Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Marie Lebec, ministre déléguée. Monsieur le sénateur, nous partageons votre objectif : les membres d’un groupe ne doivent pas être lésés par la perte de leur agrément.
Cependant, votre amendement nous paraît satisfait puisque, en droit commun, les conditions de recevabilité de l’action et la qualité pour agir sont appréciées à la date d’introduction de la demande en justice.
Aussi, la perte de l’agrément par une association requérante n’empêche pas la poursuite de l’instance, une fois la demande en justice introduite.
Mme la présidente. Monsieur Fernique, l’amendement n° 35 est-il maintenu ?
M. Jacques Fernique. Oui, madame la présidente.
Mme la présidente. Je mets aux voix l’article 2 sexies.
(L’article 2 sexies est adopté.)
Article 2 septies
(Non modifié)
Est réputée non écrite toute clause ayant pour objet ou pour effet d’interdire à une personne de participer à une action de groupe. – (Adopté.)
Article 2 octies
(Non modifié)
Le demandeur à l’action peut agir directement contre l’assureur garantissant la responsabilité civile du responsable en application de l’article L. 124-3 du code des assurances. – (Adopté.)
Article 2 nonies
Si l’action intentée présente un caractère sérieux, le juge peut, par décision spécialement motivée, décider que l’avance des frais afférents aux mesures d’instruction qu’il ordonne est prise en charge, en tout ou partie, par l’État.
En cas de rejet de la demande dont il est saisi, il peut également mettre les dépens, en tout ou partie, à la charge de l’État. – (Adopté.)
Après l’article 2 nonies
Mme la présidente. L’amendement n° 36, présenté par Mme M. Vogel, MM. Benarroche, G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mmes Ollivier et Poncet Monge, M. Salmon et Mmes Senée et Souyris, est ainsi libellé :
Après l’article 2 nonies
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Les personnes mentionnées aux I à II de l’article 1er bis de la présente loi ne peuvent être condamnées aux dépens en application de l’article 696 du code de la procédure civile.
II. – Les personnes mentionnées aux I à II de l’article 1er bis de la présente loi ne peuvent être condamnées au paiement des frais exposés et non compris dans les dépens en application de l’article 700 du code de procédure civile.
La parole est à M. Guy Benarroche.
M. Guy Benarroche. Est-il juste que la partie introduisant une action de groupe doive payer des frais de procédure ? Cela nous semble profondément contraire à l’objet de ce texte, qui vise à faciliter les actions de groupe.
En l’état, le texte n’interdit pas que l’association ou le syndicat soit condamné aux dépens ou aux frais pour avoir engagé une action de groupe. De ce fait, ces derniers seront confrontés à un risque juridique et financier.
Comme nous l’avons souligné lors des débats sur les médiations, cette charge financière peut amener associations et syndicats à renoncer à introduire une action de groupe.
Ce risque financier, quelque peu absurde, s’explique par le fait que le code de procédure civile serait applicable aux actions de groupe en matière civile. Sur le fondement dudit code, la jurisprudence a déjà établi que le demandeur peut être amené à payer une partie des frais – tel avait été le cas pour une personne ayant utilisé une « procédure trop lourde », selon les termes mêmes des motifs de la décision.
De plus, la Cour de cassation a également établi le principe que la condamnation au paiement des frais de procédure n’est pas conditionnée à la reconnaissance d’une faute.
Il existe donc un réel risque, dans certains cas, que l’action de groupe soit considérée comme relevant d’une « procédure trop lourde » et que l’association ou le syndicat soient amenés à régler une partie des frais de procédure.
Cela irait à l’encontre de l’esprit de la directive européenne de 2020 sur les actions de groupe, qui demande aux États membres de veiller à ce que des considérations financières n’empêchent pas de telles actions de prospérer.
C’est la raison pour laquelle nous demandons d’inscrire de manière explicite dans le présent texte que la partie demanderesse ne doit pas payer de frais ni être condamnée aux dépens.
Il faudrait aller plus loin et créer un fonds spécial pour financer les actions de groupe. Les règles de recevabilité financière nous empêchant d’en proposer la création, ce sera à vous de le faire, madame la ministre !
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Christophe-André Frassa, rapporteur. Monsieur Benarroche, pour la clarté des débats, je rappelle que l’article 700 du code de procédure civile dispose : « Le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer : 1° À l’autre partie la somme qu’il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. […] Dans tous les cas, le juge tient compte de l’équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d’office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu’il n’y a pas lieu à ces condamnations. »
D’une part, votre amendement est partiellement satisfait par l’article 2 nonies ; d’autre part, son adoption créerait un déséquilibre trop important entre les parties d’une action de groupe. En effet, l’article 2 nonies autorise déjà les juges à mettre provisoirement les frais d’expertise puis les dépens à la charge de l’État, même si le demandeur perd son procès.
En outre, dès lors que le juge décide d’exonérer le demandeur du paiement, il semblerait illogique qu’il lui impose de régler les frais non compris dans les dépens, en vertu de l’article 700 du code de procédure civile.
Pour ces raisons, la commission demande le retrait de cet amendement ; à défaut, elle y sera défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 36.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Article 2 decies
(Non modifié)
Les modalités d’application du présent titre sont déterminées par décret en Conseil d’État. – (Adopté.)
TITRE II
DISPOSITIONS DIVERSES ET TRANSITOIRES
Chapitre Ier
(Division supprimée)
Article 2 undecies
(Supprimé)
Mme la présidente. Je suis saisie de quatre amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 37, présenté par Mme M. Vogel, MM. Benarroche, G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mmes Ollivier et Poncet Monge, M. Salmon et Mmes Senée et Souyris, est ainsi libellé :
Rétablir cet article dans la rédaction suivante :
Le sous-titre II du titre III du livre III du code civil est complété par un chapitre IV ainsi rédigé :
« Chapitre IV
« Sanction civile en cas de faute dolosive ayant causé des dommages sériels
« Art. 1253. – Lorsqu’une personne est reconnue responsable d’un manquement à ses obligations légales ou contractuelles résultant de l’exercice d’une activité professionnelle, le juge peut, à la demande du ministère public, devant les juridictions de l’ordre judiciaire, ou du Gouvernement, devant les juridictions de l’ordre administratif, et par une décision spécialement motivée, la condamner au paiement d’une sanction civile, dont le produit est affecté au Trésor public.
« La condamnation au paiement de la sanction civile ne peut intervenir que si les conditions suivantes sont remplies :
« 1° L’auteur du dommage a délibérément commis une faute en vue d’obtenir un gain ou une économie indu ;
« 2° Le manquement constaté a causé un ou plusieurs dommages à plusieurs personnes physiques ou morales placées dans une situation similaire.
« Le montant de cette sanction est proportionné à la gravité de la faute commise et au profit que l’auteur de la faute en a retiré. Si celui-ci est une personne physique, ce montant ne peut être supérieur au double du profit réalisé. Si l’auteur est une personne morale, ce montant ne peut être supérieur à 5 % du chiffre d’affaires moyen annuel, hors taxes, calculé sur les trois derniers exercices clos antérieurs à celui au cours duquel la faute a été commise.
« Lorsqu’une sanction civile est susceptible de se cumuler avec une amende administrative ou pénale infligée en raison des mêmes faits à l’auteur du manquement, le montant global des amendes prononcées ne dépasse pas le maximum légal le plus élevé.
« Le risque d’une condamnation à la sanction civile n’est pas assurable. »
La parole est à M. Daniel Salmon.
M. Daniel Salmon. S’enrichir en transgressant la loi, voilà une situation que nous voulons toutes et tous ici éviter.
Pour autant, elle peut se produire si les sanctions des infractions sont moins élevées que les gains économiques que leurs auteurs peuvent en tirer.
Ce risque est particulièrement élevé pour les fautes qui donnent lieu à une action de groupe, laquelle permet uniquement de réparer le préjudice subi. Certes, le dommage en question peut être important et la réparation à payer élevée, mais le profit économique réalisé peut aussi être beaucoup plus important.
C’est non pas moi qui le dis, mais les députés Laurence Vichnievsky et Philippe Gosselin, auteurs du rapport d’information sur le bilan et les perspectives des actions de groupe. Selon eux, il peut arriver que « le montant de la condamnation [soit] très probablement inférieur au profit retiré par l’entreprise du fait du non-respect des dispositions légales ou contractuelles ».
Dans de telles situations, l’entreprise serait encouragée à transgresser la loi, à mettre son devoir de vigilance de côté. Et il n’est même pas sûr qu’elle soit sanctionnée, car il faudrait qu’un contrôle, une plainte ou une action de groupe aboutisse.
Afin d’éviter cette situation, le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires demande que les juges puissent sanctionner ces entreprises pour faute dolosive ayant causé des dommages sériels, même si le préjudice a été intégralement réparé.
La commission des lois de l’Assemblée nationale a adopté cette proposition.
Mme la présidente. Les trois amendements suivants sont identiques.
L’amendement n° 19 rectifié est présenté par M. Bourgi, Mme de La Gontrie, MM. Durain et Chaillou, Mme Harribey, M. Kerrouche, Mmes Linkenheld et Narassiguin, MM. Roiron, Lurel et Kanner, Mmes Artigalas, Bélim, Blatrix Contat et Bonnefoy, M. Bouad, Mmes Briquet, Brossel et Canalès, M. Cardon, Mme Carlotti, M. Chantrel, Mmes Conconne et Conway-Mouret, M. Cozic, Mme Daniel, MM. Darras, Devinaz et Éblé, Mme Espagnac, MM. Fagnen et Féraud, Mme Féret, MM. Fichet, Gillé, Jacquin, Jeansannetas, P. Joly et Jomier, Mmes G. Jourda et Le Houerou, M. Lozach, Mme Lubin, MM. Marie, Mérillou et Michau, Mme Monier, MM. Montaugé, Ouizille et Pla, Mme Poumirol, MM. Raynal et Redon-Sarrazy, Mme S. Robert, M. Ros, Mme Rossignol et MM. Stanzione, Temal, Tissot, Uzenat, M. Vallet, Vayssouze-Faure, M. Weber et Ziane.
L’amendement n° 38 est présenté par Mme M. Vogel, MM. Benarroche, G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mmes Ollivier et Poncet Monge, M. Salmon et Mmes Senée et Souyris.
L’amendement n° 49 est présenté par M. Bocquet et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky.
Ces trois amendements sont ainsi libellés :
Rétablir cet article dans la rédaction suivante :
Le sous-titre II du titre III du livre III du code civil est complété par un chapitre IV ainsi rédigé :
« Chapitre IV
« Sanction civile en cas de faute dolosive ayant causé des dommages sériels
« Art. 1253. – Lorsqu’une personne est reconnue responsable d’un manquement à ses obligations légales ou contractuelles résultant de l’exercice d’une activité professionnelle, le juge peut, à la demande du ministère public, devant les juridictions de l’ordre judiciaire, ou du Gouvernement, devant les juridictions de l’ordre administratif, et par une décision spécialement motivée, la condamner au paiement d’une sanction civile, dont le produit est affecté au Trésor public.
« La condamnation au paiement de la sanction civile ne peut intervenir que si les conditions suivantes sont remplies :
« 1° L’auteur du dommage a délibérément commis une faute en vue d’obtenir un gain ou une économie indu ;
« 2° Le manquement constaté a causé un ou plusieurs dommages à plusieurs personnes physiques ou morales placées dans une situation similaire.
« Le montant de cette sanction est proportionné à la gravité de la faute commise et au profit que l’auteur de la faute en a retiré. Si celui-ci est une personne physique, ce montant ne peut être supérieur au double du profit réalisé. Si l’auteur est une personne morale, ce montant ne peut être supérieur à 3 % du chiffre d’affaires moyen annuel, hors taxes, calculé sur les trois derniers exercices clos antérieurs à celui au cours duquel la faute a été commise.
« Lorsqu’une sanction civile est susceptible de se cumuler avec une amende administrative ou pénale infligée en raison des mêmes faits à l’auteur du manquement, le montant global des amendes prononcées ne dépasse pas le maximum légal le plus élevé.
« Le risque d’une condamnation à la sanction civile n’est pas assurable. »
La parole est à M. Hussein Bourgi, pour présenter l’amendement n° 19 rectifié.
M. Hussein Bourgi. Dans le prolongement des propos de l’orateur précédent, il s’agit ni plus ni moins de rétablir l’amendement adopté par la commission des lois de l’Assemblée nationale et voté en séance.
Quel est son objet ? Mettre un peu de morale – juste un peu – dans le procès. Et en mettant un peu de morale dans le procès, on en mettra aussi dans les affaires économiques et commerciales, mes chers collègues.
Il nous semble anormal qu’un professionnel puisse volontairement commettre des manquements dans le seul but d’en tirer des gains illicites, sans craindre des pénalités financières. Le législateur, de même que le pouvoir judiciaire, est là pour moraliser la société face aux dérives du monde économique et commercial.
Nous connaissons tous cet univers. Certains d’entre nous y ont travaillé, d’autres ont de la famille qui y travaille, comme moi. On y trouve des gens admirables et vertueux qui n’ont pas à être assimilés à ceux qui, beaucoup moins vertueux, se livrent à des pratiques que l’on ne peut que condamner et qu’il faut moraliser.
Mme la présidente. La parole est à M. Jacques Fernique, pour présenter l’amendement n° 38.
M. Jacques Fernique. Il s’agit d’un amendement de repli par rapport à notre amendement n° 37.
Nous demandons certes le rétablissement de la sanction civile, mais dans la rédaction adoptée à l’unanimité en séance publique à l’Assemblée nationale.
Cette version est un peu moins ambitieuse que celle de la commission des lois de l’Assemblée nationale en ce qu’elle prévoit de plafonner le montant de la sanction à 3 % du chiffre d’affaires moyen annuel, au lieu de 5 %.
Cette mesure, proposée par les députés ayant rédigé le rapport d’information et la présente proposition de loi, est également préconisée par la Défenseure des droits dans son avis sur le texte.
On pourrait même réfléchir à flécher le produit de cette sanction vers les associations habilitées à introduire une action de groupe. Dans la mesure où cette voie d’accès à la justice dépend de ces associations et de leur capacité financière, cela serait plus que légitime.
D’autres pays ont déjà reconnu que la capacité financière de ces associations est cruciale. Ainsi, le Québec et Israël ont mis en place des fonds pour financer les actions de groupe. De même, le Comité économique et social européen demande la création d’un tel fonds.
Beaucoup reste à faire en matière de financement. Le prochain projet de loi de finances nous donnera sûrement l’occasion d’en débattre de nouveau.
Le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires appelle vivement à mettre en place la sanction civile pour faute ayant causé des dommages sériels.
Mme la présidente. La parole est à M. Éric Bocquet, pour présenter l’amendement n° 49.
M. Éric Bocquet. Il est défendu.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Christophe-André Frassa, rapporteur. Mes chers collègues, si nous avions trois heures devant nous, je vous demanderais de prendre un stylo et une feuille pour répondre à la question suivante : le rôle du droit est-il de faire de la morale ?
M. Hussein Bourgi. Oui ! (Sourires.)
M. Christophe-André Frassa, rapporteur. Patience, vous avez trois heures ! (Nouveaux sourires.)
Pour revenir aux amendements, je ferai plusieurs observations. Premièrement, la proposition de loi que nous avons à examiner ce soir vise à unifier le régime des actions de groupe et à transposer la directive européenne du 25 novembre 2020. Or la sanction civile n’est pas imposée par le droit européen.
Deuxièmement, la création d’une sanction civile constitue une réforme d’ampleur du droit de la responsabilité civile, qui mériterait d’être discutée, à mon sens, dans un autre cadre.
Troisièmement, la sanction civile ne fait pas consensus entre les tenants de la doctrine, les praticiens du droit et les acteurs économiques. Ces derniers y sont – pour la plupart – particulièrement opposés, comme l’ont rappelé les personnalités que j’ai pu auditionner. En outre, lorsque la commission des lois a étudié cette sanction civile, elle s’est toujours montrée très réservée sur sa création dans notre droit interne.
Quatrièmement, tant le Conseil d’État que la direction des affaires civiles et du sceau ont fait part de leurs réserves, voire de leur opposition à la création d’une amende civile, à la fois pour des raisons de forme – je viens de les évoquer – et de fond. En effet, le dispositif proposé présente plusieurs fragilités juridiques, exposant ce texte à la censure du Conseil constitutionnel.
Cinquièmement, vous avez presque tous mentionné la création d’un fonds pour aider les actions de groupe ; mais la loi Hamon l’évoque déjà. Or c’est bien par-là que pèche aussi cette sanction civile, dont le produit va tout simplement dans les caisses du Trésor public. Elle vise donc complètement à côté de sa cible !
On créerait une sanction civile dotée de toutes les caractéristiques d’une sanction pénale, mais qui n’aurait pas pour finalité d’aider les associations à financer leurs actions de groupe et dont le produit ne ferait qu’enrichir le Trésor public.
Quel serait l’intérêt de créer une telle sanction ? Nous aurions pu débattre du fond, si son produit avait été fléché vers les associations. En l’espèce, il s’agit de créer, dans un titre du code civil, une sanction civile applicable partout et en tout temps, qui n’est même pas liée à l’action de groupe alors qu’elle est adossée à cette procédure.
Pour toutes ces raisons, et chacune se suffisant à elle-même, la commission demande le retrait de ces amendements ; à défaut, elle y sera défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Marie Lebec, ministre déléguée. Le Gouvernement partage l’avis de la commission, fort bien argumenté par le rapporteur.
À l’origine, le Gouvernement était favorable à la position d’équilibre trouvée par la commission des lois du Sénat. La suppression de l’article nous a paru opportune, puisqu’elle permet notamment de lever les fragilités juridiques présentes dans le texte adopté par l’Assemblée nationale, notamment au regard du principe de légalité des délits et des peines, en l’absence d’une définition claire et précise de la notion de faute lucrative.
Autre fragilité : le manquement du professionnel à une obligation caractérisée n’est pas davantage précisé.
En outre, la notion de dommage sériel, comprise comme « un ou des dommages causés à plusieurs personnes physiques ou morales placées dans une situation similaire », est inconnue du droit civil.
Par ailleurs, le texte pose le principe d’un cumul possible de cette sanction avec une amende administrative ou pénale, mais la rédaction retenue est trop générale et ne donne pas les leviers nécessaires au juge pour apprécier de manière précise la proportionnalité d’une telle sanction.
Si cet article était réintégré, il soulèverait un certain nombre de questions à propos de sa mise en œuvre et de l’effectivité des mesures.
Enfin, la directive européenne, que la proposition de loi tend à transposer, n’impose pas de telles sanctions.
Pour toutes ces raisons, et pour celles aussi que M. le rapporteur a évoquées, le Gouvernement émet un avis défavorable sur ces amendements.
Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 19 rectifié, 38 et 49.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
Mme la présidente. En conséquence, l’article 2 undecies demeure supprimé.
Chapitre II
Habilitation à exercer des actions représentatives transfrontières
Article 2 duodecies A
Pour l’application du présent chapitre, on entend par action de groupe transfrontière une action de groupe intentée par un demandeur devant une juridiction ou une autorité compétente d’un État membre de l’Union européenne autre que celui dans lequel le demandeur a été désigné, en application de l’article 4 de la directive (UE) 2020/1828 du Parlement européen et du Conseil du 25 novembre 2020 relative aux actions représentatives visant à protéger les intérêts collectifs des consommateurs et abrogeant la directive 2009/22/CE. (Adopté.)
Article 2 duodecies
Dans des conditions définies par décret, le ministre chargé de la consommation délivre un agrément permettant d’exercer des actions représentatives transfrontières, au sens de la directive (UE) 2020/1828 du Parlement européen et du Conseil du 25 novembre 2020 relative aux actions représentatives visant à protéger les intérêts collectifs des consommateurs et abrogeant la directive 2009/22/CE, aux personnes morales qui :
1° Justifient à la date du dépôt de leur demande d’agrément de l’exercice d’une activité effective et publique de douze mois consécutifs dans la protection des intérêts des consommateurs ;
2° Ont un objet statutaire qui démontre qu’elles ont un intérêt légitime à protéger les intérêts des consommateurs ;
3° Poursuivent un but non lucratif ;
4° Ne font pas l’objet, à la date du dépôt de leur demande d’agrément, d’une procédure collective prévue au livre IV du code du commerce, d’une procédure d’insolvabilité et ne sont pas déclarées insolvables ;
5° Sont indépendantes et ne sont pas influencées par des personnes autres que des consommateurs, en particulier par des professionnels, ayant un intérêt économique dans l’introduction d’une quelconque action représentative, y compris en cas de financement par des tiers. Elles ont adopté à cette fin des procédures écrites de prévention et de gestion des conflits d’intérêts ;
6° Mettent à la disposition du public, par tout moyen approprié, des informations sur leur objet statutaire, sur leurs activités, sur les sources principales de leur financement et sur leur organisation.
Le ministre chargé de la consommation assure la publication et la mise à la disposition du public de la liste des personnes morales qu’il a agréées à l’avance aux fins d’intenter des actions représentatives transfrontières au sens de la directive (UE) 2020/1828 du Parlement européen et du Conseil du 25 novembre 2020 précitée.
Mme la présidente. L’amendement n° 12, présenté par Mme N. Goulet, est ainsi libellé :
Alinéa 7
Après le mot :
approprié
insérer les mots :
et dans les langues officielles de l’Union européenne
La parole est à Mme Nathalie Goulet.
Mme Nathalie Goulet. L’alinéa 7 de l’article 2 duodecies prévoit qu’il faut mettre à disposition du public, par tout moyen approprié, des informations relatives aux actions engagées.
S’agissant d’actions de groupe transfrontières, je me suis demandé quelles langues seraient utilisées pour communiquer lesdites informations.
Aussi, je propose un amendement visant à préciser qu’il s’agit des « langues officielles de l’Union européenne », parce qu’il s’agit d’actions transfrontières.
Dans le cas d’une action franco-espagnole ou entre la Lituanie et la Pologne, quelles seraient les langues utilisées ? Je l’ignore, d’où cet amendement d’appel, qui va recevoir, j’en suis sûre, l’approbation de notre commission. (Sourires.)
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Christophe-André Frassa, rapporteur. Madame Goulet, vous nous proposez d’organiser un festival dans les vingt-quatre langues de l’Union européenne afin de pouvoir obtenir l’agrément du ministre chargé de la consommation.
Une telle mesure ne serait pas conforme à la directive, dont l’article 4 précise que, pour exercer une action de groupe transfrontière, les personnes morales doivent mettre à disposition du public des informations sur les sources de leur financement, leur structure organisationnelle, leurs activités, etc. À défaut, elles ne peuvent être désignées comme qu’entités qualifiées pour exercer des actions de groupe transfrontières.
En revanche, la directive ne précise en aucun cas que ces informations doivent être mises à disposition du public dans toutes les langues de l’Union européenne pour pouvoir exercer des actions de groupe transfrontières.
Une telle précision ajouterait une nouvelle obligation non prévue par la directive et ne serait donc pas conforme au droit européen.
En outre, cette obligation supplémentaire induirait des coûts très importants pour les associations souhaitant exercer des actions de groupe transfrontières, alors même que leur situation financière est souvent plutôt fragile.
Pour ces raisons, la commission demande le retrait de cet amendement ; à défaut, elle y sera défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Marie Lebec, ministre déléguée. Madame Goulet, plus tôt dans nos débats, vous avez rappelé à très juste titre que la question de l’accessibilité de la justice était essentielle. J’entends donc votre proposition sur le recours aux différentes langues de l’Union européenne.
Néanmoins, et pour reprendre l’argument avancé par M. le rapporteur, une telle mesure soulève la question des moyens financiers. Souvent, en effet, les entités qui exercent des actions représentatives transfrontières ont peu de moyens. À cet égard, l’adoption de votre amendement créerait une charge excessive pour les associations : avis défavorable.