Sommaire
Secrétaires :
M. Jean-Michel Arnaud, Mme Catherine Conconne.
2. Candidature à une délégation sénatoriale
augmentation du coût des assurances pour les communes
Question n° 923 de Mme Marie-Arlette Carlotti. – Mme Sylvie Retailleau, ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche.
ligne ferroviaire transport-express-régional entre abbeville et le tréport
Question n° 1020 de M. Laurent Somon. – Mme Sylvie Retailleau, ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche ; M. Laurent Somon.
indemnisation des dommages liés aux grands prédateurs d’amazonie
Question n° 176 de M. Georges Patient. – Mme Sylvie Retailleau, ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche.
Question n° 1055 de M. Jean-Baptiste Blanc. – Mme Sylvie Retailleau, ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche ; M. Jean-Baptiste Blanc.
agents de développement des fédérations départementales des chasseurs et engrillagement
Question n° 1056 de M. Laurent Burgoa. – Mme Sylvie Retailleau, ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche ; M. Laurent Burgoa.
situation des antennes régionales de France Télévisions
Question n° 985 de M. Christian Redon-Sarrazy. – Mme Rachida Dati, ministre de la culture ; M. Christian Redon-Sarrazy.
réforme de la taxe d’aménagement par la loi de finances pour 2021
Question n° 1057 de Mme Sylviane Noël. – M. Christophe Béchu, ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires ; Mme Sylviane Noël.
difficultés rencontrées dans le déploiement des ombrières photovoltaïques
Question n° 1060 de M. Didier Mandelli. – M. Christophe Béchu, ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires ; M. Didier Mandelli.
dotation biodiversité et communes couvertes par des terrains militaires
Question n° 1061 de M. Rémy Pointereau. – M. Christophe Béchu, ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires ; M. Rémy Pointereau.
exploitation des friches minières et poursuite des objectifs énergétiques européens
Question n° 1029 de M. Jean-François Rapin. – M. Christophe Béchu, ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires ; M. Jean-François Rapin.
revaloriser tous les secrétaires de mairie
Question n° 1036 de M. Cédric Chevalier. – M. Christophe Béchu, ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires ; M. Cédric Chevalier.
transport d’instruments de musique par le réseau sncf
Question n° 1037 de M. Jean-Raymond Hugonet. – M. Christophe Béchu, ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires ; M. Jean-Raymond Hugonet.
assouplissement de modalités du transfert obligatoire de la compétence eau et assainissement
Question n° 1043 de M. Olivier Rietmann. – M. Christophe Béchu, ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires ; M. Olivier Rietmann.
hausse des tarifs des péages d’infrastructure ferroviaire par sncf réseau
Question n° 1044 de M. Hervé Gillé. – M. Christophe Béchu, ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires ; M. Hervé Gillé.
dispositifs d’alerte de crue en temps réel
Question n° 857 de Mme Anne Ventalon. – M. Christophe Béchu, ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires ; Mme Anne Ventalon.
difficultés d’élus face à l’absence de souplesse de l’administration
Question n° 1032 de M. Stéphane Piednoir. – M. Christophe Béchu, ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires ; M. Stéphane Piednoir.
exonération de taxe foncière de longue durée
Question n° 1027 de M. Hervé Reynaud. – M. Christophe Béchu, ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires ; M. Hervé Reynaud.
immatriculation et assurance des remorques agricoles
Question n° 1039 de M. Bernard Buis. – M. Christophe Béchu, ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.
difficultés pour les collectivités locales à s’assurer
Question n° 903 de Mme Else Joseph. – M. Christophe Béchu, ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires ; Mme Else Joseph.
statut des secrétaires de mairie
Question n° 820 de M. Hervé Maurey. – M. Christophe Béchu, ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires ; M. Hervé Maurey.
situation de l’hôpital de redon-carentoir
Question n° 937 de M. Daniel Salmon. – Mme Aurore Bergé, ministre déléguée auprès du Premier ministre, chargée de l’égalité entre les femmes et les hommes et de la lutte contre les discriminations ; M. Daniel Salmon.
contamination de l’eau potable en charente par le chlorothalonil-r471811
Question n° 962 de Mme Nicole Bonnefoy. – Mme Aurore Bergé, ministre déléguée auprès du Premier ministre, chargée de l’égalité entre les femmes et les hommes et de la lutte contre les discriminations ; Mme Nicole Bonnefoy.
fermetures répétées des services des urgences en gironde
Question n° 913 de Mme Monique de Marco. – Mme Aurore Bergé, ministre déléguée auprès du Premier ministre, chargée de l’égalité entre les femmes et les hommes et de la lutte contre les discriminations ; Mme Monique de Marco.
Question n° 997 de M. Fabien Genet. – Mme Aurore Bergé, ministre déléguée auprès du Premier ministre, chargée de l’égalité entre les femmes et les hommes et de la lutte contre les discriminations ; M. Fabien Genet.
prise en charge des enfants atteints d’un trouble du spectre de l’autisme
Question n° 949 de Mme Laurence Harribey. – Mme Aurore Bergé, ministre déléguée auprès du Premier ministre, chargée de l’égalité entre les femmes et les hommes et de la lutte contre les discriminations ; Mme Laurence Harribey.
Question n° 1033 de Mme Marie-Laure Phinera-Horth. – Mme Aurore Bergé, ministre déléguée auprès du Premier ministre, chargée de l’égalité entre les femmes et les hommes et de la lutte contre les discriminations.
Question n° 938 de M. Cédric Perrin. – Mme Aurore Bergé, ministre déléguée auprès du Premier ministre, chargée de l’égalité entre les femmes et les hommes et de la lutte contre les discriminations ; M. Cédric Perrin.
difficultés d’accès aux soins infirmiers et de rééducation dans la ruralité
Question n° 1045 de M. Jean-Yves Roux. – Mme Aurore Bergé, ministre déléguée auprès du Premier ministre, chargée de l’égalité entre les femmes et les hommes et de la lutte contre les discriminations ; M. Jean-Yves Roux.
avenir du centre hospitalier du centre bretagne
Question n° 1047 de M. Simon Uzenat. – Mme Aurore Bergé, ministre déléguée auprès du Premier ministre, chargée de l’égalité entre les femmes et les hommes et de la lutte contre les discriminations ; M. Simon Uzenat.
assistantes maternelles impayées
Question n° 1046 de M. Henri Cabanel. – Mme Aurore Bergé, ministre déléguée auprès du Premier ministre, chargée de l’égalité entre les femmes et les hommes et de la lutte contre les discriminations ; M. Henri Cabanel.
publication du décret relatif à l’implantation des officines de pharmacie
Question n° 1054 de Mme Marianne Margaté. – Mme Aurore Bergé, ministre déléguée auprès du Premier ministre, chargée de l’égalité entre les femmes et les hommes et de la lutte contre les discriminations ; Mme Marianne Margaté.
eau potable et présence de chlorothalonil
Question n° 977 de M. Daniel Laurent. – Mme Aurore Bergé, ministre déléguée auprès du Premier ministre, chargée de l’égalité entre les femmes et les hommes et de la lutte contre les discriminations ; M. Daniel Laurent.
Question n° 961 de Mme Antoinette Guhl. – Mme Aurore Bergé, ministre déléguée auprès du Premier ministre, chargée de l’égalité entre les femmes et les hommes et de la lutte contre les discriminations.
création d’une assurance publique pour les collectivités territoriales
Question n° 964 de M. Rachid Temal. – Mme Aurore Bergé, ministre déléguée auprès du Premier ministre, chargée de l’égalité entre les femmes et les hommes et de la lutte contre les discriminations ; M. Rachid Temal.
barrières entravant le développement de la petite hydroélectricité en france
Question n° 1022 de Mme Martine Berthet. – Mme Aurore Bergé, ministre déléguée auprès du Premier ministre, chargée de l’égalité entre les femmes et les hommes et de la lutte contre les discriminations ; Mme Martine Berthet.
assujettissement à la taxe d’habitation des maisons d’assistants maternels
Question n° 1035 de M. Olivier Paccaud. – Mme Aurore Bergé, ministre déléguée auprès du Premier ministre, chargée de l’égalité entre les femmes et les hommes et de la lutte contre les discriminations ; M. Olivier Paccaud.
Question n° 332 de Mme Catherine Belrhiti. – Mme Aurore Bergé, ministre déléguée auprès du Premier ministre, chargée de l’égalité entre les femmes et les hommes et de la lutte contre les discriminations ; Mme Catherine Belrhiti.
crise de l’apiculture française
Question n° 970 de Mme Dominique Estrosi Sassone. – Mme Aurore Bergé, ministre déléguée auprès du Premier ministre, chargée de l’égalité entre les femmes et les hommes et de la lutte contre les discriminations ; Mme Dominique Estrosi Sassone.
Question n° 1018 de M. Jean-Jacques Michau. – Mme Aurore Bergé, ministre déléguée auprès du Premier ministre, chargée de l’égalité entre les femmes et les hommes et de la lutte contre les discriminations ; M. Jean-Jacques Michau.
Question n° 948 de M. Lucien Stanzione. – Mme Aurore Bergé, ministre déléguée auprès du Premier ministre, chargée de l’égalité entre les femmes et les hommes et de la lutte contre les discriminations.
conditions de la rentrée scolaire de 2024 en seine-maritime
Question n° 1041 de Mme Céline Brulin. – Mme Aurore Bergé, ministre déléguée auprès du Premier ministre, chargée de l’égalité entre les femmes et les hommes et de la lutte contre les discriminations.
propositions d’évolution des programmes petites villes de demain et villages d’avenir en outre-mer
Question n° 1051 de M. Frédéric Buval. – Mme Aurore Bergé, ministre déléguée auprès du Premier ministre, chargée de l’égalité entre les femmes et les hommes et de la lutte contre les discriminations ; M. Frédéric Buval.
continuité territoriale dans les outre-mer
Question n° 1030 de Mme Solanges Nadille. – Mme Aurore Bergé, ministre déléguée auprès du Premier ministre, chargée de l’égalité entre les femmes et les hommes et de la lutte contre les discriminations.
Suspension et reprise de la séance
PRÉSIDENCE DE Mme Sylvie Robert
5. Société du bien-vieillir en France. – Suite de la discussion en procédure accélérée et adoption d’une proposition de loi dans le texte de la commission modifié
Adoption, par scrutin public solennel n° 115, de la proposition de loi dans le texte de la commission, modifié.
Mme Catherine Vautrin, ministre du travail, de la santé et des solidarités
M. Philippe Mouiller, président de la commission des affaires sociales
Suspension et reprise de la séance
6. Mise au point au sujet d’un vote
7. Violences intrafamiliales. – Adoption en deuxième lecture d’une proposition de loi dans le texte de la commission modifié
Discussion générale :
M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice
Mme Marie Mercier, rapporteur de la commission des lois
Clôture de la discussion générale.
Amendement n° 9 de Mme Evelyne Corbière Naminzo
Amendement n° 10 de Mme Evelyne Corbière Naminzo
Suspension et reprise de la séance
Demande de priorité de vote sur les amendements nos 4 rectifié bis et 12 rectifié. – M. François-Noël Buffet, président de la commission des lois ; M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. – La priorité de vote est ordonnée.
Rectification des amendements nos 7 et 3 rectifié bis, rendus identiques aux amendements nos 4 rectifié bis et 12 rectifié.
Amendements identiques nos 4 rectifié bis de Mme Annick Billon, 12 rectifié de Mme Dominique Vérien, 7 rectifié de M. Thani Mohamed Soilihi et 3 rectifié ter de Mme Nathalie Delattre (suite). – Adoption, par scrutin public n° 116, des quatre amendements rédigeant l’article.
Amendement n° 9 de Mme Evelyne Corbière Naminzo (suite). – Devenu sans objet.
Amendements identiques nos 1 rectifié ter de Mme Annick Billon, 2 de Mme Laurence Harribey et 13 de Mme Mélanie Vogel (suite). – Devenus sans objet.
Amendement n° 10 de Mme Evelyne Corbière Naminzo (suite). – Devenu sans objet.
Amendement n° 14 de Mme Mélanie Vogel. – Devenu sans objet.
Articles 2, 2 ter, 3 et 4 – Adoption.
Adoption de la proposition de loi dans le texte de la commission, modifié.
Suspension et reprise de la séance
8. Mises au point au sujet de votes
9. Régime juridique des actions de groupe. – Adoption en procédure accélérée d’une proposition de loi dans le texte de la commission modifié
Discussion générale :
M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice
M. Christophe-André Frassa, rapporteur de la commission des lois
Clôture de la discussion générale.
Amendement n° 25 de Mme Mélanie Vogel. – Rejet.
Adoption de l’article.
Adoption de l’article.
Amendement n° 27 de Mme Mélanie Vogel. – Rejet.
Amendement n° 52 du Gouvernement. – Rejet.
Amendement n° 7 de Mme Nathalie Goulet. – Retrait.
Amendement n° 1 rectifié bis de Mme Nathalie Goulet. – Rejet.
Amendement n° 46 de M. Pascal Savoldelli. – Rejet.
Amendement n° 47 de M. Éric Bocquet. – Rejet.
Amendement n° 8 rectifié ter de Mme Nathalie Goulet. – Adoption.
Amendement n° 51 de M. Éric Bocquet. – Adoption.
Amendement n° 6 de Mme Nathalie Goulet. – Retrait.
Adoption de l’article modifié.
Article 1er quater AA (nouveau)
Amendement n° 3 de Mme Nathalie Goulet. – Retrait.
Amendement n° 2 de Mme Nathalie Goulet. – Retrait.
Amendement n° 53 du Gouvernement. – Adoption.
Amendement n° 4 de Mme Nathalie Goulet. – Retrait.
Amendement n° 5 de Mme Nathalie Goulet. – Retrait.
Adoption de l’article modifié.
Amendement n° 44 de M. Éric Bocquet. – Rejet.
Amendement n° 29 de Mme Mélanie Vogel. – Rejet.
Amendement n° 17 rectifié de Mme Nathalie Delattre. – Adoption.
Adoption de l’article modifié.
Amendement n° 30 de Mme Mélanie Vogel. – Rejet.
Adoption de l’article.
Amendement n° 56 de la commission. – Adoption.
Amendement n° 41 de Mme Mélanie Vogel. – Retrait.
Adoption de l’article modifié.
Suspension et reprise de la séance
PRÉSIDENCE DE Mme Sophie Primas
Amendement n° 55 du Gouvernement. – Adoption.
Adoption de l’article modifié.
Amendement n° 31 de Mme Mélanie Vogel. – Rejet.
Amendement n° 9 de Mme Nathalie Goulet. – Retrait.
Adoption de l’article.
Article 1er octies – Adoption.
Amendement n° 16 de Mme Nathalie Goulet. – Retrait.
Adoption de l’article.
Amendement n° 32 de Mme Mélanie Vogel. – Rejet.
Adoption de l’article.
Amendement n° 43 de M. Éric Bocquet. – Adoption.
Adoption de l’article modifié.
Amendement n° 18 rectifié de Mme Nathalie Delattre. – Retrait.
Amendement n° 10 de Mme Nathalie Goulet. – Retrait.
Adoption de l’article.
Amendement n° 33 de Mme Mélanie Vogel. – Rejet.
Adoption de l’article.
Amendement n° 34 de Mme Mélanie Vogel. – Rejet.
Articles 2 bis, 2 ter et 2 quater – Adoption.
Article 2 quinquies A (supprimé)
Amendement n° 50 de M. Hussein Bourgi. – Rejet.
L’article demeure supprimé.
Article 2 quinquies – Adoption.
Amendement n° 35 de Mme Mélanie Vogel. – Rejet.
Adoption de l’article.
Articles 2 septies, 2 octies et 2 nonies – Adoption.
Amendement n° 36 de Mme Mélanie Vogel. – Rejet.
Amendement n° 37 de Mme Mélanie Vogel. – Rejet.
L’article demeure supprimé.
Article 2 duodecies A – Adoption.
Amendement n° 12 de Mme Nathalie Goulet. – Retrait.
Amendement n° 39 de Mme Mélanie Vogel. – Adoption.
Adoption de l’article modifié.
Articles 2 terdecies A, 2 terdecies et 2 quaterdecies – Adoption.
Articles 2 quindecies et 2 sexdecies (supprimés)
Article 2 septdecies (nouveau) – Adoption.
Amendement n° 20 rectifié de M. Hussein Bourgi. – Rejet.
Amendement n° 54 du Gouvernement. – Adoption.
Amendement n° 57 de la commission. – Adoption.
Amendement n° 22 rectifié de M. Patrice Joly. – Rejet.
Adoption de l’article modifié.
Articles 4 à 6 (suppressions maintenues)
Adoption, par scrutin public n° 117, de la proposition de loi dans le texte de la commission, modifié.
10. Ordre du jour
Nomination d’un membre d’une délégation sénatoriale
compte rendu intégral
Présidence de M. Alain Marc
vice-président
Secrétaires :
M. Jean-Michel Arnaud,
Mme Catherine Conconne.
1
Procès-verbal
M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n’y a pas d’observation ?…
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.
2
Candidature à une délégation sénatoriale
M. le président. J’informe le Sénat qu’une candidature pour siéger au sein de la délégation sénatoriale à la prospective a été publiée.
Cette candidature sera ratifiée si la présidence n’a pas reçu d’opposition dans le délai d’une heure prévu par notre règlement.
3
Questions orales
M. le président. L’ordre du jour appelle les réponses à des questions orales.
augmentation du coût des assurances pour les communes
M. le président. La parole est à Mme Marie-Arlette Carlotti, auteure de la question n° 923, adressée à M. le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.
Mme Marie-Arlette Carlotti. Lors des émeutes de juin 2023, de nombreux bâtiments publics et mobiliers urbains ont été détruits. Nous avons tous été indignés par ces saccages et les avons condamnés avec la plus grande fermeté.
Les maires dont les bâtiments publics ont été vandalisés ont considéré qu’une minorité d’individus ne devait pas porter préjudice à l’ensemble de la population. Ils ont donc entrepris au plus vite des travaux pour réparer et rouvrir le plus rapidement possible les écoles publiques, les centres sociaux ou même leurs mairies, qui ont été saccagées.
Les assureurs disent désormais ne plus pouvoir prendre en charge ce type de contrat avec les collectivités territoriales et répondent de moins en moins aux appels d’offres. Quand certains décident finalement de le faire, ils proposent de nouveaux tarifs indécents.
Les communes subissent une explosion de leurs cotisations ou de la franchise de leur assurance. Certaines ont même vu leur contrat résilié. C’est une très mauvaise nouvelle, une de plus pour les maires, qui doivent déjà faire face à bien d’autres difficultés financières.
Élisabeth Borne, alors Première ministre, avait annoncé le 26 octobre qu’une enveloppe de 100 millions d’euros serait débloquée pour aider les villes à se reconstruire, et ce lorsque le reste à charge serait particulièrement élevé. Pour bénéficier de ce financement, il fallait procéder à une estimation. Je pense que c’est chose faite depuis la fin de l’année 2023.
Nous avons à ce jour très peu d’informations sur ce dispositif. Aussi, madame la ministre, je vous demande comment cette enveloppe sera mise en place. Où en est-on ? Dans quels délais ces fonds seront-ils débloqués et selon quelles modalités pourra-t-on y accéder ? Ces fonds seront-ils suffisants ?
Le Sénat prend ce sujet très au sérieux. Une mission d’information a ainsi été créée voilà quelques jours à peine sur les difficultés que rencontrent les collectivités territoriales pour s’assurer. Le Sénat a aussi lancé une consultation en ligne des élus locaux afin de recueillir leurs témoignages.
Après les émeutes de l’été dernier et la répétition des catastrophes naturelles, les communes sont très exposées et attendent des réponses fermes du Gouvernement.
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Sylvie Retailleau, ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche. Madame la sénatrice Carlotti, les mesures annoncées afin de permettre la réparation des dégâts causés par les violences urbaines qui ont eu lieu du 27 juin au 5 juillet ont très rapidement été mises en œuvre.
D’abord, sur le plan législatif, la loi relative à l’accélération de la reconstruction et de la réfection des bâtiments dégradés ou détruits au cours des violences urbaines survenues du 27 juin au 5 juillet 2023 a été adoptée dès le 25 juillet. Les deux ordonnances prévues par cette loi ont été adoptées en conseil des ministres dès le 13 septembre.
Sur le plan financier, ensuite, une circulaire a été adressée dès le 7 juillet, c’est-à-dire au lendemain des événements, afin de préciser les modalités d’accompagnement des collectivités pour la réparation des dégâts.
Le fonds dédié annoncé dans cette circulaire, qui doit venir compléter les remboursements octroyés par les assurances, a été abondé par des ouvertures de crédits en loi de finances de fin de gestion pour 2023 et a fait l’objet d’une seconde circulaire publiée le 20 décembre. Au total, 106 millions d’euros ont été rendus disponibles pour l’accompagnement des collectivités territoriales.
Parallèlement, le travail a été engagé avec les collectivités et les assureurs afin d’évaluer les réparations à effectuer. Dans les départements dont le montant des dégâts dépassait le seuil de 15 millions d’euros, une mission inter-inspections a été diligentée afin d’objectiver le montant des dégâts et d’accompagner les services territoriaux. Quatre missions ont été réalisées à la suite de ces événements.
Au titre de l’année 2023, près de 20 millions d’euros ont d’ores et déjà été engagés au profit des collectivités qui soit n’étaient pas assurées, soit connaissaient déjà précisément le montant de leur indemnité d’assurance.
Les collectivités qui n’ont pas encore reçu de subventions au 31 décembre sont celles qui sont assurées et qui ne connaissent pas encore le montant de leur indemnité d’assurance. L’État, à travers ce fonds exceptionnel, a en effet vocation à couvrir le reste à charge des collectivités après intervention des assurances.
Afin de tenir les engagements pris par le Gouvernement, les crédits non consommés à la fin de l’année 2023 au titre du fonds seront reportés sur 2024 pour être engagés au bénéfice des collectivités.
ligne ferroviaire transport-express-régional entre abbeville et le tréport
M. le président. La parole est à M. Laurent Somon, auteur de la question n° 1020, adressée à M. le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.
M. Laurent Somon. Ma question s’adressait plus particulièrement au ministre chargé des transports, dont nous allons bientôt, je l’espère, connaître l’identité…
Elle porte sur les cinq années de promesses de réouverture faites aux élus et aux usagers de la ligne ferroviaire TER entre Abbeville, dans la Somme, et Le Tréport, en Seine-Maritime.
Le dernier épisode de cette saga poussive date du 23 novembre : le volet relatif à la mobilité du contrat de plan État-région (CPER) qui a été voté ne prévoit pas la rénovation de la ligne.
Le devis de la ridectomie est douloureux : de 40 millions d’euros en 2018, il est porté à 140 millions d’euros aujourd’hui pour 35 kilomètres de lignes, 900 voyageurs par jour, 12 allers-retours quotidiens, une desserte pour les salariés du Vimeu, des correspondances à Abbeville et la remise en service de la liaison entre Laon, dans l’Aisne, à l’est de la Picardie, et le littoral normand et picard.
Si les promesses font saliver, l’addition est bien salée !
Le vent de jeunesse des mobilités va-t-il enfin souffler dans le nord de la France ?
Je rappelle que nous sommes la première région éolienne de France. En effet, malgré la contestation des élus et des habitants, la région contribue en la matière aux objectifs fixés par le Gouvernement. À ces éoliennes, il faut ajouter les deux réacteurs nucléaires EPR de nouvelle génération et la ligne à haute tension de transport, qui a un impact sur l’ouest du territoire, engagé dans cette transition écologique.
Si je ne me trompe, c’est l’État qui a la responsabilité du financement des infrastructures. Le ping-pong sans fin devient inquiétant, même si l’élan olympique est au goût du jour à la veille des jeux.
Aidez les territoires ruraux ! La promesse est l’un des moyens de lutter contre ce qu’Hannah Arendt appelait « la chaotique incertitude de l’avenir », mais la promesse reste pour vous un îlot de sécurité.
Je vous demande donc la réponse officielle du Gouvernement : que cache le devis de 140 millions d’euros ? Les usagers des territoires de la Somme et de la Seine-Maritime reprendront-ils la ligne Abbeville-Le Tréport ? Accepterez-vous enfin, monsieur le ministre, de recevoir les parlementaires qui sollicitent depuis de nombreux mois une entrevue avec le ministre chargé des transports ?
M. Laurent Burgoa. Très bien !
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Sylvie Retailleau, ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche. Monsieur le sénateur Somon, la ligne Abbeville-Le Tréport fait effectivement depuis plusieurs années l’objet de l’attention et de l’engagement de l’État et de la région Hauts-de-France.
Elle fait partie des lignes couvertes par le protocole d’accord entre l’État et la région sur l’avenir des lignes ferroviaires de desserte fine du territoire, signé le 18 mars 2022. Ce dernier prévoit que les investissements de régénération seront cofinancés par la région, à hauteur de 80 %, et par la sphère État, à hauteur de 20 %.
Dans le cadre du contrat de plan État-région 2015-2022, les études d’avant-projet sommaire de réouverture de la ligne ont été réalisées. Depuis, la région Hauts-de-France a délibéré, le 23 novembre 2023, sur un projet de protocole d’accord concernant l’intégration du volet mobilité 2023-2027 au CPER 2021-2027 n’incluant pas le projet de réouverture de la ligne Abbeville-Le Tréport.
À ce stade, l’État n’a pas formalisé son accord sur ce protocole. Néanmoins, un accord pour la poursuite des études sur la restauration de la liaison a été conclu à la fin de 2023 entre l’État et la région. Ces études, qui seront à l’ordre du jour du prochain comité de pilotage prévu le 8 février, n’excluront aucun scénario de desserte.
Cet accord traduit la continuité du soutien de l’État au développement de l’offre de transports la plus pertinente au service des usagers de la ligne Abbeville-Le Tréport, sachant que c’est à la région, en tant qu’autorité organisatrice du transport ferroviaire régional, qu’il revient de définir cette offre.
M. le président. La parole est à M. Laurent Somon, pour la réplique.
M. Laurent Somon. La région s’est engagée à financer cette ligne à hauteur du montant prévu dans le premier protocole d’accord. Elle était même prête à faire un léger effort supplémentaire.
Aujourd’hui, nous attendons seulement la réponse du Gouvernement. Faire porter la responsabilité du retard qui a été pris à la région, c’est mentir. La région est prête à agir. Lors de la réunion qui s’est tenue à Feuquières-en-Vimeu voilà quelques semaines, elle a réaffirmé son engagement financier en faveur de ce projet.
indemnisation des dommages liés aux grands prédateurs d’amazonie
M. le président. La parole est à M. Georges Patient, auteur de la question n° 176, adressée à M. le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.
M. Georges Patient. Madame la ministre, la Guyane, comme les autres territoires ultramarins, souffre d’un déficit grandissant de production agricole. Selon les dernières données disponibles, elle importe tous les ans les deux tiers de son alimentation.
Pourtant, son agriculture se développe et le nombre d’exploitations augmente régulièrement, tout comme la surface utile agricole, mais cela reste insuffisant pour accompagner une forte croissance démographique.
Les freins sont connus : difficulté d’accès au foncier ; coût de sa mise en valeur ; réglementation phytosanitaire européenne inadaptée ; aides européennes fléchées principalement vers les cultures d’exportation, dont la Guyane ne bénéficie pas.
S’il est un domaine de la production agricole qui cumule les difficultés, c’est celui de l’élevage. La production locale couvre ainsi 29 % de la consommation locale pour ce qui est de la viande de bœuf, et à peine 1 % – oui 1 % ! – pour la volaille.
Aux difficultés recensées s’ajoutent, pour les éleveurs, les attaques de grands félins. Jaguars et pumas font des ravages dans les élevages : 442 animaux d’élevage ont ainsi été tués par des félins en 2022 au cours de 107 attaques officiellement répertoriées, soit le double du nombre qui a été enregistré en 2021. Au total, 60 % des éleveurs de Guyane déclarent avoir été victimes de ces félins.
Et encore le problème est-il probablement sous-estimé, car, contrairement à ce qui existe dans l’Hexagone pour le loup, l’ours ou le lynx, aucune indemnisation n’est prévue pour l’éleveur guyanais.
Le programme Cofeel – coexistence félins-élevage –, dans le cadre duquel sont testées depuis 2018 en Guyane des solutions permettant la coexistence entre l’élevage et la faune sauvage, ne donne pas satisfaction. Il est illusoire d’imaginer éradiquer complètement les attaques de félins.
C’est pourquoi il faut instaurer rapidement un régime d’indemnisation des prédations dues aux félins de la forêt amazonienne et, pour cela, soumettre rapidement à l’Union européenne une demande de révision du régime-cadre d’aides d’État.
Madame la ministre, que comptez-vous faire pour nos éleveurs de Guyane ? N’attendez pas qu’ils mettent tous la clé sous la porte !
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Sylvie Retailleau, ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche. Monsieur le sénateur Patient, le Gouvernement est sensible aux difficultés rencontrées par les éleveurs de Guyane confrontés à la déprédation par les félins de la forêt amazonienne, en premier lieu le jaguar et le puma.
La prise en compte de ces espèces dans le régime d’indemnisation des dommages dus aux grands prédateurs, actuellement limité au loup, à l’ours et au lynx, ne serait possible que s’il s’agissait d’espèces protégées. Ce régime constitue effectivement une aide d’État au sens du droit européen. Aujourd’hui, le jaguar et le puma sont des espèces qui ne sont pas protégées, mais qui, tout en étant en principe chassables, font l’objet d’un quota zéro.
Un éventuel changement de statut de ces espèces, qui soulève, entre autres problèmes, des questions de droit international, est en cours d’examen. Je rappelle qu’elles sont toutes deux considérées comme quasi menacées dans la liste rouge des mammifères de Guyane établie en 2017.
Dans l’attente, le ministère apporte depuis 2022 un soutien financier à l’association Hisa, pour Human Initiatives to Save Animals, qui conseille et sensibilise les éleveurs aux attaques de félins. Des mesures de protection sont ainsi en cours de test au sein d’un réseau de fermes-pilotes qui s’étend. Nous suivons cette question avec attention.
prise en compte des logements de fonction dans les obligations de la loi relative à la solidarité et au renouvellement urbains
M. le président. La parole est à M. Jean-Baptiste Blanc, auteur de la question n° 1055, adressée à M. le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.
M. Jean-Baptiste Blanc. Madame la ministre, je souhaite attirer l’attention du Gouvernement sur le cas spécifique de la commune de Robion, qui fait face à un problème que rencontrent en réalité bien d’autres communes en France.
Cette commune a récemment été déclarée carencée en matière de logements sociaux et soumise à une amende annuelle de 135 000 euros au titre de l’article 55 de la célèbre loi relative à la solidarité et au renouvellement urbains, dite loi SRU.
Malgré ses contraintes budgétaires et ses obligations en matière de prévention des risques naturels, elle a pourtant manifesté un engagement concret en faveur de l’habitat public, notamment par la construction de logements pour gendarmes. Ces logements sont essentiels pour le bien-être des forces de l’ordre et, par extension, pour la sécurité de la région. Alors pourquoi ne sont-ils pas pris en compte dans l’évaluation des obligations de la commune au titre de la loi SRU ?
Cet oubli ne reflète pas la réalité des efforts consentis ni l’esprit de solidarité et de renouvellement urbains que la loi est censée promouvoir.
Cette commune et, au-delà, toutes les communes de France concernées par ce problème, mérite une politique qui reconnaisse et valorise pleinement ses efforts, une politique, qui, au lieu de sanctionner, encourage et soutienne les initiatives locales contribuant à l’offre de logements publics.
Face à cette situation, madame la ministre, ne conviendrait-il pas d’adapter enfin les critères de l’article 55 de la loi SRU pour y intégrer les logements de fonction, comme ceux de la gendarmerie, et ainsi valoriser l’engagement des communes en matière d’habitat public ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Sylvie Retailleau, ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche. Monsieur le sénateur Blanc, les dispositions de l’article 55 de la loi SRU visent à satisfaire les besoins en logement des ménages les plus modestes et à leur permettre de se loger dans la commune de leur choix, tout en favorisant la mixité sociale par la constitution d’un parc abordable, réparti de manière équilibrée sur le territoire.
À ce jour, le décompte des logements sociaux pris en compte dans le dispositif SRU s’appuie principalement sur le conventionnement à l’aide personnalisée au logement (APL), qui garantit la pérennité des logements destinés à des ménages modestes, sous condition de ressources et avec des loyers plafonnés, dans un cadre réglementaire homogène et transparent.
Sont également intégrés des logements du parc privé soumis à un régime spécifique garantissant leur finalité sociale, ainsi que certaines structures d’hébergement.
À cet égard, les logements sociaux faisant l’objet d’un droit de réservation du ministère de l’intérieur sont bien comptabilisés dans l’inventaire d’une commune, au même titre que tous les logements conventionnés.
De plus, depuis la loi relative à la différenciation, la décentralisation et la déconcentration, dite loi 3DS, les logements concédés par nécessité absolue de service, dont les logements de fonction des gendarmes, sont déduits du nombre de résidences principales retenu pour le calcul du taux de logements sociaux utilisé dans le dispositif SRU. Aussi, même lorsqu’ils ne font pas l’objet d’un conventionnement APL, ces logements ne viennent pas dégrader la part sociale du parc d’une commune.
Enfin, il convient de rappeler que la décision d’un préfet de prononcer la carence d’une commune n’est jamais la conséquence automatique d’une simple lecture de l’évolution de l’inventaire des logements sociaux sur une période triennale. Elle repose systématiquement sur un diagnostic approfondi des services de l’État sur l’ensemble des actions mises en œuvre par les exécutifs locaux pour développer une offre de logements abordables sur leur territoire.
En l’occurrence, pour prononcer la carence de Robion, commune qui ne compte que 7,23 % de logements sociaux sur son territoire, la préfète du Vaucluse a considéré que les éléments avancés par l’exécutif local ne permettaient pas de justifier que seuls 30 % de son objectif aient été atteints au cours de la période 2020-2022.
M. le président. La parole est à M. Jean-Baptiste Blanc, pour la réplique.
M. Jean-Baptiste Blanc. Dont acte ! Nous allons nous rapprocher des représentants de l’État dans le département, puisque, manifestement, il existe des possibilités de déduction.
Pour autant, je renouvelle mon alerte au Gouvernement, que vous représentez ce matin, madame la ministre : l’absence de souplesse dans l’application de la loi SRU suscite de nouveau de vives tensions et inquiétudes, alors même que les élus font beaucoup d’efforts pour produire des logements dans le contexte dégradé que nous connaissons, lié notamment à la raréfaction du foncier.
En toute logique, nous semble-t-il, les logements de gendarmes devraient pouvoir être pris en compte. Je le répète, Robion n’est pas la seule commune concernée par ce problème.
agents de développement des fédérations départementales des chasseurs et engrillagement
M. le président. La parole est à M. Laurent Burgoa, auteur de la question n° 1056, adressée à M. le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.
M. Laurent Burgoa. Ma question s’adressait au ministre chargé de la chasse, dont nous devrions connaître le nom dans les heures qui viennent.
Madame la ministre, je souhaite interpeller le Gouvernement ce matin sur l’urgence qu’il y a à prendre la mesure réglementaire que nécessite l’application de l’article L. 428-21 du code de l’environnement.
En effet, l’article R. 428-27 du même code n’est plus en conformité avec la nouvelle rédaction du texte issu de la loi du 2 février 2023, dite loi Cardoux, du nom de notre ancien collègue sénateur, qui en fut l’initiateur, et visant à limiter l’engrillagement des espaces naturels et à protéger la propriété privée.
Au terme d’une procédure, la cour d’appel de Nîmes a relaxé quatre chasseurs qui étaient poursuivis, sur la foi d’un constat dressé par des agents de développement de la fédération départementale des chasseurs, pour avoir participé à une battue de petits gibiers au mépris des règles de gestion édictées dans le schéma départemental de gestion cynégétique et dans le plan de gestion.
La cour a ainsi fait droit à la demande en nullité soulevée par les contrevenants en se fondant sur l’absence de compétence des agents verbalisateurs sur ce territoire, qui ne justifiait pas d’une convention avec ladite fédération.
Cette situation bloque l’exercice des fonctions confiées aux agents de développement des fédérations départementales des chasseurs dans le cadre de la lutte contre le braconnage.
Vous l’aurez compris, je souhaite savoir dans quel délai le Gouvernement envisage de présenter un projet de décret au Conseil national de la chasse et de la faune sauvage, en vue d’une entrée en vigueur lors de la prochaine campagne de chasse 2024-2025, qui débutera le 1er juillet 2024.
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Sylvie Retailleau, ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche. Monsieur le sénateur Burgoa, le rôle de police de la chasse des agents de développement des fédérations départementales des chasseurs est essentiel dans nos territoires, notamment au regard des dispositions de la loi du 2 février 2023 visant à limiter l’engrillagement des espaces naturels et à protéger la propriété privée.
L’article 7 de ce texte a ainsi renforcé les compétences des agents de développement des fédérations départementales des chasseurs. Cet article de la loi n’appelle pas de texte d’application et la nouvelle rédaction de l’article L. 428-21 du code de l’environnement, postérieur à la loi « engrillagement », n’entre pas en contradiction avec l’article R. 428-27 du code de l’environnement.
Aucune situation de blocage de l’action des agents de développement des fédérations départementales des chasseurs n’a été identifiée, la loi Engrillagement ayant au contraire étendu leurs prérogatives. Aussi, il n’est pas envisagé de procéder à une modification de l’article R. 428-27 du code de l’environnement.
M. le président. La parole est à M. Laurent Burgoa, pour la réplique.
M. Laurent Burgoa. Je vous remercie de votre réponse, madame la ministre.
Peut-être pourriez-vous demander à votre collègue garde des sceaux de faire de la pédagogie auprès de certains magistrats et de publier une circulaire afin de les sensibiliser à cette question, la décision de la cour d’appel de Nîmes étant contraire à la position dont vous venez de nous faire part.
situation des antennes régionales de France Télévisions
M. le président. La parole est à M. Christian Redon-Sarrazy, auteur de la question n° 985, adressée à Mme la ministre de la culture.
M. Christian Redon-Sarrazy. Madame la ministre, je souhaite attirer votre attention sur la situation du service public d’information de France Télévisions.
La réforme des journaux télévisés de France 3 à la rentrée 2023, dictée avant tout par des considérations budgétaires, a été dénoncée par les journalistes et les personnels. Ils la jugent insatisfaisante d’un point de vue éditorial et épuisante pour les personnels.
La charge de travail a été reportée sur les équipes régionales, la durée des éditions des journaux télévisés ayant été allongée du fait de la suppression des journaux nationaux, ce qui a provoqué les mouvements sociaux de la fin 2023.
Le service public de proximité, cœur de métier des antennes régionales de France Télévisions, est aujourd’hui menacé par ces conditions de travail, alors même que les téléspectateurs ont longtemps plébiscité l’information locale et régionale, au plus près du terrain, à leur écoute, et qu’ils souhaitent la voir perdurer.
Ces dernières années, la question d’une réforme de l’audiovisuel public s’est toujours posée afin de faire des économies. Or nous savons pertinemment que les restrictions budgétaires dans le secteur public, quelle que soit la branche, ne sont pas sans effets sur la vie quotidienne des personnels et donc sur la qualité du travail fourni. En l’occurrence, il s’agit de l’information. Dans ce domaine, un travail journalistique mené avec rigueur, au plus près du terrain, en particulier dans le contexte socioculturel actuel, est indispensable.
Des changements aussi importants ne peuvent être effectués correctement sans un minimum de concertation et de moyens humains, lesquels doivent être mis en cohérence avec les nouvelles missions.
Il me semble donc nécessaire qu’un dialogue soit engagé entre les journalistes, les autres personnels et la direction de France Télévisions, afin d’identifier les pistes d’amélioration éditoriale et organisationnelle. Par ailleurs, cette démarche ne pourra se faire sans un état des lieux des moyens humains et financiers nécessaires pour assurer une information de qualité.
Je souhaite donc savoir quelles sont les ambitions de l’État en la matière, d’autant que vous avez déclaré sur une radio du service public, madame la ministre, vouloir faire une nouvelle réforme et la faire vite.
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Rachida Dati, ministre de la culture. Monsieur le sénateur Redon-Sarrazy, comme vous le savez, je suis moi-même très attachée – vous avez d’ailleurs eu raison de rappeler les propos que j’ai tenus sur une radio de service public – à la mission essentielle de proximité de l’audiovisuel public. Il favorise la cohésion sociale au plus près des territoires et met en valeur tous les événements culturels régionaux, répondant en cela à l’attente forte exprimée par les Français pour davantage de proximité dans les programmes et les sujets traités.
C’est d’ailleurs pour cette raison que les Français soutiennent très largement le service public de l’audiovisuel.
Le renforcement de l’offre de proximité de France Télévisions et de Radio France figurait parmi les priorités qui ont été définies pour le secteur audiovisuel public en 2018 et qui ont été formalisées dans un contrat d’objectifs et de moyens (COM) 2020-2022, prolongé par un avenant d’une durée d’un an.
Cette dynamique a vocation à être amplifiée pour la prochaine génération en cours de négociation, mais elle s’est déjà traduite par plusieurs réalisations, parmi lesquelles le lancement par France Télévisions, au début du mois de septembre 2023, de « Ici 12/13 » et « Ici 19/20 ». Ces éditions d’informations, pilotées depuis les régions, mêlent informations nationales et informations locales.
Si ce projet répond aux objectifs fixés par le Gouvernement, je reste évidemment attentive à ses modalités de mise en œuvre. Je souhaite notamment qu’il se fasse dans le cadre nécessaire d’un dialogue social avec l’ensemble des personnels.
Nous sommes conscients des vives tensions – vous les avez rappelées – qu’il a suscitées au sein des équipes de France 3. La direction de France Télévisions a pris des mesures pour les apaiser, notamment grâce à un protocole d’accord qu’elle a signé avec quatre organisations syndicales à la fin du mois de novembre 2023.
La direction du réseau est pleinement engagée pour améliorer les conditions de travail des personnels de France 3 et être à leur écoute. Une période de transition et d’adaptation aura lieu jusqu’au printemps, à l’issue de laquelle un bilan sera effectué. D’ores et déjà, je puis vous dire que 60 emplois équivalents temps plein seront déployés au sein des antennes régionales et pris en compte dans le budget prévisionnel de 2024.
Cependant, comme vous le savez, le ministère de la culture n’a pas vocation à se substituer à la direction de l’entreprise.
M. le président. La parole est à M. Christian Redon-Sarrazy, pour la réplique.
M. Christian Redon-Sarrazy. Madame la ministre, ni le regard que vous portez sur la situation, dégradée par la précédente réforme, ni la façon dont vous envisagez d’engager la prochaine ne sont de nature à me rassurer.
Vous avez déclaré à la une d’un journal ce week-end que le service public devait donner sa place à toutes les opinions. J’ajouterai qu’il doit aussi donner toute sa place à tous les territoires.
réforme de la taxe d’aménagement par la loi de finances pour 2021
M. le président. La parole est à Mme Sylviane Noël, auteure de la question n° 1057, adressée à M. le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.
Mme Sylviane Noël. Monsieur le ministre, je souhaite attirer votre attention sur la réforme de la taxe d’aménagement introduite par la loi de finances pour 2021, qui est venue modifier le fait générateur de cette taxe pour les communes.
En effet, avant 2022, cette taxe était exigible douze mois après l’obtention de l’autorisation d’urbanisme si la taxe due était d’un montant inférieur à 1 500 euros. Si ce montant était supérieur à 1 500 euros, la taxe était exigible en deux fois, soit 50 % douze mois après l’autorisation d’urbanisme et 50 % vingt-quatre mois après.
La loi de finances pour 2021 a acté le report de la date d’exigibilité de la taxe d’aménagement à la date d’achèvement définitif des opérations, au sens de l’article 1406 du code général des impôts, mettant les communes dans une situation très délicate.
Ainsi, depuis le 1er septembre 2022, le fait générateur de cette taxe est non plus la délivrance d’un permis de construire, mais la déclaration attestant de l’achèvement et de la conformité des travaux.
Ces nouvelles modalités de perception posent plusieurs problèmes aux communes en matière de recouvrement et d’encaissement, notamment en raison du retard excessif de la déclaration d’achèvement des travaux par les contribuables, voire de son absence, ou encore du retard d’exécution des chantiers.
Lors de l’examen du projet de loi de finances pour 2024, j’avais déposé un amendement, largement adopté en première lecture, qui visait à revenir au système antérieur. Il n’a malheureusement pas été retenu dans le texte définitif. Ainsi, la détresse des communes provoquée par cette réforme injustifiée et pénalisante demeure, alors même qu’elles sont confrontées à d’importantes difficultés financières.
Aussi, pour alléger les charges des maires, mais également pour éviter le non-recouvrement d’une taxe primordiale dans l’établissement des budgets communaux, je souhaite savoir si le Gouvernement envisage de rétablir le dispositif antérieur.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Christophe Béchu, ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires. Madame la sénatrice Noël, pour avoir été maire et président d’intercommunalité pendant une dizaine d’années, je puis vous assurer que je connais le sujet que vous abordez en tant que praticien et pas seulement en tant que ministre. Aussi, je comprends vos préoccupations.
Le sujet, c’est le transfert de la liquidation des taxes d’urbanisme à la direction générale des finances publiques (DGFiP). Celui-ci n’a pas remis en cause l’économie générale de la taxe d’aménagement et n’a modifié ni son fait générateur, qui reste fixé à la date de délivrance de l’autorisation d’urbanisme, ni l’encaissement in fine par la collectivité. Les modalités de transfert ont consisté à rapprocher le processus de liquidation de la taxe d’aménagement de celui des impôts fonciers, qui sont d’ores et déjà gérés par la DGFiP.
C’est dans cette optique que la date d’exigibilité de la taxe a été décalée à la date d’achèvement des travaux, et ce afin de faciliter sa liquidation et de développer des synergies avec la gestion des impôts fonciers. Ainsi, la déclaration de la taxe s’effectue 90 jours après l’achèvement des travaux, exactement comme pour toutes les déclarations de changements fonciers.
Madame la sénatrice, vous craignez un retard dans la perception des recettes en raison du report de l’exigibilité.
Tout d’abord, le report de l’exigibilité est décorrélé de la déclaration attestant l’achèvement et la conformité des travaux, puisque la réalisation définitive des opérations s’entend au sens fiscal de l’article 1406 du code général des impôts, dans lequel une construction est considérée comme achevée lorsque l’état d’avancement des travaux est tel qu’il permet une utilisation du local conforme à l’usage prévu, sans attendre les travaux de finition.
Dès lors, une construction est considérée comme achevée, bien que la déclaration attestant l’achèvement et la conformité des travaux (DAACT) n’ait pas encore été déposée.
L’achèvement des projets de faible ampleur intervient dans la plupart des cas en moins de 24 mois, c’est-à-dire avant l’émission du second titre de perception tel qu’il existait dans le système antérieur.
En clair, les différentes mesures mises en place permettent de sauvegarder les recettes locales. Toutes les études qui ont été réalisées ont bien confirmé l’absence d’effets négatifs du décalage de l’exigibilité de la taxe sur la trésorerie des collectivités territoriales.
Je m’engage, madame la sénatrice, à venir rediscuter du dispositif avec vous si, malgré ces études préalables, nous venions à constater un décalage de trésorerie.
M. le président. La parole est à Mme Sylviane Noël, pour la réplique.
Mme Sylviane Noël. Monsieur le ministre, je vous invite à venir sur le terrain, dans les communes, rencontrer les maires : vous verrez qu’ils ne tiennent pas du tout le même discours que vous.
Cette réforme crée énormément de désordres. Les maires n’arrivent plus à percevoir cette taxe. Il y a beaucoup d’incertitudes sur son recouvrement et il est impossible de construire des budgets communaux dans cette situation.
Je vous invite donc à revenir au système antérieur, qui était beaucoup plus simple et plus lisible pour les élus locaux.
difficultés rencontrées dans le déploiement des ombrières photovoltaïques
M. le président. La parole est à M. Didier Mandelli, auteur de la question n° 1060, adressée à M. le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.
M. Didier Mandelli. Je souhaite, monsieur le ministre, vous faire part des difficultés rencontrées dans le déploiement des ombrières photovoltaïques.
Les articles 101 de la loi du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets et 40 de la loi du 10 mars 2023 relative à l’accélération de la production d’énergies renouvelables imposent à certains parcs de stationnement d’intégrer un dispositif d’ombrage par des ombrières comportant des dispositifs de production d’énergies renouvelables ou des dispositifs végétalisés.
Ces obligations sont codifiées aux articles L. 171-4 du code de la construction et de l’habitation et L. 111-19-1 du code de l’urbanisme. Elles prennent effet à des délais différents en fonction du caractère nouveau ou existant de la construction, mais aussi du type de gestion et de la superficie concernée.
Or, en pratique, certaines prescriptions couramment inscrites dans les règlements d’urbanisme peuvent se révéler incompatibles avec l’installation d’ombrières de ce type au droit des parcs de stationnement.
Il en est ainsi des règles d’implantation par rapport aux limites séparatives, des caractéristiques de toitures, ou encore de la limitation du coefficient d’emprise au sol. Je pourrais vous fournir des exemples précis.
Les échéances fixées par la loi apparaissent malheureusement peu conciliables avec une procédure de révision des documents d’urbanisme ou de contestation d’un éventuel refus d’autorisation.
Les pétitionnaires concernés sont aujourd’hui dans l’impasse. Beaucoup ont différé le dépôt de leur demande en attendant que soit réaffirmée la primauté de la loi sur les règlements d’urbanisme.
Monsieur le ministre, comment comptez-vous résoudre cette difficulté, que j’espère passagère ?
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Christophe Béchu, ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires. Monsieur le sénateur Mandelli, vous m’interrogez sur les conséquences de l’article 40 de la loi du 10 mars 2023, notamment en ce qu’il prévoit des ombrières comportant des panneaux solaires ombrageant la moitié des parcs de stationnement de plus de 1 500 mètres carrés.
Le règlement d’un plan local d’urbanisme (PLU) peut préciser l’affectation des sols selon les usages principaux qui peuvent en être faits, ou selon la nature des activités qui peuvent y être exercées. Il peut également prévoir une interdiction de construire. Toutefois, les ombrières sont nécessairement rattachées à un parc de stationnement, qui est lui-même soumis à ces règles. Dans la pratique, si celles-ci permettent la construction du parc de stationnement, elles ne feront pas obstacle à l’implantation des ombrières.
Parmi les règles du PLU, il existait précédemment le coefficient d’occupation des sols (COS), qui indiquait la surface plancher maximale constructible sur une parcelle. La loi du 24 mars 2014 pour l’accès au logement et un urbanisme rénové (Alur) a supprimé le COS afin de favoriser la densification du tissu urbain. Ainsi, les dispositions relatives au COS ne sont plus applicables et ne peuvent constituer un frein à l’application de l’article 40 de la loi relative à l’accélération de la production d’énergies renouvelables.
Toutefois, si le COS est définitivement abandonné, d’autres règles comme l’emprise au sol des constructions, avec l’application d’un coefficient, ou encore des règles de gabarit, peuvent présenter un caractère contraignant qui, lui, peut limiter l’implantation ou les caractéristiques dimensionnelles des ombrières.
J’ai demandé à mes services d’expertiser la question pour savoir si, réellement, ces difficultés de gabarit peuvent faire obstacle à l’application de l’article 40. Sans attendre les résultats de cette analyse, lancée en début d’année, je rappelle que les porteurs de projets qui envisagent de remplir leurs obligations sans attendre les échéances imposées par la loi peuvent d’ores et déjà demander à bénéficier des possibilités de dérogations aux règles des PLU ouvertes par l’article L. 152-5 alinéa 4.
M. le président. La parole est à M. Didier Mandelli, pour la réplique.
M. Didier Mandelli. Merci, monsieur le ministre, de cette clarification qui devrait, nous l’espérons tous, accélérer l’installation d’ombrières photovoltaïques sur les parcs de stationnement.
dotation biodiversité et communes couvertes par des terrains militaires
M. le président. La parole est à M. Rémy Pointereau, auteur de la question n° 1061, adressée à M. le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.
M. Rémy Pointereau. Monsieur le ministre, je souhaite vous interroger sur la dotation biodiversité, instaurée par la loi de finances pour 2024 et destinée à soutenir les communes rurales dont plus de 350 hectares sont situés dans un parc naturel.
Les objectifs de cette initiative sont bien sûr louables, mais une catégorie importante de communes a été omise : les communes abritant des terrains militaires.
Ainsi, la commune de Bengy-sur-Craon, dans mon département, comme d’autres situées sur le polygone de tir de Bourges, lequel s’étend sur 10 000 hectares, ne peut prétendre à cette dotation, malgré la richesse de sa biodiversité. En effet, les terrains militaires rognent sur sa surface, alors que plus de 350 hectares de la commune doivent être situés dans un parc naturel, national ou régional, pour bénéficier de cette dotation.
Ces communes sont frappées d’une double peine : elles perdent à la fois les revenus de taxe foncière sur les terrains non bâtis appartenant à l’État et l’accès à cette dotation, pourtant cruciale pour la protection de la biodiversité.
Monsieur le ministre, envisagez-vous de revoir les critères d’attribution de cette dotation pour que les communes couvertes par des terrains militaires puissent en bénéficier, ce qui paraîtrait logique, ou, au moins, pour inclure ces terrains dans le calcul du nombre d’hectares requis ?
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Christophe Béchu, ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires. Je ne suis pas surpris que Rémy Pointereau m’interroge sur la défense de la ruralité et de la biodiversité !
Les crédits de la dotation biodiversité sont passés de 40 à 100 millions d’euros. Nous avons décidé d’en faire un pilier de notre stratégie nationale de préservation de la biodiversité et un instrument de soutien au monde rural. Nous avons donc défini cette dotation pour que les communes bénéficiaires puissent valoriser leurs aménités rurales et contribuer à l’atteinte des objectifs de préservation des aires protégées.
La loi de finances pour 2024 n’exclut aucunement les communes sur lesquelles se situent des terrains militaires. D’ailleurs, 20 % des terrains militaires situés en métropole font déjà partie du réseau Natura 2000.
La commune de Bengy-sur-Craon ne se situe pas dans une aire protégée. Son terrain militaire pourrait faire l’objet d’un classement, qui provoquerait son éligibilité ; c’est à discuter avec le ministère des armées, qui conduit zone par zone des actions de préservation de la biodiversité.
Quoi qu’il en soit, un décret en Conseil d’État viendra préciser les conditions d’éligibilité des communes à cette dotation et les modalités de prise en compte des aires protégées. La révision de ces critères s’inscrit dans la continuité des engagements que nous avons pris en faveur de la biodiversité ou du soutien au monde rural.
Bref, votre question démontre à mes yeux la nécessité d’engager une réflexion conjointe avec le ministère des armées, afin que celui-ci augmente la part des zones et des aires qui pourraient s’inscrire dans cette stratégie de classement, ce qui permettrait aux communes comptant des terrains militaires de bénéficier de cette dotation.
Je vous invite donc à dire au maire de Bengy-sur-Craon qu’il devrait se rapprocher du ministère des armées, comme je le lui dirai moi-même.
M. le président. La parole est à M. Rémy Pointereau, pour la réplique.
M. Rémy Pointereau. Merci de votre réponse, qui laisse entrevoir une ouverture.
Alors qu’elles ne perçoivent plus le produit de l’impôt foncier sur les propriétés non bâties, les communes ne bénéficient aujourd’hui d’aucune compensation. Certaines d’entre elles passent en plus à côté de la dotation biodiversité. Il serait bien de trouver une solution avec le ministère des armées.
exploitation des friches minières et poursuite des objectifs énergétiques européens
M. le président. La parole est à M. Jean-François Rapin, auteur de la question n° 1029, adressée à M. le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.
M. Jean-François Rapin. Monsieur le ministre, je souhaite attirer votre attention sur les friches minières dans le bassin minier du Nord-Pas-de-Calais.
L’Union européenne impose aux États membres de recourir à 42,5 % d’énergies renouvelables d’ici à 2030.
Les mines de charbon, acteurs énergétiques historiques, doivent pouvoir contribuer à cette transition écologique, notamment par le développement du photovoltaïque ou encore de l’usage de la biomasse.
Or le classement de l’Unesco, combiné au classement de la chaîne des terrils, paralyse 127 friches minières et 41 sites recensés. Cela représente 1 411 hectares de terrain minier. Ces contraintes paysagères bloquent un tiers des friches minières du bassin minier. De ce fait, les objectifs européens semblent difficilement atteignables.
Comment le Gouvernement compte-t-il donner au bassin minier du Nord-Pas-de-Calais les moyens d’atteindre les objectifs énergétiques européens ?
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Christophe Béchu, ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires. Monsieur le sénateur Rapin, vous posez une question précise sur un territoire de 1 100 hectares, en indiquant de manière claire qu’on ne peut pas à la fois se retrouver avec une friche et ne pas se demander comment elle peut concourir à l’atteinte de nos objectifs.
Je vous épargnerai le rappel onctueux des difficultés relatives au classement de l’Unesco et des instructions éventuelles mentionnées dans mes fiches, une telle réponse ne serait pas satisfaisante.
Je vous annonce donc que je vais mandater un inspecteur de mon ministère pour qu’il analyse spécifiquement comment résoudre ces questions. Ce n’est pas en additionnant les textes qui posent des difficultés que nous allons y arriver !
Mon inspecteur se rendra sur place et regardera comment rendre possible ce qui est nécessaire, au lieu de constater que beaucoup de choses ne sont pas possibles.
M. Cédric Chevalier. Bravo !
M. Jean-Michel Arnaud. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Jean-François Rapin, pour la réplique.
M. Jean-François Rapin. Merci, monsieur le ministre, de cette réponse claire et précise.
Ces informations m’ont été données lors d’une réunion sur le bassin minier à laquelle j’ai assisté avec le président de l’Association des communes minières de France, Jean-Pierre Kucheida, qui a longtemps été député. Les maires qu’il rencontre lui font part de cette problématique réelle sur le territoire, alors que les objectifs doivent être atteints au plus vite.
Je vous remercie sincèrement de votre réponse, monsieur le ministre. Vous avez raison, le cumul des textes fait qu’on n’y comprend quelquefois plus rien. Or, entre les objectifs et les moyens, il y a souvent une grande différence. C’est le cas, en l’espèce.
revaloriser tous les secrétaires de mairie
M. le président. La parole est à M. Cédric Chevalier, auteur de la question n° 1036, adressée à M. le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.
M. Cédric Chevalier. Monsieur le ministre, ma question porte sur les suites de la promulgation de la loi n° 2023-1380 du 30 décembre 2023 visant à revaloriser le métier de secrétaire de mairie.
Il semblerait que les secrétaires de mairie déjà en poste en tant que contractuels ne puissent pas tous bénéficier du nouveau dispositif prévu par cette loi.
Un secrétaire de mairie comptant dix ans d’expérience dans différentes communes, mais dont le grade est adjoint administratif territorial principal de deuxième classe, ne peut pas être stagiairisé en vue d’une titularisation : selon la loi, une telle opération n’est possible que pour le seul grade d’adjoint administratif territorial.
Un certain nombre de petites communes fonctionnent pourtant grâce à ces contractuels, qui jouent un rôle essentiel, à la fois auprès des habitants et des maires, dont ils sont souvent l’unique collaborateur.
Le texte voté en décembre dernier est un premier pas, et il a suscité beaucoup d’attentes. Au regard de la faible attractivité de ce métier, je vous demande d’examiner cette situation précise et de rendre possible une stagiairisation, en prenant en compte, par exemple, le nombre d’années d’expérience, et ce quel que soit le grade.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Christophe Béchu, ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires. La loi à laquelle vous faites référence, monsieur Chevalier, est récente puisqu’elle a été adoptée le 30 décembre dernier. Elle porte sur un sujet qui a fait consensus et sur lequel le Sénat a braqué les projecteurs. Il a montré que sans son ou sa secrétaire de mairie, un maire n’était pas en mesure d’agir. C’est bien un binôme qui est à la tête d’une collectivité.
Cette loi facilite les recrutements, permet une meilleure reconnaissance des secrétaires de mairie et met l’accent sur leur formation et leur promotion, mais elle s’applique exclusivement aux fonctionnaires exerçant ou ayant vocation à exercer ces fonctions. Elle n’a pas créé de nouvelles procédures de titularisation des contractuels. Elle a même élargi la possibilité d’avoir recours à des contractuels pour assurer la mission de secrétaire de mairie, afin que les maires des communes de moins de 2 000 habitants aient plus de choix et puissent recruter à l’extérieur de la fonction publique la femme ou l’homme avec qui ils seraient susceptibles de travailler.
Le législateur a donc souhaité renforcer la liberté laissée aux employeurs territoriaux de choisir entre un fonctionnaire et un contractuel, en fonction de leurs besoins.
Pour autant, un secrétaire de mairie peut toujours, comme n’importe quel contractuel, intégrer la fonction publique territoriale en passant les concours, selon son ancienneté, en fonction des processus.
Nous sommes évidemment très attentifs au devenir de cette profession et nous veillerons à adopter dans les meilleurs délais les mesures réglementaires d’application de la loi. En revanche, je ne peux pas prévoir la traduction réglementaire d’un article qui n’existe dans la loi. Ce que vous suggérez, c’est en fait une modification législative.
M. le président. La parole est à M. Cédric Chevalier, pour la réplique.
M. Cédric Chevalier. Merci de cette précision, monsieur le ministre. Le législateur a encore du travail !
transport d’instruments de musique par le réseau sncf
M. le président. La parole est à M. Jean-Raymond Hugonet, auteur de la question n° 1037, adressée à M. le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.
M. Jean-Raymond Hugonet. Monsieur le ministre, je souhaite attirer votre attention sur le transport d’instruments de musique par le réseau SNCF. N’ayant reçu aucune réponse de Clément Beaune à ma précédente question écrite du 29 décembre 2022, je tente ma chance à l’oral ce matin.
Rendez-vous compte : depuis quelques années, la SNCF interdit aux musiciens qui transportent des instruments encombrants d’accéder aux TGV. S’il semble que le problème ait été réglé pour les violoncellistes, on ne compte plus les contrebassistes, harpistes ou tubistes qui, dans le meilleur des cas, ont dû payer de lourdes amendes ou, dans le pire des cas, ont été tout simplement interdits d’accès au train.
Pour des raisons qui semblent liées à des mesures de sécurité, le règlement actuel limite le transport aux instruments tenant dans un étui dont les dimensions n’excèdent pas 130 centimètres sur 90 centimètres. Cette politique d’interdiction n’est pratiquée par aucune autre société de transport ferroviaire en Europe.
Eu égard à la valeur des instruments et aux modalités du service de livraison de bagages, une telle solution de remplacement est hors de propos. La solution simple et immédiate pour toutes les parties semble être, au vu de la faible population concernée, la mise en place d’un simple avis de tolérance.
Monsieur le ministre, pouvez-vous enfin trouver une solution de bon sens et obtenir de la SNCF qu’elle arrête de persécuter les saltimbanques, qu’ils soient harpistes, contrebassistes, ou bien encore batteurs-percussionnistes, comme votre serviteur ? (Sourires.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Christophe Béchu, ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires. Monsieur le batteur Hugonet – le musicien affleure sous le sénateur en cet instant –, je rends hommage à vos prestations dans le Collaro Show et dans les autres endroits où, avant cet hémicycle, vous avez eu l’occasion de vous produire ! (M. Jean-Raymond Hugonet sourit.)
Je pourrais vous expliquer, comme cela est indiqué dans mes fiches, que la complexité du sujet tient au caractère volumineux des instruments transportés, mais une telle réponse ne conviendrait pas. Je pourrais également vous dire qu’il nous faut réfléchir à des possibilités de réservation dédiées et à des tarifs adaptés, ce qui serait une façon élégante de vous expliquer que nous n’avons pas réellement commencé à travailler sur le sujet !
Or, sur ce sujet, comme sur la question du Paris-Clermont ou d’autres, je souhaite que nos délais de réponse soient plus compatibles avec l’impatience de ceux qui nous font vibrer et rêver.
Vous avez raison, nous devons lutter contre la discrimination que subissent les instruments de musique volumineux. Nous ne pouvons pas nous contenter d’accompagner seulement les guitares et les flûtes traversières. Nous devons penser à ceux qui ont choisi des instruments de taille plus importante, leur choix n’étant pas sans conséquence. Compte tenu de leur poids, leurs instruments doivent en effet entraîner des troubles musculosquelettiques, voire des maladies professionnelles : nous devons réparer une partie de ces injustices. (Sourires.) Très sincèrement, merci de me faire découvrir cette réalité.
En cet instant, j’ai une pensée pour Clément Beaune, que vous ne pouvez pas blâmer de ne pas être à ma place ce matin pour vous répondre. Je ne doute pas qu’il aurait aimé être présent aujourd’hui.
En tout cas, je vais saisir officiellement le président Farandou afin que nous puissions obtenir une réponse à votre question dans un délai compatible avec l’impatience naturelle que vous exprimez.
M. Jean-Michel Arnaud. Excellent !
M. le président. La parole est à M. Jean-Raymond Hugonet, pour la réplique.
M. Jean-Raymond Hugonet. Je suis ravi d’avoir égayé votre journée, monsieur le ministre. Merci de votre réponse détaillée.
Le Collaro Show ne passera peut-être pas à la postérité, mais je me réjouis que vous soyez un fin connaisseur des faits télévisuels majeurs et philosophiques.
Si ma question peut sembler anecdotique, elle ne l’est vraiment pas. Cela fait très longtemps que ce problème se pose. Loin de moi l’idée de blâmer Clément Beaune de ne pas être là ce matin. En revanche, ce n’est pas une bonne habitude de ne pas répondre aux questions écrites !
assouplissement de modalités du transfert obligatoire de la compétence eau et assainissement
M. le président. La parole est à M. Olivier Rietmann, auteur de la question n° 1043, adressée à M. le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.
M. Olivier Rietmann. Je suis heureux de vous voir aujourd’hui, monsieur le ministre, car ma question porte sur vos annonces relatives à la gestion différenciée des compétences eau et assainissement.
M. Jean-Michel Arnaud. Beau sujet !
M. Olivier Rietmann. En décembre dernier, dans cet hémicycle, vous avez indiqué que, compte tenu de la taille moyenne ou petite d’un certain nombre d’intercommunalités, un véhicule législatif serait trouvé en 2024 afin de satisfaire à deux impératifs. Le premier est de ne conserver aucun système de communes isolées.
M. Olivier Rietmann. Le second est de faire preuve de souplesse et de trouver un système de coopération, tel que le syndicat mixte, sans obliger à transférer la compétence à l’intercommunalité.
Cette évolution avait d’ailleurs été esquissée par le Président de la République lors de la présentation du plan d’action pour une gestion résiliente et concertée de l’eau en mars 2023.
Même si le Sénat a bien accueilli ces annonces, nous avons besoin, dès aujourd’hui, d’une clarification pour les élus des intercommunalités engagées dans les études de transfert. Ils ont des questions simples et directes.
Qu’entendez-vous par « commune isolée » ? Ces assouplissements seront-ils limités, par exemple aux territoires hyperruraux et de montagne ? Si oui, qu’appelez-vous un territoire hyperrural ? Ces assouplissements seront-ils de nature à permettre la création de nouveaux syndicats regroupant uniquement des communes, de type syndicat intercommunal à vocation unique (Sivu) ? Pouvez-vous enfin leur confirmer le report de la date butoir du 1er janvier 2026 ? (M. Jean-Michel Arnaud applaudit.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Christophe Béchu, ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires. Monsieur le sénateur Rietmann, je m’adresserai à la fois au sénateur que vous êtes, à l’élu local que vous avez été, mais également à l’exploitant agricole.
Ce n’est pas à vous que je vais expliquer ce matin à quel point la question de l’eau est centrale. Et je vous parle sous la pression, presque physique, du sénateur Arnaud, qui s’est beaucoup battu pour la proposition de loi modifiant l’obligation d’intercommunalisation de la gestion de l’eau.
Je le fais aussi en pensant à mon département, le Maine-et-Loire, à ses communes, d’Angers à Beaucouzé, et en ayant pleinement conscience que si cette intercommunalisation est achevée dans certains territoires, les choses sont plus complexes ailleurs : la France est diverse, comme sa typologie.
Le Gouvernement s’est engagé à proposer un texte en 2024. Or vous conviendrez que nous n’avons pas encore atteint la fin de l’année ! Nous sommes en train de chercher le bon levier. Des initiatives parlementaires n’ont pas abouti. Nous souhaitons à présent que l’engagement pris par le Président de la République le 30 mars dernier à Savines-le-Lac soit tenu.
Une commune isolée, c’est une commune toute seule : on cesse d’être isolé dès lors que l’on est deux.
Ensuite, jusqu’où devons-nous aller ? La montagne doit-elle être le seul critère ? Les distances dans certaines intercommunalités de taille XXL peuvent-elles justifier, par exemple lorsqu’elles comptent plusieurs cours d’eau et donc plusieurs sites d’approvisionnement, qu’il n’y ait pas les mêmes solidarités naturelles, les mêmes interconnexions, que dans des territoires plus compacts ?
Nous avons deux obligations. Nous ne pouvons pas continuer à gérer l’eau avec 11 000 systèmes différents en France, surtout quand les flux diminuent et que, pour sécuriser l’approvisionnement, des interconnexions sont nécessaires. Toutefois, nous ne pouvons pas non plus nous dire que le bon système, de Paris à Vesoul, serait le même partout. Il nous faut trouver une voie de passage. Nous tâtonnons, mais nous reviendrons vite vers vous : il n’est pas question d’attendre la fin de l’année.
Nous souhaitons aussi sécuriser les compétences des départements pour accompagner les communes et leurs intercommunalités.
M. le président. La parole est à M. Olivier Rietmann, pour la réplique.
M. Olivier Rietmann. Merci, monsieur le ministre, mais vous ne répondez pas précisément à mes questions.
Dans les intercommunalités, les communes, et notamment dans les territoires ruraux, comme dans mon département de la Haute-Saône, nous attendons des réponses rapidement.
Vous n’attendrez pas la fin de 2024. Fort heureusement ! Les intercommunalités et les communes se posent des questions : doivent-elles se constituer en syndicats ? Prendre la compétence ? Ne pas la prendre ? Et 2026 arrivera très rapidement. Merci, donc, de nous soumettre un véhicule législatif le plus rapidement possible et d’apporter des réponses très précises à nos questions, car les communes et les intercommunalités vont devoir prendre des décisions très prochainement.
M. Jean-Michel Arnaud. Très bien !
hausse des tarifs des péages d’infrastructure ferroviaire par sncf réseau
M. le président. La parole est à M. Hervé Gillé, auteur de la question n° 1044, adressée à M. le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.
M. Hervé Gillé. Monsieur le ministre, ma question porte sur la hausse des tarifs des péages d’infrastructure ferroviaire que les régions paient chaque année à SNCF Réseau pour faire rouler les trains, notamment du réseau express régional.
Dans la région Nouvelle-Aquitaine, ce coût s’élevait à 69 millions d’euros en 2023. En 2024, il sera de 82 millions d’euros. Cette augmentation, insuffisamment justifiée par SNCF Réseau, a été validée par l’Autorité de régulation des transports (ART) en février 2023. C’est cette décision que sept régions de France, dont la région Nouvelle-Aquitaine, ont décidé de contester devant le Conseil d’État.
Lors du débat budgétaire, fin 2023, le Gouvernement a écarté la piste d’un versement mobilité additionnel levé par les régions, alors qu’il s’agissait d’une piste intéressante de financement supplémentaire.
Aujourd’hui, certaines questions méritent d’être soulevées, d’abord sur la transparence : qui décide quoi ? Les régions n’ont aucune visibilité sur les montants réinvestis, territoire par territoire, dans le réseau ferroviaire. Demanderez-vous à SNCF Réseau de leur communiquer ces informations ?
Ensuite, le modèle de transport que nous souhaitons encourager et son financement constituent des enjeux. Comment comptez-vous sécuriser le développement de l’offre ferroviaire régionale ? Quelles assurances seront données aux régions sur l’affectation des recettes issues des péages et perçues par SNCF Réseau ? Le choc d’offre de mobilité est percuté par le mur budgétaire…
M. le président. Monsieur le ministre, nous accueillons en tribune des élèves du conseil municipal des enfants de Beaucouzé, commune située dans votre département.
Vous avez la parole.
M. Christophe Béchu, ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires. Ça alors ! La commune que j’ai citée par hasard, il y a quelques minutes ! Je les salue, en espérant que leur visite suscitera des vocations, dans le Maine-et-Loire ou ailleurs, car les Angevins ont vocation à s’exporter partout !
Monsieur le sénateur Gillé, le financement du ferroviaire constitue un enjeu crucial, nous le savons. Pour dire la vérité, que vous connaissez et que vous dites autour de vous, depuis les années 1980, notre pays a sous-investi dans son réseau ferroviaire, de façon maladroite, désastreuse. Nous avons tellement sous-investi que nous avons fini par dégrader une partie de la qualité, faute d’avoir financé la régénération de nos 29 000 kilomètres de voies.
Le Gouvernement a engagé une politique consistant à reprendre la dette de la SNCF, à voter un plan de 100 milliards d’euros, grâce auquel les crédits de régénération atteindront 3 milliards d’euros par an, bref à donner à notre ferroviaire les moyens d’avancer.
Nous avons des mécanismes de fixation des tarifs. Ils tiennent compte de la reprise de la dette, par le passé, et de la projection des investissements pour l’avenir, mais ils doivent aussi assurer chaque année un équilibre budgétaire permettant à la SNCF de continuer à développer son offre. C’est aussi une nécessité.
Pour éviter un débat au Parlement sur les augmentations annuelles des tarifs, au cours duquel les oppositions pourraient être tentées de trouver qu’elles sont trop élevées, nous avons confié à une autorité indépendante, l’Autorité de régulation des télécoms (ART), le soin de trancher. Celle-ci a donné son accord à des tarifs de péage. Les sept régions qui ont attaqué cette décision ont été déboutées, le tribunal ayant confirmé les tarifs fixés par l’ART. Je ne reviens pas sur cet épisode judiciairement clos.
Mais j’entends en creux dans votre question la préoccupation suivante : comment finançons-nous globalement nos réseaux de transports en commun ?
En matière de transition écologique, il est possible de parvenir à un équilibre économique dans certains domaines, les dépenses consenties permettant des retours sur investissements. C’est vrai pour la rénovation énergétique. Ce que nous allons dépenser nous permettra d’éviter d’autres dépenses.
En revanche, en matière de transports en commun, il n’y a pas d’équilibre. Les sommes que nous devons collectivement dépenser permettent de préserver des bienfaits globaux, le climat, la qualité de l’air, ou de réduire le stress. Nous devons donc mettre les autorités organisatrices autour d’une table et soulever la question, légitime, du versement mobilité. Nous ne pouvons pas avoir mis en place une solution pour l’Île-de-France et ne pas nous poser la question des équilibres ailleurs.
M. le président. La parole est à M. Hervé Gillé, pour la réplique.
M. Hervé Gillé. Je vous remercie de cette réponse, monsieur le ministre.
J’ai l’impression que vous souhaitez que l’on aille plus loin en matière de planification financière, en parallèle de la planification des programmes pluriannuels d’investissement. C’est en effet le cœur du sujet.
Malgré le succès commercial de la ligne TGV reliant Paris à Bordeaux, la SNCF perd chaque année entre 60 et 80 millions d’euros en raison du coût trop important des péages. Le système français est déséquilibré, surtout en ce qui concerne les grandes lignes, ce qui pose question.
À cela s’ajoute le fait que les collectivités et les régions se trouvent face à un mur budgétaire, leur taux d’endettement devenant de plus en plus élevé.
Face à de tels enjeux, il nous faut apporter une réponse commune.
dispositifs d’alerte de crue en temps réel
M. le président. La parole est à Mme Anne Ventalon, auteure de la question n° 857, transmise à M. le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.
Mme Anne Ventalon. À l’heure où le climat s’emballe, les phénomènes de crues gagnent en fréquence, en violence et, surtout, en soudaineté.
C’est ainsi que, le 3 octobre 2021, la rivière La Beaume, qui traverse la commune ardéchoise de Vernon, a connu une crue sans précédent. Ce n’est que quatre heures après les fortes précipitations tombées sur les communes situées en amont que Vernon a été touchée.
Certes, des dispositifs d’alerte existent, notamment les cartes ZIP, pour zones inondées potentielles, l’application Vigicrues ou le service Apic, pour Avertissement pluies intenses à l’échelle des communes.
Hélas, parce qu’ils sont trop imprécis, ces indicateurs se révèlent insuffisants. En effet, dans l’exemple que j’ai pris, la commune située au pied des Cévennes ardéchoises n’a reçu qu’une alerte de niveau orange, alors qu’elle s’est trouvée frappée par une crue de quatre mètres.
Pourtant, si les prévisions avaient été fondées sur les quantités de pluie réellement tombées sur le haut du bassin versant, l’intensité et l’heure de la survenue de la crue auraient pu être annoncées avec précision au moins deux heures à l’avance dans la commune de Vernon. Cela aurait conduit le maire à prendre des mesures adaptées afin de prévenir la catastrophe et d’en limiter les dégâts.
Interrogés, les services de l’État ont répondu qu’ils ne disposaient pas des moyens techniques permettant de réaliser cette évaluation en temps réel et qu’il appartenait aux élus de consulter les intensités de précipitation en amont afin d’évaluer eux-mêmes le risque encouru.
Monsieur le ministre, avec les formidables progrès en matière de calcul et l’essor de l’intelligence artificielle, serait-il possible de créer un dispositif d’alerte des crues fondées sur les précipitations tombant sur les bassins versants, ce dont les élus auront de plus en plus besoin ?
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Christophe Béchu, ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires. Madame la sénatrice Ventalon, le site Vigicrues, géré par le ministère de l’écologie, informe des risques de débordement pouvant survenir, vingt-quatre heures sur vingt-quatre, sept jours sur sept. En 2021, une vigilance de niveau orange, synonyme de risque de débordements très importants, a été déclenchée vingt-quatre heures après la crue spectaculaire que vous avez évoquée.
Depuis, nous avons beaucoup progressé.
En effet, depuis cette période, les données dont nous disposons sont plus nombreuses, tout comme le sont les capacités de les modéliser davantage. Bien plus, il existe depuis un nouveau dispositif, FR-Alert. Prévenir le maire, c’est une chose, prévenir les habitants d’un territoire au moyen de SMS de la survenue potentielle d’un danger en est une autre. C’est pourtant une réalité depuis quelque mois.
Pour l’illustrer, je prendrai volontairement l’exemple de la vallée de la Vésubie, où je me suis rendu. Elle aussi a été frappée par des inondations records, directement corrélées au dérèglement climatique. En effet, les précipitations qui, en hiver, tombaient jusqu’à présent pour partie sous forme de neige dans les zones de montagne et n’atteignaient pas la vallée, finissent, du fait de températures trop douces, par se déverser sous forme de pluie : la quantité d’eau qui se déverse alors dans la vallée est telle qu’elle entraîne des crues absolument spectaculaires.
Lors de ce dernier épisode, le dispositif FR-Alert d’envoi de SMS aux habitants du territoire touché a été activé, tout comme il l’a été dans le Pas-de-Calais avant la survenue de plusieurs inondations, une connexion étant désormais établie entre ce système d’alerte par messagerie et nos dispositifs de prévention.
Pour autant, je ne me satisfais pas de cette situation.
Nous continuons donc d’augmenter le nombre de stations ZIP. Je n’entre pas dans le détail de ces outils et des autres dispositifs qui, grâce à des supercalculateurs, au développement de stations et à des logiciels de modélisation, permettent d’obtenir des précisions de plus en plus fines. L’accentuation du dérèglement climatique entraînant des phénomènes qui parfois vont plus vite ou sont plus intenses que ce que nous avons modélisé, il nous faut continuer à relever notre niveau de protection au fur et à mesure que le niveau de risque augmente.
M. le président. La parole est à Mme Anne Ventalon, pour la réplique.
Mme Anne Ventalon. Monsieur le ministre, vous avez raison de ne pas vous satisfaire des dispositifs existants : des améliorations peuvent encore être apportées pour une meilleure mise en sécurité des populations.
difficultés d’élus face à l’absence de souplesse de l’administration
M. le président. La parole est à M. Stéphane Piednoir, auteur de la question n° 1032, adressée à M. le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.
M. Stéphane Piednoir. Monsieur le ministre, je souhaite appeler votre attention sur les difficultés que rencontrent les élus de Chenillé-Champteussé pour sécuriser le pont qui traverse cette petite commune située dans un département, qui, je crois, vous est assez cher, le Maine-et-Loire. (Sourires.)
Le 15 septembre 2023, à la suite d’un diagnostic, prenant conscience des dangers et de la nécessité de réaliser des travaux visant à sécuriser le pont qui traverse leur commune, ces élus ont signé un devis. Seulement cinq jours plus tard, à savoir le 20 septembre, ils ont appris qu’un programme national Ponts avait été lancé. Dès lors, ils ont évidemment sollicité une subvention pour ce chantier auprès du Centre d’études et d’expertise sur les risques, l’environnement, la mobilité et l’aménagement (Cerema).
Néanmoins, la signature de ce devis valant engagement des travaux, la subvention leur a été refusée, alors même que les travaux n’étaient absolument pas engagés.
Monsieur le ministre, vous devinez l’objet de ma demande : c’est un peu de souplesse de la part de l’administration face à des élus vertueux, qui prennent conscience des dangers auxquels sont exposés leurs concitoyens et qui, alors que les travaux n’ont pas été engagés, se voient refuser une subvention à laquelle ils pensaient avoir légitimement droit.
J’attends avec impatience votre réponse, monsieur le ministre.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Christophe Béchu, ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires. Quand l’ancien maire de Montreuil-Juigné interroge, devant des enfants de Beaucouzé, l’ancien maire d’Angers sur une situation concernant Chenillé-Champteussé, il faut absolument trouver une solution ! (Sourires.) C’est ce que nous allons faire.
Regardons la situation objectivement : si un conseil municipal décide de réaliser des travaux sans demander de subventions, puisque de telles aides n’existent pas à ce moment-là, c’est bien qu’il estime théoriquement possible de faire sans. Cinq jours plus tard, il se dit : c’est tout de même dommage, l’État vient de lancer un programme de plusieurs dizaines de millions d’euros, autant en profiter. Comment une commune qui ne demande pas de subventions au moment où elle lance des travaux peut-elle ensuite affirmer qu’elle ne peut s’en passer ?
Toutefois, si l’on est honnête, on sait que cette subvention a précisément été créée pour aider des communes comme Chenillé-Champteussé à faire face à de tels travaux.
C’est pourquoi, monsieur le sénateur, de façon très claire, je vous indique que je vais me tourner vers le préfet, plus largement vers les services de l’État, pour que, pour toute la phase de travaux qui n’a pas déjà démarré, la commune de Chenillé-Champteussé puisse être accompagnée.
Ce qui sera bon pour ce territoire sera bon pour l’Anjou et ce qui est bon pour l’Anjou est bon pour la France. (Sourires.)
M. le président. La parole est à M. Stéphane Piednoir, pour la réplique.
M. Stéphane Piednoir. À l’évidence, il y a un tropisme du Maine-et-Loire, ce matin. (Sourires.)
Monsieur le ministre, je vous remercie de cette réponse. Vous savez à quel point les élus seront attentifs à votre intervention. En effet, je n’ai pas précisé que, après la signature du devis, les travaux ont aussi augmenté en volume – ce sont des cas de figure auxquels les élus doivent parfois faire face. De fait, la nature des travaux nécessite désormais une enveloppe budgétaire supplémentaire, le devis initial ne suffisant plus.
À cet égard, il apparaît bien légitime qu’ils bénéficient de cette subvention, dont le montant reste assez modeste au regard des travaux d’urgence de confortation et de sécurisation du pont qu’il faut accomplir. Nous savons tous les drames qui peuvent survenir lorsque les élus ne prennent pas le taureau par les cornes.
exonération de taxe foncière de longue durée
M. le président. La parole est à M. Hervé Reynaud, auteur de la question n° 1027, adressée à M. le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.
M. Hervé Reynaud. L’article 71 de la loi de finances pour 2024 prévoit, pour les immeubles locatifs sociaux de plus de quarante ans dont la performance énergétique est de niveau F ou G et qui nécessitent par conséquent une opération de rénovation lourde, une exonération de taxe foncière sur les propriétés bâties pendant quinze ans à compter de la fin des travaux.
L’effet pervers de cette mesure est clairement identifié : plus le parc de logements d’une commune est vieillissant, plus il est composé d’habitat social, plus la commune est pénalisée financièrement par ces exonérations. Il est incompréhensible de vouloir multiplier le nombre de rénovations et, dans le même temps, de priver financièrement les communes qui engagent ces programmes de rénovation. C’est le cas de la Loire, département que j’affectionne particulièrement.
Le Sénat a entendu l’appel des associations d’élus en adoptant un amendement visant à remplacer le terme « exonération » par celui de « dégrèvement ». Dans le cas d’un dégrèvement d’impôts locaux en effet, le manque à gagner pour la collectivité est intégralement compensé et pris en charge par l’État. Cet amendement n’a malheureusement pas été retenu dans la version définitive du texte.
Cette situation n’est plus tenable, particulièrement pour les communes les moins favorisées. Le dispositif d’exonération confirme, une fois de plus, le désengagement de l’État en matière de logement, au détriment des finances locales.
Monsieur le ministre, l’année dernière, le Sénat a formulé une quinzaine de propositions pour rendre aux élus locaux leur pouvoir d’agir. Certaines sont un plaidoyer en faveur de l’autonomie financière des collectivités territoriales.
La mission sur la décentralisation confiée à M. Woerth travaillera-t-elle à un réexamen du droit à compensation ?
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Christophe Béchu, ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires. Monsieur le sénateur Reynaud, je vous remercie sincèrement de cette question, qui est précieuse, car elle porte sur un dispositif qui n’a selon moi pas été suffisamment valorisé et qui mérite quelques précisions. L’idée de départ est assez simple.
Eu égard aux fonctions que vous avez occupées dans votre ancienne vie, à la métropole de Saint-Étienne ou ailleurs, vous savez bien que la construction d’un logement neuf social entraîne une absence de taxe foncière pendant des années. Une telle mesure n’est aujourd’hui pas remise en cause, même si elle peut peser plus ou moins lourd sur les territoires en fonction de la part de logements sociaux qui les compose.
À partir d’un certain niveau, une rénovation énergétique dans l’ancien coûte tellement cher qu’il n’est pas illogique que les mêmes avantages que le neuf puissent lui être accordés – on en reprend en effet pour trente ou quarante ans quand on fait une rénovation globale. Le dispositif Seconde Vie de logements locatifs sociaux, qui consiste à faire bénéficier à une rénovation lourde des avantages dont profiterait une construction neuve, a pour objectif de démontrer qu’il n’est pas judicieux de démolir pour reconstruire, lorsque la rénovation est possible et que, d’un point de vue écologique, la démolition n’est pas la meilleure des solutions.
De surcroît, nous pensons que la rénovation du logement social permettra de massifier la filière, car il est évidemment plus simple d’obtenir l’accord d’une copropriété quand celle-ci est détenue par une seule personne, à savoir le directeur de l’office HLM ou l’élu, et non par plusieurs copropriétaires, comme c’est le cas dans les copropriétés classiques.
En revanche, vous avez tout à fait raison : on ne peut pas laisser ce dispositif à la charge des communes. C’est pourquoi je vous annonce que le manque à gagner en résultant pour les communes sera bien compensé par l’État, par la voie d’un prélèvement sur recettes qui est prévu dans la loi de finances.
Dans la mesure où votre préoccupation est légitime, je vous communiquerai très prochainement les précisions nécessaires concernant la mise en œuvre de ce dispositif. Pour que cela fonctionne, il nous faut accompagner les bailleurs et faire en sorte que les communes ne se retrouvent pas doublement lésées, d’abord parce qu’elles font le jeu de la mixité sociale, ensuite parce que, au titre de la transition écologique, elles perdraient des recettes, alors que leur action va dans le bon sens.
M. le président. La parole est à M. Hervé Reynaud, pour la réplique.
M. Hervé Reynaud. Les perspectives que vient de tracer M. le ministre ont aussi vocation à valoriser une politique du logement favorable aux maires bâtisseurs.
M. Hervé Reynaud. Je suis pour ma part issu d’un territoire particulièrement résilient en la matière, le département de la Loire, plus particulièrement le Sud-Loire. Des opérations lourdes de résorption de friches ont été menées dans l’agglomération stéphanoise et la ville de Saint-Chamond, notamment grâce à l’effet levier permis par les aides du fond pour le recyclage des friches.
Pour nous, il était extrêmement important d’accompagner et d’aider les élus en la matière pour reconstruire la ville sur elle-même.
immatriculation et assurance des remorques agricoles
M. le président. La parole est à M. Bernard Buis, auteur de la question n° 1039, transmise à M. le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.
M. Bernard Buis. Ma question porte sur la réglementation de l’immatriculation et de l’assurance des remorques agricoles.
Selon l’article R. 322-1 du code de la route, les appareils agricoles remorqués dont le poids total en charge est supérieur à 1,5 tonne doivent être immatriculés.
Depuis 2013, la réglementation encadrant l’immatriculation des remorques est devenue de plus en plus contraignante. Elle a cependant un effet sur une tradition rurale historique : celle des corsos, des fêtes des laboureurs, des fêtes des bouviers.
Ces fêtes populaires coïncident bien souvent avec l’arrivée du printemps. Ces défilés de chars fleuris symbolisent depuis 1870 la transmission d’un véritable savoir-faire entre générations, à tel point que la tradition des corsos est désormais inscrite au patrimoine culturel immatériel de la France. À l’origine, ces chars étaient tirés par des chevaux ou des bœufs. La pratique traverse les siècles grâce aux fêtes des bouviers, encore très présentes dans mon département de la Drôme.
Aujourd’hui, les chars sont principalement tractés par des engins agricoles. C’est pour cette raison que les organisateurs bénévoles des corsos font face à des contraintes réglementaires qui s’appliqueront bientôt pleinement. En effet, les vignettes vertes en papier des assurances seront supprimées à partir du 1er avril 2024, ce qui nécessitera que les véhicules immatriculés figurent au fichier des véhicules assurés (FVA).
La fédération des festivals, carnavals et fêtes Drôme-Ardèche m’a alerté sur les difficultés financières liées à toutes ces contraintes, qui risquent d’être fatales à une tradition présentant un danger très limité.
En effet, les remorques de corsos sont tractées à une vitesse de défilé d’environ 1,5 kilomètre par heure et de 10 à 15 kilomètres par heure lors du parcours d’approche. De plus, elles circulent généralement un seul week-end par an. L’utilisation de ces remorques est donc très occasionnelle et bien différente d’un usage agricole professionnel.
Monsieur le ministre, pour que la tradition rurale et populaire des corsos puisse perdurer, la réglementation encadrant l’immatriculation et l’assurance des remorques agricoles peut-elle être aménagée ? Des autorisations préfectorales pourront-elles être délivrées en ce sens ?
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Christophe Béchu, ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires. Monsieur le sénateur Buis, je vous réponds avec beaucoup d’humilité, car, à dire le vrai, en me levant ce matin, j’ignorais à peu près tout des réglementations concernant les remorques agricoles et de leurs conséquences éventuelles sur les défilés traditionnels et festifs. (Sourires.)
Voici l’état du droit sur cette question.
Les obligations d’immatriculation ont été étendues à différents types de véhicules par un décret du mois de février 2009. Cette obligation s’impose aux véhicules ou appareils agricoles rattachés à une exploitation agricole mis en circulation après le 1er janvier 2013.
Un arrêté du 19 décembre 2016 relatif à la réception des véhicules agricoles et forestiers est venu préciser les modalités de réception de ces véhicules, notamment pour en garantir la sécurité.
Conformément au code de la route, les propriétaires de véhicules soumis à immatriculation doivent en faire la demande avant la mise en circulation sur la voie publique. Un véhicule mis en service, mais ayant toujours circulé en milieu fermé, devra être immatriculé le jour où il circulera sur la voie publique.
Toutefois, les véhicules ou appareils agricoles remorqués dont le poids total en charge est supérieur à 1,5 tonne, mis en service avant le 1er janvier 2013, n’ont pas d’obligation d’immatriculation. Par conséquent, monsieur le sénateur, les véhicules anciens que vous évoquez et qui existent depuis plusieurs générations bénéficient de cette exception.
Si, dans certains territoires, les services publics locaux ont oublié que cette exception valait de manière générale pour tous les véhicules mis en service avant le 1er janvier 2013, il conviendra de nous en informer.
Je précise que cette obligation ne s’applique pas non plus à tous les véhicules dont le poids en charge est inférieur à 1,5 tonne.
Avec ces deux exceptions, j’ai le sentiment que nous préservons nos traditions et que la réglementation actuelle est équilibrée. Ainsi, nous pourrons continuer à célébrer les corsos et autres moments de convivialité.
difficultés pour les collectivités locales à s’assurer
M. le président. La parole est à Mme Else Joseph, auteure de la question n° 903, adressée à M. le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.
Mme Else Joseph. Monsieur le ministre, il y a quelques mois, quand certaines parties de nos territoires s’embrasaient, nos communes étaient de nouveau confrontées à un problème qui prend de l’ampleur : leur difficulté à s’assurer. Elles sont de plus en plus nombreuses dans cette situation.
La résiliation anticipée de leur contrat d’assurance, que permet le code des assurances, est perçue par nos communes comme un véritable couperet, une épée de Damoclès. Malheur à celles qui refusent la hausse des cotisations !
À l’augmentation des cotisations et des franchises s’ajoute le refus de certains assureurs, ce qui laisse nos communes démunies.
Alors que la sinistralité augmente, des assureurs se retirent du marché, un marché pas toujours concurrentiel, ce qui entraîne un phénomène de monopole défavorable aux communes.
Pourtant, le recours aux assurances est une nécessité en raison des activités multiples de nos communes : pour la flotte automobile, la garantie des biens, la lutte contre les incendies, la protection des personnes, des musées et de leurs collections… Nous ne pouvons donc pas laisser les communes seules, car les activités qu’elles organisent ont un coût supplémentaire. Leurs budgets sont affectés, limitant leur choix et les conduisant malheureusement à des arbitrages douloureux.
Dans mon département des Ardennes, les exemples sont nombreux, tant dans les petites communes que dans les grandes agglomérations. Ardenne Métropole a constaté une augmentation de sa cotisation de 50 %, la commune de Bogny-sur-Meuse a subi une augmentation de 15 % pour l’assurance de sa flotte automobile.
Nombreuses sont les communes à dénoncer ces comportements unilatéraux et soudains, qui les placent devant le fait accompli.
Toutes nos communes rurales sont ainsi exposées à ces difficultés. Cela contredit le principe du mécanisme assurantiel qui est d’aider tout le monde face aux aléas et aux risques de la vie.
Monsieur le ministre, sans assurances, la libre administration des collectivités locales est compromise.
Qu’envisagez-vous pour que nos communes puissent s’assurer dans des conditions sereines et non exorbitantes ? Comment les aider à faire face aux pratiques de certains assureurs, aux cotisations élevées ? Que comptez-vous faire face aux résiliations anticipées qui sont une source de déséquilibre dans les relations entre les communes et leurs assureurs ?
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Christophe Béchu, ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires. Madame la sénatrice, vous vous faites la porte-parole légitime de toutes ces communes qui souffrent déjà des effets du dérèglement climatique et de ceux des émeutes du mois de juillet dernier et qui se retrouvent confrontées à deux types de phénomènes : ou bien elles n’ont pas d’offre ou bien elles reçoivent des offres polies, mais avec des niveaux de prime tels que cela revient à leur dire qu’elles feraient mieux d’aller voir ailleurs ou de s’auto-assurer.
Pas plus tard que ce matin, le journal Ouest-France a fait sa une sur ces communes de plus en plus nombreuses qui peinent à s’assurer. La coïncidence de cette question orale et de ce titre de la presse locale ne manque d’ailleurs pas d’interroger et il me semble qu’une enquête serait nécessaire en dehors de cet hémicycle ! (Sourires.)
Je formulerai trois remarques.
Premièrement, cette problématique ne date pas de l’année dernière. Pour déterminer comment accompagner ces communes, une mission a été confiée au maire de Vesoul, Alain Chrétien – il me semble que c’est une bonne idée d’avoir confié ce travail à une personnalité locale et non nationale –, l’objectif étant de disposer au plus tard avant l’été d’un diagnostic complet de la situation.
Deuxièmement, le médiateur de l’assurance a été sollicité pour définir comment accompagner les communes dans un certain nombre de cas.
Troisièmement, des réflexions ont déjà été conduites. En effet, nous sommes convaincus qu’en valorisant des actions de prévention nous devrions être capables de revenir à des niveaux de prime raisonnables. Telle est ma conviction. À cet égard, j’attends avec beaucoup d’impatience les conclusions du rapport Chrétien.
Je me suis également mis à regarder comment faisaient nos voisins européens. Spontanément, nous avons la tentation de regarder ce que nous faisions dans le passé ; nous devons nous habituer à nous tourner vers les autres pays qui sont confrontés exactement aux mêmes difficultés. C’est la raison pour laquelle j’ai demandé à des sociétés d’assurance internationales de nous présenter les dispositifs existant ailleurs.
Le problème de l’assurance est devant nous, comme l’a montré la question de Mme Ventalon concernant la commune de Vernon. Le problème est double, il est lié au changement climatique, mais aussi aux comportements. Nous devons examiner toutes les pistes et nous inspirer des exemples pertinents qui se trouvent autour de nous.
M. le président. La parole est à Mme Else Joseph, pour la réplique.
Mme Else Joseph. Il faut impérativement rassurer les collectivités territoriales, qui sont en plein désarroi aujourd’hui.
M. le président. La parole est à M. Hervé Maurey, auteur de la question n° 820, adressée à M. le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.
M. Hervé Maurey. Nous le savons, les secrétaires de mairie jouent un rôle essentiel dans le fonctionnement de nos communes, tout particulièrement dans celui des communes rurales. Aux côtés des maires, elles doivent faire preuve de disponibilité, de rigueur et de polyvalence, entre autres qualités.
En contrepartie de leurs responsabilités et de leurs tâches importantes, elles bénéficient d’un traitement et d’une évolution de carrière tout à fait insuffisants.
Dans ces conditions, il n’est pas surprenant que les élus aient de plus en plus de difficultés à recruter. Il manque aujourd’hui 2 000 secrétaires de mairie, phénomène appelé à s’accentuer dans les années à venir. Il faut donc renforcer au plus vite l’attractivité de cette profession.
C’est pourquoi, sur l’initiative du Sénat, la loi du 30 décembre 2023 visant à revaloriser le métier de secrétaire de mairie a pour objet d’améliorer la formation initiale des secrétaires de mairie, ainsi que d’assurer leur promotion interne. De toute évidence, des mesures plus ambitieuses doivent encore être prises.
Les communes ne peuvent plus supporter seules le nécessaire effort financier en faveur des secrétaires de mairie, comme cela a été le cas pour les revalorisations du point d’indice.
Ma question est donc la suivante : le Gouvernement compte-t-il participer à cet effort, et, si oui, qu’envisage-t-il ?
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Christophe Béchu, ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires. Monsieur le sénateur, à bien des égards, votre question ne me surprend pas. Ceux qui vous connaissent savent à quel point vous êtes attaché à accompagner les maires de votre territoire et à quel point les binômes maire-secrétaire de mairie sont absolument indissociables.
La plupart du temps dans l’ombre, ces couples font en sorte de régler les problèmes de la vie quotidienne, accompagnent les détresses et les désarrois parfois intimes des familles de la commune, s’échinent à essayer de comprendre les règlements administratifs, montent les stratégies qui permettent de défendre un dossier à l’échelon intercommunal, par exemple un dossier de demande de subvention intercommunale pour un projet d’école. J’ai en tête ce qui se faisait sur mon territoire quand le sénateur Emmanuel Capus était le vice-président chargé de ces dossiers.
M. Emmanuel Capus. Excellent sénateur ! (Sourires.)
M. Christophe Béchu, ministre. Monsieur le sénateur, vous avez pris toute votre part à l’élaboration de la loi du 30 décembre 2023, qui a permis de revaloriser le métier de secrétaire de mairie et, bien plus, de rendre justice aux héros du quotidien qui assurent ces fonctions.
Ainsi, à compter du 1er janvier 2028, l’accès aux fonctions de secrétaire général de mairie – conformément à la nouvelle appellation qui a été retenue – sera ouvert aux agents de catégorie A et B, ce qui témoigne de l’importance accordée par tous à cette fonction.
Le législateur, parfaitement conscient de la nécessité de tenir compte des moyens financiers de chaque collectivité, a maintenu la liberté de recruter des secrétaires de mairie parmi les trois catégories hiérarchiques de la fonction publique jusqu’à cette date.
J’en viens à la traduction réglementaire de cette loi. Le Gouvernement a d’ores et déjà engagé les travaux de mise en œuvre, qui devront se faire avec toutes les parties prenantes. Je pense au plan de requalification pour permettre aux secrétaires de mérite de catégorie C d’être promus en catégorie B d’ici au 31 décembre 2027, dans le cadre d’une voie de promotion interne exonérée de tout contingentement. Je pense aussi à la création d’une nouvelle voie de promotion interne pour faire en sorte que les secrétaires de mairie de catégorie B puissent exercer ce métier sur la base d’une formation qualifiante.
Monsieur le sénateur, je ne doute pas que, d’ici au 1er janvier 2028, vous serez le premier à repérer les domaines dans lesquels il faut des ajustements d’ordre réglementaire ou législatif. Je me réjouis de toutes ces occasions qui seront autant de prétextes pour passer du temps avec vous. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP.)
M. Emmanuel Capus. Bravo !
M. le président. La parole est à M. Hervé Maurey, pour la réplique.
M. Hervé Maurey. Monsieur le ministre, je vous remercie de votre réponse aimable et sympathique, qui confirme que vous connaissez le terrain, la réalité du fonctionnement des communes rurales, ce qui n’est pas toujours le cas des ministres qui sont au banc du Gouvernement.
Néanmoins, c’était le sens de ma question : il faut aller au-delà de la loi que l’on a votée, car elle reste insuffisante. Pour cela, il faut un accompagnement financier de l’État. En effet, les communes ne peuvent pas seules supporter financièrement la nécessaire revalorisation des secrétaires de mairie. Et c’est à cela que j’appelle le Gouvernement.
situation de l’hôpital de redon-carentoir
M. le président. La parole est à M. Daniel Salmon, auteur de la question n° 937, adressée à Mme la ministre du travail, de la santé et des solidarités.
M. Daniel Salmon. Madame la ministre, ma question porte sur la situation de l’hôpital de Redon-Carentoir.
Ce centre hospitalier intercommunal est en effet un équipement vieillissant, ce qui entraîne de très fortes contraintes de remise aux normes. Sa vétusté a des incidences importantes sur les conditions de travail des soignants et l’accueil des patients. Par ailleurs, le fait qu’il ne réponde pas aux normes de sécurité a pour conséquence un surcoût de fonctionnement de plus de 2 millions d’euros par an.
Cet hôpital est indispensable dans ce territoire de 150 000 personnes réparties sur les trois départements d’Ille-et-Vilaine, du Morbihan et de la Loire-Atlantique. Il est par ailleurs situé à une heure de route des principaux hôpitaux de recours qui sont à Nantes, Rennes et Vannes. De plus, le diagnostic de santé de ce territoire est connu pour ses indicateurs très défavorables : surmortalité importante, part des patients en affection longue durée supérieure aux moyennes régionale et nationale.
Un audit réalisé il y a plus de deux ans préconisait la construction d’un nouvel équipement plutôt qu’une réhabilitation qui ne permettrait pas de répondre aux besoins.
Alors qu’il était initialement prévu sur 22 000 mètres carrés pour un budget de 105 millions d’euros, puis revu à 16 000 mètres carrés pour 70 millions d’euros, le Conseil national de l’investissement en santé (Cnis) a préconisé un redimensionnement de ce nouvel établissement à 5 900 mètres carrés pour 40 millions d’euros. Ce projet revu à la baisse, avec moins de surfaces, moins de services et de lits, a été extrêmement mal reçu par les élus et les usagers, qui ont le sentiment de se voir proposer un projet d’hôpital au rabais.
Après tant d’atermoiements et de mépris envers le travail collectif des élus du territoire, je souhaite savoir à quelle hauteur l’État compte s’engager pour un établissement qui n’a pas bénéficié d’investissements publics depuis une vingtaine d’années et qui ne pourra pas assurer un niveau d’autofinancement suffisant.
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Aurore Bergé, ministre déléguée auprès du Premier ministre, chargée de l’égalité entre les femmes et les hommes et de la lutte contre les discriminations. Monsieur le sénateur, il n’y a évidemment pas de santé au rabais, quel que soit le territoire où l’on se trouve !
L’engagement de l’État en faveur de ce projet est très fort, comme en témoignent les éléments que je peux vous communiquer aujourd’hui.
Ce projet bénéficiera d’un soutien financier de 20 millions d’euros, dans le cadre du Ségur de la santé, en reconnaissance du rôle majeur de l’hôpital en question dans l’accès aux soins dans le bassin de vie de Redon. Ce soutien permettra non seulement de disposer d’un nouvel hôpital qui répondra aux exigences de qualité et de sécurité dans la prise en charge des patients, mais aussi d’améliorer les conditions d’accueil de ces derniers, ainsi que les conditions de travail des professionnels de santé.
Au printemps 2023, les dernières études techniques ont mis en évidence que l’option de reconstruction de l’ensemble du bloc central sur le terrain de Bellevue, qui était jusqu’alors privilégiée, posait des difficultés techniques, financières et environnementales.
C’est pourquoi, en lien avec l’agence régionale de santé (ARS) de Bretagne, le ministère a souhaité solliciter l’expertise du conseil scientifique du Conseil national de l’investissement en santé, qui accompagne nombre de projets majeurs dans notre pays. Les conclusions de ses travaux ont été présentées le 5 décembre dernier au conseil de surveillance de l’établissement, qui a accueilli favorablement la proposition alternative qui lui a été présentée. Un travail technique est nécessaire, pour lequel le centre hospitalier de Redon bénéficiera d’une assistance à maîtrise d’ouvrage. Enfin, des consultations des instances internes du centre hospitalier devaient être conclues au mois de janvier.
M. le président. La parole est à M. Daniel Salmon, pour la réplique.
M. Daniel Salmon. Madame la ministre, votre réponse ne me satisfait pas du tout : 20 millions d’euros, c’est absolument insuffisant ! Aujourd’hui, le Gouvernement va de crise en crise et n’anticipe rien. On constate des mobilisations très fortes dans ce territoire : 1 000 personnes se sont rassemblées le 27 janvier ; il y en aura beaucoup plus lors de la prochaine manifestation, qui est déjà prévue.
La santé devient la variable d’ajustement de vos budgets d’austérité ; ce n’est pas tolérable ! Vous savez parfaitement que cet hôpital n’a pas de capacité d’autofinancement. C’est pourquoi les 20 millions prévus ne suffiront pas du tout : il faut le triple !
contamination de l’eau potable en charente par le chlorothalonil-r471811
M. le président. La parole est à Mme Nicole Bonnefoy, auteure de la question n° 962, adressée à Mme la ministre du travail, de la santé et des solidarités.
Mme Nicole Bonnefoy. Madame la ministre, dans un rapport du 6 avril 2023, l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses) a révélé une vaste contamination de l’eau par des résidus de pesticides ; le chlorothalonil-R471811 est notamment présent dans plus d’un prélèvement sur deux.
Ce métabolite est directement issu de la dégradation d’un fongicide qui, bien qu’il soit interdit en France depuis 2019, demeure présent dans les sols et dans l’eau. Au-dessus du seuil sanitaire de 3 microgrammes par litre défini par le Haut Conseil de la santé publique, l’eau ne peut plus être bue.
Cette valeur fait référence jusqu’à ce que l’Anses ait terminé sa réévaluation de la pertinence de cette molécule et statué, si nécessaire, sur une valeur sanitaire maximale. Où en est-on, madame la ministre ?
Dans mon département de la Charente, selon l’agence régionale de santé (ARS) de Nouvelle-Aquitaine, le métabolite précité a été détecté dans 49 captages sur les 56 qui ont été testés à ce jour. Dès qu’on le cherche, on le trouve !
Ce métabolite est classé cancérogène probable. Aussi, madame la ministre, entendez-vous prendre des mesures d’urgence sanitaire, mais aussi soutenir les collectivités confrontées à la nécessaire dépollution de l’eau ?
En effet, il y a un réel risque de fracture territoriale de la qualité de l’eau, les territoires se trouvant plus ou moins bien dotés pour faire face à ces pollutions. Comment comptez-vous répondre à cette potentielle crise de l’eau ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Aurore Bergé, ministre déléguée auprès du Premier ministre, chargée de l’égalité entre les femmes et les hommes et de la lutte contre les discriminations. Madame la sénatrice, vous avez évidemment raison d’évoquer ces enjeux de santé publique ; c’est bien pour les prendre en considération que l’ARS a agi, dans l’ensemble de la région de Nouvelle-Aquitaine et, en particulier, dans votre département de la Charente, de manière que des contrôles puissent être réalisés.
Ils l’ont été, et 89 captages ont été analysés : aucun ne présente de trace de la molécule mère du chlorothalonil ni une concentration de ses métabolites supérieure à 3 microgrammes par litre, soit la valeur sanitaire qui nécessiterait une intervention urgente, en particulier une restriction de la consommation. J’insiste sur ce point : les évaluations sont claires, et aucune restriction n’apparaît nécessaire au vu des résultats.
M. Daniel Salmon. Tout va bien…
M. le président. La parole est à Mme Nicole Bonnefoy, pour la réplique.
Mme Nicole Bonnefoy. Madame la ministre, alors que l’ensemble des filières agricoles, à la faveur de la crise, demandent une levée massive des interdictions de pesticides, la question de l’eau doit ramener le Gouvernement à la raison et l’inciter à privilégier la santé humaine.
Par ailleurs, madame la ministre, il est impossible de laisser les collectivités seules face à ce problème environnemental et de santé publique !
fermetures répétées des services des urgences en gironde
M. le président. La parole est à Mme Monique de Marco, auteure de la question n° 913, adressée à Mme la ministre du travail, de la santé et des solidarités.
Mme Monique de Marco. Madame la ministre, depuis le mois d’avril 2023, les fermetures de services d’urgences hospitalières sont récurrentes en Gironde. L’agence régionale de santé (ARS) de Nouvelle-Aquitaine estime que la situation « n’a jamais été aussi grave ».
Il manque en moyenne 30 % de médecins dans les 15 services d’urgences de Gironde, ce qui entrave la continuité du service public. Les conditions d’accueil des patients comme les conditions de travail des personnels de santé sont alarmantes.
Dans les territoires ruraux, qu’il s’agisse des hôpitaux d’Arès, de Blaye, de Langon, de Lesparre-Médoc ou de Sainte-Foy-la-Grande, les services d’urgence ferment régulièrement. À Sainte-Foy-la-Grande, la situation est gravissime : on a compté, au cours des mois d’avril et mai 2023, plus de 17 jours de fermeture !
Les patients de ces hôpitaux sont redirigés vers le centre hospitalier universitaire de Bordeaux, à plus d’une heure de route. Ce CHU lui-même est désormais contraint de réguler l’accès aux services d’urgence.
L’été, du fait de l’augmentation de la fréquentation des sites touristiques en Gironde et des indisponibilités accrues de personnel, faute de moyens complémentaires, l’ARS envisage de déshabiller Pierre pour habiller Paul. Un « plan rose » est prévu à la maternité de Langon, ainsi que de nouvelles fermetures de services d’urgence. À Sainte-Foy-la-Grande, les urgences ont été fermées pendant plusieurs semaines de l’été 2023. Qu’en sera-t-il en 2024 ?
Alors, madame la ministre, comment comptez-vous remédier, à court terme, à cette situation dramatique des urgences en Gironde ? Quelles mesures concrètes seront mises en œuvre, à moyen terme, pour améliorer la situation du système hospitalier en France et, en particulier, en Gironde ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Aurore Bergé, ministre déléguée auprès du Premier ministre, chargée de l’égalité entre les femmes et les hommes et de la lutte contre les discriminations. Madame la sénatrice, la situation que vous décrivez n’est malheureusement pas l’apanage de la Gironde : on fait face sur l’ensemble du territoire à des tensions extrêmement fortes, qui sont évidemment dues à des enjeux de démographie médicale, mais aussi à des situations dégradées au sein de l’hôpital public et, en particulier, de leurs services d’urgence.
La régulation dans les services d’urgence n’est pas pour autant une mauvaise réponse. Bien au contraire, elle répond à une attente très forte des praticiens eux-mêmes, qui souhaitent ainsi que les patients qu’ils prennent en charge relèvent bien de leurs services.
Par ailleurs, le Premier ministre s’est engagé devant vous, la semaine dernière, sur les services d’accès aux soins (SAS), qui doivent permettre d’assurer une orientation beaucoup plus efficace et effective des patients et ainsi de répondre à l’ensemble des enjeux d’accès aux soins.
Enfin, le Gouvernement a pris, à la fin de 2023, des décrets qui offrent des outils complémentaires pour une prise en charge spécifique des urgences à l’échelle de chaque territoire. Je pense par exemple à la possibilité de graduer les prises en charge dites extra-hospitalières, grâce à des équipes mobiles, afin de réserver strictement la mobilisation de médecins urgentistes aux situations qui le justifient médicalement.
J’insiste donc de nouveau sur l’utilité de la régulation ; je sais qu’elle est parfois vécue comme une difficulté, mais ce sont souvent les urgentistes eux-mêmes qui nous demandent qu’elle soit mise en place pour garantir l’accueil effectif de celles et ceux qui ont réellement besoin des services d’urgence.
M. le président. La parole est à Mme Monique de Marco, pour la réplique.
Mme Monique de Marco. Madame la ministre, je vous remercie de votre réponse. Néanmoins, à mon sens, réguler, offrir des outils complémentaires, graduer les prises en charge, tout cela ne suffira pas à résoudre les problèmes, que ce soit à moyen ou à long terme. Je pense qu’il faut des solutions beaucoup plus pérennes.
remise en cause du parcours de soins coordonnés dans les territoires touchés par la désertification médicale
M. le président. La parole est à M. Fabien Genet, auteur de la question n° 997, adressée à Mme la ministre du travail, de la santé et des solidarités.
M. Fabien Genet. Madame la ministre, je souhaite attirer votre attention, ce matin, sur la pertinence du maintien du parcours de soins coordonnés dans les territoires sévèrement touchés par la désertification médicale.
Dans de nombreux territoires de notre pays comme de mon département de Saône-et-Loire, de très importantes difficultés persistent pour les Français qui sont à la recherche d’un médecin traitant. Je peux témoigner du désespoir qui étreint les patients et leurs familles lorsqu’un médecin prend sa retraite sans remplaçant et que 2 000 patients partent à la recherche d’un nouveau médecin traitant sur un territoire déjà particulièrement sous tension. Cette situation conduit par conséquent à une saturation, voire à une obstruction de l’hôpital public voisin.
Certes, dans de telles situations, la caisse primaire d’assurance maladie (CPAM) prévoit bien une neutralisation des pénalités de remboursement pour les patients dont le médecin part à la retraite ou ferme son cabinet. Mais les jeunes, les nouveaux arrivants sur le territoire, ou encore ceux de nos concitoyens qui n’ont jamais eu de médecin traitant se retrouvent dans une situation extrêmement pénalisante, puisque les remboursements de leurs consultations médicales considérées comme « hors parcours de soins coordonnés » restent minorés de 30 %.
Dans ce contexte de désertification médicale, le système du parcours de soins s’apparente aujourd’hui plus à une double peine qu’à un gage de bonne organisation des soins.
Pour toutes ces raisons, au regard de l’extrême tension du système médical dans notre pays et de l’égalité de traitement entre patients que nous devons à nos concitoyens, je vous demande, madame la ministre, si le Gouvernement compte affronter rapidement la problématique du parcours de soins coordonnés en désert médical, de manière à offrir a minima aux patients qui ne disposent pas d’un médecin traitant le remboursement complet par la CPAM des frais médicaux engagés, dans l’hypothèse, toutefois, où ils trouvent un spécialiste à consulter.
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Aurore Bergé, ministre déléguée auprès du Premier ministre, chargée de l’égalité entre les femmes et les hommes et de la lutte contre les discriminations. Monsieur le sénateur, cette question a déjà été posée. Plusieurs propositions de loi examinées ces derniers mois ont d’ailleurs permis d’avancer sur la question de l’accès direct, en matière de prise en charge, mais aussi de remboursement.
La loi du 19 mai 2023 portant amélioration de l’accès aux soins par la confiance aux professionnels de santé, dite loi Rist, permet ainsi l’accès direct aux podologues et aux kinésithérapeutes, spécialités où, on le sait bien, la nécessité de passer par le parcours de soins coordonnés entraînait parfois une perte de chances pour les Français, quand bien même ce parcours répondait en général à des enjeux de santé publique et de graduation des soins. Après la loi Rist, je ne doute pas que d’autres initiatives, y compris sénatoriales, se feront jour sur ce sujet.
Ensuite, on fait face à un problème de fond, celui de la démographie médicale. C’est la raison pour laquelle on forme aujourd’hui beaucoup plus de professionnels de santé et, en particulier, de médecins généralistes, qu’auparavant. C’est ainsi que 10 000 nouveaux généralistes sont désormais formés chaque année ; ce rythme ira même peut-être en s’intensifiant d’ici à 2025. Cela doit permettre de corriger certains des phénomènes qui ont été décrits.
Par ailleurs, le Premier ministre a pris des engagements devant vous, notamment sur la libération du temps médical. Les assistants médicaux vont augmenter en nombre. Cela peut sembler minime à première vue, mais quand vous libérez 10 % du temps médical de nos médecins généralistes, ce sont en fin de compte 500 000 patients supplémentaires qui peuvent être reçus ! Cela a un effet très direct sur la capacité de nos médecins à faire entrer plus de patients dans le parcours de soins coordonnés, c’est même l’une des réponses essentielles au problème.
Enfin, après avoir levé partiellement le tabou de l’accès direct à certains professionnels de santé, le Gouvernement entend s’attaquer à un autre tabou, celui des rendez-vous non honorés, fléau qui sévit dans nombre de nos départements. Il convient de responsabiliser ceux qui prennent rendez-vous afin que ceux qui attendent de pouvoir avoir accès à un médecin ne soient pas pénalisés.
M. le président. La parole est à M. Fabien Genet, pour la réplique.
M. Fabien Genet. Merci de votre réponse, madame la ministre. J’entends bien que vous reconnaissez l’injustice absolue qu’il y aurait à pénaliser le patient dénué de médecin traitant quand c’est le système de santé qui est incapable de lui en fournir un.
Plus généralement, il s’agit là, me semble-t-il, d’un symptôme du mal qui ronge notre système de santé : l’on finit par oublier que la priorité absolue doit être l’accès aux soins. Il faut selon moi réarmer également notre système de santé, et il y a beaucoup de travail !
prise en charge des enfants atteints d’un trouble du spectre de l’autisme
M. le président. La parole est à Mme Laurence Harribey, auteure de la question n° 949, adressée à Mme la ministre du travail, de la santé et des solidarités.
Mme Laurence Harribey. Madame la ministre, ma question porte sur la prise en charge et l’accompagnement des enfants atteints d’un trouble du spectre de l’autisme (TSA) par des structures non conventionnées.
Faute de place au sein de structures publiques, de nombreuses familles se tournent vers des associations et des professionnels non conventionnés. Ces associations offrent une prise en charge pluridisciplinaire, grâce à des orthophonistes, des psychomotriciens, des éducateurs spécialisés et des psychologues. Les parents sont unanimes à reconnaître qu’elles font faire de grands progrès aux enfants.
En revanche, les frais liés à cette prise en charge sont élevés. Bien que les caisses d’allocations familiales (CAF) aident les familles, le reste à charge est important. Faute de subventions suffisantes par les agences régionales de santé, certaines associations ont annoncé leur fermeture. C’est le cas, par exemple, de l’association girondine Étape, qui sera contrainte de fermer ses portes au mois de juillet prochain, laissant 21 enfants et leur famille sans solution.
Éprouvés par un parcours fastidieux, les parents nous ont adressé un appel au secours.
On doit, à notre sens, se donner les moyens, dans nos politiques publiques, d’encourager le travail remarquable de ces associations. Alors, madame la ministre, qu’entendez-vous faire d’ici à l’été 2024 ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Aurore Bergé, ministre déléguée auprès du Premier ministre, chargée de l’égalité entre les femmes et les hommes et de la lutte contre les discriminations. Madame la sénatrice, vous m’interrogez sur un sujet absolument déterminant : l’inclusion que l’on doit à l’ensemble des Français et en particulier à nos enfants, pour que le droit commun puisse prévaloir et qu’il y ait le moins de pertes de chances possible.
C’est tout l’enjeu des dispositions adoptées au sein de la dernière loi de financement de la sécurité sociale pour le repérage précoce, afin d’éviter la perte de chances, et pour mieux former toutes celles et tous ceux qui sont au contact de nos enfants dès leur plus jeune âge. Nous rencontrons tous – vous l’avez sans doute vécu vous-même – des personnes qui nous disent que leurs troubles n’ont été détectés qu’à l’âge adulte, ce qui entraîne évidemment des pertes de chances en cascade.
Nous avons aussi fait un bond qui me semble assez spectaculaire et tout à fait nécessaire sur la question de l’inclusion scolaire. Rappelons que 325 nouveaux dispositifs spécifiques de scolarisation des élèves autistes à l’école ont été ouverts ; les accompagnants d’élèves en situation de handicap (AESH) sont désormais le deuxième métier de l’éducation nationale. Il ne faut à l’évidence pas s’arrêter là, car le grand effort accompli pour la scolarisation à l’école élémentaire doit être poursuivi pour le reste de la vie de ces personnes : leur insertion au collège, au lycée et à l’université, puis dans la société plus largement, doit être garantie.
Il faut donc poursuivre ce double effort : d’une part, le repérage précoce, entre 0 et 6 ans, permettra de garantir qu’il n’y aura pas de pertes de chances ; d’autre part, une prise en charge et un accompagnement continus, tout au long de la vie, doivent préparer ces personnes à s’intégrer dans la société, de manière que, dans ce domaine aussi, le droit commun soit la règle pour chacun des Français.
M. le président. La parole est à Mme Laurence Harribey, pour la réplique.
Mme Laurence Harribey. Merci pour vos éléments de réponse, qui sont en effets importants, mais vous me parlez de l’école inclusive ; moi, je vous pose la question des structures non conventionnées accueillant des enfants qui ne vont pas tous à l’école.
Il y a bien un plan Autisme, mais on ne voit pas ses débouchés en la matière. Je vous rappelle que le temps d’attente avant de pouvoir accéder à un établissement médico-social varie entre deux et huit ans pour les enfants et qu’il est au minimum de dix ans pour les adultes.
La nouvelle stratégie, prête depuis le mois de juillet dernier, n’est toujours pas appliquée. Les professionnels comme les parents demandent un véritable plan de santé publique. Il est indispensable d’aider en priorité les structures existantes pour éviter qu’elles ferment, comme l’association girondine que j’ai évoquée, menacée dès le mois de juillet prochain.
collecte de sang en guyane
M. le président. La parole est à Mme Marie-Laure Phinera-Horth, auteure de la question n° 1033, adressée à Mme la ministre du travail, de la santé et des solidarités.
Mme Marie-Laure Phinera-Horth. Madame la ministre, je veux aujourd’hui vous parler de Karen : âgée de 8 ans seulement, elle se bat courageusement contre une leucémie aiguë. Chaque jour de vie en plus est une victoire pour elle.
Ces dernières semaines, la vie fragile de la petite Karen a failli basculer. En Guyane, les plaquettes nécessaires pour stabiliser son état de santé manquaient cruellement.
Il faut dire que la Guyane est actuellement confrontée à une forte épidémie de dengue, qui rend plus complexe encore la gestion déjà difficile du stock de plaquettes. Faut-il rappeler que la collecte de sang est suspendue en Guyane depuis près de vingt ans à la suite de l’extension à ce territoire de la maladie de Chagas ?
Depuis 2005, le sang transfusé aux Guyanais provient essentiellement des Antilles ou de la France hexagonale. Cette organisation pose plusieurs problèmes de santé publique. Se pose d’abord la question évidente de la disponibilité des stocks. En effet, la Guadeloupe n’est pas autosuffisante en matière de produits sanguins labiles. En outre, la France hexagonale et les Antilles se trouvent respectivement à huit et trois heures de vol. Nous ne pouvons pas taire non plus la question des phénotypes rares : du fait de notre diversité, on trouve en Guyane des groupes sanguins rares. L’utilisation de sang n’appartenant pas à ces groupes multiplie les risques d’incompatibilité et de réactions transfusionnelles.
Il y a deux ans, j’avais interpellé le Gouvernement sur cette même question. On m’avait opposé un rapport de Santé publique France. Or ce rapport ne ferme pas la porte à une reprise de la collecte du sang en Guyane ; il dit, tout au plus, qu’il y aura des contraintes.
Nous savons qu’à l’arrêt de la collecte de sang les actifs de l’Établissement français du sang (EFS) en Guyane ont été transférés à la Guadeloupe. Les Guyanais – j’insiste sur ce point – en ont assez d’être les sacrifiés !
Combien de Karen faudra-t-il, madame la ministre, avant que la France n’envisage sérieusement de reprendre la collecte de sang en Guyane ? Vous pouvez dès à présent, à tout le moins, autoriser le prélèvement des plaquettes, qui bénéficient d’un traitement rendant inactifs les virus. Ce sera un premier pas, en attendant que la recherche progresse encore.
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Aurore Bergé, ministre déléguée auprès du Premier ministre, chargée de l’égalité entre les femmes et les hommes et de la lutte contre les discriminations. Madame la sénatrice, je connais votre engagement pour votre territoire de la Guyane. Vous le savez, quel que soit le territoire concerné, hexagonal ou ultramarin, et de manière systématique, c’est uniquement pour des raisons épidémiologiques que les collectes de sang peuvent être interrompues. Il n’y a pas de discrimination en fonction du territoire : une telle mesure peut affecter n’importe lequel d’entre eux dès lors qu’existe un risque pour la santé publique, un risque de perte de chances pour les patients.
C’est la raison pour laquelle, aujourd’hui encore, en Guyane ou à Mayotte, ces collectes ne peuvent avoir lieu. Je vais en reparler au sein du Gouvernement, parce que j’entends bien l’alerte que vous lancez de nouveau sur ce sujet, mais je veux redire ici aujourd’hui, pour que tout le monde l’ait bien en tête, pourquoi ces collectes sont actuellement impossibles.
En 2005 un arrêté préfectoral a mis un terme à la collecte de sang sur le territoire guyanais, en raison de la présence en Guyane de la maladie de Chagas, qui constitue un véritable problème de santé publique sur le continent sud-américain et en Amérique latine ; 15 à 20 millions de personnes seraient infectées dans cette région, le risque de transmission de cette maladie étant très élevé.
C’est bien la raison pour laquelle la possibilité de donner son sang n’a pu être rouverte en Guyane depuis lors. Ces décisions se prennent, je le redis, uniquement sur des critères épidémiologiques, de santé publique.
Comptez sur moi néanmoins, madame la sénatrice, pour faire remonter cette problématique, afin que l’on puisse éventuellement vous apporter une autre réponse ou que d’autres études puissent être réalisées, puisque la dernière remonte au mois d’août 2021.
mineurs non accompagnés
M. le président. La parole est à M. Cédric Perrin, auteur de la question n° 938, transmise à Mme la ministre du travail, de la santé et des solidarités.
M. Cédric Perrin. Madame la ministre, je souhaite vous interroger sur un sujet difficile dont le Sénat s’est emparé à plusieurs reprises pour proposer des solutions concrètes.
Je veux parler des difficultés liées à l’accueil des mineurs non accompagnés (MNA) et à leur entrée dans le dispositif spécifique qui leur est destiné, en amont de leur prise en charge par l’aide sociale à l’enfance (ASE).
Les questions légitimement posées par les travailleurs sociaux restent globalement irrésolues à ce jour. Les cris d’alerte lancés par les départements sont laissés sans réponse.
Pour faire bouger les choses, certaines collectivités, comme les départements du Territoire de Belfort, du Jura ou de la Vienne, adoptent des motions visant à limiter la prise en charge directe de ces mineurs étrangers.
Deux difficultés majeures sont bien connues par les acteurs de terrain : la première est la phase d’évaluation des demandeurs, au cours de laquelle le placement en accueil provisoire d’urgence n’est pas toujours effectif ; la seconde réside dans la saturation des établissements d’accueil.
Prenons l’exemple du Territoire de Belfort : on dénombre 61 places pour près de 90 mineurs non accompagnés.
Madame la ministre, je ne vous apprends rien : cette tendance est très documentée, notamment par le ministère de la justice, qui, en septembre dernier, annonçait une augmentation du nombre d’arrivées de 30 % en 2022 par rapport à 2021.
Pour toutes ces raisons, il me semble indispensable de procéder au transfert à l’État de la mise à l’abri des mineurs non accompagnés, comme le demande également l’association Départements de France.
Madame la ministre, le Gouvernement compte-t-il prendre cette mesure, pour enfin soulager les départements au bord de l’asphyxie ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Aurore Bergé, ministre déléguée auprès du Premier ministre, chargée de l’égalité entre les femmes et les hommes et de la lutte contre les discriminations. Monsieur le sénateur, permettez-moi d’abord de m’étonner de votre dernière remarque, puisque, à ma connaissance, Départements de France n’a pas publié de communiqué demandant que cette compétence actuellement dévolue aux départements revienne à l’État.
Certes, je connais les problèmes que peuvent rencontrer les départements en la matière. Un certain nombre d’entre eux ont d’ailleurs entrepris des procédures et déposé des recours eu égard aux difficultés, parfois croissantes, que l’on constate, notamment, mais pas uniquement, dans les départements frontaliers.
En revanche, à ce stade, il n’y a pas eu de demande de modification de la répartition des compétences entre État et départements. Ce point sera peut-être abordé dans le cadre de la mission qui a été confiée à Éric Woerth sur l’action publique territoriale et l’organisation des compétences de l’État et des collectivités locales.
Au-delà de ce sujet, des initiatives ont été prises par le Gouvernement.
Ainsi, la loi du 7 février 2022 relative à la protection des enfants a permis le déploiement national du fichier d’appui à l’évaluation de minorité, qui permet une coopération plus fluide, efficace et effective, qu’il convient de renforcer encore.
Par ailleurs, comme la Première ministre Élisabeth Borne s’y était engagée devant Départements de France en 2023, l’enveloppe de soutien aux départements dans la prise en charge des MNA a été portée à 100 millions d’euros dans la loi de finances pour 2024. Cela est d’autant plus bienvenu que cette charge fragilise les finances de certains départements, déjà fragilisées par la baisse du produit des droits de mutation à titre onéreux (DMTO).
Il faut donc distinguer entre deux sujets : d’une part, la nécessaire coordination nationale et le soutien aux départements les plus fragiles ; d’autre part, la répartition des compétences. Sur ce dernier point, il me semble que tous les départements n’ont pas la même position ; en tout cas, Départements de France n’a pas pris officiellement parti en faveur d’une recentralisation de cette compétence.
M. le président. La parole est à M. Cédric Perrin, pour la réplique.
M. Cédric Perrin. Madame la ministre, les flux migratoires sont de la responsabilité exclusive de l’État.
On ne peut pas, dans notre République, oublier les enfants dont l’ordonnance de placement ne peut pas être exécutée, faute de place en foyer, et qui doivent rester dans leur famille, où ils rencontrent des problèmes. C’est exactement ce qui se passe aujourd’hui dans le Territoire de Belfort.
Cette situation n’est pas acceptable. Compte tenu de la saturation des services, nous ne pouvons plus aujourd’hui prendre en charge les enfants qui bénéficient d’ordonnances de placement. J’espère que cette demande sera acceptée par le Gouvernement.
difficultés d’accès aux soins infirmiers et de rééducation dans la ruralité
M. le président. La parole est à M. Jean-Yves Roux, auteur de la question n° 1045, adressée à Mme la ministre du travail, de la santé et des solidarités.
M. Jean-Yves Roux. Madame la ministre, ma question concerne les conditions de délivrance des soins infirmiers réguliers et des suites d’hospitalisation en ruralité.
Des maires m’ont alerté sur les difficultés que rencontrent leurs administrés pour faire venir des infirmiers dans les hameaux ou les communes les plus rurales pour assurer des soins du quotidien.
Des patients, dont beaucoup sortent d’hospitalisation, sont ainsi privés des piqûres quotidiennes, des pansements, des soins de rééducation que leur ont pourtant prescrits des médecins chevronnés. La raison est simple : ils ne peuvent trouver en nombre suffisant, dans leur secteur, des praticiens susceptibles d’assurer ces soins et acceptant de se déplacer de manière régulière.
Madame la ministre, cette situation est courante en milieu rural et a fortiori en montagne, où les distances parcourues et les temps de déplacement sont accrus. Elle se révèle particulièrement coûteuse pour l’assurance maladie et créée des ruptures de soins parmi ces patients, fragilisés par cette situation.
Les cabinets libéraux contactés indiquent ainsi à regret que, dans un contexte inflationniste, le plafonnement de leurs indemnités kilométriques les empêche d’assurer une permanence de soins quotidienne dans des périmètres d’intervention plus éloignés.
Au total, les dispositions prévues causent des inégalités d’accès aux soins qu’il apparaît nécessaire de prendre en considération de façon beaucoup moins technocratique, si possible dès la prescription de ces soins indispensables au bon rétablissement du patient, voire à son maintien à domicile.
« Supprimer des normes, réduire les délais, faciliter encore les embauches, augmenter tous les seuils de déclenchement d’obligation. C’est au fond la France du bon sens, plutôt que la France des tracas ». Madame la ministre, ces paroles sensées, prononcées par le Président de la République le 16 janvier dernier, résonnent tout particulièrement aux oreilles des habitants de la ruralité confrontés à ce « tracas » supplémentaire.
Aussi, madame la ministre, envisagez-vous, dans un souci de différenciation territoriale et de pragmatisme, de renforcer les modalités de compensation des frais kilométriques dans les zones rurales concernées, en particulier dans les départements comprenant des zones de revitalisation rurale ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Aurore Bergé, ministre déléguée auprès du Premier ministre, chargée de l’égalité entre les femmes et les hommes et de la lutte contre les discriminations. Monsieur le sénateur, merci d’avoir mis en lumière dans votre question cette profession absolument indispensable ; j’y associe d’ailleurs l’ensemble des intervenants – souvent intervenantes – à domicile, en particulier les aides à domicile, qui sont confrontées aux mêmes difficultés.
Les infirmières et infirmiers libéraux sont essentiels pour l’accès aux soins, l’hospitalisation et le maintien à domicile. Le Gouvernement agit en leur faveur de deux manières.
En premier lieu, nous agissons pour faciliter l’installation de ces professionnels de santé. Le montant de l’aide à l’installation s’élève aujourd’hui à 27 500 euros ; l’aide prévue dans le cadre du contrat d’aide à la première installation infirmier dépasse même 37 000 euros, ce qui permet tout de même un accompagnement réel de cette installation.
En second lieu, les indemnités kilométriques restent un enjeu crucial, car elles représentent aujourd’hui en moyenne 20 % des revenus annuels des infirmières et infirmiers libéraux. Les avenants ont été revus à la hausse ; une enveloppe de 217 millions d’euros garantit une meilleure prise en charge par l’État de ces indemnités. Faut-il les moduler au-delà de leur niveau actuel ? De toute façon, comme le montant versé est lié au nombre de kilomètres parcourus, la topographie de nos territoires est déjà prise en compte. En tout cas, l’avenant a été revu pour augmenter cette prise en charge.
Par ailleurs, mesure un peu moins connue, quand une remise à la pompe a été offerte à l’ensemble des Français, cette remise a été majorée par l’assurance maladie pour les professionnels de santé libéraux : au-delà des 30 centimes offerts à tous, 15 centimes supplémentaires leur étaient remboursés, ce qui représente un effort accru en période d’inflation.
M. le président. La parole est à M. Jean-Yves Roux, pour la réplique.
M. Jean-Yves Roux. Merci de votre réponse, madame la ministre ; je suivrai avec attention les perspectives que vous nous avez indiquées et je transmettrai bien sûr votre réponse aux personnes concernées.
avenir du centre hospitalier du centre bretagne
M. le président. La parole est à M. Simon Uzenat, auteur de la question n° 1047, adressée à Mme la ministre du travail, de la santé et des solidarités.
M. Simon Uzenat. Madame la ministre, ma question porte sur l’avenir du centre hospitalier du Centre Bretagne (CHCB), dont le bassin de vie compte plus de 140 000 habitants et est classé comme désert médical.
Pour illustrer la singularité de ce territoire, nous avons coutume de dire que le Centre Bretagne est une île verte et qu’il appelle donc des moyens spécifiques. Or c’est l’inverse qui se produit ! L’espérance de vie y est plus faible qu’ailleurs, ce qui entraîne des pertes de chances pour les citoyens ruraux : nous ne pouvons pas l’accepter dans notre République garante de l’égalité.
Depuis de nombreuses années, le CHCB fait ainsi face à une pénurie de moyens, en raison notamment du fait que notre modèle de financement de l’hôpital public est à bout de souffle.
Il a également été l’un des grands oubliés des crédits d’investissement du Ségur, puisque seulement 1,5 million d’euros lui ont été accordés sur les 42 millions qui étaient demandés.
De surcroît, le CHCB rencontre des difficultés majeures en matière de recrutement de personnels soignants, ce qui a des conséquences en chaîne sur le fonctionnement des services et aboutit à leur dégradation. Toutes les composantes de l’hôpital sont touchées, de la maternité jusqu’aux établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad), en passant par la médecine, la chirurgie et les urgences.
Si son objectif initial pouvait apparaître louable, la loi Rist a amplifié le phénomène en réduisant considérablement le vivier des intérimaires, lesquels représentaient 40 % des médecins – jusqu’à 70 % de ces derniers aux urgences du CHCB.
Le centre hospitalier est aujourd’hui en péril et la mobilisation est générale, à l’échelon local, pour garantir la qualité et la continuité du service public de santé en Centre Bretagne.
Il convient, une nouvelle fois, de souligner l’engagement sans faille et le dévouement incroyable des équipes de direction, des soignants et des praticiens hospitaliers, qui portent le CHCB à bout de bras.
Madame la ministre, au regard de la gravité de la situation, quels moyens humains et financiers spécifiques l’État compte-t-il déployer dans les plus brefs délais pour permettre à chacun de naître, de bien vivre et de bien vieillir en Centre-Bretagne ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Aurore Bergé, ministre déléguée auprès du Premier ministre, chargée de l’égalité entre les femmes et les hommes et de la lutte contre les discriminations. Monsieur le sénateur, vous m’interrogez sur l’accès aux soins, enjeu qui se pose dans votre territoire comme partout en France. Il s’agit, je le crois, de l’une des premières préoccupations des Français, si ce n’est parfois la première. Vous soulevez également la question de la force de notre hôpital public, qui constitue souvent le premier accès aux soins, ou qui en est, en tout cas, l’une des premières portes d’entrée pour de nombreux Français.
En ce qui concerne la situation spécifique du groupement hospitalier de territoire (GHT) Centre Bretagne, j’aborderai deux points : la question des urgences et celle de la restructuration, que vous avez évoquée.
L’accès aux urgences, vous le savez, est aujourd’hui régulé ; c’est une bonne chose : cela répond à une demande des professionnels eux-mêmes, afin d’en sécuriser le fonctionnement. Le service mobile d’urgence et de réanimation (Smur) fonctionne bien : 7,5 équivalents temps plein (ETP) y sont présents et 88 patients y passent en moyenne chaque jour.
Toutefois, étant donné les difficultés récurrentes, celles que vous avez vous-même évoquées, monsieur le sénateur, l’agence régionale de santé (ARS) a proposé à l’établissement de diligenter une mission d’appui, pour analyser les difficultés rencontrées et surtout pour proposer des améliorations dans l’accès aux soins et l’organisation.
Cette mission, dont la création a été acceptée par la direction, a entamé ses travaux le 3 décembre dernier : vous comprendrez donc, monsieur le sénateur, que je ne puisse pas vous en donner les conclusions aujourd’hui.
Son but est de répondre concrètement à la question de l’organisation des soins sur le territoire et de s’intéresser évidemment à l’avenir d’un établissement hospitalier auquel non seulement votre commune, mais aussi toute la Bretagne sont attachées.
J’en viens au second point. Vous avez évoqué la loi Rist. Celle-ci visait à répondre à une attente très forte. Je sais que sa mise en œuvre a suscité des inquiétudes, mais ses dispositions permettent d’éviter des dérégulations ou des dysfonctionnements trop importants, ceux que l’on pouvait connaître quand nos établissements ne reposaient presque plus que sur des intérimaires, situation qui engendrait des surcoûts considérables et une concurrence entre les professionnels de santé eux-mêmes.
Cette loi a donc pu, en effet, susciter des doutes au tout début, mais elle répond à des attentes et ses dispositions sont extrêmement bien déployées sur l’ensemble du territoire.
M. le président. La parole est à M. Simon Uzenat, pour la réplique.
M. Simon Uzenat. Merci de votre réponse, madame la ministre, mais nous ne pouvons pas partager le constat que vous faites : quarante lits de soins médicaux et de réadaptation (SMR) et trente lits d’Ehpad ont été fermés. Faute de lits disponibles, les urgences deviennent un service d’hospitalisation.
Vous évoquez l’audit en cours, mais le temps n’est plus aux audits ! Il faut donner les moyens aux services de bien fonctionner. Je rappelle d’ailleurs, au passage, que le rapport de la mission aurait dû être rendu en janvier de cette année.
Le plan blanc a été déclenché. Le Smur ne fonctionnait pas hier soir. Il convient de prendre des mesures spécifiques et pérennes, de revaloriser les praticiens hospitaliers et les personnels soignants, de travailler avec les médecins militaires.
Madame la ministre, il y a urgence pour le Centre Bretagne !
assistantes maternelles impayées
M. le président. La parole est à M. Henri Cabanel, auteur de la question n° 1046, adressée à Mme la ministre du travail, de la santé et des solidarités.
M. Henri Cabanel. Madame la ministre, en octobre 2022, j’avais adressé à l’ancien ministre des solidarités, de l’autonomie et des personnes handicapées une question, afin de relayer auprès de lui la colère légitime et l’inquiétude des assistantes maternelles impayées.
Lors d’une séance de questions orales, il m’avait été répondu qu’un état des lieux de la situation allait être dressé, en collaboration avec l’Union fédérative nationale des associations de familles d’accueil et assistants maternels (Ufnafaam), et que le comité de filière de la petite enfance allait travailler sur la mise en place d’un éventuel fonds de garantie des salaires.
Il s’agit de lutter contre des fraudes à la caisse d’allocations familiales (CAF), qui sont commises par des employeurs peu scrupuleux, puisque celle-ci leur a versé des aides, et d’indemniser les assistantes maternelles impayées. Ces dernières ont engagé des poursuites devant les prud’hommes et ont obtenu gain de cause, mais elles ne peuvent récupérer les sommes qui leur sont dues.
Madame la ministre, quelles sont les conclusions de ce groupe de travail ? Quelles sont les avancées concernant le fonds de garantie ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Aurore Bergé, ministre déléguée auprès du Premier ministre, chargée de l’égalité entre les femmes et les hommes et de la lutte contre les discriminations. Monsieur le sénateur, j’ai eu l’occasion de suivre le dossier que vous évoquez dans mes précédentes fonctions. J’avais réuni le comité de filière ainsi que l’ensemble des syndicats et des fédérations qui représentent les assistants et assistantes maternelles pour travailler, notamment, sur la question spécifique des impayés.
Il s’agit bien d’une fraude. La déclaration par un employeur d’un salaire versé via Pajemploi afin de bénéficier d’un crédit d’impôt, sans versement effectif du salaire, est constitutive d’une fraude. Ce problème est ensuite très difficile à gérer pour les assistants et assistantes maternelles.
Nous avons proposé, en lien avec le comité de filière, dont nous avons repris toutes les propositions sur le sujet, que l’État puisse verser la rémunération en cas d’impayés – dans la limite de deux mois de salaires –, afin que les assistants ou assistantes maternelles ne pâtissent pas de cette situation et n’aient pas de difficultés financières. L’État jouerait ainsi le rôle d’intermédiaire.
C’est aussi la raison pour laquelle, la loi pour le plein emploi, que vous avez adoptée, comporte un volet relatif à la petite enfance, notamment aux relais petite enfance (RPE).
En effet, les assistants maternels nous disent que leur relation avec les parents revêt un caractère double : d’une part, ils ont avec eux une relation en tant que professionnels concernant l’enfant, d’autre part, ils sont leurs employés, ce qui est parfois source de tensions. Les RPE visent à faciliter la relation avec l’employeur en déchargeant l’assistant maternel de cet aspect, et donc à éviter les conflits.
En conclusion, je rappelle qu’un impayé est constitutif d’une fraude de la part de l’employeur dès lors que celui-ci a déclaré qu’un salaire a été versé.
Comme je l’ai indiqué devant le comité de filière et l’ensemble des syndicats et fédérations représentatives réunis, l’État mettra en place une forme de garantie des impayés.
Enfin, nous voulons accompagner les assistants maternels, en les libérant de la charge que constitue la gestion de la relation avec leur employeur, qui est parfois un peu lourde à porter et qui peut être source de difficultés dans leurs relations avec les parents.
M. le président. La parole est à M. Henri Cabanel, pour la réplique.
M. Henri Cabanel. Je vous remercie de votre réponse, madame la ministre. Le problème n’est pas nouveau. Certaines assistantes maternelles ont des arriérés de salaires dont le montant s’élève à plusieurs dizaines de milliers d’euros. Il est bon que l’État prenne en charge une partie – jusqu’à deux mois de salaire, avez-vous dit – des impayés. Cependant, l’inquiétude demeure : quand le versement des impayés sera-t-il effectif ?
Ensuite, comme je l’ai indiqué dans ma question, nous sommes confrontés à une fraude à la CAF. Or, à ma connaissance, les fraudeurs n’ont pas encore fait l’objet de poursuites. Il importe que la CAF recouvre ces impayés, afin que cela ne se reproduise plus. Si les fraudeurs ne sont pas poursuivis, ils continueront.
publication du décret relatif à l’implantation des officines de pharmacie
M. le président. La parole est à Mme Marianne Margaté, auteure de la question n° 1054, adressée à Mme la ministre du travail, de la santé et des solidarités.
Mme Marianne Margaté. Dans la réglementation relative à l’autorisation d’ouverture d’une pharmacie, seule la population de la commune d’implantation est prise en compte, le seuil minimal étant de 2 500 habitants.
Lors de mes rencontres avec les maires de mon département, la Seine-et-Marne, j’ai pu mesurer les conséquences préjudiciables que cette réglementation peut avoir sur des villages comme Saint-Cyr-sur-Morin ou Jossigny, par exemple, mais cela vaut également pour d’autres villages dans d’autres départements.
Pour remédier à cette situation, il faudrait qu’un décret d’application des articles L. 5125-6 et suivants du code de la santé publique permette aux agences régionales de santé – je sais qu’elles y sont favorables – de déterminer les territoires au sein desquels l’accès au médicament pour la population n’est pas assuré de manière satisfaisante.
L’absence d’un tel décret m’apparaît d’autant plus absurde que, dans les deux villages que j’ai cités, il existe des infrastructures de santé et des cabinets médicaux.
Ainsi, Saint-Cyr-sur-Morin, situé dans un bassin de vie où habitent bien plus de 2 500 habitants, accueille un cabinet médical de sept professionnels de santé, qui réalisent plusieurs milliers de consultations.
Quant au village de Jossigny, qui compte 650 habitants, il héberge le Grand Hôpital de l’Est francilien de Marne-la-Vallée, dont le service des urgences est l’un des plus importants d’Île-de-France, puisque l’on y a dénombré plus de 77 000 passages en 2022. Cet hôpital assure plus de 250 000 actes de soins par an et est situé à proximité d’un site des jeux Olympiques.
S’il faut maintenir une réglementation concernant l’implantation des pharmacies afin d’éviter que ces dernières ne se développent de façon anarchique, il convient qu’elle tienne compte des bassins de vie et des implantations des infrastructures de santé. La seule boussole doit être l’intérêt général.
Je vous remercie, madame la ministre, de m’indiquer ce que vous comptez faire en ce sens.
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Aurore Bergé, ministre déléguée auprès du Premier ministre, chargée de l’égalité entre les femmes et les hommes et de la lutte contre les discriminations. Madame la sénatrice, la question que vous posez est importante. L’enjeu est celui de l’accès aux soins et à la santé. Notre réseau d’officines et de pharmaciens constitue une chance pour notre pays, mais sa situation est précaire, car on compte désormais moins de 20 000 pharmacies en France.
Un projet de décret avait d’ailleurs été préparé par Agnès Firmin Le Bodo, afin de revoir les modalités possibles d’ouverture d’officines. Mais les représentants des pharmaciens, ainsi que plusieurs parlementaires, avaient souhaité que ce décret ne soit pas publié dans la rédaction qui était proposée.
Une nouvelle concertation a donc été engagée. Une mesure notamment est envisagée, qui permettrait, je le pense, de répondre exactement au problème que vous décrivez : la population de plusieurs communes limitrophes pourrait être prise en compte pour le calcul des 2 500 habitants nécessaires à l’ouverture d’une officine – cela reviendrait à prendre en compte le bassin de vie. Cette mesure n’aurait pas pour effet de fragiliser le réseau existant ni de le concurrencer ; au contraire, elle le renforcerait, dans la mesure où de petites communes – vous mentionnez, madame la sénatrice, des communes de 600 à 650 habitants – pourraient s’allier pour obtenir l’ouverture d’une officine.
Les négociations et les concertations avec les professionnels, avec les ordres, sont en cours. J’espère qu’elles aboutiront, afin que le maillage territorial de nos officines perdure et, surtout, se renforce.
M. le président. La parole est à Mme Marianne Margaté, pour la réplique.
Mme Marianne Margaté. Je vous remercie de votre réponse, madame la ministre.
J’espère que la concertation aboutira dans des délais raisonnables. Il est absolument essentiel de prendre en compte les particularités et les réalités des territoires : n’ajoutons pas un désert pharmaceutique au désert médical qui existe déjà et qui pénalise nos départements.
eau potable et présence de chlorothalonil
M. le président. La parole est à M. Daniel Laurent, auteur de la question n° 977, adressée à Mme la ministre du travail, de la santé et des solidarités.
M. Daniel Laurent. Madame la ministre, ma question porte sur la présence d’un métabolite du chlorothalonil dans les eaux brutes comme dans l’eau potable distribuée.
Les traitements et les technologies qui existent sont coûteux et ont un effet négatif sur l’environnement.
Tout est mis en œuvre pour assurer la distribution d’une eau potable conforme : c’est le cas en Charente-Maritime, où des actions et des recherches proactives sont menées – mais à quel prix ?
Quant à l’obligation de demander une dérogation pour continuer à distribuer de l’eau lorsque les seuils de référence sont dépassés, elle ne résoudra rien sur le fond, car les ressources de substitution en eau sont souvent quasi inexistantes, tandis que les coûts de traitement sur certains forages sont prohibitifs.
Ainsi, l’État demande aux collectivités et aux sociétés délégataires productrices d’eau potable de trouver des solutions pour dépolluer, alors que pendant cinquante ans aucune recherche de toxicité n’a été entreprise. On sait par ailleurs qu’aucune mesure agronomique préventive ou d’amélioration des pratiques culturales ne permettra de remédier à la présence de la molécule, qui est interdite depuis 2020.
Qui supportera le coût de cette dépollution et de celles qui ne manqueront pas d’être nécessaires ? S’agira-t-il de l’État, qui a autorisé les mises sur le marché, des groupes de l’agrochimie, ou bien de l’usager domestique et agricole ?
Je tiens d’ailleurs à rappeler, dans la situation de crise que nous traversons, que les agriculteurs, tant en conventionnel qu’en bio, utilisent la chimie non par plaisir, mais parce qu’il n’y a toujours pas de solutions de remplacement.
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Aurore Bergé, ministre déléguée auprès du Premier ministre, chargée de l’égalité entre les femmes et les hommes et de la lutte contre les discriminations. Monsieur le sénateur, votre question me permet de compléter la réponse que j’ai apportée à une question similaire qui m’a été posée à propos du département de la Charente, un territoire proche de la Charente-Maritime.
La direction générale de la santé (DGS) a, vous le savez, missionné les institutions d’expertise françaises pour disposer de connaissances sanitaires et scientifiques sur les pesticides et leurs métabolites. Elle a aussi établi et diffusé des consignes très claires pour définir la recherche qui doit être menée. Il s’agit de veiller à ce qu’il n’y ait pas de danger en matière de santé publique.
Saisie par la DGS, l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses) a publié récemment les principaux résultats de la dernière campagne de mesures relatives aux polluants émergents dans l’eau potable. Le but de ces mesures est de détecter la présence de composés chimiques qui ne sont pas ou peu recherchés lors des contrôles réguliers.
Ce rapport met en évidence une contamination importante, probablement généralisée, par différents métabolites des ressources en eau destinées à la consommation humaine en France métropolitaine, situation sur laquelle la DGS alerte depuis plusieurs années.
Les résultats de l’analyse de l’eau du réseau d’eau potable peuvent ainsi entraîner parfois l’édiction de mesures de restriction de la consommation de l’eau du robinet, dans le but évidemment de préserver la santé publique, celle des Français.
Le programme de contrôle sanitaire des agences régionales de santé intégrera progressivement, à partir de 2023, le chlorothalonil et ses métabolites, parallèlement à la montée en compétences des laboratoires agréés pour le contrôle sanitaire.
Vous avez enfin évoqué, monsieur le sénateur, nos agriculteurs. Vous avez eu raison de souligner qu’aucun d’eux, évidemment, n’utilise ce type de pesticides par plaisir ; ils le font uniquement parce qu’il n’y a pas de solution de substitution. Nous devons donc continuer à avancer sur ce sujet, tout en garantissant qu’il n’y ait pas d’interdiction sans solution. Nous avons réaffirmé ce principe avec force ces derniers jours.
M. le président. La parole est à M. Daniel Laurent, pour la réplique.
M. Daniel Laurent. Madame la ministre, ma question était précise, mais vous n’y avez pas répondu : qui va supporter le coût de cette opération et de ces travaux ? Faute de réponse, il est à craindre que cela ne soit les usagers, les consommateurs… J’espère que vous pourrez réfléchir à ce point et apporter une réponse aux professionnels.
dépenses publiques de l’agence française de développement pour l’installation de son siège social adjacent à la gare d’austerlitz
M. le président. La parole est à Mme Antoinette Guhl, auteure de la question n° 961, transmise à M. le ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
Mme Antoinette Guhl. Madame la ministre, je souhaite attirer votre attention sur les dépenses publiques de l’Agence française de développement (AFD) relatives à l’installation de son siège social à Paris.
Je tiens, tout d’abord, à souligner que mon interpellation ne vise pas à remettre en question les actions à l’international de l’AFD, cet établissement public jouant un rôle clé dans la mise en œuvre de l’accord de Paris. Son action est indispensable : il finance, accompagne et met en œuvre une série de projets destinés à accélérer la transition vers un monde plus juste et durable. Mais là n’était pas mon propos.
En revanche, et c’est mon propos, en 2020, l’AFD a signé une promesse d’achat pour la construction d’un bien de 50 000 mètres carrés sur l’un des rares terrains non bâtis de Paris afin d’y établir son siège social, pour un coût de 924 millions d’euros. En tant qu’écologiste, je ne peux que déplorer cette opération.
Je m’étonne aussi du prix – plus de 18 500 euros le mètre carré –, et je ne suis pas la seule : c’est le cas de nombreux habitants, d’associations, de militants, d’élus, mais aussi du Conseil de l’immobilier de l’État. En effet, en juin 2021, celui-ci a souligné deux contradictions importantes. Cette opération est d’abord contraire aux engagements climatiques de l’AFD puisque le choix est fait de construire un nouveau bâtiment au lieu d’optimiser les espaces existants ; elle est aussi contraire aux tendances du marché de l’immobilier tertiaire. Depuis la crise de la covid-19 et l’essor du télétravail, le mouvement est plutôt à la diminution des superficies de bureaux.
Lors d’un débat au sein de la commission des finances, il a été relevé que l’AFD n’occuperait que 30 000 mètres carrés dans l’immeuble : les 20 000 mètres carrés restants seront donc loués ou vendus à d’autres entreprises. Or l’activité de location ou de promotion immobilière ne fait pas partie de l’objet social de l’AFD ; c’est donc un problème.
Madame la ministre, le Gouvernement est-il prêt à dénoncer le contrat de vente en l’état futur d’achèvement (Vefa) signé par l’AFD, quitte à payer les pénalités afférentes ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Aurore Bergé, ministre déléguée auprès du Premier ministre, chargée de l’égalité entre les femmes et les hommes et de la lutte contre les discriminations. Je note d’abord, madame la sénatrice, et l’on peut s’en féliciter, que les missions de l’AFD augmentent. Cette dynamique doit s’accompagner aussi d’une évolution de l’agence en termes d’organisation. Nous pouvons nous réjouir, en tout cas, que l’AFD soit reconnue, qu’elle fonctionne bien et qu’elle accompagne de plus en plus de pays étrangers.
C’est pour cela, et uniquement pour cette raison, que ce projet a été conçu. Le conseil d’administration de l’Agence a approuvé en 2020 l’acquisition d’un espace de bureaux de 50 000 mètres carrés, au sein d’un projet immobilier déjà existant de 100 000 mètres carrés.
Ce projet vise à rationaliser les emprises immobilières du groupe, grâce au regroupement de 2 500 salariés. Cette opération doit permettre à l’Agence de réduire ses charges d’exploitation immobilières de 40 % par an, à partir de l’entrée dans les locaux en 2026.
En résumé, l’AFD voit ses missions, et donc ses besoins, augmenter. L’opération projetée lui permettra de rationaliser son parc immobilier et son emprise immobilière. Elle n’entraîne aucun coût budgétaire pour l’État. Elle a, par ailleurs, été menée dans les règles : le Conseil d’État a confirmé, dans son arrêt du 19 octobre 2022, la décision de la cour administrative d’appel du 18 novembre 2021, et donc la régularité du permis de construire.
création d’une assurance publique pour les collectivités territoriales
M. le président. La parole est à M. Rachid Temal, auteur de la question n° 964, adressée à M. le ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
M. Rachid Temal. Madame la ministre, je souhaite vous interroger sur un sujet de préoccupation majeure pour nos collectivités territoriales, notamment pour les villes et les villages : leurs relations avec les assureurs.
Comme vous le savez, madame la ministre, beaucoup de communes ont reçu de leur assureur, à la fin de l’année 2023, des lettres dans lesquelles leur était notifiée la fin de leur contrat – je pense notamment, dans mon département, à la ville de Saint-Clair-sur-Epte, dans laquelle un sinistre avait eu lieu.
Certaines communes se retrouvent ainsi sans contrat d’assurance – chacun peut mesurer les conséquences de cette décision et les difficultés pour retrouver un nouvel assureur, sans parler du coût de la nouvelle police d’assurance.
D’autres communes, d’autres villages ont, pour leur part, reçu des courriers de leur compagnie d’assurances les informant du doublement, du triplement, voire parfois davantage, de leur police d’assurance.
Chacun, dans cette enceinte, connaît le rôle des élus municipaux, qui représentent la République. Lors des émeutes urbaines, certains d’entre eux ont cherché à protéger l’hôtel de ville ou les équipements publics de leur commune.
Ces difficultés avec les assurances s’inscrivent dans un contexte où, chacun le sait, les budgets des communes sont très tendus pour l’année 2024.
À la fin de l’année 2023, j’ai écrit au ministre Le Maire, pour lui faire part de ce problème. Il m’a répondu, mais ce qu’il propose ne me paraît ni opportun ni susceptible d’être mis en œuvre assez rapidement.
Je plaide donc pour la création d’une assurance publique afin de permettre aux collectivités de bénéficier d’une police d’assurance adéquate, à un coût acceptable.
Madame la ministre, êtes-vous favorable à cette logique d’assurance publique, afin de protéger les collectivités et leur permettre d’avoir une assurance ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Aurore Bergé, ministre déléguée auprès du Premier ministre, chargée de l’égalité entre les femmes et les hommes et de la lutte contre les discriminations. Monsieur le sénateur, dans une interview parue ce matin, le maire de Dinan indique que sa commune n’est plus assurée : on conçoit aisément tous les risques, y compris les risques personnels, que cette situation emporte pour le maire et pour ses équipes. La question des relations avec les assurances constitue donc une préoccupation majeure.
En effet, un nombre très réduit d’assureurs est aujourd’hui actif sur le marché de l’assurance des collectivités territoriales. Ces derniers doivent répondre à près de 13 000 consultations publiques chaque année.
Dans le prolongement, monsieur le sénateur, de votre sollicitation de M. Le Maire, un accord a été conclu, à la fin du mois de septembre, avec les assureurs, afin que ces derniers permettent enfin le recours à la médiation de l’assurance : voilà qui n’est pas anodin et qui devrait permettre de faire face à certaines situations et de résoudre un certain nombre de litiges.
Surtout, une mission sur l’assurabilité des collectivités territoriales a été créée. Peut-être, monsieur le sénateur, serez-vous auditionné par cette dernière. Celle-ci est conduite par Alain Chrétien, maire de Vesoul, et Jean-Yves Dagès, exploitant agricole et ancien président de la Fédération nationale Groupama – il connaît donc bien les enjeux assurantiels. Cette mission devra rendre son rapport avant l’été 2024. Sans préjuger de ses conclusions, plusieurs pistes d’amélioration peuvent déjà être envisagées.
Je pense ainsi à un renforcement de la prévention, s’agissant notamment des risques liés au dérèglement climatique. On estime ainsi que la fréquence des inondations baisse de 40 % dans les communes dotées d’un plan de prévention des risques d’inondation (PPRI).
Je pense aussi à une amélioration de la connaissance de la valeur assurée des biens des collectivités ; il n’est pas toujours évident pour les collectivités de parvenir à appréhender les risques et les coûts.
Une réflexion sur le code de la commande publique pourrait aussi être menée, afin de rendre le recours à des services d’assurance beaucoup plus souple qu’il ne l’est aujourd’hui.
Telles sont nos pistes de réflexion. À travers votre question, monsieur le sénateur, vous portez une nouvelle piste à la connaissance du Gouvernement. Je vous invite donc à faire valoir vos vues auprès de la mission, sans préjuger évidemment de ses conclusions.
M. le président. La parole est à M. Rachid Temal, pour la réplique.
M. Rachid Temal. Merci de votre réponse, madame la ministre. Si la mission souhaite m’auditionner, je répondrai volontiers à son invitation.
J’ai interrogé le médiateur de l’assurance. Il m’a répondu qu’il intervenait en cas de conflit ou de litige, mais pas lorsque la collectivité n’a plus d’assureur. Le dispositif ne peut donc pas fonctionner en l’espèce.
Les pistes que vous avez présentées, madame la ministre, me paraissent complexes et longues à mettre en œuvre. C’est pourquoi je réaffirme la nécessité de disposer d’un pôle public d’assurance, pour protéger à la fois les élus, dont la responsabilité peut être engagée, et les Français, dont la vie peut être affectée.
barrières entravant le développement de la petite hydroélectricité en france
M. le président. La parole est à Mme Martine Berthet, auteure de la question n° 1022, adressée à M. le ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
Mme Martine Berthet. Madame la ministre, je souhaite attirer l’attention du Gouvernement sur les nombreuses barrières qui entravent le développement de la petite hydroélectricité.
Alors que le développement des énergies renouvelables constitue un enjeu majeur pour notre souveraineté et que cet objectif est inscrit dans la loi, la petite hydroélectricité, énergie complètement décarbonée, héritage précieux déjà déployé sur l’ensemble du territoire national, dont la production représente l’équivalent de celle d’un réacteur nucléaire, a un rôle important à jouer dans la croissance de notre mix décarboné.
Pourtant, les collectivités territoriales qui s’engagent dans ces projets écologiques et mesurés à l’échelle locale se heurtent à d’innombrables obstacles réglementaires, dont celui, et il est majeur, de l’augmentation croissante du nombre de cours d’eau classés en très bon état écologique, et ce sans études préalables. Ainsi, dans le schéma directeur d’aménagement et de gestion des eaux (Sdage) du bassin Rhône-Méditerranée, sur les 345 cours d’eau classés en très bon état, 337 l’ont été sans inventaire de terrain.
En dépit du fait que cette faiblesse est bien identifiée, le dialogue se révèle encore parfois impossible avec certaines administrations. Ainsi, en Savoie, le projet de centrale hydroélectrique du Nant Rouge, qui est situé sur le territoire des communes de Crest-Voland et de Notre-Dame-de-Bellecombe, bien que lauréat de l’appel d’offres de la Commission de régulation de l’énergie (CRE) en 2021, est aujourd’hui bloqué par la direction régionale de l’environnement, de l’aménagement et du logement (Dreal) Auvergne-Rhône-Alpes, sans dialogue possible, alors que des analyses de bureaux d’études indépendantes, fondées sur des études de terrain et le droit européen, aboutissent à un autre classement administratif de ce cours d’eau.
Aussi, madame la ministre, quelles directives le Gouvernement compte-t-il donner aux Dreal pour avoir enfin les moyens d’accélérer le déploiement de cette énergie vertueuse ? Comme l’avait annoncé la ministre de la transition énergétique, une circulaire sera-t-elle rédigée afin que soient reconnues les études de terrain des cours d’eau versées aux dossiers des projets de petite hydroélectricité ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Aurore Bergé, ministre déléguée auprès du Premier ministre, chargée de l’égalité entre les femmes et les hommes et de la lutte contre les discriminations. La question que vous posez, madame la sénatrice, est importante : en 2022, les capacités de production hydroélectrique de notre pays ont permis de répondre à près de 11 % de la demande d’électricité. La production hydroélectrique ne joue donc pas du tout un rôle mineur au regard de notre souveraineté – un mot qui revient beaucoup en ce moment ! Elle constitue aussi la moitié de la production d’électricité renouvelable en France.
La production hydroélectrique est donc un enjeu en termes de souveraineté énergétique et, évidemment, de transition énergétique.
Le Gouvernement est conscient de l’attachement des élus locaux à cette énergie décarbonée. Je pense que la meilleure réponse est celle qui a été donnée par le Premier ministre lui-même, quand il a dit, ici, au Sénat, la semaine dernière, que l’ensemble des administrations déconcentrées seraient désormais placées sous la direction du préfet.
Dès lors, en effet, que les Dreal, les directions départementales des territoires (DDT), les services déconcentrés de l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (Ademe), tous les acteurs compétents en cette matière seront sous la direction du préfet, un certain nombre de problématiques, voire parfois de difficultés locales, telles que celles que vous évoquez, liées à des enchevêtrements de compétences, seront sans doute beaucoup plus facilement appréhendées à l’échelon départemental.
L’enjeu est donc de développer l’hydroélectricité, notamment à petite échelle, parce que c’est vertueux en termes de production d’énergie, d’électricité, mais aussi pour la transition énergétique. Plus les difficultés que vous avez évoquées pourront être résolues à l’échelon local, mieux ce sera. Le Premier ministre lui-même a donné cette consigne de manière très claire.
M. le président. La parole est à Mme Martine Berthet, pour la réplique.
Mme Martine Berthet. J’espère, madame la ministre, que cette promesse ne restera pas au stade des paroles et qu’elle sera effective. Dans le cas d’espèce que j’ai cité, la direction départementale des territoires a validé le projet, mais la Dreal l’a refusé, aucun dialogue n’étant possible.
Nous, parlementaires, réclamons depuis longtemps que le préfet décide, car il connaît le terrain.
assujettissement à la taxe d’habitation des maisons d’assistants maternels
M. le président. La parole est à M. Olivier Paccaud, auteur de la question n° 1035, adressée à M. le ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
M. Olivier Paccaud. Madame la ministre, voilà quelques jours, lors de sa conférence de presse, le Président de la République a évoqué l’un des maux qui rongent silencieusement notre nation depuis une dizaine d’années, un mal qui s’est malheureusement considérablement aggravé ces derniers temps : je veux parler de la crise de la natalité. Pour l’expliquer, le Président a insisté notamment sur une problématique de fertilité. Pourquoi pas ?
Néanmoins, il convient de s’interroger sur la politique familiale, qui a été depuis longtemps fragilisée – je pense à la fin de l’universalité des allocations familiales –, et sur l’insuffisante offre d’accueil de la petite enfance.
Permettez-moi, à ce sujet, d’attirer votre attention, madame la ministre, sur un point précis : l’assujettissement à la taxe d’habitation des maisons d’assistants maternels (MAM), mentionnées à l’article L. 424-1 du code de l’action sociale et des familles.
Ces structures, au nombre de 4 500 dans notre pays, permettent à plusieurs assistants maternels d’exercer en commun dans des locaux partagés. Elles remplissent ainsi une fonction essentielle, tant pour les parents que pour le développement de la sociabilité des jeunes enfants qu’elles accueillent, notamment en zone rurale, où les crèches et les microcrèches sont rares, et où le nombre des traditionnelles assistantes maternelles à domicile se réduit comme peau de chagrin.
Dans une société où l’accueil des enfants en bas âge est un problème structurel qui pèse sur les dynamiques de la natalité, de telles structures gagneraient à être soutenues par la puissance publique.
Or les MAM sont contraintes de s’acquitter de la taxe d’habitation comme s’il s’agissait d’une résidence secondaire et alors même que les assistantes maternelles exerçant à domicile en sont désormais exonérées.
Ce prélèvement, qui grève une partie de leurs ressources, ne favorise pas leur développement et les place dans une situation injustifiée par rapport à d’autres structures, entreprises ou associations, qui en sont exemptées sur des critères dont la pertinence et l’équité posent question.
Aussi, dans ce contexte de chute de la natalité, ne serait-il pas pertinent de faire évoluer la législation dans le but de délester les MAM de cette charge fiscale ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Aurore Bergé, ministre déléguée auprès du Premier ministre, chargée de l’égalité entre les femmes et les hommes et de la lutte contre les discriminations. Monsieur le sénateur, la natalité est effectivement un enjeu absolument déterminant pour notre pays. Or, tandis que le désir d’enfant est constant, il existe un décrochage entre ce désir et le nombre d’enfants accueillis par les couples. L’un des premiers points bloquants est la capacité de faire garder ses enfants et nous devons y apporter des réponses multiples, que ce soit en termes de crèches, de microcrèches ou de maisons d’assistants maternels.
En ce qui concerne justement les MAM et pour répondre directement à votre question, il existe déjà des aides à l’installation et celles-ci ont été considérablement renforcées, voire doublées, dans le cadre de la convention d’objectifs et de gestion signée en 2023 entre l’État et la Caisse nationale des allocations familiales (Cnaf) ou, dans certains territoires, avec la Mutualité sociale agricole (MSA)
En ce qui concerne l’assujettissement des MAM à la taxe d’habitation, j’imagine que vous porterez la proposition que vous avez évoquée lors de l’examen du prochain projet de loi de finances… (Sourires.)
Le Gouvernement y voit une difficulté qui n’est pas totalement mineure : si nous faisons en sorte que les MAM, qui exercent de facto une activité commerciale, ne soient plus assujetties à la taxe d’habitation, le risque est que d’autres professions demandent elles aussi à en être exemptées, en particulier celles qui souffrent aussi d’un manque d’attractivité et de pénurie. Une telle décision pourrait donc représenter un coût non négligeable pour les collectivités locales, mais aussi, ensuite, pour l’État, si celui-ci devait compenser cette perte de recettes.
Pour répondre aux enjeux qui sont les nôtres, il me semble que nous devons continuer de travailler à garantir aux Français la possibilité de faire garder leurs enfants. Cela passe par le fait de faciliter la constitution de MAM, en particulier dans nos territoires ruraux, donc par l’amélioration de l’aide à l’installation.
Sur le point précis de la taxe d’habitation, le Gouvernement a une réserve, que j’ai indiquée : le fait que votre proposition risque d’ouvrir la voie à une requête similaire de la part d’autres professions, requête qu’il serait alors difficile de rejeter.
M. le président. La parole est à M. Olivier Paccaud, pour la réplique.
M. Olivier Paccaud. Je précise que ma question émanait d’un élu local.
Ensuite, il est vrai qu’il existe des aides à l’équipement ou à l’installation ; il arrive d’ailleurs que les départements – c’est le cas dans l’Oise – les complètent.
Quant à votre argument, madame la ministre, selon lequel d’autres professions pourraient réclamer la même chose, je veux vous dire que le territoire dont je parle est classé en zone de revitalisation rurale, si bien que la plupart des commerces et entreprises bénéficient déjà de certaines exonérations – c’est d’ailleurs ce point qui suscite l’incompréhension parmi les assistantes maternelles qui travaillent en MAM.
En tout cas, soyez rassurée : je déposerai bien un amendement au projet de loi de finances pour tenter de rétablir de l’équité fiscale en la matière. (Sourires.)
exploitation du gaz lorrain
M. le président. La parole est à Mme Catherine Belrhiti, auteure de la question n° 332, adressée à M. le ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
Mme Catherine Belrhiti. Madame la ministre, j’ai interrogé, il y a presque un an, Agnès Pannier-Runacher, alors ministre chargée de la transition énergétique, quant à la possibilité d’exploiter les réserves du gaz lorrain.
Alors que la crise avait mis en évidence la dépendance énergétique de la France, il me semblait indispensable de consolider à la fois nos filières de production énergétique et le développement durable, sans y sacrifier notre indépendance.
Plutôt que de saisir cette occasion historique, le Gouvernement a, par arrêté ministériel du 26 avril 2023, rejeté la demande de concession formulée par la Française de l’énergie.
Cette décision regrettable a été annulée par un jugement du 25 juillet 2023 du tribunal administratif de Strasbourg, qui a estimé que l’entreprise avait justifié de ses capacités techniques pour extraire du gaz de couche et de la qualité des programmes de travaux présentés pour démontrer que le gisement était exploitable.
Cette victoire judiciaire a abouti au décret du 20 novembre dernier accordant la concession dite « Bleue Lorraine » jusqu’au 1er janvier 2040 et permettant le démarrage de l’exploitation d’un gisement équivalent à cinq années de consommation de gaz en France.
Madame la ministre, si je me réjouis de cette décision, deux menaces planent encore : le recours contre ce décret déposé par plusieurs associations jugeant – à tort – que le projet présentait des risques écologiques ; l’appel, non suspensif, interjeté par l’État devant la cour administrative d’appel de Nancy contre la décision du tribunal administratif.
Madame la ministre, le méthane issu du gisement lorrain a une empreinte carbone vingt fois inférieure à celle du gaz de schiste fracturé importé des États-Unis. Son exploitation permettrait la création de nombreux emplois, renforcerait notre souveraineté énergétique et traduirait notre engagement sur le plan écologique et environnemental.
Aussi, en cohérence avec sa politique économique et énergétique, le Gouvernement envisage-t-il de permettre pleinement à ce projet d’aboutir, en retirant l’appel qu’il a interjeté ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Aurore Bergé, ministre déléguée auprès du Premier ministre, chargée de l’égalité entre les femmes et les hommes et de la lutte contre les discriminations. Madame la sénatrice, la société détentrice du permis exclusif de recherche de mines d’hydrocarbures liquides ou gazeux, dit permis « Bleue Lorraine », a déposé, en novembre 2018, une demande de concession. Celle-ci porte sur une exploitation de gaz de couche sans faire usage de techniques non conventionnelles, notamment de fracturation hydraulique – une technique que la loi interdit.
Une enquête publique s’est ensuite déroulée et des observations ont été formulées. À l’issue des tests de production, la société titulaire du permis de recherche n’a pas été en mesure de démontrer sa maîtrise technique et la capacité à exploiter le gaz de couche contenu dans les veines de charbon explorées par cinq forages présentant des configurations différentes. C’est le résultat de ces tests qui a conduit au rejet de la demande d’octroi de la concession.
En ce qui concerne le contentieux en cours et le fait que l’État ait interjeté appel de la décision du tribunal administratif, je ne peux évidemment pas m’exprimer. Les réserves de l’État, qui avaient conduit au rejet de la demande, n’ont pas changé depuis les conclusions de 2023. Je ne peux malheureusement pas, à ce stade, vous donner une autre réponse.
M. le président. La parole est à Mme Catherine Belrhiti, pour la réplique.
Mme Catherine Belrhiti. Je me doutais un peu, madame la ministre, que vous n’alliez pas pouvoir répondre à ma question.
Pour autant, il est important de préciser qu’il faut absolument que nous exploitions ce gaz plutôt que d’en importer. Vous en connaissez les conséquences pour la France ! Quand on a une réserve de cinq années de consommation, on ne peut pas s’en priver.
C’est pourquoi j’espère que nous pourrons démarrer assez vite cette exploitation.
crise de l’apiculture française
M. le président. La parole est à Mme Dominique Estrosi Sassone, auteur de la question n° 970, adressée à M. le ministre de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire.
Mme Dominique Estrosi Sassone. Madame la ministre, après l’expression de la colère de nos agriculteurs, voici celle de nos producteurs de miel. Hier, dans plusieurs départements, les apiculteurs se sont levés pour dénoncer la concurrence déloyale de produits importés qui déstabilisent le marché.
La production de miel est en effet soumise à des contraintes conjoncturelles et structurelles qui inquiètent d’autant plus la profession qu’elles affectent un secteur dynamique comprenant plus de 70 000 apiculteurs.
Sur le plan structurel, les organisations représentatives de la filière alertent sur l’importation de miel d’assemblage qui est parfois frelaté et dont la provenance est difficilement traçable, alors même que les contrôles sont lacunaires. À cette méfiance qualitative s’ajoute un impact financier, fruit de la conjoncture, le contexte inflationniste causant une baisse de la demande. Cela est d’autant plus regrettable que notre pays est l’un des principaux pays consommateurs, les Français consommant 45 000 tonnes de miel par an.
Ces difficultés s’ajoutent à une crise de la production, qui a été divisée par trois en vingt ans et qui est encore aggravée par le changement climatique et les sécheresses.
Face à cette crise, les membres du trilogue européen ont bien prévu, le 30 janvier dernier, l’instauration de nouvelles règles d’étiquetage, ce dont nous ne pouvons que nous satisfaire. Mais cet accord, qui doit encore être adopté par les institutions européennes, ne sera effectif dans l’Union que dans deux ans.
Alors, madame la ministre, pouvez-vous nous dire ce que le Gouvernement compte mettre en œuvre à court et à moyen terme pour soutenir l’apiculture française ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Aurore Bergé, ministre déléguée auprès du Premier ministre, chargée de l’égalité entre les femmes et les hommes et de la lutte contre les discriminations. Madame la sénatrice, vous évoquez un sujet important qui rejoint les préoccupations exprimées récemment par nos agriculteurs : il s’agit là aussi de notre souveraineté, du respect des exigences environnementales et de notre capacité à produire en France des aliments, en l’espèce du miel, de qualité.
Vous l’avez dit, notre pays est l’un des principaux consommateurs, mais aussi producteurs de miel. En 2022, notre production s’établissait à 31 387 tonnes, l’année 2023 devant être a priori dans le même étiage. Nous sommes cependant déficitaires par rapport à la demande et nous devons importer du miel : notre taux d’autoapprovisionnement s’élève ainsi à 54 %.
Les apiculteurs nous ont effectivement alertés – vous en avez parlé – sur la question du miel frelaté et sur celle de certains étiquetages qui peuvent être trompeurs, des drapeaux bleu-blanc-rouge étant parfois apposés sur certaines productions qui, en fait, ne sont pas françaises.
C’est la raison pour laquelle la France a soutenu, à l’échelon européen, le renforcement des exigences en matière d’étiquetage et de traçabilité du miel pour améliorer l’information du consommateur et lutter contre ce qui est de facto une fraude. Un accord a été trouvé en ce sens le 30 janvier dernier entre le Parlement européen et le Conseil de l’Union européenne.
Cet accord permettra de mieux lutter contre la fraude et de renforcer la qualité de l’étiquetage afin de garantir la traçabilité de nos approvisionnements. Il permettra surtout de faire en sorte que le miel français ne soit pas mis sur le même plan que des miels d’importation qui ne répondent pas aux mêmes exigences en termes de conditions sociales, environnementales ou de qualité.
M. le président. La parole est à Mme Dominique Estrosi Sassone, pour la réplique.
Mme Dominique Estrosi Sassone. Je vous remercie de votre réponse, madame la ministre, à la suite de laquelle je ferai deux remarques.
D’abord, il y a urgence si nous voulons sauver la filière française de l’apiculture, car elle ne bénéficie d’aucune aide de la part des pouvoirs publics, si ce n’est de quelques dizaines d’euros par ruche, ce qui est largement insuffisant.
Ensuite, au-delà de la survie de nos apiculteurs, il y va de la survie des abeilles. Je rappelle avec insistance que l’apiculture joue un rôle essentiel dans la préservation écologique.
Il est donc absolument indispensable que les pouvoirs publics soutiennent cette filière. Nous devons promouvoir le miel de qualité et je pense tout particulièrement au miel de Provence ! (M. Lucien Stanzione applaudit.)
évolution du statut juridique des chiens de troupeaux protégeant contre des attaques d’ours dans les pyrénées
M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Michau, auteur de la question n° 1018, adressée à M. le ministre de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire.
M. Jean-Jacques Michau. Madame la ministre, je souhaite interroger le Gouvernement sur les futures évolutions du statut des chiens de troupeaux.
En effet, dans le nouveau plan national d’actions 2024-2029 sur le loup et les activités d’élevage, il est prévu de proposer un nouveau statut pour les chiens de protection, qui deviendraient des chiens de travail. Ce nouveau statut serait également très utile pour les chiens qui protègent contre les attaques d’ours dans les Pyrénées. Il est très attendu par tous les acteurs pyrénéens du pastoralisme afin de régler les conflits qui sont liés à la divagation ou aux aboiements des chiens et qui ont un fort impact sur la vie des communes concernées.
Ce changement de statut pourrait résoudre les difficultés des éleveurs confrontés à la réglementation des chenils et il pourrait également permettre de les rassurer face à la mise en cause croissante de leur responsabilité lors d’incidents avec les randonneurs dans les estives et au sein même des villages.
Madame la ministre, pouvez-vous me confirmer que les chiens de protection, imposés dans le cadre du plan d’actions Ours brun, sont bel et bien, eux aussi, concernés par ce changement de statut ? Si oui, dans quel délai et selon quel véhicule, législatif ou réglementaire, ce changement tant attendu pourrait-il intervenir ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Aurore Bergé, ministre déléguée auprès du Premier ministre, chargée de l’égalité entre les femmes et les hommes et de la lutte contre les discriminations. Monsieur le sénateur, les enjeux du pastoralisme – un sujet très prégnant sur votre territoire – et, plus largement, de la sauvegarde de notre modèle sont particulièrement importants au regard de nos objectifs de souveraineté et de protection de notre identité et de nos paysages.
Vous l’avez dit, il se pose, dans le cas du loup comme de l’ours, une question de sécurité juridique pour les propriétaires des chiens de troupeaux, mais aussi pour les élus locaux, en particulier les maires, qui sont très régulièrement sollicités pour régler des conflits de voisinage ou avec des touristes.
C’est pourquoi, dans le cadre du nouveau plan national d’actions 2024-2029 sur le loup et les activités d’élevage, le statut de ces chiens doit être étudié et adapté. Des travaux ont été engagés en ce sens de manière anticipée pour sécuriser les propriétaires et les éleveurs. Par exemple, les évolutions envisagées doivent permettre d’encadrer le régime de responsabilité pour éviter les recours abusifs et d’adapter la réglementation en matière d’installation classée pour la protection de l’environnement.
Je vous confirme que les chiens utilisés pour la protection des troupeaux contre les attaques de loups ou d’ours s’inscrivent dans une filière nationale qualitative et bénéficieront de l’ensemble des avancées prévues dans le nouveau plan.
Je ne peux pas vous répondre, à ce stade, sur la forme juridique que cela prendra, parce que nous sommes en train d’y travailler, mais le ministre de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire souhaite avancer très rapidement sur cette question.
M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Michau, pour la réplique.
M. Jean-Jacques Michau. Je vous remercie, madame la ministre.
Malheureusement, cette évolution n’épuisera pas le sujet de la prédation et du désespoir des éleveurs et des bergers qui voient, dans les Pyrénées, particulièrement chez moi en Ariège, leurs troupeaux décimés par les attaques d’ours.
J’espère que le Gouvernement se saisira vraiment de cette question, car il y va de la survie du pastoralisme.
mobilisation des médecins militaires en réponse à la carence de professionnels de santé au sein des établissements hospitaliers
M. le président. La parole est à M. Lucien Stanzione, auteur de la question n° 948, adressée à M. le ministre des armées.
M. Lucien Stanzione. Madame la ministre, chaque année, les services d’urgence hospitaliers publics accueillent plus de 20 millions de patients. De leur côté, les centres 15 régulent pas moins de 36 millions d’appels et les services mobiles d’urgence et de réanimation (Smur) prennent en charge plus de 760 000 patients, ce qui met en lumière les défis critiques de la gestion des services d’urgence : 90 % de ces services font face à des difficultés majeures et signalent des carences dans le personnel non médical.
Le manque de médecins urgentistes a entraîné la fermeture des urgences de nuit, parfois plusieurs jours de suite, ou le week-end dans mon département, le Vaucluse, que ce soit à Carpentras, à Cavaillon ou à Pertuis – ce sera peut-être bientôt le cas à Orange. Madame la ministre, cela n’est que la manifestation d’un problème que l’on observe dans toute la France.
Alors, qu’attendons-nous pour agir ? Il est impératif de prendre des mesures concrètes pour garantir la continuité des soins d’urgence et répondre aux besoins de la population.
Le décès récent aux urgences d’Hyères du jeune Lucas, âgé de 25 ans, ignoré dans le couloir du service des urgences pendant des heures et découvert décédé au milieu des autres patients, en est l’exemple même. De tels drames ne devraient pas se produire dans notre pays, longtemps envié pour son avant-gardisme en matière de soins.
La vie de nos concitoyens dépend d’une réponse rapide et efficace. La désaffection de l’hôpital public, accentuée par des statuts moins attractifs et des rémunérations peu concurrentielles, complexifie la situation. Il est impératif de trouver des solutions pour garantir un accès ininterrompu aux soins d’urgence.
En attendant le redressement de la situation, j’attire l’attention du Gouvernement sur la possibilité de mettre en place un mécanisme de réquisition des médecins militaires et éventuellement, s’ils sont disponibles, des médecins pompiers ; un tel mécanisme, coordonné par les agences régionales de santé (ARS), permettrait de renforcer les effectifs des services d’urgence en période de carence aiguë en ressources médicales.
La mise en place de ce dispositif permettrait d’assurer la première urgence, souvent essentielle pour limiter les complications médicales qui sont parfois fatales – l’exemple d’Hyères que j’évoquais nous le montre.
Madame la ministre, comment le Gouvernement entend-il mettre en place ce dispositif et dans quel délai ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Aurore Bergé, ministre déléguée auprès du Premier ministre, chargée de l’égalité entre les femmes et les hommes et de la lutte contre les discriminations. Monsieur le sénateur, je vais vous répondre plus spécifiquement sur le service de santé des armées (SSA), qui est l’unique opérateur de santé du ministère.
Le SSA a pour mission première de garantir le soutien médical à nos forces armées et aux formations rattachées en tous lieux et en toutes circonstances ; il est le seul à pouvoir réaliser cette mission.
Ce soutien se matérialise en opérations, où le SSA déploie une chaîne médicale opérationnelle pour la prise en charge de nos militaires quand ils sont blessés, de l’extrême-avant jusqu’à leur évacuation vers l’Hexagone. Il se matérialise également sur le territoire national, où le SSA assure des missions de soins physiques et psychiques, d’aptitude médicale, d’expertise et de conseil aux commandements.
Le SSA participe quotidiennement au système de santé grâce aux hôpitaux des armées : ceux-ci accueillent environ 70 % de patients civils et contribuent pleinement à l’offre de soins, en lien étroit avec les ARS.
Sous réserve de la priorité qui doit toujours être donnée à nos forces armées, le SSA peut être amené à mettre ses capacités au service de l’ensemble du pays – ce fut notamment le cas, chacun s’en souvient, durant la pandémie de covid-19, puisqu’il a contribué aux évacuations sanitaires, aux hospitalisations, notamment en réanimation, et à la vaccination.
Cependant, au-delà de ce type de soutien exceptionnel, qui, par construction, doit rester ponctuel, temporaire et limité à la gestion de crise, le SSA n’a pas vocation à couvrir l’offre de soins des établissements hospitaliers civils et il n’est pas dimensionné pour cela.
Dans un contexte où le volume de personnel militaire à soutenir est en augmentation, le SSA doit toujours donner la priorité au soutien à nos forces armées et formations rattachées, tout en continuant, partout où c’est possible, de prendre en charge la patientèle civile.
conditions de la rentrée scolaire de 2024 en seine-maritime
M. le président. La parole est à Mme Céline Brulin, auteure de la question n° 1041, adressée à Mme la ministre de l’éducation nationale, de la jeunesse, des sports et des jeux Olympiques et Paralympiques.
Mme Céline Brulin. Madame la ministre, d’après les évaluations, de 60 % à 70 % des élèves accueillis dans nombre d’établissements de Seine-Maritime éprouvent des difficultés à leur entrée en sixième. Cette réalité plaide pour un investissement dans les écoles du primaire et je souhaite qu’il soit tenu compte de cette situation dans l’évolution de la carte scolaire qui est élaborée en ce moment. Or, à ce stade, des classes risquent d’être fermées, conduisant à un alourdissement des effectifs.
Je veux ensuite évoquer ce que le Gouvernement appelle « le choc des savoirs » au collège. Censé être un remède, ce « choc » suscite actuellement de très nombreux mécontentements, tant sur le recul pédagogique que constituent les groupes de niveau en français et en maths que sur les moyens attribués aux établissements pour le mettre en œuvre.
Les dotations horaires dans mon département – mais c’est malheureusement le cas partout ailleurs en France – sont en effet très insuffisantes et la mise en place des groupes de niveau conduira à des classes surchargées dans des niveaux ou divisions ou dans d’autres disciplines que le français et les maths.
Cela contraint aussi les collèges à puiser dans les ressources de dispositifs existants, alors que ceux-ci sont importants pour l’apprentissage des élèves ou pour l’attractivité des établissements et qu’ils permettent de faire du sur-mesure et de répondre à la réalité de chaque collège.
À Fécamp ou à Saint-Étienne-du-Rouvray par exemple, des collèges vont devoir supprimer des heures d’accompagnement personnalisé ou des dédoublements en langues ou en sciences. À Maromme, ce sont des classes qui devraient fermer. Quant au collège de Fauville-en-Caux, il devrait supprimer sa section de jeunes sapeurs-pompiers. Je pourrais malheureusement citer bien d’autres exemples.
Chaque année scolaire voit l’organisation des établissements bousculée ; les réformes se succèdent avant même que leurs résultats aient été évalués. Aujourd’hui, dans tous les conseils d’administration, les enseignants, les parents d’élèves, les personnels de direction et les élus locaux expriment incompréhension et mécontentement : je pense qu’il faut les entendre, madame la ministre, et j’espère que ce sera le cas !
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Aurore Bergé, ministre déléguée auprès du Premier ministre, chargée de l’égalité entre les femmes et les hommes et de la lutte contre les discriminations. Madame la sénatrice, je veux vous rappeler les moyens qui seront déployés, en termes d’encadrement de nos enfants, pour garantir ce choc des savoirs et la transmission des savoirs fondamentaux et des valeurs de la République. Alors que le nombre d’élèves attendu devrait être en baisse, le taux d’encadrement devrait par conséquent être meilleur.
Plus spécifiquement pour votre département, la Seine-Maritime, dans le premier degré public, dans un contexte de baisse démographique – on a dénombré 7 509 élèves de moins entre 2017 et 2023 –, les taux d’encadrement se sont améliorés : le nombre d’élèves par classe est passé de plus de 23 à la rentrée 2017 à un peu plus de 21 à la rentrée 2023.
Le département de la Seine-Maritime devrait perdre 1 468 élèves à la rentrée 2024 ; malgré cette baisse, qui est significative, il ne devra restituer que 14 de ses emplois, garantissant justement les enseignements que vous avez décrits.
Dans le second degré, les prévisions d’effectifs sont au contraire stables et les moyens déployés vont permettre la mise en place au collège des groupes de niveau, la poursuite de l’effort en faveur de l’école inclusive – dix nouvelles unités localisées pour l’inclusion scolaire (Ulis) seront ouvertes – et les évolutions de la voie professionnelle.
Notre objectif est de garantir partout un bon taux d’encadrement. Là où il y a une évolution démographique à la baisse, on ne diminue pas d’autant le nombre des encadrants ; au contraire, on le maintient pour garantir la possibilité d’encadrements plus personnalisés. Là où les effectifs sont stables, nous continuons nos efforts, notamment en matière d’école inclusive – je sais, madame la sénatrice, que vous êtes particulièrement engagée sur ce sujet.
propositions d’évolution des programmes petites villes de demain et villages d’avenir en outre-mer
M. le président. La parole est à M. Frédéric Buval, auteur de la question n° 1051, transmise à M. le ministre de l’intérieur et des outre-mer.
M. Frédéric Buval. Madame la ministre, je souhaite alerter le Gouvernement sur les difficultés rencontrées par les collectivités des outre-mer dans le cadre des programmes gouvernementaux de revitalisation des territoires ruraux, tels que Petites Villes de demain et Villages d’avenir.
J’ai été sensibilisé par le président de la communauté d’agglomération du pays Nord Martinique (CAP Nord), M. Bruno Nestor Azérot, sur la nécessité de renforcer les moyens humains, financiers et organisationnels inscrits dans les programmes gouvernementaux de revitalisation prévus pour ce territoire.
M. Azérot propose les pistes de réflexion suivantes : renforcer l’impact socio-économique de ces programmes à travers leur mise en cohérence, étendre leur durée d’application et mobiliser des moyens d’ingénierie et d’investissements supplémentaires ; bonifier les aides financières de l’Agence nationale de l’habitat (Anah), notamment dans les secteurs d’intervention de l’opération de revitalisation de territoire (ORT) ; prolonger et renforcer les incitations fiscales afin d’atteindre les objectifs de revitalisation fixés dans les secteurs d’intervention de l’ORT ; enfin, créer un réseau d’échanges et de formation entre communes labellisées Petites Villes de demain et Villages d’avenir à l’échelle des Antilles et de la Guyane.
Sur le fondement de ces éléments, je souhaite connaître les dispositions envisagées par le Gouvernement pour répondre au mieux aux attentes des élus des outre-mer concernant les programmes nationaux de revitalisation des territoires ruraux.
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Aurore Bergé, ministre déléguée auprès du Premier ministre, chargée de l’égalité entre les femmes et les hommes et de la lutte contre les discriminations. Monsieur le sénateur, le programme Petites Villes de demain est très important pour revitaliser l’ensemble de nos territoires, y compris nos territoires ultramarins. Il concerne trente-cinq des cent vingt-neuf communes des cinq départements et régions d’outre-mer : sept en Guadeloupe, dix chez vous en Martinique, quatre en Guyane, onze à La Réunion et trois à Mayotte.
Nous passons maintenant à une phase plus opérationnelle de ce programme. Il s’agit notamment de financer les postes de chef de projet qui sont déployés directement auprès des collectivités et qui sont pris en charge à hauteur de 75 % par l’État jusqu’en 2026 – cette contribution peut être majorée dans les territoires ultramarins.
Près de 29 millions d’euros ont d’ores et déjà été déployés en outre-mer et quinze opérations de revitalisation de territoire ont été signées.
L’autre programme que vous évoquez, Villages d’avenir, qui est plus récent, concerne aussi les territoires ultramarins : quinze communes ont ainsi été labellisées, dont cinq en Martinique.
Vous le voyez, l’engagement de l’État est très fort tant pour l’ingénierie – par exemple, les postes que j’ai évoqués – que pour le financement de projets concrets, qu’il s’agisse de projets de logement, de commerces ou dans les services publics.
M. le président. La parole est à M. Frédéric Buval, pour la réplique.
M. Frédéric Buval. Je vous remercie de ces précisions et j’espère pouvoir compter sur le Gouvernement, car il est urgent d’adapter les programmes Petites Villes de demain et Villages d’avenir.
Les collectivités d’outre-mer qui veulent investir dans des projets structurants pour leur territoire, comme CAP Nord, font face à des contraintes spécifiques, différentes de celles des collectivités de l’Hexagone.
continuité territoriale dans les outre-mer
M. le président. La parole est à Mme Solanges Nadille, auteure de la question n° 1030, transmise à M. le ministre de l’intérieur et des outre-mer.
Mme Solanges Nadille. Madame la ministre, je souhaite attirer l’attention du Gouvernement sur un sujet d’une importance capitale pour les territoires ultramarins, à savoir la continuité territoriale, qui est un principe du service public.
Elle vise à faciliter le déplacement de 2,7 millions de citoyens ultramarins entre les territoires, en compensant les obstacles liés à leur éloignement. Elle est fondée sur les principes d’égalité des droits, de solidarité nationale et d’unité de la République.
La hausse brutale du prix des billets d’avion et du fret maritime depuis la fin de la crise sanitaire entraîne des difficultés majeures pour le déplacement des Ultramarins.
Surtout, la politique de continuité territoriale est souvent envisagée sous le seul angle des liaisons directes entre les territoires d’outre-mer et l’Hexagone. Or plusieurs territoires souffrent d’un double, voire d’un triple enclavement.
Ainsi, outre l’enclavement vis-à-vis de l’Hexagone, sous l’effet de la cherté des billets d’avion, il ne faut pas oublier l’enclavement régional, lié au faible nombre de connexions entre les territoires ultramarins et les États voisins, non plus que, dans certains territoires, l’enclavement intérieur, en raison d’une desserte interîles peu diversifiée et onéreuse.
En Guadeloupe, les îles du Sud, dont je suis originaire, sont reliées par bateau audit continent, que forment les îles de Basse-Terre et de Grande-Terre, au moyen de traversées qui durent de trente minutes à une heure.
Des aérodromes permettent aussi de relier ces îles, mais aucune compagnie ou presque n’exploite les liaisons entre la Guadeloupe « continentale » et les îles du Sud.
Les coûts de transport sont dissuasifs pour beaucoup de personnes, mais certaines d’entre elles sont malgré tout obligées de faire la navette quotidiennement.
Les fréquences limitées des navettes compliquent la vie des habitants des îles de Marie-Galante, des Saintes et de la Désirade, qui doivent se rendre sur ledit continent pour réaliser un examen médical, suivre un traitement, accomplir une démarche administrative, ou encore prendre un vol vers l’Hexagone.
La politique de continuité territoriale a certes connu des progrès indéniables depuis ses débuts, voilà vingt ans. Néanmoins, elle reste très insuffisante pour répondre aux enjeux d’équité, d’égalité des chances et d’indivisibilité de la République.
Madame la ministre, que compte faire le Gouvernement pour donner – enfin ! – une véritable ambition à cette politique, en particulier en matière de desserte interîles ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Aurore Bergé, ministre déléguée auprès du Premier ministre, chargée de l’égalité entre les femmes et les hommes et de la lutte contre les discriminations. Madame la sénatrice, la politique de continuité territoriale vise à assurer l’équité territoriale entre l’ensemble de nos concitoyens – c’est un enjeu majeur –, et notamment ceux qui vivent dans nos territoires ultramarins.
Vous le savez, il existe un comité interministériel des outre-mer (Ciom), qui se réunit régulièrement non par plaisir de se réunir, mais pour agir sur les différents points que vous avez mentionnés. Ainsi, il cherche à faciliter la mobilité non pas simplement entre l’outre-mer et l’Hexagone ou entre les outre-mer, mais également au sein même des territoires, comme vous l’avez évoqué.
Aussi, je rappellerai un certain nombre des mesures issues de ses travaux : le passeport pour le retour, le passeport pour la mobilité des actifs salariés, ou encore le passeport pour la mobilité des entreprises innovantes.
Il s’agit aussi de l’élargissement des publics pouvant bénéficier d’un certain nombre d’aides. Ainsi, les montants de l’aide à la continuité territoriale ont été revalorisés en mars 2023. De même, le plafond de ressources pour percevoir cette aide a été nettement revalorisé, puisque le quotient familial est passé de 12 000 euros à 18 000 euros. Désormais, un peu plus des trois quarts des foyers des départements et des régions d’outre-mer sont couverts par ce dispositif. Il s’agit bien d’une politique très large, qui aide aussi les classes moyennes.
De plus, le passeport pour la mobilité des études couvre à présent la totalité du prix du billet d’avion, tant pour les boursiers que pour ceux qui ne le sont pas, afin de ne pas exclure les classes moyennes. Les étudiants de première année peuvent demander un deuxième passeport mobilité pour faciliter l’entrée dans la vie étudiante.
L’État investit dans la continuité territoriale. Le nombre de bénéficiaires des aides augmente d’année en année, vous le savez, et c’est pour le mieux.
En revanche, la continuité territoriale intérieure aux collectivités et aux territoires ultramarins relève justement de la compétence des collectivités. Un certain nombre d’entre elles ont mis en place des aides, notamment le conseil régional de la Guadeloupe.
Peut-être faut-il poursuivre les efforts de sorte que la continuité territoire s’exerce non pas simplement entre nos outre-mer et l’Hexagone, mais aussi au sein des territoires ultramarins.
Vous le voyez, l’État, au travers du comité interministériel des outre-mer, est parfaitement mobilisé sur cette question.
M. le président. Nous en avons terminé avec les réponses à des questions orales.
Mes chers collègues, l’ordre du jour de ce matin étant épuisé, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quatorze heures trente.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à douze heures trente-cinq, est reprise à quatorze heures trente, sous la présidence de Mme Sylvie Robert.)
PRÉSIDENCE DE Mme Sylvie Robert
vice-présidente
Mme la présidente. La séance est reprise.
4
Décès d’un ancien sénateur
Mme la présidente. Mes chers collègues, j’ai le regret de vous faire part du décès de notre ancienne collègue Brigitte Bout, qui fut sénateur du Pas-de-Calais de 2002 à 2011.
5
Société du bien-vieillir en France
Suite de la discussion en procédure accélérée et adoption d’une proposition de loi dans le texte de la commission modifié
Mme la présidente. L’ordre du jour appelle les explications de vote des groupes et le vote par scrutin public solennel sur la proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, portant mesures pour bâtir la société du bien-vieillir en France (proposition n° 147, texte de la commission n° 253 rectifié, rapport n° 252, avis n° 240).
Mes chers collègues, je vous rappelle que ce scrutin s’effectuera depuis les terminaux de vote. Je vous invite donc à vous assurer que vous disposez bien de votre carte de vote et à vérifier que celle-ci fonctionne correctement en l’insérant dans votre terminal de vote. En cas de difficulté, les huissiers sont à votre disposition.
Avant de passer au vote, je vais donner la parole à ceux de nos collègues qui ont été inscrits pour expliquer leur vote.
J’indique au Sénat que, compte tenu de l’organisation du débat décidée par la conférence des présidents, chacun des groupes dispose de sept minutes pour ces explications de vote, à raison d’un orateur par groupe, l’orateur de la réunion administrative des sénateurs ne figurant sur la liste d’aucun groupe disposant de trois minutes.
Vote sur l’ensemble
Mme la présidente. La parole est à Mme Anne Souyris, pour le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires.
Mme Anne Souyris. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, la loi du 7 août 2020 relative à la dette sociale et à l’autonomie a institué une cinquième branche de la sécurité sociale consacrée à l’autonomie.
Alors que les enjeux liés à l’autonomie sont majeurs notamment sous l’effet du vieillissement de la population, le texte qui nous est soumis ne nous permet pas d’y apporter une réponse structurelle.
Nous escomptions examiner un projet de loi sur l’autonomie et le grand âge, attendu par les actrices et les acteurs du secteur. Au lieu de cela, nous avons eu à examiner une proposition de loi circonscrite au bien-vieillir.
Encore une fois, nous regrettons que le Gouvernement ne prenne pas la mesure des défis à venir. Nous déplorons également qu’il ne légifère pas par projet de loi, lequel fait toujours l’objet d’un avis du Conseil d’État et d’une large concertation des acteurs concernés, au premier rang desquels les collectivités locales et les fédérations du médico-social.
Nous désapprouvons par ailleurs le périmètre de cette proposition. Où sont les mesures pour le handicap, lequel est exclu de ce texte et invisibilisé par ses auteurs ? Pourtant, la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie (CNSA) est bien chargée des enjeux relatifs au soutien aux personnes âgées en perte d’autonomie et aux personnes handicapées.
Soyons clairs, ce texte ne comporte aucune réponse aux problèmes structurels auxquels se heurte le secteur du grand âge et de l’autonomie ! Il n’y a rien à propos du recrutement de personnel soignant ; rien de significatif sur l’attractivité des métiers du grand âge ; rien sur l’amélioration de l’accueil dans les Ehpad ; rien non plus sur l’adaptation globale de la société au vieillissement ; rien, enfin, pour trouver une nouvelle source de financement de la branche !
Cela dit, le texte transmis par l’Assemblée nationale comportait quelques avancées, certes mineures et sans cohérence d’ensemble, mais concrètes et utiles, telles que l’instauration d’un droit de visite pour les proches ou l’accès des animaux de compagnie aux Ehpad.
Vous en conviendrez, la commission a supprimé une grande partie des mesures ajoutées par l’Assemblée nationale, telles que l’élaboration d’un projet d’accueil et d’accompagnement personnalisé, la remise aux personnes admises dans une structure médico-sociale d’un livret d’accueil dans un format facile à lire et à comprendre, ou encore l’obligation pour les Ehpad privés lucratifs de réserver une part de leurs bénéfices au financement d’actions pour l’hébergement et l’accueil des résidents. Encore une fois, nous le regrettons.
Examiné quelques années après le scandale Orpea et les rapports de la Défenseure des droits, ce texte ne nous donne toujours pas les moyens de lutter contre la maltraitance institutionnelle, de traiter les dérives du privé lucratif en matière d’optimisation fiscale – grâce au renforcement des contrôles –, le manque de personnel, le turn over, la sinistralité dans le secteur des Ehpad et le virage domiciliaire.
Pourtant, pour affronter ces défis, nous avions proposé, avec notre collègue Raymonde Poncet Monge – sans être entendues – des amendements qui avaient notamment pour objet de pérenniser immédiatement la tarification globale des services d’autonomie à domicile, plutôt que de l’expérimenter jusqu’en 2026. L’ensemble des acteurs du secteur soutenait cette proposition. Quel dommage !
Nous attendons désormais d’examiner la loi de programmation pluriannuelle, grande avancée de cette proposition. Cependant, nous aurions souhaité qu’elle porte sur l’autonomie en général et pas seulement sur le grand âge.
Comme l’a indiqué Dominique Libault dans le rapport qu’il a remis au Gouvernement en 2019, le besoin de financement s’élève à près de 6 milliards d’euros d’ici à 2024 ; or nous sommes en 2024 et nous discutons à peine d’un projet de loi de financement ! C’est un peu tard ; mais comme l’on dit, mieux vaut tard que jamais…
En résumé, malgré quelques maigres mesures qui vont dans le bon sens, cette proposition de loi n’est pas satisfaisante au regard des enjeux. C’est pourquoi le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires s’abstiendra. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST. – Mmes Annie Le Houerou et Émilienne Poumirol applaudissent également.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Cathy Apourceau-Poly, pour le groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky.
Mme Cathy Apourceau-Poly. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, depuis 2017, nous attendons impatiemment une loi sur le grand âge.
Le 22 novembre 2023, la Première ministre, Élisabeth Borne, s’était engagée à présenter un projet de loi de programmation d’ici à l’été 2024.
La ministre des solidarités et des familles, Aurore Bergé, qui avait annoncé un changement de méthode, a proposé d’engager une véritable coconstruction avec les parlementaires, les élus locaux et les responsables du secteur.
Le 5 janvier dernier, les fédérations du secteur ont été reçues par la ministre pour échanger sur la rédaction de ce projet de loi.
Coup de théâtre, lors de la discussion générale mardi dernier, madame la ministre, vous avez annoncé que « l’article 34 de notre Constitution ne retient pas la notion de loi de programmation pour le secteur médico-social ». Et vous avez ajouté : « Je prends l’engagement devant vous de faire une loi pour le grand âge et qu’elle soit faite et votée d’ici la fin de cette année. » (Mme la ministre le confirme.)
Vous et vos prédécesseurs avez trop bafoué la parole publique ! Désormais, seule nous importe l’adoption d’une loi de programmation pour bâtir cette fameuse société du bien-vieillir !
Nous savons qu’une telle loi de programmation ne vous engage en rien et qu’il vous faudra trouver au moins 10 milliards d’euros pour financer l’adaptation de la société au vieillissement.
Pour réaliser ces investissements, il suffit de mettre à contribution les plus hauts revenus, les revenus financiers, et les groupes qui réalisent des profits sur le dos nos aînés.
Ce n’est certainement pas au travers de ce texte, qui ne prévoit que 200 millions d’euros, soit seulement 2 % des dépenses à réaliser, que nous atteindrons cet objectif.
Cette proposition de loi est un coup de com’ du Gouvernement pour donner l’illusion d’avancer sur ce dossier alors qu’il n’en est rien.
Pis, la majorité sénatoriale a réussi à introduire des mesures régressives dans un texte complètement creux.
Cette proposition de loi, qui reprend des mesures déjà inscrites dans la convention d’objectifs et de gestion (COG) 2022-2026 entre l’État et la branche autonomie de la sécurité sociale, ne prévoit rien de novateur.
La création d’une carte professionnelle pour les aides à domicile ne résoudra ni le manque d’attractivité de la filière, ni l’absence de revalorisation kilométrique, ni l’absence de revalorisation des salaires.
Madame la ministre, nous vous avions proposé d’indexer les salaires sur le Smic pour tenir compte de l’inflation, mais vous avez refusé.
Vous ne tirez aucune conclusion de l’enquête de Victor Castanet pour les Ehpad. Là encore, vous avez rejeté le renforcement des contrôles et refusé de veiller au bon usage des deniers publics.
En 2006, le plan Solidarité-Grand Âge prévoyait que, en 2012, il y aurait huit professionnels pour dix résidents dans le budget de l’établissement. Aujourd’hui, nous en sommes toujours à six professionnels pour dix résidents ! Résultat, on demande aux salariés d’aller toujours plus vite, ce qui finit par épuiser le personnel.
S’il y avait plus de professionnels, on réduirait les accidents du travail et on améliorerait les conditions de séjour des résidents. C’est pourquoi nous sommes convaincus de la nécessité d’augmenter les moyens en faveur de l’aide à domicile.
Pour notre part, nous défendons l’objectif de recruter 200 000 personnes en Ehpad et 100 000 personnes pour le secteur de l’aide à domicile.
Le plan de mobilisation nationale en faveur de l’attractivité des métiers du grand âge 2020-2024, rédigé par l’ancienne ministre de la casse du droit du travail, Myriam El Khomri, recommandait, en 2019, de créer 92 300 postes en cinq ans et d’augmenter les salaires.
Vous proposez aujourd’hui d’en créer seulement 50 000 en six ans, et sans augmenter les salaires !
La majorité sénatoriale a supprimé la publication du taux d’encadrement dans les Ehpad au motif qu’ils rencontrent des difficultés de recrutement.
Mais pourquoi les Ehpad rencontrent-ils des difficultés de recrutement ? Eh bien ! la pénibilité du métier, le manque de reconnaissance et un salaire moyen de 930 euros pour les aides à domicile n’attirent malheureusement pas grand monde !
En 2014, mes collègues Dominique Watrin et Jean-Marie Vanlerenberghe avaient publié un rapport d’information intitulé L’aide à domicile auprès des publics fragiles : un système à bout de souffle à réformer d’urgence. L’une de leurs préconisations consistait à fixer un tarif national de l’aide à domicile à 24 euros de l’heure.
Dix ans plus tard, le Gouvernement se félicite d’avoir imposé aux départements un tarif plancher à 23 euros. Or en dix ans l’inflation a fait exploser les prix. Aussi, il faudrait financer l’heure d’aide à domicile à hauteur de 30 euros, compensée intégralement par l’État.
M. Mickaël Vallet. Bien dit !
Mme Cathy Apourceau-Poly. Dans mon département, le Pas-de-Calais, personne ne me dit souhaiter finir ses jours en Ehpad ! Mais, en l’absence d’aide pour maintenir les personnes à domicile, les familles se trouvent contraintes de chercher une place en Ehpad pour leurs proches.
Elles ont deux possibilités : soit elles attendent plusieurs mois dans l’espoir d’avoir une place dans un établissement public, soit elles acceptent de payer une place hors de prix dans un établissement privé.
L’affaire Orpea a pourtant mis en lumière les dysfonctionnements de certains Ehpad, notamment du secteur privé lucratif, et plus largement de l’accueil des personnes âgées en situation de perte d’autonomie.
En autorisant les Ehpad habilités à l’aide sociale à fixer un tarif d’hébergement différencié pour les résidents non bénéficiaires de l’aide, la majorité sénatoriale a ouvert la boîte de Pandore, et c’est extrêmement grave ! Désormais, les Ehpad habilités pourront moduler leurs tarifs selon les ressources des résidents et ainsi réduire davantage le nombre de places réservées aux bénéficiaires de l’aide sociale.
Vous remettez en cause l’accès des familles les plus précaires à un service pourtant indispensable.
En conclusion, à l’opposé du projet du Gouvernement et de la droite sénatoriale, nous défendons un véritable projet de justice sociale, visant à créer un service public de l’autonomie, financé à 100 % par la sécurité sociale, et à supprimer les exonérations de cotisations patronales.
Pour l’ensemble de ces raisons, nous ne soutiendrons pas ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K et sur des travées du groupe SER.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Véronique Guillotin, pour le groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE. - M. Cédric Chevalier applaudit également.)
Mme Véronique Guillotin. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, l’horloge démographique de la France est implacable : la part des plus de 85 ans va croître de près de 90 % entre 2030 et 2050.
En 2030, c’est-à-dire demain, la France comptera déjà 4 millions de personnes en perte d’autonomie. Ce défi, qui concernera très intimement des millions de Français et peut-être chacun d’entre nous, est compliqué par la crise d’attractivité qui frappe les métiers du soin, dans un système hospitalier déjà à bout de souffle.
Face à ce choc démographique, c’est d’un choc d’attractivité que nous avons besoin : sur la formation, les rémunérations des soignants, les conditions de travail et la pénibilité, que ce soit en Ehpad, à l’hôpital ou à domicile. Concernant le maintien à domicile, il faudra prendre en compte la rénovation des bâtiments, leur adaptation au grand âge, voire, la domotique.
Vieillir à domicile, c’est le souhait de la très grande majorité des personnes âgées, ce que l’on peut comprendre.
Ce virage domiciliaire a l’avantage d’un coût financier moindre, mais il implique une révolution : celle de la politique nationale de prévention de la perte d’autonomie, domaine dans lequel nous avons des progrès à faire. En effet, 45 % des plus de 65 ans sont en bonne santé en France, contre 77 % en Suède.
L’ampleur de ce défi est immense. C’est précisément pour cette raison qu’il est impératif de s’y préparer et d’engager sans tarder la loi Grand Âge, une réforme indispensable, plusieurs fois reportée. Nous restons optimistes sur sa présentation dans le courant de l’année, conformément à vos engagements, madame la ministre.
En attendant, nous examinons aujourd’hui une proposition de loi de dimension plus modeste. Après un grand nettoyage de printemps en commission, nous ressortons de nos débats avec quarante articles au service de nos aînés.
En réponse à la violence des situations d’isolement pendant la crise covid, le texte garantit un droit de visite quotidien dans les établissements et services sociaux ou médico-sociaux (ESSMS), reprenant une initiative sénatoriale. Ces dispositions garantissent un équilibre indispensable en réservant tout de même la possibilité au directeur de l’établissement de s’opposer à une visite si elle constitue une menace pour l’ordre public ou pour la santé des résidents. Mon groupe y est favorable.
Le débat qui a porté sur la présence des animaux de compagnie est loin d’être anecdotique, tant les bienfaits de la présence animale sont connus. Permettre aux établissements d’accueillir des animaux dans le cadre d’un projet d’établissement est une excellente mesure. Toutefois, l’inscription dans la loi du droit à un animal de compagnie me semble, à titre personnel, peu réaliste au vu des contraintes.
Nous saluons le financement, par la dotation soins, d’actions de prévention de la perte d’autonomie, ainsi que la généralisation de l’outil de dépistage de la perte d’autonomie Integrated Care for Older People (Icope). Promu par l’Organisation mondiale de la santé (OMS) et déjà expérimenté, il permet de repérer les facteurs de risque et de mettre en place un plan d’action, en s’adossant aux professionnels de santé et, désormais, aux nouveaux rendez-vous de prévention proposés aux plus de 60 ans.
C’est une excellente mesure, mais ne relâchons pas nos efforts : la prévention est un levier puissant de transformation de notre système de santé.
Pour cette même raison, nous regrettons la suppression du référent prévention de l’établissement, jugé peu utile par les rapporteurs. À l’image du référent nutrition dans les Ehpad, celui-ci aurait pu jouer un rôle moteur pour déclencher des actions de prévention dans les établissements.
Nous regrettons également que notre amendement prévoyant le remboursement de l’activité physique adaptée (APA) pour les personnes en perte d’autonomie ait été déclaré irrecevable. Nous avons récemment voté, grâce au soutien du Gouvernement, la prise en charge par l’assurance maladie de l’APA pour les patients atteints de cancer. Pourquoi ne pas envisager la même mesure pour les personnes âgées, en prévention de la perte d’autonomie ? Madame la ministre, profitons de cette année olympique où le sport a été décrété grande cause nationale pour nous engager sur la question du sport-santé et de l’activité physique adaptée au service des plus fragiles.
Mme Françoise Gatel. Très bien !
Mme Véronique Guillotin. Ce texte contient par ailleurs des mesures intéressantes pour prévenir la maltraitance des personnes vulnérables, des maltraitances organisées, comme le scandale Orpea nous en a révélé, mais aussi des maltraitances plus institutionnelles, par manque de soignants, de formation, ou encore par épuisement professionnel.
Ainsi, nous saluons la création d’une cellule départementale de recueil et de suivi des signalements, ainsi que l’élargissement de la Conférence nationale de santé (CNS) à la question de la maltraitance.
J’en viens maintenant à l’organisation territoriale de l’offre. Un service public départemental de l’autonomie (SPDA) sera créé pour mieux orienter les personnes, faciliter leurs démarches et coordonner les services. Nous insistons sur l’importance de laisser de la souplesse à cet outil pour mieux l’adapter aux réalités locales. La version adoptée convient à notre groupe, avec un plan trisannuel et la possibilité de définir des territoires de l’autonomie à l’échelon infradépartemental. Au risque de me répéter, la décentralisation en matière de santé est un chantier indispensable et urgent à mener, tant les besoins et les réalités varient d’un bassin de vie à l’autre.
Je conclus sur le nerf de la guerre, l’attractivité des métiers. Si les revalorisations salariales ne peuvent figurer dans une proposition de loi, quelques mesures intéressantes sont à saluer. Je pense notamment à l’expérimentation de la tarification forfaitaire des services autonomie à domicile (SAD). Conformément à notre amendement et au souhait des départements, cette expérimentation débutera en 2025 et pour deux ans, avant une possible généralisation.
La question de la mobilité n’est pas oubliée, et c’est heureux. Une aide annuelle sera versée par l’État aux départements qui soutiennent les aides à domicile dans l’obtention du permis de conduire, dans leurs déplacements, mais aussi dans des temps collectifs d’échanges entre professionnels, ainsi que l’attendait la profession. Ces 100 millions d’euros amélioreront le quotidien des professionnels – qui le méritent, tant leur présence auprès de nos aînés est essentielle.
Enfin, je n’insisterai pas sur la nouvelle carte pour les intervenants à domicile. Elle était attendue, mais elle revêt un caractère essentiellement symbolique et ne répondra pas aux besoins du secteur, à moins qu’un décret ne vienne effectivement l’assortir d’avantages concrets, notamment en matière de mobilité.
En conclusion, si elle n’est pas la grande loi attendue pour adapter notre société aux immenses défis du vieillissement, cette proposition de loi contient de bonnes idées auxquelles le groupe RDSE apportera sa voix. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE ainsi que sur des travées des groupes RDPI, UC et Les Républicains.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Solanges Nadille, pour le groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
Mme Solanges Nadille. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, alors que nous arrivons à la fin de l’examen du texte sur le bien-vieillir en France, le groupe RDPI se satisfait que nos discussions aient été l’occasion de débats de qualité et qu’elles aient pu redonner à cette proposition de loi une forme plus intelligible en réduisant le nombre de ses articles.
Nous nous réjouissons des diverses avancées obtenues, notamment pour les aides à domicile, avec la carte professionnelle ou encore les aides à la mobilité.
Nous sommes également satisfaits de l’adoption de différents amendements du groupe RDPI, qui ont enrichi le texte, que ce soit sur le service public départemental de l’autonomie ou encore sur la prise en compte des spécificités des territoires ultramarins dans les aides à la mobilité.
Néanmoins, nous regrettons que les rapporteurs n’aient pas entendu nos arguments sur plusieurs sujets, notamment sur le rétablissement des dispositions relatives au pouvoir du juge des tutelles de nommer un tuteur ou un curateur de remplacement pour les personnes âgées, ou encore sur le statut des Ehpad. Nous espérons que la commission mixte paritaire trouvera un accord sur ces questions.
Madame la ministre, nous aurions aussi aimé avoir des chiffres plus précis sur le financement de cette proposition de loi.
Je souhaite également évoquer le sujet de l’outre-mer. Lors de la discussion générale, madame la ministre, vous m’aviez répondu que vous vous engagiez à agir avec ambition pour répondre aux enjeux plus spécifiques du vieillissement en outre-mer. Je vous remercie pour ces paroles, car il est urgent d’agir pour ces territoires où le vieillissement sera particulièrement rapide, et où le parc d’Ehpad est lui-même vieillissant, voire, pour certains établissements, vétuste et même délabré, loin de répondre aux normes en vigueur.
Vous l’aurez compris, sur la question du grand âge, beaucoup reste à faire ; mais cette proposition de loi comporte des avancées utiles pour préparer notre société au vieillissement, touchant à la fois à la coordination nationale des politiques publiques, à une lutte plus efficace contre la maltraitance, ainsi qu’à un meilleur accompagnement des professionnels du secteur. Nous voterons donc sans hésitation ce texte.
Madame la ministre, nous attendons néanmoins que la promesse du Gouvernement de présenter une loi sur le grand âge d’ici à la fin de l’année se concrétise, et nous serons alors des partenaires exigeants sur le sujet. Il nous faudra continuer d’avancer sur plusieurs volets, et d’abord sur la gouvernance, pour arriver à piloter efficacement à l’échelon national des actions d’une politique très départementalisée.
Nous devrons ensuite continuer d’agir sur le financement des politiques publiques sur le grand âge. Il nous faut en effet trouver 10 milliards d’euros par an d’ici à 2030, malgré les financements toujours plus importants que le Gouvernement a consacrés à la branche de la sécurité sociale dédiée à l’autonomie créée en 2020 – en témoigne encore l’affectation de 0,15 point de contribution sociale généralisée (CSG) à son financement, soit 2,4 milliards d’euros supplémentaires par an, pour atteindre 42 milliards d’euros de dépenses en 2026.
Nous devons également redonner de l’attractivité au secteur, qui en manque cruellement depuis des années, et, enfin, rester vigilants sur le contrôle des Ehpad pour que les scandales récents ne se reproduisent plus. À ce titre, je suis heureuse de faire partie de la mission d’information sur le contrôle des Ehpad, qui entamera ses travaux dans quelques semaines.
Vous l’aurez compris, le groupe sénatorial de la majorité présidentielle est volontariste pour avancer sur le sujet du grand âge. Vous pouvez donc compter sur nous pour être à vos côtés, madame la ministre.
Nous devons continuer de montrer à nos aînés ainsi qu’à celles et ceux qui les soutiennent que nous nous occupons d’eux au quotidien et que nous pouvons œuvrer ensemble en faveur de leurs droits.
Comme le disait Montaigne, « la vieillesse n’est pas une maladie, mais le plus grand des mérites ». (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI. – M. Ahmed Laouedj applaudit également.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Corinne Féret, pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
Mme Corinne Féret. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, nous l’avons dit la semaine dernière : certaines dispositions de la proposition de loi portant mesures pour bâtir la société du bien-vieillir en France, prises isolément, vont plutôt dans le bon sens.
Il manque cependant une vision globale, celle qu’aurait dû contenir la grande loi annoncée depuis six ans par le Président Macron, texte que nous attendons toujours.
Ce texte aborde le sujet essentiel du vieillissement et nous questionne sur la capacité de notre société à y faire face. Il est plus qu’urgent de répondre à la peur de celles et de ceux qui vieillissent, qui craignent de se trouver isolés et de ne pas avoir les moyens d’affronter la perte d’autonomie.
Nous sommes face à un défi majeur, auquel notre société doit répondre – et ce n’est évidemment pas cette proposition de loi qui permettra de le faire…
Conscients des légitimes attentes de nos concitoyens, les sénateurs du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain ont formulé de nombreuses propositions constructives, par voie d’amendement, qui n’ont pas trouvé d’écho favorable. Nous le regrettons. Surtout, les débats en séance ont permis de mettre en lumière certains points de vigilance.
C’est le cas de l’article 1er bis F, qui crée une obligation pour les Ehpad publics autonomes de coopérer dans le cadre d’un nouveau type de groupement, à savoir les groupements territoriaux sociaux et médico-sociaux (GTSMS). Si nous sommes tous convaincus de la nécessité que les établissements coopèrent au service des personnes à accompagner, il ne faudrait pas que la création de cette obligation aboutisse à la même situation que celle qui a suivi la mise en place des groupements hospitaliers de territoire (GHT).
Plus largement, c’est une évidence : avant de réfléchir à l’organisation territoriale, aux regroupements possibles et de fixer des obligations s’imposant à tous, il eût été préférable que notre pays se fixe un cap, une stratégie en matière d’autonomie et d’accompagnement des personnes âgées, et que nous évoquions le financement. Se réunir pour échanger, c’est bien, surtout s’il y a un projet réfléchi qui part du territoire ; cependant, sans moyens, nous risquons de ne pas aller très loin.
De même, nous regrettons la suppression de toute une série d’articles comme le 11 bis B, qui prévoyait de déroger au renouvellement par tacite reconduction de l’autorisation d’un ESSMS sur la recommandation de l’évaluation externe ou si le contrôle réalisé par une des autorités compétentes le mentionne dans ses conclusions.
À la suite de la publication du livre Les Fossoyeurs, de Victor Castanet, l’ensemble de la société française et ses responsables politiques ont été scandalisés par l’insuffisance des contrôles des Ehpad, notamment des établissements à statut privé à but lucratif. Or une minorité d’entre eux voient leur autorisation d’ouverture tacitement reconduite depuis des années, malgré les alertes des financeurs – agences régionales de santé et départements – lors des contrôles. Nous voulions que ce ne soit plus possible.
Nous aurions tout autant souhaité rétablir l’article 11 bis D, qui instaurait une mesure de régulation économique garantissant que les bénéfices réalisés par les Ehpad privés lucratifs soient en partie sanctuarisés et fléchés pour participer à l’amélioration de la qualité de l’hébergement des personnes âgées.
Il en est de même de l’article 11 ter, qui permettait d’automatiser le régime des sanctions à l’encontre des établissements qui ne respecteraient pas leurs obligations de qualité de soins et d’accompagnement à la suite des injonctions qui leur seraient adressées par les autorités compétentes.
Nous souhaitions enfin rétablir l’article 12 quinquies, en vue d’obliger les Ehpad privés et leurs gestionnaires à s’inscrire dans le cadre du statut de la société à mission, et ainsi renforcer les exigences de ces structures privées en matière d’engagements d’intérêt général et d’utilité sociale.
Le rétablissement de ces articles a malheureusement été rejeté par la majorité sénatoriale.
Certes, certaines mesures vont plutôt dans le bon sens, comme la création d’un service public départemental de l’autonomie et d’une carte professionnelle pour l’ensemble des intervenants au domicile des personnes âgées ou handicapées, sous condition, quel que soit leur statut.
Nous avançons également sur la prise en charge des frais de mobilité des professionnels, surtout après l’engagement pris de soutenir la branche de l’aide à domicile dans la revalorisation de son barème kilométrique, via la création d’un fonds de soutien à la mobilité des aides à domicile doté de 100 millions d’euros par an.
Toutefois, là encore, cela ne peut pas suffire. Les tensions existantes en matière de ressources humaines dans le secteur médico-social sont autant causées par le bouleversement du rapport au travail touchant l’ensemble de la société que par de lourdes difficultés structurelles : manque de reconnaissance, droit social inadapté, risques professionnels élevés, etc. À ces dernières, le texte n’apporte pas de réelles réponses, alors que plus de 70 % des établissements du secteur rencontrent des difficultés de recrutement.
Les sénateurs du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain ont donc, logiquement, décidé de s’abstenir, bien conscients que tout ce qui avait été promis à la représentation nationale il y a encore quelques semaines ne tient plus. Ainsi, nous nous interrogeons sur le respect de l’engagement relatif au vote d’une loi de programmation pluriannuelle pour le grand âge avant la fin de l’année 2024. Nous aurions aimé vous entendre, madame la ministre, reprendre cet engagement à votre compte de façon claire et ferme.
Que de temps perdu, alors qu’il y a urgence à agir, investir, former, innover ! (Applaudissements sur les travées du groupe SER et sur des travées du groupe CRCE-K.)
Mme la présidente. La parole est à M. Jean Sol, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Jean Sol. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, vieillir n’est pas une maladie, et l’avenir que nous nous souhaitons tous est l’espérance d’une longue vie en bonne santé.
Vouloir « bâtir une société du bien-vieillir » suppose de proposer une prise en charge adaptée qualitativement et financièrement aux besoins des personnes vieillissantes.
Force est de constater que la proposition de loi adoptée par nos collègues députés constitue davantage un catalogue de mesures diverses qu’une véritable réforme des politiques de soutien à l’autonomie.
Nous avons abordé l’examen de ce texte au pas de course avec la volonté de le recentrer sur son contenu utile en faveur des personnes âgées ou en situation de handicap. Pour ce faire, nous avons supprimé une trentaine d’articles et mis en évidence des mesures structurantes.
Permettez-moi de revenir sur les points qui nous semblent importants.
En matière de gouvernance et de pilotage, nous avons supprimé la nouvelle conférence nationale de l’autonomie, considérée comme redondante. En revanche, nous avons approuvé la création du service public départemental de l’autonomie. Certes, le SPDA ne va pas bouleverser la gouvernance territoriale des politiques de l’autonomie, mais le texte permet de rendre ce dispositif souple et facilement adaptable aux spécificités de chaque territoire. En outre, le maintien à domicile est inscrit comme l’un des objectifs du SPDA, au même titre que le suivi dans la durée des personnes en situation de dépendance.
En matière de prévention de la perte d’autonomie, la généralisation du programme Icope constitue une avancée.
Nous avons clarifié son articulation avec les rendez-vous de prévention pour les 60-65 ans, créés par la loi de financement de la sécurité sociale pour 2023 et étendus aux 70-75 ans par la LFSS 2024, en précisant que les consultations contribueront au programme Icope, occasion de repérer des fragilités.
Le texte que nous allons voter prévoit également des dispositions sur le droit de visite en établissement. Les dispositions de la proposition de loi tendant à créer un droit de visite pour les malades, les personnes âgées et handicapées qui séjournent en établissements du président Bruno Retailleau, adoptée par notre assemblée, sont ainsi reprises afin d’offrir une meilleure garantie au résident ou au patient de recevoir ses proches, même en période de crise sanitaire.
Par ailleurs, conscients de l’importance des animaux de compagnie dans le quotidien des personnes en perte d’autonomie, et au déchirement que peut représenter l’admission dans un Ehpad, nous avons fait en sorte de concilier l’accueil des animaux domestiques des résidents avec les contraintes propres aux établissements.
S’agissant du signalement des cas de maltraitance, nous avons prévu la création d’une cellule sous l’autorité conjointe du conseil départemental et de l’agence régionale de santé. Cette cellule inclura également les centres Allo Maltraitance (Alma), déjà dotés d’un savoir-faire dans le recueil et l’évaluation des situations de maltraitance, notamment au moyen du numéro 3977.
Le soutien au virage domiciliaire passe par l’amélioration de l’attractivité du métier d’aide à domicile. Nous regrettons la faible portée des mesures. Nous avons décidé de soutenir la mobilité des personnels du secteur en rendant éligibles aux aides de la CNSA les actions des départements en faveur du financement du permis de conduire.
Malgré les améliorations adoptées par notre assemblée, cette proposition de loi ne répond que très partiellement aux enjeux du vieillissement de la population.
Les réponses sont en effet encore trop timides, notamment en matière de prévention de la perte d’autonomie de la personne âgée, de la personne handicapée et des proches aidants.
Il en est de même pour la question du virage domiciliaire, pourtant appelé de leurs vœux par 90 % de nos concitoyens.
Enfin, l’accompagnement de celles et ceux qui sont déjà en situation de dépendance nécessite plus d’attention.
Permettez-moi de mettre en perspective ces principaux chantiers qui devront trouver appui sur la loi de programmation.
La prévention de la perte d’autonomie est un volet central. Il est primordial de généraliser au plus tôt la mise en place de l’Icope pour repérer les facteurs de risque et prévoir un plan d’action personnalisé avec les professionnels de santé.
Dès lors, la personne âgée serait inscrite dans un continuum, dans un parcours tracé qui partirait de la prise en charge à domicile pour aller vers la résidence autonomie, le béguinage, l’habitat inclusif partagé, puis vers l’Ehpad – avec un nouveau concept à envisager –, et, enfin, vers les unités de soins de longue durée (USLD). Il s’agirait ainsi de préparer cette transition en gardant un cap.
Certes, les moyens sont nécessaires et attendus par tous ; mais pour mettre en œuvre ces propositions, il nous faut des professionnels formés, compétents, reconnus, rémunérés et un taux d’encadrement adéquat. L’attractivité des métiers y contribuera fortement.
Concernant les aides à domicile, formation, statut, rémunération et mobilité sont les mots clés pour permettre l’amélioration de la prise en charge domiciliaire. Sans cela, nous n’y arriverons pas.
S’agissant des soignants, il faut créer une spécialité infirmière en gérontologie et gérontopsychiatrie ou former des infirmières en pratique avancée (IPA) à la spécialité « grand âge », comme le préconisent les professeurs Claude Jeandel et Olivier Guérin dans leur rapport de mission sur les USLD et les Ehpad.
Il est également nécessaire de renforcer la formation. Les 50 000 postes que vous voulez créer dans les Ehpad et les services d’aide et d’accompagnement à domicile ne verront pas le jour en quelques mois seulement.
Il faut peut-être aussi penser à valoriser le métier d’aide-soignant à domicile.
Enfin, la qualité de prise en charge de la personne âgée et de la personne handicapée et la reconnaissance des proches aidants ne pourront s’améliorer qu’avec le concours de tous les professionnels – c’est-à-dire les soignants et les travailleurs sociaux –, des usagers et de leur famille, et, bien sûr, des collectivités locales et des élus.
Sur toutes les travées de notre assemblée, nous sommes convaincus que l’autonomie et le grand âge sont des enjeux centraux pour l’avenir de notre société. Nous attendons donc avec impatience, depuis six ans maintenant, une loi pour répondre aux différents défis du vieillissement.
Pour conclure, le groupe Les Républicains votera ce texte dans sa version modifiée par le Sénat. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC ainsi que sur des travées du groupe RDSE.)
Mme la présidente. La parole est à M. Joshua Hochart, pour la réunion administrative des sénateurs n’appartenant à aucun groupe.
M. Joshua Hochart. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, le bien-vieillir est un thème central et majeur pour l’avenir de notre nation. En effet, écouter, soutenir et accompagner nos aînés est un enjeu moral et civilisationnel. Ceux-ci sont le maillon fort de notre société, à la richesse de laquelle ils ont souvent contribué. Porteurs des valeurs que nous défendons, comme la famille et le travail, ils méritent une reconnaissance nationale par un accompagnement digne et humain tout au long de ce chapitre concluant leur parcours de vie.
Pour nous, une telle loi devrait s’articuler autour de plusieurs axes centraux.
Il convient notamment de valoriser les métiers du soin et les intervenants à domicile, en assurant aux professionnels une formation adaptée et la perspective d’une réelle évolution professionnelle.
Il en est de même du rôle des proches aidants, réelles sentinelles du quotidien et acteurs majeurs du parcours de soins de nos aînés. Accordons-leur un revenu et un accompagnement personnalisé véritables, car aider son proche peut amener trop souvent à l’épuisement moral, psychique et physique.
Nous devons par ailleurs garantir le consentement libre et éclairé de nos aînés, pour qu’ils puissent vivre.
La société du bien-vieillir que nous voulons sera fondée sur l’accompagnement à domicile avec des aménagements financés pour que le logement soit adapté aux besoins de nos aînés. Il faudra développer et améliorer la mise en réseau de tous les acteurs de ce processus.
Nous devons aussi penser l’Ehpad de demain et écouter les demandes du secteur, mais aussi des familles et des personnes âgées elles-mêmes. Chacun souhaite en effet rester à domicile dans les meilleures conditions possible.
Cette proposition de loi ne répond que très peu à cette demande. Elle n’a probablement été rédigée par ses auteurs que pour se donner bonne conscience après avoir conduit une réforme des retraites injuste et inefficace, qui a volé deux ans de vie à nos aînés et précarisé davantage nombre d’entre eux ; au mieux, ceux-ci se retrouveront au chômage, et dans le pire des cas, au revenu minimum. Rappelons-le ici, c’est une réforme misogyne qui va surtout toucher les femmes aux carrières hachées.
Que dire sur la vision du Gouvernement de l’Ehpad de demain ? En effet, l’Ehpad doit changer et être repensé pour mieux individualiser l’accompagnement et la volonté de chaque résident, à l’heure où beaucoup d’établissements sont obligés de standardiser les parcours de soins, faute de moyens, de personnel, mais aussi d’ambition politique, madame la ministre.
Le Gouvernement, comme à son habitude, propose des mesurettes, pour donner l’impression de s’attaquer aux sujets importants, suivant l’amateurisme macronien perpétuel. Les commissions des lois et des affaires sociales du Sénat, dans leur sagesse, ont déjà supprimé les articles inefficaces ou inapplicables.
Nous sommes dans l’attente d’une grande loi d’orientation sur le grand âge, dotée de véritables moyens. Nous voterons pour cette proposition de loi, mais elle reste bien timide pour mettre en place un réel accompagnement pour nos aînés durant le crépuscule de leur existence. (MM. Aymeric Durox et Alain Duffourg applaudissent.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Corinne Bourcier, pour le groupe Les Indépendants - République et Territoires. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP.)
Mme Corinne Bourcier. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, il est un chiffre que l’on entend très souvent, et que mon collègue Daniel Chasseing a d’ailleurs rappelé lors de son intervention au cours de la discussion générale (Ah ! sur les travées du groupe INDEP.) : le nombre de personnes de plus de 85 ans va doubler entre 2020 et 2040.
D’ici à 2050, on comptera même, selon les estimations, plus de 4,8 millions de personnes âgées de plus de 85 ans. Le nombre de personnes dépendantes approchera quant à lui les 2 millions d’ici à 2040.
Il est un chiffre que l’on cite moins, et qui est peut-être, pourtant, au moins aussi parlant : on compte trente fois plus de centenaires aujourd’hui dans notre pays que dans les années 1970.
Il n’y a donc pas besoin d’être fin analyste pour comprendre à quel point notre pays vieillit, et que le vieillissement n’est pas le défi de demain, mais, d’ores et déjà, celui d’aujourd’hui.
C’est donc d’un projet de loi d’ampleur, à la hauteur des enjeux et avec les moyens corrélatifs, que les Français ont besoin. Nous, parlementaires, l’attendons.
Adaptation des logements, des établissements médico-sociaux et de l’urbanisme, aide à la mobilité, formation du personnel soignant, prise en compte des disparités importantes selon les territoires – je pense notamment aux outre-mer - : les enjeux d’adaptation au vieillissement sont nombreux.
La proposition de loi que nous devons voter aujourd’hui est-elle ce texte tant attendu ? Malheureusement, non. Elle dresse les contours de quelques améliorations nécessaires, mais sans aller assez loin. Surtout, elle ne donne aucune perspective financière.
Le titre de cette proposition de loi a d’ailleurs été revu en commission, pour l’adapter très justement à un contenu bien moins ambitieux que ce qu’elle affichait initialement. Arrivé au Sénat avec soixante-cinq articles, le texte pouvait laisser espérer des avancées majeures. En réalité, il contenait beaucoup d’articles inutiles, symboliques, de portée réglementaire ou même déjà satisfaits par le droit en vigueur. Le travail effectué en commission a permis de ramener cette proposition de loi au rang d’un texte législatif.
Cela dit, on comprend bien que la longueur et le contenu du texte transmis au Sénat n’étaient que le reflet de l’émotion suscitée par le scandale qui a éclaté au sein des Ehpad en 2022, faisant lui-même suite au traumatisme encore récent des restrictions lors de la crise sanitaire.
Cette angoisse légitime a été suscitée par les récits les plus durs que l’on puisse imaginer. Ceux-ci nous renvoient inévitablement à la peur de la dépendance, celle de nos proches, celle de nos parents – et, sans doute, à la nôtre –, mais aussi aux abus dont certains font preuve face à cette situation.
Néanmoins, nous avons rappelé, avec le travail effectué dans notre Chambre haute, que le rôle du Parlement n’est pas de légiférer sous le coup de l’émotion, mais de garder la tête froide pour prendre des décisions raisonnées et raisonnables.
Comment ne pas saisir cette occasion pour saluer et remercier tous ceux qui travaillent auprès des personnes âgées, à domicile ou en établissement ? Deux ans après avoir été applaudies au début de la crise sanitaire, ces personnes ont été salies par un scandale avec lequel beaucoup d’entre elles n’avaient rien à voir. Je souhaite donc remercier tous ces professionnels qui, chaque jour, parfois au prix de leur propre santé, font la différence auprès de nos aînés en leur apportant gentillesse et bienveillance. J’ai une pensée toute particulière pour les salariés et bénévoles du Village Santé Saint-Joseph, dans les Mauges.
Ce texte, s’il ne propose pas de bouleversements majeurs, offre néanmoins quelques avancées.
La création d’un service public départemental de l’autonomie est une mesure de bon sens qui permettra un pilotage cohérent de la prise en charge de la perte d’autonomie à l’échelle du département. Il permettra d’orienter les personnes âgées, les personnes en situation de handicap et leurs proches, en s’assurant du bon suivi des dossiers par les services compétents. Nous formons le vœu qu’il contribue ainsi, par une meilleure coordination des acteurs, à faciliter ce qui peut parfois ressembler à un parcours du combattant pour les usagers.
J’aurais préféré, pour ma part, que l’instauration d’une conférence nationale de l’autonomie soit maintenue, car celle-ci aurait placé ce thème au centre des préoccupations de plusieurs ministères, garantissant ainsi sa prise en compte.
Dès l’année prochaine, les départements volontaires auront la possibilité d’expérimenter le financement des services autonomie à domicile par des dotations forfaitaires, au lieu de facturations à l’heure.
Je ne sais pas si cette nouvelle méthode de financement suffira à les sortir des difficultés financières qu’ils rencontrent, mais il s’agit d’une nouvelle possibilité qu’il convient d’essayer. Or, si nous voulons réussir le virage domiciliaire, nous devons soutenir par tous les moyens les services d’aide à domicile. À ce titre, nous nous réjouissons de l’adoption d’un amendement rendant facultative la fusion entre les services de soins infirmiers à domicile (Ssiad) et les services d’aide et d’accompagnement à domicile (Saad), son caractère obligatoire ayant posé beaucoup de problèmes aux acteurs concernés.
Je me félicite que la carte professionnelle instaurée par le texte soit ouverte à tous les professionnels intervenant à domicile, grâce à l’adoption d’un amendement que j’ai déposé. Cette carte reste néanmoins symbolique : la meilleure reconnaissance de ces professions passe avant tout par une revalorisation de leurs rémunérations. Sur ce point, l’aide financière accordée aux départements pour aider à la mobilité des intervenants à domicile va dans le bon sens, et nous nous félicitons que le permis de conduire y ait été intégré.
Nous saluons aussi l’adoption d’un amendement de notre collègue Pierre Jean Rochette, qui a permis la suppression d’un article ajoutant des contraintes administratives aux Ehpad, sans rendre plus efficace la lutte contre la maltraitance.
Vous l’avez compris, notre groupe votera en faveur de ce texte ; pour autant, madame la ministre, nous attendons de pied ferme un projet de loi pour le grand âge contenant une projection précise pour les années à venir et apportant des moyens chiffrés. Le vieillissement de la population est déjà à l’œuvre, les besoins sont non plus imminents, mais urgents. (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe INDEP. - Mme Anne-Sophie Romagny applaudit également.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Jocelyne Guidez, pour le groupe Union Centriste. (Applaudissements sur les travées du groupe UC. – M. le président de la commission des affaires sociales applaudit également.)
Mme Jocelyne Guidez. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, pour reprendre les mots justes du sociologue Michel Billé : « Être vieux n’est en soi ni un défaut, ni une maladie, ni un délit… Demain, je serai un peu plus vieux, et j’aurai peut-être besoin d’être “soutenu” à domicile et non “maintenu” à domicile ! J’aurai besoin d’être “pris en considération”, non pas “pris en charge” – je ne suis pas une charge ! J’aurai besoin que l’on “veille” sur moi, pas que l’on me “surveille”. » Détrompez-vous, je ne parle pas de moi ! (Sourires.)
Je tiens à remercier l’équipe du Sénat ainsi que celle du cabinet ministériel, qui ont su travailler en bonne intelligence sur des sujets parfois sensibles et dans un contexte de remaniement ministériel assez singulier. Je remercie aussi mon collègue Jean Sol, avec qui j’ai eu l’honneur de travailler. Cela nous a permis d’avancer sur le texte de Mme Aurore Bergé, initialement intitulé « proposition de loi portant mesures pour bâtir la société du bien-vieillir ». Il s’agit d’une préoccupation majeure des Français.
Ce texte, initialement composé de quatorze articles, en comptait soixante-cinq à l’issue de son examen par l’Assemblée nationale. Notre objectif a été de le recentrer sur les dispositifs véritablement utiles pour répondre aux enjeux liés au vieillissement de la population et à l’accompagnement des personnes en situation de handicap. C’est pourquoi nous avons supprimé plusieurs articles dont les dispositions étaient déjà satisfaites ou relevaient du pouvoir réglementaire.
Revenons sur les enjeux auxquels je m’intéresse particulièrement : renforcer le droit au respect de la vie privée et familiale, améliorer la lutte contre la maltraitance et garantir des conditions d’hébergement et d’habitat ainsi que des prestations de qualité dans l’aide à domicile grâce à des professionnels accompagnés et soutenus dans leurs pratiques.
Je salue la reconnaissance d’un droit de visite dans les Ehpad, les ESSMS ou encore les établissements de santé. La commission a ainsi introduit dans le texte les dispositions de la proposition de loi du président Bruno Retailleau tendant à créer un droit de visite pour les malades, les personnes âgées et handicapées qui séjournent en établissements.
Nous avons par ailleurs supprimé l’article 3 bis A, lequel consacrait, dans un dispositif inopérant, le droit à une vie affective et sexuelle pour les usagers des établissements médico-sociaux. Celui-ci est déjà garanti par le droit en vigueur et cet article ne nous semble pas adapté au respect de l’intimité des résidents ; il ne répond pas, en outre, aux difficultés pouvant être rencontrées en structure médico-sociale : séparation d’avec le conjoint, assurance du consentement en présence de troubles psychiques de la personne, etc. Je suis néanmoins satisfaite que son examen mette en lumière ce sujet encore largement tabou.
L’article 4 prévoit la création d’une cellule départementale de recueil et de suivi des signalements de maltraitance envers les personnes majeures vulnérables du fait de leur âge ou de leur handicap. Placées sous l’autorité conjointe du président du conseil départemental et de l’ARS, ces cellules visent à centraliser les signalements adressés au numéro d’alerte national 3977, créé en 2008. Cette mesure permettra un traitement mieux coordonné des signalements de maltraitance.
Nous avons également prévu que les personnes étant à l’origine du signalement soient informées des suites qui lui sont données, ce qui n’est pas systématique à l’heure actuelle. En revanche, nous ne sommes pas favorables à imposer à tous les Ehpad la création d’un comité d’éthique, puisque cela introduirait une organisation trop lourde et, dans certains cas, disproportionnée.
Pour accueillir les personnes en toute sécurité au sein des structures médico-sociales, le contrôle des antécédents judiciaires des intervenants, bénévoles et professionnels, a été renforcé une première fois par la loi du 7 février 2022 relative à la protection des enfants. Je me réjouis que le Sénat ait adopté, à l’article 5 bis A, de nouvelles dispositions sécurisant le criblage de ces antécédents. Il sera ainsi possible de suspendre temporairement une personne condamnée non définitivement ou mise en examen.
Le Gouvernement a souhaité faire évoluer ce dispositif par le dépôt tardif d’un amendement dont les motivations étaient peu étayées. Celui-ci tendait à imposer la présentation, sous un mois, d’une attestation d’honorabilité, la personne concernée devant elle-même entreprendre les démarches à cette fin, sous peine de suspension automatique de ses activités. Toutefois, la procédure entourant la suspension temporaire des personnes condamnées non définitivement ou mises en examen n’était pas encadrée. Compte tenu des enjeux d’une telle mesure, il était plus sage de ne pas adopter dans la précipitation un tel dispositif et de travailler, dans la suite de la navette, à une rédaction mieux adaptée.
En ce qui concerne le secteur du domicile, j’approuve la création d’une carte professionnelle pour les intervenants à domicile, une mesure cependant essentiellement symbolique. La majorité de ces professionnels ne disposant d’aucun titre ou diplôme, la commission a prévu, à juste titre, d’en ouvrir le bénéfice aux personnes justifiant obligatoirement de deux années d’exercice professionnel. Les facilités offertes par cette carte devront toutefois être précisées par un décret.
Je suis heureuse de l’adoption de mon amendement visant à aider les professionnels intervenant à domicile à obtenir le permis de conduire, une disposition indispensable pour les habitants des communes rurales, dans lesquelles les contraintes de mobilité constituent un véritable obstacle au recrutement.
Le regroupement des catégories existantes de services à domicile en une unique catégorie dénommée SAD, que nous avons voté dans la loi de financement de la sécurité sociale pour 2022, implique une transformation qui se révèle difficile en pratique pour les services, notamment pour les Ssiad. Ces derniers disposant d’un délai de deux ans pour fusionner ou se regrouper avec un SAD existant, ils craignent de disparaître s’ils ne parviennent pas à obtenir à temps une autorisation. L’article 8 bis vise à répondre à ces inquiétudes en permettant aux Ssiad de conventionner avec un SAD pendant une durée de trois ans, sans demander de nouvelle autorisation. Il prévoit en outre un délai supplémentaire pour les Ssiad recevant un refus d’autorisation, que nous avons proposé d’étendre à deux ans.
Mes chers collègues, vous avez relayé les doutes de vos territoires à l’égard de ce processus en votant en faveur d’un assouplissement du cadre des services autonomie à domicile. Je partage votre préoccupation. Pour autant, il ne semble pas opportun de remettre en cause cette réforme, déjà bien engagée. Nous veillerons, dans la suite de la navette, à garantir un meilleur accompagnement des Ssiad dans la gestion de cette période transitoire.
L’article 13 bis A tend à garantir la qualification des locaux dans lesquels sont constitués les habitats inclusifs en bâtiment d’habitation pour l’application de la réglementation en matière de sécurité contre les risques d’incendie. Cela permettra de leur épargner les contraintes liées au risque de requalification en établissement recevant du public, qui pourrait menacer le financement de l’habitat inclusif - et, par conséquent, son avenir.
Dans le but de soutenir le développement de ce type d’habitat, je suis favorable au renforcement de la sécurité juridique ; pour autant, ce sujet me semble mériter une réflexion plus approfondie dans les années à venir.
Pour terminer, nous attendons impatiemment le projet de loi de programmation pluriannuelle pour le grand âge et nous veillerons à ce que celui-ci soit à la hauteur des attentes de l’ensemble des acteurs du soutien à l’autonomie. Ce texte ne devra pas faire l’impasse sur la gouvernance non plus que, surtout, sur la répartition des moyens financiers. Il est indispensable de préciser qui va payer quoi, afin d’assurer une coordination sereine entre les différentes instances : ARS, départements et CNSA.
En attendant de mener ces réflexions urgentes, le groupe Union Centriste votera ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe UC et sur des travées du RDSE.)
Mme la présidente. Mes chers collègues, il va être procédé, dans les conditions prévues par l’article 56 du règlement, au scrutin public solennel sur l’ensemble de la proposition de loi portant diverses mesures relatives au grand âge et à l’autonomie.
Le scrutin sera ouvert dans quelques instants.
Je vous invite à insérer votre carte de vote dans le terminal et à l’y laisser jusqu’au vote.
Si vous disposez d’une délégation de vote, le nom du sénateur pour lequel vous devez voter s’affiche automatiquement sur le terminal en dessous de votre nom. Vous pouvez alors voter pour vous et pour le délégant en sélectionnant le nom correspondant, puis en choisissant une position de vote.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
Mme la présidente. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à constater le résultat du scrutin.
(Mmes et MM. les secrétaires constatent le résultat du scrutin.)
Mme la présidente. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 115 :
Nombre de votants | 332 |
Nombre de suffrages exprimés | 250 |
Pour l’adoption | 233 |
Contre | 17 |
Le Sénat a adopté.
La parole est à Mme la ministre. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI. - Mme Nathalie Delattre applaudit également.)
Mme Catherine Vautrin, ministre du travail, de la santé et des solidarités. Madame la présidente, mesdames, messieurs les sénateurs, mes premières paroles seront pour M. le président de la commission, ainsi que pour Mme Jocelyne Guidez et M. Jean Sol, les rapporteurs de ce texte. Je les remercie de leur engagement.
Le travail du Sénat permet d’aboutir à l’adoption de ce texte dont on peut relever quelques éléments : la généralisation progressive du service public départemental de l’autonomie, l’introduction de mesures visant à lutter contre l’isolement social, l’expérimentation du dispositif Icope qui concerne le repérage précoce des fragilités liées à l’âge, la protection renforcée contre la maltraitance des personnes vulnérables et l’expérimentation d’une nouvelle tarification forfaitaire au sein des services d’aide à domicile.
J’ai pris note de votre volonté d’aller plus loin en matière de prévention, en particulier par le sport. Je salue, enfin, l’amendement appelant à prendre en compte les difficultés liées à la continuité territoriale dans nos territoires insulaires et ultramarins.
Arrivée il y a à peine quatre semaines au Gouvernement, je mesure l’enjeu démographique auquel notre pays est confronté – c’est bien là notre sujet. Il s’agit là d’un défi à la fois sociétal et structurel. Devant cette assemblée, je réaffirme la nécessité impérieuse de déterminer conjointement une stratégie, une gouvernance et des modalités de financement adaptées pour le relever. Nous le devons à celles et à ceux qui nous ont permis d’être ce que nous sommes ; nous le devons également à tous les professionnels qui, chaque jour, prennent soin de nos aînés. (Applaudissements sur les travées des groupes RDPI et INDEP ainsi que sur des travées du groupe UC.)
Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission.
M. Philippe Mouiller, président de la commission des affaires sociales. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, je tiens à exprimer brièvement mes remerciements à nos deux rapporteurs, Jocelyne Guidez et Jean Sol, pour leur mobilisation et la qualité de leurs travaux dans un contexte difficile. J’inclus dans ces remerciements les services du Sénat.
Je tiens aussi à vous rendre hommage, madame la ministre, pour la qualité des échanges que nous avons eus. C’est un bon démarrage ; puissions-nous poursuivre dans cette voie ! (Mme Françoise Gatel s’en amuse.)
L’article 2 bis B, dont vous avez accepté l’introduction dans le texte, engage en quelque sorte le Gouvernement, qui devra revenir devant le Parlement avant le 31 décembre 2024 avec un texte de programmation ou d’orientation, selon ce que le Conseil d’État décidera.
Il s’agira à tout le moins de définir une vision pour notre pays concernant le vieillissement de la population, laquelle devra inclure les orientations à suivre, les partenariats à établir et les ressources financières à allouer. Cet article vous oblige, madame la ministre. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC ainsi que sur des travées des groupes INDEP et RDPI.)
Mme la présidente. Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à quinze heures trente, est reprise à quinze heures trente-cinq.)
Mme la présidente. La séance est reprise.
6
Mise au point au sujet d’un vote
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Jacques Panunzi.
M. Jean-Jacques Panunzi. Lors du scrutin n° 43, sur l’ensemble du projet de loi pour contrôler l’immigration, améliorer l’intégration, je souhaitais voter pour.
Mme la présidente. Acte vous est donné de cette mise au point, mon cher collègue. Elle figurera dans l’analyse politique du scrutin concerné.
7
Violences intrafamiliales
Adoption en deuxième lecture d’une proposition de loi dans le texte de la commission modifié
Mme la présidente. L’ordre du jour appelle la discussion, en deuxième lecture, de la proposition de loi, modifiée par l’Assemblée nationale, visant à mieux protéger et accompagner les enfants victimes et covictimes de violences intrafamiliales (proposition n° 98, texte de la commission n° 298, rapport n° 297).
Dans la discussion générale, la parole est à M. le garde des sceaux, ministre de la justice. (Ah ! sur les travées du groupe Les Républicains. – Applaudissements sur les travées du groupe RDPI et sur des travées du groupe UC.)
M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice. Je ne saurai jamais d’où viennent ces « Ah ! », non plus s’il s’agit de marques d’encouragement ou de désapprobation… (Sourires.)
MM. Philippe Bas, Laurent Somon et Francis Szpiner. D’encouragement, bien sûr ! (Mêmes mouvements.)
M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. Madame la présidente, monsieur le président de la commission des lois, madame la rapporteure, mesdames, messieurs les sénateurs, l’enfance a été placée par le Président de la République au nombre de nos priorités et la protection des droits de l’enfant est au cœur de la feuille de route du Gouvernement, qui en a fait un engagement prioritaire.
C’est la raison pour laquelle je me réjouis que la proposition de loi visant à mieux protéger les enfants victimes de violences intrafamiliales soit discutée en deuxième lecture aujourd’hui par la Haute Assemblée.
Au fil des lectures, le texte arrive peu à peu à maturité. Les points sur lesquels les deux assemblées se rejoignent apparaissent aujourd’hui clairement, ainsi que ceux sur lesquels un consensus s’est naturellement dégagé, ces derniers étant très majoritaires.
En réalité, le seul article faisant encore l’objet de débats est l’article 1er, lequel modifie l’article 378-2 du code civil afin d’étendre le mécanisme de suspension de l’exercice de l’autorité parentale et des droits de visite et d’hébergement du parent poursuivi ou condamné.
La rédaction votée par la commission des lois du Sénat s’inscrit dans la continuité des travaux de la Commission indépendante sur l’inceste et les violences sexuelles faites aux enfants (Ciivise), qui a rendu son rapport final en novembre dernier ; elle limite cette extension au cas de la poursuite ou de la condamnation d’un parent pour crime commis sur la personne de l’autre parent ou pour agression sexuelle incestueuse ou crime commis sur la personne de l’enfant.
Cette rédaction ne manque pas d’intérêt et je veux ici saluer chaleureusement le travail de la rapporteure, Mme Marie Mercier.
Tout d’abord, il aurait été impensable d’introduire une hiérarchie entre les crimes dont un enfant peut être victime et de prévoir la suspension de l’exercice de l’autorité parentale et des droits de visite pour certains d’entre ceux-ci et non pour d’autres. Nous pouvons nous féliciter que la nécessité de viser tous les crimes commis sur l’enfant ait été entendue lors des débats parlementaires et de nouveau par la commission des lois du Sénat.
Inversement, il me semble qu’il aurait été tout aussi inopportun de viser n’importe quel délit. La suspension automatique de l’exercice de l’autorité parentale dès le stade des poursuites, et alors que le parent est présumé innocent, doit être réservée aux infractions les plus graves. Il y va de la constitutionnalité et de la conventionnalité du dispositif. Il est donc cohérent de limiter celui-ci aux agressions sexuelles incestueuses.
À cet égard, il me semble tout à fait utile, dès lors que la simple décision de poursuivre permet de déclencher ce mécanisme, de préciser que les actes de poursuite émanent du procureur de la République ou du juge d’instruction. Une telle règle procédurale permet de prévenir les constitutions de partie civile ou les citations directes abusives par l’autre parent.
Ces éléments, fondamentaux pour l’équilibre du dispositif, font d’ailleurs consensus entre les deux assemblées, ce dont je me réjouis.
En revanche, la rédaction votée par votre commission a maintenu le caractère provisoire du mécanisme de suspension automatique de l’exercice de l’autorité parentale. Elle prévoit que cette suspension opère jusqu’à la décision du juge aux affaires familiales (JAF) et pour une durée maximale de six mois.
Il y a là un premier point de débat entre les deux chambres, l’Assemblée nationale ayant souhaité que la suspension se poursuive non pas pour une durée maximale de six mois, mais jusqu’à la décision du juge aux affaires familiales, le cas échéant saisi par la personne poursuivie, jusqu’à la décision de non-lieu du juge d’instruction, ou encore jusqu’à la décision ou l’arrêt pénal.
Ces deux approches traduisent la recherche d’équilibre entre les droits du parent et la protection des enfants. Des amendements posent ce débat, avec des rédactions préservant, à mon sens, la protection maximale de l’enfant, dans la mesure où nous entendons laisser aux parents la possibilité de saisir le juge aux affaires familiales.
Par ailleurs, votre commission a supprimé l’alinéa 2 de l’article 1er, lequel vise à créer un dispositif de suspension automatique de l’exercice de l’autorité parentale et des droits de visite et d’hébergement du parent condamné pour violence conjugale ayant entraîné une incapacité totale de travail (ITT) de plus de huit jours, lorsque les faits se sont déroulés en présence de l’enfant. Ce dispositif étant réservé aux faits les plus graves commis en présence de l’enfant, nous avions atteint, à mon sens, un équilibre proportionné pour conserver un maximum de garanties aux bénéfices de ce dernier.
Telles sont finalement les deux seules dispositions qui ne recueillent pas, à cette heure, l’accord de vos deux assemblées et qui seront évidemment au cœur de nos débats cet après-midi.
L’article 2 fait désormais consensus, dans une rédaction qui constitue, à n’en pas douter, une avancée indéniable en matière de protection des enfants, puisque le juge pénal aura l’obligation – et non plus la simple faculté, comme cela est actuellement le cas – de retirer l’autorité parentale ou son exercice, en cas de condamnation du parent pour les infractions les plus graves commises sur son enfant ou sur l’autre parent.
L’article 2 ter, qui semble lui aussi faire consensus, puisque votre commission ne l’a pas modifié, prévoit que le parent privé de l’exercice de l’autorité parentale et de ses droits de visite et d’hébergement à la suite d’une condamnation pénale ne pourra pas saisir le juge aux affaires familiales afin de se voir restituer cet exercice et ses droits de visite et d’hébergement avant l’expiration d’un délai de six mois. Cet article est conforme à l’esprit de cette proposition de loi : renforcer la protection de l’enfant.
Enfin, l’article 3, qui fait lui aussi consensus, a pour objectif simple de simplifier le code pénal, par l’introduction d’un article unique regroupant toutes les dispositions applicables en matière de retrait de l’autorité parentale d’un contenu identique aux dispositions figurant dans le code civil.
Tel est donc le texte qui vous est présenté aujourd’hui, mesdames, messieurs les sénateurs. Au-delà des quelques divergences qui demeurent entre les deux chambres, ce texte - n’en doutons pas - est très attendu par nos concitoyens, parce qu’il renforce la protection des plus vulnérables d’entre nous, parce qu’il est de notre devoir de protéger l’enfant victime de son parent agresseur, et, enfin, parce que le foyer doit toujours rester un lieu où l’enfant peut grandir en paix et en sécurité. (Applaudissements sur les travées des groupes RDPI et INDEP ainsi que sur des travées du groupe UC. – Mme le rapporteur et M. Francis Szpiner applaudissent également.)
Mme la présidente. La parole est à Mme le rapporteur. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC. – Mme Laure Darcos applaudit également.)
Mme Marie Mercier, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale. Madame la présidente, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, dans un esprit de compromis, la navette a déjà permis l’adoption conforme de quatre articles de la présente proposition de loi.
La commission des lois vous propose d’en adopter quatre supplémentaires afin de concentrer les débats sur l’article 1er, qui pose l’importante question de l’intervention du juge pour apprécier l’intérêt de l’enfant.
L’article 2 de la proposition de loi tend à modifier l’article 378 du code civil pour rendre plus automatique, mais sans l’imposer au juge – ce qui est important –, le retrait de l’autorité parentale ou de l’exercice de l’autorité parentale en cas de condamnation pour crime ou agression sexuelle incestueuse sur l’enfant ou pour crime sur l’autre parent.
Les députés ont conservé la réécriture que nous avions adoptée. Afin de rendre la disposition plus intelligible, celle-ci distingue trois types de situation. Les députés ont toutefois durci l’incitation faite aux juridictions pénales d’ordonner le retrait total de l’autorité parentale.
La commission a accepté cette formulation, dans la mesure où les juridictions conserveraient malgré tout le choix de moduler leurs décisions en fonction de l’intérêt de l’enfant, apprécié in concreto, à charge pour elles de le motiver spécialement.
Pour ce qui concerne l’article 3, les députés ont repris notre idée de rassembler en un seul article du code pénal l’ensemble des dispositions relatives au retrait de l’autorité parentale par les juridictions pénales, ce qui devrait en faciliter l’application. Ils ont choisi d’en faire une disposition miroir de l’article 378 du code civil sans procéder par renvoi, ce qui ne semble pas nuire à l’intelligibilité et à l’effectivité recherchées.
L’article 2 ter institue une période de stabilité minimale de six mois à l’enfant après une décision de retrait de l’exercice de l’autorité parentale et des droits de visite et d’hébergement. Nous sommes attachés à cette idée de répit, mes chers collègues, car le temps de l’enfant n’est pas le temps de l’adulte, or c’est bien l’enfant qui est au cœur du présent texte.
Dans ce même esprit de concorde, nous avons renoncé à supprimer l’article 4, bien qu’il prévoie la remise d’un rapport, ainsi qu’à modifier l’intitulé de la proposition de loi.
J’en viens à présent à l’article 1er de la proposition de loi, que les députés ont adopté dans les mêmes termes que leur texte de première lecture.
Cet article modifie l’article 378-2 du code civil pour élargir les cas de suspension de plein droit de l’exercice de l’autorité parentale et les droits de visite et d’hébergement aux cas de crime ou d’agression sexuelle incestueuse commis sur l’enfant, tout en modifiant le régime. C’est sur ce dernier point que nous avons un désaccord.
Il est en effet proposé que, en cas de poursuites, de mise en examen ou de condamnation pour un crime commis sur l’autre parent ou de crime ou agression sexuelle incestueuse commis sur l’enfant, l’exercice de l’autorité parentale et les droits de visite et d’hébergement soient suspendus automatiquement, donc sans limite de temps, jusqu’à la décision du JAF ou jusqu’à la décision de la juridiction pénale.
Le JAF ne serait plus saisi systématiquement par le procureur de la République dans les huit jours, mais pourrait éventuellement l’être par le parent poursuivi.
Les députés ont également prévu un régime spécifique en cas de condamnation pour des violences volontaires sur l’autre parent ayant entraîné une ITT de plus de huit jours, lorsque l’enfant a assisté aux faits. Comme en première lecture, nous avons accepté d’étendre le mécanisme de suspension provisoire avant tout jugement au cas de crime ou d’agression sexuelle incestueuse commis sur l’enfant.
Il convient en effet de remédier au véritable défaut de l’article 378 du code civil en la matière. Je félicite donc Isabelle Santiago de cette initiative.
Nous avons toutefois souhaité maintenir le caractère provisoire de la suspension dans les conditions actuelles, c’est-à-dire pour une durée maximale de six mois, jusqu’à la décision du JAF, qui doit être saisi par le procureur de la République dans les huit jours.
Nous savons bien que les JAF sont débordés, mais puisque vous avez alloué des moyens supplémentaires à la justice, monsieur le garde des sceaux, il convient à présent de continuer de le faire au bénéfice des chambres de la famille. (Sourires.)
Ce mécanisme présente selon nous le mérite de ménager un équilibre satisfaisant entre la nécessité de protéger, d’une part, et le respect de la présomption d’innocence et le droit de l’enfant de maintenir des relations avec ses deux parents, d’autre part. À ce titre, un délai de six mois de suspension automatique avant l’intervention d’un JAF nous a semblé constituer la bonne mesure.
Nous avons enfin écarté le dispositif spécifique proposé en cas de condamnation pour violences volontaires ayant entraîné une ITT de plus de huit jours, lorsque l’enfant a assisté au fait.
Les juridictions doivent déjà se prononcer sur l’autorité parentale en cas de condamnation au titre de cette infraction, les enfants témoins étant des covictimes, ainsi que les désigne l’intitulé de la proposition de loi.
Mes chers collègues, c’est bien sur une question d’équilibre que nous aurons à nous prononcer lors de l’examen des différents amendements qui nous sont soumis. Contrairement à ce que certains tentent de faire croire de façon assez simpliste, il ne s’agit pas seulement de choisir le camp des enfants victimes contre celui des bourreaux. Il serait notamment dommage de prendre le risque de non-protection des enfants, qui ont le droit d’être reçus par un juge aux affaires familiales rapidement.
Nous partageons le même but, la même priorité, mes chers collègues : la protection absolue des enfants, car chacun d’entre nous est le reflet de l’enfant qu’il a été. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC. – Mme Laure Darcos applaudit également.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Evelyne Corbière Naminzo. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K.)
Mme Evelyne Corbière Naminzo. Madame la présidente, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, nous discutons aujourd’hui d’une proposition de loi nécessaire, dont l’ancien président de la Ciivise, Édouard Durand, disait qu’elle était à la fois conforme aux principes et à la raison.
Les chiffres sont édifiants, et nous ne pouvons pas dire que nous ne les connaissons pas : 400 000 enfants vivent dans un foyer où s’exercent des violences intrafamiliales de manière permanente ; 60 000 enfants sont victimes de violences sexuelles.
Dans mon département, La Réunion, chaque jour, sept enfants sont identifiés comme étant en danger par la cellule de recueil des informations préoccupantes, et les signalements directs ont augmenté de 60 % depuis 2019.
Cette proposition de loi comble un vide juridique en matière d’autorité parentale des parents coupables de violences criminelles.
Parce que la saisine du juge aux affaires familiales n’est pas toujours effective, parce que les délais pour obtenir une date d’audience du juge aux affaires familiales sont trop longs, le retrait et la suspension de l’autorité parentale restent aujourd’hui des possibilités trop peu appliquées. Il est donc urgent de rappeler dans la loi que tout enfant doit être protégé, y compris de ses parents quand il le faut.
La certitude selon laquelle le lien entre l’enfant et son parent doit être maintenu à tout prix irrigue encore trop souvent la pensée des magistrats.
Oui, cette certitude doit être remise en question. Non, un parent qui viole son enfant ne peut pas continuer à avoir l’autorité parentale sur lui.
L’intérêt supérieur de l’enfant doit l’emporter sur le droit des parents d’influer sur la vie de cet enfant. L’intérêt supérieur de l’enfant et sa protection doivent nous guider, mes chers collègues.
C’est ce que nous enseignent les très nombreux témoignages recueillis par la Ciivise, notamment de mères s’inquiétant de laisser leur enfant repartir chez le père incestueux. Un enfant obligé d’aller chez le parent violent en attendant le jugement continuera d’y subir violences, emprise, influences et menaces. Il cessera alors d’un coup d’en parler.
La suspension de l’autorité parentale n’est pas seulement nécessaire à la libération de la parole : elle l’est aussi pour protéger les enfants. Plus qu’écouter, il faut protéger des conséquences dramatiques qu’ont les violences sur le développement, sur la construction et la scolarité des enfants.
On sait ce qu’engendrent les violences en termes de chocs traumatiques, de phénomènes de dissociation, de troubles de la mémoire et de conduites à risque. On sait que l’exposition précoce à ces violences constitue le premier facteur de risque de suicide, de dépression, de précarité et qu’elle accroît le risque de subir de nouvelles violences ou d’en faire subir à son tour.
Une étude de l’ONU montre qu’une femme qui a subi des violences physiques et sexuelles dans l’enfance a dix-neuf fois plus de risques de subir des violences conjugales ou sexuelles à l’âge adulte par rapport à une femme qui n’en a pas connu ; et qu’un homme qui a connu le même type de violences a quatorze fois plus de risques d’en commettre à son tour.
En définitive, tout plaide pour une mise en sécurité rapide et automatique des enfants victimes, pour une prise en charge plus précoce afin de limiter les conséquences sur la santé des victimes.
Nous devons garder en tête que tout retard dans cette mise en sécurité, tout retard dans cette prise en charge équivaut à une perte de chance pour chaque enfant concerné.
Le groupe CRCE-K soutient donc cette proposition de loi, tout en regrettant que la commission en ait affaibli le texte en revenant sur son article 1er. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K, ainsi que sur des travées du groupe SER.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Maryse Carrère. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)
Mme Maryse Carrère. Madame la présidente, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, dans son rapport rendu en novembre dernier, Violences sexuelles faites aux enfants : « On vous croit », la Ciivise souligne la difficulté des victimes à être entendues. Seule une victime sur dix révèle les violences au moment des faits, et sur 160 000 enfants victimes de violences sexuelles chaque année, seuls 19 % des cas donnent lieu à une plainte, cette proportion n’étant que de 12 % en cas d’inceste.
Concernant les violences sexuelles faites aux femmes, ça ne va pas mieux. Une étude du ministère de l’intérieur dévoilée en décembre 2023 indique que seulement 5 % des femmes se déclarant victimes de violences sexuelles, dont la moitié connaissait leur agresseur, avaient déposé plainte en 2021.
Il ne s’agit pas de dresser un bilan à charge tant sont réelles les difficultés que rencontrent les acteurs de la lutte contre les violences intrafamiliales à identifier les cas et à protéger les victimes, qui, souvent, craignent pour leur sécurité, celle de leurs enfants, voire celle de leurs agresseurs.
Il nous faut saluer l’action du législateur et des pouvoirs publics tout en gardant à l’esprit l’ampleur des travaux que nous devons continuer à mener.
La réponse pénale est l’un de ces chantiers. Elle doit en effet évoluer et s’adapter afin de toujours mieux protéger les victimes. Le texte que nous examinons aujourd’hui vise à prolonger cette politique volontariste d’aide et de protection des victimes.
Je me réjouis que, sur la quasi-totalité des articles, la navette parlementaire ait permis d’aboutir à un texte commun entre l’Assemblée nationale et le Sénat. Toutes ces mesures vont dans la bonne direction. Je salue le travail de notre rapporteure, que je remercie, ainsi que le travail de ceux qui sont à l’origine de ce texte.
Le groupe RDSE émet toutefois une réserve importante quant à la version de l’article 1er adoptée par la commission des lois du Sénat. Je crains que notre Haute Assemblée ne se méprenne si elle décidait de maintenir cette version.
Chacun, dans cette assemblée, cherche à défendre l’intérêt des enfants. Si nous discutons le dispositif de l’article 1er, nous ne remettons nullement en cause le dévouement de notre rapporteure sur ce sujet ô combien difficile. Nous n’en demeurons pas moins favorables à la rédaction proposée par l’Assemblée nationale. Nathalie Delattre défendra donc tout à l’heure un amendement visant à rétablir cette rédaction.
De fait, je ne vois pas de difficulté à ce que la suspension de l’autorité parentale soit effective jusqu’à l’obtention d’un jugement définitif sur les faits incriminés, dès lors qu’un recours auprès du juge aux affaires familiales reste possible pour le parent mis en examen.
Je comprends l’inquiétude de notre rapporteure quant à la longueur des procédures pénales, mais le délai maximal de six mois ne me paraît pas pertinent au regard des faits dont le parent est soupçonné d’être l’auteur, et dont la gravité emporte une possible mise en examen.
Le groupe RDSE attendra l’examen des amendements pour arrêter définitivement sa position, mais il pourrait être favorable à cette proposition de loi qui rejoint et complète l’arsenal législatif protégeant les victimes de violences intrafamiliales. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE. - Mme le rapporteur applaudit également.)
Mme la présidente. La parole est à M. Thani Mohamed Soilihi. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI. – Mme Véronique Guillotin applaudit également.)
M. Thani Mohamed Soilihi. Madame la présidente, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, des chiffres effrayants, un constat largement partagé et une volonté commune de changer les choses : voilà ce qui nous réunit de nouveau pour l’examen, en deuxième lecture, de la proposition de loi visant à mieux protéger et accompagner les enfants victimes et covictimes de violences intrafamiliales.
Ce texte consensuel a été adopté à l’unanimité par l’Assemblée nationale, en première lecture tout d’abord, après avoir fait l’objet d’une réécriture transpartisane réalisée en lien avec le ministère de la justice, et le 13 novembre dernier, lors de son deuxième examen.
Les députés ont recherché l’équilibre en reprenant des apports importants du Sénat tels que l’exonération du parent bénéficiaire d’une ordonnance de protection de communiquer tout changement de résidence à l’autre parent, l’interdiction de présenter une demande en rétablissement de l’exercice de l’autorité parentale et des droits de visite et d’hébergement avant la fin d’un délai de six mois suivant le jugement de retrait devenu irrévocable ou encore l’obligation, pour le juge, de motiver spécialement sa décision en cas de non-suspension du droit de visite et d’hébergement d’un enfant dans le cadre d’un contrôle judiciaire prononcé pour violences intrafamiliales.
La commission des lois du Sénat, par la voix de sa rapporteure, dont je tiens à souligner le travail de qualité, a quant à elle également fait un pas en direction de nos collègues députés en adoptant quatre articles sans modification.
En revanche, et fort malheureusement, subsiste entre nos deux assemblées un point de désaccord majeur, puisqu’il porte sur l’article 1er de la présente proposition de loi, qui élargit aux faits d’agression sexuelle ou de crime commis sur son enfant les principes et les modalités de suspension de l’autorité parentale et de ses attributs en cas de poursuite par le ministère public, de mise en examen par le juge d’instruction ou de condamnation, même non définitive, pour violences volontaires sur l’autre parent ayant entraîné une ITT de plus de huit jours, lorsque l’enfant a assisté aux faits.
Cette suspension provisoire, telle que l’ont souhaitée les députés, serait effective jusqu’à la décision du juge aux affaires familiales, éventuellement saisi par le parent poursuivi, ou jusqu’à la décision de non-lieu ou jusqu’à la décision de la juridiction de jugement.
La commission a considéré que l’absence de limite dans le temps posait problème au regard de la présomption d’innocence et du droit de chacun de mener une vie normale.
Un vote conforme aurait pourtant permis une adoption rapide et définitive de ces dispositions par le Parlement, ce que nous ne pouvons que regretter.
Comme le groupe RDPI le recommandait en première lecture, il semble indispensable de sécuriser la situation de l’enfant. Le retour au texte issu de l’Assemblée nationale, qui conditionne le maintien de cette suspension à une décision du juge, nous semble répondre à cet impératif. Nous vous présenterons un amendement dans ce sens, mes chers collègues.
Le Président de la République a fait de la protection de l’enfance une cause majeure de son second quinquennat. Le groupe RDPI estime que l’urgence à compléter la législation en vigueur pour protéger ces enfants nous oblige, et que la mobilisation de chacun d’entre nous est un impératif qui mène au vote de ce texte, mes chers collègues. (Applaudissements sur des travées du groupe RDPI.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Laurence Harribey. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
Mme Laurence Harribey. Madame la présidente, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, comme cela a été indiqué précédemment, en France, près de 400 000 enfants vivent dans un foyer où des violences intrafamiliales sévissent. Dans 21 % des cas, les enfants sont directement victimes de ces violences qui leur laissent des séquelles psychologiques et physiques graves.
Cette proposition de loi visant à mieux protéger et accompagner les enfants victimes et covictimes de violences intrafamiliales, déposée par notre collègue députée Isabelle Santiago après un travail avec la Chancellerie, nous revient en deuxième lecture, après avoir été à nouveau adoptée à l’unanimité par l’Assemblée nationale.
Ce texte constitue un pas de plus vers la protection des enfants. Il s’inscrit dans un continuum législatif qui, peu à peu, se consolide. Si nous sommes à chaque fois au rendez-vous, monsieur le garde des sceaux, nous continuons d’espérer une grande loi sur la protection des femmes et des enfants, ainsi que sur les violences intrafamiliales, comme le soulignait ma collègue Laurence Rossignol en première lecture.
La loi du 21 avril 2021 visant à protéger les mineurs des crimes et délits sexuels et de l’inceste a opéré un changement attendu dans l’appréhension pénale des violences sexuelles perpétrées sur des victimes mineures en insérant dans le code pénal de nouvelles infractions d’agressions sexuelles autonomes sur mineurs de moins de 18 ans dans le cas de l’inceste.
Rappelons que c’est le groupe socialiste qui avait, par amendement, proposé de relever l’âge du non-consentement de 15 à 18 ans dans le cadre du crime d’inceste.
Lors de l’examen de cette loi, de nombreuses associations avaient reproché au Parlement de ne pas être allé assez loin, notamment sur la question du retrait de l’autorité parentale, autorité trop souvent instrumentalisée par le parent auteur de crime ou d’inceste afin de garder une emprise sur la ou les victimes.
Lors de l’examen de la loi du 7 février 2022 relative à la protection des enfants, dite loi Taquet, notre groupe, par la voix de Michelle Meunier – je salue au passage l’ensemble des travaux relatifs à la protection de l’enfance de la commission des affaires sociales –, avait proposé par amendement le retrait de l’autorité parentale, notamment dans le cadre de l’ordonnance de protection. Cette disposition avait alors été rejetée. C’est regrettable, car de nombreux mois ont été perdus.
Le cœur du dispositif de cette proposition de loi est bien l’article 1er – tous les orateurs qui m’ont précédée l’ont souligné – relatif à la suspension de l’autorité parentale, ainsi que des droits de visite et d’hébergement pendant toute la durée présentencielle, soit pour un crime commis sur la personne de l’autre parent, soit pour une agression sexuelle incestueuse ou pour un crime commis sur la personne de son enfant, soit enfin pour des violences volontaires sur l’autre parent ayant entraîné une ITT de plus de huit jours, lorsque l’enfant a assisté aux faits.
Alors que l’article 1er a été voté à l’unanimité par les députés dans sa rédaction issue de l’Assemblée nationale, la commission des lois du Sénat, sur l’initiative de notre rapporteure, a vidé cet article de l’essentiel de son contenu en première comme en deuxième lectures.
Les dispositions relatives aux violences conjugales sont ainsi supprimées, comme la suspension de l’autorité parentale de plein droit pendant toute la durée de la procédure.
Nous le regrettons, et nos regrets sont partagés par d’autres groupes au Sénat, comme nous avons pu l’entendre. Un vote conforme aurait par ailleurs permis d’appliquer le nouveau dispositif plus rapidement.
Je rappellerai qu’une procédure peut durer plusieurs années, et qu’il est indispensable de protéger l’enfant pendant l’intégralité de cette période. Cette protection doit du reste être étendue de manière à inclure la protection du parent victime et la protection contre l’emprise du parent violent sur la victime par l’instrumentalisation de l’enfant.
Protéger l’enfant est primordial, mais cela emporte aussi de protéger le parent victime, la plupart du temps la mère. Rappelons que le nombre de féminicides a augmenté de près de 20 % lors des trois dernières années, et que pour l’année en cours, quatorze victimes sont déjà à déplorer, alors que nous ne sommes qu’au début du mois de février.
Notre groupe a donc déposé un amendement visant à rétablir l’article 1er dans sa version issue de l’Assemblée nationale, et ce afin de recentrer le texte sur son objet initial. La démonstration faite par le garde des sceaux précédemment montre que cette version du texte est équilibrée.
Je ferai deux remarques pour conclure.
Nous attendons encore des évolutions en termes de droit de l’enfant, notamment le droit pour celui-ci d’être entendu ou d’être automatiquement assisté par un avocat lors de toute procédure judiciaire le concernant. (M. Xavier Iacovelli applaudit.)
Les annonces gouvernementales du mois de mai dernier, relatives notamment à la création de pôles spécialisés, vont certes dans la bonne direction, mais, au-delà des textes, la question des moyens se pose. Il ne faudrait pas, au prétexte que l’argent manque, limiter la portée de cette proposition de loi.
En tout état de cause, notre position est claire, mes chers collègues : nous voterons cette proposition de loi si l’article 1er est rétabli dans sa version issue de l’Assemblée nationale. (Applaudissements sur les travées du groupe SER. – M. Xavier Iacovelli applaudit également.)
Mme la présidente. La parole est à M. Francis Szpiner. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. Olivier Henno applaudit également.)
M. Francis Szpiner. Madame la présidente, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, je tiens à rendre hommage au travail de Marie Mercier et de la commission des lois du Sénat. Nous avons travaillé à l’élaboration de ce texte en nous efforçant d’établir la rédaction la plus consensuelle possible.
Le débat que suscite l’article 1er n’est pas un débat médiocre. Si nous sommes tous attachés à la cause de la défense des enfants, mes chers collègues, il n’en demeure pas moins que le dispositif voté par l’Assemblée nationale soulève tout de même quelques difficultés. La suspension provisoire ne peut pas s’exercer sans contrôle.
J’attire l’attention du Sénat sur le fait que la Convention européenne des droits de l’homme prévoit le droit à la vie familiale et le droit au juge.
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Il y a un recours !
M. Francis Szpiner. Un recours est certes en cours, ma chère collègue, mais, pour avoir fréquenté longuement les tribunaux, et souvent pour La Voix de l’enfant, je puis vous dire – et vous le savez bien - qu’en fonction des territoires, la saisine d’un juge aux affaires familiales peut prendre de huit à quatorze mois. Et je ne parle même pas de l’éventualité d’une contestation, qui constitue un autre droit, devant la cour d’appel !
L’article 1er permet de concilier la présomption d’innocence, à laquelle je vous sais particulièrement attaché, monsieur le garde des sceaux,…
M. Francis Szpiner. … et les droits de l’enfant et le droit au juge.
Nous demandons tout simplement que le juge aux affaires familiales puisse être saisi, sous le contrôle du procureur de la République.
Si une telle disposition ne porte en rien atteinte à la protection de l’enfant, elle constitue une protection pour des personnes qui sont a priori présumées innocentes, qu’elles fassent l’objet d’une procédure à caractère criminel dont le délai d’achèvement se compte en années ou qu’elles fassent l’objet d’une enquête préliminaire, ce qui, en l’absence de notification de mise en examen, interroge quant à leur qualité de personnes poursuivies.
Par cette rédaction, la commission des lois du Sénat s’est donc simplement efforcée de protéger les libertés individuelles, dont, même en matière d’atteintes aux droits de l’enfant, nous ne pouvons pas faire litière, mes chers collègues. Le texte qui vous est proposé est équilibré.
En quoi la disposition retenue par la commission des lois et Mme le rapporteur serait-elle de nature à porter atteinte aux droits et à la protection de l’enfant ? Elle ne leur porte atteinte en rien. En revanche, elle préserve des personnes poursuivies qui ne seraient pas coupables – cela peut arriver – et qui se retrouvent dans une sorte de no man’s land.
L’on me rétorquera qu’il est possible de saisir le juge. Je vous renvoie toutefois à la réalité de la pratique judiciaire, mes chers collègues. En la matière, et malgré l’augmentation considérable des budgets dont il faut rendre le mérite au garde des sceaux, force est de constater que la justice civile reste encore un parent pauvre de la justice, et que beaucoup reste à faire.
Telles sont les raisons pour lesquelles il me paraît préférable qu’à l’issue d’une période de suspension automatique, un débat contradictoire permette à chacune des parties de s’exprimer devant un magistrat indépendant. C’est le fondement même de nos libertés ! (L’orateur martèle son pupitre.)
En conséquence, mes chers collègues, je vous demande de soutenir cette proposition de loi et la rédaction nouvelle de l’article 1er. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme la présidente. La parole est à M. Alain Marc. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP. - MM. Pierre-Antoine Levi et Fabien Genet applaudissent également.)
M. Alain Marc. Madame la présidente, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, les violences intrafamiliales représentent un véritable fléau pour notre société. Par définition, elles relèvent de la sphère privée, ce qui explique que l’on ait mis tant de temps à les prendre en compte dans le débat public.
Un enfant qui subit de telles violences, directement ou indirectement, en portera en lui la douleur tout au long de sa vie ; et l’adulte qui vit avec ce fardeau est un individu meurtri, torturé. Il aura toujours en lui une part d’ombre et, sans être responsable en quoi que ce soit des faits commis, éprouvera souvent une immense culpabilité.
On estime, en France, entre 10 % et 20 % la proportion d’adultes ayant subi de telles violences lorsqu’ils étaient mineurs : des millions de nos concitoyens sont donc directement concernés.
C’est pourquoi, au nom du groupe auquel j’appartiens, je me réjouis que l’exécutif se soit emparé de ce sujet avec tant de détermination. La proposition de loi que nous examinons aujourd’hui en deuxième lecture a d’ailleurs été inscrite à l’ordre du jour pendant une semaine réservée au Gouvernement ; je tenais à le rappeler.
La réunion de la Ciivise, il y a près de trois ans, a permis de mettre nos institutions à l’écoute des victimes. C’était un préalable indispensable pour que le législateur puisse mieux appréhender ce problème terriblement complexe.
Évidemment, pour lutter contre les violences intrafamiliales, il vaut mieux protéger la victime en la plaçant à l’abri de son agresseur.
Mes chers collègues, ce sujet est on ne peut plus sensible. En la matière, nous devons légiférer avec la plus grande prudence en nous en tenant à deux objectifs clairs : préserver l’intérêt supérieur de l’enfant et valoriser la parole des victimes. Ces deux enjeux doivent primer toute autre considération.
À ce stade de la navette parlementaire, plusieurs avancées ont été entérinées.
Je pense notamment à l’article 2, qui prévoit l’automaticité du retrait de l’autorité parentale et de son exercice, lorsque des violences ou un crime ont été commis contre l’autre parent ou lorsque l’enfant a subi un viol. Sur ce point, la navette a permis d’aboutir à un dispositif à la fois efficace et équilibré.
Ce n’est pas encore le cas pour l’article 1er.
Mme la rapporteure de la commission des lois, dont je tiens à saluer le travail consciencieux et rigoureux, a proposé de rétablir la version adoptée par le Sénat en première lecture, en conservant au juge aux affaires familiales la faculté de se prononcer sur la suspension provisoire de l’autorité parentale.
J’entends certains de nos collègues – et ils sont nombreux – insister pour que ce texte soit adopté et promulgué le plus rapidement possible, afin qu’il produise ses effets au plus vite et qu’un maximum d’enfants soient ainsi mis à l’abri.
Je comprends leur souci de diligence, que je fais mien ; mais je tiens à leur rappeler qu’il ne faut jamais confondre vitesse et précipitation, surtout lorsqu’il s’agit d’écrire la loi.
J’en suis convaincu : mieux vaut prendre le temps nécessaire pour concevoir la meilleure loi possible plutôt que de se hâter et d’adopter un texte probablement moins efficace ou moins équilibré.
Certes, l’Assemblée nationale a envoyé un message fort en votant sa version du texte à l’unanimité ; mais l’unanimité d’une chambre ne remet pas en cause le bicamérisme. Le Sénat doit poursuivre son travail de manière sereine et sérieuse.
Mme Marie Mercier, rapporteur. Exactement !
M. Alain Marc. Les élus de notre groupe soutiennent l’adoption de cette proposition de loi tout en jugeant le texte de la commission plus équilibré. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP et sur des travées du groupe Les Républicains.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Dominique Vérien. (Applaudissements sur les travées du groupe UC. - M. Louis Vogel applaudit également.)
Mme Dominique Vérien. Madame la présidente, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, au sujet des violences commises, en France, contre les enfants au sein de la famille, qu’ils en soient les victimes directes ou les covictimes, les chiffres sont vertigineux.
Au total, 400 000 enfants vivent dans un foyer où s’exercent des violences conjugales et plus de 160 000 sont victimes chaque année de violences sexuelles. En outre, un enfant meurt tous les cinq jours à la suite de violences intrafamiliales.
N’oublions pas non plus que, même si les enfants ne sont pas directement l’objet des violences, ces dernières ont aussi un effet destructeur.
Pour ces enfants témoins, les répercussions de telles violences sont très graves, qu’il s’agisse de leur développement, de leur santé, de leur construction, de leur scolarité ou de leur vie sociale.
De plus, il n’est pas rare que l’enfant victime soit contraint de maintenir des liens avec le parent violent : cela peut paraître absurde et révoltant, mais c’est pourtant le cas.
Trop longtemps, l’idée selon laquelle on peut être un mari violent, mais un bon père, a prévalu, jusque dans nos tribunaux. Le présent texte entend corriger cela.
Bien entendu, nous ne partons pas de rien. Je pense par exemple à la loi du 28 décembre 2019 visant à agir contre les violences au sein de la famille, dont vous étiez déjà la rapporteure, chère Marie Mercier. Je pense aussi, bien sûr, à la loi Billon, du nom de notre collègue ici présente, du 21 avril 2021, visant à protéger les mineurs des crimes et délits sexuels et de l’inceste.
Monsieur le garde des sceaux, l’action du Gouvernement mérite aussi d’être saluée ; je connais d’ailleurs votre volontarisme en la matière.
Mme Dominique Vérien. Cette proposition de loi, que nous examinons en deuxième lecture, entend renforcer notre arsenal juridique afin de répondre à un enjeu que nous faisons tous nôtre ici : mieux protéger les enfants.
Concrètement, le présent texte permettra de suspendre plus facilement et plus rapidement, non seulement l’autorité parentale, mais aussi les droits de visite et d’hébergement.
Les faits concernés sont des crimes, parmi les plus graves, qui visent directement l’enfant ou l’autre parent. Ce texte apporte toutefois des limites nécessaires – je pense par exemple à la possibilité, pour le parent concerné, de saisir le juge aux affaires familiales pour réexaminer la décision de retrait.
Non seulement ce texte prévoit une suspension provisoire en cas de poursuite et un retrait total en cas de condamnation, mais il instaure un cas de délégation forcée de l’exercice de l’autorité parentale à un tiers.
En outre, sur l’initiative de notre collègue Laurence Rossignol, il dispense le parent bénéficiaire d’une ordonnance de protection d’informer l’autre parent de son changement de résidence. Cette demande est formulée de longue date par toutes les associations de victimes : elle sera bientôt enfin satisfaite.
Enfin, je me félicite de l’adoption conforme de l’article 3 bis, issu d’un amendement que j’avais déposé en première lecture en commission.
Cet article pose le principe de la suspension du droit de visite et d’hébergement de l’enfant dans le cadre d’un contrôle judiciaire comprenant une interdiction d’entrer en contact ou d’une obligation de résider hors du domicile du couple. Le juge devra dorénavant justifier la décision de ne pas ordonner cette suspension – jusqu’à présent, c’était l’inverse.
Il s’agit d’une des mesures récentes prises en la matière par l’Espagne, qui a vu les féminicides augmenter lors des passages de bras. Nous avons appelé l’attention sur cette disposition dans le cadre du plan rouge VIF.
Mme Annick Billon. Très bien !
Mme Dominique Vérien. Mes chers collègues, quatre articles ayant été votés conformes, cinq articles restent en discussion, dont quatre ont déjà été adoptés sans modification en commission.
Je tiens ici à saluer le travail et la recherche de compromis de notre rapporteure, Marie Mercier, dont l’engagement sur ce sujet est connu de tous.
J’insiste sur l’article 1er, le seul qui nous occupera véritablement aujourd’hui. La commission estime avec raison que l’alinéa 3 est à la fois peu clair et déjà satisfait. Toutefois, je considère que les apports du premier alinéa méritent d’être conservés.
Dans la rédaction de l’Assemblée nationale, la saisine du juge aux affaires familiales pour réexamen de la mesure de suspension est en effet facultative et prise sur l’initiative du parent concerné ; mais est-ce vraiment une mauvaise chose ?
L’article 1er n’a vocation à s’appliquer que dans les affaires les plus graves : le parent poursuivi sera forcément assisté d’un avocat, qui saura lui rappeler la nécessité de saisir le juge aux affaires familiales. À ce titre, si j’entends bien M. Szpiner, des délais de six ou de huit mois ne sont pas si différents. Il me semble qu’une telle solution peut se révéler tout à fait satisfaisante.
Quant au parent qui, malgré tout, ne voudra pas effectuer cette saisine, peut-être aura-t-il de bonnes raisons de procéder ainsi ; nous aurons l’occasion d’en débattre.
Quoi qu’il en soit, dans un esprit de compromis, les élus du groupe Union Centriste voteront ce texte. (Applaudissements sur des travées du groupe UC. – Mme le rapporteur applaudit également.)
Mme la présidente. La parole est à M. Jacques Fernique.
M. Jacques Fernique. Madame la présidente, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, en France, un enfant meurt sous les coups de ses parents chaque semaine ; un enfant est victime de violences sexuelles toutes les trois minutes. Pas une minute de plus nous ne saurions tolérer ces violences.
Certes, au cours des dernières années, l’ampleur des violences intrafamiliales a fait l’objet d’une prise de conscience. Il n’empêche que ces violences continuent le plus souvent à l’abri des regards : ainsi, seulement 12 % des victimes d’inceste arrivent à porter plainte.
« On te croit » : c’est ce que chaque victime mérite de ressentir. Mais puisque les violences sont systémiques, croire les victimes n’est qu’une étape de la lutte contre ces violences.
Nul n’ignore que des mesures ont déjà été prises.
Je salue évidemment les annonces du plan de lutte contre les violences faites aux enfants pour les années 2024 à 2027, présenté en décembre dernier. Mais, si ce plan va dans le bon sens, beaucoup reste à faire, y compris pour faciliter le recueil des témoignages.
Il est tout aussi primordial que nous protégions les enfants victimes de violences intrafamiliales. D’une part, cette protection suppose une augmentation de moyens, y compris pour accélérer le traitement des affaires par notre système judiciaire, qui souffre toujours du sous-investissement chronique des dernières décennies. D’autre part, nous devons rendre notre législation plus protectrice pour les enfants victimes de violences.
La loi de 2018 renforçant la lutte contre les violences sexuelles et sexistes est malheureusement restée muette sur plusieurs aspects ; la proposition de loi de notre collègue députée Isabelle Santiago entend donc aller plus loin, dans l’intérêt supérieur de l’enfant.
Grâce au travail constructif et transpartisan mené en première lecture, le présent texte contient des avancées que les élus du groupe Écologiste – Solidarité et Territoires soutiennent sans réserve. C’est le cas, par exemple, du retrait total de l’autorité parentale en cas de condamnation pour crime commis sur l’autre parent, agression sexuelle incestueuse ou crime commis sur l’enfant.
Madame la rapporteure, nous sommes ravis que quatre des cinq articles qui restent en discussion aient été adoptés conformes en commission,…
Mme Marie Mercier, rapporteur. Oui !
M. Jacques Fernique. … grâce à votre esprit de compromis. Nous espérons vivement que l’examen des articles permette de renforcer la protection des enfants dont le parent est poursuivi par le ministère public pour un crime commis sur la personne de l’autre parent ou pour des violences sexuelles incestueuses.
Pour autant, comme l’ensemble de mes collègues du groupe écologiste, à commencer par Mélanie Vogel, qui m’a chargé de la représenter à cette tribune, je regrette que l’examen de ce texte en deuxième lecture ne permette pas une traduction législative des préconisations de la Ciivise. Pourtant, ces dernières portent directement sur la problématique dont nous traitons.
Je pense notamment au principe consistant à interdire toute confrontation directe entre la victime des violences sexuelles incestueuses et l’agresseur mis en cause, confrontation qui se révèle traumatique pour la victime. Ce n’est là qu’un exemple des nombreuses failles que les travaux monumentaux de la Ciivise ont permis d’identifier et qui permettent aux violences de persister à l’abri des regards.
Sous la coprésidence de Nathalie Mathieu et d’Édouard Durand, cette commission a relevé un grand nombre d’obstacles persistants, s’opposant à une poursuite pénale efficace. Il apparaît ainsi que la vidéo des premières auditions des victimes reste très peu visionnée par les juges.
De ces préconisations, on n’entend quasiment pas parler dans le plan de lutte contre les violences faites aux enfants : on croirait presque que le Gouvernement a décidé d’effacer ces travaux précurseurs de l’Histoire au moment même où il imposait à la Ciivise un changement d’orientation radical, choix qui a contraint plusieurs de ses membres à démissionner.
Monsieur le garde des sceaux, je m’adresse donc à vous : qu’allez-vous faire pour mettre fin aux manquements identifiés par la Ciivise ?
En attendant, nous allons veiller à ce que le présent texte, que nous soutenons pleinement, soit le plus protecteur possible pour les victimes. (Mme Émilienne Poumirol applaudit.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Laurence Muller-Bronn. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)
Mme Laurence Muller-Bronn. Madame la présidente, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, je tiens avant tout à saluer le travail accompli sur ce texte important par notre rapporteure, Marie Mercier, ainsi que les apports de la Commission indépendante sur l’inceste et les violences faites aux enfants, dont nous venons d’entendre les louanges, lesquels ont permis d’enrichir ce texte.
Chaque année, 160 000 enfants sont victimes de violences sexuelles, le plus souvent dans le cercle familial, comme l’a rappelé l’ancien président de la Ciivise, le juge des enfants Édouard Durand. Parallèlement, le nombre de plaintes reste beaucoup trop faible pour lutter contre ce système d’impunité intrafamiliale, qui profite toujours aux agresseurs.
Monsieur le garde des sceaux, pourquoi avons-nous perdu tant de temps pour protéger ces enfants, pour les mettre à l’abri de parents destructeurs ? Pourquoi leur statut de victimes a-t-il été si longtemps ignoré, alors qu’il devait être au centre de nos préoccupations ?
Le temps est venu de prendre conscience de la gravité et des conséquences de ces violences sur le développement de l’enfant.
Le présent texte va enfin permettre de renforcer la procédure de retrait de l’autorité parentale : c’est une mesure de bon sens, qui doit devenir la règle pour les cas de crimes et d’agressions sexuelles.
Alors députée, notre collègue Valérie Boyer avait d’ailleurs proposé une mesure identique à l’Assemblée nationale dès 2019, préconisant de faire du retrait de l’autorité parentale le principe et de son maintien l’exception. Mais ladite disposition a, hélas ! toujours été rejetée par le Gouvernement.
Grâce à la mobilisation du président Retailleau en commission mixte paritaire, une version remaniée de cette mesure a pu être inscrite dans la loi visant à agir contre les violences au sein de la famille. C’était en 2019.
Nous pouvons remercier nos deux collègues du travail accompli, tout en déplorant une nouvelle fois le temps perdu depuis lors par le Gouvernement pour renforcer la protection des enfants.
Nous sommes en 2024 et l’accumulation des textes législatifs a entraîné une inertie insupportable pour les victimes.
Tous les jours ou presque, des conjoints violents se servent des enfants. Tous les jours ou presque, ces enfants sont réduits au rang d’objets de transaction, qui permettent aux parents violents de maintenir une tyrannie quotidienne.
Ces enfants, qui vivent dans un foyer violent, sont restés trop longtemps invisibles et inaudibles pour les pouvoirs publics et les institutions judiciaires. Pourtant – nous le savons tous –, ces violences créent un stress post-traumatique. Leurs victimes s’en trouvent marquées pendant des années, voire pour toute leur vie.
En maintenant ces enfants sous l’autorité de parents abusifs, incestueux et criminels, nous les condamnons à voir se multiplier non seulement les atteintes de leurs agresseurs, mais aussi les atteintes qu’ils s’infligent à eux-mêmes – dépression, addictions ou même suicide –, ainsi que les atteintes aux autres.
On ne le répétera jamais assez : un parent violent ne peut être considéré comme un bon parent. Une société qui ne sait pas protéger ses enfants est une société malade et la violence faite à ces enfants relève aussi de notre responsabilité en tant que législateur.
Je souhaite que ce texte provoque une prise de conscience telle que chacun se sente investi d’une responsabilité face à ces problèmes, bien trop longtemps passés sous silence.
Le combat pour la protection des enfants est l’affaire de tous. Je voterai donc cette proposition de loi, qui replace l’enfant au centre du système judiciaire. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)
Mme la présidente. La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion du texte de la commission.
proposition de loi visant à mieux protéger et accompagner les enfants victimes et covictimes de violences intrafamiliales
Article 1er
L’article 378-2 du code civil est ainsi modifié :
1° Après le mot : « poursuivi », sont insérés les mots : « par le ministère public, mis en examen par le juge d’instruction » ;
2° Après la seconde occurrence du mot : « parent », sont insérés les mots : « ou pour un crime ou une agression sexuelle incestueuse commis sur la personne de son enfant ».
Mme la présidente. Je suis saisie de neuf amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 9, présenté par Mme Corbière Naminzo et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
L’article 378-2 du code civil est ainsi rédigé :
« Art. 378-2. – L’exercice de l’autorité parentale et les droits de visite et d’hébergement du parent poursuivi par le ministère public, mis en examen par le juge d’instruction ou condamné, même non définitivement, soit pour un crime commis sur la personne de l’autre parent, soit pour une agression sexuelle incestueuse ou pour un crime commis sur la personne de son enfant sont suspendus de plein droit pour l’ensemble de la fratrie jusqu’à la décision du juge aux affaires familiales, le cas échéant saisi par le parent poursuivi, jusqu’à la décision de non-lieu du juge d’instruction ou jusqu’à la décision du jugement ou de l’arrêt pénal.
« L’exercice de l’autorité parentale et les droits de visite et d’hébergement du parent qui est condamné, même non définitivement, pour des violences volontaires sur l’autre parent ayant entraîné une incapacité totale de travail de plus de huit jours, lorsque l’enfant a assisté aux faits, sont suspendus de plein droit pour l’ensemble de la fratrie jusqu’à la décision du juge aux affaires familiales, qui doit être saisi par l’un des parents dans un délai de six mois à compter de la condamnation. À défaut de saisine dans ce délai, les droits du parent condamné sont rétablis. »
La parole est à Mme Evelyne Corbière Naminzo.
Mme Evelyne Corbière Naminzo. Les élus du groupe CRCE-K proposent de rétablir l’article 1er de cette proposition de loi dans la rédaction de l’Assemblée nationale.
Avec cet amendement, nous défendons nous aussi la suspension de l’exercice de l’autorité parentale et des droits de visite, non seulement pour l’enfant victime, mais aussi pour les autres enfants de la fratrie.
Nous le savons : les faits de violences, notamment sexuelles et incestueuses, ne touchent pas le seul enfant subissant les faits. Les autres enfants de la fratrie en sont tous les victimes collatérales.
Un parent qui commet un crime sur l’un de ses enfants commet très souvent un crime sur un autre membre de la fratrie. L’extension de la suspension de l’autorité parentale à toute la fratrie éviterait d’avoir à mener une procédure longue et coûteuse pour protéger chacun des enfants. Tous seraient protégés du même coup.
Dans le cas où les autres enfants n’ont pas été victimes de crime de la part du parent accusé, la protection de l’ensemble de la fratrie permettrait d’éviter que le parent maltraitant ne maintienne son emprise sur les autres enfants ou ne réitère sur eux ses agissements passés : ces enfants auront été soustraits à sa violence.
Enfin, en procédant ainsi, l’on éviterait une mise à l’écart de l’enfant victime par rapport au reste de la fratrie : dans de telles situations, briser le silence, c’est faire exploser la cellule familiale. Il convient de protéger autant que possible toutes les victimes, toute la famille.
Mme la présidente. Les cinq amendements suivants sont identiques.
L’amendement n° 1 rectifié ter est présenté par Mme Billon, M. Lafon, Mme Tetuanui, M. Dhersin, Mmes Sollogoub, Guidez et Antoine, M. Laugier, Mme O. Richard, MM. Longeot, Kern, Delcros, J.M. Arnaud, Levi et Folliot, Mme Herzog, MM. Maurey et Pillefer, Mme Romagny et MM. Hingray, Courtial et P. Martin.
L’amendement n° 2 est présenté par Mmes Harribey, Rossignol et de La Gontrie, MM. Durain, Kanner, Bourgi, Chaillou et Kerrouche, Mmes Linkenheld et Narassiguin, M. Roiron et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.
L’amendement n° 3 rectifié bis est présenté par Mmes N. Delattre et M. Carrère, MM. Masset, Bilhac, Cabanel, Daubet, Gold, Grosvalet et Guérini, Mme Guillotin, MM. Guiol, Laouedj et Roux, Mme Pantel, M. Fialaire et Mme Girardin.
L’amendement n° 7 est présenté par M. Mohamed Soilihi, Mme Schillinger, MM. Bitz, Buis et Buval, Mmes Cazebonne et Duranton, M. Fouassin, Mme Havet, MM. Haye, Iacovelli, Kulimoetoke, Lemoyne et Lévrier, Mme Nadille, MM. Omar Oili, Patient et Patriat, Mme Phinera-Horth, MM. Rambaud, Rohfritsch, Théophile et les membres du groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants.
L’amendement n° 13 est présenté par Mme M. Vogel, MM. Benarroche, G. Blanc, Dantec, Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, M. Jadot, Mme de Marco, M. Mellouli, Mmes Ollivier et Poncet Monge, M. Salmon et Mmes Senée et Souyris.
Ces cinq amendements sont ainsi libellés :
Rédiger ainsi cet article :
L’article 378-2 du code civil est ainsi rédigé :
« Art. 378-2. – L’exercice de l’autorité parentale et les droits de visite et d’hébergement du parent poursuivi par le ministère public, mis en examen par le juge d’instruction ou condamné, même non définitivement, soit pour un crime commis sur la personne de l’autre parent, soit pour une agression sexuelle incestueuse ou pour un crime commis sur la personne de son enfant sont suspendus de plein droit jusqu’à la décision du juge aux affaires familiales, le cas échéant saisi par le parent poursuivi, jusqu’à la décision de non-lieu du juge d’instruction ou jusqu’à la décision du jugement ou de l’arrêt pénal.
« L’exercice de l’autorité parentale et les droits de visite et d’hébergement du parent qui est condamné, même non définitivement, pour des violences volontaires sur l’autre parent ayant entraîné une incapacité totale de travail de plus de huit jours, lorsque l’enfant a assisté aux faits, sont suspendus de plein droit jusqu’à la décision du juge aux affaires familiales, qui doit être saisi par l’un des parents dans un délai de six mois à compter de la condamnation. À défaut de saisine dans ce délai, les droits du parent condamné sont rétablis. »
La parole est à Mme Annick Billon, pour présenter l’amendement n° 1 rectifié ter.
Mme Annick Billon. Cet amendement vise à rétablir l’article 1er dans sa version transmise par l’Assemblée nationale.
J’entends les inquiétudes qui s’expriment quant au respect de la présomption d’innocence, mais cette rédaction permet justement au parent poursuivi de saisir le JAF.
Les désaccords manifestes entre nos deux chambres et dans notre hémicycle le prouvent : il n’est pas évident de trouver un équilibre entre la protection de l’enfant et le droit de mener une vie familiale normale. Nous devons donc nous demander ce qui prime ; ce à quoi nous entendons donner la priorité.
Je rappelle que, dans notre pays, un enfant est tué par l’un de ses parents tous les cinq jours en moyenne. Les parents représentent 86 % des auteurs présumés de maltraitance et 160 000 enfants sont victimes chaque année de violences sexuelles. Qu’allons-nous dire à toutes ces victimes ? Qu’au regard de la présomption d’innocence, il était disproportionné de les maintenir éloignés de leurs parents violents ? Pourquoi sacrifier la vie, la sécurité et le bien-être des enfants ?
Par ailleurs, les dispositions proposées permettent de prendre en considération les condamnations pour violences conjugales au-delà des seuls crimes commis par l’un des parents à l’égard de l’autre parent en présence de l’enfant.
En 2020, huit femmes victimes de violences sur dix avaient des enfants. En 2021, douze enfants ont été tués dans un contexte de violences conjugales ; mais, cette disposition étant peut-être satisfaite, je souhaite entendre Mme la rapporteure sur ce second point.
Mme la présidente. La parole est à Mme Laurence Harribey, pour présenter l’amendement n° 2.
Mme Laurence Harribey. Nous demandons nous aussi le rétablissement de l’article 1er dans la version adoptée par l’Assemblée nationale.
Cette proposition de loi – je le rappelle – part d’un constat simple : les chiffres des violences commises envers les enfants sont particulièrement alarmants et nous ne pouvons plus détourner le regard.
Mes chers collègues, les enfants sont ce qu’une société a de plus précieux.
J’ai été assez sensible à l’argumentation développée par M. Szpiner lors de la discussion générale. Nous sommes bel et bien face à une question d’équilibre : il faut préserver les libertés individuelles tout en assurant la protection des uns et des autres.
Or, en la matière, la liberté individuelle ne me semble pas mise en cause : je le souligne à mon tour, le parent poursuivi pourra demander au juge de surseoir à cette suspension de l’autorité parentale.
Non seulement l’équilibre évoqué existe, mais on ne saurait, au nom de la liberté individuelle, dont je ne sous-estime nullement l’importance, mettre en péril la protection, voire la vie même des enfants.
Nous devons tout simplement raisonner autrement en adoptant une nouvelle approche juridique. En somme, le mouvement est le même que pour le renversement de la charge de la preuve : ce n’est pas à la victime, mais à la personne soupçonnée d’apporter la preuve de son innocence en demandant au juge de revenir sur sa décision.
J’y insiste, le présent texte est équilibré : M. le garde des sceaux l’a d’ailleurs démontré dans son propos liminaire. Il est important de revenir à la version de l’article 1er adoptée par l’Assemblée nationale.
Mme la présidente. La parole est à Mme Nathalie Delattre, pour présenter l’amendement n° 3 rectifié bis.
Mme Nathalie Delattre. J’abonde dans le sens des oratrices précédentes : comme l’a souligné Maryse Carrère, présidente de notre groupe, lors de la discussion générale, nous soutenons nous aussi la rédaction de l’article 1er adoptée par l’Assemblée nationale.
Il est bon de le rappeler : cette version prévoit la suspension de l’exercice de l’autorité parentale dès le stade des poursuites, pour les agressions sexuelles incestueuses, les crimes commis contre l’enfant et les crimes commis contre l’autre parent, ce jusqu’à la décision du juge aux affaires familiales, saisi par le parent poursuivi, la décision de non-lieu du juge d’instruction ou la décision de la juridiction de jugement.
Nous parlons d’un sujet majeur et ce mécanisme nous semble aller pleinement dans l’intérêt de la protection de l’enfant.
Nous ne saurions faire preuve de timidité ou nous contenter d’un entre-deux. Il ne peut pas y avoir de compromis en la matière, d’autant que ce dispositif – M. le garde des sceaux l’a bien dit et Mme Harribey l’a rappelé – est assorti d’un garde-fou : le parent mis en examen conserve la possibilité de saisir le juge aux affaires familiales.
Or la durée maximale de six mois, proposée par la commission, me donne précisément l’impression d’être un choix de compromis. Comment justifier ce délai auprès d’un enfant qui a subi de telles violences ou en a été le témoin ?
À nos yeux, la lenteur des procédures, encore aggravée par l’accumulation des dossiers sur les bureaux des juges, ne saurait être un argument ; à cet égard, il faut avant tout assurer un renforcement des moyens.
J’espère que notre assemblée reviendra au texte de l’Assemblée nationale…
Mme la présidente. Il faut conclure, ma chère collègue !
Mme Nathalie Delattre. Ce faisant, elle aboutira à un vote conforme, qui permettra la nécessaire accélération de ce travail législatif.
Mme la présidente. La parole est à M. Thani Mohamed Soilihi, pour présenter l’amendement n° 7.
M. Thani Mohamed Soilihi. Ces dispositions ont été parfaitement défendues par les oratrices successives.
Afin de compléter le travail formidable accompli par Mme la rapporteure, nous souhaitons revenir, sur ce point précis, au texte voté par l’Assemblée nationale.
Mes chers collègues, ces dispositions permettent de sécuriser la situation de l’enfant ; elles sont plus protectrices. En particulier, elles prévoient la suspension de plein droit de l’exercice de l’autorité parentale dans les conditions qui ont été rappelées.
C’est afin de poursuivre notre œuvre de coconstruction législative que nous souhaitons revenir à cette rédaction de compromis, conciliant les deux objectifs visés.
Mme la présidente. La parole est à M. Jacques Fernique, pour présenter l’amendement n° 13.
M. Jacques Fernique. Nos deux assemblées s’accordent sur la nécessité de permettre la suspension de l’autorité parentale du parent inculpé pour des violences sexuelles incestueuses ou pour un crime commis sur la personne de l’autre parent. Mais, comme en première lecture, la majorité sénatoriale souhaite toujours limiter cette suspension à six mois.
Or les juges aux affaires familiales sont débordés et, dans ces conditions, il leur est difficile de statuer sur les modalités de l’exercice de l’autorité parentale dans un tel délai. Les statistiques du ministère de la justice le confirment : en la matière, la décision du juge aux affaires familiales n’est prise, en moyenne, qu’après sept mois ; ce délai dépasse même dix mois dans certains tribunaux.
En pareil cas, que se passerait-il ? L’exercice de l’autorité parentale serait suspendu pour protéger l’enfant pendant six mois, puis cette suspension serait levée. Le parent poursuivi pour violences graves retrouverait alors le plein exercice de tous les droits dont il disposait auparavant. Il se peut qu’il soit condamné peu après : ses droits lui seraient de nouveau retirés, toujours dans l’intérêt supérieur de l’enfant. Mais pendant quelques jours, quelques semaines, voire quelques mois, ce dernier risque de se retrouver dans une situation dangereuse et d’être exposé à des violences.
C’est précisément le type de situation que nous devons éviter. Pour protéger l’enfant de potentielles violences, il faut permettre une suspension provisoire au-delà de six mois, comme l’ont prévu nos collègues députés. De plus, il faut suspendre provisoirement l’exercice de l’autorité parentale du parent condamné pour des violences majeures sur l’autre parent en attendant la décision définitive. Cette mesure a elle aussi été adoptée à deux reprises, à l’unanimité, par l’Assemblée nationale.
Mme la présidente. L’amendement n° 10, présenté par Mme Corbière Naminzo et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
L’article 378-2 du code civil est ainsi rédigé :
« Art. 378-2. – L’exercice de l’autorité parentale et les droits de visite et d’hébergement du parent poursuivi par le ministère public, mis en examen par le juge d’instruction ou condamné, même non définitivement, soit pour un crime commis sur la personne de l’autre parent, soit pour une agression sexuelle incestueuse ou pour un crime commis sur la personne de son enfant sont suspendus de plein droit pour l’ensemble de la fratrie jusqu’à la décision du juge aux affaires familiales, le cas échéant saisi par le parent poursuivi, jusqu’à la décision de non-lieu du juge d’instruction ou jusqu’à la décision du jugement ou de l’arrêt pénal. »
La parole est à Mme Evelyne Corbière Naminzo.
Mme Evelyne Corbière Naminzo. Par cet amendement de repli, les membres du groupe CRCE-K proposent une nouvelle fois de revenir au texte de l’Assemblée nationale.
Se retranchant derrière la présomption d’innocence et le droit de chacun de mener une vie normale, la commission des lois du Sénat a supprimé la suspension de l’autorité parentale sans limite dans le temps jusqu’à la décision du juge ; elle l’a réduite à une suspension décidée en urgence, pour une durée de six mois.
Une telle mesure ne suffit pas à ériger la protection des enfants en priorité absolue. Elle signifie qu’au bout de six mois un enfant victime d’inceste ne serait plus protégé ; qu’il pourrait se retrouver sous l’emprise de son parent violent, l’exposant à maints dangers ; qu’il serait soumis au contrôle de son bourreau et, dès lors, pourrait cesser de parler des violences qu’il subit !
Non seulement ces dispositions entraveraient la libération de la parole des victimes de violences, mais elles entraîneraient la mise en danger de celles-ci.
Mes chers collègues, en cas d’inceste, les violences se déploient presque toujours de manière insidieuse. Je vous pose la question : selon vous, combien de temps faut-il à un enfant pour prendre conscience qu’il subit des violences, notamment de nature incestueuse, de la part de quelqu’un en qui il a entière confiance et pour qui il ferait tout ? Ne lui faut-il que six mois et pas un jour de plus ?
Il nous semble bel et bien nécessaire de rétablir la rédaction votée par l’Assemblée nationale.
Mme la présidente. Les deux amendements suivants sont identiques.
L’amendement n° 4 rectifié bis est présenté par Mme Billon, MM. Lafon et Longeot, Mme Tetuanui, M. Dhersin, Mme Antoine, MM. Pillefer, Laugier et Kern, Mme Herzog et MM. Maurey, Hingray, Courtial et P. Martin.
L’amendement n° 12 rectifié est présenté par Mme Vérien, M. Bonneau, Mmes Sollogoub, Guidez et O. Richard, MM. Delcros, J.M. Arnaud, Levi et Folliot, Mme de La Provôté, MM. Capo-Canellas et Delahaye et Mmes Romagny et Jacquemet.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Rédiger ainsi cet article :
L’article 378-2 du code civil est ainsi rédigé :
« Art. 378-2. – L’exercice de l’autorité parentale et les droits de visite et d’hébergement du parent poursuivi par le ministère public, mis en examen par le juge d’instruction ou condamné, même non définitivement, soit pour un crime commis sur la personne de l’autre parent, soit pour une agression sexuelle incestueuse ou pour un crime commis sur la personne de son enfant sont suspendus de plein droit jusqu’à la décision du juge aux affaires familiales, le cas échéant saisi par le parent poursuivi, jusqu’à la décision de non-lieu du juge d’instruction ou jusqu’à la décision du jugement ou de l’arrêt pénal. »
La parole est à Mme Annick Billon, pour présenter l’amendement n° 4 rectifié bis.
Mme Annick Billon. Il s’agit d’un amendement de repli par rapport à l’amendement n° 1 rectifié ter, qui avait surtout pour objet de demander des précisions à Mme la rapporteure.
Il tend à ne rétablir qu’un alinéa de la version de l’Assemblée nationale, afin d’inscrire dans le code civil la recommandation n° 52 de la Ciivise : la suspension de plein droit de l’exercice de l’autorité parentale et des droits de visite et d’hébergement du parent poursuivi pour viol ou agression sexuelle incestueuse sur la personne de son enfant.
Comme je l’ai dit précédemment, la protection des enfants doit nous guider ; le bien-être supérieur de l’enfant doit être notre boussole. Un Français sur dix a été victime d’inceste durant son enfance, soit plus de 5 millions de femmes et d’hommes. Les chiffres et les statistiques font écho au quotidien et au passé traumatique de millions de Français et Françaises.
Les enfants victimes ne sont pas les seuls concernés par ce dispositif : les frères et sœurs d’une même fratrie seraient également protégés, et ce jusqu’à la décision du juge. La suspension de l’exercice de l’autorité parentale et des droits de visite et d’hébergement s’appliquera nécessairement à tous les enfants sur lesquels le parent poursuivi ou condamné exerce son autorité.
Au-delà des violences physiques, nous devons traiter l’ensemble des traumatismes au sein d’une même famille. En réintégrant cette disposition, nous changerions de logiciel dans la manière d’aborder les violences sur des enfants et les violences intrafamiliales.
Mme la présidente. La parole est à Mme Dominique Vérien, pour présenter l’amendement n° 12 rectifié.
Mme Dominique Vérien. Pour compléter les propos de Mme Billon, est-il nécessaire de saisir automatiquement le juge aux affaires familiales, dès lors qu’un avocat peut tout à fait conseiller à son client de le faire ?
Par ailleurs, M. Szpiner a relevé que le juge mettait entre huit et quatorze mois pour statuer : que se passe-t-il entre la fin du délai de six mois et le moment où ce dernier prononce sa décision ?
Le juge aux affaires familiales pouvant être saisi, la suspension que nous proposons répond totalement au besoin de liberté et, très clairement, protège beaucoup mieux l’enfant.
En revanche, nous ne reprenons pas l’alinéa 3, qui est redondant.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Marie Mercier, rapporteur. Tous ces amendements visent à rétablir le texte de l’Assemblée nationale, selon diverses variantes.
L’amendement n° 9 tend à rétablir le texte des députés en précisant que la suspension concerne tous les enfants de la fratrie.
Les amendements identiques nos 1 rectifié ter, 2, 3 rectifié bis, 7 et 13 visent à rétablir purement et simplement le texte de l’Assemblée nationale.
L’amendement n° 10 de Mme Corbière Naminzo est un amendement de repli par rapport à son amendement n° 9, sans le mécanisme de suspension spécifique en cas de violences volontaires sur l’autre parent ayant entraîné une ITT de plus de huit jours. Je rappelle que la commission juge ce mécanisme à la fois très complexe et superfétatoire puisque, en cas de condamnation, le tribunal devrait se prononcer directement sur l’autorité parentale.
Les amendements identiques nos 4 rectifié bis et 12 rectifié sont des amendements de repli qui tendent à ne rétablir que le mécanisme de suspension en cas de crime et d’agression sexuelle incestueuse.
La commission a réaffirmé son attachement au fait qu’un juge aux affaires familiales soit systématiquement saisi pour prolonger la suspension au-delà de six mois. Voilà l’objectif : que le JAF puisse prolonger cette suspension, après l’avoir prononcée pour six mois dans un premier temps, et non qu’il y mette fin à l’issue de ce délai.
La commission émet un avis défavorable sur l’ensemble de ces amendements.
Toutefois, si le Sénat devait adopter certains de ces amendements, je conseillerais, à titre personnel, d’opter pour les amendements nos 4 rectifié bis et 12 rectifié, qui ne reprennent que le dispositif principal, et non le mécanisme spécifique de suspension en cas de condamnation pour violences volontaires ayant occasionné une ITT de plus de huit jours.
En ce qui concerne la question de la fratrie, il semble, madame Corbière Naminzo, que tous les enfants sur lesquels le parent exerce son autorité parentale soient concernés par le dispositif, le but étant une mise à l’abri. Pouvez-vous, monsieur le garde des sceaux, le confirmer ?
Mme Marie Mercier, rapporteur. Dont acte !
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. Mesdames, messieurs les sénateurs, mon propos sur l’ensemble de ces amendements ne sera pas bref, mais il ne sera pas long. (Sourires.)
Au préalable, je signale à M. le sénateur Szpiner qu’il ne dispose pas des derniers chiffres sur les délais de décision en matière d’affaires familiales ; ce sont là de vieilles statistiques. Sachez que, depuis que des contractuels ont été massivement envoyés dans les juridictions, nous avons assisté à l’échelle nationale à un phénomène de déstockage très important. Les décisions sont désormais rendues beaucoup plus rapidement.
Ensuite, la présomption d’innocence ne peut être traitée comme une tarte à la crème : on ne peut pas, si j’ose dire, mettre un principe aussi important à toutes les sauces. Lorsque l’on décide d’un placement en détention, on peut dire que cela viole la présomption d’innocence ; lorsque l’on prépare une ordonnance d’éloignement, comme nous sommes en train de le faire – la première lecture du texte en question interviendra dans les jours qui viennent –, on ne peut pas dire que l’on viole la présomption d’innocence.
Enfin – dernière remarque avant de donner l’avis du Gouvernement sur ces amendements –, madame Harribey, vous avez évoqué un inversement de la charge de la preuve… Comme vous y allez ! (Mme Laurence Harribey sourit.) Je le dis de façon très claire : il n’est aucunement question que l’on puisse inverser la charge de la preuve !
Je sais que c’est une revendication de plus en fréquente, en particulier dans les affaires de mœurs, mais le jour où nous le ferons, alors, comme le disait Émile Pollak, justice est morte et nous irons nous coucher.
Mme Laurence Harribey. C’est surtout le cas en droit de l’environnement !
M. Jean-François Husson. Oui, ne vous laissez pas interrompre, monsieur le garde des sceaux !
M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. Il n’est pas question d’envisager une seconde l’inversion de la charge de la preuve.
Mme Laurence Harribey. C’était un abus de langage !
M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. Mesdames, messieurs les sénateurs, vous proposez, par ces multiples amendements, de rétablir la version de l’article 1er adoptée par l’Assemblée nationale, qui crée deux mécanismes de suspension de plein droit de l’exercice de l’autorité parentale et de droit de visite et d’hébergement.
Le premier interviendrait en cas de poursuites ou de condamnation du parent pour un crime commis sur l’autre parent ou pour une agression sexuelle incestueuse ou un crime commis sur l’enfant.
Ce mécanisme s’appliquerait jusqu’à la décision du juge aux affaires familiales, celle de non-lieu du juge d’instruction ou celle du juge pénal.
Le second concerne les cas de violence sur l’autre parent ayant occasionné une ITT de plus de huit jours, lorsque l’enfant a assisté aux faits. Il s’appliquerait jusqu’à la décision du juge aux affaires familiales, saisi dans un délai de six mois à compter de la décision pénale.
Je vous rejoins évidemment sur la nécessité de prévoir que le mécanisme de suspension de plein droit de l’exercice de l’autorité parentale s’applique aux crimes et aux agressions sexuelles incestueuses dont peut être victime un enfant. C’est d’ailleurs une demande de la Ciivise, et le Gouvernement y voit un moyen efficace pour protéger les enfants d’un parent potentiellement violent ou abuseur dans l’attente de la décision du juge.
Il n’est pas nécessaire de préciser que le mécanisme s’applique à l’ensemble de la fratrie, car le droit positif le prévoit déjà.
Par ailleurs, vous souhaitez supprimer l’obligation pour le procureur de saisir le juge aux affaires familiales, afin qu’il statue sur cette suspension automatique de l’exercice de l’autorité parentale. Ce point fait débat entre les deux assemblées : la rédaction de la commission des lois du Sénat est plus protectrice des droits du parent que celle du texte adopté à l’Assemblée nationale.
Mesdames, messieurs les sénateurs, tout est question de proportionnalité. À mon sens, la prudence nous invite à conserver un minimum de garanties au bénéfice de l’enfant, le parent pouvant toujours saisir – dans des délais qui ne sont pas ceux que vous avez indiqués – le juge aux affaires familiales pour demander à être rétabli dans ses droits.
En ce qui concerne la suspension pour des violences commises sur l’autre parent et ayant occasionné une ITT de plus de huit jours, vous proposez de rétablir la version votée par les députés, que j’ai soutenue, en veillant à préserver les équilibres, s’agissant des faits de violence les plus graves auxquels l’enfant a assisté.
Pour toutes ces raisons, le Gouvernement s’en remettra à la sagesse du Sénat sur l’ensemble de ces amendements. (Ah ! sur diverses travées. – M. Francis Szpiner applaudit.)
Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission.
M. François-Noël Buffet, président de la commission des lois. Je demande une suspension de séance de quelques instants, madame la présidente.
Mme la présidente. Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à seize heures cinquante-cinq, est reprise à dix-sept heures.)
M. François-Noël Buffet, président de la commission des lois. Madame la présidente, la commission demande le vote par priorité des amendements identiques nos 4 rectifié bis et 12 rectifié.
Mme la présidente. Je suis donc saisie, par la commission, d’une demande de vote par priorité des amendements identiques nos 4 rectifié bis et 12 rectifié.
Je rappelle que, aux termes de l’article 44, alinéa 6, du règlement du Sénat, lorsqu’elle est demandée par la commission saisie au fond, la priorité est de droit, sauf opposition du Gouvernement.
Quel est donc l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. La parole est à M. Xavier Iacovelli, pour explication de vote.
M. Xavier Iacovelli. Sur la protection de l’enfance, il ne faut pas avoir la main qui tremble : peut-être devrions-nous assumer clairement des positions un peu plus fermes pour garantir l’intérêt supérieur de l’enfant.
Je le répète, un enfant meurt sous les coups de ses parents tous les cinq jours et 160 000 enfants sont victimes chaque année de violences ou d’inceste. Il s’agit d’un sujet de société dont il faut absolument se saisir pour faire primer le droit supérieur de l’enfant.
Pour revenir à notre débat sur la présomption d’innocence, il n’est pas contradictoire de placer la protection de l’enfance en amont de ce principe. C’est même indispensable. La présomption d’innocence n’est pas remise en cause par les amendements de réintroduction de l’article adopté à l’Assemblée nationale – il est important de le rappeler.
Toutefois, dans une volonté de compromis, le groupe RDPI rectifie l’amendement n° 7 de M. Mohamed Soilihi afin de le rendre identique aux amendements nos 4 rectifié bis et 12 rectifié, qui tendent à réintroduire l’alinéa 2, mais non l’alinéa 3.
Mme la présidente. Il s’agit donc de l’amendement n° 7 rectifié, dont le libellé est identique aux amendements nos 4 rectifié bis et 12 rectifié.
La parole est à M. Francis Szpiner, pour explication de vote.
M. Francis Szpiner. Compte tenu de l’intervention du président de la commission des lois, je renonce à prendre la parole, madame la présidente.
Mme la présidente. La parole est à Mme Nathalie Delattre, pour explication de vote.
Mme Nathalie Delattre. Je rectifie également mon amendement n° 3 rectifié bis afin de le rendre identique aux amendements nos 7 rectifié, 4 rectifié bis et 12 rectifié. Ce qui importe, c’est que soit conservé l’alinéa 2, qui est majeur.
En outre, nous nous rapprochons peu à peu de la version de l’Assemblée nationale. Il ne nous restera donc qu’un petit pas à franchir en commission mixte paritaire pour rétablir la rédaction initiale de l’Assemblée nationale.
Mme la présidente. Il s’agit donc de l’amendement n° 3 rectifié ter, dont le libellé est identique aux amendements nos 7 rectifié, 4 rectifié bis et 12 rectifié.
La parole est à Mme Annick Billon, pour explication de vote.
Mme Annick Billon. Tout d’abord, je remercie la rapporteure de son avis favorable à titre personnel et le garde des sceaux de son avis de sagesse et de son accord pour faire voter ces amendements en priorité.
L’amendement n° 1 rectifié ter était un amendement d’appel, l’alinéa 3 étant, nous l’avons bien compris, satisfait, comme l’a montré le travail de la rapporteure.
Ce texte en faveur de la protection des enfants constitue une étape supplémentaire, qui en appellera d’autres. Nous risquons, madame la rapporteure, de vous revoir sur ce banc de nombreuses fois, car les victimes sont, hélas ! très nombreuses.
Nous avons fait, au Sénat, un gros travail avec le garde des sceaux : loi renforçant la lutte contre les violences sexistes et sexuelles en 2018, loi visant à protéger les mineurs des crimes et délits sexuels et de l’inceste en 2021, loi créant une aide universelle d’urgence pour les victimes de violences conjugales de notre collègue Valérie Létard en 2023, plan rouge VIF, défendu la même année par la présidente Dominique Vérien.
Ces textes renforcent la lutte contre les violences intrafamiliales et la protection des enfants, mais nous voyons bien, compte tenu du nombre de victimes mis au jour par le travail de la Ciivise et de son ancien coprésident, le juge Édouard Durand, qu’ils sont insuffisants.
Mme la présidente. La parole est à Mme Laurence Harribey, pour explication de vote.
Mme Laurence Harribey. Je veux bien que nous fassions des pas les uns vers les autres pour nous rapprocher du « mieux que rien du tout », comme l’a dit Mme Delattre, mais renoncer à cette référence aux violences ayant occasionné une ITT de plus de huit jours me semble dangereux. Cela supprime tout un volet de cette proposition de loi.
Nous ne pouvons pas nous inscrire dans ces pas ; nous nous opposons à cette nouvelle rédaction.
Mme la présidente. La parole est à Mme Dominique Vérien, pour explication de vote.
Mme Dominique Vérien. Pour répondre à vos inquiétudes, madame Harribey, je veux vous dire que l’alinéa en question – que, donc, nous ne rétablissons pas - affaiblit en réalité une disposition figurant plus loin dans le texte. Je vous invite à vous mettre à la place d’un juge pour constater par vous-même que cette rédaction ne fonctionne pas vraiment.
Aussi avons-nous supprimé cet alinéa pour que le Sénat puisse voter un texte plus facilement applicable. Je vous prie donc de bien vouloir revoir votre position, car, je vous en assure, nous n’affaiblissons aucunement le texte.
Mme la présidente. Quel est donc, à l’issue de ces prises de parole, l’avis de la commission sur ces quatre amendements identiques ?
Mme Marie Mercier, rapporteur. Madame la présidente, je vous ai donné non pas l’avis de la commission, mais mon avis personnel, en tant que rapporteur, en invitant mes collègues à choisir les amendements que nous nous apprêtons à voter. C’est mon avis – it’s my opinion !
Sinon, la commission émet un avis défavorable sur ces amendements.
Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 3 rectifié ter, 7 rectifié, 4 rectifié bis et 12 rectifié.
J’ai été saisie d’une demande de scrutin public émanant de la commission des lois.
Je rappelle que l’avis de la commission est défavorable et que le Gouvernement s’en remet à la sagesse du Sénat.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
Mme la présidente. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à constater le résultat du scrutin.
(Mmes et MM. les secrétaires constatent le résultat du scrutin.)
Mme la présidente. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 116 :
Nombre de votants | 340 |
Nombre de suffrages exprimés | 277 |
Pour l’adoption | 276 |
Contre | 1 |
Le Sénat a adopté.
En conséquence, l’article 1er est ainsi rédigé et les amendements nos 9, 1 rectifié ter, 2, 13, 10 et 14 n’ont plus d’objet.
Article 2
(Non modifié)
L’article 378 du code civil est ainsi modifié :
1° Le premier alinéa est remplacé par trois alinéas ainsi rédigés :
« En cas de condamnation d’un parent comme auteur, coauteur ou complice d’un crime ou d’une agression sexuelle incestueuse commis sur la personne de son enfant ou d’un crime commis sur la personne de l’autre parent, la juridiction pénale ordonne le retrait total de l’autorité parentale, sauf décision contraire spécialement motivée. Si elle ne décide pas le retrait total de l’autorité parentale, la juridiction ordonne le retrait partiel de l’autorité parentale ou le retrait de l’exercice de l’autorité parentale, sauf décision contraire spécialement motivée.
« En cas de condamnation d’un parent comme auteur, coauteur ou complice d’un délit commis sur la personne de son enfant, autre qu’une agression sexuelle incestueuse, la juridiction pénale se prononce sur le retrait total ou partiel de l’autorité parentale ou sur le retrait de l’exercice de cette autorité.
« En cas de condamnation d’un parent comme auteur, coauteur ou complice d’un délit commis sur la personne de l’autre parent ou comme coauteur ou complice d’un crime ou d’un délit commis par son enfant, la juridiction pénale peut ordonner le retrait total ou partiel de l’autorité parentale ou le retrait de l’exercice de cette autorité. » ;
2° Au début du second alinéa, le mot : « Ce » est remplacé par le mot : « Le ». – (Adopté.)
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Article 2 ter
(Non modifié)
L’article 381 du code civil est ainsi modifié :
1° Le premier alinéa est ainsi modifié :
a) Au début, est ajoutée la mention : « I. – » ;
b) Après le mot : « total », sont insérés les mots : « ou partiel » ;
c) Les mots : « ou d’un retrait de droits » sont supprimés ;
2° Il est ajouté un II ainsi rédigé :
« II. – Lorsque le jugement a prononcé un retrait de l’exercice de l’autorité parentale et des droits de visite et d’hébergement pour l’une des causes prévues à l’article 378, aucune demande au titre de l’article 373-2-13 ne peut être formée moins de six mois après que ce jugement est devenu irrévocable. » – (Adopté.)
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Article 3
(Non modifié)
I. – Le code pénal est ainsi modifié :
1° Les articles 221-5-5, 222-31-2 et 222-48-2 sont abrogés ;
2° et 3° (Supprimés)
4° Le dernier alinéa de l’article 225-4-13 est supprimé ;
5° L’article 227-27-3 est abrogé ;
6° Le titre II du livre II est complété par un chapitre VIII ainsi rédigé :
« CHAPITRE VIII
« Du retrait total ou partiel de l’autorité parentale et du retrait de l’exercice de l’autorité parentale
« Art. 228-1. – I. – En cas de condamnation d’un parent comme auteur, coauteur ou complice d’un crime prévu au présent titre ou d’une agression sexuelle incestueuse commis sur la personne de son enfant ou d’un crime prévu au présent titre commis sur la personne de l’autre parent, la juridiction de jugement ordonne le retrait total de l’autorité parentale, sauf décision contraire spécialement motivée. Si elle ne décide pas le retrait total de l’autorité parentale, la juridiction ordonne le retrait partiel de l’autorité parentale ou le retrait de l’exercice de l’autorité parentale, sauf décision contraire spécialement motivée.
« En cas de condamnation d’un parent comme auteur, coauteur ou complice d’un délit prévu au présent titre commis sur la personne de son enfant, autre qu’une agression sexuelle incestueuse, la juridiction de jugement se prononce sur le retrait total ou partiel de l’autorité parentale ou sur le retrait de l’exercice de cette autorité.
« En cas de condamnation d’un parent comme auteur, coauteur ou complice d’un délit commis prévu au présent titre sur la personne de l’autre parent ou comme coauteur ou complice d’un crime ou d’un délit commis par son enfant, la juridiction de jugement peut ordonner le retrait total ou partiel de l’autorité parentale ou le retrait de l’exercice de cette autorité.
« II. – La décision de la juridiction de jugement est assortie de plein droit de l’exécution provisoire.
« La juridiction de jugement peut aussi se prononcer sur le retrait de cette autorité ou de l’exercice de cette autorité à l’égard des autres enfants du parent condamné.
« Si les poursuites ont lieu devant la cour d’assises, celle-ci statue sur cette question sans l’assistance des jurés. » ;
7° Après le mot : « loi », la fin de l’article 711-1 est ainsi rédigée : « n° … du … visant à mieux protéger et accompagner les enfants victimes et covictimes de violences intrafamiliales, en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française et dans les îles Wallis et Futuna. »
II. – Le code de procédure pénale est ainsi modifié :
1° À l’article 2-25, la référence : « 221-5-5 » est remplacée par la référence : « 221-5-4 » ;
2° À l’article 495-7, la référence : « 222-31-2 » est remplacée par la référence : « 222-31 ».
III. – Au onzième alinéa du 1° de l’article L. 312-3 du code de la sécurité intérieure, la référence : « 222-31-2 » est remplacée par la référence : « 222-31 ». – (Adopté.)
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Article 4
(Non modifié)
Dans un délai d’un an à compter de la promulgation de la présente loi, le Gouvernement remet au Parlement un rapport sur le repérage, la prise en charge et le suivi psychologique des enfants exposés aux violences conjugales ou intrafamiliales et sur les modalités d’accompagnement parental. – (Adopté.)
Mme la présidente. Les autres dispositions de la proposition de loi ne font pas l’objet de la deuxième lecture.
Vote sur l’ensemble
Mme la présidente. Personne ne demande la parole ?…
Je mets aux voix, dans le texte de la commission modifié, l’ensemble de la proposition de loi visant à mieux protéger et accompagner les enfants victimes et covictimes de violences intrafamiliales.
(La proposition de loi est adoptée.)
Mme la présidente. Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-sept heures treize, est reprise à dix-sept heures quinze.)
Mme la présidente. La séance est reprise.
8
Mises au point au sujet de votes
Mme la présidente. La parole est à Mme Isabelle Florennes.
Mme Isabelle Florennes. Madame la présidente, lors du scrutin public n° 115 sur l’ensemble de la proposition de loi portant mesures pour bâtir la société du bien-vieillir en France, mes collègues Daniel Fargeot, Hervé Marseille et Franck Menonville ont été enregistrés comme ne prenant pas part au vote, alors qu’ils souhaitaient voter pour.
Mme la présidente. La parole est à Mme Lauriane Josende.
Mme Lauriane Josende. Madame la présidente, au cours du même scrutin, mes collègues Jean-Pierre Bansard, Mathieu Darnaud, Alain Houpert, Jean-François Husson, Évelyne Renaud-Garabedian, Bruno Rojouan et Jean Pierre Vogel souhaitaient voter pour.
Mme la présidente. Acte est donné de vos mises au point, mes chères collègues. Elles figureront dans l’analyse politique du scrutin concerné.
9
Régime juridique des actions de groupe
Adoption en procédure accélérée d’une proposition de loi dans le texte de la commission modifié
Mme la présidente. L’ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, relative au régime juridique des actions de groupe (proposition n° 420 [2022-2023], texte de la commission n° 272, rapport n° 271).
Dans la discussion générale, la parole est à M. le garde des sceaux, ministre de la justice.
M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice. Madame la présidente, monsieur le président de la commission des lois, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, la politique de protection des consommateurs exige la mise en œuvre de moyens permettant de rechercher et de sanctionner les pratiques ne respectant pas leurs droits.
Au quotidien, la défense de l’intérêt des consommateurs est au cœur de l’activité des agents de la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF), dont je souhaite saluer le travail et l’engagement.
Sur ce sujet, la vigilance et la mobilisation des associations de défense des consommateurs sont également essentielles.
Dans ce combat, la loi du 17 mars 2014 relative à la consommation a marqué une étape importante, puisqu’elle a introduit dans notre droit un dispositif d’action de groupe destiné à traiter les contentieux de masse, créant un modèle « à la française » visant à éviter les travers des class actions américaines.
Par ailleurs, depuis 2014, l’action de groupe a été étendue à d’autres secteurs, en tenant compte des spécificités propres à chacun d’entre eux.
Ainsi, depuis 2016, les associations d’usagers du système de santé agréées ont la possibilité d’intenter des actions de groupe pour les dommages causés par des produits de santé.
Depuis cette même année, l’action de groupe s’applique aussi à la lutte contre les discriminations, à la protection des données personnelles et aux dommages environnementaux.
En 2018, l’action de groupe en matière de consommation a également été étendue aux litiges relatifs à la location de biens immobiliers.
Le panorama actuel de l’action de groupe en droit français est donc complexe : il repose sur une diversité de régimes dont les règles procédurales, les préjudices indemnisables et les modalités de réparation ne sont pas uniformes.
En outre, le bilan des actions de groupe reste décevant.
En effet, seules trente-deux actions ont été intentées depuis 2014, et aucune d’entre elles n’est allée jusqu’au bout de la procédure, qui, pour rappel, est divisée en deux phases : le jugement sur la responsabilité, dans un premier temps, puis l’indemnisation des membres du groupe, dans un second temps. Plusieurs des actions introduites n’ont pas prospéré pour des raisons de recevabilité ; quelques-unes ont débouché sur des accords transactionnels.
Les causes de cette situation ont été bien analysées par les députés Laurence Vichnievsky et Philippe Gosselin dans le rapport qui fut à l’origine de la présente proposition de loi ; je veux saluer leur implication sur ce sujet.
L’action de groupe est un outil qui doit permettre de faciliter l’accès des justiciables à la justice.
Au regard de cet objectif, le Gouvernement partage le constat des auteurs de ce texte quant à la nécessité de lever les obstacles aux actions de groupe, qui sont essentiellement liés à leur complexité.
Il s’agit du reste d’une exigence européenne, qui s’est traduite par la directive du 25 novembre 2020 relative aux actions représentatives visant à protéger les intérêts collectifs des consommateurs. La France, lors des négociations, avait soutenu cette initiative, demandant que l’on introduise des actions de groupe nationales, mais aussi « transfrontières », compte tenu de la taille de certains marchés.
Le Gouvernement soutient donc pleinement la démarche engagée au travers de cette proposition de loi qui vise, d’une part, à rendre l’action de groupe plus accessible et plus efficace et, d’autre part, à transposer pleinement en droit français la directive que je viens d’évoquer.
J’en viens au texte adopté par l’Assemblée nationale en mars 2023, qui réforme profondément cette procédure.
Ce texte prévoit notamment une unification des différents régimes d’action de groupe ; un champ matériel désormais universel, quels que soient les intérêts en vertu desquels l’action est exercée ; une qualité pour agir très largement ouverte ; la désignation de juridictions spécialisées appelées à connaître des actions de groupe ; la création d’une amende civile pour faute dolosive ayant causé des dommages sériels ; la suppression de l’obligation de mise en demeure comme préalable nécessaire avant d’intenter une action.
Lors de son examen par la commission des lois du Sénat, et sur l’initiative de son rapporteur, M. Christophe-André Frassa, dont je salue le travail, plusieurs modifications importantes ont été apportées.
Je pense en particulier à la limitation de la reconnaissance de la qualité pour agir aux seules associations agréées, à la suppression de l’amende civile, à la généralisation d’une mise en demeure obligatoire préalable ainsi qu’à l’application de la loi aux seules actions dont le fait générateur est postérieur à sa publication.
Plusieurs de ces évolutions répondent aux préoccupations du Gouvernement ; je remercie le rapporteur d’en avoir tenu compte dans le cadre de ses travaux.
Je pense notamment au risque de sanctions disproportionnées auquel nous exposerait la création d’une amende civile, danger que souligne le Conseil d’État dans son avis, ainsi qu’à l’encadrement de la qualité pour agir, laquelle est nécessaire si l’on veut s’assurer que les entités qui se lancent dans une action de groupe auront les moyens de la poursuivre tout au long de la procédure – qui peut être longue.
Rendre universel le régime juridique de l’action de groupe implique toutefois d’instaurer des procédures d’agrément dans des domaines qui, pour l’heure, ne sont pas couverts par une telle procédure ; une telle réforme pose, en conséquence, la question de la charge associée à la délivrance desdits agréments.
Concernant l’obligation d’une mise en demeure préalable à toute introduction d’une action de groupe, le Gouvernement est plus réservé, compte tenu du risque associé d’allongement des procédures, sans bénéfice évident. Par ailleurs, la mise en demeure ne paraît pas adaptée aux actions en cessation introduites à l’encontre de pratiques illicites particulièrement préjudiciables aux intérêts des consommateurs ou à leur santé.
Pour ce qui est de l’application de la loi aux seuls faits générateurs postérieurs à sa publication, cette restriction a pour conséquence d’exclure les situations en cours et de priver les victimes des dommages concernés de cette voie de réparation que constitue l’action de groupe.
J’ajoute que cette modification aggrave notre retard dans la transposition de la directive européenne, dont les dispositions sont pourtant applicables depuis le 25 juin 2023.
Toutefois, nul ne peut nier que cette loi aura des incidences sur les équilibres économiques en présence. Ainsi, certains acteurs économiques pourraient être confrontés à des difficultés opérationnelles : je pense notamment aux contrats d’assurance en cours, qui n’ont pas été « calibrés » pour faire face au risque juridique inhérent au nouveau régime de l’action de groupe.
Le Gouvernement s’en remettra donc à la sagesse du Sénat…
M. Christophe-André Frassa, rapporteur de la commission des lois. Proverbiale !
M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. … pour ce qui est de trouver un point d’équilibre garantissant les intérêts des victimes sans fragiliser les acteurs économiques.
Enfin, l’alignement des critères à respecter pour se voir reconnaître la qualité pour agir sur ceux que prévoit la directive européenne, tant en matière d’action nationale qu’en matière d’action transfrontière, permet d’uniformiser les règles applicables.
À cet égard, le Gouvernement se félicite que le texte issu des travaux de la commission emporte, sur l’initiative de son rapporteur, une transposition complète et conforme de la directive.
En effet, la présente proposition de loi exige des associations habilitées qu’elles mettent en place des mesures d’information et de publicité ; elle instaure un contrôle des conflits d’intérêts par le juge ; enfin, elle permet l’introduction d’une action en cessation dans des conditions conformes à celles que la directive instaure.
Voilà en quelques mots, mesdames, messieurs les sénateurs, une synthèse des principales observations du Gouvernement sur le texte que vous avez à examiner aujourd’hui. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI. – Mmes Isabelle Florennes et Nathalie Goulet applaudissent également.)
Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur.
M. Christophe-André Frassa, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale. Madame la présidente, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, garantir aux justiciables une voie de protection efficace de leurs intérêts, tout en préservant les opérateurs économiques d’un risque réputationnel potentiellement dévastateur pour leur activité : tel est le délicat chemin de crête qu’arpente le législateur depuis la création, voilà une décennie, de l’action de groupe.
Le débat sur l’opportunité de son introduction est bien plus ancien ; on peut le dater d’il y a au moins quarante ans…
Malgré son âge, ses termes n’ont pas beaucoup évolué : d’un côté, la protection des droits des justiciables, notamment des consommateurs, implique la mise à leur disposition de voies de droit efficaces leur permettant d’obtenir réparation de préjudices, y compris quand ceux-ci sont d’un faible montant ; de l’autre, notre système judiciaire, auquel incombe la protection de l’activité des opérateurs économiques contre d’éventuelles actions malveillantes visant uniquement à les déstabiliser, nécessite que l’action de groupe « à la française » ne soit pas calquée sur la class action américaine et sur ses dérives.
Ce cadre étant posé, la proposition de loi déposée et rapportée par nos collègues députés Laurence Vichnievsky et Philippe Gosselin se caractérise, à rebours de l’équilibre délicat recherché par le législateur il y a une décennie de cela, par une certaine forme de radicalité assumée.
Partant du constat que l’action de groupe n’a pas tout à fait trouvé son public, ils procèdent ainsi à l’unification de son cadre procédural, mais surtout à un considérable assouplissement de celui-ci.
Il serait déraisonnable d’affirmer que l’action de groupe constitue aujourd’hui une voie procédurale plébiscitée, mais je veux souligner que la prémisse d’un échec de l’action de groupe me paraît contestable.
Certes, seules trente-cinq actions de groupe ont été engagées depuis 2014, et l’inégale qualité des demandes a eu pour effet qu’un certain nombre d’entre elles ont été déclarées irrecevables par le juge.
Pour autant, ce bilan mitigé peut en partie être attribué à la nécessaire phase d’appropriation qu’implique la création d’une telle procédure. Par ailleurs, certaines actions de groupe ont prospéré et permis l’indemnisation d’un préjudice, parfois dans le cadre d’un accord amiable.
Ne partageant manifestement pas cet avis, les auteurs – et rapporteurs pour l’Assemblée nationale – de la proposition de loi ont souhaité encourager le recours aux actions de groupe.
Au-delà de l’unification des sept régimes juridiques actuels en une seule loi-cadre, la relative radicalité du présent texte consiste en un « triple élargissement » procédural : celui du champ de l’action de groupe, tout d’abord, dont est prévue l’universalisation ; celui des préjudices indemnisables, ensuite, également universalisés, alors que certains des régimes sectoriels en vigueur ne prévoient d’indemnisation que pour quelques préjudices spécifiques ; celui de la qualité pour agir, enfin, celle-ci étant très largement ouverte, y compris à des associations représentant un nombre limité de personnes.
Dans la rédaction issue des travaux de l’Assemblée nationale, la position d’équilibre jusqu’à présent recherchée par le législateur semblait donc reléguée aux oubliettes au profit d’une proposition de loi nettement plus radicale, trait renforcé par l’introduction d’une amende civile en cas de faute intentionnelle ayant causé un ou plusieurs dommages à plusieurs personnes physiques ou morales placées dans une situation similaire.
Face à un dispositif qu’elle a jugé quelque peu déséquilibré, la commission s’est en conséquence attachée à retrouver le chemin de crête qui a, jusqu’alors, guidé les pas du législateur.
Les amendements qu’elle a adoptés ont ainsi visé trois objectifs.
Premier objectif : resserrer un cadre juridique excessivement lâche.
Ainsi, tout en acceptant l’universalisation des préjudices indemnisables, mais également, dans son principe, celle du champ de l’action de groupe, la commission a souhaité – je sais que nous y reviendrons lors de la discussion des amendements – circonscrire l’application de cette voie procédurale à son périmètre actuel en ce qui concerne les domaines de la santé et du droit du travail.
Cela a paru nécessaire notamment en matière de santé, en raison du risque réputationnel encouru par des acteurs ne disposant que de peu de moyens de défense. À cet égard, le fait que le droit de la responsabilité ne soit pas modifié est sans importance, puisque le risque qu’emporte l’introduction d’une action de groupe porte non pas tant sur l’engagement indu de la responsabilité que sur le coût procédural et réputationnel qu’une telle action publique ne manque pas d’entraîner.
Surtout, la commission a significativement resserré les conditions d’octroi de la qualité pour agir. Au régime juridique très libéral résultant des travaux de l’Assemblée nationale, qui permettrait à un grand nombre d’acteurs, y compris malveillants, d’agir dans de nombreux domaines, la commission oppose un équilibre différent, fondé sur une capacité à agir élargie à divers domaines, mais réservée à un nombre restreint d’associations présentant toutes les garanties nécessaires.
L’instauration d’un agrément nous a ainsi paru incontournable pour garantir le sérieux et la transparence des personnes ayant qualité pour agir, notamment en matière de prévention des conflits d’intérêts : notre dispositif est peut-être perfectible, mais il me semble largement préférable à une simple attestation sur l’honneur, qui n’a d’autre valeur que celle de l’encre utilisée pour la rédiger.
Deuxième objectif : prévenir les risques juridiques que soulève le dispositif.
Le premier d’entre eux concerne naturellement l’amende civile prévue à l’article 2 undecies, dont le Conseil d’État a justement relevé les difficultés constitutionnelles qu’elle pose. Plus largement, l’opportunité d’insérer une telle disposition dans la loi a paru très douteuse à la commission, qui l’a en conséquence supprimée.
Nous en débattrons certainement dans quelques instants, mes chers collègues ; en tout état de cause, il me semble qu’une telle disposition pose un problème de méthode : l’insertion, presque par effraction, d’une mesure qui modifie très significativement le droit de la responsabilité civile dans un texte de procédure, sans étude d’impact préalable, paraît extrêmement problématique.
Troisième objectif : parachever la transposition de la directive relative aux actions représentatives, pour ce qui est tant de l’action de groupe nationale, et notamment des dispositions qui lui sont applicables en matière de transparence et de solvabilité des personnes ayant qualité pour agir, que de l’action de groupe transfrontière.
Au bénéfice de ces quelques aménagements, la commission a adopté un texte qui présente l’immense avantage – trop rare de nos jours ! – de simplifier effectivement le droit.
Elle n’a néanmoins pas souhaité faire dévier le législateur du chemin de crête qu’il s’est employé à arpenter jusqu’à présent.
Tel qu’il a été modifié par la commission, le texte qui est aujourd’hui soumis à votre examen, mes chers collègues, vise donc à préserver et à garantir un juste équilibre entre la protection des droits des justiciables et la sécurité juridique des opérateurs économiques.
Il est en cela utile pour permettre à l’action de groupe, dont la vocation n’est pas d’être un épiphénomène juridique ni une procédure banalisée, de trouver sa voie. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Nathalie Delattre.
Mme Nathalie Delattre. Madame la présidente, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, la consécration de l’action de groupe en droit français a été tardive.
Son refus a d’ailleurs été plus souvent dogmatique que juridique.
Il s’est tout d’abord agi d’un refus de principe : on lui opposait l’adage suivant lequel « nul ne plaide par procureur ». On a invoqué, ensuite, de prétendus motifs techniques, telle la difficile identification des personnes bénéficiaires de l’action. On a voulu y voir, enfin, une atteinte au principe de l’égalité des armes au cours du procès, en raison de la méconnaissance par le défendeur de l’identité des demandeurs.
Les études sur les résistances du système juridique français à accueillir la class action en son sein sont à présent suffisamment riches et détaillées pour nous faire admettre qu’un tel refus ne saurait continuer d’être opposé à ce mode de recours.
S’il fallait encore nous en convaincre, le droit comparé suffirait en un rien de temps à montrer que certains dogmes n’ont pas fait illusion dans l’esprit du législateur étranger : je pense au modèle américain bien sûr, mais aussi à ceux du Québec, de l’Argentine, du Brésil, du Portugal, de l’Angleterre, ou encore de l’Espagne et de la Suède.
Le législateur français a fini par franchir le cap avec la loi du 17 mars 2014, qui a donc introduit dans notre droit une procédure d’action de groupe.
D’abord trop cantonné, ce mode de recours fut ensuite progressivement enrichi via l’extension des matières dans lesquelles il peut s’appliquer. Citons par exemple la loi du 26 janvier 2016 de modernisation de notre système de santé, qui a introduit l’action de groupe en ce domaine.
Cependant, dix ans après, je rejoins les auteurs du présent texte sur le constat qu’ils ont dressé dans leur rapport de 2020 : le bilan de cette procédure est décevant.
Aussi cette proposition de loi, malgré son caractère aride et technique – mais, après tout, c’est souvent le propre du droit ! –, est-elle indéniablement nécessaire.
Je souscris à l’essentiel de son contenu, car il faut bel et bien unifier dans un seul texte le régime juridique du recours.
Cependant, tout comme j’ai pu souligner, il y a encore quelques jours, à cette même tribune, mon attachement à la lisibilité du droit en tant que rapporteure de la proposition de loi dite Balai III – issue des travaux du bureau d’abrogation des lois anciennes et inutiles –, je reste dubitative face au choix qui a été fait, conformément, certes, à la recommandation du Conseil d’État, de ne pas introduire toutes ces dispositions au sein d’un seul code.
Au-delà de cette remarque, le groupe du RDSE reste favorable à un usage modéré et encadré de la procédure d’action de groupe.
Les raisons d’une telle retenue sont connues, là encore : il est impératif, d’une part, d’éviter toute forme de marchandisation de l’action judiciaire et, d’autre part, de contenir un accroissement excessif du risque judiciaire pour les entreprises.
C’est aussi pour cette raison que nous saluons l’équilibre du texte dont nous débattons.
L’action collective doit être laissée à des associations, afin d’empêcher tout risque de marchandisation, c’est-à-dire de conjurer l’une des dérives observables du modèle américain.
Ce constat justifie également que les associations ayant qualité pour engager une action doivent répondre à certains critères. Nous suivrons donc la position du rapporteur, qui n’a souhaité ouvrir ce mode de recours qu’à des associations soumises à un agrément.
Reste la question de l’amende civile, disposition que proposaient nos collègues députés et que notre commission a souhaité ne pas conserver.
Nous comprenons évidemment le sens et l’opportunité de ce dispositif, s’agissant de sanctionner l’auteur d’un dommage lorsqu’il a délibérément commis une faute en vue d’obtenir un gain ou une économie et lorsque la réparation du préjudice ne suffit pas à neutraliser le profit qu’il a réalisé.
Sur ce point, nous aurions tendance à suivre l’avis émis tant par le Conseil d’État que par notre rapporteur, chacun de son côté ayant exprimé de fortes réserves quant à la création de cette sanction civile, notamment parce qu’elle n’a pas été précédée d’une évaluation approfondie de ses effets dans chacun des domaines concernés.
Pour conclure mon propos, je souhaite évoquer une dernière difficulté qui a trait à l’application de la future loi. Nous avons été alertés par de nombreux professionnels au sujet de l’article 3, qui restreindrait le nouveau régime de l’action de groupe aux seules actions dont le fait générateur de la responsabilité ou le manquement allégué est postérieur à l’entrée en vigueur du présent texte.
Cette disposition pose de véritables difficultés, notamment en matière de discrimination. Nous y reviendrons lors de l’examen des articles, mais je suis convaincue que nous ne pouvons pas laisser le texte en l’état.
C’est pourquoi je défendrai un amendement visant à ce que les justiciables puissent profiter de cette nouvelle procédure sans attendre. J’observe d’ailleurs que le rapporteur a lui aussi…
M. Christophe-André Frassa, rapporteur. … eu la même idée ! (Sourires.)
Mme Nathalie Delattre. … déposé un amendement en ce sens.
Cette remarque étant faite, mes chers collègues, vous aurez compris que notre groupe se prononcera en faveur de ce texte.
Mme la présidente. La parole est à M. Thani Mohamed Soilihi. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
M. Thani Mohamed Soilihi. Madame la présidente, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, comme cela a été rappelé, l’action de groupe, qui a pour objectif de faciliter l’accès au droit des victimes d’un même dommage n’ayant pas toujours la possibilité d’agir seules en justice dans des contentieux souvent techniques, a été introduite en France par la loi du 17 mars 2014 relative à la consommation, dite loi Hamon.
L’action de groupe a ensuite été étendue, en 2016, aux litiges en matière de santé, d’environnement, de protection des données personnelles et de discrimination au travail, puis, en 2018, aux litiges relatifs à la location d’un logement.
Aujourd’hui, comme mes prédécesseurs à cette tribune l’ont rappelé, son champ d’action est limité et, de surcroît, la qualité pour agir n’est ouverte qu’aux seize associations de défense des consommateurs représentatives au niveau national et agréées.
En outre, il faut que les personnes lésées fassent la démarche d’adhérer au groupe pour être indemnisées.
La mission d’information lancée par nos collègues députés Laurence Vichnievsky et Philippe Gosselin en 2020 sur le bilan et les perspectives de l’action de groupe, qui est à l’origine de la présente proposition de loi, a permis de constater, d’une part, que seule une trentaine d’actions de groupe – dont peu ont abouti – ont été engagées en France depuis la création de cette procédure et, d’autre part, qu’il est nécessaire d’en simplifier le régime juridique pour remédier au désintérêt des justiciables.
En France, la réalité n’a rien à voir avec les indemnisations spectaculaires des class actions à l’américaine, qui ont inspiré plusieurs cinéastes – nous avons tous en tête le film Erin Brockovich, seule contre tous de Steven Soderbergh.
Les très fortes contraintes juridiques qui entourent cette procédure dans notre pays semblent avoir eu pour conséquence d’empêcher toute action de groupe, ou presque, de prospérer.
Aussi, et sans tomber dans les dérives que peuvent connaître les États-Unis, il est proposé, par ce texte, de créer un régime juridique unifié des actions de groupe là où existent aujourd’hui sept fondements législatifs correspondant à autant de procédures et de préjudices indemnisables différents.
La présente proposition de loi prévoit également, en toutes matières, d’élargir le champ d’application de l’action de groupe à la cessation d’un manquement ou à la réparation d’un préjudice subi à raison dudit manquement.
Il s’agit par ailleurs d’indemniser tous les préjudices, qu’ils soient corporels, matériels ou moraux, d’ouvrir la qualité pour agir et de maintenir la possibilité de recourir à la médiation pour faciliter l’indemnisation des victimes et favoriser le désengorgement des tribunaux.
Le texte instaure en outre une amende civile susceptible d’être prononcée à l’encontre d’une entreprise en cas de faute dolosive ayant causé des dommages sériels ; son montant pourrait être porté à 3 % du chiffre d’affaires moyen annuel.
Il permettra enfin à la France d’honorer ses obligations européennes en achevant de transposer dans le droit national les dispositions figurant dans la directive du 25 novembre 2020 relative aux actions représentatives, qui visent à protéger les intérêts collectifs des consommateurs et à prévoir, plus particulièrement, une procédure d’action de groupe transfrontière.
La saisine pour avis et les recommandations du Conseil d’État, comme celles de la Défenseure des droits, ont permis de renforcer la proposition de loi initiale déposée à l’Assemblée nationale.
Des aménagements restent malgré tout à effectuer.
À cet égard, je voudrais remercier le rapporteur et saluer le travail réalisé – sur son initiative – par la commission : elle a restreint les conditions de reconnaissance de la qualité pour agir, tenant compte du risque de déstabilisation que la démultiplication du nombre d’acteurs susceptibles d’exercer ce droit, dont on peut imaginer que certains pourraient se révéler malveillants, ferait courir aux opérateurs économiques.
La commission a également supprimé l’amende civile, au sujet de laquelle le Conseil d’État avait émis de fortes réserves.
Malgré des modifications substantielles, notre groupe considère que l’économie du texte est préservée. Dix années après la création de la procédure de l’action de groupe, nous serons vigilants pour que la version issue de nos débats permette une utilisation efficace de ce droit par les justiciables français. C’est la raison pour laquelle nous voterons cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI. – Mme Marie Mercier applaudit également.)
M. François Patriat. Bravo !
Mme la présidente. La parole est à M. Hussein Bourgi. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
M. Hussein Bourgi. Madame la présidente, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, le 17 mars 2014, sur l’initiative de Benoît Hamon, ministre de l’économie sociale et solidaire, le Parlement votait le projet de loi portant création de l’action de groupe à la française. L’objectif de ce dispositif était double : permettre aux victimes de se rassembler pour parler d’une seule et même voix ; permettre aux victimes de faire reconnaître le préjudice subi et de faire valoir leur droit à réparation.
La volonté du législateur était de rééquilibrer une relation contractuelle trop défavorable aux consommateurs.
Cette ambition était plus que louable. Elle était même noble. Pourtant, dix ans après, force est de constater que cette avancée législative n’a, hélas ! pas eu les effets escomptés.
Le législateur de 2014 avait souhaité limiter le champ de l’action de groupe au domaine de la consommation, et ce principalement parce qu’il voulait éviter les écueils et dérives manifestes ayant émergé dans le cadre des class actions en droit anglo-saxon.
Par la suite, le régime de l’action de groupe a lentement évolué : la loi du 18 novembre 2016 l’a étendu aux discriminations au travail, aux questions environnementales et au respect des données personnelles. Puis, en 2018, son champ a été ouvert aux préjudices causés par la location d’un logement.
Pourtant, malgré ces extensions successives, l’action de groupe est restée peu usitée. Depuis sa création, cela a été rappelé, ce droit n’a été activé qu’une trentaine de fois seulement. Six procédures ont débouché sur un résultat positif : dans trois d’entre elles, le défendeur a été déclaré responsable, tandis qu’un accord amiable a pu être trouvé dans les trois autres.
Six procédures qui prospèrent et aboutissent en dix ans, c’est peu ! C’est même trop peu, alors que, dans la même période, nous avons assisté à l’essor exponentiel de la vente par correspondance et des transactions commerciales sur internet, singulièrement pendant la crise sanitaire du covid-19.
Afin de dresser un bilan des premiers pas de l’action de groupe au sein de notre législation, les députés Philippe Gosselin et Laurence Vichnievsky ont rendu, le 11 juin 2020, un rapport exhaustif et précis. Selon nos collègues députés, le caractère relatif du succès des actions de groupe serait dû à de multiples freins.
Tout d’abord, notre droit en la matière serait trop complexe, puisque le régime en question n’a pas été unifié. Ensuite, son champ d’application serait trop restreint. Enfin, le faible nombre d’associations habilitées à agir – une quinzaine seulement – n’aurait pas été de nature à favoriser le recours à ce dispositif.
En vue de surmonter ces écueils, nos collègues rapporteurs émettaient treize recommandations visant à rendre les actions de groupe plus efficaces, plus opérationnelles et, surtout, plus à même de répondre aux besoins des victimes.
C’est sur la base de la transcription juridique de ces propositions que Philippe Gosselin et Laurence Vichnievsky ont déposé le 15 décembre 2022 la proposition de loi que nous examinons aujourd’hui.
Cette initiative parlementaire a ensuite été largement enrichie en première lecture à l’Assemblée nationale. De six articles, le texte est passé à quarante et un articles dans la version qui a été transmise au Sénat.
Cette version, mes chers collègues, était pleinement de nature à nous satisfaire. D’abord, elle simplifiait le droit existant en l’assouplissant. Ensuite, elle créait une action de groupe au régime universel. En outre, elle permettait l’élargissement de la qualité à agir, du champ d’application et du préjudice indemnisable. Elle instaurait par ailleurs une sanction civile en cas de faute intentionnelle de l’entreprise ayant causé des dommages sériels à plusieurs individus. Enfin, elle ouvrait la voie à la spécialisation de tribunaux judiciaires en matière d’action de groupe, choix que nous voyons plutôt d’un bon œil, mais qui nécessitera une vigilance certaine, afin que les juridictions en question soient justement réparties sur le territoire national.
Les associations de consommateurs avaient salué ce texte transpartisan, et la Défenseure des droits, Claire Hédon, s’était réjouie de sa qualité. Le soutien unanime de la société civile et des différents groupes politiques de l’Assemblée nationale n’a cependant pas pleinement convaincu notre rapporteur, que je remercie néanmoins pour la qualité de son travail et pour les nombreuses auditions qu’il a bien voulu organiser.
En effet, lors de nos travaux en commission, il a fait le choix de réduire substantiellement la portée de cette proposition de loi en rigidifiant la procédure de recours aux actions de groupe, tout en restreignant largement la capacité des associations à agir en la matière.
Il a par ailleurs choisi de supprimer la sanction civile réprimant les fautes intentionnelles ayant engendré des dommages sériels, et borné dans le temps l’application de cette loi aux seuls nouveaux litiges, refusant aux actions de groupe déjà en cours la possibilité d’en bénéficier.
Si cette dernière orientation venait à être confirmée ce soir, elle créerait, de fait, un droit à deux vitesses, une anomalie inédite dans notre législation, et un précédent peu souhaitable.
Notre rapporteur a justifié l’ensemble de ses décisions par la volonté de garantir la protection des activités de nos opérateurs économiques.
Je dois dire que ces arguments défensifs ne nous ont pas convaincus. Ils nous ont même déçus, comme ils ont déçu beaucoup d’associations de consommateurs, qui plaçaient de grands espoirs dans nos travaux.
L’expertise d’usage de ces associations aurait pu – aurait dû – nous convaincre toutes et tous de la pertinence de la philosophie du texte issu de l’Assemblée nationale. Si, s’agissant d’appréhender le spectre des abus et des infractions relevant d’une éventuelle action de groupe, nos collègues députés ont ouvert largement le compas, notre rapporteur, quant à lui, a semblé vouloir resserrer et refermer ce compas, au risque de laisser perdurer les insuffisances de la législation actuelle.
L’objectif affiché de cette proposition de loi était de rééquilibrer le rapport de force entre ce que l’on appelle familièrement le pot de terre et le pot de fer. À cet égard, le texte issu de la commission des lois du Sénat semble beaucoup moins ambitieux que nous ne l’aurions souhaité.
Je tiens à rappeler un élément essentiel : une entreprise qui respecte la loi, le droit et tout lien contractuel qu’elle aurait pu nouer n’a absolument rien à craindre d’un élargissement du champ de l’action de groupe.
Mme Nathalie Goulet. Très juste !
M. Hussein Bourgi. Seuls les opérateurs qui se savent délibérément en tort ou potentiellement fautifs portent aujourd’hui un regard désapprobateur ou critique sur cette initiative parlementaire.
À ce stade, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, je souhaite partager avec vous deux observations que je formulerai sous forme de questions.
Si notre législation se fait suffisamment dissuasive et si elle pousse mécaniquement les acteurs économiques à se conduire de manière vertueuse, ne devrions-nous pas nous en féliciter ?
Notre souci principal ne devrait-il pas se trouver dans la défense du consommateur, et dans la capacité de la victime à faire valoir ses droits ?
Pour répondre à ces questions et atteindre ces objectifs, le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain a déposé quatre amendements. Ceux-ci visent principalement à revenir à une rédaction plus volontariste et à une approche plus inclusive et plus ambitieuse de cette proposition de loi, dans la droite ligne du travail produit par nos collègues de l’Assemblée nationale.
Nous avons fait le choix de concentrer principalement nos efforts sur l’habilitation des associations à agir en matière d’action de groupe, ainsi que sur l’application de la présente proposition de loi aux litiges intentés antérieurement à son entrée en vigueur.
Si nous n’avons pas réussi à convaincre notre collègue rapporteur au stade de l’examen du texte en commission des lois, nous formons le vœu que les débats de ce jour nous permettent de converger pour en revenir à la philosophie et à la mouture du texte issu des travaux de l’Assemblée nationale. C’est à l’aune de l’accueil qui sera réservé à nos amendements et à ceux qui ont pour objet de revenir à l’esprit initial de la proposition de loi que les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain décideront de leur vote.
Mes chers collègues, nos travaux ont suscité de l’espoir chez nombre de justiciables et de consommateurs spoliés. Certains vous ont même peut-être écrit pour vous le signifier.
Nous avons aujourd’hui l’occasion d’offrir aux Françaises et aux Français un outil dont ils pourront davantage se saisir pour en tirer tous les bénéfices. Ne les décevons pas ! Il y va de notre responsabilité, et même de notre crédibilité. (Applaudissements sur les travées des groupes SER, CRCE-K et GEST. – Mme Nathalie Goulet applaudit également.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Muriel Jourda. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Muriel Jourda. Madame la présidente, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, je commencerai par expliquer la position du groupe Les Républicains sur ce texte relatif aux actions de groupe. Ces procédures, vous le savez, ne sont pas habituelles dans notre droit ; elles sont issues du droit anglo-saxon, autrement dit de la common law. Elles consistent, pour un groupe de personnes qui ont subi le même préjudice de la part d’une même entreprise, à se pourvoir ensemble en justice contre celle-ci.
Ces actions de groupe ont été consacrées par le droit européen, et le texte qui nous est soumis procède notamment à la transposition d’une directive qui date de 2020 – nous pouvons d’ailleurs remercier notre rapporteur de nous prémunir contre toute surtransposition, ce mal français.
Elles ont été introduites dans notre droit par une loi de 2014, modifiée à plusieurs reprises pour aboutir à la coexistence de sept régimes juridiques correspondant à autant de thématiques distinctes.
Ces procédures ont été peu utilisées en dix ans. Les chiffres varient sur ce point ; ceux dont j’ai eu connaissance ne sont pas tout à fait les mêmes que ceux qui viennent d’être évoqués, lesquels, du reste, diffèrent entre eux… Que l’on retienne un chiffre de trente-deux ou de trente-cinq actions engagées, force est d’admettre en tout cas, sur la foi du rapport du Conseil d’État, que quatre seulement ont donné lieu à un résultat positif.
C’est pourquoi nos collègues de l’Assemblée nationale ont estimé qu’il convenait de modifier les règles qui régissent la mise en œuvre de ces actions de groupe pour permettre un usage plus fréquent de cette procédure. Il faut saluer, bien sûr, comme l’a fait le rapporteur, le travail qui a été fait par nos collègues députés. Toutefois, sur plusieurs points, la commission des lois du Sénat, à laquelle le groupe Les Républicains se ralliera, n’y a pas totalement souscrit.
S’il est un point sur lequel tout le monde s’accorde, en revanche, c’est la simplification procédurale. Dans mes souvenirs, dont – je l’avoue – je n’ai pu vérifier l’exactitude, le professeur Perrot, grand spécialiste de la procédure civile, avait coutume de dire que la procédure est le véhicule du droit. Et, certes, la procédure est censée être totalement neutre dans le droit. Il n’est donc pas normal que le justiciable ait des difficultés à mettre en œuvre une procédure pour des raisons, précisément, de procédure ! Seul le fond du droit devrait être discuté.
Cela étant dit, l’unification du cadre procédural applicable aux différentes actions de groupe paraît tout à fait légitime, et nous suivons bien sûr le rapporteur sur ce point.
La question s’est par ailleurs posée de savoir qui peut engager une telle procédure : qui peut agir ? L’action de groupe peut d’ores et déjà être exercée par un certain nombre d’associations, de groupements. Faut-il élargir la liste ? Rien n’est moins sûr, car il ne faudrait pas déstabiliser un secteur économique en permettant à des entreprises d’agir de façon à déstabiliser un concurrent, tout simplement, soit en instrumentalisant soit en finançant de telles procédures – et le sujet de la transparence financière est aussi un sujet important, nous en reparlerons.
Dans quels domaines l’action de groupe peut-elle trouver à s’appliquer ? Là encore, le rapporteur, de façon assez justifiée, n’a pas voulu élargir outre mesure le champ d’application de ce régime procédural : il en a circonscrit le périmètre.
Pour ce qui est enfin de savoir à quels manquements et à quels litiges doit être ouverte l’action de groupe, nous avons trouvé un accord avec nos collègues de l’Assemblée nationale pour élargir le champ des préjudices qui peuvent être indemnisés.
Notre désaccord le plus important porte, me semble-t-il, sur l’amende civile. Il s’agit en quelque sorte de dommages et intérêts punitifs, qui sanctionnent la faute de celui qui l’a commise, en l’occurrence une entreprise. Cette mesure est controversée depuis fort longtemps, et elle le reste, comme l’ont montré les interventions précédentes, pour son caractère quelque peu hybride.
Les dommages et intérêts, en droit français, ont pour objet d’indemniser la victime, et ils sont calculés en fonction du préjudice, sans égard pour la faute qui l’a causé. Une amende est de manière générale une amende pénale, c’est-à-dire la sanction d’un trouble à l’ordre public, ce qui, pour le coup, est davantage en rapport avec la faute de la victime ; mais elle est touchée non par la victime, mais par l’État, via le Trésor public.
Quant à l’amende civile, ou dommages et intérêts punitifs, elle est hybride : il s’agit de dommages et intérêts qui prennent en compte non pas le préjudice, mais la faute, et qui sont touchés non par la victime, mais par l’État, hors de tout contexte pénal et de tout trouble à l’ordre public. Vous aurez compris qu’une telle notion n’est pas simple à insérer dans notre droit…
C’est donc en vertu d’une certaine sagesse, en l’absence de consensus sur ce point, que l’amende civile a été extraite du présent texte.
Voilà donc – je n’entre pas dans le détail, que nous aborderons plus tard et qui a été largement évoqué par le rapporteur – les raisons générales pour lesquelles le groupe Les Républicains s’apprête à voter pour l’adoption du texte de la commission, sous réserve que le débat d’amendement ne le dénature pas.
Permettez-moi néanmoins, puisqu’il me reste du temps, de vous faire part de quelques réflexions qui m’ont été inspirées non seulement par ce texte, mais également par ce que j’ai entendu de la part des orateurs qui m’ont précédée.
Est-ce vraiment le droit qui nous empêche aujourd’hui de mettre en œuvre des actions de groupe ? Ceux qui ont lu le rapport du Conseil d’État – ils sont quelques-uns dans cet hémicycle – ont pu y lire qu’au Portugal les actions de groupe, bien qu’étant largement admissibles, sont mises en œuvre dans des proportions qui sont très raisonnables, et pas du tout démesurées. J’ai coutume de dire, et je prie ceux qui ont l’habitude de l’entendre de m’excuser, que le droit n’est qu’un outil au service de nos projets – ne l’oublions jamais ! Il doit être une boîte à outils, et celle-ci doit rester bien rangée si l’on ne veut pas se perdre dans ses recoins.
Aussi, je me demande si c’est vraiment la difficulté à satisfaire les conditions d’accès à la procédure de l’action de groupe qui empêche qu’elle soit mise en œuvre. Je pense plus simplement que c’est l’introduction d’un élément de common law, c’est-à-dire de droit anglo-saxon, dans un édifice qui est essentiellement de droit romain, n’obéissant pas aux mêmes règles, qui pose problème. D’ailleurs, je rappelle que le Conseil d’État a déconseillé l’introduction dans un quelconque code des actions de groupe, qui demeureront inscrites dans une loi ad hoc.
Peut-être devrions-nous aussi nous donner un temps de réflexion supplémentaire avant de généraliser dans nos textes un principe tel que l’amende civile. Certes, cette sanction existe déjà en droit français, et elle a été par contamination étendue au droit de la famille et au droit de la concurrence, mais sans réflexion préalable suffisamment approfondie. Nous devons sans doute prendre garde à ne pas fragiliser l’édifice assez bien charpenté qu’est celui de la responsabilité civile.
Enfin, je suis navrée si je choque certains d’entre vous, mes chers collègues, mais nous devrions peut-être réfléchir au temps que nous consacrons à des mesures qui, somme toute, ont un intérêt plus que modéré pour nos concitoyens – quatre actions en dix ans ! Pouvons-nous véritablement penser que c’est d’une préoccupation majeure des Français que nous allons traiter aujourd’hui ? Je n’en suis pas certaine. Après tout, le fait que ces mesures ne comptent pas parmi les priorités des Français nous garantit peut-être, qui sait, une absence de censure de la part du Conseil constitutionnel… (Exclamations ironiques sur les travées du groupe Les Républicains.)
Sous réserve de ces observations, nous voterons ce texte tel qu’il a été amendé par la commission des lois. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Catherine Di Folco. Très bien !
Mme la présidente. La parole est à M. Louis Vogel.
M. Louis Vogel. Madame la présidente, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, l’action de groupe n’est pas une nouveauté. Voilà bientôt dix ans qu’elle est entrée dans notre droit, et avec elle l’ambition de faire de chaque citoyen un procureur privé.
Pour autant, elle n’est pas devenue un réflexe naturel en France, puisqu’il n’y a eu que trente-cinq procédures de ce type qui ont prospéré depuis 2014 – Mme Jourda vient de le rappeler. C’est peu !
Cette réticence s’explique d’abord par le fait que cette action – il faut bien le reconnaître – ne s’inscrit pas dans notre tradition juridique : en France, l’intérêt général est défendu par l’action publique, par le procureur, par l’État, et non par des actions privées.
Ensuite, l’exemple du système américain a fait craindre, chez nous, la multiplication de procédures dilatoires hostiles, mettant à mal les entreprises.
Tout cela est vrai.
Pourtant, l’action de groupe à la française, telle que nous la concevons, a du sens. Elle représente la création réussie d’un équilibre entre l’accès des justiciables à la justice, d’une part, et la protection des défendeurs contre les actions malveillantes, d’autre part.
Elle est utile, indispensable, même, dans ce que l’on appelle les contentieux de masse. Des individus isolés, qui n’ont que de faibles demandes, n’obtiendraient pas justice si l’action de groupe n’existait pas. Ils renonceraient à saisir le juge, parce que le coût de la procédure serait disproportionné. Le regroupement des actions permet de mutualiser la défense des intérêts, mais également d’économiser les moyens de la justice.
Au départ circonscrit aux droits de la concurrence et de la consommation, le champ d’application de cette procédure a été progressivement étendu à d’autres domaines, le droit du travail, les données personnelles. Malheureusement, l’action de groupe, régime juridique en constante évolution, a perdu sa cohérence ; il était temps de la lui rendre.
Ainsi la proposition de loi que nous examinons vise-t-elle notamment à rassembler les différents régimes de l’action de groupe, actuellement disséminés au sein de notre droit. C’est une bonne chose et il fallait en passer par là.
Pour autant, la commission a fait le choix de s’opposer à l’universalisation du dispositif en limitant son champ d’application et en restreignant la qualité pour agir à certaines catégories de demandeurs. Si nous comprenons le besoin de sécurisation juridique, une telle limitation réduit l’efficacité de cet outil. Le nombre d’actions de groupe dans notre pays est relativement faible ; nous n’aurions rien eu à craindre à ouvrir plus largement l’accès à cette procédure. Nous estimons, en d’autres termes, que le législateur aurait pu aller plus loin.
Une action de groupe plus accessible constitue pour nos concitoyens un véritable moyen de mieux faire valoir leurs droits.
Le texte de la commission apporte un certain nombre d’améliorations et des garde-fous sont prévus. Je pense à l’exclusion des préjudices corporels du champ d’application de l’action de groupe, afin que, dans de tels cas, la réparation demeure individualisée, ou à la suppression de l’amende civile, sur laquelle je ne reviens pas : tout cela va dans le bon sens.
Afin de faciliter le recours à l’action de groupe, notre collègue Francis Szpiner propose de l’encadrer plus clairement en autorisant les sociétés de financement à intervenir dans cette procédure. Il y aurait là une garantie contre les actions abusives ; c’est une bonne idée.
Au total, nous sommes en train d’inventer un nouveau régime, propre à notre ordre juridique, de l’action de groupe. Ce nouveau régime représente une véritable innovation et un progrès du droit.
Loin d’encourager les actions abusives, nous veillons à ouvrir la possibilité d’engager une action de groupe dans les domaines où ce droit est indispensable. Bien que technique, cette proposition de loi traite d’un sujet fondamental pour l’évolution de notre société. Les améliorations qu’elle apporte nous paraissent décisives. Aussi le groupe Les Indépendants votera-t-il en faveur de son adoption. (MM. Alain Chatillon et Francis Szpiner applaudissent.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Isabelle Florennes. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
Mme Isabelle Florennes. Madame la présidente, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, souvent nous entendons dire que nous adoptons trop de lois, compliquant toujours davantage la vie des Français. Ne parle-t-on pas d’une passion normative française ?
Seulement, contrairement à ce que l’on pense, cette triste habitude ne remonte pas à des temps récents : Alexis de Tocqueville, au XIXe siècle, s’en plaignait déjà.
Aussi, je tiens à saluer le travail mené à l’Assemblée nationale par nos collègues Laurence Vichnievsky et Philippe Gosselin, qui ont voulu simplifier les règles régissant les actions de groupe afin de rendre cette procédure plus accessible à nos concitoyens. Leur proposition de loi, modifiée, a été adoptée le 8 mars 2023 à l’unanimité.
Entretemps, le 25 juin 2023, la directive européenne relative aux actions représentatives est entrée en vigueur.
C’est dans ce contexte que nous allons examiner aujourd’hui le texte présenté par notre collègue rapporteur Christophe-André Frassa.
J’ajoute, pour être tout à fait exhaustive, que cette proposition de loi vient pour la quatrième fois modifier le texte fondateur en matière d’action de groupe, qui fut adopté en 2014, voilà donc seulement dix ans. Nos collègues avaient-ils donc, à l’époque, manqué d’audace,…
Mme Nathalie Goulet. Oui !
Mme Isabelle Florennes. … ou avaient-ils voulu laisser le soin à leurs successeurs d’apporter à leur texte des modifications susceptibles de renforcer encore les droits des consommateurs français ? Leur crainte, compréhensible au demeurant, était de tomber dans les excès observables aux États-Unis, où la procédure de class action est pratiquée depuis 1966. Il a ainsi été estimé que, pour la seule année 2022, 141 recours collectifs y ont été résolus pour un montant de 4,77 milliards de dollars. Ces chiffres sont à comparer aux trente-deux ou trente-cinq actions de groupe engagées en France depuis 2014. Peu importe cette différence comptable, ce qui en ressort, c’est un bilan plus que décevant.
Par parenthèse, le registre national des actions de groupe, dont le chapitre IV du présent texte prévoit la création, permettra de disposer en la matière d’un décompte exact.
Quoi qu’il en soit, l’exemple de la démesure américaine suscite des craintes qui ont pesé tout au long de nos échanges en commission des lois ; c’est cette appréhension qui explique la teneur des amendements adoptés pour modifier le texte transmis par nos collègues députés.
Nos débats à venir prendront en compte, je l’espère, l’impératif d’ouverture du champ d’application de l’action de groupe, par exemple en élargissant la liste des institutions pouvant prétendre à exercer une telle procédure. C’est ce que propose notre collègue Nathalie Goulet, sous la forme d’un amendement qui tend à accorder ce droit aux syndicats agricoles ; elle aura l’occasion de le présenter.
Le processus de révision du régime des actions de groupe qui a été lancé sous la houlette de nos collègues députés a fait l’objet d’un large consensus politique, traduisant une volonté commune d’instaurer une procédure plus efficace et plus opérationnelle, un régime unifié et universel favorisant l’accès au juge pour tous, notamment les plus faibles, comme l’a souligné M. le garde des sceaux. Je forme le vœu que cet esprit de concorde perdure lors de nos débats et que nous adoptions un texte qui ménage la possibilité d’un compromis en commission mixte paritaire. L’échec de cette future CMP n’est pas souhaitable : il ralentirait l’adoption de mesures utiles pour donner toute leur portée aux actions de groupe, ce qui serait de toute façon regrettable pour nos concitoyens. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Monique de Marco.
Mme Monique de Marco. Madame la présidente, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, « les enfants exposés in utero au valproate présentent un risque élevé de troubles graves du développement et du comportement ». Cette phrase, on peut la lire sur les notices des médicaments qui contiennent du valproate, substance active d’un médicament antiépileptique. Et l’alerte est plus que fondée, car, dès 1984, des recherches médicales ont montré les effets nuisibles de cette substance lorsqu’elle est administrée pendant la grossesse.
Pour autant, le laboratoire Sanofi, qui vend le valproate sous le nom commercial de Dépakine, a attendu pas moins de vingt-deux ans pour mentionner ce risque sur la notice de son médicament !
Faute d’alerte sur les énormes risques associés, la Dépakine a été prise en cours de grossesse. Conséquence : des milliers d’enfants sont nés avec des malformations de leur colonne vertébrale, de leur crâne, de leur cœur. D’autres présentent des symptômes d’autisme ou des troubles d’hyperactivité. Une grande partie de ces victimes s’est jointe à une action de groupe introduite en 2017.
Dès l’année suivante, le fait d’être en âge de procréer est devenu une contre-indication à la prise de Dépakine. Il y avait là une première victoire directement imputable à l’action de groupe. Las ! cette première victoire pourrait rester un cas isolé. En effet, très peu d’actions de groupe ont effectivement été engagées en France ; or, si cette procédure est si rare, c’est parce que les règles qui en encadrent l’exercice sont particulièrement strictes et éloignées des besoins.
Pourtant, elle est susceptible d’améliorer la protection des citoyennes et des citoyens, qui sont trop souvent impuissants face à un acteur dominant comme l’est une grande entreprise.
Comme l’illustre tristement le scandale de la Dépakine, un enfant né avec des malformations peut difficilement traduire un grand laboratoire pharmaceutique en justice. La victime ne dispose guère d’informations sur l’étendue du problème, tandis que l’entreprise peut mobiliser d’importantes ressources pour se défendre.
En permettant aux victimes d’être représentées par un acteur tiers, l’action de groupe améliore l’accès à la justice. Mais cela n’est vrai qu’en théorie : en pratique, cette voie d’accès ne sert pas à grand-chose tant que demeurent les conditions qui la régissent actuellement, qui rendent l’action de groupe impraticable. En France, trente-cinq actions seulement ont été intentées depuis l’introduction de cette procédure dans notre droit en 2014.
Par comparaison, pendant la seule année 2022, pas moins de trente-sept actions de groupe ont été introduites au Portugal, et même quatre-vingt-neuf aux Pays-Bas !
C’est pourquoi nous soutenons, bien évidemment, l’initiative de nos collègues députés Laurence Vichnievsky et Philippe Gosselin, qui vise à faciliter le recours aux actions de groupe.
Pour y parvenir, ils ont prévu dans leur proposition de loi, en premier lieu, de faciliter l’introduction d’une action de groupe, notamment en élargissant la qualité pour agir. En second lieu, ils ont souhaité rendre la procédure plus équitable et plus efficace, par exemple en instituant des tribunaux judiciaires spécialisés en matière d’action de groupe.
Le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires souscrit pleinement à ces propositions, qui ont été améliorées grâce à l’important travail transpartisan mené au Palais-Bourbon.
Afin de lutter contre l’asymétrie entre les grandes entreprises, d’une part, et les citoyennes et citoyens, de l’autre, nous avons déposé une série d’amendements pour aller plus loin encore.
Monsieur le rapporteur, j’ai cependant constaté, avec grand regret, que vous souhaitiez aller dans le sens inverse.
Hormis quelques exceptions notables, comme la création d’une procédure d’action de groupe simplifiée, les amendements adoptés en commission sur votre initiative tendaient à recréer des obstacles aux actions de groupe que le texte initial avait pourtant pour objet de lever.
Ainsi en est-il de l’obligation d’une mise en demeure préalable, que vous avez voulu introduire alors même qu’elle n’est pas systématique dans le droit en vigueur.
Par ailleurs, j’ai entendu dire à plusieurs reprises, sur les travées de la droite, qu’il faudrait éviter une « surtransposition » de la directive européenne de 2020 sur les actions de groupe. Or cette directive n’est qu’un plancher, comme il est d’ailleurs rappelé dans le rapport de M. Frassa : libre aux États membres d’aller plus loin ! C’est le choix qu’ont fait d’autres pays. Au Portugal, le droit d’introduire une action de groupe est même inscrit dans la Constitution. Plutôt que de vous cacher derrière un tel argument, mes chers collègues, assumez ce que vous tentez de faire : créer des obstacles aux actions de groupe afin de protéger les intérêts des grandes entreprises ! Vous vous opposez ainsi à toute amélioration de la situation actuelle, dans laquelle la victime de mauvaises pratiques d’une grande entreprise n’a que peu de chances d’obtenir réparation.
Les actions de groupe permettent d’augmenter ces chances de réparation tout en améliorant la protection des consommatrices et des consommateurs ; nous nous devons donc d’en renforcer le régime juridique. C’est pourquoi le groupe écologiste votera en faveur de ce texte, à la condition qu’il permette, comparé au droit en vigueur, de lever certains obstacles. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)
Mme la présidente. La parole est à M. Éric Bocquet. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K.)
M. Éric Bocquet. Madame la présidente, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, en 2013, l’action de groupe était qualifiée par le ministre de l’économie et des finances d’alors, M. Pierre Moscovici, de « véritable conquête démocratique » ; en même temps, selon lui, il n’était pas question « d’ouvrir la boîte de Pandore et de susciter des comportements de chasseurs de primes ».
Restreinte, à ses origines, au droit de la consommation, la procédure d’action de groupe a été élargie par la loi du 18 novembre 2016 à d’autres matières, telles que l’environnement et la santé. Mais les « garde-fous » visant à éviter « les dérives constatées dans d’autres pays », aux « graves conséquences pour les entreprises » – je cite toujours Pierre Moscovici –, ont dévitalisé cette promesse d’une justice accessible au plus grand nombre.
Le bilan établi par la direction des affaires civiles et du sceau fait apparaître un « défaut d’attractivité » de cette procédure – cela a été rappelé par plusieurs orateurs avant moi –, si bien que seules trente-cinq actions de groupe ont été intentées depuis 2014.
Une seule est parvenue à contourner les méandres procéduraux et à se frayer un chemin jusqu’au juge, qui l’a déclarée recevable : le 5 janvier 2022, celui-ci décidait que le laboratoire Sanofi allait devoir affronter une action de groupe intentée par l’Association d’aide aux parents d’enfants souffrant du syndrome de l’anti-convulsivant, qui représente les victimes du valproate de sodium, ou Dépakine. A été reconnue la légitimité des requérants à vouloir obtenir réparation des malformations et des troubles du neurodéveloppement qu’ils ont subis, effets bien connus par la firme. Sanofi a interjeté appel ; à ce jour, l’incertitude demeure : la première action de groupe à avoir passé l’étape de la première instance sera peut-être la première réelle déception engendrée par une procédure trop complexe depuis ses premiers jours.
Mme Véronique Legrand, maître de conférences à l’université de Caen, nous a rappelé quels freins procéduraux entravent l’exercice de l’action de groupe.
Le juge doit vérifier que les conditions de cette action sont bien remplies : respect des règles de compétences, des délais à agir, du fait que les requérants se trouvent tous dans une situation identique ou similaire, ou encore que les critères de rattachement au groupe sont bien déterminés. À titre d’exemple, la première action de groupe intentée dans notre pays – par l’UFC-Que Choisir à l’encontre de l’administrateur de biens Foncia, en octobre 2014 – a été déclarée irrecevable après presque quatre années de procédure, le 14 mai 2018, par le tribunal de grande instance de Nanterre.
Où est donc passée la souplesse censée être au fondement de cette procédure qui devait, disait-on, satisfaire l’impératif d’accessibilité de la justice ? Le désir de justice s’éloigne, et les brèches sont béantes quand le justiciable, même organisé, s’en prend à plus fort que lui, a fortiori lorsqu’il s’agit d’une multinationale.
Si le législateur a sa part de responsabilité, on constate également une réticence de certaines juridictions à donner droit aux requérants. Soit les cas exemplaires étaient trop peu nombreux aux yeux du juge, alors qu’ils ont pour seule vocation de permettre d’établir le lien juridique qui fonde la « situation similaire » et la mise en cause du défendeur, soit, comme l’explique M. Cédric Musso, directeur de l’action politique de l’UFC-Que Choisir, « le périmètre de la loi a été, via une interprétation restrictive, considérablement réduit », le champ d’application des actions de groupe étant borné aux manquements au droit de la consommation plutôt que d’être élargi à d’autres obligations légales et contractuelles, qui dépassent de beaucoup ces seuls dommages.
Les avancées contenues dans cette proposition de loi, telle que transmise au Sénat, nous convenaient, bien que le texte adopté par nos collègues députés fût imparfait. Or la réécriture à laquelle a procédé notre commission des lois est plutôt de nature à entériner un statu quo.
Nous discuterons des articles, mais plusieurs dispositions sont pour nous rédhibitoires : la restriction de l’intérêt à agir aux seules associations agréées et, marginalement, aux syndicats ; la restriction du champ des actions de groupe en matière de santé et de droit du travail ; la suppression de la sanction civile à la demande du ministère public ; l’application de la loi aux seuls manquements postérieurs à sa promulgation.
Nous ne simulerons pas un pas en avant pour en faire trois en arrière. Nous ne pouvons feindre de consacrer des droits dont nous savons d’emblée qu’ils ne pourront être correctement exercés par les justiciables.
Quoique certaines questions demeurent en suspens, cette proposition de loi détermine plusieurs orientations importantes en matière d’action de groupe. Me Christophe Lèguevaques, avocat au barreau de Paris, les aborde de façon très pertinente. Selon ses propres termes, ce texte « ne remet pas en cause le dogme de l’[inclusion sur demande], refuse les dommages et intérêts punitifs et ne dote pas les demandeurs d’une arme puissante pour rivaliser avec le secret des affaires. Se pose alors la question de savoir si les pouvoirs publics ont conscience que ce texte en demi-teinte affaiblit la place de Paris au bénéfice d’autres capitales européennes qui jouent le jeu d’instaurer une “vraie” [action de groupe] ».
Nous espérons que notre assemblée reviendra sur les reculs opérés par la commission des lois : celle-ci, semble-t-il, souhaite protéger davantage les entreprises que leurs victimes en limitant les indemnisations de masse, le contentieux relatif au droit du travail et l’immixtion des citoyennes et des citoyens lésés dans le système judiciaire. Dans le cas contraire, nous nous abstiendrons.
Il faudra, au cours de la navette parlementaire, continuer de lever les obstacles à cette procédure ; l’Assemblée nationale devra par ailleurs s’occuper du secret des affaires, qui ne saurait entraver le rendu d’une justice équitable. L’action de groupe doit pouvoir aboutir si l’on veut dissuader et faire cesser l’impunité ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K. – M. Hussein Bourgi applaudit également.)
Mme Nathalie Goulet. Bravo !
Mme la présidente. La parole est à Mme Nathalie Goulet. (Mme Nadia Sollogoub applaudit.)
Mme Nathalie Goulet. Madame la présidente, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, à ce stade du débat, tout a été dit, ou presque. Le texte qui nous est proposé fait fond sur le constat d’un rendez-vous manqué ; ses auteurs reconnaissent en même temps que la complexité de la procédure d’action de groupe résulte d’un régime en patchwork qu’il convient d’unifier, ce à quoi ils s’emploient.
Nous avons d’ailleurs – ce n’est peut-être pas un hasard – exactement le même débat sur les lanceurs d’alerte, auquel s’applique également un régime en patchwork.
Le texte qui nous est soumis se veut un mariage de raison entre la proposition de l’Assemblée nationale et la directive européenne sur ce sujet. Je ne veux pas faire le griot, mais j’étais déjà très présente lors des débats préalables à l’adoption de la loi de 2014. De fait, les arguments qui étaient alors invoqués pour s’opposer à l’action de groupe sont toujours utilisés : protéger le secret des affaires et les entreprises, éviter les dérives à l’américaine, etc.
Dans leur ouvrage Économie des actions collectives, Bruno Deffains, Myriam Doriat-Duban et Éric Langlais détaillent les avantages économiques de l’action de groupe, particulièrement adaptée à la « réalité moderne », d’autant que les préjudices se multiplient et que la criminalité devient de plus en plus créative, à l’occasion notamment du développement des réseaux sociaux. Il est des situations où le justiciable a besoin d’engager une telle procédure, qu’il conviendrait de rendre plus facile d’accès et d’assortir d’une meilleure unicité de la réponse judiciaire afin de donner toute leur effectivité aux actions collectives.
C’est en raison des actions judiciaires menées dans les années 1960 et 1970 que la sécurité routière est devenue un enjeu pour les industriels de Detroit. D’un point de vue économique, il est parfois plus intéressant pour un industriel de supporter le risque limité et aléatoire d’une procédure que de rappeler un produit dont il connaît pourtant la dangerosité. En droit français, cela s’appelle la « faute lucrative », mise en lumière dans l’affaire du Mediator, qui a mis bien du temps à être réglée.
Pour lutter contre l’aléa moral, il faut pouvoir faire comprendre à un industriel ou un professionnel cynique que son calcul économique, consistant à privilégier un comportement dolosif parce qu’il sait qu’il n’aura pas à en payer le coût véritable, est vidé de son sens par le risque d’octroi de dommages et intérêts punitifs.
Nous sommes loin du compte ! En effet, la présente proposition de loi ne remet pas en cause certains vices de la loi Hamon et des lois subséquentes, qui imposent une double procédure : une action collective, pour établir le manquement, puis une procédure individuelle, pour liquider les préjudices.
Monsieur le garde des sceaux, quels moyens seront-ils déployés pour tenir le registre public des actions de groupe ? Par ailleurs, quel sort sera-t-il réservé aux actions collectives conjointes qui semblent échapper à l’inscription au registre ?
Certes, l’action de groupe n’a pas trouvé son public, mais la diffusion de l’information est bien réduite et l’accès à cette procédure bien complexe. Si le présent texte transpose la directive européenne, il le fait a minima ; on eût aimé une telle délicatesse de sylphide pour d’autres textes volontiers surtransposés !
Le texte se montre protecteur du secret des affaires en maintenant le régime d’opt-in en matière de charge de la preuve, régime dont vous savez mieux que moi qu’il pose des tas de problèmes. Tel n’est pas le choix qu’ont fait nos amis néerlandais ou portugais, voire québécois – ces derniers chers au cœur des Percherons –, ce qui offre à leurs pays un avantage compétitif indéniable pour attirer vers eux tous les demandeurs d’une action représentative. Le projet de loi manque là une occasion de hisser la place judiciaire française au premier rang des dispositifs européens d’action collective ; c’est vraiment dommage.
Les affaires du Mediator et des prothèses PIP, comme les procès de l’amiante, attestent la nécessité d’une procédure plus rapide : les demandeurs ont succombé depuis longtemps à leur empoisonnement alors que les procédures sont savamment enlisées. Tel est souvent le cas en matière environnementale, ou en matière sanitaire, mais aussi dans des affaires de fraude ou d’évasion fiscale. On sait très bien que les fraudeurs ont, pour se défendre, plus de moyens que la justice.
Décidément, ce texte est une occasion perdue. Il me semble d’ailleurs, monsieur le garde des sceaux, que cet échec est le symptôme d’une philosophie plus globale, au vu du mauvais sort qui vient d’être fait à la proposition de loi sénatoriale encadrant l’intervention des cabinets de conseil privés dans les politiques publiques, largement rabotée par l’Assemblée nationale : c’est un très mauvais signal qui est envoyé dans ces matières qui exigent la plus extrême vigilance, tant pour la défense des contribuables que pour la limitation des conflits d’intérêts ! (Applaudissements sur les travées du groupe UC. – Mmes Agnès Canayer et Sophie Primas applaudissent également.)
Mme la présidente. La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion du texte de la commission.
proposition de loi relative au régime juridique des actions de groupe
TITRE Ier
L’ACTION DE GROUPE
Chapitre Ier
Objet de l’action de groupe, qualité pour agir et introduction de l’instance
Article 1er
Une action de groupe est exercée en justice par un demandeur mentionné à l’article 1er bis pour le compte de plusieurs personnes physiques ou morales, placées dans une situation similaire, résultant d’un même manquement ou d’un manquement de même nature à ses obligations légales ou contractuelles commis par toute personne agissant dans l’exercice ou à l’occasion de son activité professionnelle, par toute personne morale de droit public ou par tout organisme de droit privé chargé de la gestion d’un service public.
L’action de groupe est exercée afin d’obtenir soit la cessation du manquement mentionné au premier alinéa du présent article, soit la réparation des préjudices, quelle qu’en soit la nature, subis du fait de ce manquement, soit la satisfaction de ces deux prétentions.
Mme la présidente. L’amendement n° 25, présenté par Mme M. Vogel, MM. Benarroche, G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mmes Ollivier et Poncet Monge, M. Salmon et Mmes Senée et Souyris, est ainsi libellé :
Alinéa 1
Après le mot :
contractuelles
insérer les mots :
ou au devoir général de prudence ou de vigilance
La parole est à M. Daniel Salmon.
M. Daniel Salmon. Depuis le début de la discussion, nous avons beaucoup entendu dire que cette proposition de loi permettait d’élargir les actions de groupe à tous les domaines ; mais le fait-elle vraiment ?
Certes, l’exercice de l’action de groupe ne serait plus limité à certains domaines, comme c’était le cas dans la loi Hamon, qui avait introduit cette procédure dans notre droit. On demeurerait très loin, néanmoins, de pouvoir en intenter une pour tout préjudice affectant plusieurs personnes. En effet, le texte dispose, en l’état, que le champ des actions de groupe se limite aux seuls préjudices qui résultent d’un manquement à des obligations légales ou contractuelles. Voilà qui ne concerne en réalité qu’une partie des situations où des centaines – voire des milliers – de personnes se trouvent lésées à cause d’un manquement d’une entreprise.
Prenons l’exemple du Mediator, ou celui des organismes de certification de prothèses mammaires. Dans ces affaires, il n’y a pas eu de manquement à des obligations légales ou contractuelles, mais les entreprises ont manqué à leur devoir de vigilance. De même, si Total a été condamné dans l’affaire du naufrage du pétrolier Erika, ce n’est pas parce que l’entreprise avait directement manqué à une obligation légale ou contractuelle, mais parce qu’elle avait manqué de contrôler l’état du navire qui transportait du pétrole pour son compte avant de s’échouer, causant une catastrophe environnementale que tous les Bretons ont subie.
Ce n’est pas pour rien que le code civil dispose que toute personne ayant commis une faute doit réparer le dommage qui en résulte. La jurisprudence a reconnu qu’un manquement au devoir général de prudence ou de vigilance constitue également une telle faute. Au civil, le devoir de réparation n’est donc pas conditionné à la violation d’une quelconque disposition légale ou contractuelle, et pour cause.
Dès lors, dans l’objectif d’améliorer l’accès à la justice, il convient d’élargir le champ de l’action de groupe aux manquements au devoir général de prudence ou de vigilance.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Christophe-André Frassa, rapporteur. Le présent amendement tend à élargir la définition de l’action de groupe aux actions relatives aux manquements au « devoir général de prudence ou de vigilance ».
Je comprends l’intention de ses auteurs, mais ne faisons pas durer davantage le suspense : la commission comme son rapporteur y sont défavorables.
D’une part, nous avons souhaité mieux circonscrire l’universalisation du champ d’application de l’action de groupe. Dès lors, en élargissant la nature des manquements susceptibles de donner lieu à une action de groupe, on irait à rebours de la position de la commission, ce qui me paraît poser des difficultés certaines. L’élargissement proposé est déjà considérable ; il convient donc de procéder avec prudence, afin de ne pas soumettre des opérateurs économiques à un risque réputationnel qui serait indu.
D’autre part, nous nous sommes attachés à aligner la rédaction de la proposition de loi sur le droit en vigueur, afin de ne pas créer d’effets de bord indésirable. Or le droit en vigueur ne contient pas une telle définition. Il nous semble donc préférable de nous en tenir à la rédaction actuelle.
À défaut d’un retrait, l’avis de la commission serait donc défavorable sur cet amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. Votre amendement, monsieur le sénateur, a pour objet d’élargir le champ d’application de l’action de groupe aux manquements au devoir général de prudence ou de vigilance.
À l’évidence, un tel élargissement n’est pas adapté à ce type de recours, comme cela a d’ailleurs été parfaitement expliqué par M. le rapporteur, compte tenu notamment de la difficulté à qualifier ce type de manquements, qui de surcroît s’apprécient dans de très nombreux cas au regard de situations particulières – j’en prends pour exemple le devoir de vigilance du banquier.
Je note avec intérêt que les exemples que vous avez donnés pour motiver votre amendement sont des affaires dans lesquelles une infraction pénale a été retenue. Or une infraction pénale, c’est tout à fait particulier : cela s’assortit d’un certain nombre de critères spécifiques ; nous y reviendrons lors de l’examen d’autres amendements.
Vous comprendrez donc, j’en suis sûr, que le Gouvernement émette un avis défavorable sur cet amendement.
Mme la présidente. Je mets aux voix l’article 1er.
(L’article 1er est adopté.)
Article 1er bis A (nouveau)
I. – Par dérogation à l’article 1er, lorsqu’elle a pour objet un manquement aux obligations légales ou contractuelles résultant du code de la santé publique, l’action de groupe n’est exercée qu’à raison d’un manquement à ses obligations légales ou contractuelles d’un producteur ou d’un fournisseur de l’un des produits mentionnés au II de l’article L. 5311-1 du même code ou d’un prestataire utilisant l’un de ces produits.
II. – Par dérogation à l’article 1er, lorsqu’elle a pour objet un manquement aux obligations légales ou contractuelles résultant du code du travail, l’action de groupe n’est exercée qu’en vue d’établir que plusieurs candidats à un emploi, à un stage ou à une période de formation en entreprise ou plusieurs salariés font l’objet d’une discrimination, directe ou indirecte, fondée sur un même motif figurant parmi ceux mentionnés à l’article L. 1132-1 du code du travail et imputable à un même employeur.
Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements identiques.
L’amendement n° 26 est présenté par Mme M. Vogel, MM. Benarroche, G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mmes Ollivier et Poncet Monge, M. Salmon et Mmes Senée et Souyris.
L’amendement n° 48 est présenté par M. Bocquet et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Guillaume Gontard, pour présenter l’amendement n° 26.
M. Guillaume Gontard. La loi devrait-elle protéger contre les poursuites une entreprise qui a commis un manquement ? Telle est la question que je me suis posée quand la majorité sénatoriale, en commission, a fait adopter cet article, qui a justement pour objet de protéger les entreprises de poursuites dans certains cas.
On vient d’entendre que les actions de groupe devaient être étendues à tous les domaines ; et pourtant, cet article en rendrait au contraire l’exercice impossible pour plusieurs catégories d’affaires.
Ainsi, en matière de santé, l’action de groupe ne pourrait concerner que les producteurs ou fournisseurs de produits de santé, ce qui exclut par exemple toute action de groupe visant à obtenir réparation d’un préjudice de santé environnementale.
De même, en matière du droit du travail, cet article limite les actions de groupe aux seules discriminations à l’embauche, ce qui a pour conséquence de priver bien des travailleuses et des travailleurs de la possibilité d’engager une telle procédure contre leur employeur dans d’autres domaines, comme le temps de travail, le droit à la déconnexion ou encore la lutte contre le harcèlement au travail. C’est ce que regrette d’ailleurs la CFDT, qui note notamment que les actions de groupe seraient plus efficaces en la matière que des actions sérielles devant les conseils de prud’hommes.
Les actions de groupe en ces matières ne sont pas craintes par les organisations syndicales ; bien au contraire, elles sont très demandées. N’oublions pas que l’État vient d’être condamné, voilà à peine deux semaines, pour le fonctionnement défectueux des conseils de prud’hommes, où les délais de jugement sont bien trop longs. Plutôt que de craindre que les actions de groupe en matière de droit du travail privent les prud’hommes de leurs compétences, nous devons veiller à ce que tout le monde ait un accès effectif à la justice, ce à quoi contribuent justement les actions de groupe.
Pour toutes ces raisons, le groupe écologiste demande que l’on supprime ces dérogations.
Mme la présidente. La parole est à M. Éric Bocquet, pour présenter l’amendement n° 48.
M. Éric Bocquet. La principale avancée de cette proposition de loi est d’éviter une liste à la Prévert des matières pouvant faire l’objet d’actions de groupe ; elle ne procède pas non plus, dans sa version initiale, à des restrictions trop importantes qui excluraient des pans entiers du contentieux.
L’article 1er prévoit ainsi qu’une action de groupe peut être légitimement intentée pour le compte de plusieurs personnes placées dans une situation « résultant d’un même manquement ou d’un manquement de même nature » commis par une personne morale de droit public ou privé.
Feignant de s’en accommoder, la commission des lois en a accepté le principe, mais a imposé une double limitation : en matière de droit de la santé, elle cantonne l’action de groupe aux obligations légales et contractuelles des producteurs et fournisseurs de produits de santé ; en matière de droit du travail, elle la restreint aux discriminations à l’emploi.
Cette dévitalisation de deux pans majeurs de l’action de groupe laisse penser que la commission « protège », si je puis dire, les entreprises, en particulier les plus grandes, contre les justiciables lésés par des comportements hautement répréhensibles. La résorption de l’asymétrie des rapports de force, que l’action de groupe a justement vocation à permettre, serait ainsi entravée par l’article 1er bis A.
On relève au surplus une brèche, source d’insécurité juridique, entre cet article et l’article 1er bis, qui détaille les cas dans lesquels les syndicats peuvent engager des actions de groupe. Quel article faut-il croire ? Celui qui limite le champ des actions de groupe à la lutte contre les discriminations ou celui qui ouvre la possibilité d’agir collectivement en matière de protection des données personnelles et pour obtenir la cessation d’un manquement et la réparation de tout dommage causé à des personnes sous l’autorité d’un employeur ?
L’argument qui consiste à déplorer que les syndicats soient dépossédés du contentieux en matière de droit du travail ne résiste pas à l’épreuve des faits, dès lors que ceux-ci sont seuls à pouvoir engager une action de groupe en la matière lorsque les conditions sont réunies.
Le présent article ne répond en réalité qu’à une ambition, dévitaliser la proposition de loi ; aussi en proposons-nous la suppression.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Christophe-André Frassa, rapporteur. Les amendements défendus par nos collègues Guillaume Gontard et Éric Bocquet tendent à supprimer l’article 1er bis A par lequel la commission, qui l’a ajouté dans le texte, a souhaité circonscrire les actions de groupe en matière de santé et de droit du travail à leur champ actuel, à savoir, respectivement, les produits de santé et les discriminations au travail. Cette limitation nous apparaît en effet nécessaire.
Premièrement, en matière de santé, nous avons été alertés quant au très grand risque que pourraient encourir des professionnels de santé disposant de faibles moyens de défense face à des actions de groupe destinées à salir leur réputation.
Entendons-nous bien, mes chers collègues : nous ne remettons pas en cause le champ actuel des actions de groupe en matière de santé. Des affaires telles que celles du Mediator ou des prothèses mammaires PIP, mentionnées par Mme Vogel dans l’exposé des motifs de l’amendement n° 26, pourraient toujours faire l’objet d’actions de groupe. En revanche, nous estimons que le risque réputationnel que pourraient en particulier encourir des professionnels de santé justifie d’exclure ceux-ci du champ de l’action de groupe et d’en rester au champ actuel.
Je souhaite par ailleurs répondre à l’argument parfois avancé consistant à affirmer que, le « fond du droit » de la responsabilité n’étant pas modifié par la proposition de loi, ces changements procéduraux seraient sans effet sur l’engagement de la responsabilité des professionnels de santé. C’est exact, mais c’est oublier que le véritable coût d’une action de groupe est réputationnel : quel patient irait consulter un médecin dont le nom figure injustement au registre des actions de groupe, dont je rappelle qu’il est créé par la présente proposition de loi ? Dans le cas où la responsabilité du professionnel en question ne serait pas reconnue, comment compenser le préjudice ainsi subi ? L’action de groupe « à la française » ne nous paraît pas devoir s’orienter vers ce type de dérives.
Deuxièmement, en matière de droit du travail, il nous a semblé qu’une ouverture indiscriminée du champ d’application de l’action de groupe risquerait en particulier de dessaisir les conseils de prud’hommes de pans non négligeables du contentieux, ce qui serait un effet de bord particulièrement fâcheux de cette réforme, les prud’hommes rendant la justice au plus près des intérêts des salariés et des employeurs.
Il nous a également semblé, comme le rappelle Mme Vogel, que cela risquerait de priver les syndicats du rôle majeur qui leur échoit dans la conduite du dialogue social comme dans l’action contentieuse. L’écosystème des relations de travail, qui repose en particulier sur le rôle des syndicats et sur celui des conseils de prud’hommes, ne me paraît pas devoir être incidemment perturbé par cette réforme.
En conséquence, je demande le retrait de ces amendements identiques ; à défaut, l’avis de la commission serait défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. Ces amendements visent à supprimer l’article 1er bis A, introduit par la commission afin de maintenir le droit en vigueur en matière d’action de groupe dans les deux domaines de la santé et du travail. Ces deux domaines exigent certes qu’un traitement particulier soit réservé au champ de l’action de groupe.
Ainsi, en matière de santé, si le champ de l’action de groupe était étendu, on pourrait voir de telles procédures intentées devant le juge pour des dommages occasionnés par la pratique de professionnels résultant de conditions d’organisation du service ; j’aurais pu évoquer également les domaines de la santé environnementale et de la santé alimentaire. Voilà qui pourrait provoquer – pardonnez-moi de le dire ainsi – une multiplication du contentieux et une instrumentalisation de ces procédures, des effets négatifs étant à craindre, notamment sur l’attractivité des métiers, ou encore sur le renchérissement des primes d’assurance.
Par ailleurs, dans les exemples que vous citez, que ce soit le Mediator ou les prothèses PIP, l’action de groupe est d’ores et déjà possible – autrement dit, ces exemples ne sont pas les bons.
En matière de droit du travail, deuxième matière qui fait l’objet de cet article, et comme cela a été parfaitement dit par M. le rapporteur, l’ouverture indiscriminée du champ de l’action de groupe risquerait de dessaisir les conseils de prud’hommes de pans non négligeables – j’y insiste – du contentieux.
Pour l’ensemble de ces raisons, l’avis du Gouvernement est défavorable sur ces deux amendements identiques.
Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 26 et 48.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
Mme la présidente. Je mets aux voix l’article 1er bis A.
(L’article 1er bis A est adopté.)
Article 1er bis
I. – L’action de groupe est exercée par les associations agréées à cette fin. L’agrément peut être octroyé par l’autorité administrative chargée de sa délivrance à toute association régulièrement déclarée, à but non lucratif, dès lors qu’elle remplit les conditions suivantes :
1° Elle justifie à la date du dépôt de sa demande d’agrément de l’exercice d’une activité effective et publique de douze mois consécutifs en vue de la défense d’intérêts auxquels il a été porté atteinte ;
2° Son objet statutaire comporte la défense d’intérêts auxquels il a été porté atteinte ;
3° Elle ne fait pas l’objet, à la date du dépôt de sa demande d’agrément, d’une procédure collective prévue au livre VI du code de commerce ;
4° (nouveau) Elle est indépendante et n’est pas influencée par des personnes, autres que celles dont elle défend les intérêts, ayant un intérêt économique dans l’introduction d’une action de groupe. Elle a adopté à cette fin des procédures écrites de prévention et de gestion des conflits d’intérêts ;
5° (nouveau) Elle met à disposition du public, par tout moyen approprié, des informations sur son objet statutaire, ses activités, les sources principales de son financement et son organisation.
L’agrément peut être retiré par l’autorité administrative chargée de sa délivrance dès lors qu’elle constate que l’une des conditions prévues au présent I n’est plus remplie.
I bis. – L’action de groupe peut également être exercée par les organisations syndicales représentatives, au sens des articles L. 2122-1, L. 2122-5 ou L. 2122-9 du code du travail ou de l’article L. 221-1 du code général de la fonction publique, et les organisations syndicales représentatives de magistrats de l’ordre judiciaire :
1° En matière de lutte contre les discriminations ;
2° En matière de protection des données personnelles ;
3° Ou lorsqu’elle tend à la cessation du manquement d’un employeur ou à la réparation de dommages causés par ce manquement à plusieurs personnes placées sous l’autorité de cet employeur.
II. – (Non modifié) L’action de groupe peut également être exercée par les entités qualifiées figurant sur la liste dressée par la Commission européenne en application du paragraphe 1 de l’article 5 de la directive (UE) 2020/1828 du Parlement européen et du Conseil du 25 novembre 2020 relative aux actions représentatives visant à protéger les intérêts collectifs des consommateurs et abrogeant la directive 2009/22/CE lorsqu’elle a pour objet de sanctionner des infractions de professionnels aux dispositions du droit de l’Union européenne mentionnées à l’annexe I de la même directive, qui portent atteinte ou risquent de porter atteinte aux intérêts collectifs des consommateurs.
III. – (Non modifié) Le ministère public peut exercer, en qualité de partie principale, l’action de groupe en cessation du manquement.
Il peut également intervenir, en qualité de partie jointe, dans toute action de groupe.
IV. – Les personnes mentionnées aux I à II du présent article qui peuvent exercer une action de groupe en application de l’article 1er peuvent exercer cette action conjointement ou intervenir volontairement à une instance ouverte.
V (nouveau). – Les personnes mentionnées aux I à II du présent article mettent à disposition du public, par tout moyen approprié, des informations sur les actions de groupe qu’elles ont décidé d’engager, l’état d’avancement de celles qu’elles ont engagées ainsi que, pour chacune d’entre elles, leur résultat.
VI (nouveau). – Les personnes remplissant les conditions pour exercer une action de groupe à la date de l’entrée en vigueur de la présente loi conservent cette faculté jusqu’à l’échéance d’un délai de deux ans à compter de celle-ci.
Mme la présidente. Je suis saisie de douze amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 27, présenté par Mme M. Vogel, MM. Benarroche, G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mmes Ollivier et Poncet Monge, M. Salmon et Mmes Senée et Souyris, est ainsi libellé :
I. – Alinéas 1 à 7
Remplacer ces alinéas par cinq alinéas ainsi rédigés :
I. – L’action de groupe peut être exercée par :
1° Les associations agréées ;
2° Les associations régulièrement déclarées depuis deux ans au moins dont l’objet statutaire comporte la défense d’intérêts auxquels il a été porté atteinte ;
3° Les associations régulièrement déclarées agissant pour le compte soit d’au moins cinquante personnes physiques, soit d’au moins cinq personnes morales de droit privé inscrites au registre du commerce et des sociétés depuis au moins deux ans, soit d’au moins cinq collectivités territoriales ou groupements de collectivités se déclarant victimes d’un dommage causé par le défendeur et répondant aux conditions prévues à l’article 1er.
4° Un ou plusieurs avocats représentant les intérêts soit d’au moins cinquante personnes physiques, soit d’au moins cinq personnes morales de droit privé inscrites au registre du commerce et des sociétés depuis au moins deux ans, soit d’au moins cinq collectivités territoriales ou groupements de collectivités se déclarant victimes d’un dommage causé par le défendeur et répondant aux conditions prévues à l’article 1er.
II. – Alinéa 15
Remplacer la première occurrence du mot :
à
par le mot :
et
III. – Alinéas 16 et 17
Supprimer ces alinéas.
La parole est à M. Daniel Salmon.
M. Daniel Salmon. Cet amendement vise avant tout à rétablir l’article 1er bis dans la rédaction adoptée par l’Assemblée nationale. Je voudrais signaler, à ce propos, que ce texte a été voté à l’unanimité par l’Assemblée nationale ; les députés du groupe Les Républicains ont donc voté pour, mes chers collègues…
Nous commençons, avec cet article, l’examen des conditions requises pour avoir qualité pour agir. En d’autres termes, cet article répond à la question suivante : « qui peut introduire une action de groupe ? » Or cette définition est primordiale pour faciliter le recours aux actions de groupe et, par ricochet, l’accès à la justice. Si les conditions encadrant la qualité pour agir sont trop restrictives, il est des cas dans lesquels il risque tout simplement de n’y avoir personne pour introduire une action de groupe. Tel est peut-être l’objectif de certains ; ce n’est pas le nôtre.
C’est pourquoi nous souhaitons revenir sur les restrictions introduites dans le texte par la commission, en ouvrant la qualité pour agir à davantage d’acteurs. Pourrait ainsi exercer une action de groupe toute association déclarée depuis au moins deux ans. De plus – innovation de notre amendement par rapport au texte de l’Assemblée nationale –, une avocate ou un avocat représentant au moins cinquante personnes pourrait également intenter une action de groupe.
Élargir la qualité pour agir est primordial si l’on veut améliorer l’accès à la justice des citoyennes et des citoyens. En aucun cas nous ne devrions conditionner la qualité pour agir à l’obtention d’un quelconque agrément. La perte par Anticor de son agrément aurait dû rappeler à toutes et à tous qu’une telle condition reviendrait à imposer des contraintes importantes aux associations, rendant plus difficile encore qu’auparavant l’accès à l’action de groupe.
Enfin, dans un État de droit, l’élargissement de la qualité pour agir ne devrait représenter aucun problème. L’introduction d’une action de groupe ne saurait en elle-même causer de préjudice aux entreprises mises en cause, car la présomption d’innocence vaut aussi pour cette procédure ; à la justice de décider ensuite s’il y a ou non préjudice. Grâce à notre État de droit, il est tout à fait possible d’élargir la qualité pour agir.
Mme la présidente. Les trois amendements suivants sont identiques.
L’amendement n° 21 rectifié est présenté par M. Bourgi, Mme de La Gontrie, MM. Durain et Chaillou, Mme Harribey, M. Kerrouche, Mmes Linkenheld et Narassiguin, MM. Roiron, Lurel et Kanner, Mmes Artigalas, Bélim, Blatrix Contat et Bonnefoy, M. Bouad, Mmes Briquet, Brossel et Canalès, M. Cardon, Mme Carlotti, M. Chantrel, Mmes Conconne et Conway-Mouret, M. Cozic, Mme Daniel, MM. Darras, Devinaz et Éblé, Mme Espagnac, MM. Fagnen et Féraud, Mme Féret, MM. Fichet, Gillé, Jacquin, Jeansannetas, P. Joly et Jomier, Mmes G. Jourda et Le Houerou, M. Lozach, Mme Lubin, MM. Marie, Mérillou et Michau, Mme Monier, MM. Montaugé, Ouizille et Pla, Mme Poumirol, MM. Raynal et Redon-Sarrazy, Mme S. Robert, M. Ros, Mme Rossignol et MM. Stanzione, Temal, Tissot, Uzenat, M. Vallet, Vayssouze-Faure, M. Weber et Ziane.
L’amendement n° 28 est présenté par Mme M. Vogel, MM. Benarroche, G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mmes Ollivier et Poncet Monge, M. Salmon et Mmes Senée et Souyris.
L’amendement n° 45 est présenté par M. Bocquet et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky.
Ces trois amendements sont ainsi libellés :
I. – Alinéas 1 à 7
Remplacer ces alinéas par quatre alinéas ainsi rédigés :
I. – L’action de groupe peut être exercée par :
1° Les associations agréées ;
2° Les associations régulièrement déclarées depuis deux ans au moins dont l’objet statutaire comporte la défense d’intérêts auxquels il a été porté atteinte ;
3° Les associations régulièrement déclarées agissant pour le compte soit d’au moins cinquante personnes physiques, soit d’au moins cinq personnes morales de droit privé inscrites au registre du commerce et des sociétés depuis au moins deux ans, soit d’au moins cinq collectivités territoriales ou groupements de collectivités se déclarant victimes d’un dommage causé par le défendeur et répondant aux conditions prévues à l’article 1er.
II. – Alinéa 15
Remplacer la première occurrence du mot :
à
par le mot :
et
III. – Alinéas 16 et 17
Supprimer ces alinéas.
La parole est à M. Hussein Bourgi, pour présenter l’amendement n° 21 rectifié.
M. Hussein Bourgi. Cet amendement vise à revenir à l’article 1er bis tel qu’il a été adopté par l’Assemblée nationale.
Nous ne comprenons pas la volonté de notre rapporteur de restreindre, voire d’entraver, la possibilité pour un certain nombre d’organisations d’intenter des actions de groupe. Ce que nous propose notre rapporteur me dérange, parce que les conditions qu’il fixe à l’action des associations sont exorbitantes – et je parle sous le contrôle d’éminents juristes.
On prévoit de telles restrictions alors même que, devant les juridictions pénales, lorsque les associations se constituent partie civile, aux côtés de victimes de discrimination, par exemple, il suffit pour ce faire qu’elles aient cinq ans d’existence et que la lutte contre telle ou telle discrimination soit mentionnée dans leurs statuts comme faisant partie de leur objet.
Je ne comprends donc pas pourquoi notre rapporteur nous propose d’aborder les questions de la place des associations et des conditions d’accès au procès d’une manière si différente de ce qui prévaut actuellement. Les conditions qui sont aujourd’hui proposées par notre rapporteur sont exorbitantes, je le dis : si elles sont retenues, peu d’associations pourront intenter des actions de groupe.
Par ailleurs, monsieur le rapporteur, depuis que nous avons commencé l’examen de ce texte, vous évoquez systématiquement le risque réputationnel ; mais, sur ce point, vous n’arrivez pas à me convaincre.
D’une part, l’invocation du risque réputationnel ne résiste pas à la présomption d’innocence. D’autre part, si des associations ou des organisations venaient, multipliant les procédures, à user et à abuser du droit de l’action de groupe, rien n’empêcherait l’opérateur économique de se retourner contre elles et de leur intenter une action en procédure abusive, afin de faire condamner celles qui se seraient ainsi fourvoyées.
Mme Nathalie Goulet. Mais alors c’est trop tard !
M. Hussein Bourgi. Autrement dit, cet argument ne tient pas la route : on ne saurait nous opposer le risque réputationnel, sinon pour faire en sorte que rien ne change et que les intérêts des opérateurs économiques soient à tout prix préservés.
Mme la présidente. La parole est à M. Guillaume Gontard, pour présenter l’amendement n° 28.
M. Guillaume Gontard. Il s’agit d’un amendement de repli, qui vise à revenir, sans modification, à la version adoptée par l’Assemblée nationale. Notre amendement n° 27 avait quant à lui pour objet de donner qualité pour agir aux avocates et aux avocats.
J’en profite pour faire la remarque suivante. À première vue, on pourrait penser qu’il devrait suffire de reconnaître la qualité pour agir à au moins une association par domaine : ainsi y aurait-il en tout domaine une association pour engager une action de groupe. Ce serait toutefois méconnaître la réalité des faits. En pratique, les capacités des associations sont évidemment limitées : leurs ressources sont loin d’être infinies. Or exercer une action de groupe demande un investissement financier et mobilise des ressources humaines, et ce pendant des années.
Pour aider les associations à introduire des actions de groupe, ce qui relève de l’intérêt général, la Défenseure des droits a d’ailleurs proposé de créer un fonds spécifique. Malgré tout, leurs capacités resteraient limitées.
Ainsi, dans les faits, l’association devra toujours choisir de quel manquement elle se saisit. En d’autres termes, elle sera toujours obligée, pour engager une action de groupe, de refuser d’en intenter d’autres, donc de renoncer à demander la réparation de certains préjudices. Par ricochet, certaines personnes ne pourront jamais bénéficier de l’introduction d’une action de groupe.
Afin de limiter le nombre de tels cas, il est donc important d’ouvrir plus largement la qualité pour agir. Plus il y a d’associations pouvant introduire une action de groupe, moins il y aura de personnes lésées privées d’un accès praticable à la justice.
Pour faire court, élargir la qualité pour agir permet d’améliorer l’accès à la justice.
Mme la présidente. La parole est à M. Éric Bocquet, pour présenter l’amendement n° 45.
M. Éric Bocquet. Après s’être attaquée aux périmètres et aux domaines pouvant faire l’objet d’actions de groupe, la commission des lois s’est employée à réduire drastiquement la liste des organisations ayant qualité à agir, c’est-à-dire des entités pouvant engager des procédures visant à obtenir cessation ou réparation du préjudice subi par plusieurs justiciables.
Aux termes du présent texte, seules les associations agréées et les organisations syndicales représentatives auraient la faculté de déposer une demande d’action de groupe. Exit les associations déclarées depuis deux ans au moins, dont l’objet est la défense d’intérêts spécifiques, c’est-à-dire qui se sont constituées aux seules fins de rassembler la force de plusieurs plaignants ; exit aussi les associations agissant pour au moins cinquante personnes ou cinq collectivités territoriales.
Comprimer la liste des organisations pouvant intenter de telles procédures revient à annihiler les bénéfices de l’élargissement des matières auxquelles est applicable l’action de groupe. Par ce détricotage, l’action de groupe est rendue difficile, voire impossible : elle devient un véritable parcours du combattant.
Pourquoi, à l’inverse, ne conférerait-on pas la faculté de déclencher une action de groupe à deux citoyens qui auraient subi le même préjudice ? Non : il a été convenu qu’il fallait nécessairement en passer par la forme associative, critère de surcroît assorti d’une condition de durée d’existence. Mais voilà qui serait déjà trop, estime-t-on désormais : avec une telle mesure, même ainsi limitée, les entreprises se trouveraient menacées par un trop grand risque de contentieux…
Il faut prendre l’impératif de justice au sérieux, mes chers collègues. Croyez-vous que nos concitoyens engageraient de telles procédures par simple malveillance, comme si réclamer réparation n’était pas long, fastidieux et coûteux ? On ne se présente pas devant le juge par plaisir !
Il faut sortir de cette logique qui voit le justiciable comme une menace au point qu’il faille en passer par un tiers. Faisons sauter les verrous et revenons à la rédaction initiale de ce texte, celle qui, je le rappelle, fut adoptée à l’unanimité par l’Assemblée nationale !
Mme la présidente. L’amendement n° 52, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 1, au début
Insérer les mots :
Sauf dans les cas prévus au II de l’article 1er bis A,
II. – Alinéas 8 à 11
Rédiger ainsi ces alinéas :
I bis. – L’action de groupe peut être exercée par les organisations syndicales représentatives, au sens des articles L. 2122-1, L. 2122-5 ou L. 2122-9 du code du travail ou de l’article L. 221-1 du code général de la fonction publique, et les organisations syndicales représentatives de magistrats de l’ordre judiciaire :
a) en matière de discrimination ;
b) en matière de protection des données personnelles.
Les associations régulièrement déclarées depuis deux ans au moins intervenant dans la lutte contre les discriminations ou œuvrant dans le domaine du handicap peuvent agir pour la défense des intérêts de plusieurs candidats à un emploi ou à un stage.
La parole est à M. le garde des sceaux.
M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. Le Gouvernement souhaite préserver le rôle spécifique des organisations syndicales en matière de représentation et de défense des intérêts des salariés et des agents publics.
En effet, les organisations syndicales sont les mieux placées pour assurer cette défense, étant entendu qu’elles peuvent déjà être en lien avec des associations. La reconnaissance d’un rôle spécifique pour les premières ne remet pas en cause celui des secondes : conformément au droit actuellement en vigueur, les associations pourront intervenir pour défendre les intérêts des candidats à un emploi, à un stage ou à une formation.
En outre, concernant les cas de discrimination à l’égard des candidats, cet amendement vise justement à ouvrir les actions de groupe aux associations régulièrement déclarées depuis deux ans, contre cinq ans actuellement.
L’adoption de cet amendement permettra ainsi de préserver un équilibre des rôles, en garantissant que les organisations syndicales restent centrales pour ce qui est de la défense des salariés et des agents.
Mme la présidente. L’amendement n° 7, présenté par Mme N. Goulet, est ainsi libellé :
Alinéa 5
Après le mot :
personnes
insérer les mots :
physiques, morales ou un État étranger
La parole est à Mme Nathalie Goulet.
Mme Nathalie Goulet. Il s’agit d’un amendement de précision visant à garantir l’indépendance des procédures engagées.
Mme la présidente. L’amendement n° 1 rectifié bis, présenté par Mmes N. Goulet et Billon, MM. Lafon, Bonneau, Bitz, Chasseing et A. Marc, Mme Sollogoub, MM. Canévet et Delcros, Mme Doineau, MM. Chatillon, Wattebled et Maurey et Mmes Devésa, Jacquemet et Romagny, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 10
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
…° En matière de lutte contre la fraude et l’évasion fiscale ;
La parole est à Mme Nathalie Goulet.
Mme Nathalie Goulet. Cet amendement vise à ajouter la lutte contre la fraude et l’évasion fiscale aux matières susceptibles d’une action de groupe.
Il est extrêmement important que les organisations syndicales représentatives puissent agir dans ces domaines qui sont d’une actualité brûlante.
Mme la présidente. L’amendement n° 46, présenté par MM. Savoldelli, Gay, Bocquet et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 10
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
…° En matière de reconnaissance de la subordination définie à l’article L. 8221-6-1 du code du travail ;
La parole est à M. Pascal Savoldelli.
M. Pascal Savoldelli. Voilà, de la part de notre groupe, un amendement simple : il s’agit de permettre aux travailleurs des plateformes, via des collectifs – des syndicats – représentatifs, d’engager des actions de groupe pour faire reconnaître leur lien de subordination et, ainsi, de leur garantir la possibilité de faire requalifier leur statut.
Certes, faute de mieux, les collectifs existants ne représentent pas forcément la diversité de la profession. Pour autant, nous le savons, les travailleurs des plateformes sont livrés à eux-mêmes. Quand l’un d’entre eux, au terme de procédures longues, coûteuses et dissuasives, parvient à faire reconnaître le détournement du statut d’autoentrepreneur, les autres travailleurs sujets aux mêmes conditions ne profitent pas de cet acquis social.
Le contentieux via une action de groupe est possible, depuis peu, en matière de données personnelles : il y a là une réelle avancée. Il faut maintenant aller plus loin. Les travailleurs des plateformes subissant des préjudices similaires ou de même nature doivent pouvoir se coaliser face aux plateformes numériques qui rivalisent d’ingéniosité pour les priver de leurs droits.
Tout le monde ici le sait, les plateformes numériques sont des machines à précarité. Elles ne manquent pas d’avocats et contournent le droit du travail, exploitant chaque brèche.
Le droit, nous pouvons le changer. Nous ne devons pas attendre qu’aboutisse la directive européenne sur les travailleurs des plateformes, texte que, du reste, le Gouvernement ne cesse de bloquer. Les actions de groupe constituent un levier pour permettre aux travailleurs des plateformes de sortir d’une zone de non-droit.
Si nous ne légiférons pas, les décisions favorables aux travailleurs s’accumuleront partout chez nos voisins européens et nous devrons de toute façon y revenir.
Quand le droit ne protège plus, ce n’est plus du droit !
Mme Cathy Apourceau-Poly. Tout à fait !
Mme la présidente. L’amendement n° 47, présenté par M. Bocquet et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 10
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
…° En matière d’infractions boursières ou financières et de fraude ou évasion fiscale ;
La parole est à M. Éric Bocquet.
M. Éric Bocquet. Voici ce que déclarait il y a moins d’un an le ministre délégué chargé des comptes publics, devenu ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse, désormais Premier ministre, Gabriel Attal – le temps passe vite, décidément ! (Mme Sophie Primas rit.) – : « La fraude est un poison lent pour notre pacte social. Chaque fraude fiscale est grave, mais celle des plus puissants est impardonnable. »
La fraude et l’évasion fiscales pénalisent certes les finances publiques et rompent le pacte social, c’est une évidence, mais la fraude fiscale et boursière mine aussi le pacte social dans les entreprises en éludant une partie de la richesse créée ou en sacrifiant l’outil productif à quelques actionnaires au profit d’une valorisation boursière rehaussée. Pour cette raison, nous estimons que les travailleuses et les travailleurs, par l’intermédiaire de leurs représentants, doivent pouvoir entamer une action de groupe pour demander réparation du préjudice subi en cas de fraude financière ou fiscale.
Si le « partage de la valeur » est érigé en priorité par le Gouvernement, il l’est non pas par le biais de revalorisations salariales, mais seulement, par exemple, par l’allocation d’actions gratuites ou de primes. Tout mécanisme de fraude est à cet égard extrêmement préjudiciable.
Le dispositif de partage de la valeur voté l’été dernier suppose une augmentation du résultat sur trois années consécutives. On le sait, ce même résultat net peut être éludé par des fraudes fiscales en tout genre, par exemple par des prix de transfert démesurés : le résultat net se trouve estompé, car artificiellement maquillé, ce qui prive les travailleurs de la valeur qu’ils ont produite.
Il est donc temps de reconnaître que celles et ceux qui sont en première ligne pour créer de la valeur doivent être en première ligne pour en tirer profit. Le profit n’est pas réservé aux actionnaires ! Il doit, sinon ruisseler, du moins bénéficier aux travailleurs via des augmentations de salaires convenables.
Ouvrir les actions de groupe aux syndicats représentatifs d’une entreprise qui lèse ses employés et leur octroyer la qualité à agir en matière de fraude fiscale revient à garantir aux salariés un droit de regard qui est, in fine, un droit salarial.
Mme la présidente. L’amendement n° 8 rectifié ter, présenté par Mme N. Goulet, MM. Menonville, Bonneau, Bitz, Chasseing, A. Marc et Henno, Mme de La Provôté, M. Delcros, Mmes O. Richard, Guidez, N. Delattre, Billon et Herzog, MM. Courtial et Chatillon, Mme Sollogoub, M. Wattebled, Mme Devésa, MM. Duffourg et Pillefer et Mmes Jacquemet et Romagny, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 11
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
…. – L’action de groupe peut également être exercée par les organisations syndicales à vocation générale d’exploitants agricoles et les organisations des pêcheurs et des professions de la mer représentatives satisfaisant aux conditions prévues au I, lorsqu’elle tend à la cessation du manquement ou à la réparation de dommages causés par ce manquement à plusieurs de leurs adhérents.
La parole est à Mme Nathalie Goulet.
Mme Nathalie Goulet. Il s’agit d’étendre la possibilité de l’action de groupe aux organisations syndicales à vocation générale d’exploitation agricole et aux organisations des pêcheurs et des professions de la mer.
La détresse des agriculteurs et la crise que vient de vivre notre pays, qui couvait depuis longtemps, justifient à elles seules cet amendement de bon sens.
Mme la présidente. L’amendement n° 51, présenté par M. Bocquet et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 11
Insérer un paragraphe ainsi rédigé :
…. – L’action de groupe peut également être exercée par un ou plusieurs avocats représentant les intérêts soit d’au moins cinquante personnes physiques, soit d’au moins cinq personnes morales de droit privé inscrites au registre du commerce et des sociétés depuis au moins deux ans, soit d’au moins cinq collectivités territoriales ou groupements de collectivités se déclarant victimes d’un dommage causé par le défendeur et répondant aux conditions prévues à l’article 1er de la présente loi.
La parole est à M. Éric Bocquet.
M. Éric Bocquet. Mes chers collègues, nous avons essayé de vous convaincre de la nécessité de ne pas restreindre la liste des structures qui peuvent se voir reconnaître un intérêt à agir.
Cet amendement de repli vise quant à lui à permettre d’intenter une action de groupe, non pas directement, mais par l’intermédiaire d’un avocat. Vous vous méfiez des collectivités territoriales se regroupant en associations afin de faire valoir leurs droits ; dont acte. Mais pour quelle raison entretiendriez-vous une telle défiance pour cinq collectivités qui engageraient une procédure par l’entremise d’un avocat ?
La suppression de l’article 2 quinquies A relatif aux conditions de représentation des demandeurs par un avocat pose tout de même question sur votre rapport à la profession…
Lors de l’examen des précédents textes encadrant les actions de groupe, l’argument avait été avancé selon lequel les avocats ne sauraient être à la fois parties et défenseurs.
Quand bien même reconnaître la qualité à agir d’un avocat dans le cadre de l’action de groupe lui conférerait la qualité de demandeur au sens de la proposition de loi, il agirait dans l’intérêt des personnes physiques ou morales qui l’auraient mandaté pour ce faire.
L’article 411 du code de procédure civile ne dit pas autre chose : « Le mandat de représentation en justice emporte pouvoir et devoir d’accomplir au nom du mandant les actes de la procédure. » Nous ne saurions assimiler l’avocat à un mercenaire de l’action de groupe, à un « chasseur de primes », pour reprendre les termes cités tout à l’heure.
Enfin, il est nécessaire de rappeler qu’un avocat ne pourrait engager une action de groupe que conformément aux règles déontologiques qui encadrent l’exercice de sa profession, lesquelles constituent, à nos yeux comme aux vôtres, une garantie au bénéfice des justiciables.
Mme la présidente. L’amendement n° 6, présenté par Mmes N. Goulet et Florennes, est ainsi libellé :
Alinéa 16
Supprimer cet alinéa.
La parole est à Mme Nathalie Goulet.
Mme Nathalie Goulet. Cet amendement vise à suivre une recommandation émise par le Conseil d’État dans son avis.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Christophe-André Frassa, rapporteur. Depuis que nous avons commencé l’examen de ce texte, tout le monde me reproche ma mauvaise volonté. (Sourires.)
M. Éric Bocquet. Allons…
M. Christophe-André Frassa, rapporteur. En l’espèce, pourtant, j’ai proposé de supprimer le monopole des syndicats sur certaines actions, et c’est le Gouvernement qui, au travers de l’amendement n° 52, entend le rétablir.
Sur ce point, monsieur le garde des sceaux, je ne peux pas être d’accord avec vous : au contraire, en matière de contentieux du travail, les associations peuvent jouer à jeu égal avec les syndicats. Cela me paraît beaucoup plus sain et beaucoup plus ouvert.
Je sais bien qu’une telle position risque de ne pas plaire à grand monde, la commission proposant une orientation qui va à rebours de ce qui se fait, hélas ! dans ce pays. Reste que rien dans le code du travail ne s’oppose à ce qu’il n’y ait pas de monopole syndical ; je comprends donc mal ce qui justifierait un retour audit monopole.
Pour cette raison, la commission a émis un avis défavorable sur l’amendement n° 52.
L’amendement n° 27, présenté par M. Salmon, tend à restaurer les dispositions adoptées par l’Assemblée nationale relatives à la qualité pour agir et à ouvrir celles-ci aux avocats représentant des intérêts soit d’au moins cinquante personnes physiques, soit d’au moins cinq personnes morales de droit privé inscrites au registre du commerce et des sociétés depuis au moins deux ans, soit d’au moins cinq collectivités territoriales ou groupement de collectivités. Outre qu’elle supprimerait des dispositions de transposition nécessaires, l’adoption de cet amendement reviendrait à ouvrir à l’excès la qualité pour agir.
D’une part, le champ de la qualité pour agir tel que défini à l’Assemblée nationale paraît excessivement large. La commission s’est précisément attachée à restaurer un agrément permettant de garantir le sérieux et de contrôler la transparence des associations qui engageront des actions de groupe. Cette garantie est fondamentale afin d’éviter que des associations créées en peu de temps et représentant peu de personnes n’agissent comme les faux nez d’entreprises cherchant à nuire à leurs concurrents.
D’autre part – et cela me permet de répondre à plusieurs d’entre vous, mes chers collègues –, la commission est défavorable à l’ajout des avocats parmi les personnes ayant qualité pour agir. En procédant à un tel ajout, nous nous approcherions dangereusement du système de la class action à l’américaine (M. le garde des sceaux acquiesce.), auquel nous sommes nombreux à nous opposer et qui ne correspond nullement à notre système juridique : absence de dommages-intérêts punitifs et de procédure de discovery, en particulier. Si l’on veut vraiment s’acheminer vers la class action, autant intégrer dans notre droit l’ensemble des modalités qui lui sont inhérentes ; le cas échéant, ceux-là mêmes qui militent pour la présence d’avocats dans la procédure ne tarderaient pas à déchanter…
Avis défavorable, donc, sur l’amendement n° 27.
Pour les mêmes raisons, la commission a émis un avis défavorable sur les amendements identiques nos 21 rectifié, 28 et 45, qui visent à restaurer l’article 1er bis dans sa rédaction adoptée par l’Assemblée nationale. Elle a en effet estimé nécessaire de mieux encadrer la qualité pour agir.
Depuis le début de l’examen de ce texte, je passe pour le méchant.
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Allons…
M. Christophe-André Frassa, rapporteur. Il en faut toujours un, ma chère collègue, sauf que, méchant, je ne le suis pas.
Vous préféreriez donc des associations constituées le matin même, qui comptent cinq adhérents et auxquelles on demande une attestation sur l’honneur griffonnée sur un bout de papier, dont la seule valeur est celle de l’encre qui a servi à la produire ? (MM. Hussein Bourgi et Daniel Salmon protestent.)
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Quelle nuance, quelle subtilité !
M. Christophe-André Frassa, rapporteur. Il n’y avait pas plus de subtilité dans les propos que j’ai entendus !
Je vous propose d’insérer dans le texte ce qui figure dans la directive européenne elle-même, c’est-à-dire de prévoir l’intervention d’associations dont l’activité et la transparence financière sont publiquement reconnues. Je ne vois là rien d’impossible pour des associations…
J’avoue ne pas comprendre la position de M. Bocquet, qui déplore que seules les associations agréées puissent, aux termes du texte de la commission, introduire une action de groupe. Aujourd’hui, au regard des conditions requises, n’importe quelle association peut recevoir l’agrément !
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Anticor ?
M. Christophe-André Frassa, rapporteur. On leur demanderait simplement d’être transparentes et d’avoir une activité, ce qui, je le répète, n’est quand même pas compliqué pour une association ! Les conditions de sérieux doivent être les mêmes pour tout le monde… Pour ce qui est des actions transfrontières, ce sont les mêmes critères qui seront exigés pour les associations européennes qui intenteront en France une action de groupe.
L’amendement n° 7 de Mme Goulet vise à préciser que les personnes ayant qualité pour agir ne sont pas influencées par des États étrangers. Je comprends l’intention et je la partage, les États étrangers pouvant s’employer à déstabiliser une entreprise par ce moyen. Reste que la commission émet un avis défavorable sur cet amendement, car la disposition dont il est question me semble poser deux difficultés techniques.
D’une part, la commission s’est fondée, pour la rédaction de ce critère qui a trait aux conflits d’intérêts, sur la directive européenne relative aux actions représentatives. En complétant ce critère de la façon proposée par notre collègue, je crains que nous ne procédions à une surtransposition préjudiciable à notre cadre juridique.
D’autre part, je m’interroge sur l’opérationnalité du dispositif : si, dès lors qu’une entreprise d’une autre nationalité, y compris non concurrente de l’entreprise française défenderesse à l’action, finance une association, l’on considère que l’État étranger de résidence de l’entreprise financeuse exerce ainsi une influence, on finira par prévenir tout financement international, ce qui ne me semble pas l’objectif. Cela pourrait même nuire gravement aux actions transfrontières, en infraction aux dispositions de la directive Actions représentatives que cette proposition de loi entend pourtant transposer.
Sur l’amendement n° 51 de M. Bocquet, qui tend à ouvrir aux avocats la qualité pour agir, la commission émet un avis défavorable, pour les raisons que j’ai déjà évoquées. L’octroi aux avocats d’une qualité pour agir me paraît ouvrir à l’excès le champ de l’action de groupe et rapprocher notre système des dérives de la class action.
J’en viens à l’amendement n° 6, qui a pour objet de supprimer l’obligation faite aux personnes ayant qualité pour agir de publier des informations relatives aux actions de groupe qu’elles ont engagées. La commission en demande le retrait ; à défaut, l’avis serait défavorable. L’alinéa 16, que Mme Goulet entend supprimer, vise précisément, conformément à la recommandation du Conseil d’État, à transposer une disposition de la directive européenne.
Sur l’amendement n° 8 rectifié ter, la commission émet un avis favorable.
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Quelle audace ! (Sourires.)
M. Christophe-André Frassa, rapporteur. Quelle audace, en effet ! (Nouveaux sourires.)
Cet amendement tend à inclure les syndicats agricoles et les syndicats de pêcheurs parmi les personnes ayant qualité pour agir.
M. Hussein Bourgi. Vous avez raison !
M. Christophe-André Frassa, rapporteur. N’est-ce pas ?
M. Hussein Bourgi. Il faut maintenant élargir aux autres !
M. Christophe-André Frassa, rapporteur. Il est nécessaire de répondre à la crise que vient de traverser le monde agricole.
Mme Audrey Linkenheld. Il était temps : c’est un premier pas !
M. Hussein Bourgi. Et les pêcheurs ?
M. Christophe-André Frassa, rapporteur. Évidemment : les pêcheurs sont eux aussi concernés.
M. Hussein Bourgi. Y compris en Méditerranée ? (Sourires.)
M. Christophe-André Frassa, rapporteur. Évidemment, mon cher collègue !
Je ne peux émettre qu’un avis défavorable, en revanche, sur l’amendement n° 1 rectifié bis, qui est contraire à la position de la commission ; je comprends néanmoins l’intention de ses auteurs.
D’une part, l’universalisation du champ des actions de groupe implique qu’aucun champ n’en est a priori exclu, comme c’était auparavant le cas. L’on peut en déduire que, dès lors qu’un manquement est commis par toute personne agissant dans l’exercice ou à l’occasion de l’exercice de son activité professionnelle, il pourrait faire l’objet d’une action de groupe, à tout le moins en cessation de manquement, voire en réparation de préjudices, si un préjudice peut être identifié. L’intention de Mme Goulet me paraît donc satisfaite.
D’autre part, le rôle des syndicats est non pas de lutter contre l’évasion fiscale, mais de contribuer au dialogue social dans l’entreprise. Il me semble donc qu’ils ne seraient pas les plus indiqués pour agir en la matière.
Quant à l’amendement n° 46 de M. Savoldelli, son objet est incompatible avec les dispositions de l’article 1er bis A, qui limitent le champ des actions de groupe en matière de droit du travail aux seules discriminations : avis défavorable.
L’avis de la commission est défavorable également sur l’amendement n° 47 de M. Bocquet, pour les mêmes raisons déjà exposées à propos de l’amendement n° 1 rectifié bis, qui ont trait à l’universalisation du champ des actions de groupe.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. Monsieur le rapporteur, nous étions d’accord sur tout. Pour quelle raison vous êtes-vous arrêté en si bon chemin ? (Sourires.)
Je ne suis sans doute pas le plus objectif pour m’exprimer à ce propos, mais je trouve que l’amendement du Gouvernement a du sens. (Nouveaux sourires.) Vous n’en voulez pas, je l’entends ; la démocratie fera son œuvre.
Par ailleurs, j’ai la faiblesse de penser que l’amendement n° 8 rectifié ter de Mme la sénatrice Goulet, qui vise à élargir l’action de groupe aux syndicats agricoles représentatifs, est satisfait. En effet, les articles L. 2122-1, L. 2122-5 et L. 2122-9 du code du travail consacrent d’ores et déjà la possibilité pour les syndicats d’intervenir. Par conséquent, le Gouvernement demande le retrait de cet amendement ; à défaut, l’avis serait défavorable.
Le Gouvernement émet un avis défavorable sur l’ensemble des autres amendements, reprenant en très grande partie à son compte les arguments de la commission. Je précise que la suppression de l’obligation de mise à disposition du public des informations relatives à l’état des actions de groupe engagées ou à venir rendrait incomplète la transposition de la directive UE 2020/1828 du 25 novembre 2020.
Par ailleurs, comme l’a souligné le rapporteur, une trop grande ouverture de la qualité pour agir, notamment aux avocats, risquerait de faire apparaître les mêmes dérives que celles qui sont constatées outre-Atlantique.
Mme la présidente. La parole est à M. Pascal Savoldelli, pour explication de vote.
M. Pascal Savoldelli. J’ai vraiment apprécié l’analyse qu’a exposée le rapporteur lorsqu’il a fait part de sa conception de la vie associative ; je n’ai pas manqué d’y percevoir, toutefois, une légère crainte des citoyens…
J’en viens à la question des droits des travailleurs des plateformes, dont il est question à l’amendement n° 46. Monsieur le rapporteur, vous dites que l’intention est bonne, mais que notre proposition est contraire à l’article 1er bis A. Nous avons voté contre : nous sommes donc cohérents.
À force de dire que les intentions sont bonnes tout en persistant à ne pas y répondre, il ne faut pas s’étonner qu’il finisse par y avoir des crises. Dès lors que les gens ne sont pas respectés et qu’ils ne peuvent pas défendre leurs droits, c’est tout simplement le champ républicain qui leur est refusé.
On est en train d’exclure des dispositions de la proposition de loi les travailleurs des plateformes numériques. Il ne s’agit pas ici de discrimination : ce sont des algorithmes qui déterminent leurs courses, leur niveau de rémunération, leurs conditions de travail. Ces travailleurs sont des victimes ! Dans ces conditions, pourquoi a-t-on si peur de leur donner des moyens pour se battre ?
Nous venons d’apprendre que, grâce à des organisations comme la Ligue des droits de l’homme (LDH) ou la Commission nationale de l’informatique et des libertés (Cnil), les chauffeurs de VTC (véhicules de tourisme avec chauffeur) ont obtenu la condamnation d’Uber à une amende de 10 millions d’euros. Pour rétablir de la justice et de l’égalité, on le voit, il faut bel et bien en passer par des actions de groupe, menées non seulement par des associations qui ont fait leurs preuves, mais aussi par des citoyens et des citoyennes.
Il est temps de comprendre que le modèle économique et le travail ont largement évolué. Il faut que la loi évolue à l’avenant pour que nos concitoyens puissent se saisir de l’outil du droit ; à défaut, on mettra de côté, hors du droit de la société, des centaines de milliers de personnes.
Je pensais sincèrement que l’amendement n° 46 serait adopté et que personne ici n’avait envie de revenir au travail à la tâche ou au travail à la pièce. Une telle vision du droit me paraît franchement anachronique…
Mme la présidente. La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour explication de vote.
Mme Nathalie Goulet. Madame la présidente, tout d’abord, je retire les amendements nos 7 et 6.
Je souhaite dire quelques mots supplémentaires, ensuite, sur l’amendement n° 8 rectifié ter, qui a reçu un avis favorable de la commission. Il s’agit d’un amendement de précision, les dispositions du code du travail et du code général de la fonction publique visées à l’alinéa 8 de l’article 1er bis, dont je vous épargne la lecture, ne correspondant pas exactement – et même pas du tout – à la situation dans laquelle se trouvent le secteur agricole et celui de la pêche.
Sur l’amendement n° 1 rectifié bis, relatif à la lutte contre la fraude et l’évasion fiscale, je ne saurais partager l’avis du rapporteur, qui nous explique que les syndicats ne sont pas là pour mener une telle lutte. En la matière, certains syndicats jouent le rôle de lanceurs d’alerte, et c’est bien heureux.
Je précise que le groupe Lactalis est depuis quelques heures sous le coup d’une enquête pour fraude fiscale aggravée ; certes présumé innocent, il est soupçonné d’avoir détourné des sommes extrêmement importantes au profit de ses filiales au Luxembourg et en Belgique.
Au moment où les producteurs de lait sont dans une détresse invraisemblable, j’ose imaginer que les syndicats agricoles et ceux qui représentent les salariés de Lactalis sont totalement fondés à engager des actions de ce genre.
La fraude et l’évasion fiscale doivent absolument être ajoutées au dispositif, car c’est le rôle des syndicats que de conduire pareilles actions.
Mme la présidente. Les amendements nos 7 et 6 sont retirés.
La parole est à Mme Sophie Primas, pour explication de vote.
Mme Sophie Primas. Je suivrai évidemment l’avis du rapporteur, mais j’ai une sympathie forte pour l’amendement n° 46 de M. Savoldelli : ce qui se passe en matière de droit du travail pour ce qui concerne les plateformes, qui reposent sur le travail précaire, est absolument inadmissible.
Je pense néanmoins que le sujet est beaucoup plus vaste que le seul problème de l’action de groupe. Et je sais que notre collègue Frédérique Puissat travaille à une proposition de loi qui engloberait l’ensemble des questions relatives aux droits des travailleurs des plateformes. Je sais aussi que l’Europe est en train de travailler sur un règlement – il n’est que temps ! Ce sujet est de la plus haute importance et il est susceptible de faire consensus entre nous, tant la situation est dégradée pour ces travailleurs.
Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 21 rectifié, 28 et 45.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 1 rectifié bis.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Mme la présidente. Je mets aux voix l’article 1er bis, modifié.
(L’article 1er bis est adopté.)
Article 1er ter
(Supprimé)
Après l’article 1er ter
Mme la présidente. L’amendement n° 23 rectifié bis, présenté par MM. Szpiner, Rapin et Klinger, Mme Jacquemet, M. Somon, Mmes Ciuntu et Billon, M. Bouchet, Mmes Muller-Bronn et Richer, MM. Courtial et Bonhomme, Mme Romagny, MM. Henno et Hugonet, Mme Dumas, M. Daubresse, Mmes Belrhiti, Estrosi Sassone et Dumont, MM. Hingray et Brisson, Mmes Valente Le Hir, Di Folco et Joseph, M. Pellevat et Mme Canayer, est ainsi libellé :
Après l’article 1er ter
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Les personnes mentionnées aux I à II de l’article 1er bis peuvent recevoir des fonds de tiers, à la seule fin de soutenir l’exercice d’actions de groupe en réparation des préjudices, sous réserve que ce financement n’ait ni pour objet ni pour effet l’exercice par le tiers d’une influence sur l’introduction ou la conduite d’actions de groupe susceptible de porter atteinte à l’intérêt de personnes représentées.
La parole est à M. Francis Szpiner.
M. Francis Szpiner. Il apparaît souhaitable que les sociétés de financement puissent participer aux actions de groupe.
Tout d’abord, cela nous mettrait à égalité avec un certain nombre de consommateurs en Europe qui bénéficient de cette possibilité. Ensuite, s’agissant de procédures complexes et coûteuses, ces sociétés de financement peuvent mobiliser des moyens que les particuliers, ou même certaines associations, n’ont pas. Enfin, étant à but lucratif, elles ne se lancent généralement pas dans des procès à l’aveuglette : elles trouvent leur intérêt dans ces procédures.
Mme la présidente. Le sous-amendement n° 24, présenté par Mme N. Goulet, est ainsi libellé :
Amendement n° 23
Compléter cet amendement par une phrase ainsi rédigée :
Ce financement par des tiers fait l’objet d’une publication dans des conditions fixées par décret.
La parole est à Mme Nathalie Goulet.
Mme Nathalie Goulet. Ce sous-amendement vise à compléter l’excellent amendement de Francis Szpiner en précisant que le financement par des tiers fera l’objet d’une publication dans des conditions fixées par décret. Il est bon que des financements puissent être mobilisés, mais ils doivent s’assortir de toute la transparence nécessaire : c’est un sous-amendement de bon sens.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Christophe-André Frassa, rapporteur. L’amendement de Francis Szpiner a pour objet de prévoir explicitement que les personnes qui ont qualité pour agir peuvent recevoir des fonds de tiers tendant à financer l’exercice d’actions de groupe. La commission, lors de l’établissement de son texte, a débattu de ce sujet particulièrement épineux, celui du financement des actions de groupe.
Tout en étant très favorable, dans son principe, à cet amendement, je relève qu’il se borne à énoncer une disposition que l’on pourrait qualifier d’interprétative. La commission a donc choisi de s’en remettre à la sagesse du Sénat – mais, je le répète, à titre personnel, j’y suis très favorable.
Le sous-amendement de Mme Goulet, quant à lui, vise à prévoir la publicité du financement par des tiers. Mais l’amendement n° 23 rectifié bis comporte déjà des garanties en matière de prévention des conflits d’intérêts. Du reste, les dispositions relatives à la prévention des conflits d’intérêts prévues par l’article 1er quater AA me paraissent suffisantes.
La commission demande donc le retrait de ce sous-amendement ; à défaut, l’avis serait défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. Je comprends que l’on veuille permettre un financement des actions de groupe par des tiers ; reste que cette possibilité est source de quelques difficultés.
En pratique, il sera extrêmement difficile de contrôler si le financement a pour objet ou pour effet de créer une situation de conflit d’intérêts. Comment le juge pourra-t-il déterminer si le financement a pour objet ou pour effet d’influencer l’action de groupe ? Selon quels critères ? Devra-t-il se livrer à une appréciation in abstracto ou in concreto ?
Par ailleurs, un financement qui n’est a priori constitutif d’aucun conflit d’intérêts peut se révéler par la suite être la source d’un tel conflit. Prenons l’exemple d’une société commerciale qui finance une action de groupe sans compter elle-même parmi les victimes. Si l’un de ses concurrents vient à adhérer au groupe de victimes, un conflit d’intérêts apparaîtra de manière évidente, le bailleur de fonds se retrouvant à financer une action au bénéfice de son concurrent.
Enfin, l’absence de sanctions attachées au non-respect de cette obligation lui fait perdre son efficacité juridique.
Cela dit, cet amendement me paraît intéressant. Je ne veux pas inonder son auteur d’un flot d’éloges : vous en avez eu votre compte il y a quelques instants, monsieur le sénateur, et il faut en garder pour l’avenir. (Sourires.) Je m’en remettrai donc, sur cet amendement comme sur le sous-amendement déposé et présenté par Mme la sénatrice Goulet, à la sagesse du Sénat.
Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 23 rectifié bis, modifié.
(L’amendement est adopté.)
Mme la présidente. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans la proposition de loi, après l’article 1er ter.
Article 1er quater AA (nouveau)
Le demandeur à une action de groupe en réparation des préjudices veille, en tout état de la procédure, à ne pas se placer en situation de conflit d’intérêts et à préserver l’exercice de l’action de groupe qu’il engage de l’influence d’un tiers à l’instance susceptible de porter atteinte à l’intérêt des personnes représentées.
Lorsqu’elle constate que le demandeur à une action de groupe en réparation des préjudices ne satisfait pas à l’obligation prévue au premier alinéa, l’autorité administrative mentionnée au I de l’article 1er bis peut, après avoir invité le demandeur à présenter des observations écrites, retirer son agrément.
Lorsque le juge estime incertain le respect par le demandeur à une action de groupe en réparation des préjudices de l’obligation prévue au premier alinéa du présent article, il peut enjoindre au demandeur de produire un aperçu financier énumérant les sources des fonds utilisés pour soutenir l’action. Lorsqu’il constate que le demandeur à une action de groupe en réparation des préjudices ne satisfait pas à l’obligation prévue au même premier alinéa, il peut déclarer l’action irrecevable et refuser l’homologation de tout accord entre les parties.
Mme la présidente. L’amendement n° 3, présenté par Mme N. Goulet, est ainsi libellé :
Alinéa 1
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
À cette fin, il joint une déclaration d’intérêts selon des modalités fixées par décret.
La parole est à Mme Nathalie Goulet.
Mme Nathalie Goulet. Ce texte contient beaucoup de mesures à visée déclarative, mais, j’ai eu beau chercher, les modalités de la déclaration d’intérêts n’y sont pas assez précisées, comme c’est le cas, d’ailleurs, dans la directive : le traitement de cette question me paraît un peu faible.
Si vous m’y autorisez, madame la présidente, je présenterai dans le même mouvement mon amendement n° 2.
Mme la présidente. J’appelle donc en discussion l’amendement n° 2, présenté par Mme N. Goulet, et ainsi libellé :
Après l’alinéa 1
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
Il justifie dès l’introduction de l’action de sa situation à l’égard de l’administration fiscale.
Veuillez poursuivre, ma chère collègue.
Mme Nathalie Goulet. Cet amendement a pour objet de prévoir que le demandeur justifie, dès l’introduction de son action, de sa situation à l’égard de l’administration fiscale.
Nous avons parlé d’actions qui pourraient être dolosives ou, en tous les cas, nuire à la concurrence. Il est donc important de savoir dans quelle situation fiscale est le demandeur, s’il est en règle avec l’administration fiscale. Cela fait partie des choses qui doivent pouvoir être demandées dans le cadre de la procédure afin de s’assurer que les actions de groupe engagées ne le sont pas uniquement dans un but différent de celui qui est allégué.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Christophe-André Frassa, rapporteur. Comme on dit en bon français : spoiler alert ! Pour parler comme nos amis québécois, je vais faire du divulgâchis, car ces deux amendements m’obligent à parler de l’amendement n° 53 du Gouvernement, dont l’examen suivra immédiatement et sur lequel je m’apprête à émettre un avis favorable.
Madame Goulet, l’avis de la commission est défavorable sur vos deux amendements.
Si la rigueur juridique de l’alinéa 3 est bel et bien perfectible, l’amendement n° 3 ne paraît pas présenter de garanties supérieures, puisque les intérêts en question n’y sont pas précisément définis. Vous souhaitez prévoir la production d’un aperçu financier, mais votre intention, ma chère collègue, est satisfaite par l’amendement du Gouvernement, dont l’objet est d’autoriser le juge à enjoindre au demandeur de produire les pièces justifiant qu’il n’y a pas de conflit d’intérêts et énumérant les fonds destinés à soutenir l’action. La commission a donc émis un avis défavorable sur l’amendement n° 3.
Pour ce qui est de l’amendement n° 2, si, là encore, je comprends l’intention de son auteure, je peine à saisir son utilité pour la prévention des conflits d’intérêts, car une attestation de régularité fiscale ne saurait tenir lieu de preuve de solvabilité : le fisc se sert quoi qu’il advienne et, solvable ou non, l’on doit s’acquitter de ses impôts. Le demandeur ne sera donc pas réputé solvable du moment que le fisc aura prélevé les impôts. Du reste, la solvabilité est déjà garantie par le critère posé au 3° du I de l’article 1er bis.
Avis défavorable également sur l’amendement n° 2.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. L’amendement n° 3 vise à exiger du demandeur qu’il joigne à son action en justice une déclaration d’intérêts. Le Gouvernement partage évidemment votre objectif, madame la sénatrice. Il est nécessaire – vous l’avez dit vous-même – de clarifier et de faciliter le rôle du juge quant à la prévention des conflits d’intérêts des demandeurs aux actions de groupe. Il s’agit d’ailleurs d’une obligation fixée par la directive, et le Gouvernement a lui aussi déposé un amendement en ce sens.
Néanmoins, l’obligation de joindre à la demande une déclaration d’intérêts complexifierait inutilement l’engagement d’une action de groupe. Elle porte intrinsèquement en elle les risques de susciter du contentieux en cas d’allégation de faux, de reporter la charge de la preuve d’un éventuel conflit d’intérêts sur le défendeur et d’allonger la procédure en mêlant les voies civiles et les voies pénales. Par ailleurs, elle n’est pas de nature à contribuer à un véritable contrôle de l’absence de conflits d’intérêts, puisqu’il s’agit, par définition, d’une simple déclaration.
Pour toutes ces raisons, madame la sénatrice, je vous demande de bien vouloir retirer votre amendement au profit de celui du Gouvernement.
Quant à l’amendement n° 2, il vise à contraindre le demandeur à justifier de sa situation fiscale lors de l’introduction de l’action de groupe. Je comprends parfaitement votre objectif, madame la sénatrice ; pour autant, l’instauration d’une telle obligation constituerait une surtransposition de la directive.
J’y suis défavorable, pour plusieurs raisons.
Il s’agit d’une condition inutile, car la régularité de la situation fiscale ne conditionne aucunement le bien-fondé de l’action.
En outre, les dérives des actions de groupe que vous évoquez ne sont pas liées à la situation fiscale du demandeur.
Par ailleurs, cette obligation serait source d’insécurité juridique, puisque la sanction de son non-respect n’est pas précisée.
En tout état de cause, il n’apparaît pas pertinent de conditionner la recevabilité d’une action à la régularité de la situation fiscale du demandeur.
Enfin, le juge a toujours la possibilité d’enjoindre aux parties de communiquer telle ou telle pièce s’il l’estime nécessaire.
Pour toutes ces raisons, le Gouvernement demande le retrait de cet amendement ; à défaut, l’avis serait défavorable.
Mme la présidente. Madame Goulet, les amendements nos 3 et 2 sont-ils maintenus ?
Mme Nathalie Goulet. Non, je les retire, madame la présidente.
Mme la présidente. Les amendements nos 3 et 2 sont retirés.
Je suis saisie de trois amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 53, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Alinéa 3
Rédiger ainsi cet alinéa :
En cas de contestation du respect de l’obligation prévue au premier alinéa par le demandeur à une action de groupe en réparation des préjudices, le juge peut enjoindre à ce dernier de produire les pièces justifiant de l’absence de conflit d’intérêts. Lorsqu’il constate que le demandeur à une action de groupe en réparation des préjudices ne satisfait pas à l’obligation prévue au premier alinéa, il déclare l’action irrecevable et refuse l’homologation de tout accord entre les parties.
La parole est à M. le garde des sceaux.
M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. L’objet de cet amendement est de réécrire l’alinéa 3 de l’article 1er quater AA afin de préciser le rôle et les pouvoirs du juge dans le contrôle de l’absence réelle de conflit d’intérêts en tant que condition de recevabilité de l’action de groupe. Cette réécriture s’inscrit dans la continuité des travaux de votre commission, qui a renforcé le texte en prévoyant un contrôle par le juge du conflit d’intérêts.
Il s’agit simplement de veiller à ce que ces dispositions soient pleinement opérationnelles en précisant la procédure, afin d’éviter la naissance de contentieux inutiles. L’amendement tend à préciser que le contrôle de l’absence de conflit d’intérêts sera effectué par le juge saisi d’une demande en ce sens. Le juge pourra solliciter la production de toutes pièces permettant de vérifier cette absence. Le contrôle par le juge sera ainsi pleinement effectif, et la directive pleinement transposée.
Mme la présidente. L’amendement n° 4, présenté par Mme N. Goulet, est ainsi libellé :
Alinéa 3
Remplacer les mots :
Lorsque le juge estime incertain le respect par le demandeur à une action de groupe en réparation des préjudices de l’obligation prévue au premier alinéa du présent article, il
par les mots :
Le juge
La parole est à Mme Nathalie Goulet.
Mme Nathalie Goulet. Je le retire, madame la présidente.
Mme la présidente. L’amendement n° 4 est retiré.
L’amendement n° 5, présenté par Mme N. Goulet, est ainsi libellé :
Alinéa 3
Remplacer les mots :
un aperçu financier énumérant les sources des fonds utilisés
par les mots :
la liste des financements obtenus
La parole est à Mme Nathalie Goulet.
Mme Nathalie Goulet. Je souhaitais simplement que nous revoyions la rédaction de l’alinéa 3 pour le rendre un peu plus clair, mais je doute que la commission réserve à cet amendement un meilleur sort qu’aux précédents…
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission sur les deux amendements restant en discussion ?
M. Christophe-André Frassa, rapporteur. L’amendement du Gouvernement tend à préciser la procédure qui a été insérée dans le texte par la commission des lois : trois modifications essentielles sont proposées afin de perfectionner l’alinéa 3 issu des travaux de la commission.
Premièrement, c’est à la suite d’une contestation du défendeur, et non sur le fondement de sa propre incertitude – critère dont j’admets qu’il était perfectible –, que le juge demanderait qu’il soit justifié de l’absence de conflits d’intérêts.
Deuxièmement, cette demande tendrait à la production de toutes pièces justifiant cette absence. La mention d’un « aperçu financier énumérant les sources des fonds utilisés pour soutenir l’action », issue de la directive, serait ainsi insérée dans notre droit avec davantage de précision, et l’amendement n° 5 de Mme Goulet serait satisfait.
Troisièmement, dans les cas où serait constaté un conflit d’intérêts, le juge déclarerait d’office l’action irrecevable et refuserait l’homologation d’un éventuel accord, là où nous avions prévu une simple faculté : voilà qui est en effet plus robuste.
Pour toutes ces raisons, la commission a émis un avis très favorable sur l’amendement n° 53 ; quant à l’amendement n° 5, elle en demande le retrait.
Mme Nathalie Goulet. Je retire mon amendement au profit de celui du Gouvernement, madame la présidente.
Mme la présidente. L’amendement n° 5 est retiré.
Je mets aux voix l’amendement n° 53.
(L’amendement est adopté.)
Mme la présidente. Je mets aux voix l’article 1er quater AA, modifié.
(L’article 1er quater AA est adopté.)
Article 1er quater A
I (nouveau). – Préalablement à l’introduction de l’action de groupe, la personne ayant qualité pour agir met en demeure celle à l’encontre de laquelle elle envisage d’agir par la voie de l’action de groupe de cesser ou de faire cesser le manquement ou de réparer les préjudices subis.
À peine d’irrecevabilité que le juge peut soulever d’office, l’action de groupe ne peut être introduite qu’à l’expiration d’un délai de quatre mois à compter de la réception de cette mise en demeure.
II. – Par dérogation au I, préalablement à l’engagement de l’action de groupe fondée sur un manquement au code du travail, le demandeur à l’action demande à l’employeur, par tout moyen conférant date certaine à cette demande, de faire cesser le manquement allégué.
Dans un délai d’un mois à compter de la réception de cette demande, l’employeur en informe le comité social et économique ainsi que les organisations syndicales représentatives dans l’entreprise. À la demande du comité social et économique ou à la demande d’une organisation syndicale représentative, l’employeur engage une discussion sur les mesures permettant de faire cesser la situation de manquement collective alléguée.
L’action de groupe engagée pour la défense des intérêts de plusieurs candidats à un emploi, à un stage ou à une période de formation en entreprise ou de plusieurs salariés peut être introduite à l’expiration d’un délai de six mois à compter de la demande tendant à faire cesser le manquement ou à compter de la notification par l’employeur du rejet de la demande.
Mme la présidente. L’amendement n° 44, présenté par M. Bocquet et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Éric Bocquet.
M. Éric Bocquet. Cet article témoigne du peu d’égards manifesté pour le travail transpartisan de l’Assemblée nationale.
Le rapport de la mission d’information de nos collègues députés sur le bilan et les perspectives des actions de groupe, adopté à l’unanimité, contenait la recommandation n° 10 suivante : « Supprimer l’obligation de mise en demeure préalable pour les actions de groupe en matière d’environnement, de protection des données personnelles et de discrimination. » Les auteurs de la présente proposition de loi, souhaitant rendre toujours plus accessibles les actions de groupe, ont néanmoins décidé d’écarter cette disposition. Le Gouvernement a mis un pied dans la porte en cantonnant cette restauration de la mise en demeure préalable au droit du travail ; mais le champ de cette obligation a été élargi à tous les domaines par notre rapporteur.
La raison alléguée a le mérite d’être honnête, quoiqu’elle soit extrêmement floue : « Si la mise en demeure a effectivement pour effet de rallonger la procédure de l’action de groupe, elle peut néanmoins permettre d’éviter certaines procédures indues. » Monsieur le rapporteur, chers collègues de la majorité sénatoriale, qu’est-ce qu’une « procédure indue » ? Pourquoi craindrait-on ceux qui réclament justice ? Comment peut-on parler de « procédure indue » alors qu’il n’y a eu que trente-cinq procédures en neuf ans ? Les actions de groupe sont très loin d’engorger les tribunaux…
La mise en demeure préalable oblige les victimes présumées à avertir l’entité qu’elles entendent attaquer et à attendre de quatre à six mois, selon les matières, avant de saisir la justice. Pendant ce temps, le préjudice demeure et la situation pourrit. Le rapport d’information précité mentionne qu’Anne de Pingon, magistrate, s’interrogeait sur la justification de cette obligation de mise en demeure préalable pour les actions de groupe alors qu’un tel filtre n’est jamais exigé pour une action individuelle.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Christophe-André Frassa, rapporteur. Monsieur Bocquet, vous évoquez, tel un mantra, le travail transpartisan de l’Assemblée nationale. Mais lorsque ce travail dit transpartisan a débuté, il n’y avait pas de directive à transposer ! Dans la proposition de loi initiale, la directive Actions représentatives n’était transposée qu’au tiers, à peine. Et c’est au Sénat qu’il a incombé, après sa transmission, il y a neuf mois, de faire la plus grande part du travail de transposition. Faire du transpartisan, c’est facile, quand on n’a pas la charge de transposer une directive ou que l’on s’affranchit de la nécessité de le faire. J’adorerais, moi aussi, vivre dans un tel monde, entouré de petits lapins roses ! (Sourires.)
Votre amendement vise à supprimer l’obligation de mise en demeure préalable, que j’ai restaurée et que la commission a adoptée. Une telle mise en demeure paraît nécessaire ; elle s’inscrit dans l’intention constante du législateur, qui est d’éviter, lorsque cela est possible, une action contentieuse inutile. Vous préférez la voie contentieuse, d’autres préfèrent l’arrangement. Chacun sa vie ! Je préfère la mienne à la vôtre.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. Avis défavorable.
Je vous laisse le choix de la vie dont vous rêvez, monsieur le rapporteur ; qu’il me soit permis de dire que, pour ma part, je préfère vivre avec des sénatrices et des sénateurs qu’avec des petits lapins roses ! (Sourires.)
M. Patrick Kanner. C’est bien, le rose ! (Nouveaux sourires.)
Mme la présidente. L’amendement n° 29, présenté par Mme M. Vogel, MM. Benarroche, G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mmes Ollivier et Poncet Monge, M. Salmon et Mmes Senée et Souyris, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 1er
Remplacer le mot :
met
par les mots :
peut mettre
II. – Alinéa 2
Supprimer cet alinéa.
La parole est à M. Daniel Salmon.
M. Hussein Bourgi. Au tour des lapins verts ! (Sourires.)
M. Daniel Salmon. L’examen de ce texte nous réserve de nombreuses surprises.
Le député Philippe Gosselin, membre du groupe Les Républicains à l’Assemblée nationale, a coécrit un rapport d’information qui préconise la suppression de la mise en demeure préalable avant l’introduction d’une action de groupe. Voici ce que l’on y lit : « Ce délai rallonge considérablement la durée des procédures alors que le manquement à une obligation légale ou contractuelle pourra continuer à porter préjudice pendant la durée de la procédure. »
Nous sommes d’autant plus d’accord avec cette analyse que la procédure est déjà très lourde. Il suffit pour s’en convaincre de citer l’affaire de la Dépakine : l’action de groupe a été introduite il y a déjà sept ans, et les personnes lésées n’ont toujours pas été indemnisées.
La proposition de loi initiale, coécrite par Philippe Gosselin, prévoit de supprimer la mise en demeure ; mais – telle est la surprise – la commission des lois de notre assemblée a supprimé cette suppression. Cherchez la logique ! J’espère donc que les sénatrices et sénateurs du groupe Les Républicains reviendront sur leur position pour suivre les préconisations du rapport d’information coécrit par un député… des Républicains.
Par ailleurs, l’obligation que vous prévoyez aurait pour conséquence que la procédure serait plus lourde qu’elle ne l’est actuellement. En effet, la mise en demeure n’est pas obligatoire pour les actions de groupe en matière de santé ou pour les contentieux locatifs ; elle le deviendrait si le texte était adopté en l’état. Vous prévoyez donc d’alourdir inutilement la procédure par rapport au droit en vigueur.
Le groupe écologiste souhaite faciliter les actions de groupe ; nous nous opposons donc avec force, en la matière, à tout recul. C’est pourquoi nous demandons que la mise en demeure ne soit pas une obligation.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Christophe-André Frassa, rapporteur. Monsieur Salmon, vous l’avez noté vous-même, le rapport de M. Gosselin a bientôt quatre ans : il a été publié bien avant la directive. Et notre collègue député a sans nul doute dû changer d’avis depuis que la version initiale de la proposition de loi a été déposée.
Vous proposez que la mise en demeure préalable ne soit qu’une simple faculté ; j’ai le plus grand mal à vous suivre, je le concède.
D’une part, cet amendement va à l’encontre de la volonté de la commission, qui est de favoriser le règlement amiable du différend. D’autre part, une telle faculté existerait même sans ce texte : la disposition que vous proposez constituerait un neutron législatif…
En conséquence, je vous demande de bien vouloir retirer cet amendement ; à défaut, l’avis de la commission serait défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. L’amendement n° 17 rectifié, présenté par Mme N. Delattre, M. Cabanel, Mme M. Carrère, MM. Gold et Guérini, Mme Guillotin, MM. Guiol, Laouedj et Masset, Mme Pantel et M. Fialaire, est ainsi libellé :
Alinéa 4, première phrase
Après les mots :
comité social et économique
insérer les mots :
si l’entreprise en dispose
La parole est à Mme Nathalie Delattre.
Mme Nathalie Delattre. Il s’agit d’un amendement quasi rédactionnel.
L’article 1er quater A dispose que l’employeur doit informer le comité social et économique (CSE) de l’entreprise lorsque celle-ci fait l’objet d’une action de groupe. Or le CSE doit être installé dans les entreprises de plus de onze salariés. Pour les autres, la mise en place d’une telle instance n’est pas obligatoire.
Mon amendement vise donc à clarifier le texte en précisant que l’employeur n’est obligé d’informer le CSE que si l’entreprise dispose d’une telle structure.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Christophe-André Frassa, rapporteur. Avis favorable, madame la présidente.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. J’émets un avis de sagesse bienveillante sur cet amendement !
Mme la présidente. Je mets aux voix l’article 1er quater A, modifié.
(L’article 1er quater A est adopté.)
Chapitre II
L’action de groupe en cessation du manquement
Article 1er quater
Lorsque l’action de groupe tend à la cessation d’un manquement, le demandeur n’est pas tenu d’invoquer un préjudice pour les membres du groupe. L’intention ou la négligence du défendeur n’a pas à être établie. Le juge, s’il constate l’existence du manquement, enjoint au défendeur de cesser ou de faire cesser ce manquement et de prendre, dans un délai qu’il fixe, toutes les mesures utiles à cette fin, au besoin avec l’aide d’un tiers qu’il désigne. Lorsque le juge prononce une astreinte, celle-ci est liquidée au profit du demandeur.
Mme la présidente. L’amendement n° 30, présenté par Mme M. Vogel, MM. Benarroche, G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mmes Ollivier et Poncet Monge, M. Salmon et Mmes Senée et Souyris, est ainsi libellé :
Troisième phrase
Remplacer les mots :
qu’il fixe
par les mots :
qui ne peut excéder six mois à compter de la date de l’introduction de l’action
La parole est à M. Daniel Salmon.
M. Daniel Salmon. Un peu de concret pour illustrer mon propos : à la Réunion, dans les communes de Sainte-Marie, Saint-André, Salazie, Saint-Antoine et Les Avirons, l’eau du robinet était impropre à la consommation. L’agence régionale de santé y avait trouvé, entre autres, des bactéries fécales.
Pour éviter de boire de l’eau contaminée, les citoyennes et les citoyens n’avaient d’autre solution que d’acheter de l’eau en bouteille ; une telle situation ne pouvait pas durer. Pour autant, le distributeur d’eau n’a rien entrepris pour mettre rapidement un terme à cette contamination.
C’est pourquoi une association de défense des consommatrices et consommateurs a décidé d’engager une action de groupe. Son objectif était de faire cesser les manquements du distributeur d’eau et d’obtenir réparation.
Elle a d’abord dû mettre en demeure l’opérateur du réseau : un temps précieux a ainsi été perdu à cette étape, pendant lequel les habitantes et les habitants ont dû acheter des bouteilles d’eau, ce qui est coûteux et chronophage en plus de contribuer à la pollution plastique.
Quand l’action de groupe a finalement pu être introduite, il eût été utile que la justice ordonnât rapidement que cessent les manquements de l’entreprise de distribution d’eau. Or, bien que cela soit évidemment primordial pour éviter des dommages supplémentaires, l’organisation du système judiciaire ne le permet pas toujours. Et le sous-investissement chronique des dernières années n’aide pas, bien sûr, car il allonge encore davantage les délais.
C’est pourquoi nous proposons, par cet amendement, que les mesures provisoires tendant à ordonner la cessation d’un manquement soient prises dans les six mois après l’introduction d’une action de groupe. En instaurant ce délai, nous n’avons qu’un objectif : protéger les citoyennes et les citoyens des conséquences les plus graves du manquement en cours.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Christophe-André Frassa, rapporteur. Je comprends l’intention des auteurs de cet amendement…
M. Daniel Salmon. C’est déjà ça…
M. Christophe-André Frassa, rapporteur. Je suis toujours capable de lire, malgré l’heure et malgré mon âge ! (Sourires.)
Je comprends l’intention, disais-je ; je ferai cependant deux remarques.
D’une part, le délai courrait à compter de l’introduction de l’action de groupe : cela, certes, présenterait l’avantage d’accélérer les choses, mais pourrait laisser au professionnel très peu de temps pour faire cesser le manquement, la lenteur de la procédure pouvant être imputable à des facteurs indépendants de sa volonté.
D’autre part, il paraît préférable de laisser aux juges une marge d’appréciation suffisante dans l’appréciation du délai raisonnable dans lequel il peut être procédé à la cessation du manquement.
Pour ces deux raisons, je demande le retrait de cet amendement ; à défaut, l’avis serait défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. Je mets aux voix l’article 1er quater.
(L’article 1er quater est adopté.)
Chapitre III
L’action de groupe en réparation des préjudices
Section 1
Jugement sur la responsabilité
Article 1er quinquies
Lorsque l’action de groupe tend à la réparation des préjudices subis, le demandeur doit présenter des cas individuels au soutien de ses prétentions.
Le juge statue sur la responsabilité du défendeur.
Il définit le groupe de personnes à l’égard desquelles la responsabilité du défendeur est engagée, en fixant les critères de rattachement au groupe, et détermine les préjudices devant faire l’objet d’une réparation, pour chacune des catégories de personnes constituant le groupe qu’il a défini.
Lorsque les éléments produits et la nature des préjudices le permettent, le juge détermine, dans le même jugement, le montant ou tous les éléments permettant l’évaluation des préjudices susceptibles d’être réparés, pour chacune des catégories de personnes constituant le groupe qu’il a défini.
Il ordonne, à la charge du défendeur, les mesures de publicité adaptées pour informer de cette décision les personnes susceptibles d’avoir subi un dommage causé par le fait générateur constaté.
Il fixe également le délai dans lequel les personnes répondant aux critères de rattachement et souhaitant se prévaloir du jugement sur la responsabilité peuvent adhérer au groupe en vue d’obtenir la réparation de leur préjudice. Sauf dispositions contraires, ce délai ne peut être inférieur à deux mois ni supérieur à cinq ans à compter de l’achèvement des mesures de publicité ordonnées par lui.
Il fixe le délai dont dispose le défendeur condamné pour procéder à l’indemnisation ainsi que le délai, ouvert à l’expiration de ce premier délai, pour le saisir des demandes d’indemnisation auxquelles le défendeur n’a pas fait droit.
Il prévoit les conditions et les limites dans lesquelles les membres du groupe peuvent saisir le juge aux fins d’obtenir une indemnisation individuelle.
Lorsqu’une réparation en nature du préjudice lui paraît plus adaptée, à l’exception des préjudices résultant de dommages corporels, le juge précise les conditions de sa mise en œuvre par le défendeur.
Mme la présidente. L’amendement n° 56, présenté par M. Frassa, au nom de la commission, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 5
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
Ces mesures ne peuvent être mises en œuvre qu’une fois que le jugement mentionné au deuxième alinéa du présent article ne peut plus faire l’objet de recours ordinaire ni de pourvoi en cassation.
II. – Alinéa 6, seconde phrase
1° Supprimer les mots :
Sauf dispositions contraires,
2° Remplacer le mot :
cinq
par le mot :
deux
La parole est à M. le rapporteur.
M. Christophe-André Frassa, rapporteur. Cet amendement vise à corriger un petit oubli. Il s’agit de préciser la procédure à suivre dans la phase de jugement sur la responsabilité, en rapprochant les dispositions de la présente proposition de loi du droit en vigueur.
D’une part, le droit en vigueur dispose que, en cas de responsabilité du défendeur, le juge ordonne aux frais de celui-ci des mesures de publicité, lesquelles ne peuvent néanmoins être mises en œuvre que lorsque le jugement sur la responsabilité n’est plus susceptible de recours. L’article 1er quinquies, dans sa rédaction issue des délibérations de l’Assemblée nationale, ne procédait pas à une telle précision, ce qui pourrait entraîner la mise en œuvre précipitée du jugement sur la responsabilité et complexifier la procédure.
D’autre part, le même article 1er quinquies prévoit que le délai d’adhésion des personnes dont les intérêts ont été lésés au groupe susceptible de recevoir une indemnisation est compris entre deux mois et cinq ans. Ce délai est à l’évidence trop long ; le régime de l’action de groupe en matière de consommation le limite actuellement à une durée comprise entre deux et six mois.
Afin de garantir la célérité des procédures, nous proposons de porter ce délai maximal de cinq à deux ans.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. Cet amendement vise à faire en sorte que le jugement statuant sur la responsabilité puisse faire l’objet d’une publicité une fois qu’il a acquis un caractère définitif, c’est-à-dire qu’il ne peut plus faire l’objet d’un appel ou d’un pourvoi en cassation. Il s’agit d’une reprise des dispositions actuellement applicables aux actions de groupe.
Par ailleurs, cet amendement vise à réduire de cinq ans à deux ans le délai maximal de publicité du jugement pendant lequel les potentielles victimes peuvent adhérer au groupe.
Je comprends bien sûr la volonté de la commission de reprendre les dispositions actuellement applicables aux actions de groupe en ce qui concerne le caractère définitif du jugement statuant sur la responsabilité.
Néanmoins, je ne suis pas favorable à la réduction du délai maximal de publicité de cinq ans à deux ans. En effet, certains préjudices nécessitent, du fait de leur nature même, un délai d’adhésion plus long que deux ans : c’est le cas, par exemple, en matière de préjudices corporels.
C’est la raison pour laquelle j’émets un avis défavorable sur cet amendement.
Mme la présidente. L’amendement n° 41, présenté par Mme M. Vogel, MM. Benarroche, G. Blanc, Dantec, Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, M. Jadot, Mme de Marco, M. Mellouli, Mmes Ollivier et Poncet Monge, M. Salmon et Mmes Senée et Souyris, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :
Les faits sur lesquels le juge est amené à statuer mentionnés au présent article sont considérés comme des faits dont dépend la solution du litige pour l’application de l’article 143 du code de la procédure civile.
La parole est à M. Daniel Salmon.
M. Daniel Salmon. L’objet de cet amendement est avant tout de clarifier une question pour éviter que ce texte ne pose des difficultés d’application.
En effet, l’adoption d’un amendement de notre rapporteur a permis, dès l’examen du texte en commission, de rendre applicable aux affaires de groupe le code de procédure civile, le code de procédure pénale et le code de procédure administrative. Nous saluons cet élargissement, ainsi que la mention expresse de l’applicabilité du texte aux îles Wallis et Futuna, clarification qu’appelait de ses vœux le Conseil d’État dans son avis.
Ces dispositions devraient par ailleurs conférer aux juges statuant sur les actions de groupe la faculté d’ordonner des mesures d’instruction. Ce pouvoir d’instruction permettrait de réduire le déséquilibre informationnel qui existe systématiquement entre l’entreprise mise en cause et les personnes lésées.
En effet, la première dispose nécessairement de plus d’informations, par exemple sur les risques d’un procédé industriel, et il appartient à la partie demanderesse de démontrer que l’entreprise n’a pas correctement évalué les risques, donc qu’elle a manqué à prévenir un dommage. Afin de l’aider dans cette démarche, les juges pourraient, par exemple, demander la remise de certains documents.
Dans d’autres pays, les pouvoirs des juges en la matière vont beaucoup plus loin que ce qui est prévu par nos procédures civiles et pénales. Dans les pays de common law, mais aussi au Portugal, il existe des actions de groupe dites de discovery : celles-ci ont justement pour objectif d’obtenir des preuves et ainsi de lutter contre ce déséquilibre informationnel.
Par cet amendement, nous ne demandons pas à aller si loin. C’est une simple clarification que nous souhaitons : il s’agit de nous assurer qu’à chaque étape de l’action de groupe les juges disposent bel et bien des mêmes pouvoirs d’instruction dont ils disposent dans les procédures civiles.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Christophe-André Frassa, rapporteur. Monsieur Salmon, il semble, de votre côté de l’hémicycle, que l’on frôle en permanence la class action sans toutefois vouloir y aller franchement… Je n’ai, pour ma part, aucun état d’âme. Je me plie à la volonté souveraine du Sénat en la matière : si tel est votre souhait, sautez le pas !
Vous citez, mon cher collègue, des pays qui ont choisi d’aller vraiment dans le sens de la class action. Vous parlez de procédures de discovery, d’avocats ayant la qualité pour agir, etc., mais tous ces éléments ne définissent pas autre chose que la class action à l’américaine : ils ne correspondent pas à l’action de groupe telle qu’elle est définie dans le droit français. Je suis prêt à vous accompagner dans cette voie, mes chers collègues, mais il faut, le cas échéant, que toutes les dispositions que nous adoptons soient conformes au système de la class action !
L’amendement n° 41 tend à ce que les juges puissent, lorsqu’ils statuent sur toute question en lien avec une action de groupe tendant à la réparation des préjudices subis, ordonner toute mesure d’instruction à leur disposition, en application de l’article 143 du code de procédure civile.
Cet amendement me semble doublement satisfait.
Dans la pratique, tout d’abord, les personnes que j’ai auditionnées, notamment des magistrats amenés à traiter ce type de dossier, m’ont toutes indiqué qu’elles faisaient déjà usage des articles 143 et 145 du code de procédure civile, tout en relevant que ces dispositions gagneraient à être plus souvent mobilisées.
Du point de vue du droit, ensuite, l’article 2 dispose que, sauf dispositions contraires, les actions engagées devant le juge judiciaire sont soumises aux règles du code de procédure civile. A contrario, l’adoption de cet amendement reviendrait à appliquer l’article 143 du code de procédure civile aux actions engagées devant le juge administratif : autrement dit, on introduirait dans la procédure administrative, où il peinerait à trouver sa place, un élément de procédure civile.
La commission demande le retrait de cet amendement ; à défaut, l’avis serait défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. Cet amendement vise à préciser les pouvoirs d’instruction du juge saisi d’une action de groupe en réparation des préjudices.
Cet objectif est satisfait par les dispositions de droit commun.
L’article 849-2 du code de procédure civile dispose d’ores et déjà que l’action de groupe est « formée, instruite et jugée selon les règles applicables à la procédure écrite ordinaire ». Cela signifie qu’actuellement, lorsqu’une action de groupe est intentée, un juge de la mise en état est désigné. Ce juge a le pouvoir d’ordonner, même d’office, toute mesure d’instruction qu’il juge utile, conformément aux dispositions des articles 789 et 143 du code de procédure civile.
Ces dispositions seront évidemment applicables aux actions de groupe engagées sur le fondement de la nouvelle loi.
Votre amendement étant satisfait, je vous demande de bien vouloir le retirer, monsieur le sénateur ; à défaut, j’émettrais un avis défavorable.
Mme la présidente. Monsieur Salmon, l’amendement n° 41 est-il maintenu ?
M. Daniel Salmon. Non, je le retire, madame la présidente.
Mme la présidente. L’amendement n° 41 est retiré.
Je mets aux voix l’article 1er quinquies, modifié.
(L’article 1er quinquies est adopté.)
Mme la présidente. Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures trente.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-neuf heures cinquante-cinq, est reprise à vingt et une heures trente, sous la présidence de Mme Sophie Primas.)
PRÉSIDENCE DE Mme Sophie Primas
vice-présidente
Mme la présidente. La séance est reprise.
Nous poursuivons la discussion de la proposition de loi relative au régime juridique des actions de groupe.
Dans la discussion des articles, nous en sommes parvenus à l’article 1er sexies.
Article 1er sexies
À l’exclusion des actions de groupe tendant à la réparation de préjudices résultant de dommages corporels, lorsque le demandeur à l’action le demande et que les éléments produits ainsi que la nature des préjudices le permettent, le juge peut décider la mise en œuvre d’une procédure collective de liquidation des préjudices.
À cette fin, il habilite le demandeur à négocier avec le défendeur l’indemnisation des préjudices subis par chacune des personnes constituant le groupe. Il détermine, dans le même jugement, le montant de ces préjudices ou, à défaut, les éléments permettant leur évaluation, pour chacune des catégories de personnes constituant le groupe qu’il a défini. Il fixe également les délais et les modalités selon lesquels cette négociation et cette évaluation doivent être effectuées, notamment le délai, qui ne peut être inférieur à six mois, à l’expiration duquel, en l’absence d’accord, il statue directement sur les préjudices susceptibles d’être réparés.
Le juge peut également condamner le défendeur au paiement d’une provision à valoir sur les frais non compris dans les dépens exposés par le demandeur à l’action.
Mme la présidente. L’amendement n° 55, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Alinéa 3
Compléter cet alinéa par les mots :
incluant les frais d’assistance afférents à la gestion des demandes d’indemnisation présentées par les membres du groupe, pour la mise en œuvre de la phase de liquidation des préjudices
La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Marie Lebec, ministre déléguée auprès du Premier ministre, chargée des relations avec le Parlement. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, permettez-moi pour commencer de vous dire mon plaisir de vous retrouver.
Cet amendement du Gouvernement est inspiré de l’article L. 623-12 du code de la consommation, qui donne au juge la possibilité, lorsqu’il statue sur la responsabilité, de mettre à la charge du professionnel condamné les frais relatifs à l’assistance à laquelle l’association de défense des consommateurs peut recourir pour le traitement des demandes d’indemnisation des membres du groupe.
Il s’agit de généraliser cette faculté à toutes les actions de groupe et de faciliter la mise en œuvre de ces procédures en réduisant le coût pour le demandeur de la phase de liquidation des préjudices.
En outre, il s’agit de répondre aux exigences de la directive relative aux actions représentatives, qui fait obligation aux États membres de prendre des mesures visant à garantir que les frais de procédure liés aux actions de groupe n’empêchent pas les entités qualifiées d’y recourir.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Christophe-André Frassa, rapporteur. Cet amendement est nécessaire et tombe à point : avis favorable.
Mme la présidente. Je mets aux voix l’article 1er sexies, modifié.
(L’article 1er sexies est adopté.)
Article 1er septies
Lorsqu’il statue sur la responsabilité, le juge peut ordonner, lorsqu’il la juge nécessaire et compatible avec la nature de l’affaire, la consignation à la Caisse des dépôts et consignations d’une partie des sommes dues par le défendeur.
Mme la présidente. L’amendement n° 31, présenté par Mme M. Vogel, MM. Benarroche, G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mmes Ollivier et Poncet Monge, M. Salmon et Mmes Senée et Souyris, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
Sauf décision contraire du juge, le jugement sur la responsabilité est exécutoire à titre provisoire.
La parole est à M. Daniel Salmon.
M. Daniel Salmon. Depuis l’entrée en vigueur, le 1er janvier 2020, de la réforme de la procédure civile, les jugements rendus en matière civile sont exécutoires, à titre provisoire, dès la première instance. C’est une avancée, dans un contexte où, en particulier, la justice civile continue à souffrir d’un manque de moyens qui allonge inévitablement les délais.
Il devrait en être de même pour les actions de groupe, les délais de traitement étant, dans ces procédures, particulièrement longs.
Ainsi, les députés Laurence Vichnievsky et Philippe Gosselin, respectivement membres du groupe Modem et Indépendants et du groupe LR de l’Assemblée nationale, ont proposé, par voie d’amendement, d’instaurer, dans ce domaine, l’exécution à titre provisoire des jugements sur la responsabilité. Leur amendement a été adopté à l’unanimité à l’Assemblée nationale, avant que la disposition ne soit supprimée, lors de l’examen en commission au Sénat, par la majorité sénatoriale. Nous le regrettons, car l’exécution provisoire permettrait aux personnes lésées d’être indemnisées plus rapidement.
Le dispositif adopté par la commission, qui autorise la consignation à la Caisse des dépôts et consignations d’une partie des sommes dues par le défendeur, n’est en effet qu’un leurre. Certes, l’entreprise mise en cause ne pourrait plus disposer de cet argent destiné à indemniser les victimes, mais ces dernières ne toucheraient pas non plus l’indemnisation. Compte tenu de la longueur des procédures d’action de groupe, voilà qui est inacceptable.
C’est pourquoi nous demandons que le jugement sur la responsabilité soit exécutoire à titre provisoire, comme le prévoit le code de procédure civile.
M. Christophe-André Frassa, rapporteur. Monsieur Salmon, votre amendement tend à restaurer l’exécution à titre provisoire du jugement sur la responsabilité.
Cette disposition nous a paru problématique, dans la mesure où elle n’était pas assortie des dispositions, prévues par le droit en vigueur, en vertu desquelles les mesures de publicité ne peuvent être ordonnées qu’à l’issue des éventuels recours ordinaires et pourvoi en cassation. C’est pourquoi nous l’avons supprimée.
Il est néanmoins juste de rappeler, comme vous le faites dans l’objet de votre amendement, que l’article 514 du code de procédure civile s’appliquerait dans le silence de la loi. C’est précisément la raison pour laquelle nous avons souhaité revenir au droit en vigueur, en prévoyant que les mesures de publicité ne sont applicables qu’à l’extinction des éventuels recours ordinaires et pourvoi en cassation.
En outre, il paraît dommageable de retirer au juge la possibilité d’ordonner la consignation à la Caisse des dépôts et consignations d’une partie des sommes dues par le défendeur, ce qui serait le cas si cet amendement était adopté.
Demande de retrait ou, à défaut, avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Marie Lebec, ministre déléguée. Monsieur le sénateur, votre demande est satisfaite.
En effet, comme vous l’avez d’ailleurs très bien rappelé, le droit commun dispose d’ores et déjà que les décisions de première instance sont par principe exécutoires. Ces dispositions s’appliqueront naturellement au jugement statuant sur la responsabilité du défendeur dans le cadre d’une action de groupe.
Par ailleurs, il nous semble important de conserver les dispositions de l’article 1er tel qu’il est rédigé actuellement : la possibilité pour le juge d’ordonner la consignation auprès de la Caisse des dépôts et consignations d’une partie des sommes dues par le défendeur permet de se prémunir contre le risque d’insolvabilité en cas d’infirmation du jugement de première instance.
L’amendement étant satisfait, le Gouvernement en demande le retrait ; à défaut, l’avis serait défavorable.
Mme la présidente. Monsieur Salmon, l’amendement n° 31 est-il maintenu ?
M. Daniel Salmon. Oui, je le maintiens, madame la présidente. La disposition que nous vous soumettons, mes chers collègues, vise l’indemnisation, dont il n’a pas été question dans les propos que je viens d’entendre.
Mme la présidente. L’amendement n° 9, présenté par Mme N. Goulet, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :
La consignation peut aussi se faire au choix du défendeur conformément aux dispositions législatives relatives au maniement des fonds par les professions judiciaires réglementées.
La parole est à Mme Nathalie Goulet.
Mme Nathalie Goulet. Par cet amendement de précision, je propose que la consignation puisse se faire aussi, au choix du défendeur, conformément aux dispositions législatives relatives au maniement des fonds des professions judiciaires réglementées. Les sommes ainsi engagées pourraient très bien être placées sur les comptes de la Caisse des règlements pécuniaires des avocats (Carpa) ou sur ceux d’un notaire ou d’un avocat, et non seulement à la Caisse des dépôts et consignations.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Christophe-André Frassa, rapporteur. Votre amendement, madame Goulet, tend à permettre la consignation auprès des professions judiciaires réglementées des sommes dues par le défendeur. Il est donc contraire au monopole reconnu en la matière par la loi à la Caisse des dépôts et consignations.
En effet, cet établissement public s’est vu confier, dès sa création, le monopole de la réception, de la conservation et de la sécurisation des fonds de tiers en numéraire ou en titres financiers en vue de la restitution à leurs bénéficiaires.
À cet égard, l’article L. 518-19 du code monétaire et financier est particulièrement clair : « Les juridictions et administrations ne peuvent autoriser ou ordonner des consignations auprès de personnes physiques et d’organismes autres que la Caisse des dépôts et consignations et autoriser les débiteurs, dépositaires, tiers saisis, à les conserver sous le nom de séquestre ou autrement. Les consignations faites en infraction à ces dispositions sont nulles et non libératoires. »
Je ne suis donc pas favorable à ce que de telles sommes soient conservées par des notaires ou des avocats.
La commission demande le retrait de cet amendement ; à défaut, l’avis serait défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Marie Lebec, ministre déléguée. Le Gouvernement ne souhaite pas ouvrir la possibilité de choisir un autre compte que celui de la Caisse des dépôts pour déposer les sommes consignées.
Une telle mesure, qui reviendrait à diversifier les comptes sur lesquels peuvent être effectuées des consignations, serait source de complexité.
Quant à la possibilité d’une consignation auprès de la Carpa, elle serait génératrice d’inégalité, dans la mesure où les produits des fonds qui y sont déposés ne profitent pas à leurs destinataires ; à l’inverse, les fonds déposés auprès de la Caisse des dépôts et consignations sont rémunérés, ce qui n’est pas négligeable compte tenu des montants en jeu ou de la durée du dépôt.
En conséquence, madame la sénatrice, je vous demande de bien vouloir retirer votre amendement ; à défaut, l’avis serait défavorable.
Mme la présidente. Madame Goulet, l’amendement n° 9 est-il maintenu ?
Mme Nathalie Goulet. Je le concède, il s’agissait d’une mauvaise idée : je le retire, madame la présidente.
Mme la présidente. L’amendement n° 9 est retiré.
Je mets aux voix l’article 1er septies.
(L’article 1er septies est adopté.)
Section 2
Réparation des préjudices
Sous-section 1
Procédure individuelle de réparation des préjudices
Article 1er octies
(Non modifié)
Dans les délais et les conditions fixés par le jugement sur la responsabilité, les personnes souhaitant adhérer au groupe mentionné au troisième alinéa de l’article 1er quinquies adressent une demande de réparation soit à la personne déclarée responsable par ce jugement, soit au demandeur à l’action, qui reçoit ainsi mandat aux fins d’indemnisation.
Ce mandat ne vaut ni n’implique adhésion à l’association ou à l’organisation syndicale demanderesse. Il est donné aux fins de représentation pour l’exercice de l’action de groupe et, le cas échéant, pour faire procéder à l’exécution forcée du jugement prononcé à l’issue de la procédure. – (Adopté.)
Article 1er nonies
(Non modifié)
La personne déclarée responsable par le jugement sur la responsabilité procède à l’indemnisation individuelle des préjudices résultant du fait générateur de responsabilité et subis par les personnes répondant aux critères de rattachement au groupe et ayant adhéré à celui-ci.
Mme la présidente. L’amendement n° 16, présenté par Mme N. Goulet, est ainsi libellé :
Remplacer les mots :
La personne déclarée responsable
par les mots :
La ou les personnes déclarées responsables
et le mot :
procède
par le mot :
procèdent
La parole est à Mme Nathalie Goulet.
Mme Nathalie Goulet. Il s’agit d’un amendement de précision.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Christophe-André Frassa, rapporteur. En réalité, s’il était adopté, cet amendement présenté comme étant « de précision » complexifierait le droit. Jusqu’à présent, tout au long de l’examen du texte, nous n’avons pas employé le pluriel ; pourquoi l’introduire subitement à cette occurrence ? Il me semble que procéder à cette modification à l’article 1er nonies ne présente pas vraiment d’intérêt.
Demande de retrait ou, à défaut, avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. Madame Goulet, l’amendement n° 16 est-il maintenu ?
Mme Nathalie Goulet. Non, je le retire, madame la présidente.
Mme la présidente. L’amendement n° 16 est retiré.
Je mets aux voix l’article 1er nonies.
(L’article 1er nonies est adopté.)
Article 1er decies
(Non modifié)
Les personnes dont la demande de réparation n’a pas été satisfaite peuvent saisir le juge ayant statué sur la responsabilité, dans les conditions et les limites fixées par le jugement sur la responsabilité, aux fins de réparation de leur préjudice individuel. – (Adopté.)
Sous-section 2
Procédure collective de liquidation des préjudices
Article 1er undecies
Dans les délais et les conditions fixés par le juge en application des jugements sur la responsabilité et ayant ordonné une procédure collective de liquidation des préjudices, les personnes intéressées peuvent se joindre au groupe en se déclarant auprès du demandeur.
L’adhésion au groupe vaut mandat au profit du demandeur à l’action aux fins d’indemnisation. À cette fin, le demandeur à l’action négocie avec le défendeur le montant de l’indemnisation, dans les limites fixées par le jugement ayant ordonné une procédure collective de liquidation des préjudices.
L’adhésion au groupe, qui ne vaut ni n’implique adhésion à l’association ou à l’organisation syndicale demanderesse, vaut mandat donné à celle-ci aux fins de représentation pour l’exercice de l’action en justice mentionnée à l’article 1er duodecies et, le cas échéant, pour faire procéder à l’exécution forcée du jugement prononcé à l’issue de la procédure. – (Adopté.)
Article 1er duodecies
Dans un délai qui ne peut être inférieur à celui fixé pour l’adhésion au groupe par le jugement en responsabilité, le juge ayant statué sur la responsabilité est saisi aux fins d’homologation de l’accord, éventuellement partiel, intervenu entre les parties et accepté par les membres du groupe concernés.
Le juge refuse l’homologation si les intérêts des parties et des membres du groupe lui paraissent insuffisamment préservés au regard des termes du jugement ayant ordonné une procédure collective de liquidation des préjudices et peut renvoyer à la négociation pour une nouvelle période de deux mois.
En l’absence d’accord total, le juge est saisi dans le délai fixé au premier alinéa du présent article aux fins de liquidation des préjudices subsistants. Dans ce dernier cas, le juge statue dans les limites fixées par le jugement ayant ordonné une procédure collective de liquidation des préjudices.
À défaut de saisine du tribunal à l’expiration d’un délai d’un an à compter du jour où le jugement ayant ordonné une procédure collective de liquidation des préjudices a acquis force de chose jugée, les membres du groupe peuvent adresser une demande de réparation à la personne déclarée responsable par le jugement sur la responsabilité. La procédure individuelle de réparation des préjudices définie à la sous-section 1 de la présente section est alors applicable.
Une amende civile d’un montant maximal de 50 000 euros peut être prononcée contre le demandeur ou le défendeur à l’instance lorsque celui-ci a, de manière dilatoire ou abusive, fait obstacle à la conclusion d’un accord sur le fondement du jugement ayant ordonné la procédure collective de liquidation des préjudices. – (Adopté.)
Sous-section 3
Gestion des fonds reçus au titre de l’indemnisation des membres du groupe
Article 1er terdecies
(Non modifié)
Sous réserve des dispositions législatives relatives au maniement des fonds par les professions judiciaires réglementées, toute somme reçue au titre de l’indemnisation des personnes lésées membres du groupe est immédiatement versée sur un compte ouvert auprès de la Caisse des dépôts et consignations. Celui-ci ne peut faire l’objet de mouvements en débit que pour le règlement de l’affaire qui est à l’origine du dépôt. – (Adopté.)
Section 2 bis
Procédure d’action de groupe simplifiée
(Division nouvelle)
Article 1er quaterdecies A (nouveau)
Lorsque l’identité et le nombre des personnes dont les intérêts ont été lésés sont connus et lorsque ces personnes ont subi un préjudice d’un même montant, d’un montant identique par prestation rendue ou d’un montant identique par référence à une période ou à une durée, le juge, après avoir statué sur la responsabilité du défendeur, peut condamner ce dernier à les indemniser directement et individuellement, dans un délai et selon des modalités qu’il fixe.
Préalablement à son exécution par le défendeur et selon des modalités et dans le délai fixés par le juge, la décision mentionnée au premier alinéa, lorsqu’elle n’est plus susceptible de recours ordinaires ni de pourvoi en cassation, fait l’objet de mesures d’information individuelle des personnes dont les intérêts ont été lésés, aux frais du défendeur, afin de leur permettre d’accepter d’être indemnisés dans les termes de la décision.
En cas d’inexécution par le défendeur, à l’égard des personnes dont les intérêts ont été lésés ayant accepté l’indemnisation, de la décision rendue dans le délai fixé, le demandeur à l’action ayant reçu mandat aux fins d’indemnisation est réputé créancier, au sens des articles L. 111-1 et L. 111-2 du code des procédures civiles d’exécution, pour l’exécution forcée du jugement. À cette fin, l’acceptation de l’indemnisation dans les termes de la décision vaut mandat aux fins d’indemnisation au profit du demandeur. – (Adopté.)
Section 3
Médiation
Article 1er quaterdecies
Les personnes mentionnées à l’article 1er bis peuvent participer à une médiation, dans les conditions fixées au chapitre Ier du titre II de la loi n° 95-125 du 8 février 1995 relative à l’organisation des juridictions et à la procédure civile, pénale et administrative, afin d’obtenir la réparation des préjudices individuels.
Mme la présidente. L’amendement n° 32, présenté par Mme M. Vogel, MM. Benarroche, G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mmes Ollivier et Poncet Monge, M. Salmon et Mmes Senée et Souyris, est ainsi libellé :
Compléter cet article par une phrase ainsi rédigée :
Toutefois, les frais de la médiation mentionnés à l’article 22-2 de la loi précitée ne peuvent être mis à la charge ni du demandeur, ni des personnes lésées.
La parole est à M. Jacques Fernique.
M. Jacques Fernique. Si le recours à la médiation peut accélérer la procédure dans certains cas, celle-ci se déroule, par nature, en dehors du contrôle du juge, lequel n’intervient qu’a posteriori, en cas d’accord.
Dans le cas spécifique des actions de groupe, la médiation est marquée, elle aussi, par le déséquilibre entre la partie demanderesse et la partie défenderesse. La première est généralement une association, dotée de moyens très limités, qui, de surcroît, ne dispose pas de toutes les informations sur le litige. La seconde est fréquemment une entreprise qui dispose de davantage de ressources pour se préparer à la médiation.
Nous ne sommes pas opposés par principe à la médiation ; toutefois, le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires plaide pour qu’il soit mieux tenu compte de ce déséquilibre là où il s’agit d’encadrer les médiations.
Plus spécifiquement, nous souhaitons éviter que la partie défenderesse ne profite de la médiation pour mettre certains frais à la charge de l’autre partie. En effet, la loi dispose actuellement que la répartition des frais est librement déterminée par les parties. Compte tenu du déséquilibre que j’ai évoqué, qui est souvent considérable, on pourrait imaginer une situation dans laquelle une entreprise conditionnerait l’accord de médiation à la prise en charge d’une partie des frais afférents par l’association demanderesse. Certes, le juge pourrait s’opposer à une telle répartition des frais lors de la vérification de l’accord, mais il ne serait pas tenu de le faire.
Ainsi existe-t-il un risque financier potentiellement important ; en particulier, de petites associations, disposant de réserves financières très limitées, pourraient se trouver dissuadées d’introduire des actions de groupe.
Or notre objectif est de faciliter les actions de groupe.
Vous l’aurez deviné, mes chers collègues : le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires souhaite, par le biais de cet amendement, interdire que les frais de la médiation soient mis à la charge de la partie demanderesse.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Christophe-André Frassa, rapporteur. Cet amendement du groupe écologiste vise à ce que les frais de médiation ne puissent pas être mis à la charge du demandeur ou des personnes lésées. Il s’agit d’éviter que les entreprises mises en cause ne fassent pression pour imputer ces frais aux associations qui ont intenté l’action de groupe.
J’y suis défavorable, et ce pour trois raisons.
En premier lieu, il me semble qu’il est déjà possible d’éviter toute pression de la part du défendeur.
Le droit commun de la médiation, applicable aux procédures de médiation engagées dans le cadre d’une action de groupe, prévoit, certes, que les parties déterminent librement la répartition des frais de médiation. En l’absence d’accord entre les parties, les frais sont théoriquement répartis à parts égales. Le juge peut néanmoins estimer que cette répartition est inéquitable au regard de la situation économique des parties et, en conséquence, décider d’une autre répartition. Il existe donc déjà des mécanismes, à la main du juge, permettant de protéger les associations, dont les budgets sont plus contraints que ceux des entreprises.
En deuxième lieu, nos collègues du groupe écologiste indiquent, dans l’objet de leur amendement, qu’une telle précision, qui interdirait de mettre les frais de médiation à la charge des personnes lésées, serait imposée par l’article 12 de la directive européenne relative aux actions représentatives. Or ledit article dispose que les États membres doivent veiller à ce que les frais occasionnés par une action de groupe en réparation soient mis à la charge de la partie perdante. Il ne traite donc pas des frais de médiation.
En troisième lieu, une médiation est une procédure amiable entre les parties : il n’y a donc ni gagnant ni perdant.
Pour ces raisons, je vous demande le retrait de cet amendement ; à défaut, j’y serai défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Marie Lebec, ministre déléguée. Nous devons garder à l’esprit que la médiation est un processus souple, qui doit permettre de trouver un compromis plus rapidement. Il ne me semble donc pas que nous devions rigidifier ou alourdir la procédure.
Sur le fond, cette procédure de médiation intervient avant un jugement en responsabilité ; à ce stade, le défendeur ne fait donc pas l’objet d’une décision qui reconnaîtrait sa responsabilité. On ne saurait lui imputer les frais de médiation tant que la responsabilité n’est pas judiciairement établie.
D’une certaine façon, le droit commun satisfait déjà votre demande, puisque le juge peut mettre à la charge du défendeur une partie des frais de la médiation lorsqu’il estime que la répartition est faite de manière inéquitable au regard de la situation économique des parties.
Pour toutes ces raisons, le Gouvernement est défavorable à cet amendement.
Mme la présidente. Monsieur Fernique, l’amendement n° 32 est-il maintenu ?
M. Jacques Fernique. Oui, madame la présidente.
Mme la présidente. Je mets aux voix l’article 1er quaterdecies.
(L’article 1er quaterdecies est adopté.)
Article 1er quindecies
(Non modifié)
Tout accord négocié au nom du groupe est soumis à l’homologation du juge, qui vérifie s’il est conforme aux intérêts de ceux auxquels il a vocation à s’appliquer et lui donne force exécutoire.
L’accord précise les mesures de publicité nécessaires pour informer de son existence les personnes susceptibles d’être indemnisées sur son fondement ainsi que les délais et les modalités pour en bénéficier.
Mme la présidente. L’amendement n° 43, présenté par M. Bocquet et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky, est ainsi libellé :
Alinéa 2
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
Ces mesures sont mises en œuvre par le demandeur aux frais du défendeur.
La parole est à M. Éric Bocquet.
M. Éric Bocquet. Même s’ils envisageaient cette procédure uniquement pour le droit à la consommation, les auteurs d’un rapport sénatorial d’information de 2010 intitulé L’action de groupe à la française : parachever la protection des consommateurs – nous puisons à bonne source… – relevaient déjà que les frais engagés par l’association agréée peuvent être élevés dans la deuxième phase de la procédure et qu’il est « envisageable d’imposer au juge de mieux prendre en compte, au titre de l’appréciation des frais non compris dans les dépens la réalité du travail fourni par l’association et son conseil juridique qui peut varier sensiblement en fonction de la difficulté de la preuve de la responsabilité de l’entreprise et de la taille du groupe des victimes ».
En résumé, la justice a un coût et la réussite des actions de groupe ne fait pas exception. C’est pour cette raison que nous estimons que les frais de publicité, c’est-à-dire les frais qui permettent aux autres victimes ayant subi un dommage similaire ou de même nature de se faire connaître pour se rallier à la plainte, devraient être à la charge du défendeur.
Cette mesure est rendue légitime par le fait que le juge a déjà admis à ce stade la responsabilité du défendeur.
Notre proposition est d’autant plus importante que les subventions de l’État aux associations de consommateurs ont connu une forte baisse ces dernières années, passant de 3,64 millions d’euros en 2014 à 2,83 millions d’euros en 2019. Par exemple, la subvention à la Confédération nationale du logement est passée de 219 952 euros en 2014 à 185 512 euros en 2018. De son côté, l’UFC-Que Choisir a perdu plus de 100 000 euros sur la même période.
Nous pensons qu’il faut inverser la responsabilité financière.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Christophe-André Frassa, rapporteur. Cet amendement tend à prévoir que les frais liés aux mesures de publicité pour informer les justiciables de l’existence d’un accord de médiation sont mis à la charge du défendeur.
Il me semble que c’est déjà le cas en pratique. En effet, lors de l’examen du projet de loi dit Justice du XXIe siècle, les députés Jean-Michel Clément et Jean-Yves Le Bouillonnec, rapporteurs pour la commission des lois de l’Assemblée nationale, précisaient dans leur rapport que la charge des mesures de publicité échoirait en principe au défendeur.
C’est pourquoi la commission s’en remet à la sagesse du Sénat sur cet amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Marie Lebec, ministre déléguée. Monsieur le sénateur, vous proposez, dans le cadre d’un accord négocié et d’une médiation, l’engagement de mesures de publicité afin d’informer les personnes qui doivent être indemnisées.
Comme je l’ai rappelé à l’instant, la médiation est un processus souple et l’adoption de cet amendement irait plutôt dans le sens d’un alourdissement. C’est la raison pour laquelle le Gouvernement en demande le retrait ; à défaut, il y sera défavorable.
Mme la présidente. La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour explication de vote.
Mme Nathalie Goulet. Pour ma part, je voterai cet amendement.
La justice négociée est souvent un peu léonine, si bien qu’il est important que les frais de publicité soient mis à la charge du défendeur, comme le proposent les auteurs de l’amendement. Pour qu’une action soit efficace, il faut qu’elle soit la plus diffusée possible.
Mme la présidente. Je mets aux voix l’article 1er quindecies, modifié.
(L’article 1er quindecies est adopté.)
Chapitre IV
Registre national des actions de groupe
Article 1er sexdecies
Sont inscrites à un registre tenu et mis à la disposition du public par le garde des sceaux, ministre de la justice :
1° Les actions de groupe en cours, clôturées ou ayant fait l’objet d’un désistement devant l’ensemble des juridictions ;
2° Les actions en reconnaissance de droits en cours, clôturées ou ayant fait l’objet d’un désistement devant l’ensemble des juridictions ;
3° Les actions en cessation d’agissements illicites en cours, clôturées ou ayant fait l’objet d’un désistement devant l’ensemble des juridictions ;
4° Les actions en suppression de clauses abusives en cours, clôturées ou ayant fait l’objet d’un désistement devant l’ensemble des juridictions ;
5° Les actions en représentation conjointe en cours, clôturées ou ayant fait l’objet d’un désistement devant l’ensemble des juridictions.
Ce registre comprend également la liste des accords de médiation homologués et relatifs aux actions qui y sont recensées.
Mme la présidente. L’amendement n° 18 rectifié, présenté par Mme N. Delattre, M. Guérini, Mme Guillotin, MM. Guiol et Laouedj, Mme Pantel et M. Fialaire, est ainsi libellé :
Alinéa 1
Supprimer les mots :
et mis à la disposition du public
La parole est à Mme Nathalie Delattre.
Mme Nathalie Delattre. L’article 1er sexdecies prévoit que les actions de groupe en cours, clôturées ou ayant fait l’objet d’un désistement devant l’ensemble des juridictions sont inscrites à un registre tenu et mis à la disposition du public par le garde des sceaux, ministre de la justice.
Le retentissement médiatique d’une action engagée peut avoir des effets considérables, voire destructeurs, sur l’image d’une entreprise, notamment dans ses relations avec ses clients et ses fournisseurs.
Nous considérons donc que la mise à disposition du public d’un registre national des actions de groupe, avant le prononcé du jugement ou lorsque l’action de groupe a fait l’objet d’un désistement, irait à l’encontre de la présomption d’innocence. La publicité donnée à l’action risque en effet d’être assimilée à un prononcé sur la responsabilité du professionnel.
Pour éviter de détruire injustement la réputation d’un professionnel qui n’aurait pas les moyens de se défendre, il est proposé que les actions engagées contre les très petites, petites et moyennes entreprises ne puissent faire l’objet d’une mise à disposition du public.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Christophe-André Frassa, rapporteur. Cette fois, madame Delattre, nous n’allons pas être d’accord… (Sourires.) Votre amendement est contraire à la position de la commission comme à celle de l’Assemblée nationale.
Le registre mis à la disposition du public, qui est tenu par le garde des sceaux, recense les actions de groupe, les actions en reconnaissance de droit et les actions collectives. Je suis opposé à la suppression de cette mesure pour plusieurs raisons.
D’abord, l’objectif principal de la création de ce registre est précisément d’améliorer l’information des justiciables pour leur permettre, d’une part, de rejoindre plus facilement ces actions lorsqu’ils sont concernés et ainsi de favoriser l’indemnisation des victimes ; d’autre part, de savoir quelles actions ont prospéré dans le passé pour estimer si leur propre initiative est elle-même susceptible de prospérer. Supprimer la publicité de ce registre le rendrait en fait inutile.
Ensuite, la commission a précisément souhaité étendre le contenu de ce registre pour parfaire l’information des justiciables.
La suppression de la mise à disposition de ce registre est donc contraire à la position de la commission, raison pour laquelle je vous demande de bien vouloir retirer votre amendement ; à défaut, je me verrai contraint d’émettre un avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Marie Lebec, ministre déléguée. J’irai dans le même sens que le rapporteur, puisque la création de ce registre vise justement à informer ceux de nos concitoyens qui voudraient engager des actions de groupe.
Aux arguments avancés par le rapporteur, j’ajoute celui du risque de sous-transposition du droit communautaire : en effet, le paragraphe 2 de l’article 13 et l’article 14 de la directive (UE) 2020/1828 du 25 novembre 2020 visent à faciliter l’information des consommateurs susceptibles d’adhérer à une action de groupe.
Le registre doit donc nécessairement être public. C’est pourquoi, même si je comprends le risque de réputation que vous évoquez pour les entreprises, l’avis du Gouvernement est défavorable.
Mme la présidente. Madame Delattre, l’amendement n° 18 rectifié est-il maintenu ?
Mme Nathalie Delattre. Non, je le retire, madame la présidente.
Mme la présidente. L’amendement n° 18 rectifié est retiré.
L’amendement n° 10, présenté par Mme N. Goulet, est ainsi libellé :
Alinéas 2 à 6
Après le mot :
désistement
insérer les mots :
d’instance ou d’action
La parole est à Mme Nathalie Goulet.
Mme Nathalie Goulet. Cet amendement vise à préciser que le désistement en question est soit d’instance soit d’action.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Christophe-André Frassa, rapporteur. Cet amendement n’apparaît pas nécessaire. En l’état, l’article 1er sexdecies précise en effet que les différentes actions énumérées et ayant fait l’objet d’un désistement sont recensées dans le registre tenu par le garde des sceaux. Cela inclut donc aussi bien les désistements d’instance que les désistements d’action.
Pour cette raison, madame Goulet, je vous demande de bien vouloir retirer votre amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Marie Lebec, ministre déléguée. Même avis, madame la présidente : c’est bien l’ensemble des désistements qui devront figurer dans le registre, si bien que la précision proposée ne nous paraît pas utile.
Mme la présidente. Madame Goulet, l’amendement n° 10 est-il maintenu ?
Mme Nathalie Goulet. Non, je le retire, madame la présidente. Le rapporteur et la ministre ont apporté les précisions nécessaires.
Mme la présidente. L’amendement n° 10 est retiré.
Je mets aux voix l’article 1er sexdecies.
(L’article 1er sexdecies est adopté.)
Chapitre V
Compétence juridictionnelle en matière d’action de groupe
Article 2
I. – Les actions de groupe sont portées devant l’ordre de juridiction compétent pour en connaître.
Sauf dispositions contraires, l’action de groupe engagée devant le juge judiciaire est introduite et régie selon les règles prévues par le code de procédure civile et celle engagée devant le juge administratif est introduite et régie selon les règles prévues par le code de justice administrative.
II. – L’article L. 211-15 du code de l’organisation judiciaire est ainsi rétabli :
« Art. L. 211-15. – Au moins deux tribunaux judiciaires spécialement désignés connaissent des actions de groupe engagées en toutes matières sur le fondement de la loi n° … du … relative au régime juridique des actions de groupe. »
Mme la présidente. L’amendement n° 33, présenté par Mme M. Vogel, MM. Benarroche, G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mmes Ollivier et Poncet Monge, M. Salmon et Mmes Senée et Souyris, est ainsi libellé :
Alinéa 4
Remplacer les mots :
Au moins deux tribunaux judiciaires spécialement désignés connaissent
par les mots :
Dans le ressort de chaque cour d’appel, un tribunal judiciaire spécialement désigné connaît
La parole est à M. Guy Benarroche.
M. Guy Benarroche. La proximité entre la justice et les justiciables permet de rendre celle-ci plus accessible. J’ai encore entendu hier, à Aix-en-Provence, le garde des sceaux décliner cet objectif, que nous partageons.
D’ailleurs, le Gouvernement a annoncé récemment que les convocations au tribunal ne devront plus obliger la personne convoquée à se rendre disponible pendant toute la journée et que les horaires devront être plus précis pour simplifier l’accès à la justice – figurera ainsi, sur les convocations, une heure définie. Encore une fois, nous sommes d’accord avec l’objectif d’accessibilité. C’est donc une bonne mesure, qui répond aux attentes des justiciables.
Dans le même état d’esprit, nous devrions nous assurer que les tribunaux qui connaîtront des actions de groupe soient créés à proximité des justiciables. Malheureusement, la rédaction actuelle de la proposition de loi ne permettrait pas de garantir une telle proximité, qui est pourtant l’un des objectifs affichés du Gouvernement.
Le texte issu des travaux de la commission prévoit seulement qu’il faudra créer « au moins deux tribunaux judiciaires » spécialisés. Inutile de vous dire qu’avec deux tribunaux spécialisés sur tout le territoire, y compris les outre-mer, l’immense majorité de la population habitera très loin des tribunaux où seront examinées les actions de groupe… Nous devrons ainsi faire l’impasse sur l’objectif d’accessibilité de la justice pour les justiciables, y compris sur l’envoi de convocations aux horaires plus précis.
Pour y remédier, nous proposons, par cet amendement, la création d’un tribunal spécialisé en matière d’action de groupe dans le ressort de chaque cour d’appel – c’est d’une logique imparable. De cette manière, trente-six tribunaux spécialisés seraient répartis sur tout le territoire. Si l’on me répond que c’est impossible, j’objecterai que tel est déjà le cas pour les tribunaux judiciaires spécialisés en matière de contentieux environnemental.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Christophe-André Frassa, rapporteur. Monsieur Benarroche, il ne faut pas confondre proximité et spécialisation.
En l’espèce, nous sommes sur une question de spécialisation. Je comprends votre volonté d’avoir trente-six tribunaux judiciaires spécialisés en matière d’action de groupe, soit un par cour d’appel.
M. Guy Benarroche. C’est bien cela !
M. Christophe-André Frassa, rapporteur. Toutefois, trois raisons expliquent que je ne serai pas favorable à cet amendement, chacune étant suffisante pour justifier cette position.
La première a trait au faible nombre d’actions de groupe – moins de quarante en dix ans. Comment justifier la création de trente-six tribunaux judiciaires spécialisés pour aussi peu de dossiers ?
La deuxième, c’est qu’au regard des spécificités de la procédure et des domaines juridiques concernés, seule une spécialisation poussée des magistrats et des greffiers sur quelques tribunaux permettra de donner du sens à cette spécialisation. D’ailleurs, j’ai proposé d’écrire qu’il y aurait « au moins » deux tribunaux, pas « seulement » deux…
La troisième, c’est que l’argument visant à rapprocher les justiciables de l’institution judiciaire ne me semble pas opérant en matière d’action de groupe dans la mesure où, d’une part, l’action de groupe est portée par un seul demandeur – une association au nom de l’ensemble des membres du groupe – et, d’autre part, elle concerne potentiellement des justiciables répartis sur l’ensemble du territoire national, voire à l’étranger.
Pour ces trois raisons, la commission demande le retrait de cet amendement ; à défaut, elle y sera défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Marie Lebec, ministre déléguée. Monsieur le sénateur, je veux d’abord rappeler que le Gouvernement est attaché à ses prérogatives et que la définition du nombre des juridictions dont nous parlons relève plutôt du domaine réglementaire.
Au-delà de ce rappel, je rejoins les arguments du rapporteur, en particulier le fait que la rédaction actuelle évoque la création d’au moins deux tribunaux spécialisés et pas de seulement deux.
Je veux tout de même vous donner quelques précisions sur l’état des lieux des travaux en cours. La question de la désignation des juridictions est à l’étude et nous rassemblons les données qui permettront d’en définir le nombre. C’est avec ces données, et après consultation des chefs de cour, que nous pourrons désigner les tribunaux spécialisés.
Il est en tout cas important de garder une certaine souplesse pour nous adapter à la situation du terrain.
Je comprends vos arguments, monsieur le sénateur, mais cela ne relève pas du domaine de la loi.
Mme la présidente. La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour explication de vote.
Mme Nathalie Goulet. Je ne voterai pas cet amendement pour les raisons avancées par le rapporteur et la ministre.
Toutefois, si nous voulons que l’action de groupe se développe et rencontre son public – si vous me permettez cette expression –, alors même que chacun peut constater que cette procédure n’a jusqu’à présent pas fonctionné, nous devons à la fois la simplifier et rendre les juridictions accessibles.
Chacun d’entre nous a participé à des rentrées solennelles de juridictions et sait bien, malgré l’excellent budget qui a été voté pour le ministère de la justice, les grandes difficultés qu’elles rencontrent.
Nous devons donc allier spécialité et proximité pour que l’action de groupe soit plus accessible et plus compréhensible pour les justiciables.
Mme la présidente. La parole est à M. Hussein Bourgi, pour explication de vote.
M. Hussein Bourgi. Il est vrai que cet amendement ressemble à un amendement d’appel : il est illusoire, eu égard aux moyens actuels de la justice, d’imaginer qu’il puisse y avoir trente-six tribunaux spécialisés en matière d’action de groupe.
Néanmoins, entre deux et trente-six, on doit pouvoir trouver un nombre satisfaisant qui permette de mailler le territoire sans pour autant mobiliser excessivement les effectifs des tribunaux, dont on sait qu’ils sont déjà fort limités.
Madame la ministre, certes l’organisation judiciaire relève des prérogatives du Gouvernement, mais souffrez que le Parlement, en l’occurrence le Sénat, apporte sa pierre à votre réflexion. Nous sommes les élus des territoires, nous connaissons les associations de personnes concernées, nous sommes au contact des administrés et des justiciables. Vous l’êtes peut-être aussi, mais nous avons un peu plus de temps à y consacrer. Par conséquent, souffrez que nous participions aux réflexions et éclairions vos travaux !
Mme la présidente. La parole est à M. Guy Benarroche, pour explication de vote.
M. Guy Benarroche. Je remercie mes collègues, la ministre et le rapporteur d’avoir bien compris le sens de cet amendement. Comme l’a souligné à l’instant Hussein Bourgi, nous lançons un appel au Gouvernement pour qu’il ne se contente pas de deux tribunaux spécialisés en matière d’action de groupe.
Nous souhaitons également que les travaux qui sont actuellement menés permettent d’avancer dans des délais rapprochés ; cela permettrait tout simplement au ministre de la justice d’atteindre les objectifs qu’il s’est lui-même fixés…
Mme la présidente. Je mets aux voix l’article 2.
(L’article 2 est adopté.)
Chapitre V bis
Dispositions spécifiques à certaines actions de groupe
Article 2 bis A
(Supprimé)
Article 2 bis B
(Non modifié)
En matière de réparation de préjudices résultant de dommages corporels, le règlement amiable intervenant entre le responsable et le demandeur ou ses ayants droit et le jugement statuant sur les droits à indemnisation du demandeur ou de ses ayants droit sont soumis, selon le cas, au chapitre VI du titre VII du livre III du code de la sécurité sociale, au chapitre IV du titre V du livre IV du même code, à l’article L. 752-23 du code rural et de la pêche maritime, à l’ordonnance n° 59-76 du 7 janvier 1959 relative aux actions en réparation civile de l’État et de certaines autres personnes publiques ou au chapitre II et à l’article 44 de la loi n° 85-677 du 5 juillet 1985 tendant à l’amélioration de la situation des victimes d’accidents de la circulation et à l’accélération des procédures d’indemnisation. – (Adopté.)
Article 2 bis C
(Supprimé)
Article 2 bis D
(Non modifié)
Lorsque les manquements reprochés portent sur le respect des règles définies au titre II du livre IV du code de commerce ou des articles 101 et 102 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, la responsabilité du professionnel ne peut être prononcée dans le cadre d’une action de groupe que sur le fondement d’une décision prononcée à l’encontre du professionnel par les autorités ou les juridictions nationales ou de l’Union européenne compétentes, qui constate les manquements et qui n’est plus susceptible de recours pour la partie relative à l’établissement des manquements.
L’action de groupe ne peut être engagée au-delà d’un délai de cinq ans à compter de la date à laquelle la décision mentionnée au premier alinéa n’est plus susceptible de recours. – (Adopté.)
Après l’article 2 bis D
Mme la présidente. L’amendement n° 34, présenté par Mme M. Vogel, MM. Benarroche, G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mmes Ollivier et Poncet Monge, M. Salmon et Mmes Senée et Souyris, est ainsi libellé :
Après l’article 2 bis D
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Lorsque les manquements reprochés portent sur des préjudices résultant d’un dommage à l’environnement, le juge peut statuer, lors du jugement sur la responsabilité en application de l’article 1er quinquies, sur la réparation du préjudice écologique dans les conditions fixées au chapitre III du sous-titre II du titre III du livre III du code civil.
La parole est à M. Daniel Salmon.
M. Daniel Salmon. Malgré l’augmentation des budgets, le stock des affaires en traitement, qui se sont accumulées, reste très important. En matière civile, par exemple, il faudrait 637 jours à nos juridictions pour traiter toutes les affaires pendantes, alors qu’il en faudrait seulement 237 selon la médiane européenne.
Dans ce contexte, tout gain d’efficacité devrait être bon à prendre. C’est ce que le groupe écologiste propose par le biais de cet amendement qui vise à ce que la juridiction qui statue sur une action de groupe en matière environnementale puisse également statuer sur la réparation du dommage écologique.
Même si cela pourrait paraître logique, ce n’est pas ce que le texte prévoit en l’état. En effet, outre la cessation du manquement, l’action de groupe ne peut viser que la réparation du dommage subi par les personnes lésées composant le groupe. Elle ne pourrait pas concerner le préjudice écologique dont la réparation appartient, depuis la loi de 2016 pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages, à l’auteur des faits.
Puisqu’une demande de réparation d’un préjudice subi à la suite d’un dommage à l’environnement va généralement de pair avec l’obligation de réparer ce préjudice, un rapprochement de ces deux procédures ferait sens. Voilà qui représenterait un gain d’efficacité pour le système judiciaire et, plus largement, pour l’État, et qui permettrait d’accélérer les procédures.
Nous savons que le système judiciaire manque cruellement de moyens, si bien que tout ce qui va dans le sens de l’efficacité devrait trouver un appui dans notre hémicycle.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Christophe-André Frassa, rapporteur. Je prends cet amendement comme un amendement d’appel. Je comprends que le groupe écologiste souhaite assurer une meilleure administration de la justice en matière d’action de groupe dans le domaine de l’environnement.
Néanmoins, les conséquences d’une adoption de cet amendement seraient loin d’être neutres. En effet, il vise à permettre au juge saisi d’une action de groupe en matière d’environnement de se prononcer par la même occasion sur la réparation du préjudice écologique prévue par les articles 1246 et suivants du code civil.
À ce stade, je ne dispose pas d’éléments permettant d’expertiser plus avant le dispositif proposé, qui pourrait entraîner des effets de bord négatifs que je ne saurais mesurer : dès lors, la commission n’a d’autre choix que de demander le retrait de cet amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Marie Lebec, ministre déléguée. Le Gouvernement partage en tout point l’avis de la commission.
Tout d’abord, l’action de groupe prévoit que la réparation est directe et intégrale pour les seuls préjudices subis par les personnes membres du groupe.
Par ailleurs, la réparation d’un préjudice écologique s’inscrit dans un cadre juridique spécifique et s’effectue par priorité en nature ou, en cas d’impossibilité, par l’octroi de dommages et intérêts affectés à la réparation de l’environnement. Ce n’est donc pas un préjudice individuel et il existe un cadre juridique spécifique.
Pour ces deux raisons, je vous invite à retirer votre amendement.
Mme la présidente. La parole est à M. Daniel Salmon, pour explication de vote.
M. Daniel Salmon. J’entends bien les arguments avancés par le rapporteur et la ministre, mais cet amendement ne sort pas de nulle part : c’est la Commission européenne pour l’efficacité de la justice (Cepej) qui plaide en ce sens.
La justice est engorgée ; essayons de trouver des solutions au plus vite !
Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 34.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Chapitre VI
Dispositions diverses
Article 2 bis
(Non modifié)
L’action de groupe, qu’elle tende à la cessation du manquement ou à la réparation des préjudices, suspend la prescription des actions individuelles en réparation des préjudices résultant des manquements constatés par le juge ou des faits retenus dans l’accord homologué.
Le délai de prescription recommence à courir, pour une durée qui ne peut être inférieure à six mois, à compter de la date à laquelle le jugement n’est plus susceptible de recours ordinaire ou de pourvoi en cassation ou à compter de la date de l’homologation de l’accord. – (Adopté.)
Article 2 ter
(Non modifié)
Le jugement sur la responsabilité et le jugement d’homologation de l’accord ont autorité de la chose jugée à l’égard de chacun des membres du groupe dont le préjudice a été réparé au terme de la procédure. – (Adopté.)
Article 2 quater
(Non modifié)
L’adhésion au groupe ne fait pas obstacle au droit d’agir selon les voies de droit commun pour obtenir la réparation des préjudices n’entrant pas dans le champ défini par le jugement sur la responsabilité qui n’est plus susceptible de recours ordinaire ou de pourvoi en cassation ou dans le champ d’un accord homologué. – (Adopté.)
Article 2 quinquies A
(Supprimé)
Mme la présidente. L’amendement n° 50, présenté par MM. Bourgi et Chaillou, Mme de La Gontrie, M. Durain, Mme Harribey, M. Kerrouche, Mmes Linkenheld et Narassiguin, MM. Roiron, Lurel et Kanner, Mmes Artigalas, Bélim, Blatrix Contat et Bonnefoy, M. Bouad, Mmes Briquet, Brossel et Canalès, M. Cardon, Mme Carlotti, M. Chantrel, Mmes Conconne et Conway-Mouret, M. Cozic, Mme Daniel, MM. Darras, Devinaz et Éblé, Mme Espagnac, MM. Fagnen et Féraud, Mme Féret, MM. Fichet, Gillé, Jacquin, Jeansannetas, P. Joly et Jomier, Mmes G. Jourda et Le Houerou, M. Lozach, Mme Lubin, MM. Marie, Mérillou et Michau, Mme Monier, MM. Montaugé, Ouizille et Pla, Mme Poumirol, MM. Raynal et Redon-Sarrazy, Mme S. Robert, M. Ros, Mme Rossignol et MM. Stanzione, Temal, Tissot, Uzenat, M. Vallet, Vayssouze-Faure, M. Weber et Ziane, est ainsi libellé :
Rétablir cet article dans la rédaction suivante :
Le demandeur peut s’adjoindre les services d’un avocat pour l’assister, notamment afin qu’il procède à la réception des demandes d’indemnisation ou d’exclusion des membres du groupe, et plus généralement afin qu’il représente les personnes susceptibles d’être indemnisées auprès du demandeur, en vue de leur indemnisation.
La parole est à M. Hussein Bourgi.
M. Hussein Bourgi. Lorsque nous avons entamé les auditions autour de cette proposition de loi, des organisations représentant les avocats nous ont dit qu’il fallait que l’avocat soit systématiquement présent au cours de la procédure. Nous avons fait valoir que le plaignant avait la liberté de choisir de se faire assister ou non. Aujourd’hui, un plaignant, une victime, peut aller tout seul devant les tribunaux pour faire valoir ses intérêts et ses droits. Il n’y a aucune obligation de se faire assister par un avocat.
A contrario, nous avons rencontré des personnes qui pensaient qu’elles ne pouvaient faire appel elles-mêmes à un avocat dès lors qu’elles contactaient une organisation ayant intenté une action de groupe.
C’est la raison pour laquelle nous avons déposé cet amendement qui vise à reprendre la rédaction votée à l’Assemblée nationale prévoyant que le plaignant a la possibilité de se faire assister par un avocat. Il n’y a aucune obligation, mais il est important de rappeler dans la loi que cette possibilité existe.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Christophe-André Frassa, rapporteur. Monsieur Bourgi, vous étiez présent durant nos travaux préparatoires et vous savez très bien que cette disposition est superfétatoire.
En effet, les avocats jouissent d’un monopole s’agissant de l’assistance et de la représentation des justiciables devant les juridictions. Pour les autres activités d’accompagnement juridique, hors des tribunaux, les justiciables sont libres de choisir le professionnel du droit de leur choix : un avocat, un notaire ou un commissaire de justice. Il n’apparaît donc pas nécessaire de rappeler dans la loi une faculté offerte aux demandeurs d’une action de groupe.
L’amendement que j’ai déposé en commission des lois, qui a été adopté par celle-ci et qui supprime cet article de la proposition de loi, permet de simplifier un texte déjà fort lourd. Je suis toujours défavorable à cet article, raison pour laquelle je demande le retrait de cet amendement ; à défaut, j’y serai défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Marie Lebec, ministre déléguée. Je comprends, aux propos du rapporteur, que vous avez déjà eu ce débat en commission. Permettez-moi d’apporter quelques précisions au nom du Gouvernement.
Tout d’abord, indépendamment de toute disposition législative, le demandeur, s’il le souhaite, pourrait s’adjoindre les services d’un avocat pour l’assister dans la phase de liquidation des préjudices.
En outre, d’autres professions judiciaires réglementées, comme les commissaires de justice, répondent aux exigences d’expertise et de déontologie, leur permettant d’exercer cette mission particulière d’assistance auprès des associations.
Ainsi, le Gouvernement serait favorable à la réintroduction de l’article 2 quinquies A sous réserve de deux aménagements : l’élargissement à d’autres professions judiciaires réglementées, comme les commissaires de justice ; la possibilité pour le juge de décider que les frais afférents à cet accompagnement soient mis à la charge du défendeur, à l’instar de ce qui existe déjà pour les actions de groupe dans le domaine de la consommation.
Pour ces raisons, le Gouvernement est défavorable à cet amendement.
Mme la présidente. En conséquence, l’article 2 quinquies A demeure supprimé.
Article 2 quinquies
(Non modifié)
N’est pas recevable l’action de groupe qui se fonde sur le même fait générateur, le même manquement et la réparation des mêmes préjudices que ceux reconnus par le jugement sur la responsabilité ou par un accord homologué. – (Adopté.)
Article 2 sexies
(Non modifié)
Lorsque le juge a été saisi d’une action de groupe et que le demandeur à l’action est défaillant, toute personne ayant qualité pour agir à titre principal peut demander au juge sa substitution dans les droits du demandeur.
Mme la présidente. L’amendement n° 35, présenté par Mme M. Vogel, MM. Benarroche, G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mmes Ollivier et Poncet Monge, M. Salmon et Mmes Senée et Souyris, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :
Pour les actions de groupe exercées par les personnes mentionnées aux I à II de l’article 1er bis de la présente loi, la perte de la qualité à agir, pour quelque motif que ce soit, est sans effet sur la poursuite des actions engagées.
La parole est à M. Jacques Fernique.
M. Jacques Fernique. Au début de l’examen de ce texte, nous avons longuement débattu de la qualité pour agir : qui peut introduire une action de groupe ?
Cette question est essentielle, mais la problématique de la qualité pour agir ne se pose pas seulement au moment de l’introduction d’une action de groupe. En effet, la qualité pour agir pourrait se perdre, pour une raison ou une autre, au cours de la procédure. On pense ici, bien évidemment, à l’association Anticor, qui a perdu en décembre dernier l’agrément qui lui permettait de se constituer partie civile.
Nous risquons de rencontrer des situations similaires pour les actions de groupe. Or, dans l’intérêt des personnes lésées, il est primordial que les procédures entamées puissent être menées à leur terme. Lesdites personnes ont potentiellement déjà investi du temps pour suivre l’action de groupe et espèrent pouvoir toucher une indemnisation pour le préjudice subi. Leur annoncer que l’action de groupe se termine du jour au lendemain risquerait d’éroder la confiance dans cette procédure.
De plus, il faut rappeler que la perte de la qualité pour agir ne dit rien sur la responsabilité de la personne mise en cause. De même, elle ne dit rien sur les modalités d’une indemnisation dans le cas où la responsabilité serait reconnue. Ces questions seront appréciées par les tribunaux. Les magistrats spécialisés, qui statueront sur les questions pendantes, méritent notre pleine confiance.
Enfin, notre proposition entend limiter les conséquences d’une décision politique, alors que les actions de groupe devraient rester en dehors de toute ingérence de ce type.
Nous voulons simplement garantir que les actions en cours soient menées à leur terme.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Christophe-André Frassa, rapporteur. Monsieur Fernique, je comprends votre intention. Dans votre esprit, l’adoption de votre amendement permettrait de sécuriser les membres du groupe dans l’hypothèse particulière – et probablement marginale –, où le demandeur perdrait sa qualité.
Toutefois, cet amendement est déjà satisfait par la rédaction actuelle de l’article 2 sexies, lequel dispose qu’en cas de défaillance du demandeur « toute personne ayant qualité pour agir à titre principal peut demander au juge sa substitution dans les droits du demandeur ». Dans ces conditions, votre proposition est redondante par rapport à la rédaction actuelle.
Aussi, la commission demande le retrait de cet amendement ; à défaut, elle y sera défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Marie Lebec, ministre déléguée. Monsieur le sénateur, nous partageons votre objectif : les membres d’un groupe ne doivent pas être lésés par la perte de leur agrément.
Cependant, votre amendement nous paraît satisfait puisque, en droit commun, les conditions de recevabilité de l’action et la qualité pour agir sont appréciées à la date d’introduction de la demande en justice.
Aussi, la perte de l’agrément par une association requérante n’empêche pas la poursuite de l’instance, une fois la demande en justice introduite.
Mme la présidente. Monsieur Fernique, l’amendement n° 35 est-il maintenu ?
M. Jacques Fernique. Oui, madame la présidente.
Mme la présidente. Je mets aux voix l’article 2 sexies.
(L’article 2 sexies est adopté.)
Article 2 septies
(Non modifié)
Est réputée non écrite toute clause ayant pour objet ou pour effet d’interdire à une personne de participer à une action de groupe. – (Adopté.)
Article 2 octies
(Non modifié)
Le demandeur à l’action peut agir directement contre l’assureur garantissant la responsabilité civile du responsable en application de l’article L. 124-3 du code des assurances. – (Adopté.)
Article 2 nonies
Si l’action intentée présente un caractère sérieux, le juge peut, par décision spécialement motivée, décider que l’avance des frais afférents aux mesures d’instruction qu’il ordonne est prise en charge, en tout ou partie, par l’État.
En cas de rejet de la demande dont il est saisi, il peut également mettre les dépens, en tout ou partie, à la charge de l’État. – (Adopté.)
Après l’article 2 nonies
Mme la présidente. L’amendement n° 36, présenté par Mme M. Vogel, MM. Benarroche, G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mmes Ollivier et Poncet Monge, M. Salmon et Mmes Senée et Souyris, est ainsi libellé :
Après l’article 2 nonies
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Les personnes mentionnées aux I à II de l’article 1er bis de la présente loi ne peuvent être condamnées aux dépens en application de l’article 696 du code de la procédure civile.
II. – Les personnes mentionnées aux I à II de l’article 1er bis de la présente loi ne peuvent être condamnées au paiement des frais exposés et non compris dans les dépens en application de l’article 700 du code de procédure civile.
La parole est à M. Guy Benarroche.
M. Guy Benarroche. Est-il juste que la partie introduisant une action de groupe doive payer des frais de procédure ? Cela nous semble profondément contraire à l’objet de ce texte, qui vise à faciliter les actions de groupe.
En l’état, le texte n’interdit pas que l’association ou le syndicat soit condamné aux dépens ou aux frais pour avoir engagé une action de groupe. De ce fait, ces derniers seront confrontés à un risque juridique et financier.
Comme nous l’avons souligné lors des débats sur les médiations, cette charge financière peut amener associations et syndicats à renoncer à introduire une action de groupe.
Ce risque financier, quelque peu absurde, s’explique par le fait que le code de procédure civile serait applicable aux actions de groupe en matière civile. Sur le fondement dudit code, la jurisprudence a déjà établi que le demandeur peut être amené à payer une partie des frais – tel avait été le cas pour une personne ayant utilisé une « procédure trop lourde », selon les termes mêmes des motifs de la décision.
De plus, la Cour de cassation a également établi le principe que la condamnation au paiement des frais de procédure n’est pas conditionnée à la reconnaissance d’une faute.
Il existe donc un réel risque, dans certains cas, que l’action de groupe soit considérée comme relevant d’une « procédure trop lourde » et que l’association ou le syndicat soient amenés à régler une partie des frais de procédure.
Cela irait à l’encontre de l’esprit de la directive européenne de 2020 sur les actions de groupe, qui demande aux États membres de veiller à ce que des considérations financières n’empêchent pas de telles actions de prospérer.
C’est la raison pour laquelle nous demandons d’inscrire de manière explicite dans le présent texte que la partie demanderesse ne doit pas payer de frais ni être condamnée aux dépens.
Il faudrait aller plus loin et créer un fonds spécial pour financer les actions de groupe. Les règles de recevabilité financière nous empêchant d’en proposer la création, ce sera à vous de le faire, madame la ministre !
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Christophe-André Frassa, rapporteur. Monsieur Benarroche, pour la clarté des débats, je rappelle que l’article 700 du code de procédure civile dispose : « Le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer : 1° À l’autre partie la somme qu’il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. […] Dans tous les cas, le juge tient compte de l’équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d’office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu’il n’y a pas lieu à ces condamnations. »
D’une part, votre amendement est partiellement satisfait par l’article 2 nonies ; d’autre part, son adoption créerait un déséquilibre trop important entre les parties d’une action de groupe. En effet, l’article 2 nonies autorise déjà les juges à mettre provisoirement les frais d’expertise puis les dépens à la charge de l’État, même si le demandeur perd son procès.
En outre, dès lors que le juge décide d’exonérer le demandeur du paiement, il semblerait illogique qu’il lui impose de régler les frais non compris dans les dépens, en vertu de l’article 700 du code de procédure civile.
Pour ces raisons, la commission demande le retrait de cet amendement ; à défaut, elle y sera défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 36.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Article 2 decies
(Non modifié)
Les modalités d’application du présent titre sont déterminées par décret en Conseil d’État. – (Adopté.)
TITRE II
DISPOSITIONS DIVERSES ET TRANSITOIRES
Chapitre Ier
(Division supprimée)
Article 2 undecies
(Supprimé)
Mme la présidente. Je suis saisie de quatre amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 37, présenté par Mme M. Vogel, MM. Benarroche, G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mmes Ollivier et Poncet Monge, M. Salmon et Mmes Senée et Souyris, est ainsi libellé :
Rétablir cet article dans la rédaction suivante :
Le sous-titre II du titre III du livre III du code civil est complété par un chapitre IV ainsi rédigé :
« Chapitre IV
« Sanction civile en cas de faute dolosive ayant causé des dommages sériels
« Art. 1253. – Lorsqu’une personne est reconnue responsable d’un manquement à ses obligations légales ou contractuelles résultant de l’exercice d’une activité professionnelle, le juge peut, à la demande du ministère public, devant les juridictions de l’ordre judiciaire, ou du Gouvernement, devant les juridictions de l’ordre administratif, et par une décision spécialement motivée, la condamner au paiement d’une sanction civile, dont le produit est affecté au Trésor public.
« La condamnation au paiement de la sanction civile ne peut intervenir que si les conditions suivantes sont remplies :
« 1° L’auteur du dommage a délibérément commis une faute en vue d’obtenir un gain ou une économie indu ;
« 2° Le manquement constaté a causé un ou plusieurs dommages à plusieurs personnes physiques ou morales placées dans une situation similaire.
« Le montant de cette sanction est proportionné à la gravité de la faute commise et au profit que l’auteur de la faute en a retiré. Si celui-ci est une personne physique, ce montant ne peut être supérieur au double du profit réalisé. Si l’auteur est une personne morale, ce montant ne peut être supérieur à 5 % du chiffre d’affaires moyen annuel, hors taxes, calculé sur les trois derniers exercices clos antérieurs à celui au cours duquel la faute a été commise.
« Lorsqu’une sanction civile est susceptible de se cumuler avec une amende administrative ou pénale infligée en raison des mêmes faits à l’auteur du manquement, le montant global des amendes prononcées ne dépasse pas le maximum légal le plus élevé.
« Le risque d’une condamnation à la sanction civile n’est pas assurable. »
La parole est à M. Daniel Salmon.
M. Daniel Salmon. S’enrichir en transgressant la loi, voilà une situation que nous voulons toutes et tous ici éviter.
Pour autant, elle peut se produire si les sanctions des infractions sont moins élevées que les gains économiques que leurs auteurs peuvent en tirer.
Ce risque est particulièrement élevé pour les fautes qui donnent lieu à une action de groupe, laquelle permet uniquement de réparer le préjudice subi. Certes, le dommage en question peut être important et la réparation à payer élevée, mais le profit économique réalisé peut aussi être beaucoup plus important.
C’est non pas moi qui le dis, mais les députés Laurence Vichnievsky et Philippe Gosselin, auteurs du rapport d’information sur le bilan et les perspectives des actions de groupe. Selon eux, il peut arriver que « le montant de la condamnation [soit] très probablement inférieur au profit retiré par l’entreprise du fait du non-respect des dispositions légales ou contractuelles ».
Dans de telles situations, l’entreprise serait encouragée à transgresser la loi, à mettre son devoir de vigilance de côté. Et il n’est même pas sûr qu’elle soit sanctionnée, car il faudrait qu’un contrôle, une plainte ou une action de groupe aboutisse.
Afin d’éviter cette situation, le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires demande que les juges puissent sanctionner ces entreprises pour faute dolosive ayant causé des dommages sériels, même si le préjudice a été intégralement réparé.
La commission des lois de l’Assemblée nationale a adopté cette proposition.
Mme la présidente. Les trois amendements suivants sont identiques.
L’amendement n° 19 rectifié est présenté par M. Bourgi, Mme de La Gontrie, MM. Durain et Chaillou, Mme Harribey, M. Kerrouche, Mmes Linkenheld et Narassiguin, MM. Roiron, Lurel et Kanner, Mmes Artigalas, Bélim, Blatrix Contat et Bonnefoy, M. Bouad, Mmes Briquet, Brossel et Canalès, M. Cardon, Mme Carlotti, M. Chantrel, Mmes Conconne et Conway-Mouret, M. Cozic, Mme Daniel, MM. Darras, Devinaz et Éblé, Mme Espagnac, MM. Fagnen et Féraud, Mme Féret, MM. Fichet, Gillé, Jacquin, Jeansannetas, P. Joly et Jomier, Mmes G. Jourda et Le Houerou, M. Lozach, Mme Lubin, MM. Marie, Mérillou et Michau, Mme Monier, MM. Montaugé, Ouizille et Pla, Mme Poumirol, MM. Raynal et Redon-Sarrazy, Mme S. Robert, M. Ros, Mme Rossignol et MM. Stanzione, Temal, Tissot, Uzenat, M. Vallet, Vayssouze-Faure, M. Weber et Ziane.
L’amendement n° 38 est présenté par Mme M. Vogel, MM. Benarroche, G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mmes Ollivier et Poncet Monge, M. Salmon et Mmes Senée et Souyris.
L’amendement n° 49 est présenté par M. Bocquet et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky.
Ces trois amendements sont ainsi libellés :
Rétablir cet article dans la rédaction suivante :
Le sous-titre II du titre III du livre III du code civil est complété par un chapitre IV ainsi rédigé :
« Chapitre IV
« Sanction civile en cas de faute dolosive ayant causé des dommages sériels
« Art. 1253. – Lorsqu’une personne est reconnue responsable d’un manquement à ses obligations légales ou contractuelles résultant de l’exercice d’une activité professionnelle, le juge peut, à la demande du ministère public, devant les juridictions de l’ordre judiciaire, ou du Gouvernement, devant les juridictions de l’ordre administratif, et par une décision spécialement motivée, la condamner au paiement d’une sanction civile, dont le produit est affecté au Trésor public.
« La condamnation au paiement de la sanction civile ne peut intervenir que si les conditions suivantes sont remplies :
« 1° L’auteur du dommage a délibérément commis une faute en vue d’obtenir un gain ou une économie indu ;
« 2° Le manquement constaté a causé un ou plusieurs dommages à plusieurs personnes physiques ou morales placées dans une situation similaire.
« Le montant de cette sanction est proportionné à la gravité de la faute commise et au profit que l’auteur de la faute en a retiré. Si celui-ci est une personne physique, ce montant ne peut être supérieur au double du profit réalisé. Si l’auteur est une personne morale, ce montant ne peut être supérieur à 3 % du chiffre d’affaires moyen annuel, hors taxes, calculé sur les trois derniers exercices clos antérieurs à celui au cours duquel la faute a été commise.
« Lorsqu’une sanction civile est susceptible de se cumuler avec une amende administrative ou pénale infligée en raison des mêmes faits à l’auteur du manquement, le montant global des amendes prononcées ne dépasse pas le maximum légal le plus élevé.
« Le risque d’une condamnation à la sanction civile n’est pas assurable. »
La parole est à M. Hussein Bourgi, pour présenter l’amendement n° 19 rectifié.
M. Hussein Bourgi. Dans le prolongement des propos de l’orateur précédent, il s’agit ni plus ni moins de rétablir l’amendement adopté par la commission des lois de l’Assemblée nationale et voté en séance.
Quel est son objet ? Mettre un peu de morale – juste un peu – dans le procès. Et en mettant un peu de morale dans le procès, on en mettra aussi dans les affaires économiques et commerciales, mes chers collègues.
Il nous semble anormal qu’un professionnel puisse volontairement commettre des manquements dans le seul but d’en tirer des gains illicites, sans craindre des pénalités financières. Le législateur, de même que le pouvoir judiciaire, est là pour moraliser la société face aux dérives du monde économique et commercial.
Nous connaissons tous cet univers. Certains d’entre nous y ont travaillé, d’autres ont de la famille qui y travaille, comme moi. On y trouve des gens admirables et vertueux qui n’ont pas à être assimilés à ceux qui, beaucoup moins vertueux, se livrent à des pratiques que l’on ne peut que condamner et qu’il faut moraliser.
Mme la présidente. La parole est à M. Jacques Fernique, pour présenter l’amendement n° 38.
M. Jacques Fernique. Il s’agit d’un amendement de repli par rapport à notre amendement n° 37.
Nous demandons certes le rétablissement de la sanction civile, mais dans la rédaction adoptée à l’unanimité en séance publique à l’Assemblée nationale.
Cette version est un peu moins ambitieuse que celle de la commission des lois de l’Assemblée nationale en ce qu’elle prévoit de plafonner le montant de la sanction à 3 % du chiffre d’affaires moyen annuel, au lieu de 5 %.
Cette mesure, proposée par les députés ayant rédigé le rapport d’information et la présente proposition de loi, est également préconisée par la Défenseure des droits dans son avis sur le texte.
On pourrait même réfléchir à flécher le produit de cette sanction vers les associations habilitées à introduire une action de groupe. Dans la mesure où cette voie d’accès à la justice dépend de ces associations et de leur capacité financière, cela serait plus que légitime.
D’autres pays ont déjà reconnu que la capacité financière de ces associations est cruciale. Ainsi, le Québec et Israël ont mis en place des fonds pour financer les actions de groupe. De même, le Comité économique et social européen demande la création d’un tel fonds.
Beaucoup reste à faire en matière de financement. Le prochain projet de loi de finances nous donnera sûrement l’occasion d’en débattre de nouveau.
Le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires appelle vivement à mettre en place la sanction civile pour faute ayant causé des dommages sériels.
Mme la présidente. La parole est à M. Éric Bocquet, pour présenter l’amendement n° 49.
M. Éric Bocquet. Il est défendu.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Christophe-André Frassa, rapporteur. Mes chers collègues, si nous avions trois heures devant nous, je vous demanderais de prendre un stylo et une feuille pour répondre à la question suivante : le rôle du droit est-il de faire de la morale ?
M. Hussein Bourgi. Oui ! (Sourires.)
M. Christophe-André Frassa, rapporteur. Patience, vous avez trois heures ! (Nouveaux sourires.)
Pour revenir aux amendements, je ferai plusieurs observations. Premièrement, la proposition de loi que nous avons à examiner ce soir vise à unifier le régime des actions de groupe et à transposer la directive européenne du 25 novembre 2020. Or la sanction civile n’est pas imposée par le droit européen.
Deuxièmement, la création d’une sanction civile constitue une réforme d’ampleur du droit de la responsabilité civile, qui mériterait d’être discutée, à mon sens, dans un autre cadre.
Troisièmement, la sanction civile ne fait pas consensus entre les tenants de la doctrine, les praticiens du droit et les acteurs économiques. Ces derniers y sont – pour la plupart – particulièrement opposés, comme l’ont rappelé les personnalités que j’ai pu auditionner. En outre, lorsque la commission des lois a étudié cette sanction civile, elle s’est toujours montrée très réservée sur sa création dans notre droit interne.
Quatrièmement, tant le Conseil d’État que la direction des affaires civiles et du sceau ont fait part de leurs réserves, voire de leur opposition à la création d’une amende civile, à la fois pour des raisons de forme – je viens de les évoquer – et de fond. En effet, le dispositif proposé présente plusieurs fragilités juridiques, exposant ce texte à la censure du Conseil constitutionnel.
Cinquièmement, vous avez presque tous mentionné la création d’un fonds pour aider les actions de groupe ; mais la loi Hamon l’évoque déjà. Or c’est bien par-là que pèche aussi cette sanction civile, dont le produit va tout simplement dans les caisses du Trésor public. Elle vise donc complètement à côté de sa cible !
On créerait une sanction civile dotée de toutes les caractéristiques d’une sanction pénale, mais qui n’aurait pas pour finalité d’aider les associations à financer leurs actions de groupe et dont le produit ne ferait qu’enrichir le Trésor public.
Quel serait l’intérêt de créer une telle sanction ? Nous aurions pu débattre du fond, si son produit avait été fléché vers les associations. En l’espèce, il s’agit de créer, dans un titre du code civil, une sanction civile applicable partout et en tout temps, qui n’est même pas liée à l’action de groupe alors qu’elle est adossée à cette procédure.
Pour toutes ces raisons, et chacune se suffisant à elle-même, la commission demande le retrait de ces amendements ; à défaut, elle y sera défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Marie Lebec, ministre déléguée. Le Gouvernement partage l’avis de la commission, fort bien argumenté par le rapporteur.
À l’origine, le Gouvernement était favorable à la position d’équilibre trouvée par la commission des lois du Sénat. La suppression de l’article nous a paru opportune, puisqu’elle permet notamment de lever les fragilités juridiques présentes dans le texte adopté par l’Assemblée nationale, notamment au regard du principe de légalité des délits et des peines, en l’absence d’une définition claire et précise de la notion de faute lucrative.
Autre fragilité : le manquement du professionnel à une obligation caractérisée n’est pas davantage précisé.
En outre, la notion de dommage sériel, comprise comme « un ou des dommages causés à plusieurs personnes physiques ou morales placées dans une situation similaire », est inconnue du droit civil.
Par ailleurs, le texte pose le principe d’un cumul possible de cette sanction avec une amende administrative ou pénale, mais la rédaction retenue est trop générale et ne donne pas les leviers nécessaires au juge pour apprécier de manière précise la proportionnalité d’une telle sanction.
Si cet article était réintégré, il soulèverait un certain nombre de questions à propos de sa mise en œuvre et de l’effectivité des mesures.
Enfin, la directive européenne, que la proposition de loi tend à transposer, n’impose pas de telles sanctions.
Pour toutes ces raisons, et pour celles aussi que M. le rapporteur a évoquées, le Gouvernement émet un avis défavorable sur ces amendements.
Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 19 rectifié, 38 et 49.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
Mme la présidente. En conséquence, l’article 2 undecies demeure supprimé.
Chapitre II
Habilitation à exercer des actions représentatives transfrontières
Article 2 duodecies A
Pour l’application du présent chapitre, on entend par action de groupe transfrontière une action de groupe intentée par un demandeur devant une juridiction ou une autorité compétente d’un État membre de l’Union européenne autre que celui dans lequel le demandeur a été désigné, en application de l’article 4 de la directive (UE) 2020/1828 du Parlement européen et du Conseil du 25 novembre 2020 relative aux actions représentatives visant à protéger les intérêts collectifs des consommateurs et abrogeant la directive 2009/22/CE. (Adopté.)
Article 2 duodecies
Dans des conditions définies par décret, le ministre chargé de la consommation délivre un agrément permettant d’exercer des actions représentatives transfrontières, au sens de la directive (UE) 2020/1828 du Parlement européen et du Conseil du 25 novembre 2020 relative aux actions représentatives visant à protéger les intérêts collectifs des consommateurs et abrogeant la directive 2009/22/CE, aux personnes morales qui :
1° Justifient à la date du dépôt de leur demande d’agrément de l’exercice d’une activité effective et publique de douze mois consécutifs dans la protection des intérêts des consommateurs ;
2° Ont un objet statutaire qui démontre qu’elles ont un intérêt légitime à protéger les intérêts des consommateurs ;
3° Poursuivent un but non lucratif ;
4° Ne font pas l’objet, à la date du dépôt de leur demande d’agrément, d’une procédure collective prévue au livre IV du code du commerce, d’une procédure d’insolvabilité et ne sont pas déclarées insolvables ;
5° Sont indépendantes et ne sont pas influencées par des personnes autres que des consommateurs, en particulier par des professionnels, ayant un intérêt économique dans l’introduction d’une quelconque action représentative, y compris en cas de financement par des tiers. Elles ont adopté à cette fin des procédures écrites de prévention et de gestion des conflits d’intérêts ;
6° Mettent à la disposition du public, par tout moyen approprié, des informations sur leur objet statutaire, sur leurs activités, sur les sources principales de leur financement et sur leur organisation.
Le ministre chargé de la consommation assure la publication et la mise à la disposition du public de la liste des personnes morales qu’il a agréées à l’avance aux fins d’intenter des actions représentatives transfrontières au sens de la directive (UE) 2020/1828 du Parlement européen et du Conseil du 25 novembre 2020 précitée.
Mme la présidente. L’amendement n° 12, présenté par Mme N. Goulet, est ainsi libellé :
Alinéa 7
Après le mot :
approprié
insérer les mots :
et dans les langues officielles de l’Union européenne
La parole est à Mme Nathalie Goulet.
Mme Nathalie Goulet. L’alinéa 7 de l’article 2 duodecies prévoit qu’il faut mettre à disposition du public, par tout moyen approprié, des informations relatives aux actions engagées.
S’agissant d’actions de groupe transfrontières, je me suis demandé quelles langues seraient utilisées pour communiquer lesdites informations.
Aussi, je propose un amendement visant à préciser qu’il s’agit des « langues officielles de l’Union européenne », parce qu’il s’agit d’actions transfrontières.
Dans le cas d’une action franco-espagnole ou entre la Lituanie et la Pologne, quelles seraient les langues utilisées ? Je l’ignore, d’où cet amendement d’appel, qui va recevoir, j’en suis sûre, l’approbation de notre commission. (Sourires.)
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Christophe-André Frassa, rapporteur. Madame Goulet, vous nous proposez d’organiser un festival dans les vingt-quatre langues de l’Union européenne afin de pouvoir obtenir l’agrément du ministre chargé de la consommation.
Une telle mesure ne serait pas conforme à la directive, dont l’article 4 précise que, pour exercer une action de groupe transfrontière, les personnes morales doivent mettre à disposition du public des informations sur les sources de leur financement, leur structure organisationnelle, leurs activités, etc. À défaut, elles ne peuvent être désignées comme qu’entités qualifiées pour exercer des actions de groupe transfrontières.
En revanche, la directive ne précise en aucun cas que ces informations doivent être mises à disposition du public dans toutes les langues de l’Union européenne pour pouvoir exercer des actions de groupe transfrontières.
Une telle précision ajouterait une nouvelle obligation non prévue par la directive et ne serait donc pas conforme au droit européen.
En outre, cette obligation supplémentaire induirait des coûts très importants pour les associations souhaitant exercer des actions de groupe transfrontières, alors même que leur situation financière est souvent plutôt fragile.
Pour ces raisons, la commission demande le retrait de cet amendement ; à défaut, elle y sera défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Marie Lebec, ministre déléguée. Madame Goulet, plus tôt dans nos débats, vous avez rappelé à très juste titre que la question de l’accessibilité de la justice était essentielle. J’entends donc votre proposition sur le recours aux différentes langues de l’Union européenne.
Néanmoins, et pour reprendre l’argument avancé par M. le rapporteur, une telle mesure soulève la question des moyens financiers. Souvent, en effet, les entités qui exercent des actions représentatives transfrontières ont peu de moyens. À cet égard, l’adoption de votre amendement créerait une charge excessive pour les associations : avis défavorable.
Mme la présidente. Madame Goulet, l’amendement n° 12 est-il maintenu ?
Mme Nathalie Goulet. Je comprends très bien les arguments de la ministre et du rapporteur.
Toutefois, s’agissant d’une question transfrontière, des problèmes linguistiques se poseront forcément. Ils doivent être résolus par des traductions, qu’elles pèsent ou non financièrement.
Imaginez un document écrit en grec : qui voudra adhérer à une procédure collective engagée sur la base d’une langue qu’il ne connaît pas ?
Je retire cet amendement, madame la présidente, mais je considère qu’il s’agit d’un véritable sujet.
Mme la présidente. L’amendement n° 12 est retiré.
L’amendement n° 39, présenté par Mme M. Vogel, MM. Benarroche, G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mmes Ollivier et Poncet Monge, M. Salmon et Mmes Senée et Souyris, est ainsi libellé :
Alinéa 8
Compléter cet alinéa par les mots :
et informe également la Commission européenne de toute modification
La parole est à M. Guy Benarroche.
M. Guy Benarroche. L’objet de cet amendement est très simple : il s’agit de faciliter la coordination des actions de groupe transfrontalières par la Commission européenne.
En effet, c’est la Commission qui veille à ce qu’aucune situation potentiellement problématique ne se produise. À ce titre, elle peut, par exemple, demander à l’Autorité de la concurrence et à ses homologues des autres pays membres de vérifier si les associations qui peuvent entamer une action de groupe transfrontalière ne violent pas les conditions pour le faire.
Elle tient également un registre des acteurs qui peuvent entamer de telles actions.
Afin de mener à bien son travail, il faut qu’elle dispose de toutes les informations nécessaires de la part des États membres, et ce en temps réel.
Cependant, en l’état, il faudrait qu’elle récupère elle-même toute information nécessaire des autorités françaises, lesquelles ne seraient pas tenues de l’informer de leur propre initiative.
Informer la Commission européenne aurait donc du sens, notamment en cas de perte d’agrément d’un acteur. Dans ce dernier cas, la Commission devrait agir rapidement, des actions de groupe en cours dans d’autres États membres étant potentiellement concernées par la perte de la qualité pour agir.
Pour cette raison, la directive européenne demande explicitement que la Commission européenne soit informée de toute modification du registre des acteurs habilités. En toute logique, les États membres ayant déjà transposé cette directive ont également inscrit dans leur droit cette obligation d’information, à l’instar du Portugal.
Nous devrions faire de même. Toutefois, en l’état, la rédaction de la présente proposition de loi ne nous le permettrait pas. C’est la raison pour laquelle nous proposons d’inscrire explicitement cette obligation d’information, afin de transposer pleinement la directive européenne de 2020, comme le font les autres États membres.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Christophe-André Frassa, rapporteur. Cet amendement vise à assurer la bonne transposition du paragraphe 1 de l’article 5 de la directive européenne relative aux actions représentatives, qui précise que les États membres doivent informer la Commission européenne à chaque modification de la liste des entités qualifiées pour exercer des actions de groupe transfrontières. (M. Guy Benarroche le confirme.)
Il s’agit bien d’actions « transfrontières », monsieur Benarroche, et non « transfrontalières ». Malgré cette erreur, la commission émet un avis favorable sur votre amendement. (Sourires.)
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. Je mets aux voix l’article 2 duodecies, modifié.
(L’article 2 duodecies est adopté.)
Article 2 terdecies A
(Non modifié)
À la demande de la Commission européenne ou d’un État membre de l’Union européenne, l’autorité administrative chargée de la concurrence et de la consommation procède aux vérifications nécessaires quant au fait que l’un des organismes mentionnés à l’article 2 duodecies ne répond plus aux critères ayant justifié l’attribution de son agrément.
L’autorité administrative chargée de la concurrence et de la consommation informe de sa position l’autorité à l’origine de la demande. – (Adopté.)
Chapitre III
Dispositions de coordination
Article 2 terdecies
Le code de la consommation est ainsi modifié :
1° Au troisième alinéa de l’article L. 132-1 A et au deuxième alinéa des articles L. 241-1-1, L. 241-5 et L. 242-18- 1, les mots : « et L. 623-1 » sont remplacés par les mots : « et du titre Ier de la loi n° … du … relative au régime juridique des actions de groupe » ;
1° bis L’article L. 621-7 est ainsi rédigé :
« Art. L. 621-7. – Les associations mentionnées à l’article L. 621-1 et les organismes mentionnés au I bis de l’article 1er bis de la loi n° … du … relative au régime juridique des actions de groupe peuvent agir devant la juridiction civile pour faire cesser ou interdire tout agissement illicite portant directement ou indirectement atteinte à l’intérêt collectif des consommateurs.
« Sauf dispositions contraires figurant au présent titre, cette action est exercée selon les modalités fixées au titre Ier de la loi n° … du … précitée. » ;
1° ter À l’article L. 621-9, les mots : « à raison de faits non constitutifs d’une infraction pénale » sont supprimés et, après la référence : « L. 621-1 », sont insérés les mots : « et les organismes mentionnés au I bis de l’article 1er bis de la loi n° … du … relative au régime juridique des actions de groupe » ;
2° À la fin de l’article L. 652-1, les mots : « à l’article L. 623-1 » sont remplacés par les mots : « au 1° du I de l’article 1er bis de la loi n° … du … relative au régime juridique des actions de groupe » ;
3° (Supprimé) – (Adopté.)
Article 2 quaterdecies
L’article L. 77-10- 1 du code de justice administrative est ainsi rédigé :
« Art. L. 77-10-1. – L’action de groupe est régie par le titre Ier de la loi n° … du … relative au régime juridique des actions de groupe. » – (Adopté.)
Article 2 quindecies
(Supprimé)
Chapitre IV
(Division supprimée)
Article 2 sexdecies
(Supprimé)
Chapitre IV bis
Dispositions relatives à l’outre-mer
(Division nouvelle)
Article 2 septdecies (nouveau)
La présente loi, à l’exception de l’article 1er quindecies, est applicable aux îles Wallis et Futuna. – (Adopté.)
Chapitre V
Entrée en vigueur et abrogation des régimes spécifiques d’action de groupe
Article 3
I. – (Non modifié) Sont abrogés :
1° Le chapitre III du titre II du livre VI du code de la consommation ;
2° L’article L. 142-3-1 du code de l’environnement ;
2° bis Les articles L. 77-10- 2 à L. 77-10- 25 du code de justice administrative ;
3° Le chapitre XI du titre VII du livre VII du même code ;
3° bis L’article L. 211-9-2 du code de l’organisation judiciaire ;
4° Les articles L. 1143-1 à L. 1143-13 du code de la santé publique ;
5° La section 2 du chapitre IV du titre III du livre Ier de la première partie du code du travail ;
6° L’article 37 de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés ;
7° L’article 10 de la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d’adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations ;
8° Le chapitre Ier du titre V de la loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXIe siècle.
I bis (nouveau). – Au premier alinéa de l’article L. 532-2 du code de l’organisation judiciaire, la référence : « L. 211-9-2, » est supprimée.
II. – (Non modifié) Les dispositions mentionnées au I demeurent applicables aux actions introduites avant la publication de la présente loi.
III. – La présente loi est applicable aux seules actions dont le fait générateur de la responsabilité ou le manquement est postérieur à l’entrée en vigueur de la présente loi.
Mme la présidente. Je suis saisie de huit amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 20 rectifié, présenté par M. Bourgi, Mme de La Gontrie, MM. Durain et Chaillou, Mme Harribey, M. Kerrouche, Mmes Linkenheld et Narassiguin, MM. Roiron, Lurel et Kanner, Mmes Artigalas, Bélim, Blatrix Contat et Bonnefoy, M. Bouad, Mmes Briquet, Brossel et Canalès, M. Cardon, Mme Carlotti, M. Chantrel, Mmes Conconne et Conway-Mouret, M. Cozic, Mme Daniel, MM. Darras, Devinaz et Éblé, Mme Espagnac, MM. Fagnen et Féraud, Mme Féret, MM. Fichet, Gillé, Jacquin, Jeansannetas, P. Joly et Jomier, Mmes G. Jourda et Le Houerou, M. Lozach, Mme Lubin, MM. Marie, Mérillou et Michau, Mme Monier, MM. Montaugé, Ouizille et Pla, Mme Poumirol, MM. Raynal et Redon-Sarrazy, Mme S. Robert, M. Ros, Mme Rossignol et MM. Stanzione, Temal, Tissot, Uzenat, M. Vallet, Vayssouze-Faure, M. Weber et Ziane, est ainsi libellé :
Alinéas 12 à 14
Rédiger ainsi ces alinéas :
II. – Les dispositions mentionnées au I demeurent applicables aux actions introduites avant la publication de la présente loi.
III. – La présente loi, à l’exception de l’article 2 undecies, est applicable aux seules actions intentées après sa publication.
L’article 2 undecies est applicable aux seules actions dont le fait générateur de la responsabilité du défendeur est postérieur à la publication de la présente loi.
La parole est à M. Hussein Bourgi.
M. Hussein Bourgi. Nous proposons de rétablir l’article 3 dans sa rédaction issue des travaux de l’Assemblée nationale. Ainsi, dès l’entrée en vigueur du texte, ses dispositions seront applicables à toutes les actions de groupe actuellement pendantes devant les juridictions françaises.
À rebours, notre rapporteur souhaite que cette proposition de loi ne s’applique qu’aux seules actions de groupe dont le fait générateur serait postérieur à son entrée en vigueur.
Voter l’article 3 en l’état ne conduirait qu’à ralentir l’essor et le succès des actions de groupe en France, ce qui serait antinomique avec le constat que nous avons toutes et tous dressé au cours de cette discussion sur les insuffisances de la loi de 2014 relative à la consommation, dite loi Hamon.
Il est temps de faire un saut tant qualitatif que quantitatif dans la législation applicable aux actions de groupe.
Mme la présidente. L’amendement n° 54, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Alinéa 12
Remplacer cet alinéa par cinq alinéas ainsi rédigés :
I bis. – Le code de l’organisation judiciaire est ainsi modifié :
1° Le premier alinéa de l’article L. 532-2 est ainsi modifié :
a) Les mots : « des articles L. 211-9-2, L. 211-10 et L. 211-12 » sont remplacés par les mots : « des articles L. 211-10, L. 211-12 et L. 211-15 » ;
b) Les mots : « loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice » sont remplacés par les mots : « loi n° du relative au régime juridique des actions de groupe » ;
2° Aux articles L. 552-2 et L. 562-2, la référence : « L. 211-9-2, » est supprimée.
La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme la présidente. L’amendement n° 57, présenté par M. Frassa, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Alinéa 13
Remplacer les mots :
introduites avant la publication
par les mots :
dont le fait générateur de la responsabilité ou le manquement est antérieur à l’entrée en vigueur
La parole est à M. le rapporteur.
M. Christophe-André Frassa, rapporteur. Cet amendement vise à répondre aux craintes et interrogations évoquées en commission.
Afin de parer tout effet d’éviction, le régime antérieur à la loi doit demeurer applicable aux actions dont le fait générateur est antérieur à son entrée en vigueur.
À titre d’exemple, des actions de groupe pourraient toujours être engagées en matière de lutte contre les discriminations sur des faits antérieurs à l’entrée en vigueur de la présente proposition de loi, mais elles seraient soumises au régime procédural antérieur.
Mme la présidente. Les deux amendements suivants sont identiques.
L’amendement n° 15 est présenté par Mme N. Goulet.
L’amendement n° 40 est présenté par Mme M. Vogel, MM. Benarroche, G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mmes Ollivier et Poncet Monge, M. Salmon et Mmes Senée et Souyris.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Alinéa 14
Supprimer cet alinéa.
La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour présenter l’amendement n° 15.
Mme Nathalie Goulet. Il est défendu.
Mme la présidente. La parole est à M. Daniel Salmon, pour présenter l’amendement n° 40.
M. Daniel Salmon. Il faut apprendre des erreurs du passé. Si nous limitons le nouveau régime juridique des actions de groupe aux seuls faits postérieurs à l’entrée en vigueur de la loi, ce régime ne s’appliquera de manière effective que dans plusieurs années.
On pourrait penser que le législateur n’a pas le droit d’édicter des normes rétroactives, mais tel n’est pas le cas. Nous souhaitons non pas créer une nouvelle infraction pénale s’appliquant de manière rétroactive, mais modifier une procédure pour saisir la justice, ce qui est parfaitement licite.
Quand les actions de groupe en matière de droit de la consommation et en matière de santé ont été instituées, elles pouvaient viser des faits antérieurs à l’entrée en vigueur de la loi.
Il n’existe donc aucun obstacle juridique. Au contraire, prévoir une entrée en vigueur rapide relève de l’obligation. D’une part, parce que nous sommes déjà en retard : la France, comme tous les États membres de l’Union européenne, avait jusqu’au 26 décembre 2022 pour transposer la directive européenne sur les actions de groupe. D’autre part, parce que nous devons offrir aux personnes lésées un accès effectif à la justice : nous sommes donc dans l’obligation de faciliter le recours aux actions de groupe.
Pour autant, la droite sénatoriale a voulu, en commission, repousser l’entrée en vigueur effective de cette proposition de loi. Au travers de cet amendement, mes chers collègues, nous vous appelons à changer d’avis. Force aux actions de groupe ! (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)
Mme la présidente. L’amendement n° 22 rectifié, présenté par MM. P. Joly et Bourgi, Mme de La Gontrie, MM. Durain et Chaillou, Mme Harribey, M. Kerrouche, Mmes Linkenheld et Narassiguin, MM. Roiron, Lurel et Kanner, Mmes Artigalas, Bélim, Blatrix Contat et Bonnefoy, M. Bouad, Mmes Briquet, Brossel et Canalès, M. Cardon, Mme Carlotti, M. Chantrel, Mmes Conconne et Conway-Mouret, M. Cozic, Mme Daniel, MM. Darras, Devinaz et Éblé, Mme Espagnac, MM. Fagnen et Féraud, Mme Féret, MM. Fichet, Gillé, Jacquin, Jeansannetas et Jomier, Mmes G. Jourda et Le Houerou, M. Lozach, Mme Lubin, MM. Marie, Mérillou et Michau, Mme Monier, MM. Montaugé, Ouizille et Pla, Mme Poumirol, MM. Raynal et Redon-Sarrazy, Mme S. Robert, M. Ros, Mme Rossignol et MM. Stanzione, Temal, Tissot, Uzenat, M. Vallet, Vayssouze-Faure, M. Weber et Ziane, est ainsi libellé :
Alinéa 14
Rédiger ainsi cet alinéa :
III. – La présente loi est applicable aux seules actions intentées après sa publication.
La parole est à M. Patrice Joly.
M. Patrice Joly. Il est défendu.
Mme la présidente. Les deux amendements suivants sont identiques.
L’amendement n° 13 rectifié bis est présenté par Mme N. Delattre, M. Cabanel, Mme M. Carrère, MM. Fialaire, Gold et Guérini, Mme Guillotin, MM. Guiol, Laouedj et Masset, Mme Pantel et M. Bilhac.
L’amendement n° 42 est présenté par M. Bocquet et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Alinéa 14
Remplacer les mots :
dont le fait générateur de la responsabilité ou le manquement est postérieur à l’entrée en vigueur de la présente loi
par les mots :
intentées après sa publication
La parole est à Mme Nathalie Delattre, pour présenter l’amendement n° 13 rectifié bis.
Mme Nathalie Delattre. Comme je l’ai indiqué dans la discussion générale, je suis soulagée que le Gouvernement et la commission des lois aient présenté un amendement à l’article 3.
Si la rédaction de notre amendement ne convient pas, je le retirerai. Il importe surtout de traiter efficacement ce problème, car les attentes sont fortes.
Mme la présidente. La parole est à M. Éric Bocquet, pour présenter l’amendement n° 42.
M. Éric Bocquet. Il est défendu, madame la présidente.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Christophe-André Frassa, rapporteur. J’émets un avis favorable sur l’amendement de coordination présenté par le Gouvernement.
En outre, l’amendement n° 57 de la commission me semble préférable aux amendements nos 20 rectifié, 15, 40, 22 rectifié, 13 rectifié bis et 42.
Outre une disposition d’entrée en vigueur de l’article 2 undecies supprimé à l’amendement n° 20 rectifié de M. Bourgi, l’ensemble de ces amendements tendent à revenir sur la position adoptée par la commission visant à n’ouvrir le régime principal instauré par le présent texte que pour les faits générateurs postérieurs à la publication de la loi.
Certes, le législateur est libre de décider de la rétroactivité de dispositions de procédures civiles, ce que je n’ai jamais remis en cause. Il est également possible de faire le choix contraire – ce que je vous propose –, sans que cela pose de problème de constitutionnalité.
Il ne résulterait de ce régime aucune rupture d’égalité.
D’une part, ce régime d’entrée en vigueur a été prévu par la loi du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXIe siècle pour les actions de groupe en matière de discriminations ou de questions environnementales, sans que le Conseil constitutionnel ait à s’en émouvoir particulièrement.
D’autre part, il existe déjà des différences entre le justiciable recherchant la réparation du préjudice à titre individuel et celui la recherchant à titre collectif, la possibilité de prétendre à une réparation dépendant du domaine dans lequel l’action est engagée. Par ailleurs, le législateur est parfaitement libre de prévoir des modalités procédurales distinctes en fonction du nombre de demandeurs et de la nature de l’affaire en question, ce qu’il a déjà fait dans le cadre du régime actuel de l’action de groupe.
Ensuite, à supposer qu’un opérateur n’étant pas en situation de manquement n’ait pas à craindre une action de groupe, il n’en demeure pas moins que les contrats d’assurance le couvrant en cas de réalisation de ce risque – qui ne résulte pas toujours d’une intention malveillante – ne sont pas nécessairement calibrés pour les conditions d’engagement de la responsabilité prévues par la présente proposition de loi : en raison de l’universalisation de son champ, l’action de groupe risque d’être engagée à l’encontre de certains opérateurs dont les contrats d’assurance n’ont pas été conçus pour faire face à ce risque juridique selon une telle fréquence.
Enfin, j’y insiste, le fait que nous ne modifiions pas le fond du droit de la responsabilité n’enlève en aucun cas le coût réputationnel important que peut induire sur un opérateur, y compris de petite taille, une action de groupe. Or, en universalisant le champ de ladite action, nous allons soumettre des pans entiers du droit à cette procédure : des personnes vertueuses pourront ainsi faire l’objet de procédures longues, qui aboutiront simplement à reconnaître leur absence de responsabilité. Nous devons aussi faire la loi pour eux. Or, pour revenir à la problématique de l’assurance, les contrats de protection juridique de ces personnes n’ont logiquement pas été calibrés à cette fin, dans des domaines qui n’y étaient jusqu’à présent pas soumis. Le coût qui va en résulter ne saurait être mésestimé.
Pour l’ensemble de ces raisons, je demande à mes collègues de retirer leurs amendements au profit de celui de la commission ; à défaut, j’y serai défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Marie Lebec, ministre déléguée. Je vous épargnerai de plus amples explications, étant donné la clarté et la précision de l’avis rendu par le rapporteur.
Le Gouvernement préfère la rédaction de l’amendement n° 57, qui vise à préciser le sort des actions de groupe dont le fait générateur de responsabilité est antérieur à l’entrée en vigueur du présent texte, mais qui n’ont pas été introduites avant sa publication. Pour celles-ci, il est prévu la survivance de la loi ancienne, compte tenu du lien étroit avec les amendements en discussion commune.
En raison des arguments précédemment avancés, sur les amendements nos 20 rectifié, 22 rectifié, 13 rectifié bis et 42, le Gouvernement émet un avis défavorable ; sur l’amendement n° 57, il s’en remet à la sagesse du Sénat.
Les amendements nos 15 et 40, qui prévoient la suppression pure et simple de l’alinéa 14, posent des difficultés juridiques : avis défavorable.
Mme la présidente. La parole est à M. Hussein Bourgi, pour explication de vote.
M. Hussein Bourgi. Je remercie notre rapporteur d’avoir modifié sa position sur l’article 3. Nos débats au sein de la commission des lois et les interventions de plusieurs de nos collègues ont permis d’éclairer nos travaux. Je salue en particulier la contribution de Francis Szpiner et la sagesse du président Buffet, qui ont amené le rapporteur à changer de regard sur cet article.
Mme la présidente. Monsieur Bourgi, l’amendement n° 20 rectifié est-il maintenu ?
M. Hussein Bourgi. Je le maintiens, madame la présidente.
Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 15 et 40.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 13 rectifié bis et 42.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
Mme la présidente. Je mets aux voix l’article 3, modifié.
(L’article 3 est adopté.)
Articles 4 à 6
(Suppressions maintenues)
Vote sur l’ensemble
Mme la présidente. Personne ne demande la parole ?…
Je mets aux voix l’ensemble de la proposition de loi relative au régime juridique des actions de groupe.
J’ai été saisie d’une demande de scrutin public émanant du groupe Les Républicains.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
Mme la présidente. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à constater le résultat du scrutin.
(Mmes et MM. les secrétaires constatent le résultat du scrutin.)
Mme la présidente. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 117 :
Nombre de votants | 339 |
Nombre de suffrages exprimés | 241 |
Pour l’adoption | 241 |
Le Sénat a adopté.
10
Ordre du jour
Mme la présidente. Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée à aujourd’hui, mercredi 7 février 2024 :
À quinze heures :
Questions d’actualité au Gouvernement.
À seize heures trente et le soir :
Proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, visant à interdire les dispositifs électroniques de vapotage à usage unique (texte de la commission n° 305, 2023-2024) ;
Projet de loi relatif à l’organisation de la gouvernance de la sûreté nucléaire et de la radioprotection pour répondre au défi de la relance de la filière nucléaire (procédure accélérée ; (texte de la commission n° 301, 2023-2024) et projet de loi organique modifiant la loi organique n° 2010-837 du 23 juillet 2010 relative à l’application du cinquième alinéa de l’article 13 de la Constitution (procédure accélérée ; texte de la commission n° 302, 2023-2024).
Personne ne demande la parole ?…
La séance est levée.
(La séance est levée à vingt-deux heures cinquante.)
nomination d’un membre d’une délégation sénatoriale
Le groupe Les Républicains a présenté une candidature pour la délégation sénatoriale à la prospective.
Aucune opposition ne s’étant manifestée dans le délai d’une heure prévu par l’article 8 du règlement, cette candidature est ratifiée : M. Khalifé Khalifé est proclamé membre de la délégation sénatoriale à la prospective, en remplacement de M. Yves Bouloux, démissionnaire.
Pour le Directeur des comptes rendus du Sénat,
le Chef de publication
FRANÇOIS WICKER