M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Thomas Cazenave, ministre délégué auprès du ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargé des comptes publics. Ces amendements reflètent une attente forte des élus locaux, qui se heurtent depuis quelques années à un refus systématique des gouvernements d’avancer sur ce sujet. Mais le texte comporte déjà une véritable avancée sur l’évolution des règles de lien. Nous pourrions commencer par le souligner…
Mme Christine Lavarde. Certes, mais une avancée imparfaite.
M. Thomas Cazenave, ministre délégué. Cette avancée doit être prudente. Comme le rapporteur général l’a dit, nous devons aussi protéger les propriétaires de résidence secondaire, qui ne votent pas et ne doivent pas pour cela se retrouver captifs – c’est le sens de la corrélation.
L’avancée importante votée à l’Assemblée nationale donne des capacités supplémentaires de modulation quand la THRS est inférieure à 75 % de la moyenne du département. Certains d’entre vous considèrent que ce périmètre est trop restreint. Le Gouvernement émet donc un avis favorable sur les amendements identiques nos I-1520 rectifié et I-1852 rectifié, qui tendent à élargir ce périmètre.
M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. Ils ne sont pas en discussion commune avec ceux dont nous débattons !
M. Thomas Cazenave, ministre délégué. C’est exact, mais vous avez vous-même renvoyé à des amendements ultérieurs, monsieur le rapporteur général ! (Sourires.)
Je vous sens taquin, ce matin… (Mêmes mouvements.)
J’ajoute que nous avons fait profiter 3 700 communes supplémentaires de la possibilité de majorer leur taux de THRS. Et, parmi les communes qui le peuvent, beaucoup n’utilisent pas cette possibilité. Avant d’aller beaucoup plus loin, nous devons d’abord observer l’utilisation qui sera faite de cet élargissement.
Le Gouvernement a donc émis un avis défavorable sur ces neuf amendements.
M. le président. La parole est à Mme Cécile Cukierman, pour explication de vote.
Mme Cécile Cukierman. Ces arguments me sidèrent, monsieur le ministre. Vous craignez que les collectivités territoriales ne fassent usage de leur compétence fiscale ? Ôtez-la-leur ! Vous uniformiserez les taux depuis Paris, dans les projets de loi de finances, nous nous épargnerons bien des débats et nous gagnerons tous du temps. Bon courage pour l’annoncer aux élus locaux !
M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. Vous voulez la révolution !
Mme Cécile Cukierman. J’entends l’argument, plus politique, selon lequel il existe un risque que des communes taxent davantage encore les résidences secondaires. Mais nous ne sommes pas là pour juger les politiques fiscales mises en œuvre par les exécutifs locaux, quels qu’ils soient. Certains peuvent faire ce choix pour renforcer les services en faveur des propriétaires de résidence principale, qui fréquentent les écoles, sauvant ainsi parfois la classe qui risque d’être fermée, et font vivre le dernier commerce rural.
On peut toujours opposer les uns aux autres, monsieur le ministre. Des choix politiques, au sens noble du terme, sont faits dans les communes, les départements, les régions, qui ne sont pas les mêmes d’une collectivité à l’autre. Justement, la démocratie, chose formidable, consiste, tous les six ans, à sanctionner ces choix par les élections.
Il y a une certaine hypocrisie à se priver de cette liberté à l’heure où le Président de la République demande aux différents partis politiques de trouver des ressources nouvelles pour les collectivités territoriales.
M. le président. La parole est à M. Grégory Blanc, pour explication de vote.
M. Grégory Blanc. C’est un débat politique de fond. Vous cherchez à créer une opposition entre les zones tendues et les zones rurales, comme si la taxe sur les logements vacants n’avait pour objectif que de faire passer la pilule là où des propriétaires laissent certains logements vacants malgré les tensions sur le marché du logement.
Or la logique est différente. Il peut y avoir des projets urbains dans le bourg d’un village ; un petit village peut avoir intérêt à libérer les logements, ou en tout cas à taxer les propriétaires de logement vacant, et ce pour éviter une nouvelle artificialisation des sols. Nous ne pouvons donc pas nous contenter d’appliquer cette taxe dans des secteurs qualifiés par décret de zones tendues ; il faut la prévoir sur l’ensemble du territoire.
Mme Cukierman a posé la bonne question : voulons-nous faire confiance aux élus locaux, ou non ? (Mmes Françoise Gatel et Nathalie Goulet répondent par l’affirmative.) Si nous répondons par l’affirmative, il faut leur donner la possibilité de lever des impôts en fonction de leurs projets, y compris en zone rurale, et d’appliquer un taux adapté à leur territoire. Qu’est-ce qu’une démocratie où l’on prétend faire confiance aux élus locaux tout en bordant leur pouvoir ? Sommes-nous encore sous la IIIe République ? Il faut être cohérent : quand on fait confiance aux élus locaux, on leur donne la main.
M. le président. La parole est à M. Vincent Delahaye, pour explication de vote.
M. Vincent Delahaye. J’étais contre la suppression de la taxe d’habitation. (Marques d’assentiment sur les travées du groupe Les Républicains. – Exclamations amusées sur les travées du groupe CRCE-K.) Notre débat, qui en est la conséquence, aboutit à opposer deux catégories de contribuables. Je rappelle que les propriétaires de résidence secondaire ne sont pas tous des riches. Certaines de ces résidences sont transmises par héritage familial à des personnes qui ne sont pas spécialement riches. J’en connais pas mal…
Le ministre peut-il nous indiquer le nombre exact de communes ayant fait passer la majoration de 20 % à 60 % ? Cette possibilité existe déjà dans un certain nombre de secteurs.
Attention à la différence entre taxer des personnes qui ne votent pas sur place et taxer celles qui participent à la démocratie locale. (M. le ministre délégué renchérit.) Dans le second cas, nous pouvons donner beaucoup de liberté. Dans le premier, prudence ! Les propriétaires peuvent certes s’inscrire, mais ils ne seront plus électeurs là où ils habitent… Le Gouvernement a donc raison de vouloir avancer progressivement et prudemment. Je ne voudrais pas que le Sénat se mette à dos les petits propriétaires de résidence secondaire, qui verraient leur THRS augmenter trop fortement. (M. André Reichardt applaudit.)
M. le président. La parole est à Mme Françoise Gatel, pour explication de vote.
Mme Françoise Gatel. Le débat que nous avons est crucial et concerne plusieurs sujets, parmi lesquels la confiance entre les élus locaux et l’État. Quant à moi, je parlerai surtout d’efficacité de l’action publique et du principe de subsidiarité.
Le traitement du logement au niveau national n’est pas efficient. Vous pouvez toujours taxer les communes qui ne remplissent pas leurs obligations, cela ne fonctionne pas. Nous aurons bientôt un débat sur le logement et la décentralisation. Je m’en réjouis.
Vincent Delahaye a parfaitement raison : ce n’est pas parce que vous êtes propriétaire que vous avez les moyens. Par exemple, 85 % des Bretons sont propriétaires de leur logement. Certains sont pourtant très pauvres. Dans des territoires difficiles, ils vivent dans une petite maison dont ils ont hérité. C’est notre culture.
Soyons donc vigilants, monsieur le ministre. Si nous ne traitons pas le sujet de la décentralisation du logement dans ce PLF, il faudra le prendre à bras-le-corps plus tard, car, vous le savez bien, c’est une bombe sociale – et une bombe pour les ressources des collectivités territoriales.
M. le président. La parole est à M. Philippe Bas, pour explication de vote.
M. Philippe Bas. Auteur d’un des amendements en discussion commune, je précise qu’il ne s’agit aucunement d’imposer une augmentation de la THRS : nous devons faire confiance au discernement des maires et de leur conseil municipal. Dans certaines communes littorales, 50 % à 60 % des maisons sont des résidences secondaires. Si l’on augmente la TFPB en même temps que la THRS, beaucoup de propriétaires modestes verront leurs impôts locaux s’accroître fortement.
Je crois qu’il est juste de faire confiance aux municipalités en leur permettant d’augmenter, dans une certaine limite, la taxe d’habitation sur les résidences secondaires sans augmenter la taxe sur le foncier bâti.
Les familles natives des communes en question, comme les nouveaux foyers qui souhaitent s’installer, ont des difficultés croissantes à se loger ; on ne peut donc pas augmenter indéfiniment la taxe sur le foncier bâti.
Je propose que nous sortions du système qui a été mis en œuvre l’année dernière, et qui consiste à permettre uniquement aux communes désignées par décret du Gouvernement de décorréler les taux de THRS et de TFPB.
Étendons cette faculté beaucoup plus largement. Les municipalités auront intérêt – je le souligne au passage – à ne pas en abuser. (Mme Anne-Sophie Romagny acquiesce.)
M. le président. La parole est à Mme Nadia Sollogoub, pour explication de vote.
Mme Nadia Sollogoub. Dans certains territoires, la typologie de l’habitat a brutalement évolué.
Sur le littoral, cette tendance s’est peut-être développée de façon plus lissée.
J’habite pour ma part un territoire très rural, où beaucoup de petites maisons ont été vendues à très bas prix à la suite de la crise covid.
Ainsi, on trouve désormais dans la Nièvre des communes où le taux de résidences secondaires s’élève à 60 %, ce qui oblige à gérer autrement la fiscalité locale. Cette évolution s’est faite en deux ans à peine.
Certes, prenons garde à la décorrélation des taux de TFPB et de THRS : en particulier, veillons à ne pas déstabiliser notamment nos agriculteurs. Pour autant, cette mesure s’impose comme une évidente nécessité, et même imprévue.
Je soutiens cette disposition.
M. le président. La parole est à Mme Anne-Sophie Romagny, pour explication de vote.
Mme Anne-Sophie Romagny. J’abonde en ce sens. Le vignoble connaît une situation identique.
À partir d’un moment, l’extension d’un territoire n’est plus possible. Si nous voulons redynamiser le logement, il faut cibler les logements secondaires ou vacants.
M. le président. La parole est à Mme Annick Billon, pour explication de vote.
Mme Annick Billon. Je soutiendrai également ces amendements.
J’habite aux Sables-d’Olonne et la décorrélation des taux me semble une bonne réponse à la pénurie de logements, en particulier pour les gens qui travaillent.
Dès lors que nous choisissons cette orientation, je voudrais que l’on n’oublie pas les conséquences désastreuses des locations Airbnb. Ce type de location offre en effet aux propriétaires des avantages très intéressants. La capacité à se loger des gens qui travaillent et vivent dans ces territoires s’en trouve obérée.
Ainsi, la ville des Sables-d’Olonne est pleinement concernée par ce problème. Sa présence dans la liste des zones tendues dans lesquelles les élus locaux peuvent majorer la THRS et THLV, élargie par décret, ne suffira pas.
M. le président. La parole est à Mme Jocelyne Guidez, pour explication de vote.
Mme Jocelyne Guidez. Le sujet est plus complexe qu’il n’y paraît et concerne également les outre-mer.
Issue d’une famille antillaise, je possède ainsi un appartement à la Martinique. Je serai donc taxée plein pot, alors qu’il s’agit de ce que j’appelle mon « deuxième chez-moi ».
Mme Cécile Cukierman. Mais non !
Mme Jocelyne Guidez. Bien sûr que si ! Ce logement sera taxé comme une résidence secondaire.
Restant sceptique, je m’abstiendrai sur ces amendements.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur général.
M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. Recadrons le débat.
J’ai donné l’avis de la commission au début de cette discussion. Nous avons en fait deux blocs d’amendements distincts.
M. le ministre, Philippe Bas, moi-même et d’autres encore sommes favorables aux amendements du second bloc.
Encore faut-il, pour que nous les adoptions, que nous ne nous trompions pas sur le vote du premier bloc. (M. le ministre délégué sourit.)
Monsieur le ministre, à l’Assemblée nationale comme au Sénat, surviennent parfois de petits dérapages que tout le monde regrette ensuite, une fois que le mal est fait.
Mme Cécile Cukierman. Votez donc à notre place !
M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. Madame la présidente Cukierman, je ne fais que réintroduire un peu de méthode, afin que le Sénat se prononce en connaissance de cause.
Chacun assumera son vote, n’ayez crainte !
Notre stratégie consiste à proposer l’adoption des amendements identiques nos I-1018 rectifié bis et I-2157 rectifié, respectivement de MM. Philippe Bas et Claude Raynal, et de l’amendement n° I-16 rectifié ter de Mme Lavarde et de ceux qui lui sont proches.
Nous sommes également favorables aux amendements identiques nos I-1520 rectifié de M. Delcros et I-1852 rectifié de M. Capus, sur lesquels il avait été donné un avis de sagesse.
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Thomas Cazenave, ministre délégué. Monsieur Delahaye, je vous précise qu’avant l’élargissement des zones tendues, 280 communes sur 1 100 avaient utilisé la possibilité de majoration. Parmi ces premières, la majoration à 60 % a été utilisée par 15 % d’entre elles et la majoration à 20 % par 22 %.
Il est intéressant, quand on ouvre une possibilité, de savoir si elle est utilisée ou non. (M. André Reichardt acquiesce.)
Si vous le souhaitez, je communiquerai des chiffres plus détaillés.
M. le président. La parole est à M. Thierry Cozic, pour explication de vote.
M. Thierry Cozic. Je retire l’amendement n° I-2123 rectifié du groupe socialiste au profit de l’amendement n° I-2157 rectifié de M. Raynal, auquel M. le rapporteur général a donné un avis favorable. (Ah ! sur des travées du groupe Les Républicains.)
M. Laurent Burgoa. Quelle sagesse !
M. le président. L’amendement n° I-2123 rectifié est retiré.
Je mets aux voix l’amendement n° I-1440 rectifié.
(L’amendement n’est pas adopté.)
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos I-725 rectifié et I-955 rectifié.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos I-504 rectifié bis et I-696 rectifié ter.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° I-953 rectifié bis.
(L’amendement n’est pas adopté.)
M. le président. L’amendement n° I-1057 rectifié quater, présenté par Mme Havet, MM. Mohamed Soilihi et Omar Oili, Mme Schillinger, M. Haye, Mme Duranton, MM. Fouassin, Bitz, Iacovelli, Buis et Rambaud, Mme Nadille et MM. Patient et Théophile, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 1
Insérer neuf alinéas ainsi rédigés :
…° Le 1 est ainsi rédigé :
« 1 Sous réserve des dispositions des articles 1636 B septies et 1636 B decies, les conseils municipaux et les instances délibérantes des organismes de coopération intercommunale dotés d’une fiscalité propre votent chaque année les taux des taxes foncières, de la taxe d’habitation sur les résidences secondaires et autres locaux meublés non affectés à l’habitation principale et de la cotisation foncière des entreprises. Ils peuvent :
« a) Soit faire varier dans une même proportion les taux des quatre taxes appliqués l’année précédente ;
« b) Soit faire varier librement entre eux les taux des quatre taxes. Dans ce cas :
« 1° Le taux de la taxe d’habitation sur les résidences secondaires et autres locaux meublés non affectés à l’habitation principale ne peut être majoré que d’un pourcentage compris entre 5 % et 40 % de la part lui revenant de la cotisation de taxe d’habitation due au titre des logements meublés non affectés à l’habitation principale ;
« 2 Le taux de cotisation foncière des entreprises :
« - ne peut, par rapport à l’année précédente, être augmenté dans une proportion supérieure à l’augmentation du taux de la taxe foncière sur les propriétés bâties ou, si elle est moins élevée, à celle du taux moyen des taxes foncières, pondéré par l’importance relative des bases de ces deux taxes pour l’année d’imposition ;
« - ou doit être diminué, par rapport à l’année précédente, dans une proportion au moins égale, soit à la diminution du taux de la taxe foncière sur les propriétés bâties ou à celle du taux moyen pondéré des taxes foncières, soit à la plus importante de ces diminutions lorsque ces deux taux sont en baisse.
« 3 Le taux de la taxe foncière sur les propriétés non bâties ne peut augmenter plus ou diminuer moins que le taux de la taxe foncière sur les propriétés bâties. »
La parole est à Mme Nadège Havet.
Mme Nadège Havet. Cet amendement tend à délier les évolutions de taux de la taxe d’habitation sur les résidences secondaires et de taxe foncière en limitant à 40 % la hausse de la taxe d’habitation sur les résidences secondaires et autres locaux meublés non affectés à l’habitation principale.
Compte tenu des échanges précédents, je le retire. Permettez-moi néanmoins de partager l’expérience d’une commune qui a été classée en zone tendue et qui, à ce titre, a délibéré sur une majoration de 60 % de la taxe d’habitation.
La moitié de la manne financière ainsi récupérée a été fléchée vers le logement, l’autre moitié permettra de baisser la taxe foncière pour tous.
Voilà un bel exemple d’une expérience intéressante, quand on veut bien laisser la main aux élus locaux.
M. le président. L’amendement n° I-1057 rectifié quater est retiré.
Je suis saisi de deux amendements identiques.
L’amendement n° I-1520 rectifié est présenté par M. Delcros, Mme Vermeillet, MM. Canévet et Capo-Canellas, Mme N. Goulet et M. Mizzon.
L’amendement n° I-1852 rectifié est présenté par M. Capus, Mme Paoli-Gagin, M. Malhuret, Mme Bourcier, MM. Brault, Chasseing et Chevalier, Mme L. Darcos, M. Grand, Mme Lermytte et MM. V. Louault, A. Marc, Médevielle, Rochette et Verzelen.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
I. – Alinéa 3
1° Supprimer les mots :
un plafond de
2° Après les mots :
du département
rédiger ainsi la fin de cet alinéa :
ou, pour la ville de Paris, constatée l’année précédente au niveau national, il peut faire l’objet d’une majoration dans cette limite sans que l’augmentation du taux soit supérieure à 5 % de cette moyenne.
II. – Alinéa 5
1° Supprimer les mots :
de sa catégorie
2° Compléter cet alinéa par les mots :
de cette moyenne
La parole est à M. Bernard Delcros, pour présenter l’amendement n° I-1520 rectifié.
M. Bernard Delcros. Le texte qui nous est proposé assouplit le lien entre le taux de la taxe d’habitation sur les résidences secondaires et le taux de la taxe foncière sur les propriétés bâties.
C’est une véritable avancée. Nous la réclamions et je la salue.
À y regarder de plus près, toutefois, les conditions posées pour cet assouplissement dans la déliaison des taux sont si restrictives que les possibilités qui seront offertes de leur augmentation sont faibles.
Ainsi, le critère selon lequel le taux de taxe d’habitation sur les résidences secondaires doit être inférieur à un plafond de 75 % du taux moyen constaté dans les communes du département rend les assouplissements quasi impossibles : les collectivités locales ne conservent qu’une très faible marge de manœuvre.
Je propose donc de remplacer ce critère par le critère d’un plafond inférieur à la moyenne du taux constaté dans les communes du département.
L’encadrement général subsisterait, mais la déliaison des deux taux – foncier bâti et taxe d’habitation – serait accentuée.
M. le président. La parole est à Mme Marie-Claude Lermytte, pour présenter l’amendement n° I-1852 rectifié.
Mme Marie-Claude Lermytte. Il est défendu !
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. La commission demande le retrait de ces deux amendements au profit des amendements nos I-1018 rectifié bis et I-2157 rectifié, que nous examinerons dans un instant et avec lesquels ils sont incompatibles.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Thomas Cazenave, ministre délégué. Ces deux amendements identiques tendent à élargir le dispositif prévu dans le texte issu de l’Assemblée nationale.
Vous proposez ainsi, en particulier, d’autoriser les communes à augmenter leur taux de THRS, en franchise des règles de lien avec la TFPB, dans la limite de 5 % du taux moyen constaté dans les autres communes du département l’année précédente, au lieu de 5 % du plafond de 75 % de ce taux moyen. Ce faisant, vous multipliez par deux le nombre de communes susceptibles d’être concernées par le dispositif. Leur proportion passerait ainsi de 20 % à 40 % environ.
Ayant bien entendu les demandes d’assouplissement, j’émets un avis favorable sur ces amendements. Toutefois, j’appelle à la prudence : n’allons pas trop loin dans la déliaison. Je développerai plus loin mes arguments à ce sujet.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur général.
M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. Je souhaite rectifier une erreur.
Monsieur le ministre, le dispositif prévu par le Gouvernement – je vous le confirme – pose problème.
À défaut de faire du seuil de 75 % du taux moyen constaté dans le département un plafond, certaines communes éligibles pourraient ainsi dépasser le taux appliqué dans des communes qui ne l’étaient pas.
En outre, la suppression de la référence aux EPCI de même catégorie fausse quelque peu la comparaison.
C’est pour ces raisons que j’avais proposé, au nom de la commission, le retrait de ces amendements.
Si toutefois vous préférez le dispositif visé par ces amendements à ceux qui sont proposés dans les amendements suivants, je suis prêt à m’en remettre à la sagesse du Sénat.
Ma position n’est donc pas aussi tranchée que celle que j’avais exprimée.
M. le président. La parole est à M. Jean-Michel Arnaud, pour explication de vote.
M. Jean-Michel Arnaud. Je soutiendrai l’amendement de Bernard Delcros, mais j’aimerais que nous débattions, aujourd’hui et demain, de la portée de ce dispositif.
Mon département des Hautes-Alpes est en effet particulièrement concerné, du fait du nombre significatif de résidences secondaires qu’il abrite.
Or je constate que ce dispositif conduit, certes à la marge – en tenant compte de l’amendement de Bernard Delcros, la hausse du taux de la taxe serait de 0,33 point en moyenne – à alourdir la fiscalité sur les résidences secondaires.
En d’autres termes, il pèse sur les propriétaires, qui subissent déjà de nombreuses augmentations, notamment celle de la taxe foncière.
L’idée de conduire, par la fiscalité, des propriétaires de résidence secondaire à louer leur bien à l’année sans l’habiter ne me paraît pas pertinente, en tout cas dans nos départements alpins.
Enfin, si l’objectif est d’inciter les propriétaires à développer la location à l’année, le dispositif aura des effets sur le prix de marché et sur la valeur des biens.
Bref, il me semble que nous devons retravailler ce dossier si nous voulons proposer des logements permanents aux habitants de nos vallées et de nos communes touristiques.
En tout état de cause, les outils envisagés, bien qu’ils offrent davantage de souplesse et de marges de manœuvre à nos maires en matière de fiscalité locale, n’auront pas les effets attendus.
Il s’est créé autour de ces dispositifs, me semble-t-il, une sorte de bulle médiatique. La réalité est tout autre et leur impact sur l’offre de logement à destination des populations locales est finalement mineur.
Dans un département comme les Hautes-Alpes, la population permanente chute dans les stations de sports d’hiver en raison de la hausse du prix du foncier, mais aussi de celui des surfaces commerciales. Ces dispositifs ne joueront qu’à la marge.
M. le président. La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour explication de vote.
Mme Nathalie Goulet. À l’occasion de l’examen des articles précédents, nous avons largement évoqué la déstabilisation du secteur locatif, notamment le phénomène Airbnb.
En Normandie, où je suis élue, et particulièrement dans le Perche, la déstabilisation liée à la crise sanitaire est évidente.
Je rejoins Annick Billon : la décorrélation des taux était un thème très présent lors de la campagne électorale. Il me semble important que nous apportions une réponse à cette question.
Monsieur le ministre, pourriez-vous informer les maires de façon générale et précise ?
Vous déploriez des demandes peu nombreuses, mais parfois, l’information ne circule pas non plus !
Mme Françoise Gatel. C’est vrai !
Mme Nathalie Goulet. Les maires de petits villages de 400 habitants doutent de leur capacité à faire valoir leurs droits.
Certains élus locaux pratiquent une sorte de non-recours aux dispositifs existants.
Nous avons évoqué, hier, le faible nombre de demandes d’étalement qui ont été formulées dans le cadre du bouclier énergétique.
J’ai interrogé des maires de mon département qui connaissent des problèmes de remboursement. Ils n’étaient pas au courant de cette possibilité. (M. le ministre délégué s’en étonne.)
Le prélèvement du Trésor public s’effectue d’ailleurs directement sur les comptes de la commune.
J’ai cosigné l’amendement de Bernard Delcros et je soutiens la mesure proposée. J’insiste néanmoins sur la nécessité de bien faire circuler l’information.
L’enjeu est important pour les communes rurales également : elles sont confrontées exactement au même problème que les grosses communes touristiques.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos I-1520 rectifié et I-1852 rectifié.
(Les amendements sont adoptés.)
M. le président. L’amendement n° I-1024 rectifié bis, présenté par MM. Delcros, J.M. Arnaud, Henno, Folliot et Chauvet, Mme Vérien, M. Duffourg, Mmes Perrot, Gatel et Gacquerre, M. Canévet, Mme Morin-Desailly, MM. S. Demilly, P. Martin et Longeot, Mmes Billon et Vermeillet, M. Pillefer et Mme Saint-Pé, est ainsi libellé :
I.- Alinéa 3
Remplacer les mots :
de 75 % de
par les mots :
égal à
II.- Alinéa 5
Remplacer les mots :
inférieur à 75 % de
par les mots :
égal à
La parole est à M. Bernard Delcros.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. Sagesse.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?