au sein de la commission des finances du Sénat a permis de modifier et d’enrichir.
Pour prévenir toute confusion et garantir le respect des exigences constitutionnelles en matière d’accessibilité et d’intelligibilité de la loi, la structure de l’article 1er a été modifiée afin de clarifier les différents cas de gratuité.
Trois cas ont ainsi été définis, ciblant à la fois les clients les plus modestes et les successions les plus simples. Ils permettront de couvrir entre 30 % et 40 % de la population, soit une part importante des Français.
En particulier, il n’y aura plus de frais lorsque l’héritier justifiera de sa qualité d’héritier dans les conditions de la procédure de clôture des comptes simplifiée ; lorsque le montant total des soldes des comptes sera inférieur à un seuil fixé à 5 000 euros ; et enfin lorsque le détenteur des comptes est mineur à la date du décès.
Ce dernier point est particulièrement important, car, si tous les deuils sont difficiles, il est d’autant plus insupportable de s’acquitter de frais bancaires lorsque l’on vient de perdre son enfant.
Pour autant, ce texte ne remet pas en cause la réalité des coûts auxquels les banques doivent faire face.
Avant la clôture des comptes d’un défunt, les banques engagent des opérations préalables à la succession. Par exemple, elles accompagnent la famille du défunt dans l’obtention des pièces justificatives ; elles vérifient l’authenticité de l’acte de décès ; elles peuvent s’occuper du gel des avoirs et de leur déclaration à l’administration fiscale, des échanges avec le notaire, de la désolidarisation éventuelle des comptes joints ou encore du transfert des fonds aux héritiers selon les ordres du notaire.
Il faut aussi tenir compte de la matérialité des coûts administratifs effectivement supportés par les banques pour identifier sans erreur les ayants droit du défunt avant de leur verser les fonds.
C’est pourquoi la gratuité est ciblée. Dans les cas non couverts par cette gratuité et en cohérence avec la mesure portée par le rapporteur Hervé Maurey et adoptée par le Sénat en 2023, la commission des finances a par ailleurs prévu un barème pour le plafonnement des frais, qui sera déterminé par décret d’application. Celui-ci ne pourra pas dépasser 1 % du montant total des soldes des comptes et des produits d’épargne.
De plus, les frais prélevés par les établissements de paiement, dont les offres attirent un nombre croissant de clients, ont été inclus dans le dispositif.
En complément, les agents de l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR) et de la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) sont expressément habilités à contrôler le respect de ces nouvelles règles d’application.
Ce texte complet et équilibré est donc l’aboutissement d’un travail riche et transpartisan pour mieux accompagner les Français dans les moments difficiles qu’ils traversent.
Mesdames, messieurs les sénateurs, réduire et encadrer les frais bancaires liés au décès d’un être cher, c’est bien le sens du texte que le Gouvernement soutiendra et qui nous rassemble, au-delà des clivages, autour d’un impératif : celui de plus d’humanité face au deuil, que chacun d’entre nous est amené, un jour ou l’autre, à affronter.
Ce texte n’effacera jamais la peine et la tristesse infligées par la perte d’un proche, mais il pourra contribuer, au moins, à ne pas l’alourdir.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Hervé Maurey, rapporteur de la commission des finances. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, parmi les différents types de frais bancaires, les frais appliqués dans le cadre des opérations de succession se distinguent par leur disparité, leur coût élevé et leur manque de transparence.
Ces frais représenteraient selon les estimations entre 125 millions d’euros et 200 millions d’euros par an, soit environ 1 % de l’ensemble des frais bancaires prélevés en France.
Si ce montant peut sembler marginal au regard de l’activité des banques, les sommes prélevées pour une succession peuvent être significatives, notamment pour les successions les plus modestes.
Selon une étude de l’UFC-Que Choisir, les frais bancaires acquittés par les héritiers pour une succession de 20 000 euros peuvent varier de 80 euros à 527,50 euros.
Avec une moyenne de 291 euros en 2023, en hausse de 25 % par rapport à 2021 et de 50 % par rapport à 2012, les frais bancaires facturés en France au titre des opérations liées aux successions seraient trois fois supérieurs à ceux qui sont pratiqués en Belgique et en Italie, et même quatre fois plus élevés qu’en Espagne.
Le cas de parents qui se sont vu réclamer 138 euros pour clôturer le livret A de leur enfant de 8 ans, décédé, a créé une vive émotion et suscité un certain nombre de réactions comme d’initiatives parlementaires.
C’est ainsi que dès le mois de novembre 2021, j’ai interrogé le ministre Bruno Le Maire sur les mesures qu’il comptait prendre pour remédier aux difficultés observées.
Dans sa réponse de janvier 2022, le ministre assurait que le Gouvernement demeurait « à ce titre déterminé à ce qu’une solution soit rapidement dégagée dans le cadre des instances de concertation de place ».
Ne voyant pas le sujet évoluer du côté du Gouvernement, j’ai déposé une proposition de loi visant à encadrer les frais bancaires sur succession et prévoyant que ces frais soient « en rapport avec les coûts réellement supportés » par les établissements teneurs de comptes.
Dans un courrier de septembre 2022, le ministre Bruno Le Maire, que j’avais de nouveau sollicité, renouvelait son engagement de faire évoluer les pratiques des banques « d’ici au début de l’automne ». Nous étions alors en 2022.
En l’absence d’avancée, le Sénat s’est saisi de ce sujet en janvier 2023 lors de l’examen de la proposition de loi tendant à renforcer la protection des épargnants de nos collègues Jean-François Husson et Albéric de Montgolfier.
Notre assemblée avait alors adopté, malgré l’avis défavorable du Gouvernement, deux amendements identiques, respectivement déposés par Vanina Paoli-Gagin et par moi-même.
Ces deux amendements prévoyaient la gratuité pour les comptes inférieurs à 5 000 euros bénéficiant de la procédure de clôture simplifiée et instituaient, pour les autres cas, un plafonnement à 1 % du montant total des sommes détenues par l’établissement.
Pour justifier l’avis défavorable du Gouvernement, le ministre Jean-Noël Barrot promettait en séance la conclusion d’un accord de place « dans un délai d’un mois ». Nous étions, je le rappelle, en janvier 2023.
Je tiens à souligner le caractère illusoire de l’accord de place longtemps recherché par le Gouvernement et je m’en étonne.
En effet, les représentants des acteurs bancaires m’ont indiqué en audition qu’un tel accord n’avait jamais été envisagé, car il était manifestement contraire au droit de la concurrence. Celui-ci prohibe en effet les ententes sur les prix, sous peine de sanctions pécuniaires pouvant aller jusqu’à 10 % du chiffre d’affaires des activités concernées.
Je suis donc assez surpris, rétrospectivement, de la position du Gouvernement.
Aussi, je me réjouis que la députée Christine Pires Beaune ait pris l’initiative de porter de nouveau cette question devant le Parlement au travers de la présente proposition de loi.
Je tiens à saluer son engagement et le fait qu’elle se soit toujours référée aux travaux du Sénat, tant dans ses interventions à l’Assemblée nationale que dans les médias.
Je me réjouis – et l’en félicite – qu’elle ait réussi à convaincre enfin le Gouvernement de remédier à cette situation et de soutenir cette proposition de loi.
Reconnaissant la grande qualité des travaux réalisés par la rapporteure à l’Assemblée nationale, j’ai abordé la présente proposition de loi avec l’objectif d’un vote conforme.
En effet, comme vous l’avez rappelé, monsieur le ministre, le dispositif proposé est tout à fait équilibré. Il prévoit trois cas de gratuité répondant aux situations les plus problématiques : en premier lieu, les successions les plus simples, c’est-à-dire lorsque l’héritier justifie de sa qualité auprès de l’établissement de crédit teneur des comptes par la production d’un acte de notoriété ou d’une attestation signée par l’ensemble des héritiers ; en deuxième lieu, lorsque le montant total des soldes des comptes est inférieur au seuil de 5 000 euros, qui concerne les successions les plus modestes et 30 % de la population ; en troisième lieu, enfin, lorsque le détenteur des comptes était mineur à la date du décès.
Dans les autres cas, les opérations liées à la succession pourront donner lieu à un prélèvement de frais, dont il reviendra au décret d’application de définir le barème.
Cependant, à la suite de mes auditions et de mes entretiens avec vos services, monsieur le ministre – je les remercie de leur disponibilité et de leur fructueuse collaboration –, il m’est apparu nécessaire de conforter l’intelligibilité et la validité juridique de l’encadrement législatif envisagé.
La commission des finances a donc procédé à une réécriture globale de l’article 1er, qui porte le dispositif d’encadrement proposé.
Concernant la gratuité relative aux successions modestes, la commission a substitué au plafond de 5 000 euros une référence au montant fixé par l’arrêté du 7 mai 2015 pris en application de l’article L. 312-1-4 du code monétaire et financier, et relatif à la procédure de clôture des comptes simplifiée. Celle-ci a pour avantage de prévoir une revalorisation annuelle en fonction de l’inflation. En avril 2024, ce montant était de 5 909,95 euros.
En ce qui concerne le cas de gratuité relatif aux successions les plus simples, une référence à l’absence de « complexité manifeste » a été introduite par la commission. Ces critères devront être détaillés par le décret d’application.
Néanmoins, la notion de « complexité manifeste », inédite au sein du code monétaire et financier, reste sujette à interprétation. C’est pourquoi j’ai déposé un amendement visant à la préciser.
J’ai également déposé un amendement, rédactionnel, afin d’améliorer encore l’intelligibilité du dispositif, ainsi qu’un autre, visant à sécuriser sa date d’entrée en vigueur.
La commission a par ailleurs élargi le champ d’application de l’encadrement, afin d’inclure les établissements de paiement tels que Nickel et Revolut, qui attirent un nombre croissant de consommateurs, notamment parmi les plus jeunes.
De même, en vue d’assurer le contrôle de la mise en œuvre des nouvelles règles, la commission a prévu l’habilitation expresse des agents de l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution et de la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes.
Au-delà de ces modifications qui viennent compléter et préciser utilement le texte de l’Assemblée nationale, nous avons souhaité reprendre le dispositif adopté en 2023 par le Sénat, qui prévoit que le barème tarifaire qui sera fixé par décret respecte un plafond de 1 % du montant total des soldes des comptes et produits d’épargne du défunt.
Je précise – et j’insiste sur ce point – qu’il s’agit d’un maximum : il n’est nullement question de prévoir que ce pourcentage s’applique à l’ensemble ni même à la majorité des successions non couvertes par la gratuité.
De surcroît, ce premier plafond de 1 % sera complété par un second plafond en valeur, qui sera déterminé par le pouvoir réglementaire.
Ainsi, l’application de ce double plafonnement ne saurait en aucun cas conduire à ce que les frais prélevés soient supérieurs aux niveaux actuels.
Il appartiendra au Gouvernement d’y veiller scrupuleusement en prévoyant un barème dégressif en fonction du montant total des soldes, et ce, quels que soient les arguments, et même – j’ose le mot – les pressions des établissements bancaires.
Rappelons que, pour une succession de 20 000 euros, le montant moyen de frais prélevés est aujourd’hui de 291 euros. Soulignons également que le patrimoine financier liquide transmis dans le cadre d’une succession représente, en moyenne, environ 10 000 euros.
Dans le cadre du dispositif proposé, près de 50 % de nos concitoyens acquitteraient ainsi, au maximum, 100 euros de frais.
Globalement, près de 80 % de nos concitoyens, je le souligne, acquitteront au maximum 200 euros de frais. Ce double plafonnement, en pourcentage et en valeur, constitue donc une protection majeure pour les consommateurs.
Je ne m’attarderai pas sur les deux autres articles de cette proposition de loi, qui ne présentent pas de difficulté particulière.
L’article 1er bis prévoit l’application du dispositif à la Nouvelle-Calédonie, à la Polynésie française et aux îles Wallis et Futuna.
L’article 2 porte sur la remise d’un rapport destiné à évaluer l’impact des nouvelles règles un an après la publication du décret d’application.
La commission des finances vous propose donc un dispositif équilibré et clarifié, pour enfin encadrer au niveau législatif les frais prélevés par les banques et par les établissements de paiement dans le cadre des opérations liées aux successions.
Mes chers collègues, je vous invite à voter cette proposition de loi dans les mêmes conditions, je l’espère, qu’à l’Assemblée nationale, c’est-à-dire à l’unanimité. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. Pascal Savoldelli. (M. Thierry Cozic applaudit.)
M. Pascal Savoldelli. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, les lois s’accumulent, mais la domination des banques demeure.
Sans aucun doute, les frais bancaires constituent un élément de cette domination, faisant des citoyens des « sujets bancaires », si vous me permettez cette expression.
À défaut d’une véritable loi-cadre, il faudra réguler, encadrer et éventuellement interdire la pratique de certains de ces frais, devenus inacceptables.
Issue d’une initiative des députés socialistes, plus particulièrement de Christine Pires Beaune, très engagée sur ce sujet, la proposition de loi dont nous discutons aujourd’hui est la énième pierre consolidant l’architecture de la relation client-banque.
L’idée d’encadrer les frais bancaires sur succession n’est pas nouvelle. Ces « frais sur la mort », pratiqués par les banques à la fermeture des comptes et au transfert des fonds aux héritiers, sont iniques et immoraux, de surcroît quand ils s’appliquent à des comptes détenus par des mineurs.
Si aucune loi n’a été votée en ce sens, c’est parce que le Gouvernement, et singulièrement le ministre de l’économie et des finances, a joué la montre. Il a amadoué le législateur à de nombreuses reprises en lui signifiant avec force, dès 2021, à l’occasion d’une question écrite, que le Gouvernement demeurait « à ce titre déterminé à ce qu’une solution soit rapidement dégagée dans le cadre des instances de concertation de place ».
À l’occasion de l’examen de la proposition de loi tendant à renforcer la protection des épargnants, le ministre Jean-Noël Barrot avait renchéri, en prônant l’aboutissement d’un accord de place qui plafonnerait les frais à 1 % des sommes du compte.
Pourtant, comme l’indique la rapporteure de la loi à l’Assemblée nationale, la Fédération bancaire française a affirmé qu’il n’avait jamais été question de trouver un accord de place sur ce sujet.
Comme souvent, il reste la loi pour imposer des choix de société, remédier à des injustices, lutter contre des dérives. La demande sociale est forte, l’aspiration à la protection face à une finance agressive est grande.
Même s’ils ne représentaient que 1 % des frais totaux pratiqués, ces frais bancaires sur succession suivent tout de même une courbe exponentielle, trois fois supérieure à l’inflation.
D’après l’association UFC-Que Choisir, dont nous saluons la mobilisation, ces frais ont explosé pour atteindre en moyenne 291 euros à la fin de 2023, soit une hausse de 25 % en deux ans.
Nous aurions pu les interdire purement et simplement, en dépit de ce qu’affirment la Fédération bancaire française et, parfois, certains de nos collègues de droite, qui légitiment le coût des opérations qui incombent aux banques dans le cadre de successions dites complexes. Étonnant, alors que certaines banques pratiquent d’ores et déjà la gratuité et que le Crédit mutuel, pour ne pas le citer, fait de même dans la limite de 10 000 euros !
Aucuns frais ne sont pourtant corrélés à l’encours du compte en banque. Le plafonnement à 1 % des frais du compte est alors purement artificiel et nous ne soutenons pas cette disposition.
La commission des finances du Sénat aurait pu choisir un vote conforme. Le choix a été fait de modifier cette proposition de loi à la marge, notamment en y ajoutant la gratuité sans limite de montant pour les opérations dites simples. Mais nous ne sommes pas convaincus, toutefois, que cette avancée justifie de renoncer à un vote dans les mêmes termes.
Je renouvelle notre demande d’une loi-cadre. Ne nous limitons pas à des propositions de loi à la découpe.
En effet, les frais pour incidents de paiement rapportent 6,5 milliards d’euros aux banques chaque année. Ils représentent 4,9 milliards d’euros de bénéfice net, soit 75 % de marge bénéficiaire !
C’est injuste et injustifié.
C’est injustifié, quand on sait que les frais de fonctionnement des banques baissent, que les agences locales ferment, sans parler de la disparition des distributeurs automatiques de billets, que tout le monde évoque ici, sur l’ensemble des travées. Cette situation paralyse le quotidien des habitants des quartiers populaires, mais aussi ceux des villages ruraux.
Et c’est injuste, par ailleurs, parce que ces frais s’élèvent en moyenne à près de 100 euros par an par adulte en France.
Le marché bancaire n’est pas un marché comme les autres : chacun et chacune d’entre nous est dans l’obligation de détenir un compte bancaire ; les clients sont captifs ; les acteurs, peu nombreux, souvent s’entendent et la concurrence est faussée ; enfin, les frais sont systématiques et décorrélés du coût des opérations.
Voilà la réalité sombre, anarchique ou presque, du marché des comptes de dépôt et des livrets, sans parler des produits financiarisés, pour lesquels règne la plus grande opacité.
Cette proposition de loi de nos collègues socialistes est un pas en avant. C’est la raison pour laquelle le groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky la votera.
Avec une loi pour encadrer et plafonner l’ensemble des frais bancaires, nous vous proposerons d’aller plus loin. Il faut tracer un chemin pour redonner aux Français du pouvoir d’achat, mais aussi leur donner du pouvoir tout court face aux banques et à la finance. (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE-K, SER et GEST.)
M. le président. La parole est à M. Christian Bilhac. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)
M. Christian Bilhac. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, les frais appliqués par les banques à la suite du décès d’un de leurs clients constituent une double peine pour les ayants droit endeuillés du défunt, au moment où ces derniers traversent une situation de détresse douloureuse, par nature, et complexe d’un point de vue matériel.
Outre que les comptes et les avoirs sont immédiatement bloqués dès la transmission de la déclaration de décès, ce qui génère des difficultés pour les héritiers, les frais bancaires de succession ne font l’objet d’aucun encadrement par la loi.
Je salue, une nouvelle fois, le rôle de lanceur d’alerte des associations de consommateurs.
Dès 2021, l’UFC-Que Choisir a dénoncé les pratiques abusives des banques françaises dans l’application de frais spécifiques aux successions : ceux-ci n’ont pas de lien avec les coûts réels supportés par les établissements bancaires et pénalisent davantage les petites successions.
Les opérations bancaires de contrôle des successions sont administratives : vérification de l’authenticité de l’acte de décès, gel des avoirs, déclaration à l’administration fiscale, échanges avec le notaire, désolidarisation des comptes joints, transfert des fonds aux héritiers sur ordre notarial, etc.
Les tarifs s’avèrent très disparates d’un établissement à l’autre, y compris au sein d’un même groupe, sans justification, et leur caractère immoral est, à juste titre, dénoncé.
À l’heure de la dématérialisation des opérations financières, comment justifier de facturer 80 euros pour un virement final de succession, alors qu’un simple virement est gratuit du vivant de l’intéressé ?
L’association de défense des consommateurs a relevé des frais bancaires de succession atteignant 200 euros, alors que le solde du compte bancaire était de 500 euros.
Les héritiers se retrouvent pieds et poings liés face à des conditions contractuelles opaques, abusives et disproportionnées.
En France, les frais sont deux à trois fois plus élevés que chez nos voisins européens : en moyenne, 303 euros sont prélevés sur le compte des personnes décédées. Les tarifs flambent : leur hausse atteint 28 % depuis 2012, soit trois fois plus que l’inflation.
Il y a deux ans, le Gouvernement avait demandé au secteur bancaire de s’autoréguler, mais sans résultat. Face à cet immobilisme, il est urgent de mettre un terme à ces abus.
Le texte que nous examinons a été adopté à l’Assemblée nationale, à l’unanimité, le 29 février dernier. Sa version initiale comportait un article unique, qui renvoyait les modalités de calcul des frais à un décret.
Après avoir été modifié par notre commission des finances, l’article 1er précise le barème des frais de clôture des comptes dans les cas non couverts par la gratuité. Le montant des comptes en dessous duquel la gratuité prévaudra sera fixé par arrêté ministériel, tandis que la définition des critères d’absence de « complexité manifeste » est renvoyée au domaine réglementaire.
L’article 2 prévoit la remise d’un rapport au Parlement dans un délai d’un an.
Trois cas d’exonération de frais de clôture pour succession sont prévus : lorsque les encours des comptes sont inférieurs à 5 000 euros au moment du décès ; lorsque le ou les héritiers produisent un acte de notoriété ou une attestation signée de l’ensemble des héritiers à la banque lors de la clôture des comptes de dépôt du défunt, quel que soit leur solde ; enfin, et surtout, lorsque les comptes étaient détenus par des enfants mineurs au moment du décès, sans condition de montant.
Sur cette question, je vous proposerai, au nom du groupe du RDSE, d’adopter un amendement visant à élargir l’exonération des frais bancaires sur succession aux cas de décès des personnes âgées de moins de 30 ans. Les disparitions prématurées sont un drame pour les familles. Beaucoup de jeunes de moins de 30 ans décèdent brutalement, parfois à la suite d’un accident de voiture ou, souvent, malheureusement, d’un suicide. La forte prévalence de ces drames à ces âges est avérée par les statistiques. Il ne faut pas oublier non plus les longues maladies.
Nous proposons donc d’élargir l’exonération prévue pour les enfants mineurs aux jeunes âgés de moins de 30 ans. La douleur est la même, que l’enfant disparu ait 17 ans ou 22 ans.
En dépit de cette remarque, le groupe RDSE votera le texte. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE. – M. Marc Laménie applaudit également.)
M. le président. La parole est à Mme Solanges Nadille. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
Mme Solanges Nadille. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la proposition de loi dont nous discutons aujourd’hui est le fruit d’une volonté transpartisane de remédier à une injustice financière, celle des prélèvements de frais disproportionnés par les établissements bancaires lors des successions.
Je souhaite tout d’abord saluer le travail et la pugnacité de la députée socialiste Christine Pires Beaune, rapporteure de ce texte à l’Assemblée nationale, qui l’a fait adopter à l’unanimité en février dernier. J’espère que ce sera également le cas ici.
Je salue également notre rapporteur, Hervé Maurey, qui s’est aussi engagé sur ce sujet depuis quelques années.
Les frais bancaires sur succession constituent un sujet très complexe. Ils surviennent lors d’un deuil, une épreuve douloureuse pour chacun d’entre nous.
Ce sujet a été régulièrement évoqué dans les médias ces dernières années. En effet, certains prélèvements de frais ont pu parfois manquer de cette empathie et de cette humanité tant nécessaires dans ces moments.
Je pense notamment au cas, particulièrement médiatisé, de Léo, enfant originaire de Gironde, décédé d’un cancer en 2021 à l’âge de 9 ans, dont les parents se sont vu prélever 138 euros de frais bancaires pour la clôture de son livret A.
Cet exemple montre que l’encadrement des frais bancaires dans le cadre d’une succession est encore trop faible, et qu’il est donc nécessaire d’adopter ce texte.
Selon les chiffres de l’UFC-Que Choisir publiés au début de 2024, les frais bancaires sur succession sont, en France, en moyenne, de 303 euros. Ils ont augmenté de plus de 25 % depuis 2021, ce qui illustre leur déconnexion avec les réalités économiques.
En outre-mer, où opèrent de nombreuses filiales des banques nationales, les mêmes dérives que dans l’Hexagone sont constatées en la matière. Par exemple, dans l’une des banques de Nouvelle-Calédonie, les frais prélevés sont de 191 euros pour l’ouverture d’un dossier de succession, auxquels s’ajoutent 115 euros par an et par compte concerné.
La concurrence des banques est d’autant moins effective que ces frais sont acquittés non par le détenteur du compte, mais par ses successibles, qui sont donc dans une situation captive. Ces derniers doivent gérer la succession alors qu’ils vivent ce moment particulièrement douloureux qu’est le décès d’un proche.
Certaines prestations qui ne sont pas facturées du vivant du client, tel le transfert des fonds vers un autre établissement, deviennent onéreuses lorsqu’il s’agit de comptes du défunt. En effet, si la clôture du compte est gratuite au titre de l’article L. 312–1–7 du code monétaire et financier, d’autres opérations bancaires liées à la succession peuvent faire l’objet de frais dès lors que la somme des encours est supérieure à 5 000 euros.
C’est pour cela qu’il est important de poursuivre le travail d’encadrement des frais bancaires pour les plus fragiles et les publics les plus en souffrance.
Le Gouvernement s’est déjà engagé dans cette voie, par le biais d’un décret pris en 2019, qui a élargi les conditions selon lesquelles la situation de fragilité financière des personnes peut être reconnue, ce qui ouvre droit au plafonnement des frais bancaires : plus de 4 millions de Français bénéficient désormais de ce régime.
En 2020, le ministre de l’économie, Bruno Le Maire, a pris un arrêté rendant plus protecteurs les plafonnements de frais bancaires pour les publics fragiles.
En 2022, la loi portant mesures d’urgence pour la protection du pouvoir d’achat a instauré de nouveaux encadrements, notamment pour les Français victimes de fraudes. Parallèlement, Bruno Le Maire s’était engagé, la même année, à instaurer un bouclier tarifaire sur les frais bancaires ; cet engagement a été tenu.
En ce qui concerne les frais de clôture du compte bancaire d’un défunt, des travaux ont été menés en 2021 et certaines banques ont pris des engagements pour réduire ces frais. Il convient désormais que ce qui ne relevait que de l’engagement de certains établissements bancaires devienne la règle pour tous, grâce au travail parlementaire qui a été réalisé et qui a abouti au texte qui nous réunit aujourd’hui.
Nous saluons le fait que la proposition de loi n’a pas pour objet de supprimer simplement tout prélèvement de frais : ses auteurs visent à les encadrer, considérant que la rémunération des services rendus n’est pas un gros mot, mais qu’il faut intervenir pour réglementer quand des excès ou des injustices sont observés.
Ce texte prévoit que la gratuité s’appliquera dans trois situations : tout d’abord, pour les comptes dont l’encours est inférieur à 5 000 euros ; ensuite, pour les comptes dont le détenteur était mineur au moment du décès, sans condition de montant – pour la sénatrice et la mère que je suis, c’est une question de décence : prélever des frais sur les comptes d’un enfant décédé m’apparaît inacceptable – ; enfin, lorsque l’héritier justifie de sa qualité et quand les opérations de clôture ne nécessitent pas de démarches particulières de la part des banques.
La facturation de frais bancaires ne sera donc effective et justifiée que dans le cas d’opérations bancaires plus complexes, lorsque les encours sont supérieurs à 5 000 euros. Elle sera assortie d’un plafonnement. Il sera donc possible de ne pas payer de frais bancaires lorsque les encours sont supérieurs à 5 000 euros, si rien ne le justifie.
Vous l’aurez compris, nous estimons que ce texte est digne et nécessaire. C’est pourquoi le groupe RDPI soutiendra cette proposition de loi, même s’il préférerait préserver l’équilibre du texte adopté à l’unanimité à l’Assemblée nationale.
En conclusion, monsieur le ministre, il me semble essentiel que des parlementaires de tous les groupes soient associés aux négociations relatives à la rédaction du décret qui découlera de cette proposition de loi. J’espère qu’il pourra être publié rapidement. Les parlementaires ont pris leurs responsabilités ; désormais, nous comptons sur vous ! (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI ainsi que sur des travées des groupes GEST et SER.)
M. le président. La parole est à M. Rémi Féraud. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
M. Rémi Féraud. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous discutons cet après-midi d’une proposition de loi portant sur les frais bancaires.
C’est une problématique sur laquelle le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain travaille depuis plusieurs années. En effet, en mai 2020, en pleine pandémie, nous avions déjà proposé un dispositif visant à rendre effectif et à renforcer le plafonnement des frais bancaires.
Ensuite, dans le contexte d’explosion de la pauvreté sur lequel les associations nous alertaient, nous avons régulièrement souligné la nécessité d’instaurer un tel plafonnement pour éviter que nos concitoyens les plus en difficulté subissent une double peine.
Voilà un an très exactement, le Sénat a adopté la proposition de loi que j’avais déposée avec mon collègue Jean-Claude Tissot qui visait à renforcer l’inclusion et l’accessibilité bancaire. Même si la majorité sénatoriale avait réduit l’ampleur du dispositif que nous proposions, ce vote constituait une première avancée et j’ai l’espoir que le texte sera inscrit prochainement à l’ordre du jour de l’Assemblée nationale.
Interpellé régulièrement depuis lors, le Gouvernement a lui aussi émis des propositions, mais celles-ci sont peu suivies d’actes concrets ou sont insuffisantes face à l’ampleur de l’urgence sociale que nous constatons tous dans le pays.
Sur ce même sujet, le texte de notre collègue, la députée socialiste Christine Pires Beaune, que nous étudions aujourd’hui, cible plus particulièrement les frais bancaires en cas de décès et de succession.
Cette question n’est pas nouvelle non plus. Elle a fait l’objet d’une étude de l’UFC-Que Choisir en 2021, qui a été actualisée récemment.
Une proposition de loi a été déposée en 2022 par notre rapporteur Hervé Maurey, mais elle n’a jamais été examinée en séance publique.
Des parlementaires de tous bords ont adressé au Gouvernement de nombreuses questions écrites à ce sujet, car nous sommes saisis du sujet par des Français confrontés au problème après le décès d’un proche.
Si les frais bancaires appliqués à la suite d’un décès ne représentent, reconnaissons-le, qu’une petite partie de l’ensemble desdits frais, cette question revient régulièrement dans l’actualité, à la lumière de la révélation de cas très injustes, qui ont été évoqués par mes collègues précédemment et qui ont ému l’opinion, tant ils révèlent un manque d’humanité.
Bruno Le Maire s’est donc engagé, il y a trois ans, à apporter rapidement une solution. Quand Bruno Le Maire demande quelque chose, nous le savons, ce n’est pas toujours suivi d’effet (M. Patrick Kanner apprécie.), mais quand il se le demande à lui-même, nous aurions pu espérer que cela soit le cas ! (Sourires sur les travées du groupe SER.) Or force est de constater qu’une fois de plus il n’en a rien été…
C’est pourquoi les députés et les sénateurs ont la volonté de faire évoluer la législation par le biais de cette proposition de loi, avec l’appui du Gouvernement, reconnaissons-le.
Nous ne pouvons donc que nous réjouir de l’examen de ce texte, qui semble a priori consensuel puisqu’il a été adopté à l’unanimité à l’Assemblée nationale, en accord avec le Gouvernement.
Son contenu a déjà été rappelé lors des précédentes interventions. Le dispositif prévu dans la version transmise au Sénat permettait d’interdire l’application de frais bancaires pour les opérations de clôture de compte réalisées par les héritiers à la suite d’un décès, lorsque le solde du compte est inférieur à 5 000 euros, lorsque la personne décédée est mineure – sans condition de montant dans ce cas –, ou lorsque la clôture du compte n’entraîne pas d’opérations bancaires complexes, ces dernières étant définies par décret.
Sur ce dernier point, je rejoins notre collègue Christine Pires Beaune, à l’initiative de ce texte : elle souhaite que les parlementaires soient associés à la rédaction du décret prévu, afin de veiller au bon respect de l’esprit de la proposition de loi.
Ce texte permet donc l’application de frais bancaires de succession uniquement lorsque les montants sont importants et que des montages complexes doivent être réalisés, ces derniers n’étant pas nécessaires la plupart du temps.
Il s’agit donc d’un réel enjeu de justice sociale. Les établissements bancaires sont accusés, parfois à juste titre, d’avoir trop souvent des pratiques antisociales en ce qui concerne la gestion des comptes, particulièrement ceux qui sont détenus par des personnes en situation de difficulté financière. C’est pour cela que nous devrons légiférer plus largement sur la question des frais bancaires.
Nous aurons d’ailleurs besoin qu’un rapport soit établi un an après la promulgation de la loi afin de pouvoir évaluer son impact sur les frais réels pratiqués par les établissements bancaires dans le cadre de la nouvelle législation.
Le groupe socialiste, disons-le franchement, s’attendait à une adoption conforme par le Sénat, et il l’espérait, afin que la mise en œuvre du texte soit rapide.
Tel n’est pas le choix qu’ont fait notre rapporteur et la majorité sénatoriale, qui ont décidé, lors de la réunion de la commission des finances, de modifier le dispositif, sans bouleverser toutefois son objectif.
Nous avons été un peu surpris, car le texte avait été adopté à l’unanimité à l’Assemblée nationale. Nous comprenons toutefois la démarche : il s’agit non pas de remettre en cause ses principes, mais de s’appuyer sur des modalités différentes, qui ont déjà été votées au Sénat.
Les modifications principales concernent deux points.
Le premier est la suppression de la mention du montant de 5 000 euros, seuil en dessous duquel s’applique la gratuité des frais bancaires sur succession. La fixation du seuil est renvoyée à un décret du ministre chargé de l’économie.
La seconde modification importante est l’instauration d’un plafonnement des frais à 1 % du montant total du solde des comptes et des produits d’épargne du défunt, dans les cas où la gratuité ne s’applique pas. Outre cette limite en pourcentage, un montant maximal en valeur sera défini par voie réglementaire.
Cela pose quand même problème. Est-il vraiment opportun de faire disparaître la mention du montant maximal de 5 000 euros et de renvoyer à un décret du Gouvernement, dont on connaît la lenteur, parfois, à prendre les mesures réglementaires nécessaires pour mettre en œuvre des dispositions législatives ?
Ensuite, est-il judicieux de fixer un taux de prélèvement maximal de 1 % ? Celui-ci peut être relativement élevé et risque d’entraîner in fine l’application de frais plus importants que ceux qui sont pratiqués actuellement. Nous y reviendrons lors de l’examen de notre amendement.
Notons aussi qu’il est quelque peu paradoxal de supprimer l’inscription dans la loi du montant maximal du solde en dessous duquel la gratuité des frais s’applique, et de renvoyer sa définition à un décret, tout en faisant le contraire pour les cas non couverts par la gratuité. J’avoue que la logique nous échappe…
Mais là n’est pas l’essentiel. Malgré ces réserves, en fonction bien sûr de la discussion à venir, notre groupe soutiendra la proposition de loi, même modifiée.
Nous y sommes favorables parce qu’elle comprend la mesure essentielle de gratuité des frais bancaires sur succession dans les cas que j’ai évoqués.
Nous la soutenons également parce que nous avions voté pour le plafonnement des frais à 1 % des sommes du compte lorsque le rapporteur Hervé Maurey avait proposé cette mesure l’an dernier. Nous espérons bien sûr que, malgré les risques qu’elle présente, cette disposition constituera un véritable progrès.
Nous sommes enfin favorables à ce texte parce que la poursuite de la discussion parlementaire permettra de nous éclairer sur la position précise du Gouvernement sur ce sujet, et fera émerger, espérons-le, un compromis entre les deux chambres du Parlement sur la meilleure rédaction et le meilleur dispositif possible.
Telles sont les raisons pour lesquelles nous voterons ce texte, en espérant qu’il soit adopté à l’unanimité par notre assemblée. (Applaudissements sur les travées du groupe SER. – M. Christian Bilhac applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Marc Laménie. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées du groupe UC.)
M. Marc Laménie. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, mon intervention ira dans le même sens que celles de mes collègues qui m’ont précédé à cette tribune.
Comme cela a été rappelé, cette proposition de loi, qui vise à réduire et à encadrer les frais bancaires sur succession, est très attendue. Après avoir été déposée à l’Assemblée nationale par Mme Pires Beaune, elle a été adoptée à l’unanimité par les députés le 29 février dernier.
Le texte a été examiné par notre commission des finances. Je remercie le rapporteur, Hervé Maurey, pour le travail en amont qu’il a réalisé. Il a procédé à l’audition de services importants de l’État, comme la direction générale du Trésor, ou d’autres organismes, tels que la Banque de France, la Fédération bancaire française ou l’UFC-Que Choisir.
En matière de succession, c’est toujours très compliqué. Je tiens d’ailleurs à saluer aussi le travail des notaires.
Comme vous l’avez rappelé fort justement, monsieur le ministre, ce texte est un texte de justice et d’humanité. À l’heure où, malheureusement, tout devient d’ordre financier et que le volet humain est parfois mis de côté, cette proposition de loi nous permet de mettre l’accent sur ce dernier.
Les chiffres qui ont été rappelés nous interpellent. Ce texte intervient à la suite du décès d’un enfant de 8 ans en 2021, qui a suscité beaucoup d’émotion. Espérons que cette histoire permettra d’aboutir à des mesures de justice.
Ce texte qui vise à encadrer les frais bancaires sur succession est important. Il comporte trois articles. L’article 1er modifie le code monétaire et financier, afin d’encadrer les frais bancaires sur succession, tout en prévoyant trois cas de gratuité. Il s’inscrit dans le prolongement de nombreuses initiatives parlementaires récentes, comme cela a été rappelé fort justement.
Comme l’a indiqué notre rapporteur dans son rapport, les frais bancaires sur succession sont évalués en France à un montant annuel total de 125 millions d’euros, ce qui représente 1 % du total des frais bancaires. Les frais pour une succession de 20 000 euros peuvent s’élever jusqu’à 527,50 euros dans certaines banques. Les différences sont importantes d’une banque à l’autre. Toutes banques confondues, ces frais s’élèvent en moyenne à 291 euros en France. Là encore, il y a un écart par rapport à certains pays voisins.
Ces mesures législatives sont très attendues. Elles vont dans le sens de la justice, en privilégiant le volet humain.
Bien entendu, je soutiendrai, avec mes collègues du groupe Les Républicains, ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ainsi que sur des travées des groupes UC et INDEP.)
M. le président. La parole est à M. Emmanuel Capus. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP.)
M. Emmanuel Capus. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, Benjamin Franklin disait : « En ce monde, rien n’est certain, à part la mort et les impôts. » (Sourires.) C’est un invariant de nos sociétés, peut-être même une constante anthropologique.
En France, au pays de Descartes, en cette terre de raison, on combine ces deux certitudes : on paie des impôts sur la mort.
Je ne parle pas des droits de succession, qui existent dans la plupart des pays ; je parle d’une autre forme de prélèvement obligatoire : les frais bancaires sur les successions.
C’est l’association UFC-Que Choisir qui a lancé l’alerte en octobre 2021, quelques jours avant la Toussaint, une date choisie.
Son constat était clair. Les frais bancaires prélevés sur les comptes des défunts sont plus élevés en France que chez nos voisins. Au total, ces frais représenteraient 200 millions d’euros par an, soit environ 300 euros par défunt. C’est beaucoup, et même beaucoup trop si l’on compare avec les autres pays européens : en Italie et en Belgique, ces frais sont trois fois moindres ; en Espagne, ils sont quatre fois moins importants ; en Allemagne, ils sont purement et simplement interdits.
Au fond, on peut comprendre pourquoi des frais sont prélevés sur ces comptes : les banques doivent procéder à différentes opérations liées à leur clôture, ce qui peut mobiliser des ressources et donc coûter de l’argent.
On comprend moins bien, en revanche, pourquoi ces opérations seraient à ce point plus coûteuses en France qu’ailleurs.
On peut aussi se demander, et ne pas comprendre, pourquoi une banque ferait payer son décès à un client.
On nous parle souvent des incidences comportementales des frais bancaires : par exemple, prélever des agios inciterait les clients à ne pas avoir un compte à découvert. Mais dans le cas d’un défunt, on voit mal ce qui est attendu de lui…
La question de l’interdiction pure et simple de ces frais se pose donc. Elle a d’ailleurs été posée ! Mais c’est ignorer en partie la réalité : interdire purement et simplement aux banques de prélever des frais sur les comptes des défunts revient en fait à contraindre les banques à reporter les coûts liés à la succession sur les comptes d’autres clients.
C’est pourquoi il nous paraît plus juste d’encadrer ces frais de façon mesurée et raisonnable.
En répartissant de façon plus équitable les coûts entre les clients, on évite de matraquer les petits patrimoines, on empêche le prélèvement de frais trop élevés sur des sommes modestes : 300 euros de frais bancaires pour moins de 5 000 euros d’encours, il faut le dire, c’est une forme de taxe sur le deuil.
C’est ce mécanisme que le Sénat avait adopté, il y a un peu plus d’un an, lorsqu’il avait voté l’excellente proposition de loi tendant à renforcer la protection des épargnants. Ce texte, déposé par notre rapporteur général, Jean-François Husson, et par son prédécesseur, Albéric de Montgolfier, n’a malheureusement pas prospéré.
À l’époque, deux amendements identiques qui visaient à instaurer un tel encadrement avaient été adoptés. L’un était défendu par notre groupe, sur l’initiative de ma collègue Vanina Paoli-Gagin, l’autre par Hervé Maurey, qui est aujourd’hui rapporteur de la proposition de loi. Nous étions donc prêts à légiférer sur la question.
J’en profite pour saluer la détermination du Gouvernement qui, après avoir temporisé, a choisi d’inscrire ce texte d’initiative parlementaire à l’ordre du jour, dans une semaine qui lui est réservée.
En janvier 2023, le ministre qui siégeait au banc, lors de l’examen de la proposition de loi que je viens d’évoquer, avait indiqué qu’il souhaitait éviter une solution législative à un problème qui, somme toute, aurait pu être directement réglé par les banques.
Cette solution n’est pas advenue et vous en avez, monsieur le ministre, tiré toutes les conséquences. Notre groupe se réjouit que la loi évolue bientôt en ce sens. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP. – MM. Christian Bilhac et Marc Laménie applaudissent également.)
M. le président. La parole est à Mme Nathalie Goulet. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
Mme Nathalie Goulet. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le législateur, la mort et les héritiers : voilà un chapitre supplémentaire, alors qu’à ce stade de la discussion, tout a déjà été dit.
Le groupe Union Centriste votera évidemment avec enthousiasme la proposition de loi telle qu’elle résulte des travaux de notre commission des finances. Je ne reviendrai pas sur les détails, si ce n’est pour saluer le travail d’Hervé Maurey.
Monsieur le ministre, je voudrais attirer votre attention sur un problème connexe à celui que nous traitons aujourd’hui.
On a eu beaucoup de mal à obtenir un fichier sur les comptes bancaires et contrats d’assurance vie en déshérence. D’ailleurs, Hervé Maurey a beaucoup contribué à l’élaboration de la législation en la matière.
Cependant, il reste un trou dans le dispositif : les contrats obsèques conclus avec des sociétés de pompes funèbres, confessionnelles ou pas.
Comment les héritiers peuvent-ils savoir que la personne décédée a conclu un tel contrat, s’ils n’ont pas les documents correspondants à disposition ? Entre le décès et les obsèques, les gens n’ont souvent ni le temps ni le courage de fouiller dans les papiers, alors que – je le sais d’expérience – des gens malintentionnés ou oublieux ont tendance à réclamer une deuxième fois des frais d’obsèques qui, pourtant, ont déjà été payés.
Je vous assure que c’est un sujet et, pour le régler, il suffirait, me semble-t-il, de créer, avec les entreprises de pompes funèbres, un fichier ad hoc contenant les informations pertinentes ou d’élargir le dispositif mis en place par l’Association pour la gestion des informations sur le risque en assurance (Agira).
En tout cas, on doit avoir la possibilité de connaître l’existence d’un contrat obsèques de façon à éviter une double peine : d’un côté, la personne décédée ou quelqu’un de sa famille ayant déjà payé les frais ; de l’autre, la société de pompes funèbres les réclamant une nouvelle fois ou la famille s’adressant à une autre société. Je vous en parle, parce que je viens d’expérimenter l’affaire.
Je le répète, si les documents du contrat obsèques ne sont pas visibles, la famille et les héritiers ne savent pas qu’un contrat a été signé, car il n’existe aucun registre pour prévenir que telle et telle personne a d’ores et déjà conclu un contrat et payé pour ses obsèques. Or, profitant de la situation, des gens malintentionnés réclament une seconde fois les frais d’obsèques.
C’est une question qui dépasse le champ de cette proposition de loi, mais cela concerne aussi la protection des consommateurs en cas de décès et c’est un sujet sur lequel il faut travailler. Encore une fois, je crois que ce sujet est assez simple à régler, mais nous devons vraiment améliorer le dispositif.
Le texte que nous examinons aujourd’hui, comme ceux qui ont été votés précédemment, tente de rééquilibrer les choses de façon que le deuil ne soit pas entaché de difficultés supplémentaires. Les familles endeuillées ne doivent pas subir une double peine, que ce soit en ce qui concerne les comptes bancaires – c’est l’objet du texte que nous examinons – ou les contrats obsèques. Ces contrats devraient d’ailleurs faire l’objet d’un petit contrôle de la part de vos services, monsieur le ministre ; c’est la raison pour laquelle je me suis permis d’en parler aujourd’hui.
L’autre sujet que je souhaitais évoquer est la question de l’application dans le temps du texte que nous allons voter aujourd’hui. J’ai déposé un amendement à ce sujet, mais nous en reparlerons tout à l’heure et je sais que le rapporteur va en demander le retrait.
Pour conclure, je veux dire que cette proposition de loi est un très bon texte. Je remercie encore une fois notre rapporteur, Hervé Maurey, de l’avoir portée jusqu’ici, ainsi que les autres collègues qui ont travaillé en ce sens. (M. Christian Bilhac applaudit.)
M. le président. La parole est à Mme Ghislaine Senée.
Mme Ghislaine Senée. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires salue la proposition de loi de notre collègue députée Christine Pires Beaune, que nous examinons aujourd’hui et qui permet d’engager – enfin ! – un encadrement des frais pratiqués par les établissements bancaires sur les successions.
Depuis 2021, l’UFC-Que Choisir a lancé la publication annuelle d’études pour documenter le phénomène. Pour les successions de 20 000 euros, il s’avère que ces frais s’échelonnent entre 80 euros et 527 euros en fonction des établissements bancaires et ils ont connu une croissance de 50 % depuis 2012 et, surtout, de 25 % depuis 2021, soit des niveaux sensiblement supérieurs à l’inflation, alors même qu’il est communément admis que les tarifs imposés sont totalement décorrélés des frais réels engagés par les établissements bancaires.
En outre, ces frais s’appliquent de manière totalement opaque pour les clients, puisque, comme la Banque de France le fait remarquer, les plaquettes tarifaires sont particulièrement lacunaires sur les tarifs en vigueur.
Il aura fallu que nos collègues députés socialistes inscrivent cette proposition de loi à l’ordre du jour de l’Assemblée nationale, dans le cadre de leur niche, pour que le Gouvernement sorte enfin du déni, abandonne le mythe de l’autorégulation du marché bancaire et se résigne à soutenir ce texte préparé de manière transpartisane.
Plusieurs collègues l’ont rappelé, ce texte prévoit la gratuité pour les clôtures de comptes à la suite d’un décès en cas de succession simple, pour les comptes des mineurs et pour ceux dont l’encours est modéré. Notons tout de même que ce dernier cas – un solde total inférieur à 5 000 euros – concernera déjà 30 % de la population française : ce texte constituera donc une vraie avancée.
Rappelons que, pour l’heure, les taxes, qui peuvent s’apparenter à un impôt privé sur les successions, sont librement déterminées par les établissements bancaires et que l’absence de règles autorise les banques à fixer des prélèvements sur les successions variant du simple au quadruple et à des niveaux deux à trois fois supérieurs à ceux qu’on observe dans le reste de l’Union européenne.
L’examen de cette proposition de loi en première lecture au Sénat est donc une bonne nouvelle et son adoption dans quelques minutes une première pierre utile dans la régulation des frais bancaires sur succession et même, j’ose le dire, dans la régulation des frais appliqués par les banques.
Avec de 20 à 25 milliards d’euros de frais bancaires pour l’ensemble des banques, dont de 125 à 200 millions en lien avec des successions, le secteur bancaire reste, à notre sens, beaucoup trop dérégulé et générateur de profits disproportionnés qui continuent d’enrichir une poignée d’actionnaires au détriment des plus précaires, qui vivent, ou plutôt survivent, à découvert et doivent trop souvent s’acquitter de frais prohibitifs – cela concerne 18 % de la population !
J’en termine sur le texte de la commission. Le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires était davantage favorable à la proposition de loi telle qu’elle a été adoptée par l’Assemblée nationale, mais il soutiendra le texte modifié par le Sénat aujourd’hui.
Nous émettons une réserve sur le fait d’introduire dès maintenant une limite de 1 % de prélèvement maximal pour la clôture du compte lors des successions dites complexes.
De la même manière que la commission a jugé inopportun le seuil de 5 000 euros pour les successions modestes, la fixation dans la loi du seuil de 1 % pour le niveau maximal de frais applicables sur une clôture de compte présente, selon nous, un risque : ce seuil, assez élevé, pourrait conduire les banques à appliquer, à la suite de l’adoption de ce texte, des tarifs rehaussés par rapport aux niveaux actuels.
Comme le souligne notre collègue Rémi Féraud dans son amendement n° 1 – un amendement que nous soutiendrons –, la voie réglementaire est plus adéquate pour distinguer plus finement les différents cas de figure et permet davantage de souplesse dans l’application de la loi.
Malgré cette réserve, nous voterons ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
M. le président. La parole est à M. Laurent Somon. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Laurent Somon. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le sujet dont nous débattons aujourd’hui est un serpent de mer. Cela fait plusieurs années que le Sénat l’aborde, plusieurs années que le Gouvernement nous dit qu’il va agir et plusieurs années qu’il ne se passe rien…
Comme sur un grand nombre de sujets, l’exécutif promet, mais n’agit pas. En janvier 2022, Bruno Le Maire promettait une solution rapide. En septembre 2022, il promettait de nouveau une solution – ce devait être pour l’automne. En janvier 2023, la Gouvernement promettait un accord de place sous un mois. Finalement, rien n’a émergé !
Cette proposition de loi issue des travaux de l’Assemblée nationale est donc la bienvenue. Elle s’inspire très largement d’une proposition de loi portée par la majorité sénatoriale en 2022, notamment par notre rapporteur Hervé Maurey, dont je tiens à saluer l’opiniâtreté.
Elle a été adoptée à l’unanimité par les députés et a été utilement précisée et complétée par notre commission des finances.
Elle va permettre de supprimer les frais bancaires prélevés sur les successions soit lorsque le défunt était mineur, soit lorsque la succession représente un montant faible, montant fixé par voie réglementaire, soit lorsque la succession est suffisamment simple pour faire l’objet d’une procédure de clôture de compte simplifiée.
Dans les autres cas, des frais pourront être prélevés. Ils seront fixés par décret et ne pourront pas excéder 1 % du montant total figurant sur les comptes du défunt.
Sur ce point, je souhaite vous interroger, monsieur le ministre, pour savoir précisément de quels frais il s’agit. En effet, l’article L. 312–1–7 du code monétaire et financier prévoit que « la clôture de tout compte de dépôt ou compte sur livret est gratuite ».
Dans sa proposition de loi de 2022, notre rapporteur précisait que cet article s’appliquait à la clôture d’un compte du vivant du client. En effet, cet article se rapporte à une sous-section du code monétaire et financier intitulée « Relations des établissements de crédit avec le client » et ne concernerait donc pas l’héritier, qui n’est pas le client de la banque.
Mais, à l’Assemblée nationale, votre collègue du Gouvernement, Olivia Grégoire, a indiqué : « L’encadrement tarifaire recherché concerne les opérations bancaires liées à la succession […] qui précèdent nécessairement l’action de clôture des comptes du défunt, dont la gratuité est garantie […] dans le code monétaire et financier. »
Selon la ministre, la clôture des comptes du défunt est donc gratuite. Seules les opérations préalables seraient concernées. Elle a cité notamment le blocage des comptes, la liquidation des produits d’épargne ou encore la vérification des pièces portées par le successible.
Il me semble donc qu’il y a là une légère différence d’interprétation entre le Gouvernement et notre rapporteur. Monsieur le ministre, merci de bien vouloir éclaircir ce point.
Pour conclure, nous estimons que le point d’équilibre auquel nous sommes parvenus est satisfaisant.
D’un côté, prélever des frais, parfois de l’ordre de plusieurs centaines d’euros, sur le compte d’un défunt quand celui-ci ne va transmettre que 1 000 ou 2 000 euros ou lorsqu’il s’agit du décès d’un enfant apparaît quelque peu déplacé.
Même si une succession entraîne un certain nombre d’opérations pour l’établissement bancaire, il nous semble que celui-ci peut accompagner gratuitement les héritiers les plus défavorisés, des parents endeuillés, ou dans les cas les plus simples.
D’un autre côté, dans les cas plus complexes, il est vrai que les démarches à entreprendre par les banques peuvent être assez lourdes, avec des services parfois non automatisables, et peuvent durer plusieurs mois. Cela entraîne nécessairement un coût en termes de temps passé sur le dossier. Il est donc justifié que des frais soient appliqués, dans une limite définie.
Pour toutes ces raisons, le groupe Les Républicains votera cette proposition de loi telle qu’améliorée par notre Haute Assemblée. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion du texte de la commission.
proposition de loi visant à réduire et à encadrer les frais bancaires sur succession
Article 1er
Le code monétaire et financier est ainsi modifié :
1° Après l’article L. 312-1-4, il est inséré un article L. 312-1-4-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 312-1-4-1. – Les opérations liées à la clôture des comptes de dépôt, des comptes de paiement, des comptes sur livret et, à l’exception du plan d’épargne en actions, des produits d’épargne générale à régime fiscal spécifique du défunt ne font l’objet d’aucuns frais d’aucune nature par l’établissement teneur desdits comptes et produits dans les cas suivants :
« 1° Lorsque l’héritier justifie de sa qualité d’héritier soit par la production d’un acte de notoriété, soit par la production d’une attestation signée de l’ensemble des héritiers répondant aux conditions du a à d de l’article L. 312-1-4 et que les opérations liées à la clôture ne présentent pas de complexité manifeste ;
« 2° Lorsque le montant total des soldes des comptes et de la valorisation des produits d’épargne du défunt mentionnés au premier alinéa du présent article est inférieur au montant fixé par arrêté du ministre chargé de l’économie mentionné au 2° de l’article L. 312-1-4 ;
« 3° Lorsque le détenteur des comptes et produits d’épargne mentionnés au premier alinéa du présent article est mineur à la date du décès.
« Dans les autres cas, les opérations liées à la clôture des comptes et des produits d’épargne du défunt mentionnés au même premier alinéa peuvent donner lieu à un prélèvement de frais par l’établissement teneur desdits comptes et produits.
« Un décret, pris après avis du Comité consultatif de la législation et de la réglementation financières, détermine les conditions d’application du 1° et les modalités de plafonnement des frais pouvant être prélevés en application du cinquième alinéa, dans la limite de 1 % du montant total des soldes des comptes et de la valorisation des produits d’épargne du défunt mentionnés au premier alinéa et d’un montant fixé par le même décret. » ;
2° (nouveau) L’article L. 317-1 est ainsi modifié :
a) Au premier alinéa, après la référence : « L. 312-1-2, », est insérée la référence : « L. 312-1-4-1, » ;
b) Au deuxième alinéa, après la référence : « L. 312-1-2, », est insérée la référence : « L. 312-1-4-1, ».
M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 5, présenté par M. Maurey, au nom de la commission, est ainsi libellé :
I. – Alinéas 3 et 7
Après les mots :
desdits comptes et
insérer les mots :
auprès duquel sont ouverts lesdits
II. – Alinéa 8
Après les mots :
alinéa et
insérer les mots :
dans la limite
La parole est à M. le rapporteur.
M. Hervé Maurey, rapporteur. Il s’agit d’un amendement de précision rédactionnelle.
Je profite d’avoir la parole pour répondre à M. Féraud, qui a commis, dans son intervention, une erreur de fond sur laquelle je me permets de revenir.
Le texte de la commission ne supprime pas le plafond de 5 000 euros et ne renvoie pas cette question à un décret que le Gouvernement devra prendre. Il renvoie à un arrêté qui existe déjà – il date du 7 mai 2015. Cette procédure présente l’avantage que le montant en question peut être réévalué chaque année : ainsi, comme je l’indiquais tout à l’heure, ce seuil est aujourd’hui de 5 909,95 euros. Nous renvoyons donc non pas à un futur décret, mais à un arrêté qui existe et qui a le mérite de permettre des réévaluations.
Je voudrais également vous dire, monsieur Féraud, que j’avais moi aussi la volonté d’aboutir à un texte conforme pour gagner du temps, mais il est apparu qu’un certain nombre de points méritaient quand même d’être sécurisés et améliorés.
J’ai d’ailleurs été rassuré par le Gouvernement – une fois n’est pas coutume ! – sur le fait que cela n’entraînerait pas un enterrement de première classe, si j’ose dire, puisque le Gouvernement a d’ores et déjà pris des engagements en vue d’une inscription de ce texte à l’ordre du jour de l’Assemblée nationale pour une nouvelle lecture.
Dès lors que nous avons le soutien du Gouvernement pour cette inscription, nous pouvons avancer. Et il vaut mieux perdre quelques semaines ou mois afin d’avoir un texte bien ficelé.
Voilà ce que je voulais dire à ce stade à M. Féraud, sachant que nous allons examiner tout de suite son amendement sur la limite de 1 % du montant des soldes des comptes.
M. le président. L’amendement n° 1, présenté par MM. Féraud, Cozic, Kanner et Raynal, Mmes Blatrix Contat et Briquet, M. Éblé, Mme Espagnac, MM. Jeansannetas, Lurel et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Alinéa 8
Supprimer les mots :
, dans la limite de 1 % du montant total des soldes des comptes et de la valorisation des produits d’épargne du défunt mentionnés au premier alinéa et d’un montant fixé par le même décret
La parole est à M. Rémi Féraud.
M. Rémi Féraud. Je remercie le rapporteur pour ses précisions. En effet, les choses sont renvoyées non pas à un décret, mais à un arrêté qui existe déjà. Pour autant, le montant ne sera pas inscrit dans la loi. J’entends vos propos rassurants, monsieur le rapporteur ; nous n’avons d’ailleurs pas déposé d’amendement sur ce point.
L’amendement n° 1 concerne la limite de 1 % du montant total des comptes. Cette limite peut paraître extrêmement basse et protectrice, mais cela peut faire beaucoup dans certains cas très particuliers : il peut arriver que le compte soit largement alimenté au moment du décès, par exemple lorsque la vente d’un bien immobilier précède de peu le décès.
Le fait que cette limite soit accompagnée d’un montant maximum – celui-ci devra être fixé de manière réglementaire – est plutôt rassurant, j’en conviens.
Mais, au fond, quel besoin dans ce cas de fixer cette limite de 1 % ? Mon amendement est aussi un amendement d’appel pour avoir davantage d’explications sur cette limite retenue par le rapporteur.
M. le président. Quel est l’avis de la commission sur l’amendement n° 1 ?
M. Hervé Maurey, rapporteur. Sans suspense, l’avis est évidemment défavorable, puisque cela tend à supprimer ce que la commission a décidé d’adopter.
Comme je l’ai dit dans la discussion générale, nous avons travaillé en parfaite coopération avec Mme Pires Beaune et je salue de nouveau le fait que, tout au long du processus à l’Assemblée nationale, elle n’a pas manqué de rappeler le travail du Sénat – c’est suffisamment rare pour être souligné et pour qu’elle en soit remerciée.
Pourtant, c’est sur ce point qu’il existe une légère divergence entre Mme Pires Beaune et le Sénat.
Alors, pourquoi ce 1 % ? Encore une fois, ce n’est pas un plafond qui va s’imposer directement aux banques et elles n’auront pas nécessairement la possibilité d’aller jusque-là. C’est un plafond que l’on propose – je ne veux pas dire qu’on l’impose… – au pouvoir réglementaire, parce que nous voulons être certains que le barème que le Gouvernement va fixer ne permettra dans aucun cas d’avoir des montants de frais supérieurs à 1 % du solde du compte.
C’est donc en fait davantage pour encadrer les travaux du Gouvernement. Il ne s’agit pas de se méfier de lui, mais au contraire de l’aider, car, ainsi, il ne pourra pas céder aux pressions de certains qui voudraient que, dans tel ou tel cas, on ait des frais qui aillent au-delà de 1 %. Le Gouvernement peut donc nous remercier et je suis certain qu’il ne manquera pas de le faire. (Sourires.)
Ensuite, comme vous l’avez vous-même rappelé, monsieur Féraud, nous avons ajouté un plafond en valeur absolue qui sera fixé par décret.
Ainsi, l’exemple que vous prenez et que j’ai aussi entendu dans la bouche de Mme Pires Beaune – quelqu’un qui a vendu sa maison pour payer son Ehpad, qui a provisoirement 200 000 euros sur son compte au moment du décès et qui aurait alors 2 000 euros de frais bancaires au moment de la succession – ne me semble pas pertinent, parce que le barème que le Gouvernement va adopter prendra cela en considération – je pense que le ministre va aussi vous rassurer sur ce point. Il me semble que le barème fixera un plafonnement en valeur absolue au-delà d’une certaine somme.
Par conséquent, je crois qu’il n’y a vraiment pas matière à s’inquiéter. Au contraire, le dispositif proposé – une limite de 1 % et un plafond en valeur absolue fixé par décret – est tout à fait sécurisant pour les héritiers.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement sur ces deux amendements ?
M. Thomas Cazenave, ministre délégué. Avant de donner l’avis du Gouvernement, je voudrais répondre, si vous le permettez, monsieur le président, à la question posée par M. Somon sur le débat juridique relatif au champ des frais concernés. Cette question est tranchée par cette proposition de loi, notamment le fait que cela s’applique bien aux héritiers. C’est tout l’intérêt de cette proposition de loi et je crois que cela clarifie le débat juridique qui a existé – vous avez raison de le rappeler. Ce texte permet de définir le champ concerné.
L’avis est favorable sur l’amendement rédactionnel n° 5.
En ce qui concerne l’amendement n° 1 du sénateur Féraud, le texte actuel prévoit, comme le rapporteur l’a indiqué, qu’un décret encadrera les tarifs lorsque le solde du compte dépasse 5 000 euros. De manière générale, je pense qu’il faut laisser de la souplesse au pouvoir réglementaire et qu’on ne doit pas mettre trop d’éléments dans la loi, car cela peut parfois entraîner des complexités supplémentaires.
Je suis plutôt d’avis, je le redis, de laisser de la souplesse, mais j’ai aussi noté le débat entre vous et entre le Sénat et l’Assemblée nationale. C’est la raison pour laquelle je m’en remets à la sagesse du Sénat sur cet amendement.
M. le président. En conséquence, l’amendement n° 1 n’a plus d’objet.
L’amendement n° 6, présenté par M. Maurey, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Alinéa 4
Compléter cet alinéa par les mots :
tenant à l’absence d’héritiers mentionnés au 1° de l’article 734 du code civil, au nombre des comptes et produits d’épargne à clôturer, à la constitution de sûretés sur lesdits comptes et produits ou à l’existence d’éléments d’extranéité, et empêchant la réalisation de ces opérations dans un délai raisonnable
La parole est à M. le rapporteur.
M. Hervé Maurey, rapporteur. Le texte de la commission prévoit la gratuité des frais pour les successions dites simples dès lors qu’il n’y a pas de « complexité manifeste », en renvoyant à un décret la définition de ce que recouvre cette notion.
Or la « complexité manifeste » est une notion qui peut prêter à interprétation et qu’on ne retrouve pas, jusqu’à présent, dans le code monétaire et financier.
Nous ne voulons pas revenir sur ce renvoi à un décret, mais nous voulons encadrer un peu les choses. C’est pourquoi nous proposons, par cet amendement, d’indiquer que la « complexité manifeste » concerne quatre situations : l’absence d’héritiers directs, un nombre de comptes et de produits très importants, la constitution de sûretés ou – j’insiste sur ce « ou » – l’existence d’éléments d’extranéité, sous réserve que l’un de ces éléments empêche la réalisation des opérations dans un délai raisonnable.
M. Thomas Cazenave, ministre délégué. L’avis est défavorable.
La commission a elle-même prévu qu’un décret précisera les choses. Pourquoi ? Tout simplement, parce qu’entrer dans le détail relève du niveau réglementaire. Nous devons mener des discussions avec les principales parties prenantes, notamment les banques, pour construire une liste la plus précise possible. En inscrivant déjà des éléments dans la loi, on risque d’être en décalage lorsque nous mènerons les consultations, certains points pouvant alors être trop ou insuffisamment précis ou pouvant manquer leur cible.
C’est donc d’abord pour des raisons pratiques et opérationnelles que nous préférons que cette disposition ne figure pas dans la loi. Suivons l’idée première de la commission qui a choisi de renvoyer à un décret ! Il revient au pouvoir réglementaire de mener ce travail.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Hervé Maurey, rapporteur. Monsieur le ministre, cet amendement est d’abord là pour vous aider et vous devriez m’en remercier. (M. le ministre délégué se récrie.) Si, monsieur le ministre ! Je trouve que vous ne me remerciez pas beaucoup et je le regrette. (Sourires.)
Cet amendement permettra justement d’encadrer les discussions que vous aurez avec les professionnels. Vous savez très bien qu’ils ont une notion un peu extensive de ce que peut être une succession ou une situation complexe… Je l’ai bien compris lors de mes entretiens avec leurs représentants.
Il existe donc un risque, s’il n’y a pas un minimum d’encadrement, qu’une pression très forte fasse entrer dans la « complexité manifeste » des situations qui, à mon avis, n’en relèvent pas.
Une deuxième lecture aura lieu à l’Assemblée nationale, puisque le texte ne sera pas voté conforme ce soir. Nous aurons ensuite une deuxième lecture ici, puis une commission mixte paritaire. Cela laisse le temps d’affiner les critères que je propose aujourd’hui d’adopter. Si, durant la navette, on s’aperçoit que certains critères ne sont pas des plus pertinents, qu’il faut en enlever ou en ajouter, pourquoi pas ? Je serai le premier à le faire, je ne vais pas m’arc-bouter sur la rédaction que je vous propose aujourd’hui.
Pour les raisons que je viens d’indiquer, je pense qu’il est important de préciser un peu les choses.
M. le président. La parole est à M. Rémi Féraud, pour explication de vote.
M. Rémi Féraud. Je veux remercier le rapporteur pour son amendement. De toute façon, le texte ne sera pas adopté conforme et je suis sûr que cet amendement apporte une amélioration.
On sait bien, cela a toujours été le cas dans les discussions avec les organismes bancaires, que les opérations les plus simples peuvent facilement devenir complexes… Cette notion de complexité s’élargit souvent beaucoup trop.
Une liste limitative, comme cela est proposé, garantit au législateur et aux Français que la « complexité manifeste » est bien réelle et qu’elle ne s’étend pas à des cas qui sont en fait simples.
M. le président. L’amendement n° 3 rectifié, présenté par M. Bilhac, Mme M. Carrère, M. Daubet, Mme N. Delattre, MM. Gold, Grosvalet et Guiol, Mme Jouve, MM. Laouedj et Masset, Mme Pantel et MM. Cabanel et Fialaire, est ainsi libellé :
Alinéa 6
Remplacer le mot :
mineur
par les mots :
âgé de moins de trente ans
La parole est à M. Christian Bilhac.
M. Christian Bilhac. Je salue cette proposition de loi qui prévoit la gratuité pour les enfants mineurs décédés.
Vous savez, j’ai été maire d’une commune rurale pendant une quarantaine d’années et, dans un petit village, on est au cœur de la douleur. J’ai vu des parents perdre des enfants, j’ai vu des parents perdre des adolescents, j’ai vu des parents perdre des garçons ou des filles de 22 ans, de 25 ans… Je peux vous assurer que, quel que soit l’âge de l’enfant, la douleur est la même.
C’est pourquoi je propose d’élargir la gratuité aux personnes de moins de 30 ans – il faut quand même fixer une limite.
On me dira peut-être que cela va ruiner le secteur bancaire… Je ne le crois pas. En tout cas, j’ai davantage d’empathie pour les parents qui perdent un enfant, même s’il est jeune majeur – il y a beaucoup de parents dans ce cas –, que pour le secteur bancaire, qui s’est assez engraissé pendant des années avec les frais sur succession !
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Hervé Maurey, rapporteur. Je crois que le dispositif que nous avons adopté est déjà suffisamment large. La notion de mineur correspond à quelque chose de précis. Si on élargit, autant dire qu’on généralise la gratuité.
M. Christian Bilhac. Non, je propose 30 ans !
M. Hervé Maurey, rapporteur. Pourquoi 30 ans ? Pourquoi pas 25 ans, 35 ans ? Et puis, si vous me permettez de parler, comme vous le faites vous-même, avec un peu d’humour, normalement, à 30 ans, on n’est plus un enfant.
La commission demande donc le retrait de cet amendement ; à défaut, l’avis sera défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Thomas Cazenave, ministre délégué. Je comprends tout à fait le sens de cet amendement. Comme vous l’avez dit à la tribune, c’est un texte d’humanité.
Pourtant, je crois que nous avons trouvé, avec le critère objectif de la minorité, un ciblage qui correspond, me semble-t-il, aux cas très douloureux que le législateur souhaitait traiter.
Enfin, je rejoins le rapporteur : sans ce critère, qu’est le « bon » âge ?
C’est pourquoi le Gouvernement demande le retrait de cet amendement ; à défaut, l’avis sera défavorable.
M. le président. Monsieur Bilhac, l’amendement n° 3 rectifié est-il maintenu ?
M. Christian Bilhac. Oui, monsieur le président.
Vous ne m’empêcherez pas de penser que la minorité a été retenue sur la proposition du secteur bancaire. Les mineurs ont évidemment beaucoup moins d’argent sur leurs comptes que les jeunes majeurs…
M. le président. L’amendement n° 7, présenté par M. Maurey, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
II. – Le I entre en vigueur trois mois après la promulgation de la présente loi.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Hervé Maurey, rapporteur. Cet amendement vise à sécuriser la date d’entrée en vigueur du dispositif.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix l’article 1er, modifié.
(L’article 1er est adopté.)
Après l’article 1er
M. le président. L’amendement n° 4, présenté par Mme Florennes, est ainsi libellé :
Après l’article 1er
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après l’article L. 312-1-4-1 du code monétaire et financier, il est inséré un article L. 312-1-4-… ainsi rédigé :
« Art. L. 312-1-4-…. – Dans le cas d’une succession comportant plusieurs héritiers, en cas de désaccord entre eux, il revient à l’établissement de crédit teneur des comptes mentionnés au premier alinéa de l’article L. 312-1-4-1 de répartir les fonds sans perception d’aucuns frais. »
La parole est à Mme Isabelle Florennes.
Mme Isabelle Florennes. Actuellement, malgré les dispositions du code monétaire et financier, il y a deux choix possibles dans le traitement du versement des fonds issus de successions comportant de multiples héritiers, et ce quel que soit le montant de ces fonds.
Des établissements bancaires peuvent verser ces fonds à un seul héritier répondant aux critères définis à l’article L. 312–1–4 du code monétaire et financier, à charge pour lui de les répartir auprès des autres héritiers.
En cas de mésentente entre héritiers, l’établissement bancaire renvoie alors la répartition des fonds vers un notaire, cette saisine pouvant générer des frais.
D’autres établissements bancaires répartissent eux-mêmes les fonds entre les héritiers.
Cet amendement vise à assurer la cohérence du traitement par les établissements bancaires de la répartition des fonds liés à une succession et à simplifier le traitement des successions en évitant tout renvoi vers un notaire.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Hervé Maurey, rapporteur. La commission estime que cet amendement suscite des interrogations et des difficultés. Nous voyons mal comment les banques pourraient verser l’ensemble des fonds à un héritier en lui laissant la charge de les répartir entre les autres héritiers, surtout s’il n’y a pas d’accord entre eux. Nous craignons que ce soit source de possibles contentieux avec les banques.
Nous allons entendre l’avis du Gouvernement. Sauf avis contraire de sa part, la commission demande le retrait de cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Thomas Cazenave, ministre délégué. Madame la sénatrice, si je comprends bien la logique qui sous-tend cet amendement, il revient à demander aux banques de faire le travail d’un notaire, dans le cas de successions qui ne sont pas réglées.
Cela déstabiliserait complètement la manière dont les successions sont réglées dans notre pays. Nous ne pouvons pas demander aux établissements bancaires d’endosser une telle responsabilité.
Par ailleurs, j’insiste sur le fait que cette disposition fragiliserait le présent texte, car elle ne manquerait pas de susciter des interrogations auprès des principaux acteurs concernés, voire de les pousser à engager d’autres démarches.
Le Gouvernement demande le retrait de cet amendement ; à défaut, il émettra un avis défavorable.
M. le président. Madame Florennes, l’amendement n° 4 est-il maintenu ?
Mme Isabelle Florennes. Monsieur le ministre, la rédaction de cet amendement n’est peut-être pas idoine, j’en conviens. Toutefois, le problème que je soulève est réel.
En effet, le cas s’est déjà posé : une succession est ouverte, l’acte a été transmis, mais deux établissements bancaires fonctionnent différemment pour le versement des fonds. Le premier, une fois la succession réglée, envoie le solde du compte à l’un des héritiers, en le chargeant de le répartir. Le second effectue lui-même la répartition prévue par l’acte qui lui a été transmis.
En l’absence d’acte établi et pour des sommes plus modiques, si la succession est versée à l’un des héritiers qui n’est pas en contact avec les autres, ces derniers peuvent ne jamais percevoir les fonds. La question s’est posée et visiblement, les établissements bancaires traitent les soldes de ces comptes de façon différente.
J’entends vos avis, mais il convient de régler le problème. C’est pourquoi je tenais à appeler votre attention sur cette différence de traitement qui existe selon les établissements bancaires, en dépit des dispositions prévues au code monétaire et financier. Il faut travailler sur ce sujet.
Cela étant dit, je retire cet amendement.
M. le président. L’amendement n° 4 est retiré.
Article 1er bis
(Non modifié)
Après la septième ligne du tableau du second alinéa du I des articles L. 752-2, L. 753-2 et L. 754-2 du code monétaire et financier, est insérée une ligne ainsi rédigée :
« |
L. 312-1-4-1 |
la loi n° … du … visant à réduire et à encadrer les frais bancaires sur succession |
» |
– (Adopté.)
Après l’article 1er bis
M. le président. M. le président. L’amendement n° 2, présenté par Mme N. Goulet, est ainsi libellé :
Après l’article 1er bis
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Les dispositions de la présente loi s’appliquent aux successions en cours non encore clôturées.
La parole est à Mme Nathalie Goulet.
Mme Nathalie Goulet. Cet amendement porte sur le point de départ de l’application de cette remarquable proposition de loi : je propose qu’elle soit applicable aux successions ouvertes non encore liquidées.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Hervé Maurey, rapporteur. Il semble compliqué – je pense que M. le ministre le confirmera – de changer tout à coup les tarifs applicables à une succession qui est en cours. Certains actes peuvent avoir été déjà réalisés par les banques, voire facturés. Cela occasionnerait donc, dans certains cas, des demandes de remboursement.
Sous réserve de l’avis du ministre, la commission demande le retrait de cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Thomas Cazenave, ministre délégué. Je partage les arguments que le rapporteur vient d’avancer. Comme vous le savez, madame la sénatrice, cette disposition touche au droit des contrats. Dans ce cadre, le juge constitutionnel veille à ce qu’il n’y soit pas porté atteinte de façon disproportionnée.
Dès lors, il ne nous semble pas opportun d’agir sur des successions qui sont en cours de règlement. Les banques appliquent actuellement des tarifs qui sont en quelque sorte contractualisés. Ne fragilisons pas le dispositif.
Le Gouvernement demande le retrait de cet amendement ; à défaut, il émettra un avis défavorable.
M. le président. Madame Goulet, l’amendement n° 2 est-il maintenu ?
Mme Nathalie Goulet. Monsieur le ministre, je comprends vos arguments, mais nous aurions pu imaginer que cette proposition de loi s’applique à certaines successions qui mettent un temps infini à être réglées.
Cela étant dit, je retire cet amendement.
M. le président. L’amendement n° 2 est retiré.
Article 2
Dans un délai d’un an à compter de la publication du décret d’application prévu au dernier alinéa de l’article L. 312-1-4-1 du code monétaire et financier, le Gouvernement remet au Parlement un rapport permettant d’évaluer l’impact de la présente loi sur l’évolution des frais appliqués dans le cadre des opérations liées à la clôture des comptes et des produits d’épargne du défunt. Ce rapport s’appuie notamment sur les travaux du Comité consultatif du secteur financier – (Adopté.)
Vote sur l’ensemble
M. le président. Personne ne demande la parole ?…
Je mets aux voix, dans le texte de la commission, modifié, l’ensemble de la proposition de loi visant à réduire et à encadrer les frais bancaires sur succession.
(La proposition de loi est adoptée.)
M. le président. Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-huit heures cinq, est reprise à dix-huit heures sept.)
M. le président. La séance est reprise.
9
Saisie et confiscation des avoirs criminels
Adoption définitive des conclusions modifiées d’une commission mixte paritaire sur une proposition de loi
M. le président. L’ordre du jour appelle l’examen des conclusions de la commission mixte paritaire chargée d’élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion de la proposition de loi améliorant l’efficacité des dispositifs de saisie et de confiscation des avoirs criminels (texte de la commission n° 561, rapport n° 560).
La parole est à Mme le rapporteur.
Mme Muriel Jourda, rapporteur pour le Sénat de la commission mixte paritaire. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je vous exposerai en quelques mots les conclusions auxquelles nous sommes parvenus au terme de la commission mixte paritaire (CMP) sur la proposition de loi améliorant l’efficacité des dispositifs de saisie et de confiscation des avoirs criminels, en espérant que vous les avaliserez.
L’intitulé de ce texte en définit clairement les enjeux : il s’agit tout simplement d’appréhender le patrimoine des délinquants. Il ne s’agit pas d’une ressource très importante pour l’État français, mais elle pourrait, à terme, le devenir. Surtout, il s’agit d’un moyen pour lutter contre la criminalité et la délinquance.
Nous savons que l’appât du gain est souvent la première motivation pour commettre une infraction. La commission d’enquête sur le narcotrafic l’a encore démontré. Au cours des auditions qui ont été menées dans ce cadre, nous avons pu constater qu’un certain type de délinquants avaient totalement accepté le risque carcéral, mais formaient de plus en plus de recours sur les saisies de leur patrimoine, notamment sur la partie issue de l’infraction.
Il est important de lutter contre la délinquance par la saisie et la confiscation des avoirs. Le Parlement s’est saisi de cet enjeu il y a quelques années, sur l’initiative de notre collègue député Jean-Luc Warsmann, dont la proposition de loi a créé l’un des piliers en la matière, l’Agence de gestion et de recouvrement des avoirs saisis et confisqués (Agrasc).
Ce texte a été appliqué pendant plusieurs années avant de faire l’objet d’une évaluation en 2019 par ce même Jean-Luc Warsmann et l’un de ses collègues députés, à la demande du Premier ministre de l’époque. Ils avaient alors formulé plusieurs préconisations : certaines ont été mises en œuvre, d’autres non. Le texte qui nous a été soumis est issu de ces préconisations.
Nous avons adopté ce texte au Sénat, et nous avons fini par trouver un accord avec l’Assemblée nationale en vue d’améliorer chacune des phases de la saisie et de la confiscation des avoirs criminels. La saisie est le moment de l’enquête où l’on bloque les avoirs criminels de diverses façons. Sur ce point, le texte comportait quelques manques.
Tout d’abord, il convenait de formaliser le fait que l’Agrasc constitue en la matière le premier organisme de formation de la police et de la gendarmerie, mais aussi des magistrats. En effet, pour mettre en œuvre une telle procédure, il faut bien la connaître, ce qui n’est pas encore totalement le cas dans toutes les juridictions.
Ensuite, la rédaction finale de ce texte nous permet de saisir des avoirs nouveaux, en particulier les comptes d’actifs numériques. Ces derniers, qui représentent des sommes très importantes, notamment pour ce qui concerne le narcotrafic, ne pouvaient, jusqu’alors, pas être saisis. À cet égard, la procédure sera donc largement améliorée.
Par ailleurs, nous avons simplifié les recours pour qu’ils durent moins longtemps, de manière à rendre les procédures plus efficaces.
Un élément essentiel faisait également défaut en ce qui concerne la gestion des biens saisis : dès lors qu’une juridiction était saisie, il n’existait plus de possibilité juridique de gérer ces biens. Nous avons comblé ce manque en l’autorisant à l’échelle de la juridiction saisie, sachant que les procédures durent plusieurs années, durant lesquelles les biens étaient, jusqu’alors, paralysés.
Nous avons aussi introduit une mesure pouvant donner de bons résultats : désormais, l’Agrasc sera systématiquement informée des saisies ordonnées par les magistrats au cours de l’enquête.
Enfin, il existe une marge d’amélioration importante sur la confiscation des biens. En effet, seuls 30 % des biens saisis sont confisqués. Désormais, certains biens feront l’objet d’une confiscation obligatoire et automatique, de sorte que les magistrats n’auront pas de question à se poser sur ce point. Chacun en escompte un très bon résultat.
Voilà, dans les grandes lignes, l’accord que nous avons trouvé avec l’Assemblée nationale dans le cadre de cette commission mixte paritaire. J’espère qu’il vous agréera et que, sous réserve de l’adoption de quelques amendements rédactionnels du Gouvernement, nous le scellerons et ferons ainsi avancer la lutte contre la délinquance.
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Thomas Cazenave, ministre délégué auprès du ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargé des comptes publics. Monsieur le président, madame la rapporteure, mesdames, messieurs les sénateurs, la proposition de loi dont l’ultime étape de l’examen parlementaire nous réunit ce soir marque une nouvelle avancée importante pour renforcer un volet majeur de notre arsenal de lutte contre la criminalité organisée : la saisie et la confiscation des avoirs criminels.
Je me réjouis que la commission mixte paritaire ait abouti à un texte dont les dispositions justes et efficaces font largement consensus. À cet égard, je tiens d’emblée à souligner l’engagement de la rapporteure, Mme Muriel Jourda, que je salue.
Ce consensus est, je le crois, le reflet de celui qui traverse la société sur la nécessité d’adopter des mesures fortes afin de toujours mieux lutter contre le crime organisé, sur tous les fronts.
C’est dans cette optique que le garde des sceaux Éric Dupond-Moretti a annoncé, il y a quelques jours, la mise en place d’un parquet national anticriminalité organisée (Pnaco) et de cours d’assises spécialement composées pour les règlements de comptes, la création d’un véritable statut de repenti, ou encore celle d’un crime d’association de malfaiteurs, puni de vingt ans de réclusion.
Ce n’est bien sûr pas l’objet du texte qui nous occupe ce soir, mais je tenais à le mentionner pour replacer cette proposition de loi dans le cadre d’une action globale, forte et volontariste, à laquelle elle contribue de manière tout à fait substantielle.
Investir pour mieux saisir, confisquer pour mieux sanctionner et ainsi donner corps à l’adage selon lequel le crime ne paie pas a toujours constitué un axe majeur de la politique pénale du Gouvernement.
Notre arsenal législatif a évolué en ce sens pour favoriser l’engagement des enquêteurs et des magistrats, qui saisissent et confisquent toujours plus. Je salue leur action qu’illustrent les chiffres records d’une politique pénale parfaitement intégrée : les saisies réalisées en 2023 s’élèvent à 1,44 milliard d’euros et ont été multipliées par dix depuis 2011, tandis que le montant des confiscations prononcées a atteint le chiffre inégalé de 175,5 millions d’euros, soit une augmentation de 105 % en trois ans.
Parallèlement, dès 2020, les moyens de l’Agrasc ont été renforcés, l’agence rayonnant désormais à travers tout le territoire grâce à ses huit antennes régionales et au doublement de ses effectifs en trois ans.
En somme, le dispositif de saisie et de confiscation des avoirs criminels a régulièrement été amélioré, car frapper les délinquants au portefeuille est triplement gagnant.
Mme Nathalie Goulet. Oui !
M. Thomas Cazenave, ministre délégué. C’est une arme extrêmement puissante de répression ; cela renforce l’indemnisation des victimes ; et cela envoie un message de fermeté particulièrement dissuasif.
Le texte que vous allez, je l’espère, adopter définitivement tout à l’heure donnera un nouvel élan à cette dynamique vertueuse, en nous dotant de moyens à la hauteur de l’enjeu et de nos ambitions.
Avant de revenir rapidement sur les principales dispositions du texte, je tiens à saluer le travail qui a été mené en commission mixte paritaire pour tenir compte des nombreux enrichissements venant tant de l’Assemblée nationale que du Sénat, comme des exigences constitutionnelles et des difficultés pratiques auxquelles les magistrats sont confrontés.
En effet, pour donner leur plein effet aux procédures de confiscation, il convient avant tout de les rendre suffisamment simples et suffisamment pratiques pour que les magistrats puissent efficacement s’en emparer. Ce texte permet d’atteindre cet objectif, en simplifiant notamment la procédure de recours contre les saisies, qui a incontestablement gagné en lisibilité et en efficacité.
Par ailleurs, l’un des apports principaux de ce texte est de faire de la confiscation une peine complémentaire obligatoire. Concrètement, cela veut dire que les biens qui sont l’instrument, l’objet ou le produit direct ou indirect d’une infraction seront systématiquement saisis.
Cela constitue un tournant important dans la pratique judiciaire, qui renverse la logique qui prévalait jusque-là. Désormais, sauf décision motivée, la juridiction doit confisquer, afin de s’assurer que le crime ne paie plus, et que bien mal acquis ne profite jamais.
Une autre avancée mérite d’être soulignée.
La proposition de loi a élargi l’affectation avant jugement des biens saisis au profit des services judiciaires, de l’administration pénitentiaire et des établissements publics sous tutelle du ministère de la justice, parmi lesquels l’Agrasc.
Je tiens également à revenir sur un apport important du Sénat, qui comble une lacune qui a été révélée par la pratique, à savoir l’absence d’acteur judiciaire désigné pour statuer sur les biens une fois la juridiction de jugement saisie. Il fallait alors attendre, parfois longtemps, que le tribunal ait définitivement tranché sur le sort de ces derniers.
Afin d’y remédier, une procédure a été élaborée en accord avec l’Assemblée nationale et le Gouvernement pour que soit désigné un magistrat compétent, à savoir le président du tribunal judiciaire ou un juge désigné par lui, pour statuer sur le sort des biens saisis une fois que la juridiction de jugement a été saisie.
Enfin, les travaux de la commission mixte paritaire consacrent une demande du Gouvernement en permettant à l’Agrasc d’être informée de toutes les décisions de saisie et de confiscation. Grâce à cette vision panoramique, l’agence pourra pleinement jouer son rôle de tour de contrôle.
Au bout du compte, ce texte contribue à mieux protéger les Français et profitera directement à nos concitoyens ayant été lésés. En effet, ces derniers pourront désormais obtenir le paiement de leurs dommages et intérêts non seulement sur les biens confisqués, mais également sur les biens dévolus à l’État et sur ceux qui auront fait l’objet d’une décision de non-restitution.
Enfin, la confiscation d’un immeuble constituera désormais un titre d’expulsion à l’encontre du propriétaire condamné et de sa famille. Seul le locataire de bonne foi sera protégé. Les proches du délinquant ou du criminel ne pourront plus profiter de l’immeuble saisi et en seront chassés.
Mesdames, messieurs les sénateurs, ce texte donne des outils concrets aux enquêteurs et aux magistrats pour rendre les saisies plus rapides et plus efficaces, pour accélérer les procédures, pour étendre la confiscation et la rendre obligatoire et pour améliorer l’indemnisation des victimes. Il incarne cette justice vertueuse qui rassemble, qui protège et qui nous oblige.
Je tiens une fois encore à saluer les rapporteurs, le député Jean-Luc Warsmann et la sénatrice Muriel Jourda, ainsi que l’ensemble des sénateurs et des députés de tous bords qui se sont investis sur ce texte. L’engagement du Gouvernement pour lutter contre la délinquance et la criminalité reste total, et cette proposition de loi y contribue résolument en faisant un pas supplémentaire dans la bonne direction.
C’est pourquoi je vous invite à l’adopter largement.
M. le président. Nous passons à la discussion du texte élaboré par la commission mixte paritaire.
Je rappelle que, en application de l’article 42, alinéa 12, du règlement, le Sénat examinant après l’Assemblée nationale le texte élaboré par la commission mixte paritaire, il se prononce par un seul vote sur l’ensemble du texte en ne retenant que les amendements présentés ou acceptés par le Gouvernement.
En conséquence, le vote sur les amendements et sur les articles est réservé.
Je donne lecture du texte examiné par la commission mixte paritaire sur la proposition de loi.
proposition de loi améliorant l’efficacité des dispositifs de saisie et de confiscation des avoirs criminels
Article 1er
I. – Le livre Ier du code de procédure pénale est ainsi modifié :
1° A Au deuxième alinéa de l’article 41-4, les mots : « au président de la chambre de l’instruction ou à la chambre de l’instruction » sont remplacés par les mots : « au premier président de la cour d’appel ou au conseiller désigné par lui » ;
1° L’article 41-5 est ainsi modifié :
a) (Supprimé)
a bis) À la première phrase du troisième alinéa, après le mot : « gendarmerie, », sont insérés les mots : « aux services de l’administration pénitentiaire, aux établissements publics placés sous la tutelle du ministère de la justice, » ;
b) À la troisième phrase de l’avant-dernier alinéa, les mots : « la chambre de l’instruction » sont remplacés par les mots : « le premier président de la cour d’appel ou le conseiller désigné par lui » ;
1° bis À la troisième phrase de l’article 41-6, les mots : « président de la chambre de l’instruction ou la chambre de l’instruction » sont remplacés par les mots : « premier président de la cour d’appel ou le conseiller désigné par lui » ;
1° ter L’article 99 est ainsi modifié :
a) À la deuxième phrase de l’avant-dernier alinéa, les mots : « président de la chambre de l’instruction ou à la chambre de l’instruction » sont remplacés par les mots : « premier président de la cour d’appel ou au conseiller désigné par lui » ;
b) Au dernier alinéa, les mots : « président de la chambre de l’instruction ou la chambre de l’instruction » sont remplacés par les mots : « premier président de la cour d’appel ou au conseiller désigné par lui » ;
1° quater Au quatrième alinéa de l’article 99-1, les mots : « soit au premier président de la cour d’appel du ressort ou à un magistrat de cette cour désigné par lui, soit, lorsqu’il s’agit d’une ordonnance du juge d’instruction, à la chambre de l’instruction » sont remplacés par les mots : « au premier président de la cour d’appel ou au conseiller désigné par lui » ;
2° L’article 99-2 est ainsi modifié :
a) (Supprimé)
a bis) À la première phrase du troisième alinéa, après le mot : « gendarmerie, », sont insérés les mots : « aux services de l’administration pénitentiaire, aux établissements publics placés sous la tutelle du ministère de la justice, » ;
b) L’avant-dernier alinéa est ainsi modifié :
– à la troisième phrase, les mots : « à la chambre de l’instruction » sont remplacés par les mots : « au premier président de la cour d’appel ou au conseiller désigné par lui » ;
– à l’avant-dernière phrase, les mots : « la chambre de l’instruction » sont remplacés par les mots : « le premier président de la cour d’appel ou le conseiller désigné par lui » ;
3° (nouveau) À la dernière phrase du dernier alinéa de l’article 177, les mots : « à la chambre de l’instruction » sont remplacés par les mots : « au premier président de la cour d’appel ou au conseiller désigné par lui » ;
4° (nouveau) À la dernière phrase du deuxième alinéa de l’article 706-152, les mots : « à la chambre de l’instruction » sont remplacés par les mots : « au premier président de la cour d’appel ou au conseiller désigné par lui ».
I bis. – L’article L. 2222-9 du code général de la propriété des personnes publiques est ainsi modifié :
1° Après le mot : « gendarmerie, », sont insérés les mots : « aux services de l’administration pénitentiaire, aux établissements publics placés sous la tutelle du ministère de la justice, à » ;
2° Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :
« Lorsque les mêmes biens n’ont pas été affectés à l’un des services mentionnés au premier alinéa, ils peuvent être affectés, à titre gratuit, à l’établissement public national à caractère administratif d’un parc national créé en application de l’article L. 331-2 du code de l’environnement, au syndicat mixte d’aménagement et de gestion d’un parc naturel régional prévu à l’article L. 333-3 du même code, à des fondations ou des associations reconnues d’utilité publique ou à des fédérations sportives délégataires définies à l’article L. 131-14 du code du sport. »
II. – (Supprimé)
Article 1er bis AAA
Le code de procédure pénale est ainsi modifié :
1° La dernière phrase des deuxième et troisième alinéas des articles 41-5 et 99-2 est complétée par les mots : « , sauf si le bien a fait l’objet d’une décision de non restitution en application des articles 41-4, 177, 212 et 484 » ;
2° La deuxième phrase du dernier alinéa de l’article 177 et la seconde phrase du dernier alinéa de l’article 212 sont complétées par les mots : « , ou lorsque ces biens constituent l’instrument ou le produit direct ou indirect de l’infraction » ;
3° Au dernier alinéa des articles 373-1 et 484-1, les mots : « ne confirment » sont remplacés par les mots : « n’ordonnent » et sont ajoutés les mots : « , sauf si le bien a fait l’objet d’une décision de non-restitution en application des articles 41-4, 177, 222 et 484 » ;
4° Le second alinéa de l’article 484 est complété par les mots : « ou lorsque ces biens constituent l’instrument ou le produit direct ou indirect de l’infraction ».
Article 1er bis AAB
À la fin du dernier alinéa de l’article 706-160 du code de procédure pénale, les mots : « ainsi qu’aux informations mentionnées à l’article L. 107 B du livre des procédures fiscales » sont remplacés par les mots : « , aux informations mentionnées à l’article L. 107 B du livre des procédures fiscales ainsi qu’aux informations contenues dans le fichier immobilier tenu par les services chargés de la publicité foncière ».
Article 1er bis AA
(Supprimé)
Article 1er bis AB
Le livre Ier du code de procédure pénale est ainsi modifié :
1° La première phrase du deuxième alinéa de l’article 41-5 est complétée par les mots : « ou entraînerait des frais conservatoires disproportionnés au regard de sa valeur économique, ou lorsque l’entretien du bien requiert une expertise particulière » ;
2° La première phrase du deuxième alinéa de l’article 99-2 est complétée par les mots : « ou entraînerait des frais conservatoires disproportionnés au regard de sa valeur économique, ou lorsque l’entretien du bien requiert une expertise particulière ».
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Article 1er bis B
Le code de procédure pénale est ainsi modifié :
1° Après le 2° du I de l’article 41-1-2, il est inséré un 3° ainsi rédigé :
« 3° Se dessaisir au profit de l’État de tout ou partie des biens saisis dans le cadre de la procédure. » ;
2° Après le 2° de l’article 41-1-3, il est inséré un 2° bis ainsi rédigé :
« 2° bis Se dessaisir au profit de l’État de tout ou partie des biens saisis dans le cadre de la procédure ; ».
Article 1er bis C
I. – L’article 131-21 du code pénal est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Les décisions de confiscation sont communiquées par tout moyen à l’Agence de gestion et de recouvrement des avoirs saisis et confisqués mentionnée à l’article 706-159 du code de procédure pénale. »
II. – Le code de procédure pénale est ainsi modifié :
1° Avant le dernier alinéa de l’article 41-5, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Les décisions de saisie sont communiquées par tout moyen à l’Agence de gestion et de recouvrement des avoirs saisis et confisqués mentionnée à l’article 706-159. » ;
2° Avant le dernier alinéa de l’article 99-2, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Les décisions de saisie sont communiquées par tout moyen à l’Agence de gestion et de recouvrement des avoirs saisis et confisqués mentionnée à l’article 706-159. » ;
3° Au cinquième alinéa de l’article 706-161, les mots : « dont elle est saisie » sont remplacés par les mots : « qui lui sont communiquées ».
Article 1er bis D
(Supprimé)
Article 1er bis E
I. – Après la première phrase du troisième alinéa de l’article 707-1 du code de procédure pénale, est insérée une phrase ainsi rédigée : « L’agence est également compétente pour la gestion des biens non restitués en application du deuxième alinéa de l’article 41-4 et pour la mise en œuvre du dernier alinéa du même article 41-4. »
II (nouveau). – À compter du 30 septembre 2024, à la deuxième phrase du troisième alinéa de l’article 707-1 du code de procédure pénale, dans sa rédaction résultant du I du présent article, le mot : « deuxième » est remplacé par le mot : « troisième ».
Article 1er bis
Le début du deuxième alinéa de l’article 706-161 du code de procédure pénale est ainsi rédigé : « Elle mène des actions régulières de formation dans les juridictions et auprès des services de police judiciaire et de douane judiciaire et peut mener toute action d’information destinée… (le reste sans changement). »
Article 1er ter
Le code de procédure pénale est ainsi modifié :
1° À la dernière phrase du deuxième alinéa de l’article 365-1, après le mot : « confiscation », sont insérés les mots : « en valeur » ;
2° À la première phrase de l’article 485-1, après le mot : « confiscation », sont insérés les mots : « en valeur ».
Article 1er quater
Le code de procédure pénale est ainsi modifié :
1° à 3° (Supprimés)
4° (nouveau) L’article 706-144 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Toutefois, lorsque la juridiction de jugement est saisie, le président du tribunal judiciaire ou un juge délégué par lui est compétent pour statuer sur l’ensemble des requêtes relatives à l’exécution de la saisie du bien ainsi que pour autoriser ou ordonner les mesures mentionnées aux quatre premiers alinéas des articles 41-5 et 99-2. Lorsque la cour d’assises est saisie, le président du tribunal judiciaire compétent est celui dans le ressort duquel l’ordonnance de mise en accusation a été rendue. Il statue, sur requête du procureur de la République ou d’une partie, par ordonnance motivée. Cette décision est notifiée aux personnes ayant des droits sur le bien, si celles-ci sont connues, au ministère public ainsi qu’aux accusés ou aux prévenus, qui peuvent la déférer au premier président de la cour d’appel ou au juge délégué par lui dans un délai de dix jours à compter de la notification de la décision. Ce recours est suspensif. »
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Article 2 bis A
Le titre III du livre IV du code pénal est ainsi modifié :
1° La section 4 du chapitre II est complétée par un article 432-18 ainsi rédigé :
« Art. 432-18. – Dans les cas prévus à l’article 432-11, peut également être prononcée la confiscation de tout ou partie des biens du condamné ou, sous réserve des droits du propriétaire de bonne foi, des biens dont le condamné a la libre disposition, quelle qu’en soit la nature, meubles ou immeubles, divis ou indivis. » ;
2° Après l’article 433-22, il est inséré un article 433-22-1 ainsi rédigé :
« Art. 433-22-1. – Dans les cas prévus à l’article 433-1, peut également être prononcée la confiscation de tout ou partie des biens du condamné ou, sous réserve des droits du propriétaire de bonne foi, des biens dont le condamné a la libre disposition, quelle qu’en soit la nature, meubles ou immeubles, divis ou indivis. » ;
3° La section 3 du chapitre V est complétée par un article 435-16 ainsi rédigé :
« Art. 435-16. – Dans les cas prévus aux articles 435-1, 435-3, 435-7 et 435-9, peut également être prononcée la confiscation de tout ou partie des biens du condamné ou, sous réserve des droits du propriétaire de bonne foi, des biens dont le condamné a la libre disposition, quelle qu’en soit la nature, meubles ou immeubles, divis ou indivis. »
Article 2 bis B
Le code de procédure pénale est ainsi modifié :
1° À la première phrase du deuxième alinéa de l’article 373-1, les mots : « dont elle ordonne la saisie » sont supprimés ;
2° À la première phrase du deuxième alinéa de l’article 484-1, les mots : « dont il ordonne la saisie » sont supprimés.
Article 2 bis
Le code de procédure pénale est ainsi modifié :
1° L’article 706-148 est ainsi modifié :
a) Après le premier alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Par dérogation au premier alinéa du présent article, lorsqu’il existe des raisons plausibles de soupçonner que la disparition d’un bien est imminente, l’officier de police judiciaire peut être autorisé, par tout moyen, par le procureur de la République ou par le juge d’instruction à procéder, aux frais avancés du Trésor, à la saisie des biens mentionnés au même premier alinéa. Le juge des libertés et de la détention, saisi par le procureur de la République, ou le juge d’instruction, se prononce par ordonnance motivée sur le maintien ou la mainlevée de la saisie dans un délai de dix jours à compter de sa réalisation, y compris si la juridiction de jugement est saisie. » ;
b) La première phrase du second alinéa est ainsi modifiée :
– au début, les mots : « La décision prise en application du premier alinéa est notifiée » sont remplacés par les mots : « Les décisions prises en application des deux premiers alinéas sont notifiées » ;
– la deuxième occurrence du mot : « la » est remplacée par le mot : « les » ;
2° L’article 706-154 est ainsi modifié :
a) À la première phrase du premier alinéa et au dernier alinéa, après le mot : « dépôts », sont insérés les mots : « , de paiement » ;
b) (nouveau) La dernière phrase du premier alinéa est complétée par les mots : « , y compris si la juridiction de jugement est saisie ».
Article 3
I. – Le code pénal est ainsi modifié :
1° L’article 131-21 est ainsi modifié :
a) À la première phrase des deuxième et troisième alinéas et aux sixième et huitième alinéas, le mot : « dernier » est remplacé par le mot : « avant-dernier » ;
b) Après le troisième alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Sous les mêmes réserves et sous réserve des droits du propriétaire de bonne foi, la confiscation des biens ayant été saisis au cours de la procédure est obligatoire lorsqu’ils ont servi à commettre l’infraction, lorsqu’ils étaient destinés à la commettre ou lorsqu’ils sont l’objet ou le produit direct ou indirect de l’infraction. Cette confiscation n’a pas à être motivée. Toutefois, la juridiction peut, par une décision spécialement motivée, décider de ne pas prononcer la confiscation de tout ou partie des biens mentionnés au présent alinéa, en considération des circonstances de l’infraction et de la personnalité de son auteur. » ;
b bis) (nouveau) Au dernier alinéa, le mot : « septième » est remplacé par le mot : « huitième » ;
c) Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :
« La décision définitive de confiscation d’un bien immobilier constitue un titre d’expulsion à l’encontre de la personne condamnée et de tout occupant de son chef. N’est pas considérée comme occupant du chef du condamné la personne de bonne foi titulaire d’une convention d’occupation ou de louage d’ouvrage à titre onéreux portant sur tout ou partie du bien confisqué, dès lors que cette convention a été conclue avant la décision de saisie et qu’elle a été régulièrement exécutée par les deux parties. » ;
1° bis (nouveau) À la seconde phrase du quatrième alinéa de l’article 131-21-1, le mot : « quatrième » est remplacé par le mot : « cinquième » ;
2° À l’article 225-25, au 4° de l’article 313-7 et au 8° de l’article 324-7, le mot : « du dernier » est remplacé par le mot : « de l’avant-dernier » ;
3° (nouveau) À la seconde phrase du 1° de l’article 225-26, le mot : « neuvième » est remplacé par le mot : « dixième » ;
II (nouveau). – À la deuxième phrase du premier alinéa de l’article 56 du code de procédure pénale, les mots : « cinquième et sixième » sont remplacés par les mots : « sixième et septième ».
III (nouveau). – À la seconde phrase du 1° de l’article 184-7, au dernier alinéa de l’article 184-8, à la seconde phrase du 1° du IV et au dernier alinéa du V de l’article 511-22, à la seconde phrase du 1° du II et à la seconde phrase du deuxième alinéa du III de l’article L. 521-4 du code de la construction et de l’habitation, le mot : « neuvième » est remplacé par le mot : « dixième ».
IV (nouveau). – À la deuxième phrase du 2° de l’article 324-13 du code de la sécurité intérieure, le mot : « neuvième » est remplacé par le mot : « dixième ».
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Article 5 (nouveau)
I. – Après le mot : « loi », la fin de l’article 711-1 du code pénal est ainsi rédigée : « n° … du … améliorant l’efficacité des dispositifs de saisie et de confiscation des avoirs criminels ».
II. – Le début du premier alinéa de l’article 804 du code de procédure pénale est ainsi rédigé : « Le présent code est applicable, dans sa rédaction résultant de la loi n° … du … améliorant l’efficacité des dispositifs de saisie et de confiscation des avoirs criminels, en Nouvelle-Calédonie… (le reste sans changement). »
III. – La cinquième partie du code général de la propriété des personnes publiques est ainsi modifiée :
1° La neuvième ligne du tableau du second alinéa de l’article L. 5511-4 est remplacée par deux lignes ainsi rédigées :
« |
L. 2211-1, L. 2212-1, L. 2221-1, L. 2222-1 à L. 2222-3, L. 2222-6 et L. 2222-7 |
||
L. 2222-9 |
résultant de la loi n° … du … améliorant l’efficacité des dispositifs de saisie et de confiscation des avoirs criminels |
» ; |
2° La onzième ligne du tableau du second alinéa de l’article L. 5711-2 est ainsi rédigée :
« |
L. 2222-9 |
Résultant de la loi n° … du … améliorant l’efficacité des dispositifs de saisie et de confiscation des avoirs criminels |
». |
M. le président. Nous allons maintenant examiner les amendements déposés par le Gouvernement.
article 1er bis c
M. le président. L’amendement n° 1, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Au début
Insérer un paragraphe ainsi rédigé :
I. – A. – Au 4° du II de l’article L. 172-13 du code de l’environnement, les mots : « à l’avant-dernier » sont remplacés par les mots : « au cinquième ».
La parole est à M. le ministre délégué.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Muriel Jourda, rapporteur. La commission ne s’étant pas réunie, j’émettrai des avis à titre personnel.
S’agissant d’un amendement rédactionnel, j’émets un avis favorable.
M. le président. L’amendement n° 2, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Alinéa 12
Après les mots :
article 56
insérer les mots :
et à la première phrase du premier alinéa de l’article 706-148
La parole est à M. le ministre délégué.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Muriel Jourda, rapporteur. Même avis que précédemment.
M. le président. L’amendement n° 3, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Alinéa 1
Compléter cet alinéa par les mots :
, en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française et dans les îles Wallis et Futuna
La parole est à M. le ministre délégué.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Muriel Jourda, rapporteur. Avis favorable, également.
M. le président. Avant de mettre aux voix, dans la rédaction résultant du texte élaboré par la commission mixte paritaire, modifié par les amendements du Gouvernement, l’ensemble de la proposition de loi, je vais donner la parole, pour explication de vote, à un représentant par groupe.
La parole est à Mme Nathalie Delattre, pour le groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.
Mme Nathalie Delattre. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous arrivons donc au terme du processus législatif sur cette proposition de loi et je me réjouis que notre parlement ait trouvé un accord en commission mixte paritaire. L’aspect technique de ce texte n’enlève rien à son intérêt majeur.
Comme je l’avais rappelé lors de la première lecture de cette proposition de loi, la loi du 9 juillet 2010 visant à faciliter la saisie et la confiscation en matière pénale, dite loi Warsmann, avait marqué un tournant dans le domaine de la saisie criminelle il y a maintenant presque quinze ans, en dotant notre pays d’un dispositif normatif important en matière de saisie et de confiscation des avoirs criminels.
Cette loi a offert de larges possibilités opérationnelles et a permis de prononcer des sanctions patrimoniales significatives.
Puis les différentes évolutions législatives ont conduit à la création de plusieurs institutions pour encadrer, suivre et gérer le recouvrement des avoirs criminels, ainsi que pour soutenir les services d’enquête. Je pense, en particulier, à l’Agence de gestion et de recouvrement des avoirs saisis et confisqués.
Je tiens à souligner et à saluer le travail de cette agence au cours de sa première décennie d’exercice, puisque le nombre de saisies enregistrées a constamment augmenté, année après année.
Pourtant, dans leur rapport de 2019, les députés Laurent Saint-Martin et Jean-Luc Warsmann ont souligné le paradoxe qui entoure les procédures de saisie et de confiscation des avoirs criminels. Selon leurs conclusions, nous sommes dotés d’un cadre législatif élaboré, mais dont les mécanismes demeurent très insuffisamment utilisés.
Ils déploraient également le fait que l’utilisation des techniques d’identification des avoirs criminels et le recours aux saisies étaient trop concentrés sur les affaires économiques et financières et les affaires de criminalité organisée, au détriment des affaires de moyenne et de faible intensité. Le dispositif mériterait de s’appliquer à ces dernières, pour les vertus de l’exemple et pour marquer les esprits.
Cette proposition de loi nous invite donc à aller plus loin. Au nom de mon groupe, je soutiens les différents dispositifs qu’elle comporte.
Je pense naturellement aux dispositions initialement proposées, par exemple à l’article 1er, qui modifie la procédure de contestation des décisions de saisie de biens meubles prises avant jugement, dont la conservation n’est plus nécessaire à la manifestation de la vérité.
Je pense aussi à l’article 2, qui simplifie l’indemnisation des victimes dans la gestion des biens confisqués.
L’article 3 comprend également de très bonnes mesures, telles que la confiscation systématique et de plein droit des biens lorsqu’ils « ont servi à commettre l’infraction, lorsqu’ils étaient destinés à la commettre ou lorsqu’ils sont l’objet ou le produit direct ou indirect de l’infraction ».
Je me réjouis que notre assemblée ait su doter le texte de nombreux apports. Par exemple, l’article 1er quater, qui comble une lacune juridique dans la gestion des biens saisis entre la fin de l’enquête ou de l’instruction et la tenue de l’audience de jugement, mérite d’être cité.
Il en est de même pour l’article 2 bis A, que le Sénat a adopté en séance publique et qui prévoit l’extension du champ de la peine complémentaire de confiscation générale du patrimoine à une série de nouvelles infractions.
Bien entendu, je regrette que les amendements que nous avons déposés lors du précédent examen, dont l’un a été adopté, ne figurent pas dans le texte élaboré par la commission mixte paritaire. Toutefois, nous avançons dans la bonne direction. Les dispositions retenues participent pleinement à garantir les principes les plus fondamentaux de notre pacte républicain.
Nous l’avons beaucoup dit durant cet examen : le crime ne doit pas payer. Aussi va-t-il de soi que le groupe RDSE votera unanimement en faveur de cette proposition de loi.
M. le président. La parole est à Mme Patricia Schillinger, pour le groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants.
Mme Patricia Schillinger. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le texte sur lequel nous sommes appelés à nous prononcer revêt une importance cruciale. Il vise à améliorer l’efficacité des dispositifs de saisie et de confiscation des avoirs criminels, et contribue ainsi à donner encore plus corps à l’adage selon lequel nul ne doit tirer profit de son crime.
Ces dispositifs constituent des leviers puissants pour lutter contre la criminalité organisée, dont il est avéré que les acteurs craignent souvent plus pour leur portefeuille que pour leur liberté. C’est donc à leur portefeuille qu’il convient de les frapper, et de les frapper fort, en réaffirmant avec conviction que le crime ne paie pas. Le respect de ce principe est d’autant plus important qu’il conditionne l’efficacité et la crédibilité de la réponse pénale.
À cet égard, les mécanismes actuels de saisie et de confiscation, qui reposent largement sur les dispositions de la loi Warsmann du 9 juillet 2010, ont largement prouvé leur redoutable efficacité. Je rappelle que, depuis la création de l’Agrasc, le montant des saisies n’a cessé d’augmenter : de 109 millions d’euros en 2011, il est passé à 1,44 milliard d’euros en 2023, tandis que le montant des avoirs confisqués s’élevait à 175 millions d’euros.
Si ces chiffres sont encourageants, il faut reconnaître que subsistent d’importantes marges de progression. Ainsi, seuls 30 % des biens saisis finissent par être effectivement confisqués. Il faut donc aller plus loin.
C’est ce que ce texte a vocation à permettre en améliorant le fonctionnement de l’Agrasc, en élargissant les possibilités d’affectation des biens saisis et confisqués et en aménageant la procédure pénale qui leur est applicable.
Je tiens à saluer le travail de l’auteur de cette proposition de loi, le député Jean-Luc Warsmann, dont nous connaissons l’engagement sur ces sujets. Plus largement, je souligne l’esprit de coconstruction qui a présidé à l’examen de ce texte, tout au long de la navette parlementaire, et qui a permis d’aboutir, en commission mixte paritaire, à un texte consensuel auquel notre chambre a largement contribué. À cet égard, je salue le travail de notre rapporteure, Muriel Jourda, qui a été à l’origine de nombreux apports à cette proposition de loi.
À titre d’exemple, l’article 1er n’étend plus les possibilités d’affectation sociale qu’aux biens confisqués, tenant ainsi compte des observations de la rapporteure relatives aux difficultés opérationnelles qui se seraient posées autrement.
De même, la suppression du caractère suspensif des recours formés contre les décisions de saisie ou de non-restitution et l’extension de l’obligation imposée aux personnes morales de se dessaisir de tout ou partie des biens confisqués aux conventions judiciaires d’intérêt public dites environnementales constituent des apports notables de notre rapporteure.
En outre, j’observe que l’article 3 a fait l’objet d’une rédaction de compromis, qui intègre pleinement les inquiétudes légitimes qu’a exprimées notre rapporteure quant à l’impact potentiel des mesures d’expulsion accompagnant les mesures de confiscation sur les locataires de bonne foi.
Enfin, les membres du groupe RDPI se réjouissent que plusieurs dispositions issues de leurs amendements aient été intégrées dans la version finale du texte : je citerai la possibilité d’affecter des biens saisis à l’administration pénitentiaire ; l’extension des cas de non-restitution des biens saisis ; la faculté pour l’Agrasc d’accéder, dans l’exercice de ses missions, au fichier informatisé des données juridiques immobilières (Fidji) ; l’élargissement du champ de la peine complémentaire de confiscation générale du patrimoine ; l’extension de la possibilité de remise à l’Agrasc des biens meubles confisqués.
Le travail pragmatique mené par les deux chambres, en bonne intelligence avec le Gouvernement, nous a permis d’aboutir à un texte équilibré et efficace, dont je ne doute pas une seconde qu’il permettra aux mécanismes de saisie et de confiscation d’atteindre leur plein potentiel.
C’est en conséquence avec beaucoup d’enthousiasme que les élus du groupe RDPI voteront en faveur de cette proposition de loi, qui traduit la volonté de renforcer l’efficacité de la réponse pénale et, partant, de notre justice ! (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI. – Mme le rapporteur applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Pierre-Alain Roiron, pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain. (Applaudissements sur des travées du groupe SER.)
M. Pierre-Alain Roiron. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la commission d’enquête sur l’impact du narcotrafic en France et les mesures à prendre pour y remédier a rendu ses conclusions hier.
Son président, Jérôme Durain, a été marqué, comme, très certainement, tous nos autres collègues membres de cette instance, par les témoignages de celles et ceux qui se battent au quotidien contre cette menace. C’est précisément par l’un de ces témoignages que j’aborderai la proposition de loi améliorant l’efficacité des dispositifs de saisie et de confiscation des avoirs criminels, dont l’examen nous réunit une nouvelle fois aujourd’hui.
Les travaux de la commission d’enquête le confirment une fois de plus : pour bon nombre de criminels liés au narcotrafic, la prison ne constitue plus une menace suffisante.
Mme Muriel Jourda, rapporteur. C’est vrai.
M. Pierre-Alain Roiron. À propos de ces criminels, une des personnes auditionnées déclarait ainsi : « Le seul moment où on les voit pleurer, c’est quand on saisit leur appartement, leur compte en banque ou leur voiture. »
Il faut donc suivre l’argent, car le meilleur moyen de leur faire mal, c’est de les frapper directement au portefeuille. Certains d’entre eux peuvent considérer la détention comme une période de « formation », durant laquelle les affaires continuent d’ailleurs, malheureusement, de prospérer ; mais les saisies et confiscations permettent, elles, de renverser véritablement la pyramide des valeurs sur laquelle repose le monde des narcotrafiquants.
L’écrivain et journaliste italien Roberto Saviano, qui a souvent dénoncé les milieux mafieux, indique que 5 000 euros investis dans le trafic de cocaïne peuvent, au bout de quelque temps, rapporter 1 million d’euros. Là est un autre enjeu du présent texte : mettre fin au sentiment d’impunité et à la recherche de l’enrichissement à tout prix.
En 2023, l’Agrasc a revendiqué un montant de saisies réalisées de plus de 1,4 milliard d’euros, en hausse de 87 % par rapport à l’année précédente. Le produit des confiscations a également augmenté, pour atteindre 175,5 millions d’euros l’année dernière. Mais on a parfois l’impression qu’au jeu du chat et de la souris la seconde conserve, hélas ! une longueur d’avance. À titre de comparaison, l’Office anti-stupéfiants (Ofast) estime à plus de 3 milliards d’euros le « chiffre d’affaires » annuel du trafic de drogues en France.
Ce texte, que nous voterons, contient quelques mesures techniques qui permettront sans aucun doute de lever certaines réticences ou craintes chez les magistrats. À cet égard, les travaux de la commission mixte paritaire vont dans le bon sens, même si nous regrettons que nos amendements inspirés par Transparency International et Crim’Halt n’aient pas été repris en première lecture.
Pour finir, je tiens à rappeler les principales recommandations de la commission d’enquête sur le narcotrafic. Toutes ces mesures n’appellent pas forcément une traduction législative, mais il me semble important de les évoquer aujourd’hui.
Premièrement, il faut livrer une véritable guerre financière au narcotrafic, ce qui suppose de mener des enquêtes patrimoniales systématiques sur les narcotrafiquants et sur leurs proches en mobilisant tous les services de l’État, qu’il s’agisse de la direction générale des finances publiques (DGFiP), de l’Urssaf ou encore, pour les trafiquants de haut vol, dont le patrimoine est souvent dissimulé derrière des montages complexes, du service Tracfin.
Deuxièmement, il faut permettre la fermeture administrative des commerces de façade qui pullulent dans certains quartiers, au vu et au su de tous, et qui constituent de véritables lessiveuses.
Troisièmement, il faut créer une injonction pour richesse inexpliquée, à laquelle le fisc pourra recourir pour forcer la personne concernée à justifier de l’origine de ses biens. Si elle n’y parvient pas, celle-ci pourra faire l’objet de poursuites pénales, au terme desquelles ses biens pourront être saisis et confisqués.
Monsieur le ministre, nous comptons sur votre détermination pour avancer sur l’ensemble de ces sujets ; c’est pourquoi nous voterons ce texte. (Applaudissements sur des travées du groupe SER.)
M. le président. La parole est à Mme Marie Mercier, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Marie Mercier. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous nous réjouissons du caractère conclusif de la CMP réunie le 30 avril dernier. Le fruit de ce travail mené en commun nous semble aussi pertinent qu’indispensable dans la lutte contre le crime.
Ce texte de loi renforcera incontestablement notre arsenal législatif. Grâce à lui, nous pourrons mieux appréhender le patrimoine des délinquants et des criminels.
Sur l’initiative de nos collègues députés, la confiscation est érigée en peine complémentaire obligatoire : nous saluons cette disposition, qui, dans la plupart des cas, résoudra le problème de la conversion des saisies en confiscations.
L’autre apport majeur du texte, que nous devons à notre rapporteur, chère Muriel Jourda, consiste dans la possibilité de gérer les biens saisis à l’issue de l’enquête ou de l’instruction avant que le tribunal n’ait statué sur le sort de ces derniers.
Par ailleurs, nous approuvons le choix de notre rapporteur consistant à réserver la possibilité d’affectation sociale aux seuls biens confisqués et non saisis.
Selon nous, le renforcement des dispositifs de saisie et de confiscation des avoirs criminels passera également par la désignation, dans la loi, d’un acteur judiciaire qui statuera sur les biens une fois la juridiction de jugement saisie. Ainsi, le président du tribunal judiciaire, ou un juge délégué par lui, aura compétence pour statuer sur les requêtes relatives à l’exécution de la saisie des biens.
En outre, le compromis trouvé en CMP au sujet de l’article 3 nous paraît très pertinent. Il facilitera – nous l’espérons – l’expulsion des personnes occupant de mauvaise foi un logement confisqué par la justice.
Je n’oublie pas non plus la place des victimes : nous nous félicitons de l’allongement du délai leur permettant de demander l’obtention des biens confisqués. Le délai de deux mois était bien trop court ; un délai de six mois facilitera la réponse à leurs requêtes.
Dans le contexte sécuritaire que nous connaissons, et à l’aune de divers travaux sénatoriaux, en particulier ceux de la commission d’enquête sur le narcotrafic, créée sur l’initiative de notre groupe, on ne peut que le constater : la saisie et la confiscation des avoirs criminels représentent un enjeu d’une acuité particulière. Notre collègue député Jean-Luc Warsmann n’est pas étranger aux nombreuses améliorations de notre législation en la matière, et nous le remercions de son travail.
Mes chers collègues, nous voulons, tout spécialement aujourd’hui, rendre hommage à l’action déterminante des policiers, des gendarmes, des douaniers, des magistrats et bien sûr des équipes de l’Agence de gestion et de recouvrement des avoirs saisis et confisqués. Non, le crime ne doit plus enrichir impunément !
Nous saluons la rigueur et la précision du travail mené sur ce sujet à la fois technique et essentiel par notre rapporteur.
Pour l’ensemble de ces raisons, les élus de notre groupe voteront en faveur du texte issu des travaux de la CMP. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. Louis Vogel, pour le groupe Les Indépendants – République et Territoires.
M. Louis Vogel. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, les dispositifs de saisie et de confiscation des avoirs criminels sont aujourd’hui des outils essentiels pour préserver l’ordre public, la sécurité et la justice.
Adoptée par l’Assemblée nationale le 5 décembre 2023, puis par le Sénat le 27 mars dernier, cette proposition de loi vise à priver les criminels de leur patrimoine mal acquis, c’est-à-dire issu des infractions qu’ils ont commises. Elle est aussi un moyen de dissuader ceux qui seraient prêts à s’engager dans des activités illégales et de réparer les dommages subis par les victimes.
Rappelons que ce changement d’approche – car c’en est un – n’avait rien d’évident (Mme le rapporteur le confirme.) : il s’agit de s’attaquer au patrimoine des criminels au lieu de se limiter à la seule sanction des comportements délictueux.
Le tournant a été amorcé par la loi du 9 juillet 2010, dite loi Warsmann, déjà citée par les orateurs précédents, laquelle a donné naissance à cette fameuse agence au nom imprononçable : l’Agrasc. (Sourires.)
Chargée de la gestion des biens saisis et confisqués, l’Agrasc est un véritable pilier de cette nouvelle politique. Lors de l’examen du présent texte à l’Assemblée nationale, le garde des sceaux a rappelé le montant des confiscations réalisées par cette agence en 2022 : 172 millions d’euros, soit le double des sommes confisquées en 2020. C’est considérable, mais ce n’est pas encore assez.
Il fallait aller plus loin. Nos collègues députés Laurent Saint-Martin et Jean-Luc Warsmann soulignaient, dans un rapport publié en 2019, l’importance de la confiscation des biens, qui peut aller jusqu’à la dépossession définitive. Ce rapport, qui a largement inspiré cette proposition de loi, s’ouvrait par ces mots déjà cités par M. le ministre : « Le crime ne doit pas payer. »
Ce principe est consacré par le présent texte ; il en est même l’esprit.
Nous savons bien que les amendes et les peines d’emprisonnement ne suffisent plus. Dans un certain nombre de cas très précis, comme celui du narcotrafic, il faut à l’évidence aller beaucoup plus loin, et la seule sanction efficace est celle qui s’attaque au patrimoine.
Pour assainir notre société en l’expurgeant de ses réseaux criminels, il faut cibler le patrimoine des malfaiteurs. À cet égard, le présent texte comporte un certain nombre de mesures déterminantes ; nous ne pouvons que nous en féliciter. À l’origine, il ne comptait que trois articles, mais il a ensuite été enrichi par une série de nouvelles mesures. L’accord auquel est parvenue la commission mixte paritaire permet notamment de simplifier les procédures, donc de gagner en efficacité, ainsi que nous l’avions demandé lors de l’examen en commission des lois.
Nous sommes heureux par ailleurs d’enregistrer des améliorations concrètes de notre arsenal législatif dans ces domaines évidemment essentiels que sont la lutte contre le blanchiment et la lutte contre le financement du terrorisme.
Mme Nathalie Goulet. Très bien !
M. Louis Vogel. L’adoption de cette proposition de loi permettra aussi de fluidifier la chaîne pénale qui va de la saisie à la confiscation.
Mes chers collègues, vous l’aurez compris : pour toutes ces raisons, les élus du groupe Les Indépendants sont entièrement favorables à l’adoption de ce texte.
Je salue à mon tour l’engagement de notre rapporteur, Muriel Jourda, dont le travail a vraiment fait progresser les choses. Le texte auquel nous aboutissons est bien différent de celui dont nous avons été initialement saisis : le Parlement, et tout spécialement le Sénat, a travaillé.
Le résultat de ces efforts est un texte équilibré, qui permettra d’envoyer un message de fermeté aux magistrats compétents.
Puisse ce texte novateur servir de modèle à l’échelle européenne : je renouvelle ce vœu formulé en première lecture. Monsieur le ministre, je compte sur vous. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP. – Mme Patricia Schillinger applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Philippe Bonnecarrère, pour le groupe Union Centriste. (Applaudissements sur les travées du groupe UC. – M. Vincent Louault applaudit également.)
M. Philippe Bonnecarrère. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, cette proposition de loi contient diverses mesures techniques tendant à améliorer le fonctionnement de l’Agrasc. Elle fait écho à diverses réflexions menées par le Sénat – je pense en particulier aux préconisations de la commission d’enquête sur le narcotrafic, qui viennent d’être rendues publiques. J’ajoute que la discussion de cet après-midi ne saurait faire abstraction de certains événements criminels que notre pays a connus tout récemment : se trouve ainsi dramatiquement soulignée la pertinence des confiscations d’avoirs criminels.
En la matière, Nathalie Goulet, puis Louis Vogel, ont insisté à raison sur le nécessaire renforcement de la réglementation européenne ; les besoins en matière de coopération judiciaire restent, de même, considérables. Au sujet de la confiscation des avoirs criminels ou illicites, je vous renvoie au papier très complet paru dans Le Monde daté d’hier, détaillant notamment ce qui se passe à Dubaï : cette enquête montre toute l’importance de la coopération judiciaire.
L’agence chargée de la gestion des avoirs criminels confisqués a beaucoup évolué depuis sa création en 2010 et il nous semble qu’elle fonctionne bien.
Madame Jourda, le travail que vous avez accompli en commission des lois, puis les évolutions que vous avez obtenues en CMP, vont dans le bon sens, comme l’ont indiqué tous ceux qui m’ont précédé à la tribune. L’évolution vers des confiscations dites de plein droit nous paraît pertinente. Au-delà, nous saluons l’ensemble des améliorations apportées au fonctionnement technique de l’agence, qu’il s’agisse des modalités d’affectation, de la simplification de la procédure d’appel ou encore des dispositions relatives aux conventions judiciaires d’intérêt public.
Les élus de notre groupe voteront bien entendu cette proposition de loi, qui prolonge un travail mené de longue date et dont je me réjouis – j’en remercie Mme le rapporteur – qu’elle ait pu faire l’objet d’un accord en CMP.
Je veux revenir par ailleurs sur le fait que, dans son esprit, cette proposition de loi recoupe les réflexions actuelles du Sénat. Dans le débat de cet après-midi, je retrouve ainsi plusieurs préconisations formulées par notre commission d’enquête sur le narcotrafic, dont les conclusions ont été remises hier.
Je relève en particulier une très grande convergence autour de l’idée que l’argent du crime doit être confisqué : par sa recommandation n° 31, ladite commission suggère précisément de « mieux suivre l’argent du narcotrafic ». Quant à la recommandation n° 32, elle est intitulée : « Intégrer pleinement les enjeux financiers aux investigations judiciaires. » Madame Jourda, cette préconisation renvoie aux enquêtes patrimoniales, qui ont bien sûr toute leur importance pour l’Agrasc (Mme le rapporteur le confirme.), et au traitement dit post-sentenciel.
Monsieur le ministre, j’ai été surpris de trouver, parmi les recommandations de nos collègues, des demandes particulières relatives à l’accès aux fichiers numériques. Il me semblait – je vous l’avoue – que cette question était traitée depuis longtemps, en particulier pour ce qui est des fichiers immobiliers et des états hypothécaires ; voilà qui, apparemment, n’est pas si évident.
Quant à la recommandation n° 33, intitulée « Frapper les narcotrafiquants au portefeuille », elle recouvre à la fois les fonds de commerce et les comptes de paiement en ligne. Dans ce cadre, nos collègues formulent une proposition assez audacieuse : « recourir davantage à la présomption de blanchiment ».
Tous ces éléments témoignent d’une véritable convergence des réflexions et des propositions.
Mes chers collègues, j’ai bien sûr une pensée, à cet instant – j’y ai fait allusion –, pour les victimes des crimes dramatiques commis hier dans l’Eure. Les questions techniques, comme la fixation de l’échelle des peines ou la définition des infractions, ont bien sûr toute leur importance ; mais de tels drames appellent notre attention sur un problème plus large : il y va d’une rupture du contrat social, d’une fracturation de notre société, ce que le Président de la République désigne sous le nom d’« ensauvagement ».
Au-delà du travail technique de cet après-midi, nous ne pouvons que nous interroger quant à l’évolution de notre société… (Applaudissements sur les travées du groupe UC. – M. Louis Vogel applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Guy Benarroche, pour le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)
M. Guy Benarroche. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous présentions hier le rapport de la commission d’enquête sur le narcotrafic, qui inclut un certain nombre de préconisations visant à améliorer l’efficacité des dispositifs de saisie et de confiscation.
On constate que, plus que jamais, nous avons besoin d’une réflexion législative allant au-delà du tout-prison. Je regrette d’ailleurs que nous n’ayons pu attendre les conclusions de cette commission d’enquête pour légiférer en la matière. Je salue la qualité des travaux menés par son président, Jérôme Durain, et par son rapporteur, Étienne Blanc.
Leur rapport contient, entre autres, trois préconisations directement liées au sujet qui nous occupe cet après-midi : instaurer une procédure de gel administratif et de saisie conservatoire des biens des narcotrafiquants ; autoriser la confiscation sans condamnation pénale ; faciliter la saisie des fonds de commerce.
Quels que soient les méfaits commis – délinquance financière, narcotrafic, etc. –, les délinquants détestent être frappés au portefeuille.
Mme Muriel Jourda, rapporteur. Comme tout le monde…
M. Guy Benarroche. « Pour être véritablement dissuasive, toute sanction pénale doit pouvoir s’accompagner de la privation des délinquants des profits qu’ils ont pu tirer de l’infraction » : c’est par ces mots que notre collègue député Jean-Luc Warsmann ouvrait l’exposé des motifs de la proposition de loi ayant abouti à la création de l’Agence de gestion et de recouvrement des avoirs saisis et confisqués, l’Agrasc. Je note d’ailleurs que ce texte faisait suite à un rapport de 2004 relatif à la lutte contre les trafiquants de drogue.
Les enjeux traités et les pistes tracées par la proposition de loi que nous nous apprêtons aujourd’hui à voter nous semblent très intéressants.
Mme la rapporteure l’a rappelé : non seulement les avoirs criminels ne sont pas systématiquement identifiés, mais, en définitive, seuls 30 % des biens saisis finissent par être effectivement confisqués par une juridiction de jugement.
En France, la saisie d’avoirs criminels n’en est pas moins en forte progression. En 2011, 109 millions d’euros étaient saisis, contre 771 millions d’euros en 2022 – soit sept fois plus –, dont 27 millions d’euros à Marseille.
L’Agrasc est une réussite. Il faut s’en féliciter et remercier l’ensemble de ses agents pour leur travail, qui, au service des victimes, redonne du sens à la sanction.
Mme Muriel Jourda, rapporteur. Absolument.
M. Guy Benarroche. Néanmoins, il existe à l’évidence de réelles marges de progression : l’Office anti-stupéfiants estime en effet à plus de 3 milliards d’euros au minimum le « chiffre d’affaires » annuel du trafic de drogue en France.
La commission d’enquête sur le narcotrafic le rappelle dans son rapport, « les données dont dispose l’Agrasc confirment le constat d’un potentiel encore sous-exploité : parmi les biens saisis du 1er janvier 2023 au 30 septembre 2023, 57,6 % l’avaient été dans le cadre de dossiers comprenant au moins une infraction à la législation sur les stupéfiants ».
De même, ce travail met en lumière l’importance de la formation des agents à tous les niveaux : « [l]es juridictions qui bénéficient du soutien d’assistants spécialisés ou de juristes assistants assurant la formalisation et le suivi des décisions de saisies pénales sont plus dynamiques en matière de saisies et de confiscations. »
J’en reviens au présent texte, qui permet d’ajouter les collectivités territoriales à la liste des personnes morales pouvant se voir confier les biens confisqués ; nous saluons cette mesure. Plus encore, nous nous félicitons que, sur l’initiative du Sénat, les services d’enquête, les services judiciaires, l’Office français de la biodiversité (OFB) ou la direction générale de la sécurité civile et de la gestion des crises (DGSCGC) figurent désormais parmi les possibles bénéficiaires de ces biens.
Mes chers collègues, au sein de notre assemblée, j’ai déjà eu l’occasion de m’opposer à des mesures qui, sous couvert de pragmatisme ou de rapidité, privaient de facto les justiciables de leur droit de contestation. J’adhère donc d’autant plus volontiers à la solution inscrite à l’article 1er, qui répond concrètement aux difficultés d’audiencement devant la chambre de l’instruction. La contestation des décisions de saisie représente actuellement 40 % du contentieux dans certaines chambres d’instruction. L’article 1er allège le contentieux en permettant de procéder aux contestations auprès du premier président de la cour d’appel.
Dans cette même veine, nous accueillons favorablement les précisions apportées à l’article 3 afin de simplifier les procédures, qui enrayent parfois la machine, sans pour autant obérer les droits du justiciable.
Mes chers collègues, nous regrettons bien sûr qu’aucune de nos propositions n’ait été retenue. Nous suggérions notamment d’étendre le champ d’application du dispositif de restitution des biens mal acquis à l’entourage familial des agents publics étrangers, afin que ledit dispositif soit mieux ciblé. Il faut faire en sorte que les pouvoirs publics soient aussi agiles que les délinquants de tous types – et ce n’est pas peu dire…
Fruit d’un travail législatif dont nous voudrions voir davantage d’exemples dans cet hémicycle, le présent texte représente une incontestable avancée. Il consolide divers modes de sanction, au-delà du tout-prison, et renforce ainsi l’efficacité de notre justice.
J’y insiste, nous déplorons néanmoins que ce travail n’ait pu se faire à la lumière du rapport sur le narcotrafic, vu la part considérable de cette délinquance dans les enjeux de saisie et de confiscation. Cela étant, les élus du groupe GEST voteront le texte de la commission mixte paritaire. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST et sur des travées du groupe SER.)
M. le président. La parole est à Mme Evelyne Corbière Naminzo, pour le groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K. – Mme Annie Le Houerou applaudit également.)
Mme Evelyne Corbière Naminzo. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l’instrument juridique de la saisie et de la confiscation des biens mal acquis présente le double intérêt, d’une part, de dissuader les délinquants et criminels et, d’autre part, de mettre au service de la société les biens acquis contre ses intérêts.
« Il faut taper les délinquants au portefeuille. » Dès 1982, l’Italie créa un dispositif juridique de saisie et de confiscation des avoirs criminels, par la loi dite Pio La Torre, du nom du célèbre député communiste sicilien. Ce parlementaire, qui paya de sa vie sa lutte contre la mafia, laissa en héritage le premier dispositif de confiscation obligatoire des biens criminels.
En France, c’est en 2010, sous l’impulsion de notre collègue député Jean-Luc Warsmann, qu’un dispositif de saisie et de confiscation des avoirs criminels a vu le jour. Sa mise en œuvre progressive s’est accompagnée de la création de l’Agence de gestion et de recouvrement des avoirs saisis et confisqués, et il a été enrichi, depuis sa création, au fil de diverses évolutions législatives.
Ainsi, en 2018, la confiscation des biens des marchands de sommeil a été autorisée à la suite de l’adoption à l’Assemblée nationale d’un amendement du député communiste Stéphane Peu au projet de loi portant évolution du logement, de l’aménagement et du numérique (Élan). Puis, en 2021, deux textes sont venus compléter cet arsenal, en facilitant la saisie et l’affectation sociale des biens immobiliers confisqués et en instituant un mécanisme de restitution des biens mal acquis via l’aide au développement.
Créé il y a maintenant quatorze ans, ce dispositif permet de saisir et de confisquer de plus en plus de biens d’origine criminelle. Le montant des biens saisis, qui, en 2011, s’élevait à 109 millions d’euros, est passé à 484 millions d’euros en 2021. Les confiscations d’actifs ont quant à elles explosé, passant de 700 000 euros en 2011 à 150 millions d’euros en 2021.
Il nous est demandé aujourd’hui d’améliorer encore ce mécanisme juridique. En effet, malgré la progression fulgurante des saisies et des confiscations, nous demeurons loin des résultats atteints par l’Italie, qui a confisqué plus de 11 milliards d’euros de biens à la mafia au cours des vingt dernières années et qui a généralisé l’usage social de ces confiscations.
Grâce à cette proposition de loi, le volet répressif et dissuasif du mécanisme de saisie et de confiscation des avoirs criminels est renforcé. Les saisies seront désormais plus rapides, plus efficaces, et nous ne pouvons que nous en réjouir : c’est bien la mise en œuvre de la saisie au cours de la procédure pénale, autrement dit en amont de la décision juridictionnelle, qui garantit l’efficacité du dispositif en ouvrant la voie à une confiscation définitive.
En outre, la confiscation obligatoire est étendue non seulement aux biens qui ont servi à commettre l’infraction ou qui étaient destinés à la commettre, mais également aux biens qui sont l’objet ou le produit direct ou indirect de l’infraction. De nouveau, ces dispositions traduisent une réelle volonté d’efficacité, conformément au principe déjà rappelé : on ne saurait s’enrichir par le crime.
Cette proposition de loi consolide la réaffectation sociale des biens confisqués. Si les crimes commis sont nuisibles à toute la société, il n’est que justice que leurs produits soient affectés au bien commun.
Dans ce domaine aussi, l’exemple de l’Italie est inspirant : pour la seule année 2019, 947 biens criminels ont été mis au service de l’économie sociale et solidaire. Ils ont été affectés à 505 associations ou organismes d’HLM, à 26 fondations, à 27 écoles, à 16 associations sportives et à 5 organismes de formation professionnelle.
Mes chers collègues, mettre les biens criminels au service de l’intérêt général, c’est rendre aux citoyens les fruits du crime organisé et démontrer que les systèmes mafieux ne l’emportent pas sur la défense du bien commun. C’est ainsi que nous réparerons les dommages commis par le crime dans nos territoires.
Nous saluons pleinement cette proposition de loi, car nous sommes bien de ceux qui pensent que ce qui fait l’efficacité de la peine, ce qui la rend dissuasive, ce n’est pas sa sévérité, mais sa certitude. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K. – Mme Annie Le Houerou applaudit également.)
M. le président. Conformément à l’article 42, alinéa 12, du règlement, je mets aux voix, dans la rédaction résultant du texte élaboré par la commission mixte paritaire, modifié par les amendements du Gouvernement, l’ensemble de la proposition de loi améliorant l’efficacité des dispositifs de saisie et de confiscation des avoirs criminels.
(La proposition de loi est adoptée définitivement.)
M. le président. Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-neuf heures, est reprise à dix-neuf heures une.)
M. le président. La séance est reprise.
10
Dispositions législatives relatives à la santé
Adoption définitive en deuxième lecture d’un projet de loi dans le texte de la commission
M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion en deuxième lecture du projet de loi, modifié par l’Assemblée nationale en première lecture après engagement de la procédure accélérée, ratifiant l’ordonnance n° 2023-285 du 19 avril 2023 portant extension et adaptation à la Polynésie française, à la Nouvelle-Calédonie et aux îles Wallis et Futuna de diverses dispositions législatives relatives à la santé (projet n° 528, texte de la commission n° 581, rapport n° 580).
Discussion générale
M. Frédéric Valletoux, ministre délégué auprès de la ministre du travail, de la santé et des solidarités, chargé de la santé et de la prévention. Monsieur le président, monsieur le président de la commission des affaires sociales, madame la rapporteure, mesdames, messieurs les sénateurs, nous nous retrouvons une nouvelle fois devant le Sénat pour l’examen d’un texte d’apparence très technique, mais dont les effets seront, dès sa promulgation, très concrets pour bon nombre de nos concitoyens.
Son adoption est essentielle pour assurer la pérennité de plusieurs évolutions récentes de notre droit dans les collectivités du Pacifique.
En effet, le 19 avril dernier, le Gouvernement a étendu et adapté par ordonnance plusieurs mesures du code de la santé publique déjà en vigueur dans l’Hexagone et dans les départements et régions d’outre-mer, afin qu’elles puissent s’appliquer en Polynésie française, en Nouvelle-Calédonie et dans les îles Wallis et Futuna, en tenant compte, bien sûr, de l’organisation particulière de ces territoires.
Cette ordonnance a été prise sur le fondement de l’article 74-1 de la Constitution, qui prévoit une habilitation permanente du Gouvernement pour étendre à l’outre-mer les dispositions législatives déjà existantes et qui relèvent de la compétence de l’État.
La contrepartie évidente de cette habilitation permanente est que les ordonnances prises sur ce fondement doivent être nécessairement ratifiées par le Parlement, ce qui implique un projet de loi spécifique et justifie ma présence devant vous cet après-midi.
En effet, faute d’une ratification expresse par les parlementaires dans un délai de dix-huit mois, l’ordonnance deviendrait caduque. Dans la mesure où ses dispositions ont pris effet dès leur publication, le présent projet de loi a pour objet non pas de modifier le droit pour l’avenir, mais bien d’assurer la pérennité des modifications apportées au code de la santé publique.
Concrètement, une absence de ratification entraînerait un retour au droit antérieur pour nos concitoyens du Pacifique sur les thématiques visées par l’ordonnance. Une telle régression concernerait des sujets d’importance ; elle serait bien sûr regrettable.
Le premier objet de cette ordonnance est en effet de rattraper un certain retard en matière d’applicabilité des lois de bioéthique en rendant applicables dans les trois collectivités du Pacifique les récentes dispositions du code de la santé publique se rapportant aux recherches impliquant la personne humaine (RIPH).
Ces dispositions permettent de préciser les conditions dans lesquelles peuvent être menées ces recherches et de garantir la sécurité et la bonne information du participant.
En adaptant à ces territoires le droit applicable en la matière, tel qu’il est issu des dernières évolutions législatives à l’échelon national et européen, le Gouvernement pose un cadre sécurisant qui va permettre le développement de telles recherches dans les collectivités du Pacifique.
De plus, l’ordonnance étend et adapte diverses dispositions législatives relatives à la santé, dans le respect des partages de compétences entre l’État et chacune de ces collectivités.
C’est notamment le cas de certaines dispositions de la loi du 2 mars 2022 visant à renforcer le droit à l’avortement. Je pense en particulier à l’allongement des délais de recours à l’interruption volontaire de grossesse (IVG) de douze à quatorze semaines et à la suppression du délai minimal de réflexion à l’issue d’un entretien psychosocial, étant entendu que vous avez voté en Congrès, il y a quelques mois à peine, l’inscription dans notre Constitution de la liberté de recourir à l’IVG.
L’unification des règles de recours en la matière vise ainsi à améliorer et à sécuriser l’effectivité du droit des femmes à pleinement disposer de leur corps dans tous les territoires de la République.
L’ordonnance a également prévu l’application aux îles Wallis et Futuna de certaines dispositions de la loi du 26 avril 2021 visant à améliorer le système de santé par la confiance et la simplification, qui étendent les compétences des sages-femmes en matière de dépistage et de traitement des infections sexuellement transmissibles (IST).
Pour ce qui est de la Polynésie française, l’ordonnance y étend les dispositions de la loi du 26 janvier 2016 de modernisation de notre système de santé relatives à la protection par le secret de la prescription de la contraception aux personnes mineures.
Là encore, l’objectif du Gouvernement, par cette ordonnance, est de sécuriser des mesures législatives importantes pour l’accès à la santé et à la prévention, de sorte que l’ensemble de nos concitoyens puissent en bénéficier.
Enfin, dans le même souci de garantir une application uniforme du droit en matière de santé sur tout le territoire, un amendement déposé par le Gouvernement a été adopté par l’Assemblée nationale pour étendre à la Nouvelle-Calédonie et à la Polynésie française l’article L. 1243-6 du code de la santé publique, qui définit les lieux dans lesquels peuvent être réalisées les greffes de tissus et les administrations de préparations de thérapie cellulaire.
Mesdames, messieurs les sénateurs, ce projet de loi vous est soumis après un nouvel examen attentif par votre commission des affaires sociales. Je suis certain que notre objectif trouvera un écho favorable dans votre chambre, car, je le répète, il s’agit d’assurer la pérennité de mesures utiles et importantes concernant notamment les recherches impliquant la personne humaine ou les délais de recours à l’interruption volontaire de grossesse. (Mme Patricia Schillinger applaudit.)
M. le président. La parole est à Mme la rapporteure.
Mme Marie-Do Aeschlimann, rapporteure de la commission des affaires sociales. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous devons de nouveau examiner le projet de loi de ratification de l’ordonnance du 19 avril 2023 portant extension et adaptation à la Polynésie française, à la Nouvelle-Calédonie et aux îles Wallis et Futuna de diverses dispositions législatives relatives à la santé.
Je le rappelle, le premier objet de cette ordonnance était de rendre applicables dans ces territoires certains volets des dernières lois de bioéthique en matière de recherche, en particulier les dispositions du code de la santé publique se rapportant aux recherches impliquant la personne humaine.
Ce même texte a également étendu et adapté à ces territoires du Pacifique les dispositions relatives à l’allongement des délais de recours à l’interruption volontaire de grossesse et à la suppression du délai minimum de réflexion. D’autres extensions et adaptations particulières à certains de ces territoires ont enfin été apportées en matière de santé.
Vous le savez, le Sénat était la première assemblée saisie sur ce texte ; nous l’avons examiné en première lecture au mois de mars dernier. Son article unique se bornait à prévoir la ratification nécessaire de l’ordonnance précitée, prise sur le fondement de l’article 74-1 de la Constitution.
J’avais exprimé mes réserves sur ce texte lorsqu’il a été examiné en commission, sur la méthode comme sur le fond. Concernant l’avortement, en particulier, j’avais regretté des extensions trop peu ou mal concertées et anticipant insuffisamment leur déclinaison opérationnelle en Polynésie française et en Nouvelle-Calédonie, collectivités qui exercent la compétence en matière de santé.
En tant que rapporteure, j’avais alors proposé à la commission des affaires sociales de retenir une approche de validation juridique de cette ordonnance, à défaut de souscrire politiquement à certaines des principales dispositions étendues. Le Sénat avait ensuite adopté ce texte en séance publique sans modification.
En première lecture, l’Assemblée nationale a quant à elle adopté conforme l’article unique, devenu article 1er, procédant à la ratification de l’ordonnance du 19 avril 2023. En commission, puis en séance publique, l’Assemblée a également complété ce texte par deux articles nouveaux, qui conduisent aujourd’hui le Sénat à l’examiner en deuxième lecture.
L’article 2 porte différentes modifications du code de la santé publique issues d’amendements présentés par Charlotte Parmentier-Lecocq, rapporteure et présidente de la commission des affaires sociales de l’Assemblée nationale, par le Gouvernement et par la députée Mereana Reid Arbelot, élue de Polynésie française.
Ce nouvel article vise notamment à répondre aux demandes d’adaptations complémentaires du code ou de corrections de malfaçons législatives formulées par la Nouvelle-Calédonie et par la Polynésie française. Celles-ci concernent principalement la déclinaison territoriale de dispositions relatives à l’organisation des soins, à l’assistance médicale à la procréation (AMP) ou aux recherches impliquant la personne humaine.
Ajouté sur l’initiative de Mme Reid Arbelot, l’article 3 dispose : « Dans un délai d’un an à compter de la promulgation de la présente loi, le Gouvernement remet au Parlement un rapport évaluant le coût de l’allongement de douze à quatorze semaines du délai légal de recours à l’interruption volontaire de grossesse. »
L’Assemblée nationale ayant adopté conforme l’article 1er, nous devons nous prononcer aujourd’hui sur les deux seuls articles nouveaux, qui restent en discussion.
Vous le savez, j’avais regretté que les adaptations complémentaires demandées par les territoires n’aient pu être prises en compte au stade de la première lecture au Sénat. J’avais sollicité le ministère de la santé, en amont de l’examen du texte en commission, relayant les demandes des collectivités et requérant l’avis du Gouvernement sur celles-ci. Hélas, je n’avais pas obtenu de retour – je ne vous en fais pas le reproche, monsieur le ministre, car vous n’aviez pas encore pris vos fonctions.
J’avais également interpellé, en séance publique, la ministre Fadila Khattabi sur ce sujet. Celle-ci avait alors renvoyé ces modifications à un examen ultérieur, invoquant des délais trop tardifs.
Les modifications finalement intervenues à l’Assemblée nationale quelques semaines plus tard ne font que démontrer, une fois de plus, la méthode discutable que le Gouvernement a adoptée à l’endroit du Parlement. Ainsi a-t-il inscrit à l’ordre du jour du Sénat, au mois de mars dernier, un texte sur lequel il n’avait pas fait aboutir le travail d’échanges avec les territoires, et ce alors même que la ratification demandée n’était pas urgente.
À se presser sans être prêt, le Gouvernement nous contraint aujourd’hui à nous résoudre à une deuxième lecture. Vous en conviendrez, monsieur le ministre : une lecture dans chacune des chambres aurait normalement permis de répondre convenablement aux besoins.
Ces réserves de méthode mises à part, la commission des affaires sociales a approuvé les modifications ainsi apportées au code de la santé publique. Il s’agit de clarifier les adaptations applicables et de tirer les conséquences, dans l’application ou non de certaines dispositions, de la compétence dévolue en matière de santé à la Nouvelle-Calédonie et à la Polynésie française.
Je suis consciente que ces aménagements ne répondent pas à l’ensemble des demandes des territoires. Cependant, ils me semblent correspondre à une interprétation efficace du partage de compétences entre l’État et le « pays ». L’article 2 participe ainsi de la mise à jour attendue du droit de la santé et de la recherche.
J’en viens à l’article 3. Vous le savez, la commission des affaires sociales est par principe défavorable aux demandes de rapport. Cette position, dont la constance est à saluer, tient à deux choses : d’une part, aux pouvoirs de contrôle dont nous disposons en vertu de la Constitution et, en matière de santé, de la loi organique ; d’autre part, au faible taux de remise des rapports demandés, que démontre année après année le bilan sénatorial de l’application des lois.
Surtout, la commission n’a pu que se résigner à faire le constat d’une demande de rapport mal définie. Son champ territorial ne se limite ainsi pas expressément aux seules collectivités du Pacifique, alors qu’aucune disposition du présent texte ne vise le droit commun et qu’il ne relève donc pas de ce projet de loi de prévoir l’évaluation d’une politique nationale.
Pour ce qui est de l’objet même du texte, la commission regrette sa focalisation sur un aspect financier, qui n’est qu’un prisme restreint de lecture des difficultés opérationnelles de mise en œuvre de l’extension de l’allongement du délai de recours à l’IVG. Tel n’est sans doute pas, d’ailleurs, le problème visé.
Les questions soulevées sont en réalité plurielles, au-delà du seul coût budgétaire : adaptations juridiques, compétences des professionnels, règles de prise en charge, enjeux de formation, structures et professionnels de santé disponibles. Nous verrons, mes chers collègues, ce que le Gouvernement voudra bien analyser dans ce rapport, si tant est qu’il le remette effectivement au Parlement.
Malgré une lassitude assez certaine à l’égard de tels ajouts bavards et contre-productifs – disons-le clairement –, la commission n’a pas estimé opportun de poursuivre la navette parlementaire sur cette seule question.
Enfin, je saisis l’occasion offerte par l’examen de ce texte pour souligner les difficultés cruciales d’accès aux soins et l’insuffisante démographie médicale que subissent en particulier les territoires français du Pacifique.
Plusieurs personnes m’ont fait part de ces problèmes à l’occasion des auditions que j’ai menées : je pense notamment aux représentants des îles Wallis et Futuna, où l’offre de soins est extrêmement lacunaire. C’est pourtant bien l’État qui exerce la compétence en matière de santé dans ce territoire, monsieur le ministre…
L’insularité et l’éloignement rendent l’accès aux soins plus difficile encore qu’il ne l’est ailleurs ; il s’agit là d’un enjeu majeur sur lequel nous devons porter toute notre attention.
En conséquence, la commission des affaires sociales a adopté sans modification les dispositions du texte qui, introduites à l’Assemblée nationale, restent en discussion. C’est tout naturellement qu’elle invite le Sénat à adopter définitivement ce projet de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. Bernard Buis. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
M. Bernard Buis. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l’objet du texte que nous examinons aujourd’hui est simple : ratifier, dans un délai de dix-huit mois, une ordonnance rendant applicables aux îles Wallis et Futuna, à la Nouvelle-Calédonie et à la Polynésie française les récentes dispositions du code de la santé publique se rapportant aux recherches impliquant la personne humaine, à l’allongement du délai de recours à l’interruption volontaire de grossesse ou encore à l’organisation et à la réalisation des soins.
J’ai une pensée particulière pour les dispositions portant extension des compétences des sages-femmes en matière de dépistage et de traitement des infections sexuellement transmissibles aux îles Wallis et Futuna, mais aussi aux mesures relatives à la protection par le secret de la prescription de la contraception aux personnes mineures en Polynésie française.
Bien que ces avancées législatives soient le fruit de combats politiques menés par la majorité présidentielle depuis 2017, notre rôle, aujourd’hui, est purement légistique. Les débats politiques autour de ces questions de fond n’ont pas lieu d’être, car ils ont déjà été menés.
La ratification de cette ordonnance est impérative avant le 20 octobre prochain pour assurer la pérennité de ces évolutions récentes de notre droit dans les collectivités du Pacifique, dans le respect des spécificités de ces territoires.
Ce texte permet à toutes les Françaises et à tous les Français, où qu’ils se trouvent sur le territoire national, d’avoir les mêmes droits dans le domaine de la santé. Il donne accès aux habitants des collectivités du Pacifique à des traitements innovants et met fin à une rupture d’égalité avec l’Hexagone, notamment en ce qui concerne l’allongement du délai de recours à l’IVG.
En première lecture, nous avions été nombreux, dans cet hémicycle, à demander des informations sur la mise en œuvre des mesures visées dans ces territoires ; les réponses requises ont pu être données lors de l’examen du texte à l’Assemblée nationale. Elles ont été satisfaisantes : elles ont permis de préciser la portée de la ratification et d’enrichir de façon bienvenue le travail parlementaire.
Il convient désormais d’adopter conforme le texte ainsi modifié. Le groupe RDPI ne peut que voter la ratification de cette ordonnance. Toutefois, il veillera à ce que ses dispositions puissent effectivement s’appliquer, ce qui peut s’avérer difficile compte tenu de l’indigence de l’offre de soins dans les territoires ultramarins. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
M. le président. La parole est à Mme Annie Le Houerou. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
Mme Annie Le Houerou. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous sommes réunis aujourd’hui dans cet hémicycle pour examiner en deuxième lecture le projet de loi ratifiant l’ordonnance du 19 avril 2023 portant extension et adaptation à la Polynésie française, à la Nouvelle-Calédonie et aux îles Wallis et Futuna de diverses dispositions législatives relatives à la santé.
À l’issue de la première lecture au Sénat, le texte comportait un article unique. L’Assemblée nationale y a ensuite ajouté deux articles : le premier prévoit l’évaluation par le Gouvernement du coût de l’allongement de douze à quatorze semaines du délai légal de recours à l’IVG ; le second procède à diverses corrections, actualisations et coordinations des dispositions du code de la santé publique étendues et adaptées à la Polynésie française et à la Nouvelle-Calédonie – il s’agit le plus souvent d’expliciter la répartition des compétences entre l’État et les autorités locales.
Rappelons que l’ordonnance du 19 avril 2023, qu’il s’agit ici de ratifier, rend applicables aux îles Wallis et Futuna, à la Nouvelle-Calédonie et à la Polynésie française les récentes dispositions de notre droit relatives aux recherches impliquant la personne humaine. Celles-ci sont définies par le code de la santé publique comme les recherches organisées et pratiquées sur l’être humain en vue du développement des connaissances biologiques ou médicales.
Il y a en effet, dans ces trois territoires du Pacifique, des vides juridiques apparus à la suite d’évolutions législatives actées pour la métropole et de nouvelles réglementations européennes adoptées depuis 2021.
L’ordonnance modifie donc le code de la santé publique afin d’étendre à ces territoires l’application des nouvelles dispositions relatives à la bioéthique, mais aussi des règlements européens portant sur les essais cliniques de médicaments, les dispositifs médicaux et les dispositifs médicaux de diagnostic in vitro.
L’on ne peut que regretter que les territoires français du Pacifique aient dû attendre plus de dix ans pour disposer d’un cadre juridique adapté en matière de bioéthique – les lois de bioéthiques ont été votées en 2012 !
L’ordonnance rend par ailleurs applicables à ces collectivités les évolutions législatives récentes relatives aux droits des personnes malades, à la santé sexuelle, à l’interruption volontaire de grossesse et à différents produits pharmaceutiques.
Les modifications majeures ainsi apportées incluent l’extension aux îles Wallis et Futuna, à la Polynésie française et à la Nouvelle-Calédonie des dispositions sur le droit à l’avortement issues de la loi du 2 mars 2022 : allongement des délais de recours à l’IVG de douze à quatorze semaines de grossesse ; suppression du délai minimum de réflexion de deux jours pour confirmer un avortement ; possibilité de recourir à la téléconsultation pour l’avortement ; autorisation accordée aux sages-femmes de réaliser des IVG par voie instrumentale dans les établissements de santé ; élargissement des compétences des sages-femmes en matière de dépistage et de traitement des infections sexuellement transmissibles chez les partenaires des femmes.
Toutes ces dispositions ont pour but d’améliorer le système de santé en favorisant la confiance et la simplification des procédures. Je me réjouis tout particulièrement de leur transcription quelques semaines seulement après la constitutionnalisation de l’IVG.
Monsieur le ministre, je souhaite que vous nous communiquiez des éléments d’information sur l’accès effectif des femmes à l’IVG dans ces trois territoires – je ne doute pas que vous avez été instruit d’éventuelles difficultés.
L’ordonnance du 19 avril 2023 étend également à ces trois collectivités des dispositions permettant l’accès précoce et compassionnel à certains traitements, évolutions issues des lois de financement de la sécurité sociale pour 2021 et pour 2022.
Des patients en impasse thérapeutique peuvent ainsi bénéficier à titre exceptionnel et temporaire de certains médicaments non autorisés dans une indication thérapeutique précise. Des médicaments sans autorisation de mise sur le marché peuvent être utilisés pour traiter des maladies graves ou rares lorsqu’il n’existe pas de traitement approprié, que le patient ne peut être inclus dans un essai clinique et que la mise en œuvre du traitement ne peut être différée.
Monsieur le ministre, disposez-vous de données nous permettant de mesurer la qualité de la prise en charge des patients ultramarins qui souffrent d’affections de longue durée (ALD) ?
Autre disposition positive contenue dans l’ordonnance du 19 avril 2023 : l’application à la Polynésie française de la possibilité offerte à un plus grand nombre de professionnels de santé de déroger à l’obligation de recueillir le consentement de l’autorité parentale dans des situations où des actions de prévention, de dépistage ou de traitement sont nécessaires pour protéger la santé sexuelle et reproductive des mineurs.
La confidentialité de la prescription de contraception aux mineurs a également été introduite dans cette ordonnance.
Toujours dans l’objectif de mesurer l’effectivité des droits dans nos collectivités du Pacifique, il serait souhaitable de disposer de données concernant les moyens qui y sont alloués au planning familial.
Enfin, l’ordonnance permet d’étendre à la Polynésie française et aux îles Wallis et Futuna les garanties prévues en matière de données des personnes malades.
Le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain votera ce projet de loi de ratification, car l’ordonnance visée contient des extensions et des adaptations législatives positives pour Wallis-et-Futuna, la Polynésie française et la Nouvelle-Calédonie, et ce en dépit de nos inquiétudes plus générales sur l’état du système de santé dans ces collectivités comme sur l’ensemble du territoire français. (Applaudissements sur les travées du groupe SER. – Mme Mireille Jouve applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Georges Naturel. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Georges Naturel. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, ce texte a pour objet de ratifier l’ordonnance du 19 avril 2023 portant extension et adaptation à la Polynésie française, à la Nouvelle-Calédonie et aux îles Wallis et Futuna de diverses dispositions législatives relatives à la santé.
L’article 1er, qui était à l’origine l’article unique de ce texte, a été adopté conforme par l’Assemblée nationale. La majeure partie des dispositions de cet article étaient attendues dans les trois territoires ultramarins concernés ; elles vont dans le bon sens. Elles comportent notamment des mesures de rattrapage en matière de recherche sur la personne humaine en Polynésie française et en Nouvelle-Calédonie.
En tant que sénateur ultramarin, je souhaite saluer ces évolutions, car, en l’état actuel du droit, la Polynésie française ne pouvait contribuer à ces RIPH, tandis qu’en ce domaine les possibilités de la Nouvelle-Calédonie étaient limitées. Le présent texte permettra notamment de mener des travaux de recherche sur des problématiques régionales spécifiques, telles que les arboviroses ou la leptospirose. La pérennisation de cet alignement sur le droit en vigueur est donc bienvenue.
Pour ce qui est du second volet du texte, tel qu’il nous parvient de l’Assemblée nationale, je souhaite remercier notre rapporteure, Marie-Do Aeschlimann, qui avait sollicité auprès du ministère de la santé des expertises sur les demandes de modification relatives aux RIPH formulées par les gouvernements de la Polynésie française et de la Nouvelle-Calédonie.
Faute de temps, ce travail n’avait pu être entrepris avant la première lecture au Sénat : c’est désormais chose faite. Voilà qui permet de parfaire le dispositif de l’ordonnance et de corriger autant que possible les imperfections du code de la santé publique tel qu’il s’applique dans nos territoires du Pacifique.
La répartition des compétences entre l’État et les autorités locales – il s’agit d’une question fondamentale pour ces collectivités, qui bénéficient de dispositions singulières – s’en verra précisée.
Les évolutions ainsi ratifiées permettront notamment de confier aux autorités locales la définition de l’équipe de soins intervenant auprès d’un patient.
Elles conféreront aux autorités du pays le pouvoir de décider de l’organisation des professionnels ou organismes concourant à la prévention ou aux soins et produisant des documents comportant des données de santé à caractère personnel.
Elles permettront à la Polynésie française de bénéficier des règles applicables à l’État en matière de promotion des recherches impliquant la personne humaine – ce territoire pourra notamment déroger à l’obligation d’assurance.
Elles rendront applicables en Nouvelle-Calédonie et en Polynésie française les dispositions du code de la santé publique définissant les lieux dans lesquels peuvent être réalisées les greffes de tissus et les administrations de préparations de thérapie cellulaire.
Les dispositions que nous étudions sont techniques, mais elles permettront d’adapter et de moduler celles que nous avions entérinées en adoptant l’article 1er, qui permettaient déjà de rattraper un retard accumulé depuis plus de dix ans en matière de santé et de recherche dans les outre-mer.
Une deuxième lecture aurait certes pu être évitée, mais nous parvenons malgré tout à un point d’équilibre. Le droit est actualisé et gagne en intelligibilité ; ainsi son application s’en trouvera-t-elle améliorée dans nos territoires du Pacifique.
Concernant la demande de rapport inscrite à l’article 3, je rejoins les observations formulées par la commission des affaires sociales. Bien que des réserves aient été émises quant à sa pertinence, nous voterons cet article afin de permettre une adoption conforme. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à Mme Jocelyne Guidez. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
Mme Jocelyne Guidez. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le projet de loi de ratification qui nous est soumis va dans le bon sens.
L’adoption de l’article 1er, le 14 mars dernier, permet de rendre applicables aux îles Wallis et Futuna, à la Nouvelle-Calédonie et à la Polynésie française, dans leur version applicable en métropole, les dispositions se rapportant aux recherches impliquant la personne humaine, visées au titre II du livre Ier de la Première partie du code de la santé publique.
L’ordonnance permet également d’étendre à ces collectivités l’application des règlements européens portant sur les essais cliniques de médicaments, les dispositifs médicaux et les dispositifs médicaux de diagnostic in vitro, dans le respect de leur statut européen de pays et territoires d’outre-mer.
Cette ordonnance a aussi vocation à acter des avancées particulières pour les îles Wallis et Futuna, à commencer par les dispositions visant à renforcer le droit à l’avortement.
Les femmes de Wallis-et-Futuna bénéficieront désormais d’un allongement à quatorze semaines des délais de recours à l’interruption volontaire de grossesse et ne seront plus tenues de respecter un délai minimum de réflexion.
Pour ce qui concerne plus spécifiquement la Polynésie française, cette ordonnance y apporte, outre les mêmes avancées relatives à l’IVG, une meilleure protection par le secret de la prescription de la contraception aux personnes mineures, ou encore de nouvelles garanties en matière de données des patients.
Comme l’avait déjà souligné ma collègue Lana Tetuanui le 14 mars dernier, nous approuvons ces avancées pour la protection et la liberté des femmes, mais encore faut-il que les moyens suivent. Or nous connaissons parfaitement les difficultés que rencontrent les structures médicales en Polynésie, comme d’ailleurs en métropole.
Nous devons aujourd’hui nous prononcer sur deux nouveaux articles ajoutés par nos collègues députés. Je partage à ce sujet le sentiment exposé il y a quelques instants par notre rapporteure.
Sur la forme, nous aurions pu effectivement nous épargner une seconde lecture du texte si le Gouvernement avait écouté la voix de Marie-Do Aeschlimann, qui proposait dès mars dernier d’intégrer à ce projet de loi des adaptations complémentaires demandées par les territoires de Nouvelle-Calédonie et de Polynésie française.
Ces demandes concernent des adaptations ou des corrections de malfaçons législatives : il s’agit de rendre la plus juste possible la déclinaison territoriale des dispositions relatives à l’organisation des soins, à l’assistance médicale à la procréation ou aux recherches impliquant la personne humaine.
Même si, sur la forme, nous trouvons dommage d’avoir ainsi perdu du temps, nous sommes satisfaits de constater que ces dispositions figurent dans le texte final.
Notre groupe salue donc les modifications apportées au code de la santé publique pour davantage d’efficience, et c’est tout naturellement que nous voterons ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe UC. – MM. Marc Laménie et Michel Savin applaudissent également.)
M. le président. La parole est à Mme Laure Darcos.
Mme Laure Darcos. Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la rapporteure, mes chers collègues, il est impossible pour notre groupe de commencer cette intervention sans exprimer notre plus profonde inquiétude face à la situation de la Nouvelle-Calédonie, ce que nous n’avons pas pu faire tout à l’heure à l’occasion des questions d’actualité au Gouvernement.
Nous condamnons fermement toutes les violences commises et affichons notre soutien plein et entier aux forces de l’ordre et aux habitants de l’archipel. Nous appelons au retour au calme, ainsi qu’au respect des lois de la République.
Concernant le texte en discussion, permettez-moi tout d’abord de saluer notre rapporteure, Marie-Do Aeschlimann, qui a mené un véritable travail de pédagogie. Le droit ultramarin est complexe en lui-même ; les procédures législatives correspondantes le sont tout autant.
En l’espèce, l’objet de ce projet de loi est d’étendre à la Polynésie française, aux îles Wallis et Futuna et à la Nouvelle-Calédonie, via une ratification d’ordonnance, diverses dispositions législatives relatives à la santé.
Lesdites dispositions concernent des sujets qui sont loin d’être mineurs : il s’agit en particulier de bioéthique, et plus précisément des recherches impliquant la personne humaine, c’est-à-dire des essais thérapeutiques. Sont concernées également des dispositions issues de la loi du 2 mars 2022 visant à renforcer le droit à l’avortement, qui a allongé le délai de recours à une IVG et supprimé le délai minimal de réflexion à l’issue d’un entretien psychosocial.
Pour ce qui est de la Polynésie française, le projet de loi y assure la mise en œuvre des dispositions de la loi du 26 janvier 2016 de modernisation de notre système de santé qui ont trait à la protection par le secret de la prescription de la contraception aux personnes mineures. Ainsi, nous sécurisons et renforçons le droit des femmes d’outre-mer à disposer de leur corps.
Enfin, conformément à la répartition des compétences dans ce territoire, cette ordonnance étend à Wallis-et-Futuna les seules dispositions relatives à l’extension des compétences des sages-femmes en matière de dépistage et de traitement des infections sexuellement transmissibles.
Sur la forme, nous regrettons, tout comme notre rapporteure, que ce texte ait été inscrit à l’ordre du jour avant que ne soit achevé le travail de concertation avec les territoires, ce qui nous contraint aujourd’hui à une deuxième lecture quand une seule aurait pu suffire.
Depuis le premier examen de ce projet de loi par la Haute Assemblée, de nombreuses modifications sont intervenues. Il s’agit surtout d’adaptations du code de la santé publique concernant la Nouvelle-Calédonie et la Polynésie française ou de corrections de dispositions qui ne tenaient pas compte des nécessités d’adaptation à ces territoires.
Les modifications apportées à la version que nous avons votée au mois de mars en disent long sur la complexité du droit des outre-mer ; elles témoignent également de la nécessité de faire preuve de la plus grande rigueur dans l’application de notre corpus législatif dans ces territoires.
Pour autant, faire preuve de rigueur ne devrait pas être synonyme de lenteur, comme cela semble être parfois le cas : certaines dispositions dont l’application est étendue par cette ordonnance, celles qui relèvent des lois de bioéthique, sont applicables en métropole depuis 2012…
Or Calédoniens, Polynésiens, Wallisiens et Futuniens doivent avoir les mêmes droits que les autres Français en matière de santé ; aucun débat n’est envisageable à ce sujet. La question n’est pas tant de savoir s’il faut étendre ou non les règles applicables dans l’Hexagone à ces territoires, mais de déterminer si celles-ci pourront effectivement y être appliquées, compte tenu des moyens humains et matériels disponibles sur place.
La situation sanitaire y est parfois alarmante, y compris dans des territoires où l’État est pleinement compétent en matière de santé. C’est pourquoi il nous apparaît impératif de renforcer l’accès aux soins dans toutes les collectivités ultramarines. J’en veux pour preuve l’exemple édifiant de Mayotte, actuellement en proie à une épidémie dramatique de choléra qui s’ajoute aux difficultés chroniques de l’île.
En tout état de cause, le groupe Les Indépendants votera en faveur de ce projet de loi.
M. le président. La parole est à Mme Anne Souyris. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)
Mme Anne Souyris. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous voilà une seconde fois au Sénat pour voter la ratification de cette ordonnance. S’agit-il de mépris pour les outre-mer ou d’impréparation du Gouvernement ? Peut-être les deux…
Il y a deux mois, notre assemblée a appelé le Gouvernement à rectifier l’ordonnance en y intégrant les modifications et précisions demandées par les gouvernements de la Polynésie française et de la Nouvelle-Calédonie, afin de mieux adapter le texte aux spécificités locales, pour ce qui est notamment des dispositions relatives aux recherches impliquant la personne humaine. Nous y sommes.
Nous aurions toutefois pu éviter cette nouvelle lecture au Sénat si cette ordonnance portant extension et adaptation à la Polynésie française, à la Nouvelle-Calédonie et aux îles Wallis et Futuna de diverses dispositions législatives relatives à la santé n’avait pas été bâclée par le Gouvernement.
L’ordonnance contient notamment des dispositions relatives aux recherches impliquant la personne humaine, des éléments issus de la loi visant à renforcer le droit à l’avortement ainsi que l’extension des compétences des sages-femmes en matière de dépistage et de traitement des infections sexuellement transmissibles.
Consultés, les représentants des collectivités ont cependant unanimement regretté les conditions de saisine, qui ne leur ont pas permis de rendre un avis approfondi. Ainsi, seul l’avis du congrès de la Nouvelle-Calédonie a été reçu par le Gouvernement ; la délibération de Wallis-et-Futuna ne l’a manifestement pas été et l’avis de l’assemblée de la Polynésie française n’a finalement pas pu être formalisé avant la publication de l’ordonnance.
Résultat : lors de la première lecture au Sénat, les demandes de modification, de précision ou d’adaptation transmises au Gouvernement par les exécutifs de ces collectivités n’ont pas pu être communiquées à notre chambre. Le Gouvernement n’avait en effet pas anticipé la mise en œuvre réelle de ce texte dans les territoires ultramarins, laquelle suppose de l’adapter autant que possible aux différentes spécificités de l’organisation des soins dans chacune de ces collectivités.
Nous voterons une nouvelle fois le projet de loi ratifiant cette ordonnance, car l’extension de ces dispositions législatives est sans conteste une bonne nouvelle, surtout assortie des modifications nécessaires à une meilleure applicabilité.
Cependant, quel mépris – j’y reviens – s’est ici exprimé pour nos collectivités d’outre-mer ! Cette nouvelle navette parlementaire et ses consultations bâclées ne sont rien comparées à l’attente que suscitent ces transpositions dans les territoires concernés. Je l’ai déjà dénoncé avec force : est-il normal que ces collectivités d’outre-mer aient dû attendre jusqu’à douze années avant de disposer des mêmes avancées que l’Hexagone, notamment en matière d’essais thérapeutiques, cette attente les ayant privées d’accès à des traitements innovants ?
L’application dans les outre-mer des textes votés au Parlement, qui relève des compétences de l’État, demeure manifestement très insuffisante et signale une République à deux vitesses. Comment peut-on trouver normal que certains Français doivent attendre une dizaine d’années avant de disposer des mêmes droits que leurs concitoyens ?
Arrêter le mépris, c’est également respecter le processus de décolonisation enclenché en Nouvelle-Calédonie. Nous avions alerté le Gouvernement sur les dangers du projet de loi constitutionnelle portant modification du corps électoral pour les élections au congrès et aux assemblées de province de la Nouvelle-Calédonie ; il ébranle la paix fragile sur l’archipel.
Monsieur le ministre, vous êtes les seuls responsables de la situation actuelle, et j’ai une pensée pour les trois morts et les centaines de blessés. Ces émeutes mettent en lumière l’incapacité de l’État à jouer réellement son rôle : la négociation sous la contrainte, méthode choisie par ce gouvernement, n’a fait que mettre le feu aux poudres.
Renoncer à ce projet de loi constitutionnelle est la seule solution pour ouvrir un véritable dialogue et trouver un accord convenable. Soutenir le choix de l’autonomie du peuple kanak, c’est aussi lui permettre de reprendre en main son propre système de santé et assurer un avenir plus équitable et adapté à ses besoins spécifiques. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)
M. le président. La parole est à Mme Evelyne Corbière Naminzo.
Mme Evelyne Corbière Naminzo. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, avec l’examen en deuxième lecture de ce projet de loi, nous œuvrons aujourd’hui à ce que le droit s’applique de la même façon à tous les Français et à toutes les Françaises. Il était plus que temps d’étendre aux territoires dits ultramarins du Pacifique ce cadre applicable aux recherches impliquant la personne humaine, ces lignes directrices relatives aux données des personnes malades, ce nouveau régime de l’IVG. L’enjeu est bien notamment de permettre à chaque Française de disposer des mêmes droits sur son corps.
En Nouvelle-Calédonie, de nombreux professionnels de santé, notamment des médecins et des sages-femmes, appelaient de leurs vœux l’extension de douze à quatorze semaines du délai légal de recours à l’IVG, tout comme la suppression du délai minimal de réflexion. Il était nécessaire de renforcer encore le droit à l’IVG dans ce territoire ; il faut rappeler en effet que l’interruption volontaire de grossesse demeure illégale dans les pays voisins, à l’exception de l’Australie et de la Nouvelle-Zélande.
Nous saluons l’application à ces territoires du Pacifique du secret de la prescription de la contraception aux personnes mineures, ainsi que la suppression de la notion de détresse pour délivrer la contraception d’urgence. Ces dispositions sont autant de leviers permettant aux femmes de disposer librement de leur corps.
Nous saluons aussi les modifications bienvenues apportées par l’Assemblée nationale et issues des demandes émises par la Nouvelle-Calédonie et la Polynésie française, concernant notamment les adaptations complémentaires du code de la santé publique ou la correction de malfaçons législatives.
Nous saluons encore l’ajout obtenu par notre collègue communiste Mereana Reid Arbelot, députée du groupe Gauche démocrate et républicaine (GDR), qui consiste à demander au Gouvernement un rapport sur le coût de l’allongement de douze à quatorze semaines du délai de recours à l’IVG. Pour organiser au mieux ce droit et le rendre effectif, il faut en effet reconnaître son coût pour les collectivités locales qui devront l’assumer et qui connaissent des difficultés budgétaires, comme le savent bien les membres de la chambre haute.
Cependant, nous continuons de dénoncer la méthode utilisée. Je regrette que les conditions complètes du bon examen de ce projet de loi n’aient pas été réunies au mois de mars, quand nous l’avons voté en première lecture, car, alors, le Gouvernement n’avait pas intégré au texte les demandes et avis transmis par les territoires.
La concertation a été bâclée. Si les trois territoires du Pacifique ont été formellement consultés, les délais de saisine ne leur ont pas permis de rendre un avis étayé et complet. Alors que l’ordonnance touche à des sujets de société appelant une consultation élargie de la population, le Gouvernement a saisi l’assemblée de la Polynésie française à la fin du mois de janvier 2023, dans un contexte électoral peu propice à une analyse approfondie.
Nous dénonçons toujours le recours aux ordonnances. Ce texte est le reflet de la relégation des outre-mer dans l’ordre de la construction de la loi. Trop souvent, la loi s’y résume à des ordonnances d’application prises très tardivement, y compris dans des domaines fondamentaux ; ainsi se trouvent fondées des inégalités entre citoyens. La méthode de l’ordonnance conduit parfois à ce que les droits soient effectifs dans les outre-mer des années, voire plus d’une décennie, après leur application dans l’Hexagone.
Nous voterons donc pour l’adoption sans modification des dispositions introduites à l’Assemblée nationale, mais nous regrettons qu’il ait fallu attendre si longtemps : nous regrettons que le Gouvernement fasse preuve de beaucoup plus d’empressement et de beaucoup plus de volonté pour imposer par la force le dégel du corps électoral en Nouvelle-Calédonie que pour garantir aux femmes et aux hommes des territoires du Pacifique les mêmes droits que ceux dont disposent leurs concitoyens. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K.)
M. le président. La parole est à Mme Mireille Jouve.
Mme Mireille Jouve. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, avant d’entrer dans le vif du sujet qui nous rassemble cet après-midi, comment ne pas évoquer la bien triste et tragique actualité de la Nouvelle-Calédonie, objet d’un conseil de défense convoqué par le Président de la République ce matin même ?
À la suite d’émeutes urbaines, l’état d’urgence a été décrété, alors que l’on déplore la mort de quatre personnes, dont un gendarme, et de nombreux blessés parmi les forces de l’ordre.
À qui la faute, demandera-t-on ? Mais est-ce bien le moment de poser cette question alors qu’en Nouvelle-Calédonie la paix civile est mise à mal par une explosion dont il faudra, une fois le calme revenu, comprendre les raisons ?
Je me contenterai, au nom du groupe du RDSE, d’adresser de sincères condoléances aux proches des victimes et d’appeler à un retour au calme, qui ne pourra se produire que par l’intervention dépassionnée de toutes les forces politiques, locales et nationales.
Pour en venir au texte qui nous réunit, l’article 74-1 de la Constitution dispose qu’à Saint-Pierre-et-Miquelon, à Saint-Barthélemy, à Saint-Martin, en Polynésie française, dans les îles Wallis et Futuna et en Nouvelle-Calédonie le Gouvernement peut étendre, avec les adaptations nécessaires, les dispositions de nature législative en vigueur dans l’Hexagone.
C’est dans ce cadre constitutionnel que nous sommes appelés à procéder à la ratification de l’ordonnance du 19 avril 2023 rendant applicables aux trois collectivités françaises du Pacifique les récentes dispositions du code de la santé publique se rapportant aux recherches impliquant la personne humaine.
Cette ordonnance étend également à ces territoires diverses dispositions récentes relatives aux droits des personnes malades, à la santé sexuelle, à l’interruption volontaire de grossesse et à différents produits pharmaceutiques.
Nous ne pouvons que nous féliciter de cette ratification, car il s’agit là d’un simple rattrapage attendu par ces collectivités.
Oui à la transposition des dernières lois de bioéthique fixant les conditions dans lesquelles des recherches peuvent être engagées et garantissant la sécurité et la bonne information des participants.
Oui à l’extension de l’application des règlements européens portant sur les essais cliniques de médicaments, les dispositifs médicaux et les dispositifs de diagnostic in vitro.
Oui à la protection par le secret de la prescription de la contraception aux personnes mineures.
Oui à l’allongement du délai de recours à l’IVG à quatorze semaines et à la suppression du délai minimum de réflexion à l’issue de l’entretien psychosocial.
En revanche, sur la forme, mon groupe l’a indiqué en première lecture et tient à le rappeler, nous déplorons que seul l’avis du congrès de la Nouvelle-Calédonie ait été reçu par le Gouvernement dans le délai imparti. Les conditions de saisine des collectivités n’ont pas été satisfaisantes ; elles ne permettent pas toujours de rendre un avis étayé sur le fond ou de mener une analyse juridique fine. S’agissant de questions techniquement complexes, telles que les recherches impliquant la personne humaine, voilà qui est regrettable.
L’Assemblée nationale a introduit deux nouveaux articles qui font l’objet de cette deuxième lecture. Permettez-moi de m’interroger, mes chers collègues : ce texte méritait-il vraiment une deuxième lecture ? Je n’en suis pas certaine, au regard des urgences que l’actualité nous rappelle. Il aurait été de bon ton d’entendre les demandes d’adaptations complémentaires formulées par les territoires avant l’examen en première lecture au Sénat, comme notre rapporteure l’avait d’ailleurs aimablement conseillé au Gouvernement en amont de la concertation.
Sur la demande de rapport, nous partageons également l’avis de la rapporteure : la question n’est pas tant celle du coût de l’allongement du délai de recours à l’IVG que celle des moyens nécessaires pour rendre ce droit effectif partout et pour toutes.
Malgré ces quelques remarques, le groupe du RDSE, avec la bienveillance qui le caractérise,…
M. Michel Savin. Très bien !
Mme Mireille Jouve. … apportera ses voix à l’adoption de ce projet de loi, pour une ratification rapide de l’ordonnance. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains. – M. Bernard Buis applaudit également.)
M. le président. La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion du texte de la commission.
projet de loi ratifiant l’ordonnance n° 2023-285 du 19 avril 2023 portant extension et adaptation à la polynésie française, à la nouvelle-calédonie et aux îles wallis et futuna de diverses dispositions législatives relatives à la santé
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Article 2
(Non modifié)
Le code de la santé publique est ainsi modifié :
A. – Le III de l’article L. 1541-2 est ainsi modifié :
1° À la fin du c, les mots : « et “d’une structure de” sont supprimés » sont remplacés par les mots : « sont supprimés et, à la fin, les mots : “par décret” sont remplacés par les mots : “par les autorités locales compétentes” » ;
2° Il est ajouté un d ainsi rédigé :
« d) À la fin du 3° du même article L. 1110-12, les mots : “un arrêté du ministre chargé de la santé” sont remplacés par les mots : “les autorités locales compétentes”. » ;
B. – L’article L. 1541-3 est ainsi modifié :
1° Le I est ainsi modifié :
a) Au troisième alinéa, les mots : « et en Polynésie française » sont supprimés ;
b) Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :
« L’article L. 1115-1 est applicable en Nouvelle-Calédonie et en Polynésie française dans sa rédaction résultant de l’ordonnance n° 2017-31 du 12 janvier 2017 de mise en cohérence des textes au regard des dispositions de la loi n° 2016-41 du 26 janvier 2016 de modernisation de notre système de santé. » ;
2° Le 7° du II est abrogé ;
3° Le 1° du VI est ainsi rédigé :
« 1° L’article L. 1111-25 est ainsi modifié :
« a) À la fin du 2°, les mots : “le présent code” sont remplacés par les mots : “les autorités locales compétentes” ;
« b) À la fin du 4°, les mots : “mentionné au I de l’article L. 312-1 du code de l’action sociale et des familles” sont supprimés ; »
4° Au VII, après la première occurrence du mot : « agrément », sont insérés les mots : « ou du certificat de conformité » ;
C. – L’article L. 1541-4 est ainsi modifié :
1° À la vingt-cinquième ligne de la première colonne du tableau du deuxième alinéa du I, la référence : « L. 112-1-3 » est remplacée par la référence : « L. 1122-1-3 » ;
1° bis Après le même I, il est inséré un I bis ainsi rédigé :
« I bis. – Pour l’application en Nouvelle-Calédonie des dispositions mentionnées au I, à l’article L. 1122-2, les mots : “recherche biomédicale” sont remplacés par les mots : “recherche impliquant la personne humaine”. » ;
2° Le II est ainsi modifié :
aa) Le g du 2° est abrogé ;
a) Au second alinéa du b du 3°, après le mot : « compétente », sont insérés les mots : « en matière sanitaire » ;
b) Le 4° est ainsi rédigé :
« 4° À l’article L. 1124-1 :
« a) Au second alinéa du III, les mots : “tels que définis” sont remplacés par les mots : “répondant à la définition prévue” ;
« b) À la fin de la première phrase du IV, les mots : “, L. 5121-1-1, L. 5125-1 et L. 5126-1” sont remplacés par les mots : “et à la réglementation pharmaceutique applicable en Nouvelle-Calédonie ou en Polynésie française pour les médicaments répondant à la définition prévue aux articles L. 5121-1-1, L. 5125-1 et L. 5126-1” ; »
c) Après le 5°, sont insérés des 5° bis et 5° ter ainsi rédigés :
« 5° bis À la première phrase du premier alinéa de l’article L. 1127-1, après le mot : “sang”, sont insérés les mots : “ou dans l’établissement ayant le même objet en Nouvelle-Calédonie et en Polynésie française” ;
« 5° ter Au premier alinéa de l’article L. 1127-3, après la référence : “L. 5132-7”, sont insérés les mots : “ou de la réglementation équivalente applicable localement en matière de substances vénéneuses” ; »
3° Il est ajouté un III ainsi rédigé :
« III. – Pour l’application en Polynésie française des dispositions mentionnées au I du présent article :
« Le dernier alinéa des articles L. 1121-10, L. 1125-9 et L. 1126-8 est ainsi rédigé :
« “Pour l’application du présent article, l’État ou la Polynésie française, lorsqu’ils ont la qualité de promoteur, ne sont pas tenus de souscrire à l’obligation d’assurance prévue au troisième alinéa du présent article. Ils sont toutefois soumis aux obligations incombant à l’assureur.” » ;
D. – Le 4° de l’article L. 1541-5 est ainsi rédigé :
« 4° L’article L. 1131-1-3, dans sa rédaction résultant de la loi n° 2021-1017 du 2 août 2021, sous réserve, au II, des adaptations suivantes :
« a) La première phrase est ainsi rédigée : “La communication du résultat de l’examen au prescripteur est faite par le laboratoire de biologie médicale ayant réalisé l’analyse.” ;
« b) À la fin de la seconde phrase, le mot : “autorisé” est remplacé par les mots : “ayant réalisé l’analyse” ; »
D bis. – Au premier alinéa de l’article L. 1542-8, la référence : « L. 1243-5 » est remplacée par la référence : « L. 1243-7 » ;
E. – Après l’article L. 2442-2-1, il est inséré un article L. 2442-2-2 ainsi rédigé :
« Art. L. 2442-2-2. – Pour l’application à la Polynésie française du deuxième alinéa de l’article L. 2141-11-1, les mots : “titulaire de l’autorisation prévue à l’article L. 2142-1” sont remplacés par les mots : “autorisé par l’autorité sanitaire compétente localement”. » ;
F. – Le chapitre III du titre IV du livre IV de la deuxième partie est complété par un article L. 2443-2 ainsi rédigé :
« Art. L. 2443-2. – Pour l’application à la Polynésie française du deuxième alinéa de l’article L. 2151-9, les mots : “conformément à l’article L. 2142-1” sont remplacés par les mots : “par l’autorité sanitaire compétente localement”. » ;
G. – À la fin du troisième alinéa de l’article L. 5541-2, les mots : « l’ordonnance n° 2022-1086 du 29 juillet 2022 » sont remplacés par les mots : « la loi n° 2022-1726 du 30 décembre 2022 de finances pour 2023 » ;
H. – Les 12° et 14° de l’article L. 5541-3 sont abrogés.
M. le président. Je mets aux voix l’article 2.
(L’article 2 est adopté.)
Article 3
(Non modifié)
Dans un délai d’un an à compter de la promulgation de la présente loi, le Gouvernement remet au Parlement un rapport évaluant le coût de l’allongement de douze à quatorze semaines du délai légal de recours à l’interruption volontaire de grossesse – (Adopté.)
M. le président. Les autres dispositions du projet de loi ne font pas l’objet de la deuxième lecture.
Vote sur l’ensemble
M. le président. Personne ne demande la parole ?…
Je mets aux voix, dans le texte de la commission, l’ensemble du projet de loi ratifiant l’ordonnance n° 2023-285 du 19 avril 2023 portant extension et adaptation à la Polynésie française, à la Nouvelle-Calédonie et aux îles Wallis et Futuna de diverses dispositions législatives relatives à la santé.
(Le projet de loi est adopté définitivement.) – (Applaudissements.)
M. le président. Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-neuf heures cinquante, est reprise à dix-neuf heures cinquante et une.)
M. le président. La séance est reprise.
11
Accompagnement humain des élèves en situation de handicap
Adoption définitive en deuxième lecture d’une proposition de loi dans le texte de la commission
M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion en deuxième lecture de la proposition de loi, modifiée par l’Assemblée nationale en première lecture, visant la prise en charge par l’État de l’accompagnement humain des élèves en situation de handicap durant le temps de pause méridienne (proposition n° 520, texte de la commission n° 563, rapport n° 562).
Mes chers collègues, en accord avec le Gouvernement et la commission, et en l’absence d’amendements déposés sur ce texte, nous pourrions achever son examen en prolongeant notre séance au-delà de vingt heures sans avoir à suspendre nos travaux.
Il n’y a pas d’opposition ?…
Il en est ainsi décidé.
Discussion générale
Mme Marie Lebec, ministre déléguée auprès du Premier ministre, chargée des relations avec le Parlement. Monsieur le président, madame la rapporteure, monsieur l’auteur de la proposition de loi, mesdames, messieurs les sénateurs, je vous prie avant tout d’excuser Nicole Belloubet, qui est retenue par ailleurs.
Nous sommes réunis aujourd’hui pour l’examen en deuxième et – je l’espère – dernière lecture de la proposition de loi visant à la prise en charge par l’État de l’accompagnement humain des élèves en situation de handicap sur le temps méridien.
Ce texte est très attendu par ces personnels essentiels au fonctionnement de l’éducation nationale que sont les accompagnants d’élèves en situation de handicap (AESH). Je tiens à saluer l’engagement de ces accompagnants ; peut-être devrais-je dire « de ces accompagnantes », car il s’agit pour une immense majorité de femmes.
Ils sont en effet indispensables à notre école et participent en premier lieu à rendre tangible l’école pour tous à laquelle le Gouvernement est extrêmement attaché.
L’école dans notre pays doit aujourd’hui faire face à un véritable défi, celui de la prise en compte de l’ensemble des besoins éducatifs particuliers de nos élèves : il s’agit en effet de permettre leur scolarisation à tous, de la maternelle au lycée. L’école, nous le savons, doit être le premier lieu de la solidarité nationale à l’égard des personnes en situation de handicap.
Cela implique de faire évoluer, là où c’est nécessaire, les formes de l’enseignement, les relations entre les élèves et les professeurs, l’environnement scolaire et le matériel adapté, en un mot : le quotidien de nos écoles et de nos établissements. C’est là un défi pour l’éducation nationale, mais le Gouvernement y consacre toute son énergie afin d’être au rendez-vous.
L’institution scolaire doit remplir la mission qui lui est assignée : permettre la réussite et garantir le bien-être de tous les élèves dans leur pluralité. Il est toutefois nécessaire également de changer de manière plus profonde le regard que nous portons sur le handicap dans sa diversité.
Garantir la continuité de l’accompagnement humain des élèves en situation de handicap sur toute l’amplitude de la journée d’école, en incluant le temps méridien, est ainsi un pas supplémentaire en faveur de l’inclusion de toutes et de tous dans notre société, en plus d’être une nécessité pour favoriser une scolarité sereine et efficace.
Ce défi est d’autant plus grand que le nombre d’élèves en situation de handicap scolarisés en milieu ordinaire est en constante augmentation. L’école et ses professeurs ont donc besoin d’appui. Il reste beaucoup à faire, mais, depuis quelques années – nous pouvons nous en féliciter –, nous détectons mieux, nous repérons mieux, nous accompagnons mieux.
Il y a ainsi aujourd’hui 470 000 élèves en situation de handicap, soit 46 % de plus qu’en 2017. Sur la même période, le nombre d’AESH calculé en équivalents temps plein (ETP) a augmenté de 62 %, pour atteindre 86 500 ETP.
Je rappelle que le Gouvernement a agi avec force pour que ces personnels soient reconnus comme ils le méritent. Ainsi avons-nous revalorisé de manière importante leur salaire, qui a progressé en moyenne de 26 % entre 2021 et 2024, soit 200 euros net de plus par mois.
S’il était encore besoin de souligner l’importance de ce métier pour notre école aujourd’hui, je rappellerais également que les AESH sont devenus, en termes d’effectifs, le deuxième métier de l’éducation nationale. Ces progrès étaient donc attendus et nécessaires ; nous en sommes fiers.
La proposition de loi qui vous est soumise aujourd’hui s’inscrit pleinement dans cette dynamique : elle prévoit la prise en charge à 100 % par l’État du financement de l’accompagnement des élèves en situation de handicap sur l’ensemble de la journée à partir de la rentrée 2024.
En outre, au-delà de la prise en charge des rémunérations, ce texte permettra une simplification de la gestion des personnels en raison de l’arrêt du cumul de l’emploi entre l’État, chargé du temps scolaire, et les collectivités, chargées du temps périscolaire. La continuité de l’accompagnement des élèves s’en trouvera améliorée.
C’est donc d’une avancée importante que nous débattons aujourd’hui ; le vote de votre assemblée devrait acter l’accord définitif entre les deux chambres et permettre la promulgation prochaine de ce texte. Il est de notre devoir collectif de garantir à tous les jeunes, quels que soient leurs besoins spécifiques, une société accueillante qui sache s’adapter.
C’est pourquoi, au-delà de ce texte qui concerne tout le Gouvernement, l’éducation nationale travaille d’ores et déjà à une évolution de la formation des enseignants et de tous ses personnels. C’est bien en effet l’ensemble de nos personnels, et non seulement les AESH, que nous devons accompagner face à cette nouvelle réalité de l’école pour tous. Il y va de leur bien-être au travail comme de celui des élèves.
Le soutien aux personnes en situation de handicap est au cœur de l’action du Gouvernement et cela est particulièrement vrai en ce qui concerne l’école. Je me félicite que nous puissions nous rassembler sur un tel sujet. Nous le savons, le chemin est encore long vers cette école pour tous que nous voulons et que nous devons à nos concitoyens, mais nous avançons dans la bonne direction.
Permettez-moi de saluer Cédric Vial, qui est à l’origine de ce texte, pour son engagement important sur ce sujet et pour la qualité de son travail.
Je forme donc le vœu, mesdames, messieurs les sénateurs, que ce texte soit très largement adopté et que ce vote permette une mise en œuvre de ses dispositions dès la rentrée prochaine.
M. le président. La parole est à Mme la rapporteure. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Anne Ventalon, rapporteure de la commission de la culture, de l’éducation, de la communication et du sport. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, c’est toujours un moment particulier que celui où l’on voit une proposition de loi sénatoriale aboutir. Le texte de notre collègue Cédric Vial, dont je salue de nouveau l’engagement, est de cette espèce ; il nous rassemble au-delà de nos clivages politiques.
Cette initiative apporte une réponse à des milliers d’enfants, à leurs familles et aux accompagnants d’élèves en situation de handicap. Depuis près de vingt ans, les gouvernements successifs ont mis en place une politique volontariste d’inclusion scolaire. Le nombre d’élèves en situation de handicap scolarisés en milieu ordinaire a quadruplé : il est passé de 118 000 en 2006 à 478 000 à la rentrée 2023. Cette hausse pose mécaniquement la question de l’accompagnement de ces enfants sur le temps méridien.
Or la décision du Conseil d’État du 20 novembre 2020 a dégagé l’éducation nationale de toute responsabilité dans la prise en charge financière des AESH en dehors du temps scolaire.
À rebours de la pratique qui existait jusqu’alors, elle a causé un séisme dans les modalités d’accompagnement des élèves concernés sur le temps méridien. Depuis plus de trois ans, les familles et les accompagnants d’élèves en situation de handicap, les précieux AESH, sont confrontés à de nombreuses incertitudes et difficultés. Surtout, cette décision a ouvert la voie à des inégalités de traitement entre les élèves.
À l’Assemblée nationale, Mme Belloubet a indiqué que le ministère de l’éducation nationale continuait d’assurer la prise en charge financière sur le temps méridien de 60 % des élèves en situation de handicap. Qu’en est-il alors des 40 % restants ?
Lors des auditions, j’ai rencontré des parents, principalement des femmes, qui m’ont indiqué avoir dû se mettre à temps partiel, voire changer de travail. Il arrive que l’enfant ne soit plus scolarisé l’après-midi ; ses apprentissages et son inclusion en pâtissent.
J’avais également évoqué, lors de l’examen de ce texte en première lecture, le cas des établissements scolaires privés sous contrat. Les sommes qu’ils perçoivent au titre du forfait scolaire ne peuvent être utilisées au profit du temps périscolaire. Des responsables d’établissements scolaires m’ont expliqué devoir jouer sur la solidarité en faisant appel à des volontaires parmi les parents ou les enseignants retraités.
Parfois, des AESH sont présents sans refacturation par leur rectorat, et chacun fait comme si cela était possible. C’est ainsi un bricolage qui est mis en place, et qui fonctionne tant qu’aucun problème ne survient. Enfin, des parents m’ont confié avoir dû malheureusement déscolariser leur enfant, faute de prise en charge le midi.
Lors de l’examen de ce texte en première lecture, la commission de la culture, de l’éducation, de la communication et du sport, qui s’engage depuis de nombreuses années en faveur de l’école inclusive, avait souligné la nécessité d’un transfert à l’État de la prise en charge financière de la pause méridienne au nom de la solidarité nationale.
Madame la ministre, je me félicite de l’évolution du Gouvernement sur ce sujet : il y a quelques mois encore, il y était plutôt réticent. En première lecture au Sénat, votre collègue Catherine Vautrin, ministre de la santé et des solidarités, a adopté au nom du Gouvernement « une position de sagesse particulièrement bienveillante » sur ce texte, signalant ainsi un infléchissement de position.
Quelques jours plus tard, dans son discours de politique générale, le Premier ministre a annoncé le transfert à l’État de la prise en charge des AESH sur le temps méridien. Cette déclaration a bien entendu été unanimement saluée dans notre hémicycle.
Le texte issu de l’Assemblée nationale comporte des modifications mineures, principalement rédactionnelles ou de précision. Aussi la commission de la culture l’a-t-elle adopté conforme en deuxième lecture.
Les députés y ont ajouté deux articles.
L’article 3 précise que ce texte entrera en vigueur à la rentrée scolaire de 2024. Il semble en effet opportun de prévoir une entrée en vigueur différée de quelques semaines, afin de procéder aux ajustements juridiques nécessaires dans les contrats des AESH.
Madame la ministre, j’appelle votre attention sur la demande de rapport inscrite à l’article 4. Vous connaissez la position traditionnellement réservée du Sénat sur ce sujet. Le rapport prévu dans ce texte porte notamment sur le nombre d’élèves concernés par un accompagnement sur le temps méridien et sur les notifications non couvertes. Lors de mes travaux préparatoires, j’ai été frappée par le manque de données disponibles sur ces questions, ainsi que sur celle des différences de pratiques entre les différentes maisons départementales des personnes handicapées (MDPH). Les services du ministère de l’éducation nationale m’avaient indiqué une estimation basse et fragile de 20 000 élèves concernés, fondée sur l’extrapolation d’un sondage réalisé il y a quelques années.
Des informations plus précises sur ces thématiques seront donc les bienvenues et j’ai toute confiance dans les capacités statistiques du ministère pour nous éclairer.
Cette proposition de loi, qui apporte une solution concrète au problème de l’accompagnement sur le temps méridien, représente une avancée du quotidien ; elle est donc à saluer. Bien évidemment, sa mise en œuvre impliquera de former les AESH à ces nouvelles tâches. Surtout, elle ne constitue qu’un jalon dans un parcours long visant à améliorer la prise en charge des élèves en situation de handicap à l’école.
Ce texte est ainsi la traduction législative d’une des vingt recommandations du rapport d’information de Cédric Vial sur les modalités de gestion des AESH, publié il y a tout juste un an au nom de la commission de la culture. Les dix-neuf autres ne relèvent pas de la compétence du législateur ; madame la ministre, j’espère qu’elles connaîtront le même accueil positif de la part du ministère de l’éducation nationale et qu’il y sera donné suite.
Enfin, permettez-moi de saisir cette occasion pour vous alerter sur la situation de l’école inclusive, aujourd’hui en souffrance. Les récents travaux de nos collègues Jacques Grosperrin, rapporteur pour avis des crédits de l’enseignement scolaire, et Laurent Lafon, président de la commission de la culture, ont montré que celle-ci était en train de craquer, notamment dans le primaire. En 2023, les trois quarts des enseignants du premier degré déclaraient avoir des difficultés fréquentes ou très fréquentes avec des élèves désignés comme perturbateurs ou à troubles du comportement.
Il est urgent d’entendre ce malaise professionnel qui remet en cause le bien-être de tous à l’école. En effet, c’est l’ensemble de la classe, l’enseignant et l’élève concerné qui souffrent face aux carences des acteurs institutionnels.
Mes chers collègues, dans quelques minutes, nous allons adopter définitivement ce texte. Je souhaite qu’il puisse améliorer dès la rentrée prochaine le quotidien des milliers d’enfants concernés ainsi que celui de leurs familles. Une pierre après l’autre, texte après texte, nous œuvrons au Sénat pour bâtir la promesse républicaine d’une école pour tous. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC. – Mme Laure Darcos applaudit également.)
M. le président. La parole est à Mme Marie-Pierre Monier. (Applaudissements sur les travées du groupe SER. – Mme Mireille Jouve applaudit également.)
Mme Marie-Pierre Monier. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, nous sommes réunis pour faire aboutir l’adoption de cette proposition de loi visant à assurer la prise en charge par l’État de l’accompagnement humain des élèves en situation de handicap sur le temps de pause méridienne. Cette avancée, qui se concrétisera dès la prochaine rentrée scolaire, nous permettra de retrouver de la clarté dans l’accompagnement de la scolarité des élèves en situation de handicap sur ce temps de pause, et ainsi de revenir aux principes fondateurs de l’inclusion scolaire.
Le revirement provoqué par la décision du Conseil d’État du 20 novembre 2020, qui a renvoyé aux collectivités territoriales le financement de l’inclusion sur le temps de pause méridienne, a été source de multiples difficultés et incertitudes pour l’ensemble des acteurs impliqués.
Les collectivités territoriales, concernées au premier chef, ne sont pas toutes capables d’assurer le financement de ces personnels, ce qui crée des inégalités de prise en charge entre les territoires et entre les établissements.
Pour les accompagnantes et accompagnants d’élèves en situation de handicap, ensuite, cette dualité d’employeurs a rendu plus compliquée l’organisation de la journée de travail, au détriment notamment de leur propre temps de pause.
Enfin et bien sûr, les élèves en situation de handicap ayant des besoins d’accompagnement sur le temps méridien, dont le nombre est estimé entre 20 000 et 25 000, sont confrontés au risque d’une rupture d’accompagnement entre temps scolaire et temps méridien, ce qui a contraint certaines familles à prendre le relais pendant la pause méridienne, à recourir à des AESH privés, voire à déscolariser leurs enfants.
Je salue de nouveau la mobilisation sur ce sujet de notre collègue Cédric Vial : dans le rapport de la mission d’information sur les modalités de gestion des AESH, il avait donné l’alerte sur le cadre confus et hétérogène résultant de cette décision et sur la nécessité de réaffirmer, par une évolution législative, le principe de l’égalité d’accès des élèves au service de restauration.
Je remercie également la rapporteure de ce texte, Anne Ventalon, pour le travail mené au fil de l’examen de cette proposition de loi, qui a permis de mettre encore davantage en lumière les conséquences délétères de ce changement jurisprudentiel.
Nous étions unanimes lors de l’examen de ce texte, en janvier dernier, et nous pouvons constater qu’à l’Assemblée nationale le consensus a également été large pour l’approuver, les évolutions intervenues à l’occasion de la navette étant mineures.
Je souhaite toutefois revenir sur l’article 4 introduit à l’Assemblée nationale, qui prévoit la remise d’un rapport visant notamment à indiquer le nombre d’élèves concernés par ces accompagnements pendant la pause méridienne et à dresser un état des lieux des prescriptions des maisons départementales des personnes handicapées pour le temps scolaire et le temps de pause méridienne.
Cet article m’interpelle, car il confirme que, sur le sujet de l’école inclusive, le Gouvernement continue de progresser à tâtons. Nous mettons pourtant en garde depuis plusieurs années sur l’urgence d’une réflexion globale et concertée concernant l’organisation de l’école inclusive, dans un contexte où le nombre d’élèves en situation de handicap scolarisés en milieu ordinaire a quadruplé entre 2006 et 2023, et où près de neuf élèves en situation de handicap sur dix sont désormais scolarisés en milieu ordinaire.
Nous avions fait cause commune, avec des collègues siégeant sur les travées de divers groupes de notre hémicycle, pour dénoncer la création des pôles d’appui à la scolarité (PAS) en remplacement des pôles inclusifs d’accompagnement localisés (Pial) via un véhicule législatif inadapté, à savoir le projet de loi de finances pour 2024. Le Conseil constitutionnel avait d’ailleurs censuré l’article correspondant.
Quelle n’a donc pas été notre surprise d’apprendre au détour d’une audition de la ministre de l’éducation nationale par notre commission de la culture que, en dépit de cette censure, les pôles d’appui à la scolarité étaient d’ores et déjà en cours d’expérimentation dans quatre départements !
La représentation nationale doit être associée à toute évolution structurelle de l’école inclusive. J’ajoute que celle-ci ne doit pas être pensée dans une logique de rationalisation budgétaire, mais qu’il faut s’attacher à répondre avant tout aux besoins des élèves en situation de handicap.
Passer en la matière d’une logique quantitative à une logique qualitative nécessite également de progresser pour ce qui est des conditions de travail des accompagnants d’élèves en situation de handicap. Ils sont les chevilles ouvrières de l’école inclusive ; or, nous le savons, leur rémunération moyenne s’élevait à 994 euros en janvier 2024, soit une précarité indigne pour le deuxième métier de l’éducation nationale.
Le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain votera pour cette proposition de loi, qui constitue un nouveau petit pas en faveur de l’école inclusive, et je nous invite collectivement à accélérer la foulée dans cette direction. (Applaudissements sur les travées du groupe SER. – Mmes Monique de Marco et Mireille Jouve applaudissent également.)
M. le président. La parole est à M. Cédric Vial. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. le président de la commission et Mme Laure Darcos applaudissent également.)
MM. Max Brisson et Stéphane Piednoir. Bravo !
M. Cédric Vial. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, on y est !
La fierté, tel est le sentiment qui m’envahit au moment où je vous parle : la fierté d’avoir fait d’un constat un projet, puis d’en avoir fait un combat, et maintenant une loi. La fierté, ce n’est pas de l’orgueil ; c’est le sentiment que l’on ressent quand on a l’impression d’avoir servi à quelque chose.
C’est justement le fait de pouvoir vivre ce genre de moments qui donne du sens à notre engagement et à l’action politique. C’est la possibilité de se sentir utile qui nous incite à poursuivre, en dépit d’un contexte qui n’est pas toujours simple ni engageant.
Plus qu’une conclusion, ce moment est un aboutissement : celui d’un travail de plus d’une année, ce qui reste malheureusement, en politique, un temps relativement court.
Après avoir soulevé un certain nombre de problèmes auprès du Gouvernement à l’automne 2022, après avoir conduit une mission d’information dont les conclusions ont été rendues le 3 mai 2023, j’ai déposé cette proposition de loi en juillet 2023. Elle deviendra une loi, ce soir, après votre vote que j’espère conforme, pour s’appliquer dès la rentrée scolaire 2024.
Permettez-moi d’adresser ici quelques remerciements.
Je remercie tout d’abord Laurent Lafon, le président de notre commission, qui m’a suggéré le premier la réalisation de cette mission d’information.
Merci à Max Brisson et à Philippe Mouiller, qui m’ont aidé, accompagné et soutenu dans ce travail.
Merci à Bruno Retailleau et à Gérard Larcher, qui ont permis, parce qu’ils y croyaient, l’inscription de ce texte à l’ordre du jour de notre assemblée.
Merci à Anne Ventalon, ma complice et rapporteure de ce texte, pour l’excellent travail qu’elle a réalisé au nom de notre commission et à mes côtés sur ce texte. Elle a également fait tout à l’heure un excellent discours sur le fond, ce qui m’évitera d’y revenir et me permet de faire ces remerciements.
Merci au Premier ministre, Gabriel Attal, qui, alors qu’il était ministre de l’éducation nationale, partant de la position défavorable de ses prédécesseurs et de ses services, a su écouter, comprendre et décider, une fois devenu Premier ministre.
M. Laurent Lafon, président de la commission de la culture, de l’éducation, de la communication et du sport. C’est vrai.
M. Cédric Vial. En faisant de ce texte un axe de son discours de politique générale, il a adopté une position déterminante pour sa réussite, permettant son inscription à l’ordre du jour de l’Assemblée nationale et son examen dans les meilleures conditions.
Je remercie Virginie Lanlo, députée des Hauts-de-Seine et rapporteure de ce texte à l’Assemblée nationale, que j’ai eu plaisir à retrouver pour un nouveau combat commun. Elle aurait dû être présente ce soir en tribune, mais nous examinons le texte un peu plus tôt que prévu ; je la salue néanmoins.
Merci également à tous mes collègues, sénateurs et députés, pour leur bienveillance.
Merci aux associations d’élus, au premier rang desquelles l’Association des maires de France et des présidents d’intercommunalité (AMF) et l’Association des maires ruraux de France (AMRF), pour leur soutien actif.
Merci aux familles d’enfants en situation de handicap pour leur soutien, leurs encouragements et leur ténacité. Je pense plus particulièrement à Claire Lambert, qui a été une lanceuse d’alerte.
Merci à tous mes collègues sénateurs, quel que soit leur bord politique, qui ont voté ce texte à l’unanimité lors de la première lecture au Sénat et dont je ne doute pas qu’ils feront de même ce soir.
Merci aussi aux députés, qui ont également voté le texte à l’unanimité, à l’exception notable, tout de même, du groupe de La France insoumise, qui n’a pas osé voter contre, mais qui n’a pas su voter pour.
M. Stéphane Piednoir. Quelle tristesse !
M. Cédric Vial. Ce texte est un aboutissement, mais non une fin.
Comme j’ai déjà eu l’occasion de le dire à cette tribune, cette loi simple permettra de régler des problèmes complexes. Elle était nécessaire, mais elle est loin d’être suffisante.
Elle répond à une préconisation de mon rapport sur l’organisation de l’accompagnement des élèves en situation de handicap. Ce rapport en compte dix-neuf autres, auxquelles il faudrait ajouter, bien sûr, le travail qui reste à mener sur le statut, la rémunération et les conditions de travail des AESH.
Ce soir, j’ai donc une pensée toute particulière pour tous les enfants en situation de handicap scolarisés dans notre pays, qui sont près de 480 000, ainsi que pour tous les AESH, qui font un beau métier, parfois mal considéré. Ils sont près de 140 000 agents, dont près de 97 % sont des femmes.
J’ai aussi une pensée pour toutes les familles concernées, pour les enseignants, pour les agents de cantine, pour les élus locaux, maires, adjoints aux affaires scolaires ou au handicap, ainsi que pour les chefs d’établissements publics et privés.
Nous répondons ce soir à l’une de leurs attentes, mais il reste tant à faire encore pour que l’école inclusive ne soit pas seulement un slogan, ni même un objectif ou un projet, mais devienne une réalité ; dans cette perspective, nous devons tous nous mobiliser.
Ce soir, rien n’est fini : tout ne fait que commencer. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC. – Mmes Laure Darcos, Mireille Jouve et Monique de Marco applaudissent également.)
M. le président. La parole est à M. Joshua Hochart.
M. Joshua Hochart. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, ils sont plus de 130 000 en France et ils attendaient de notre part, de la part de la représentation nationale, un geste fort de reconnaissance et d’aide ; c’est un premier pas que ce soir nous faisons.
L’accompagnement des plus fragiles par l’État est un enjeu majeur, preuve d’une société qui va bien. En effet, offrir un soutien humain et humaniste est un impératif moral et éducatif. La prise de conscience du Gouvernement sur l’accompagnement des élèves en situation de handicap, bien que tardive, est une bonne chose.
Intégrer ces enfants favorise la sensibilisation, la tolérance et le respect mutuel : c’est l’occasion pour tous de mettre en pratique nos valeurs fondamentales d’égalité, de respect et de solidarité.
Cette proposition de loi pragmatique permet un financement par l’État de l’accompagnement des élèves en situation de handicap par des AESH durant le temps méridien, mettant ainsi fin à une situation d’inégalité. En effet, cette charge reposait jusqu’à présent sur les collectivités locales, ce qui créait une disparité territoriale selon la volonté politique de chaque collectivité, mais aussi et surtout, madame la ministre, selon leur capacité à financer un tel dispositif avec le peu d’argent que vous voulez bien leur laisser.
L’État va enfin prendre ses responsabilités et financer un objectif national, prenant conscience qu’un enfant en situation de handicap a besoin d’un accompagnement total pour être intégré pleinement dans le système scolaire et périscolaire.
Cependant, madame la ministre, la route est encore longue et les AESH attendent – nous attendons avec eux – un projet de loi global visant à leur accorder un réel statut et à prévoir une formation et une certification qui permettront de les professionnaliser davantage, alors que leur fonction est si essentielle, et de leur offrir ainsi une rémunération digne et attractive. Seul un tel statut garantira une réelle stabilité des personnels, condition essentielle pour mettre en place un accompagnement de long terme et établir une relation de confiance entre l’enfant et son accompagnant.
Ainsi l’enfant aura-t-il la possibilité de s’épanouir et d’être inclus parmi les autres élèves, donc de réussir son parcours scolaire.
Dans le projet de loi que nous appelons de nos vœux, l’accompagnement des enfants en situation de handicap par les AESH serait élargi à tous les temps périscolaires, grâce au financement de l’État.
Dans ce projet de loi, les missions des AESH seraient étendues à l’enseignement supérieur.
Dans ce projet de loi, la gestion des AESH serait enfin uniformisée.
Cela a été dit, rappelé et répété : ce sujet est transpartisan et chaque élu doit avoir en la matière un seul objectif, le bien commun. Nous voterons évidemment en faveur de cette proposition de loi.
M. le président. La parole est à Mme Laure Darcos.
Mme Laure Darcos. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, nous examinons aujourd’hui en deuxième lecture la proposition de loi, modifiée par l’Assemblée nationale, visant la prise en charge par l’État de l’accompagnement humain des élèves en situation de handicap durant le temps de pause méridienne.
Je souhaite tout d’abord rendre hommage à l’action déterminante de notre collègue Cédric Vial, auteur de cette proposition de loi qui permet non seulement de tenir compte des réalités de vie des enfants handicapés et de leurs familles, mais aussi de soulager le budget des collectivités territoriales dans le contexte très tendu qui est celui des finances locales.
Je n’oublie pas non plus le remarquable travail de fond effectué par notre rapporteure Anne Ventalon, que je tiens à souligner.
Comme je le précisais il y a quelques jours lors de la réunion de la commission de la culture, ce sujet a largement préoccupé les élus locaux pendant la campagne des dernières élections sénatoriales.
Nos maires attendent qu’une solution soit trouvée au problème du manque de leviers de financement dont ils disposent. Ils sont également très démunis pour répondre à la détresse des familles concernées, même si certaines communes, notamment en Essonne, ont décidé de manière volontariste de prendre en charge financièrement l’accompagnement des élèves en situation de handicap sur le temps de la pause méridienne.
Certains établissements scolaires, ceux de l’enseignement privé sous contrat, ont eux aussi dû faire face à un dilemme : trouver les financements nécessaires ou laisser les familles assumer un coût bien trop lourd pour elles.
En dépit de ces solutions relevant de la seule initiative des collectivités territoriales ou des établissements d’enseignement, de nombreux enfants handicapés se retrouvent aujourd’hui sans éducateur rémunéré pour les accompagner pendant la pause méridienne. Dans l’urgence, les familles ont dû s’organiser, mettre parfois leur vie professionnelle entre parenthèses, investir un budget considérable dans l’éducation de leurs enfants – situation ô combien insupportable !
Cette proposition de loi met donc un terme aux difficultés engendrées par une décision du Conseil d’État, certes fondée en droit, mais humainement inacceptable.
Nos collègues de l’Assemblée nationale ont souhaité apporter quelques modifications au texte adopté en ces murs en première lecture : d’une part, des modifications d’ordre rédactionnel ; d’autre part, l’ajout de deux articles supplémentaires.
Les députés ont notamment prévu la remise d’un nouveau rapport. Il est vrai que nous n’avons pas pour habitude, au Sénat, de soutenir ce genre d’initiative.
Pourtant, comme cela a été largement dit en commission, il n’est pas utile de prolonger la navette parlementaire : nous voulons permettre l’application de cette loi dès la rentrée prochaine. Les familles ont déjà bien trop attendu et les élus nous demandent d’agir instamment.
La proposition de loi a donc été adoptée sans modifications par notre commission, qui a pris ses responsabilités et agi par devoir ; elle devrait l’être également aujourd’hui en séance publique, ce dont nous pouvons nous féliciter.
Nous devons développer l’école inclusive pour tous, partout ; cette proposition de loi y participe de manière concrète.
Mais, comme je le soulignais lors de mon intervention en première lecture, il nous faudra aussi imaginer l’école inclusive de demain et travailler à des avancées concrètes pour les AESH, dont les conditions d’emploi et de travail éprouvantes, pour ne pas dire indignes, doivent faire l’objet d’une réforme structurelle.
Il nous faudra par ailleurs accélérer la prise en charge des élèves qui ne peuvent être scolarisés en milieu ordinaire et prévoir des créations de places dans les établissements médico-sociaux, en particulier les instituts médico-éducatifs (IME).
Vous l’aurez compris, le groupe Les Indépendants – République et Territoires, que j’ai le plaisir de représenter aujourd’hui, votera ce texte avec conviction et enthousiasme. (Applaudissements au banc des commissions. – Mme Mireille Jouve applaudit également.)
M. le président. La parole est à Mme Annick Billon. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
Mme Annick Billon. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je tiens tout d’abord à remercier notre collègue Cédric Vial, auteur de cette proposition de loi, et la rapporteure Anne Ventalon.
Ce texte est très attendu, car il constitue une réponse concrète à un problème réel. Depuis la promulgation de la loi du 11 février 2005 pour l’égalité des droits et des chances, il y a dix-huit ans, la question de l’accompagnement des élèves en situation de handicap sur les temps méridien et périscolaire n’a jamais été traitée de façon satisfaisante ; ce sont entre 20 000 et 25 000 élèves qui sont concernés.
En novembre 2020, le Conseil d’État a dispensé l’État de la prise en charge des AESH sur le temps périscolaire. Cette décision a provoqué de nombreuses difficultés pour les élèves, leurs familles et les établissements scolaires. Des dizaines d’enfants ont dû être déscolarisés, faute de moyens. Les parents qui embauchent eux-mêmes un accompagnant pour la pause méridienne doivent débourser 400 euros par mois !
Le 23 janvier 2024, nous avons adopté cette proposition de loi en première lecture. Elle a pour objet de rétablir l’égalité d’accès à l’éducation en instaurant la prise en charge par l’État des AESH sur le temps méridien.
Le 8 avril 2024, l’Assemblée nationale a précisé le texte en instaurant une date d’entrée en vigueur du dispositif, fixée à la rentrée scolaire de 2024, et non au 1er septembre. Cette prise en compte des calendriers scolaires ultramarins était indispensable. La date du 1er septembre aurait fonctionné avec une entrée en vigueur à la rentrée de 2025 ; mais l’auteur de la proposition de loi, Cédric Vial, n’avait probablement pas imaginé, pour sa proposition de loi, une adoption aussi rapide, c’est-à-dire avant la rentrée de 2024 !
Ce texte fait consensus. Si nous nous réjouissons tous de l’avancée qu’il représente, je m’interroge sur sa mise en œuvre.
Madame la ministre, vous avez indiqué que cette mesure, chiffrée à 31 millions d’euros, nécessiterait entre 2 000 et 3 000 recrutements à la rentrée prochaine. Cela représente un véritable défi compte tenu de la pénurie de professionnels : les difficultés de recrutement persistent et persisteront.
Un exemple illustre la détresse des familles : le 29 janvier 2024, des parents d’élèves postaient sur le site leboncoin.fr une petite annonce pour recruter deux AESH.
Ce métier, exercé à 93 % par des femmes, souffre d’un déficit d’attractivité. La loi du 16 décembre 2022 visant à lutter contre la précarité des AESH et des assistants d’éducation (AED), qui leur a ouvert l’accès à la « CDIsation », constitue une première réponse, mais une réponse encore insuffisante. Pénurie de professionnels, crise d’attractivité, formation et rémunération sont autant de freins au recrutement.
Madame la ministre, comment résoudre cette équation ? D’un côté, le nombre d’élèves en situation de handicap scolarisés en milieu ordinaire explose – il est passé de 134 000 à 430 000 en près de vingt ans. De l’autre, nous peinons à recruter de nouveaux personnels.
Autre constat : chaque année, le nombre d’élèves en situation de handicap augmente de 6 %, alors que le nombre de notifications d’accompagnement humain augmente, lui, de 12 %.
Grâce à la loi Vial, accompagner un enfant en situation de handicap signifiera désormais l’accompagner sur les temps scolaire et méridien. Ce texte est une première avancée qui en appelle d’autres. L’accompagnement d’un enfant doit s’entendre sur l’intégralité d’une journée et sur l’intégralité d’une année ; à défaut, il y a rupture d’égalité.
Quid du temps périscolaire ? Quid des voyages scolaires ? Ces temps extrascolaires participent de la vie d’une classe : priver un enfant en situation de handicap de ces temps, c’est le priver de moments privilégiés avec le collectif.
La proposition de loi de notre collègue Cédric Vial constitue un pas supplémentaire sur le chemin de l’école inclusive, et le groupe Union Centriste se réjouit de la voir aboutir ; nous voterons en faveur de ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe UC et sur des travées du groupe les Républicains. – Mmes Laure Darcos et Mireille Jouve applaudissent également.)
M. le président. La parole est à Mme Monique de Marco. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST. – Mme Marie-Pierre Monier applaudit également.)
Mme Monique de Marco. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, depuis l’entrée en vigueur de la loi du 8 juillet 2013 d’orientation et de programmation pour la refondation de l’école de la République, l’État s’est donné un cap clair d’inclusion des élèves en situation de handicap à l’école. L’école inclusive vise en effet à instaurer un peu d’égalité en offrant à ces enfants, dont le besoin d’accompagnement est particulier, des conditions de scolarisation et de sociabilité plus proches de celles des autres enfants. En cela, l’inscription de l’idée d’école inclusive dans la loi est un progrès.
Elle marque, plus largement, la volonté de l’État de sortir de la marge les personnes en situation de handicap : il s’agit d’inviter les citoyens à accepter les différences, et ce dès le plus jeune âge, et de préparer les enfants à vivre dans une société appréhendée dans toute sa diversité. C’est pourquoi les écologistes ont toujours défendu ce principe de l’école inclusive.
L’examen de la présente proposition de loi est néanmoins l’occasion de rappeler les difficultés de mise en œuvre qui ont fait obstacle à l’application de cette idée sur le terrain depuis 2013.
Il a souvent été question dans cet hémicycle du défi que représente l’inclusion pour les enseignants, non seulement par manque d’une formation suffisante, mais aussi en raison de moyens d’encadrement plus faibles dans les classes françaises que chez certains de nos voisins européens, comme l’Allemagne.
Nous avons également souvent donné l’alerte et proposé des voies d’amélioration concernant le statut des personnes, AESH et AED, accompagnant ces élèves aux besoins particuliers. Leur formation et leur rémunération restent très insuffisantes ; la précarité demeure la norme en raison de temps partiels souvent imposés. Il est tout simplement indigne que l’État prévoie de telles conditions de recrutement.
Face à cette situation, beaucoup de collectivités territoriales se sont organisées pour pallier les limites du cadre imposé par le ministère de l’éducation nationale.
Comptant parmi les zones d’ombre de la législation actuelle, la question de la prise en charge des élèves en situation de handicap durant la pause méridienne a fait l’objet d’un long bras de fer entre les collectivités et les ministères. Dans de nombreuses écoles, les accompagnants n’étaient pas rémunérés pour aider ces élèves au moment du déjeuner. Et je suis fière que de nombreuses collectivités, notamment écologistes, aient anticipé le problème et pris le sujet à bras-le-corps sans attendre de solution législative.
Je remercie notre collègue Cédric Vial de proposer les présentes modifications, qui apporteront des solutions concrètes aux élus de terrain. Bien que des améliorations soient encore souhaitables, nous voulons aujourd’hui une adoption conforme du texte ; c’est pourquoi nous n’avons pas déposé d’amendement. Pourrons-nous collectivement faire preuve d’autant de lucidité et de pragmatisme lorsque nous aborderons la question des inégalités de financement, par exemple, entre l’école publique et les écoles privées ?
Ces difficultés de mise en œuvre doivent nous mettre en garde contre les réformes qui pourraient, à l’avenir, être imposées sans anticipation, sans concertation et sans considération pour les personnes chargées de les appliquer – je pense bien sûr au « choc des savoirs ». Je redoute que, hors cadre légal et sans anticipation des besoins nécessaires à sa mise en œuvre, ce projet ne donne lieu à des complications plus importantes encore que celles qui ont entouré le déploiement de l’école inclusive. Madame la ministre, il est toujours temps d’y renoncer, mais, pour ce qui est du sujet qui nous intéresse aujourd’hui, l’heure est au satisfecit. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)
M. le président. La parole est à M. Gérard Lahellec. (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE-K et SER.)
M. Gérard Lahellec. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, depuis plusieurs années et, plus particulièrement, depuis la loi du 8 juillet 2013 d’orientation et de programmation pour la refondation de l’école de la République, le système scolaire français tend à se transformer pour permettre à tous les élèves, notamment à ceux qui sont en situation de handicap, d’accéder à l’école et aux apprentissages.
Dit autrement, l’école française a accepté de se repenser, afin de s’adapter aux besoins de tous les élèves, y compris de ceux qui, jusqu’alors, étaient exclus d’une scolarisation que je qualifierai d’ordinaire.
Cet objectif, qui s’inscrit dans un mouvement global, est louable ; nous devons nous en féliciter. Il justifie un engagement fort et une implication durable dans des pratiques visant l’inclusion des élèves en situation de handicap.
Pourtant, avec cette proposition de loi, modifiée par l’Assemblée nationale en première lecture, l’école inclusive est encore devant nous. Après Cédric Vial, que je salue à mon tour, je considère que « tout ne fait que commencer ». En effet, pour parvenir à une bonne pratique de l’inclusion, il faut une école de qualité et de réussite pour toutes et tous. Or force est de constater qu’il y a encore loin de la coupe aux lèvres.
Si l’inclusion des élèves à mobilité réduite ne semble plus faire l’objet de contestations, c’est moins vrai pour les élèves confrontés à une situation de handicap « invisible », par exemple pour ceux qui présentent des troubles intellectuels, vraisemblablement parce que leur comportement risquerait de nuire à la conduite globale de la classe.
Il importe donc que nous portions aussi un regard critique sur l’organisation même de notre système éducatif, balloté sans cesse entre inclusion affirmée, d’un côté, et tendance à la sélection des élèves, de l’autre. Le système éducatif français devrait, par une démocratisation de l’accès aux savoirs, offrir à l’ensemble des élèves les mêmes chances de développer leur potentiel.
La prise en charge par l’État de la rémunération des AESH durant le temps méridien ne résout évidemment pas l’ensemble des problèmes, mais elle tend à régler une partie de la problématique de l’accompagnement des élèves en situation de handicap. Préciser que cette disposition doit entrer en vigueur dès la rentrée 2024 constitue aussi une précision utile.
Enfin, l’introduction d’un article 4, qui prévoit la remise d’un document éclairant le bilan du dispositif, ne correspond pas à une option habituellement retenue par le Sénat. Pour autant, ce n’est pas un argument suffisant pour s’interdire un vote conforme de ce texte, qui est au fond la condition sine qua non pour qu’il soit mis en œuvre dès la prochaine rentrée scolaire.
Ce sont là autant de raisons qui nous conduisent à voter en faveur de cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE-K et SER, ainsi qu’au banc des commissions.)
M. le président. La parole est à Mme Mireille Jouve.
Mme Mireille Jouve. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, nous voilà réunis une seconde fois en séance publique pour évoquer la prise en charge par l’État de l’accompagnement des élèves en situation de handicap durant le temps méridien.
Vous remarquerez, mes chers collègues, que j’ai sciemment employé le terme « seconde » et n’ai pas parlé de « deuxième lecture ». Ce n’est pas une erreur, bien au contraire : j’espère sincèrement que cette lecture sera bel et bien la dernière, grâce à un vote conforme de notre assemblée, comme chacun – je ne crois nullement me tromper – le souhaite dans cet hémicycle. C’est dans ce climat plutôt consensuel que j’ai le plaisir de m’exprimer au nom du groupe du RDSE sur ce texte.
Nous savons tous qu’il y a urgence à rappeler ce que doit la solidarité nationale aux 478 000 élèves en situation de handicap et à leurs familles, ainsi qu’aux 132 000 personnels qui les accompagnent. Permettez-moi d’ailleurs de saluer l’action courageuse de ces contractuels, femmes et hommes, qui travaillent auprès des enfants et de leurs parents.
Cher Cédric Vial, je vous remercie sincèrement de votre heureuse initiative. Elle renoue avec l’esprit de la loi de 2005, qui consacrait l’égalité des chances et entérinait le passage d’une obligation éducative à une obligation scolaire dont l’État devait supporter la charge sur le plan tant financier qu’humain.
Depuis le fameux arrêt du Conseil d’État du 20 novembre 2020, nous avons pu observer que cette mission, ô combien indispensable, pouvait pâtir d’une application inégale sur le territoire national.
Avec cette proposition de loi, indispensable au regard de la nécessaire solidarité que nous devons aux enfants en situation de handicap, trois éléments fondamentaux de la prise en charge de ces derniers vont changer.
Exit, tout d’abord, la charge financière supplémentaire qui était imposée aux collectivités territoriales, alors que les budgets de celles-ci sont de plus en plus contraints.
Exit, ensuite, la dégradation des conditions de travail des accompagnants d’élèves en situation de handicap due à la réorganisation de leurs emplois du temps et aux multiples contrats liés à ce choix.
Exit, enfin, les situations honteuses dans lesquelles certains élèves se sont retrouvés en raison d’une absence d’accompagnement lors de la pause méridienne.
Cela étant, ne nous voilons pas la face. Si ce texte répond à la problématique du financement des AESH pendant la pause méridienne, certaines questions, et non des moindres, demeurent en suspens.
Je pense notamment au décalage persistant entre l’augmentation des moyens humains et financiers et le nombre croissant d’enfants en situation de handicap demandant à être scolarisés. Je pense également à la question, tout aussi prégnante, du manque d’attractivité d’un métier passionnant, délaissé en raison d’un statut précaire et des faibles rémunérations qui le caractérisent.
Ces sujets n’entrent pas dans le périmètre de cette proposition de loi, je le sais pertinemment. Néanmoins, nous ne devons pas les négliger, et il nous appartient de les aborder sereinement, dans un esprit constructif et volontariste. C’est notre devoir d’élus de la République que d’y réfléchir, afin que, ensemble, nous fassions de l’inclusion une réalité, et non plus un vœu pieux.
En guise de conclusion, madame la ministre, j’aimerais pouvoir vous dire : Chiche ! Déposons une seconde proposition de loi visant à créer un véritable statut pour les AESH, afin que ce métier soit enfin pleinement reconnu et que des personnes formées puissent en vivre décemment.
M. le président. La parole est à M. Thani Mohamed Soilihi.
M. Thani Mohamed Soilihi. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la proposition de loi visant la prise en charge par l’État de l’accompagnement humain des élèves en situation de handicap durant le temps de pause méridienne, que nous examinons de nouveau aujourd’hui, est la traduction législative de l’une des recommandations du rapport d’information de notre collègue Cédric Vial sur les modalités de gestion des AESH, pour une école inclusive.
La démarche des auteurs de ce texte s’inscrit par ailleurs dans la logique d’une volonté commune du Président de la République et du Premier ministre de voir l’État financer l’accompagnement des enfants en situation de handicap pendant leur pause déjeuner.
La proposition de loi comporte des dispositions importantes pour trois types d’acteurs : les élèves en situation de handicap, leurs accompagnants et les collectivités territoriales.
En effet, dès lors que la prise en charge des AESH durant le temps méridien n’est plus assurée ou qu’un élève est accompagné par un AESH différent au cours des temps scolaire et méridien, il y a rupture dans la continuité de l’accompagnement de ces enfants, qui est pourtant essentielle pour leur bien-être.
Dans certains cas, sans prise en charge durant le temps méridien, il revient aux parents de prendre le relais, ce qui peut entraîner les conséquences désastreuses que l’on imagine. Il arrive même que des parents embauchent directement des AESH, qui, en plus de représenter une dépense significative pour ces familles, et sans remettre en cause leurs compétences, ne sont pas soumis aux contrôles habituellement réalisés par l’éducation nationale.
Cette proposition de loi contribuera en outre à la simplification du statut des AESH, l’État devenant l’unique employeur, ainsi qu’au lissage de leurs emplois du temps, puisque la possibilité leur sera désormais offerte de continuer à travailler pour l’éducation nationale durant le temps de la pause méridienne.
Nous ne connaissons que trop bien les situations de précarité auxquels ces personnels peuvent faire face. Elles ne seront malheureusement pas toutes résolues par le texte, mais nous saluons cette avancée.
L’objet premier de cette proposition de loi est de revenir à une prise en charge totale par l’État des accompagnants des élèves à besoins éducatifs particuliers, comme c’était le cas jusqu’à l’arrêt du Conseil d’État du 20 novembre 2020, dans lequel celui-ci a jugé que la compétence de l’État en matière de prise en charge des situations de handicap ne devait porter que sur le temps scolaire.
Depuis lors, la responsabilité qui incombait jusqu’alors à l’État s’est reportée sur les collectivités locales. Or ce transfert a pu causer une rupture d’égalité entre les élèves en situation de handicap, les prises en charge variant selon les communes.
Il est également important de noter que, comme les communes n’exercent habituellement aucune compétence en matière de handicap, cette nouvelle charge pouvait être, pour certaines d’entre elles, difficile à assumer.
À l’occasion de son examen à l’Assemblée nationale, plusieurs mesures sont venues enrichir le texte. Ces précisions sont bienvenues et témoignent de l’excellent travail du Parlement sur le sujet.
Pour conclure, je tiens une nouvelle fois à saluer le travail de mes collègues Cédric Vial et Anne Ventalon, respectivement auteur et rapporteure de ce texte, qui a permis d’aboutir aux avancées que nous saluons. Il permettra de rétablir une forme de solidarité nationale, afin d’accompagner au mieux les élèves en situation de handicap au sein de notre école.
Pour toutes ces raisons, le groupe RDPI votera en faveur de cette proposition de loi.
M. le président. La parole est à Mme Marie-Do Aeschlimann. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – Mme la rapporteure applaudit également.)
Mme Marie-Do Aeschlimann. Monsieur le président, madame la ministre déléguée, mes chers collègues, je me réjouis que ce texte vienne clarifier et, je l’espère, améliorer la prise en charge financière des accompagnants d’élèves en situation de handicap (AESH) durant le temps méridien. Enfin !
On sait combien cette clarification était nécessaire depuis l’arrêt du Conseil d’État du 20 novembre 2020, qui avait plongé les communes dans un grand embarras. Pour avoir été pendant vingt ans adjointe au maire déléguée à l’éducation dans ma commune d’Asnières-sur-Seine, j’ai pu mesurer, à chaque rentrée scolaire, l’ineptie d’une organisation conduisant les AESH à avoir deux employeurs, l’éducation nationale et la collectivité territoriale, une source de complexité kafkaïenne contribuant au manque d’attractivité du métier.
Pourtant, ce métier est essentiel à l’inclusion scolaire. La présence des AESH conditionne la scolarisation en milieu ordinaire des enfants ayant des besoins spécifiques, alors que notre pays accuse un retard important en matière de structures scolaires spécialisées.
Face à cette situation, combien d’élus sont désemparés par la détresse de familles qui attendent, à juste titre, que les pouvoirs publics offrent une vraie prise en charge de leur enfant ? Combien d’enseignants ont des problèmes avec leur classe, parce qu’un enfant en difficulté n’est pas accompagné ? Combien de parents, la plupart du temps des mères, arrêtent de travailler pour mieux gérer le handicap de leur enfant ?
Je dis donc « bravo ! » à notre collègue Cédric Vial, auteur de la proposition de loi, ainsi qu’à Anne Ventalon, rapporteure du texte, pour leur excellent travail. Il y avait urgence à agir au regard de la concomitance entre la croissance exponentielle du nombre des élèves en situation de handicap et la stagnation du nombre des AESH.
Dans mon département des Hauts-de-Seine, à la rentrée 2023, quelque 9 146 élèves bénéficiaient d’un projet personnalisé de scolarisation (PPS).
Cela étant, si la prise en charge par l’État de l’accompagnement des élèves en situation de handicap durant le temps méridien est une bonne chose, la rémunération statutaire des AESH doit encore être améliorée. La professionnalisation amorcée par le décret du 13 juillet 2023, avec la possibilité d’accéder à un CDI après un CDD de trois ans et la revalorisation de la grille indiciaire, n’a pas mis fin aux recrutements à temps incomplet. En favorisant des temps pleins, ce texte renforcera l’attractivité de ces métiers en tension.
L’adoption de ce texte réglera aussi les difficultés pratiques et financières rencontrées par les établissements privés sous contrat pour accueillir tous les élèves ayant des besoins spécifiques. Je sais qu’ils y sont attachés.
Espérons aussi qu’elle mettra un terme à la pratique de la mutualisation des AESH par les pôles inclusifs d’accompagnement localisés (Pial) et à leur affectation en fonction de l’offre disponible et non, toujours, des besoins de l’enfant.
En dépit d’avancées que l’on ne peut que saluer, cette proposition de loi ne va pas au bout de la logique d’inclusion, qui consiste à prendre en charge, non seulement le temps méridien, comme le prévoit ce texte, mais aussi l’ensemble des temps extrascolaires et périscolaires, autrement dit l’accueil du matin, le temps méridien proprement dit, l’accueil du soir, qui comprend les études surveillées, et les activités culturelles et sportives. Il faudra y remédier.
Pour finir, je me réjouis que, en cas d’adoption conforme, cette mesure soit applicable dès la rentrée 2024. Beaucoup reste à faire pour une école vraiment inclusive, et je compte bien continuer à y prendre ma part, ici, au Sénat, où le projet d’une société plus inclusive a toujours été une priorité. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi qu’au banc des commissions. – Mme Laure Darcos applaudit également.)
M. le président. La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion du texte de la commission.
proposition de loi visant la prise en charge par l’état de l’accompagnement humain des élèves en situation de handicap durant le temps de pause méridienne
Article 1er
(Non modifié)
L’article L. 211-8 du code de l’éducation est complété par un 8° ainsi rédigé :
« 8° De la rémunération du personnel affecté à l’accompagnement des élèves en situation de handicap durant le temps scolaire et le temps de pause méridienne.
M. le président. Je mets aux voix l’article 1er.
(L’article 1er est adopté.)
Article 2
(Non modifié)
Après le sixième alinéa de l’article L. 917-1 du code de l’éducation, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Les accompagnants des élèves en situation de handicap sont rémunérés par l’État durant le temps scolaire et le temps de pause méridienne. – (Adopté.)
Article 3
(Non modifié)
La présente loi entre en vigueur à la rentrée scolaire de 2024 – (Adopté.)
Article 4
(Non modifié)
Dans un délai de dix-huit mois à compter de l’entrée en vigueur de la présente loi, le Gouvernement remet au Parlement un rapport sur la situation des accompagnants des élèves en situation de handicap intervenant pendant le temps scolaire et le temps de pause méridienne. Ce rapport indique notamment le nombre d’élèves concernés par ces accompagnements ainsi que le nombre d’élèves ne bénéficiant pas d’un accompagnement en dépit d’une prescription de la maison départementale des personnes handicapées. Il fait également un état des lieux des prescriptions des maisons départementales des personnes handicapées pour le temps scolaire et le temps de pause méridienne – (Adopté.)
Vote sur l’ensemble
M. le président. Personne ne demande la parole ?…
Je mets aux voix, dans le texte de la commission, l’ensemble de la proposition de loi visant la prise en charge par l’État de l’accompagnement humain des élèves en situation de handicap durant le temps de pause méridienne.
(La proposition de loi est adoptée définitivement.) – (Applaudissements.)
M. le président. Je constate que ce texte a été adopté à l’unanimité des présents. (Nouveaux applaudissements.)
Mme Sophie Primas. Bravo !
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Laurent Lafon, président de la commission de la culture, de l’éducation, de la communication et du sport. Je tiens tout d’abord à remercier notre rapporteure, Anne Ventalon, de son travail et de sa maîtrise de l’ensemble du processus législatif, qui nous conduit aujourd’hui à cette belle adoption unanime.
Je tiens également à saluer l’auteur de cette proposition de loi, Cédric Vial, qui a exprimé tout à l’heure avec beaucoup d’émotion la fierté qui était la sienne ce soir ; nous en sommes heureux pour lui. Il a en effet toutes les raisons d’éprouver de la fierté, puisqu’il a fait carton plein, si vous me passez cette expression : vote unanime du Sénat, vote conforme du texte adopté par nos collègues de l’Assemblée nationale et adoption de la première proposition de loi dont il est l’auteur principal, si je ne me trompe pas.
J’ajoute que, fait unique dans les annales parlementaires, il a été cité dans le discours de politique générale prononcé par le Premier ministre. On ne pouvait rêver mieux pour un premier texte ! C’est un honneur bien mérité, car cette proposition de loi résulte d’une réflexion encore plus large sur les AESH, qui a abouti à la formulation d’une vingtaine de recommandations.
Chacun sait que le chantier de l’école inclusive et, plus particulièrement, de la valorisation du métier d’AESH est immense. Cette première pierre, nécessaire, était attendue, et c’est une très bonne chose que nous nous soyons unanimement retrouvés derrière cette proposition de loi. Félicitations, cher Cédric Vial ! (Applaudissements.)
12
Conférence des présidents
M. le président. Les conclusions adoptées par la conférence des présidents, réunie ce jour, sont consultables sur le site du Sénat.
En l’absence d’observations, je les considère comme adoptées.
Conclusions de la conférence des présidents
SEMAINE RÉSERVÉE PAR PRIORITÉ AU GOUVERNEMENT
Mardi 21 mai 2024
À 14 h 30 et le soir
- Proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, visant à remédier aux déséquilibres du marché locatif (texte de la commission n° 587, 2023-2024)
Ce texte a été envoyé à la commission des affaires économiques avec une saisine pour avis de la commission des finances.
• Délai limite pour le dépôt des amendements de commission : vendredi 3 mai à 12 heures
• Réunion de la commission pour le rapport et le texte : mardi 7 mai à 14 h 30
• Délai limite pour le dépôt des amendements de séance : jeudi 16 mai à 12 heures
• Réunion de la commission pour examiner les amendements de séance : mardi 21 mai matin
• Temps attribué aux orateurs des groupes dans la discussion générale : 1 heure
• Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : vendredi 17 mai à 15 heures
- Proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, visant à faciliter la transformation des bureaux en logements (texte de la commission n° 598, 2023-2024)
Ce texte a été envoyé à la commission des affaires économiques avec une saisine pour avis de la commission des finances.
• Délai limite pour le dépôt des amendements de commission : lundi 13 mai à 12 heures
• Réunion de la commission pour le rapport et le texte : mercredi 15 mai matin
• Délai limite pour le dépôt des amendements de séance : vendredi 17 mai à 12 heures
• Réunion de la commission pour examiner les amendements de séance : mardi 21 mai après-midi
• Temps attribué aux orateurs des groupes dans la discussion générale : 1 heure
• Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : vendredi 17 mai à 15 heures
Mercredi 22 mai 2024
À 15 heures
- Questions d’actualité au Gouvernement
• Délai limite pour l’inscription des auteurs de questions : mercredi 22 mai à 11 heures
À 16 h 30 et le soir
- Suite de la proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, visant à faciliter la transformation des bureaux en logements (texte de la commission n° 598, 2023-2024)
- Projet de loi autorisant l’approbation de l’accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République fédérale d’Allemagne relatif à l’apprentissage transfrontalier (procédure accélérée ; texte de la commission n° 600, 2023-2024)
Ce texte a été envoyé à la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées.
• Temps attribué aux orateurs des groupes dans la discussion générale : 45 minutes
• Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : mardi 21 mai à 15 heures
- Conclusions de la commission mixte paritaire sur la proposition de loi visant à assurer une justice patrimoniale au sein de la famille (texte de la commission, n° 592, 2023-2024)
• Lors de la séance, seuls peuvent intervenir le Gouvernement, le représentant de la commission saisie au fond pour une durée ne pouvant excéder cinq minutes et, pour explication de vote, un représentant par groupe pour une durée ne pouvant excéder cinq minutes chacun ainsi qu’un représentant des sénateurs ne figurant sur la liste d’aucun groupe pour une durée ne pouvant excéder trois minutes
• Délai limite pour les inscriptions des orateurs des groupes : mardi 21 mai à 15 heures
- Proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, visant à prévenir les ingérences étrangères en France (texte de la commission, n° 596, 2023-2024)
Ce texte a été envoyé à la commission des lois avec une saisine pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées.
• Délai limite pour le dépôt des amendements de commission : lundi 13 mai à 12 heures
• Réunion de la commission pour le rapport et le texte : mercredi 15 mai matin
• Délai limite pour le dépôt des amendements de séance : mardi 21 mai à 12 heures
• Réunion de la commission pour examiner les amendements de séance : mercredi 22 mai matin
• Temps attribué aux orateurs des groupes dans la discussion générale : 1 heure
• Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : mardi 21 mai à 15 heures
SEMAINE DE CONTRÔLE
Mardi 28 mai 2024
À 14 h 30 et le soir
- Débat sur le bilan de l’application des lois
• Présentation du rapport sur l’application des lois : 10 minutes
• Réponse du Gouvernement : 5 minutes
• Débat interactif avec les présidents des commissions permanentes et le président de la commission des affaires européennes : 2 minutes maximum par président, y compris la réplique, avec possibilité d’une réponse du Gouvernement pour une durée équivalente
• Débat interactif avec les groupes à raison d’un orateur par groupe ainsi que d’un représentant des sénateurs ne figurant sur la liste d’aucun groupe : 2 minutes maximum par orateur, y compris la réplique, avec possibilité de réponse du Gouvernement pour une durée équivalente
• Délai limite pour les inscriptions de parole dans le débat : lundi 27 mai à 15 heures
- Deuxième lecture de la proposition de loi, modifiée par l’Assemblée nationale, encadrant l’intervention des cabinets de conseil privés dans les politiques publiques (texte n° 310, 2023-2024 ; demande du groupe Les Républicains et du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky)
Ce texte a été envoyé à la commission des lois.
• Délai limite pour le dépôt des amendements de commission : vendredi 17 mai à 12 heures
• Réunion de la commission pour le rapport et le texte : mercredi 22 mai matin
• Délai limite pour le dépôt des amendements de séance : lundi 27 mai à 12 heures
• Réunion de la commission pour examiner les amendements de séance : mardi 28 mai après-midi
• Temps attribué aux orateurs des groupes dans la discussion générale : 45 minutes
• Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : lundi 27 mai à 15 heures
- Proposition de loi visant à encadrer les pratiques médicales mises en œuvre dans la prise en charge des mineurs en questionnement de genre, présentée par Mme Jacqueline Eustache-Brinio et plusieurs de ses collègues (texte n° 435, 2023-2024 ; demande du groupe Les Républicains)
Ce texte a été envoyé à la commission des affaires sociales.
• Délai limite pour le dépôt des amendements de commission : vendredi 17 mai à 12 heures
• Réunion de la commission pour le rapport et le texte : mercredi 22 mai matin
• Délai limite pour le dépôt des amendements de séance : lundi 27 mai à 12 heures
• Réunion de la commission pour examiner les amendements de séance : mardi 28 mai après-midi
• Temps attribué aux orateurs des groupes dans la discussion générale : 1 heure
• Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : lundi 27 mai à 15 heures
Mercredi 29 mai 2024
À 15 heures
- Questions d’actualité au Gouvernement
• Délai limite pour l’inscription des auteurs de questions : mercredi 29 mai à 11 heures
De 16 h 30 à 20 h 30
(Ordre du jour réservé au groupe RDPI)
- Débat sur le thème « Le contrôle des investissements étrangers en France comme outil d’une stratégie d’intelligence économique au service de notre souveraineté »
• Temps attribué au groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants : 8 minutes
• Temps attribué aux orateurs des groupes : 1 heure
• Possibilité pour le Gouvernement de prendre la parole après chaque orateur pour une durée de 2 minutes ; possibilité pour l’orateur de répliquer pendant 1 minute
• Temps de réponse du Gouvernement : 5 minutes
• Conclusion par le groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants : 5 minutes
• Délai limite pour les inscriptions de parole dans le débat : mardi 28 mai à 15 heures
- Proposition de loi ouvrant la possibilité de concilier une activité professionnelle avec la fonction d’assistant familial, présentée par M. Xavier Iacovelli (texte n° 522, 2023-2024)
Ce texte a été envoyé à la commission des affaires sociales.
• Délai limite pour le dépôt des amendements de commission : vendredi 17 mai à 12 heures
• Réunion de la commission pour le rapport et le texte : mercredi 22 mai matin
• Délai limite pour le dépôt des amendements de séance : lundi 27 mai à 12 heures
• Réunion de la commission pour examiner les amendements de séance : mercredi 29 mai matin
• Temps attribué aux orateurs des groupes dans la discussion générale : 45 minutes
• Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : mardi 28 mai à 15 heures
À l’issue de l’espace réservé ou le soir
- Débat sur le thème « La France a-t-elle été à la hauteur des défis et de ses ambitions européennes ? » (demande du groupe SER)
• Temps attribué au groupe Socialiste, Écologiste et Républicain : 8 minutes
• Réponse du Gouvernement pour une durée équivalente
• Après la réponse du Gouvernement, séquence de 16 questions-réponses :
2 minutes, y compris la réplique
Possibilité de réponse du Gouvernement pour une durée équivalente
Possibilité pour le Gouvernement de répondre à une réplique pendant 1 minute et à l’auteur de la question de répondre de nouveau pendant 1 minute
• Conclusion par le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain : 5 minutes
• Délai limite pour les inscriptions de parole dans le débat : mardi 28 mai à 15 heures
Jeudi 30 mai 2024
De 10 h 30 à 13 heures et de 14 h 30 à 16 heures
(Ordre du jour réservé au GEST)
- Proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale, visant à protéger la population des risques liés aux substances perfluoroalkylées et polyfluoroalkylées (texte n° 514, 2023-2024)
Ce texte a été envoyé à la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable.
• Délai limite pour le dépôt des amendements de commission : lundi 20 mai à 12 heures
• Réunion de la commission pour le rapport et le texte : mercredi 22 mai matin
• Délai limite pour le dépôt des amendements de séance : lundi 27 mai à 12 heures
• Réunion de la commission pour examiner les amendements de séance : mercredi 29 mai matin
• Temps attribué aux orateurs des groupes dans la discussion générale : 45 minutes
• Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : mercredi 29 mai à 15 heures
- Proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale, visant à mieux indemniser les dégâts sur les biens immobiliers causés par le retrait-gonflement de l’argile (texte n° 513, 2022-2023)
Ce texte a été envoyé à la commission des finances.
• Délai limite pour le dépôt des amendements de commission : vendredi 17 mai à 12 heures
• Réunion de la commission pour le rapport et le texte : mercredi 22 mai matin
• Délai limite pour le dépôt des amendements de séance : lundi 27 mai à 12 heures
• Réunion de la commission pour examiner les amendements de séance : mercredi 29 mai matin
• Temps attribué aux orateurs des groupes dans la discussion générale : 45 minutes
• Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : mercredi 29 mai à 15 heures
SEMAINE RÉSERVÉE PAR PRIORITÉ AU GOUVERNEMENT
Lundi 3 juin 2024
À 17 heures
- Sous réserve de leur dépôt, conclusions de la commission mixte paritaire sur la proposition de loi visant à accroître le financement des entreprises et l’attractivité de la France
• Lors de la séance, seuls peuvent intervenir le Gouvernement, le représentant de la commission saisie au fond pour une durée ne pouvant excéder cinq minutes et, pour explication de vote, un représentant par groupe pour une durée ne pouvant excéder cinq minutes chacun ainsi qu’un représentant des sénateurs ne figurant sur la liste d’aucun groupe pour une durée ne pouvant excéder trois minutes
• Délai limite pour les inscriptions des orateurs des groupes : vendredi 31 mai à 15 heures
- Sous réserve de leur dépôt, conclusions de la commission mixte paritaire sur la proposition de loi visant à prévenir les ingérences étrangères en France
• Lors de la séance, seuls peuvent intervenir le Gouvernement, le représentant de la commission saisie au fond pour une durée ne pouvant excéder cinq minutes et, pour explication de vote, un représentant par groupe pour une durée ne pouvant excéder cinq minutes chacun ainsi qu’un représentant des sénateurs ne figurant sur la liste d’aucun groupe pour une durée ne pouvant excéder trois minutes
• Délai limite pour les inscriptions des orateurs des groupes : vendredi 31 mai à 15 heures
- Sous réserve de leur dépôt, conclusions de la commission mixte paritaire sur la proposition de loi allongeant la durée de l’ordonnance de protection et créant l’ordonnance provisoire de protection immédiate
• Lors de la séance, seuls peuvent intervenir le Gouvernement, le représentant de la commission saisie au fond pour une durée ne pouvant excéder cinq minutes et, pour explication de vote, un représentant par groupe pour une durée ne pouvant excéder cinq minutes chacun ainsi qu’un représentant des sénateurs ne figurant sur la liste d’aucun groupe pour une durée ne pouvant excéder trois minutes
• Délai limite pour les inscriptions des orateurs des groupes : vendredi 31 mai à 15 heures
Le soir
- Projet de loi de simplification de la vie économique (procédure accélérée ; texte n° 550, 2023-2024)
Ce texte a été envoyé à une commission spéciale.
• Délai limite pour le dépôt des amendements de commission : vendredi 24 mai à 12 heures
• Réunion de la commission pour le rapport et le texte : mardi 28 mai après-midi
• Délai limite pour le dépôt des amendements de séance : vendredi 31 mai à 12 heures
• Réunion de la commission pour examiner les amendements de séance : lundi 3 juin après-midi
• Temps attribué aux orateurs des groupes dans la discussion générale : 1 heure
• Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : vendredi 31 mai à 15 heures
Mardi 4 juin 2024
À 9 h 30
- Questions orales
À 14 h 30 et le soir
- Suite du projet de loi de simplification de la vie économique (procédure accélérée ; texte n° 550, 2023-2024)
Mercredi 5 juin 2024
À 15 heures
- Questions d’actualité au Gouvernement
• Délai limite pour l’inscription des auteurs de questions : mercredi 5 juin à 11 heures
À 16 h 30 et le soir
- Suite du projet de loi de simplification de la vie économique (procédure accélérée ; texte n° 550, 2023-2024)
Éventuellement, jeudi 6 juin 2024
À 10 h 30 et à 14 h 30
- Éventuellement, suite du projet de loi de simplification de la vie économique (procédure accélérée ; texte n° 550, 2023-2024)
SEMAINE SÉNATORIALE
Lundi 10 juin 2024
À 16 heures et le soir
- Proposition de loi pour améliorer la prise en charge de la sclérose latérale amyotrophique et d’autres maladies évolutives graves, présentée par MM. Gilbert Bouchet et Philippe Mouiller (texte n° 542, 2023-2024 ; demande du groupe Les Républicains)
Ce texte a été envoyé à la commission des affaires sociales.
• Délai limite pour le dépôt des amendements de commission : lundi 3 juin à 12 heures
• Réunion de la commission pour le rapport et le texte : mercredi 5 juin matin
• Délai limite pour le dépôt des amendements de séance : vendredi 7 juin à 12 heures
• Réunion de la commission pour examiner les amendements de séance : lundi 10 juin après-midi
• Temps attribué aux orateurs des groupes dans la discussion générale : 1 heure
• Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : vendredi 7 juin à 15 heures
- Proposition de loi visant à assurer le respect du principe de laïcité dans le sport, présentée par M. Michel Savin et plusieurs de ses collègues (texte n° 376, 2023-2024 ; demande du groupe Les Républicains)
Ce texte a été envoyé à la commission de la culture, de l’éducation, de la communication et du sport.
• Délai limite pour le dépôt des amendements de commission : lundi 3 juin à 12 heures
• Réunion de la commission pour le rapport et le texte : mercredi 5 juin matin
• Délai limite pour le dépôt des amendements de séance : lundi 10 juin à 12 heures
• Réunion de la commission pour examiner les amendements de séance : lundi 10 juin après-midi
• Temps attribué aux orateurs des groupes dans la discussion générale : 1 heure
• Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : vendredi 7 juin à 15 heures
- Débat relatif à la francophonie (demande du groupe Les Républicains)
• Temps attribué au groupe Les Républicains : 8 minutes
• Temps attribué aux orateurs des groupes : 1 heure
• Possibilité pour le Gouvernement de prendre la parole après chaque orateur pour une durée de 2 minutes ; possibilité pour l’orateur de répliquer pendant 1 minute
• Temps de réponse du Gouvernement : 5 minutes
• Conclusion par le groupe Les Républicains : 5 minutes
• Délai limite pour les inscriptions de parole dans le débat : vendredi 7 juin à 15 heures
Mardi 11 juin 2024
À 14 h 30 et le soir
- Explications de vote des groupes puis scrutin public solennel sur le projet de loi de simplification de la vie économique (procédure accélérée ; texte n° 550, 2023-2024)
• Temps attribué aux orateurs des groupes pour les explications de vote, à raison d’un orateur par groupe : 7 minutes pour chaque groupe et 3 minutes pour les sénateurs ne figurant sur la liste d’aucun groupe
• Délai limite pour les inscriptions de parole : lundi 10 juin à 15 heures
• Délai limite pour le dépôt des délégations de vote : mardi 11 juin à 12 h 30
- Proposition de loi portant programmation nationale et simplification normative dans le secteur économique de l’énergie, présentée par M. Daniel Gremillet, Mme Dominique Estrosi Sassone et M. Bruno Retailleau (texte n° 555, 2023-2024 ; demande du groupe Les Républicains)
Ce texte a été envoyé à la commission des affaires économiques.
• Délai limite pour le dépôt des amendements de commission : lundi 27 mai à 12 heures
• Réunion de la commission pour le rapport et le texte : mercredi 29 mai matin
• Délai limite pour le dépôt des amendements de séance : jeudi 6 juin à 12 heures
• Réunion de la commission pour examiner les amendements de séance : mardi 11 juin à 9 h 30
• Temps attribué aux orateurs des groupes dans la discussion générale : 1 heure
• Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : lundi 10 juin à 15 heures
Mercredi 12 juin 2024
À 15 heures
- Questions d’actualité au Gouvernement
• Délai limite pour l’inscription des auteurs de questions : mercredi 12 juin à 11 heures
De 16 h 30 à 20 h 30
(Ordre du jour réservé au groupe UC)
- Proposition de loi visant à réduire le nombre de conseillers municipaux dans les petites communes, présentée par M. François Bonneau (texte n° 890, 2022-2023)
Ce texte a été envoyé à la commission des lois.
• Délai limite pour le dépôt des amendements de commission : lundi 3 juin à 12 heures
• Réunion de la commission pour le rapport et le texte : mercredi 5 juin matin
• Délai limite pour le dépôt des amendements de séance : lundi 10 juin à 12 heures
• Réunion de la commission pour examiner les amendements de séance : mercredi 12 juin matin
• Temps attribué aux orateurs des groupes dans la discussion générale : 45 minutes
• Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : mardi 11 juin à 15 heures
- Proposition de loi visant à lutter contre les fermetures abusives de comptes bancaires, présentée par M. Philippe Folliot (texte n° 519, 2023-2024)
Ce texte a été envoyé à la commission des finances.
• Délai limite pour le dépôt des amendements de commission : lundi 3 juin à 12 heures
• Réunion de la commission pour le rapport et le texte : mercredi 5 juin matin
• Délai limite pour le dépôt des amendements de séance : lundi 10 juin à 12 heures
• Réunion de la commission pour examiner les amendements de séance : mercredi 12 juin matin
• Temps attribué aux orateurs des groupes dans la discussion générale : 45 minutes
• Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : mardi 11 juin à 15 heures
Le soir
- Suite de la proposition de loi portant programmation nationale et simplification normative dans le secteur économique de l’énergie, présentée par M. Daniel Gremillet, Mme Dominique Estrosi Sassone et M. Bruno Retailleau (texte n° 555, 2023-2024 ; demande du groupe Les Républicains)
Jeudi 13 juin 2024
De 10 h 30 à 13 heures puis de 14 h 30 à 16 heures
(Ordre du jour réservé au groupe SER)
- Proposition de loi visant à mettre en place une imposition des sociétés plus juste et plus écologique, présentée par M. Rémi Féraud et plusieurs de ses collègues (texte n° 862, 2022-2023)
Ce texte a été envoyé à la commission des finances.
• Délai limite pour le dépôt des amendements de commission : lundi 3 juin à 12 heures
• Réunion de la commission pour le rapport et le texte : mercredi 5 juin matin
• Délai limite pour le dépôt des amendements de séance : lundi 10 juin à 12 heures
• Réunion de la commission pour examiner les amendements de séance : mercredi 12 juin matin
• Temps attribué aux orateurs des groupes dans la discussion générale : 45 minutes
• Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : mercredi 12 juin à 15 heures
- Proposition de loi visant à assurer la mixité sociale et scolaire dans les établissements d’enseignement publics et privés sous contrat du premier et du second degrés et à garantir davantage de transparence dans les procédures d’affectation et de financement des établissements privés sous contrat, présentée par Mme Colombe Brossel et plusieurs de ses collègues (texte n° 471 rectifié, 2023-2024)
Ce texte a été envoyé à la commission de la culture, de l’éducation, de la communication et du sport.
• Délai limite pour le dépôt des amendements de commission : lundi 3 juin à 12 heures
• Réunion de la commission pour le rapport et le texte : mercredi 5 juin matin
• Délai limite pour le dépôt des amendements de séance : lundi 10 juin à 12 heures
• Réunion de la commission pour examiner les amendements de séance : mercredi 12 juin matin
• Temps attribué aux orateurs des groupes dans la discussion générale : 45 minutes
• Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : mercredi 12 juin à 15 heures
À l’issue de l’espace réservé au groupe SER
- Proposition de loi visant à assouplir la gestion des compétences « eau » et « assainissement », présentée par M. Jean-Michel Arnaud (texte n° 556, 2023-2024 ; demande du groupe UC)
Ce texte a été envoyé à la commission des lois.
• Délai limite pour le dépôt des amendements de commission : lundi 3 juin à 12 heures
• Réunion de la commission pour le rapport et le texte : mercredi 5 juin matin
• Délai limite pour le dépôt des amendements de séance : lundi 10 juin à 12 heures
• Réunion de la commission pour examiner les amendements de séance : mercredi 12 juin matin
• Temps attribué aux orateurs des groupes dans la discussion générale : 1 heure
• Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : mercredi 12 juin à 15 heures
SEMAINE RÉSERVÉE PAR PRIORITÉ AU GOUVERNEMENT
Lundi 17 juin 2024
À 16 heures et le soir
- Projet de loi relatif au développement de l’offre de logements abordables (procédure accélérée ; texte n° 573, 2023-2024)
Ce texte a été envoyé à la commission des affaires économiques.
• Délai limite pour le dépôt des amendements de commission : jeudi 30 mai à 12 heures
• Réunion de la commission pour le rapport et le texte : mercredi 5 juin à 9 heures
• Délai limite pour le dépôt des amendements de séance : jeudi 13 juin à 12 heures
• Réunion de la commission pour examiner les amendements de séance : lundi 17 juin après-midi, mardi 18 juin à 13 heures et mercredi 19 juin matin
• Temps attribué aux orateurs des groupes dans la discussion générale : 1 heure
• Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : vendredi 14 juin à 15 heures
Mardi 18 juin 2024
À 14 h 30 et le soir
- Suite du projet de loi relatif au développement de l’offre de logements abordables (procédure accélérée ; texte n° 573, 2023-2024)
Mercredi 19 juin 2024
À 15 heures
- Questions d’actualité au Gouvernement
• Délai limite pour l’inscription des auteurs de questions : mercredi 19 juin à 11 heures
À 16 h 30 et le soir
- deux conventions internationales examinées selon la procédure d’examen simplifié :
=> Projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, autorisant l’approbation de l’accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de l’État indépendant de Papouasie-Nouvelle-Guinée relatif à la coopération en matière de défense et au statut des forces (texte de la commission n° 602, 2023-2024)
=> Projet de loi autorisant l’approbation de l’accord sur la création d’un espace aérien commun entre l’Union européenne et ses États membres, d’une part, et la République d’Arménie, d’autre part, et de l’accord sur la création d’un espace aérien commun entre l’Union européenne et ses États membres, d’une part, et l’Ukraine, d’autre part (procédure accélérée ; texte n° 544, 2023-2024)
• Délai limite pour demander le retour à la procédure normale : lundi 17 juin à 15 heures
- Suite du projet de loi relatif au développement de l’offre de logements abordables (procédure accélérée ; texte n° 573, 2023-2024)
- Sous réserve de sa transmission, deuxième lecture de la proposition de loi, modifiée par l’Assemblée nationale, relative à la réforme de l’audiovisuel public et à la souveraineté audiovisuelle (texte A.N. n° 1350)
Ce texte a été envoyé à la commission de la culture, de l’éducation, de la communication et du sport.
• Délai limite pour le dépôt des amendements de commission : lundi 10 juin à 12 heures
• Réunion de la commission pour le rapport et le texte : mercredi 12 juin matin
• Délai limite pour le dépôt des amendements de séance : lundi 17 juin à 12 heures
• Réunion de la commission pour examiner les amendements de séance : mercredi 19 juin matin
• Temps attribué aux orateurs des groupes dans la discussion générale : 45 minutes
• Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : mardi 18 juin à 15 heures
Jeudi 20 juin 2024
À 10 h 30, 14 h 30 et le soir
- Sous réserve de sa transmission, suite de la deuxième lecture de la proposition de loi, modifiée par l’Assemblée nationale, relative à la réforme de l’audiovisuel public et à la souveraineté audiovisuelle (texte A.N. n° 1350)
SEMAINE RÉSERVÉE PAR PRIORITÉ AU GOUVERNEMENT
Lundi 24 juin 2024
À 16 heures
- Sous réserve de leur dépôt, conclusions de la commission mixte paritaire sur la proposition de loi visant à remédier aux déséquilibres du marché locatif
• Lors de la séance, seuls peuvent intervenir le Gouvernement, le représentant de la commission saisie au fond pour une durée ne pouvant excéder cinq minutes et, pour explication de vote, un représentant par groupe pour une durée ne pouvant excéder cinq minutes chacun ainsi qu’un représentant des sénateurs ne figurant sur la liste d’aucun groupe pour une durée ne pouvant excéder trois minutes
• Délai limite pour les inscriptions des orateurs des groupes : vendredi 21 juin à 15 heures
- Sous réserve de leur dépôt, conclusions de la commission mixte paritaire sur la proposition de loi visant à faciliter la transformation des bureaux en logements
• Lors de la séance, seuls peuvent intervenir le Gouvernement, le représentant de la commission saisie au fond pour une durée ne pouvant excéder cinq minutes et, pour explication de vote, un représentant par groupe pour une durée ne pouvant excéder cinq minutes chacun ainsi qu’un représentant des sénateurs ne figurant sur la liste d’aucun groupe pour une durée ne pouvant excéder trois minutes
• Délai limite pour les inscriptions des orateurs des groupes : lundi 24 juin à 15 heures
- Débat préalable à la réunion du Conseil européen des 27 et 28 juin 2024
• Intervention liminaire du Gouvernement
• 4 minutes attribuées respectivement à la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, à la commission des finances et à la commission des affaires européennes
• Temps attribué aux orateurs des groupes : 1 heure
• Possibilité pour le Gouvernement de prendre la parole après chaque orateur des commissions et des groupes pour une durée de 2 minutes ; possibilité pour l’orateur de répliquer pendant 1 minute
• Conclusion par la commission des affaires européennes : 4 minutes
• Délai limite pour les inscriptions de parole dans le débat : vendredi 21 juin à 15 heures
Le soir
- Sous réserve de sa transmission, projet de loi d’orientation pour la souveraineté en matière agricole et le renouvellement des générations en agriculture (procédure accélérée ; texte A.N. n° 2436)
Ce texte sera envoyé à la commission des affaires économiques avec une saisine pour avis de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable et de la commission de la culture.
• Délai limite pour le dépôt des amendements de commission : jeudi 6 juin à 12 heures
• Réunion de la commission pour le rapport et le texte : mercredi 12 juin à 9 heures, mercredi 12 juin à 16 h 30 et, éventuellement, jeudi 13 juin à 10 h 30
• Délai limite pour le dépôt des amendements de séance : jeudi 20 juin à 12 heures
• Réunion de la commission pour examiner les amendements de séance : lundi 24 juin à 13 h 30, mardi 25 juin à 9 h 30 et mercredi 26 juin à 9 h 30
• Temps attribué aux orateurs des groupes dans la discussion générale : 1 heure
• Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : vendredi 21 juin à 15 heures
Mardi 25 juin 2024
À 9 h 30
- Questions orales
À 14 h 30 et le soir
- Explications de vote des groupes puis scrutin public solennel sur le projet de loi relatif au développement de l’offre de logements abordables (procédure accélérée ; texte n° 573, 2023-2024)
• Temps attribué aux orateurs des groupes pour les explications de vote, à raison d’un orateur par groupe : 7 minutes pour chaque groupe et 3 minutes pour les sénateurs ne figurant sur la liste d’aucun groupe
• Délai limite pour les inscriptions de parole : lundi 24 juin à 15 heures
• Délai limite pour le dépôt des délégations de vote : mardi 25 juin à 12 h 30
- Sous réserve de sa transmission, suite du projet de loi d’orientation pour la souveraineté en matière agricole et le renouvellement des générations en agriculture (procédure accélérée ; texte A.N. n° 2436)
Mercredi 26 juin 2024
À 15 heures
- Questions d’actualité au Gouvernement
• Délai limite pour l’inscription des auteurs de questions : mercredi 26 juin à 11 heures
À 16 h 30 et le soir
- Sous réserve de leur dépôt, conclusions de la commission mixte paritaire sur la proposition de loi visant à poursuivre la dématérialisation de l’état civil du ministère de l’Europe et des affaires étrangères
• Lors de la séance, seuls peuvent intervenir le Gouvernement, le représentant de la commission saisie au fond pour une durée ne pouvant excéder cinq minutes et, pour explication de vote, un représentant par groupe pour une durée ne pouvant excéder cinq minutes chacun ainsi qu’un représentant des sénateurs ne figurant sur la liste d’aucun groupe pour une durée ne pouvant excéder trois minutes
• Délai limite pour les inscriptions des orateurs des groupes : mardi 25 juin à 15 heures
- Sous réserve de sa transmission, suite du projet de loi d’orientation pour la souveraineté en matière agricole et le renouvellement des générations en agriculture (procédure accélérée ; texte A.N. n° 2436)
Jeudi 27 juin 2024
À 10 h 30, 14 h 30 et le soir
- Sous réserve de sa transmission, suite du projet de loi d’orientation pour la souveraineté en matière agricole et le renouvellement des générations en agriculture (procédure accélérée ; texte A.N. n° 2436)
Vendredi 28 juin 2024
À 9 h 30 et à 14 h 30
- Sous réserve de sa transmission, suite du projet de loi d’orientation pour la souveraineté en matière agricole et le renouvellement des générations en agriculture (procédure accélérée ; texte A.N. n° 2436)
- Clôture de la session ordinaire 2023-2024
Prochaine réunion de la Conférence des Présidents :
Mercredi 12 juin à 18 heures
13
Ordre du jour
M. le président. Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée au mardi 21 mai 2024 :
À quatorze heures et le soir :
Proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, visant à remédier aux déséquilibres du marché locatif (texte de la commission n° 587, 2023-2024) ;
Proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, visant à faciliter la transformation des bureaux en logements (texte de la commission n° 598, 2023-2024).
Personne ne demande la parole ?…
La séance est levée.
(La séance est levée à vingt heures cinquante.)
nomination de membres d’une commission mixte paritaire
La liste des candidats désignés par la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale pour faire partie de la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion de la proposition de loi renforçant l’ordonnance de protection et créant l’ordonnance provisoire de protection immédiate a été publiée conformément à l’article 8 quater du règlement.
Aucune opposition ne s’étant manifestée dans le délai d’une heure prévu par l’article 8 quater du règlement, cette liste est ratifiée. Les représentants du Sénat à cette commission mixte paritaire sont :
Titulaires : M. François-Noël Buffet, Mmes Dominique Vérien, Agnès Canayer, Muriel Jourda, Laurence Rossignol, M. Hussein Bourgi et Mme Patricia Schillinger ;
Suppléants : Mmes Marie Mercier, Catherine Di Folco, Olivia Richard, Marie-Pierre de La Gontrie, MM. Ian Brossat, Dany Wattebled et Mélanie Vogel.
Pour le Directeur des comptes rendus du Sénat,
le Chef de publication
FRANÇOIS WICKER