M. le président. La parole est à M. Jacques Fernique. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)
M. Jacques Fernique. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, la contribution de la France au budget de l’Union européenne représente un triple enjeu.
Tout d’abord, elle intervient au moment de la révision à mi-parcours du cadre financier pluriannuel. Elle intervient aussi avant les élections européennes. Enfin, elle doit prendre en compte le retour annoncé des règles du pacte de stabilité et de croissance. Ce débat vital autour du prélèvement européen, nos collègues députés en ont été privés, puisqu’ils ont été muselés par le 49.3.
Le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires votera pour cet article 33 ; notre engagement européen reste résolu. Cela étant dit, le débat d’aujourd’hui doit nécessairement prendre en compte les enjeux que j’ai énoncés.
L’Union européenne a été confrontée à des crises imprévisibles : la pandémie, l’inflation, la remontée des taux d’intérêt, l’approvisionnement difficile en énergie et évidemment la guerre en Ukraine. Ces crises lui ont certes permis de se renforcer – elles ont par exemple abouti au plan de relance et à un endettement commun résolu –, mais ces avancées reposent sur un financement instable, précaire : les contributions nationales.
Même un Européen résolu peut se demander où va l’Union et, avec l’élargissement, quels choix seront nécessaires pour faire évoluer les institutions et le budget. Bientôt, nous serons peut-être trente-six. Les défis, notamment climatiques, à relever sont immenses. Seul un projet européen ambitieux sera capable de les relever, mais un tel projet a un coût. On ne peut pas attendre toujours plus de l’Union européenne sur la santé, le soutien à l’Ukraine, le climat, la réindustrialisation, les politiques sociales, etc., tout cela à budget constant !
C’est vrai, la France ne bénéficie d’aucun rabais. Notre pays est même le principal financeur des rabais des autres. On sait aussi que, lorsque l’on rapporte l’ensemble des politiques d’aides européennes à la population de chaque pays, elle se situe à la vingt-troisième place. On sait également que le Fonds européen d’aide aux plus démunis est sous-consommé en France, alors qu’il y a urgence, notamment pour les Restos du cœur et les banques alimentaires. Dans un contexte où de nombreux ménages peinent à joindre les deux bouts, on comprend que notre contribution importante au budget européen puisse faire grincer des dents…
Non, la capacité budgétaire de l’Union ne peut pas reposer pour l’essentiel sur des contributions nationales instables, impopulaires et sans cesse marchandées. Une autre voie est possible et elle est plus que nécessaire, alors que dorénavant quasiment chaque élection en Europe enregistre des avancées de l’extrême droite anti-européenne.
Pour enrayer cette déconstruction de l’Union qui avance, il faut développer ses ressources propres. Aujourd’hui, elles représentent moins de 20 % du budget européen, contre plus de 70 % pour les contributions des États.
Avec les accords de libre-échange conclus depuis des décennies, la part des ressources douanières a considérablement diminué.
La France aurait tout à gagner à l’activation des ressources propres. Nous sommes le pays dont le solde net s’est le plus creusé et cela n’ira pas en s’arrangeant. Certes, notre contribution pour 2024 baisse et ne s’élèvera qu’à 21,6 milliards d’euros, mais cette légère diminution n’est que temporaire ; notre contribution est amenée à augmenter au cours des prochaines années au regard du cadre financier pluriannuel. Notre enveloppe au titre du plan de relance européen a diminué de 2 milliards d’euros, tandis que le remboursement représentera 2,4 milliards d’euros par an. En outre, alors que nous sommes le second contributeur net au budget de l’Union, notre déficit aggravé nous expose au risque de sanctions de la Commission européenne, qui souhaite imposer le retour aux règles du pacte de stabilité.
Pourtant, le Gouvernement ne pousse pas, au sein du Conseil, pour développer les ressources propres, loin de là. Par exemple, la taxe sur le numérique a été abandonnée par peur de représailles américaines, de même que la taxe sur les transactions financières, et il n’y a toujours pas d’avancée majeure sur le front de l’harmonisation fiscale ou de la définition d’une assise commune de l’impôt sur les sociétés. Que fait le Gouvernement au sein du Conseil pour hâter la mise en œuvre de ressources propres suffisantes ? Rien que la taxe sur les Google, Apple, Facebook, Amazon, Microsoft (Gafam) pourrait rapporter 4 milliards d’euros par an…
Vous l’aurez compris, faute de ressources propres, le plan de relance aggravera la dette des États membres, y compris celle de la France. L’austérité budgétaire serait donc l’horizon imposé aux peuples européens ! Grandes entreprises du numérique, transactions financières, assiette commune d’impôt sur les sociétés : les citoyens contribuables attendent de vous que vous fassiez participer au budget européen ceux qui profitent de l’Europe et des crises sans prendre part à l’effort collectif. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)
M. le président. La parole est à M. Éric Bocquet.
M. Éric Bocquet. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, la réforme du budget européen est une impérieuse nécessité. Tel est le cri des parlementaires européens, qui s’inquiètent de l’avenir des finances de l’Union, et pour cause : le cadre financier pluriannuel proposé par la Commission européenne en juin 2023 est au point mort, supplanté par les discussions autour du conflit au Proche-Orient.
Sans entrer dans les détails, disons que la Commission européenne propose d’amender à la marge le cadre financier en cours pour renforcer les aides à l’Ukraine, mettre en place une plateforme de technologies stratégiques pour l’Europe et apporter 18 milliards d’euros de ressources supplémentaires afin de faire face aux migrations et de financer les traitements des fonctionnaires européens indexés.
Pourtant, même avec ces moyens supplémentaires, la contribution de la France au budget de l’Union européenne diminuerait de 3,38 milliards d’euros par rapport à la loi de finances pour 2023. C’est, mes chers collègues, ce que l’on appelle dans le jargon budgétaire une baisse conjoncturelle. J’y vois pour ma part une baisse en trompe-l’œil, qui saura se rappeler à nous en temps voulu.
C’est un trompe-l’œil, d’abord, parce que cette baisse correspond aux retards importants dans la mise en œuvre de la politique de cohésion. Ces retards de déploiement se traduisent par une baisse des paiements de 37 milliards d’euros du Fonds européen de développement régional (Feder), du Fonds de cohésion, du Fonds social européen (FSE) et par une baisse de 3 milliards d’euros du Fonds européen agricole pour le développement rural (Feader). Les documents annexés sont clairs, il y aura un rattrapage ! Le sentiment anti-européen fustigeant les institutions est nourri par ces reculs, par ces tergiversations et par l’impression que la solidarité européenne est au point mort.
C’est un trompe-l’œil, ensuite, parce que les ressources budgétaires consacrées au remboursement de l’emprunt du volet subvention du plan Next Generation EU, pour la bagatelle de 390 milliards d’euros, avaient été financées sur la base d’hypothèses de taux d’intérêt aujourd’hui dépassées. En quelque sorte, la question du financement était mise sous le tapis et l’endettement apparaît comme une sorte de fuite en avant. Les taux ne s’étalent plus de 0,55 % en 2021 à 1,15 % en 2027 : ils sont déjà supérieurs à 3 % ! Et que dire des financements indispensables au Fonds social pour le climat, qui permettrait une transition écologique socialement juste, alors qu’un nouveau marché carbone heurtera de plein fouet les ménages, avec une forte hausse des coûts des transports et du chauffage dans les bâtiments ? Sans contrepartie sociale, la transition écologique sera vaine.
D’ailleurs, les choses pourraient se compliquer dans cinq ans. Un chercheur estime que, en l’état des émissions, « en 2032, la Commission devrait engager des procédures d’infraction contre près de vingt États membres » pour se conformer aux objectifs du Pacte vert. C’est un véritable séisme social qui s’annonce, et non pas de simples secousses.
En vérité, c’est au moment du débat, le 4 février 2021, sur l’approbation de la décision du Conseil portant sur les ressources propres, que vous avez votée, mes chers collègues, que se posait l’avenir financier de l’Union. Une contribution sur le plastique pour solde de tout compte et ce furent 1,5 milliard d’euros de moins à verser ; pour le reste, seulement des promesses de travail, si bien qu’en juin 2023 la Commission européenne rendait une nouvelle copie avec des solutions à la marge…
Il faut que la France revienne sur la règle de l’unanimité. C’est impératif pour ne pas voir le projet européen mourir et pour empêcher les blocages systématiques.
Au passage, où en est-on de la taxation des transactions financières, qui pourrait singulièrement soulager les contributions des États membres en créant une ressource assise sur la spéculation, qui va toujours bon train ? Il y a ce qui relève des mécanismes institutionnels et ce qui relève de l’ambition politique, les deux n’allant pas toujours de pair. La Commission européenne le proposait dans la décision sur les ressources propres que vous avez votée, je le répète. N’ayez pas la mémoire courte, l’impasse budgétaire est proche. Il faut changer de direction, sinon l’Union courra un grave péril.
Le groupe CRCE-K votera contre ces crédits, qui empêchent d’assumer l’exigence climatique du Pacte vert et de concrétiser la cohésion européenne, en l’absence de toute taxation sur le capital. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K.)
M. le président. La parole est à Mme Annick Girardin. (Applaudissements sur les travées des groupes RDSE et RDPI.)
Mme Annick Girardin. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, au détour d’un seul article, ce sont presque 22 milliards d’euros qui sont budgétés dans ce projet de loi de finances 2024, au titre de la participation de la France au budget de l’Union européenne.
Nos collègues l’ont rappelé : la baisse de cette contribution par rapport à celle de 2023 n’est que provisoire au regard des engagements à venir, que ce soit dans le cadre du plan de relance européen ou pour tirer les conséquences de la révision à mi-parcours du cadre financier pluriannuel en cours.
L’évolution tendancielle habituellement à la hausse de cette clé de contribution fait souvent débat. Pour le groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen, profondément attaché au projet européen, la question ne se pose pas, ni sur le principe ni sur le fond.
Sur le principe, je rappelle que le prélèvement européen est bien plus qu’un acte financier : il est une déclaration tangible en faveur d’une Europe résiliente, solidaire et souveraine. La gestion collective du covid-19, le soutien partagé à l’Ukraine et l’effort concerté de réduction de la dépendance énergétique en sont l’illustration.
Sur le fond, faut-il rappeler que, si notre pays est le deuxième contributeur net, il est aussi depuis toujours l’un des principaux bénéficiaires des dépenses de l’Union ? Ces dépenses irriguent bon nombre de nos politiques publiques, en particulier dans un secteur dit traditionnel. Je pense, bien entendu, à la PAC, sans laquelle notre modèle agricole n’aurait peut-être pas fait sa mue structurelle pour viser l’objectif incontournable de transition écologique. Je n’oublie pas non plus l’importance des instruments de gestion de crise, même si, bien entendu, on peut toujours faire mieux. Je pense en particulier à la pêche : sans doute celle-ci devrait-elle être plus soutenue, mais l’Europe est intervenue pour qu’elle soit plus durable, dans les régions côtières et dans les régions ultrapériphériques.
Pour autant, tous les citoyens européens ne mesurent pas les efforts des institutions européennes pour gérer les crises et relever les grands défis de long terme que chacun des États membres ne pourrait pas affronter seul. Depuis deux ans, pour un total de 490 milliards d’euros, le Conseil européen a validé vingt-cinq plans de relance, dont notre fameux plan national de relance et de résilience (PNRR) et celui des Pays-Bas en 2022…
À cet égard, la menace de l’organisation, dans ce pays, d’un référendum sur l’appartenance à l’Union européenne se précise avec la percée hier, aux législatives, du parti pour la liberté de Geert Wilders ; cela doit soulever des questions. Est-ce un manque de pédagogie ? Oui, le règlement de Dublin n’est pas parfait ; oui, l’Agence européenne de garde-frontières et de garde-côtes (Frontex) n’a pas forcément les moyens de ses missions ; mais quel État membre peut-il prétendre mieux régler tout seul l’immense défi migratoire qui est devant nous ? Il n’y a qu’à observer le Royaume-Uni se débattre avec cette question depuis trois ans… Est-ce un manque de moyens ? Sans doute, mais pourra-t-on faire plus que les 1 824 milliards d’euros du CFP 2021-2027, augmentés du plan Next Generation EU ?
Par ailleurs, nous voyons bien que la question de la dette de l’Union européenne refait surface, avec une échéance de début de remboursement à l’horizon de 2028. Allons-nous assister une nouvelle fois à la pression des « frugaux » pour un retour à l’orthodoxie budgétaire ? Cet axe fragiliserait une reprise européenne déjà bien atone. La seule issue – le groupe RDSE l’a toujours défendue –, c’est celle de la recherche de ressources propres. Allons chercher l’argent là où il se trouve !
Je me réjouis de voir que la Commission européenne a présenté en juin dernier un projet de nouvelles ressources propres qui pourraient alimenter le budget européen à hauteur de 36 milliards d’euros par an. Oui aux mécanismes d’ajustement carbone aux frontières ! Oui au levier fondé sur l’excédent brut d’exploitation des entreprises ! Et je n’oublie pas l’accord multilatéral de l’OCDE et du G20 sur la fiscalité internationale arraché après des années de lutte.
Pour conclure, j’émettrai un reproche : tout cela est bien long et bien lent ! Le Conseil européen avance à petits pas, au risque de voir le paysage politique européen se fracturer encore un peu plus au fil des années. Néanmoins, notre groupe votera pour l’article 33, en faveur d’une Europe que nous voulons toujours plus solidaire et plus convaincante. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE. – M. Grégory Blanc applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Baptiste Lemoyne.
M. Jean-Baptiste Lemoyne. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, point de suspense inutile : le groupe RDPI votera unanimement en faveur de l’article 33 du projet de loi de finances pour 2024. Cet article est peut-être un peu méconnu de nos concitoyens, mais il est fondamental à maints égards pour notre pays et l’Union européenne.
Ce vote positif est motivé par une profonde conviction européenne et par une volonté de cohérence politique. Nous sommes viscéralement attachés à la construction européenne et nous pensons que l’avenir de notre pays est indissociable de la capacité des pays de l’Union européenne à affronter solidairement les défis économiques, sécuritaires, énergétiques et écologiques auxquels ils sont confrontés. Il ne s’agit pas d’une création ex nihilo. J’ai en tête les mots du grand penseur Denis de Rougemont : « L’Europe unie n’est pas un expédient moderne, économique ou politique, mais c’est un idéal qu’approuvent depuis mille ans tous ses meilleurs esprits, ceux qui ont vu loin. »
Sur la cohérence politique, je dirai d’abord que nous sommes encore et toujours les défenseurs de ces deux lettres, U et E, pour Union européenne, au moment où elles sont le bouc émissaire commode de certains. Nous l’avons encore vu cette semaine avec les élections aux Pays-Bas, qui ont beaucoup tourné autour du sujet migratoire. C’est le moment de dire que, justement, la révision du cadre financier pluriannuel prévoit le renforcement du budget de l’UE à hauteur de 18 milliards d’euros pour faire face aux dimensions externe et interne de ces migrations et conclure des partenariats avec des pays tiers clés. C’est bien aussi à cette échelle-là que nous aurons les moyens de traiter les racines profondes de cette question.
Cohérence politique aussi, ensuite, parce que nous avons toujours plaidé pour un changement de dimension de l’Union européenne, qui doit devenir plus stratégique, avec des moyens renforcés. Souvenons-nous de l’énergie que le Président de la République a dû déployer pour obtenir le plan de relance européen, qui acte un premier changement, avec un recours pour partie à l’emprunt. Grâce à cela, nous ne sommes plus l’Europe des naïfs. Nous avons les moyens de nous doter d’un certain nombre d’instruments pour bien figurer au premier rang de la compétition mondiale.
Certes, la France contribuera à hauteur de 21,6 milliards d’euros en 2024, mais songez à l’effet de levier qui agira en retour sur nos politiques publiques. C’est considérable : ainsi, sur 100 milliards d’euros du plan de relance français, 40 milliards proviennent de l’UE, 30 % étant consacrés à l’action en faveur du climat. L’Europe nous entraîne ainsi dans une logique de transformation tout à fait opportune.
Enfin, s’il y a ce qui se voit, il y a aussi ce qui ne se voit pas dans le budget. Beaucoup de dépenses européennes contribuent ainsi au meilleur fonctionnement de nos territoires, de notre pays. Je pense naturellement à la PAC, mais aussi à un certain nombre de fonds de cohésion. À cet égard, nous devons faire un effort de communication pour que tout un chacun voie que l’Europe près de chez lui est une réalité tangible et accessible. Aucun canton de France n’est privé des vertus des crédits européens !
Pour conclure, je veux saluer, dans la proposition de révision du cadre financier pluriannuel, le renforcement de l’action au soutien de l’Ukraine, avec la facilité de 50 milliards d’euros, ainsi que le projet de plateforme Step, qui nous permet d’avancer dans la maîtrise de technologies critiques. Vous le voyez, l’adoption de ce budget est essentielle pour nous donner les moyens d’influer plus efficacement sur la marche du monde et pour relever tous ensemble les défis de long terme auxquels nous sommes confrontés.
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Laurence Boone, secrétaire d’État auprès de la ministre de l’Europe et des affaires étrangères, chargée de l’Europe. Monsieur le président, monsieur le président de la commission des finances, madame la commissaire des affaires européennes, monsieur le rapporteur spécial, mesdames, messieurs les sénateurs, permettez-moi d’abord de saluer le travail de M. Jean-Marie Mizzon, rapporteur spécial pour la participation de la France au budget de l’Union européenne, et du rapporteur général, ainsi que la qualité des débats en commission des finances, le 31 octobre dernier.
C’est évidemment toujours un plaisir de me retrouver ici, au Sénat, pour vous demander, au nom du Gouvernement, d’autoriser le prélèvement sur les recettes de l’État au profit de l’Union européenne pour l’année 2024. Vous l’avez souligné, il s’élèverait à 21,6 milliards d’euros, un montant inférieur à celui de 2023. Il est très proche de celui que nous connaissions avant la pandémie de covid-19.
La France étant deuxième contributeur au budget de l’Union, sa participation est évidemment clé pour la mise en œuvre de l’accord entre le Conseil et le Parlement européen sur le budget 2024. Plus largement, et plus gravement, alors que la France et l’Europe font face à une somme inédite de défis, elle est essentielle pour permettre à l’Union européenne d’avancer et de répondre aux priorités que sont les crises géopolitiques, les flux migratoires et les défis de la transition écologique. La contribution française n’a d’autre vocation que de permettre la réalisation de ce projet global.
Monsieur le rapporteur spécial, monsieur Capus, monsieur Fernique, vous avez mentionné la révision en cours du cadre financier pluriannuel. C’est bien par ce biais que nous allons assurer la pérennisation d’aides à l’Ukraine, au travers de la proposition de facilité pour l’Ukraine sur la période 2024-2027. À ce sujet, vous vous êtes inquiétés d’éventuels amendements au projet de loi de finances pour le prélèvement sur recettes. Je vous rassure, il n’y en aura pas, parce que les négociations du cadre financier pluriannuel sont toujours en cours. À ce stade, il demeure encore trop d’incertitudes, la seule certitude étant que l’effet de cet accord sera mineur sur le budget 2024.
Vous m’avez aussi interrogée sur les priorités de la révision du CFP. Je viens de le dire, le soutien à l’Ukraine est la première d’entre elles. Je rappelle à cet égard que nos prêts à ce pays sont garantis par le budget de l’Union européenne.
Ensuite, le budget européen permettra également de financer la réponse européenne aux défis migratoires. Ces financements doivent permettre la mise en œuvre du Pacte sur la migration et l’asile, au sujet duquel un accord doit impérativement être trouvé avant la fin de la législature actuelle du Parlement européen. Ils doivent également servir à renforcer nos partenariats avec les pays tiers, notamment les pays d’origine et de transit des flux migratoires.
Je veux aussi rappeler ce que signifie en pratique notre contribution au budget européen. Celle-ci permet à l’Europe de disposer des moyens nécessaires à la mise en œuvre des politiques communes, qui agissent directement au service de notre pays et de nos concitoyens. Je pense d’abord à la politique agricole commune, mais aussi aux programmes pour la jeunesse ou au financement de la transition écologique.
Avec le budget européen, nous finançons la PAC. Vous avez été nombreux à le rappeler, nous sommes de loin le premier bénéficiaire de cette politique, qui représente 31 % du budget de l’Union européenne et assure à la France un retour de près de 9,5 milliards par an. Financer le prélèvement sur recettes, c’est donc aussi financer notre agriculture. Et c’est mieux qu’un rabais, puisque nous en sommes les premiers bénéficiaires ! Pour mémoire, je précise que l’Allemagne paie deux fois plus, contribue à 25 % du budget européen et reçoit, en net, deux fois moins que la France. Cela s’appelle la solidarité…
Avec le budget européen, nous renforçons aussi la résilience de notre économie, notamment grâce à la politique de cohésion et au plan de relance qui a été adopté lors de la crise sanitaire. Le plan de relance européen assure ainsi à la France 40,3 milliards d’euros de subventions jusqu’en 2026. La Commission européenne vient en outre d’approuver, vendredi 17 novembre dernier, le versement, avant la fin de l’année, de 10,3 milliards d’euros au titre de la deuxième demande de décaissement. Ces financements, vous ne l’ignorez pas, monsieur Fernique, monsieur Arnaud, contribueront grandement à accélérer la transition verte en France.
Plus largement, le budget européen est un levier essentiel pour atteindre nos objectifs de souveraineté européenne, comme l’a rappelé le Président de la République lors du sommet de Versailles, et comme vient aussi de le faire M. le sénateur Lemoyne, que je veux remercier. La mise en œuvre de l’agenda de Versailles doit permettre de réduire nos dépendances dans tous les secteurs critiques en renforçant la production et la puissance européennes, avec des objectifs chiffrés à l’horizon 2030. Nous pouvons nous réjouir à ce titre de l’accord obtenu en trilogue, le 13 novembre dernier, sur l’une des législations issues de l’agenda de Versailles, le Critical Raw Materials Act.
Mesdames, messieurs les sénateurs, avec ses 440 millions de citoyens, l’Europe est un moyen pour la France de peser beaucoup plus dans le monde quand il s’agit de négocier des accords commerciaux ou des investissements stratégiques tels que le Critical Raw Materials Act.
Par ailleurs, j’ai entendu vos remarques et inquiétudes sur la capacité de l’Union à trouver de nouvelles ressources propres. Vous avez été nombreux à évoquer ce problème, notamment M. le rapporteur spécial, ainsi que Mmes les sénatrices Girardin, Blatrix Contat et Lavarde.
La France est favorable, vous le savez, à la mise en place de ces nouvelles ressources. Sur le plan politique, elles nous permettront de sortir de la logique délétère d’examen des taux de retour et, sur le plan financier, elles nous mettraient à l’abri d’un ressaut de nos contributions nationales pour rembourser le plan de relance européen. La présidence espagnole poursuit en ce moment des travaux à cet égard.
Les nouvelles ressources, notamment celles qui concernent le marché carbone européen (EU Emission Trading System, ou ETS) et le mécanisme d’ajustement carbone aux frontières, sont estimées en moyenne à 36 milliards d’euros par an à partir de 2028, ce qui serait suffisant pour le remboursement du plan de relance et pour le Fonds social pour le climat.
Il faut s’en féliciter, la France est leader dans la construction d’une Europe puissante et souveraine. Elle a à cœur de défendre les intérêts de l’UE et a su jouer un rôle essentiel au cœur des crises, notamment, comme vous l’avez rappelé, pour le plan de relance Next Generation EU.
Je veux désormais m’adresser à M. Durox. Vous me peinez, monsieur le sénateur, car vous cachez à vos électeurs les enjeux auxquels nous devons faire face, qui ont été maintes fois rappelés : menaces russes, ingérence chinoise, repli possible des États-Unis. Il est évident que l’Union européenne nous apporte des bénéfices en matière de sécurité, car la défense ne peut être que nationale.
Nous retirons également des bénéfices en matière commerciale – à 440 millions de citoyens, nous sommes bien plus forts qu’à 60 millions –, ainsi qu’en matière de climat, la transition énergétique ne pouvant pas se faire isolément, car elle serait à la fois plus difficile et plus coûteuse. Et il y aurait tant d’autres bienfaits de l’Europe à énumérer. Comme l’a dit M. le sénateur Capus, l’Europe est un levier pour nous rendre plus forts, plus souverains et plus puissants. (M. Joshua Hochart s’exclame.)
En conclusion, je me réjouis que l’examen de notre contribution au budget européen soit l’occasion d’avoir ce débat démocratique sur les priorités européennes et sur la manière dont la France entend y répondre et y contribuer. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI. – M. Emmanuel Capus applaudit également.)
M. le président. Nous passons à la discussion de l’article 33.
Article 33
Le montant du prélèvement effectué sur les recettes de l’État au titre de la participation de la France au budget de l’Union européenne est évalué pour l’exercice 2024 à 21 609 624 014 €.
M. le président. La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.