M. le président. La parole est à Mme Laure Darcos.
Mme Laure Darcos. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, permettez-moi tout d’abord de saluer mon ami Pierrick Courilleau qui est présent en tribune. Cet élu d’Orsay avec des handicaps lourds va me suivre toute la journée ; élu extrêmement dynamique, il montre qu’on peut apporter beaucoup de choses dans une vie municipale, en ayant des handicaps. Pierrick, je te salue ! (Applaudissements.)
En juin 2022, Henri Cabanel, rapporteur de la mission d’information sur la redynamisation de la culture citoyenne, à laquelle j’ai été heureuse de participer, ouvrait la voie à de nouvelles mesures visant à restaurer le lien entre les citoyens et les institutions.
Les différents articles que nous examinons aujourd’hui constituent la transcription législative de plusieurs préconisations issues de ce rapport d’information. Je félicite l’auteur de ce texte, ainsi que son rapporteur, pour leur excellent travail.
Cette proposition de loi apporte des réponses concrètes au désengagement démocratique des Français, dont témoignent à intervalles réguliers les taux d’abstention lors des élections locales et nationales.
Nous savons à quel point nos concitoyens connaissent mal le fonctionnement de nos institutions et s’en désintéressent.
C’est d’autant plus vrai pour les jeunes qui, pourtant, reçoivent un enseignement moral et civique relativement dense tout au long de leur cursus scolaire.
Nous sommes tous préoccupés par le délitement progressif de nos valeurs communes, qui s’accompagne d’un fossé grandissant entre l’élu et le citoyen. Une certaine fatigue républicaine s’est emparée de notre pays. Ce texte permet de traiter le mal à la racine, en formulant des propositions pertinentes et réalistes.
Dans la droite ligne des conclusions de la mission d’information, deux articles de cette proposition de loi visent à moderniser le processus électoral.
Je salue l’introduction de la double procuration et la création d’un cadre mixte de diffusion de la propagande électorale. Ce cadre permettra aux candidats de transmettre leur profession de foi numérisée aux électeurs qui en font la demande.
Cela représente une vraie avancée sur le plan écologique, bien sûr, mais aussi sur le plan logistique, tant les services de diffusion postale sont engorgés en période électorale. Il arrive même, dans certaines communes, que les habitants reçoivent la propagande électorale après les élections, ce qui est un non-sens démocratique.
Il s’agit également de rapprocher les plus jeunes de la vie citoyenne. La mission d’information invitait à réduire et clarifier les notions abordées en classe d’enseignement moral et civique.
Le texte propose de recentrer le contenu des enseignements sur l’étude des institutions françaises. Cette proposition est judicieuse compte tenu du manque de cohérence d’ensemble qui caractérise les programmes actuels de l’EMC, dont les objectifs sont pour le moins disparates.
De la même manière, la création d’un statut d’élu-étudiant est une excellente mesure. Nous devons encourager ces jeunes vocations destinées au service de l’intérêt général. En cette semaine consacrée aux maires de France, je tiens à saluer tout particulièrement les plus jeunes d’entre eux.
Si la proposition de loi ne propose pas de disposition spécifique sur le service national universel, je voudrais néanmoins l’évoquer, car il s’agit incontestablement d’un moyen de valoriser la citoyenneté, de renforcer la cohésion sociale et de faire découvrir le sens de l’engagement.
Le séjour de cohésion permet en effet, pendant douze jours, un brassage social qui n’existe plus depuis la fin de la conscription.
Quant à la mission d’intérêt général, elle offre aux volontaires du SNU la possibilité de se mettre au service des autres dans une logique désintéressée.
Je salue à ce sujet l’initiative prise par Mme la secrétaire d’État chargée de la jeunesse et du service national universel, qui a annoncé le déploiement de brigades citoyennes du SNU auprès des collectivités territoriales des Hauts-de-France touchées par les inondations et des associations venant en aide aux habitants qui sont victimes de ces inondations.
Le SNU est le bon support pour faire grandir les jeunes et les aider à se réaliser en tant que citoyens. C’est pourquoi je suis favorable à son extension à l’ensemble d’une classe d’âge, même si je ne méconnais pas les immenses défis budgétaires, logistiques et d’organisation que cette extension impliquerait.
Dans l’immédiat, nous pourrions dégager quelques marges de manœuvre financières avec un peu de bon sens, en affectant les jeunes volontaires à proximité de leur domicile, en tout cas dans le périmètre régional.
Néanmoins, comme le souligne très justement la mission d’information, la saisine du Parlement sera indispensable pour mettre fin à l’ambiguïté du SNU et trancher enfin sur sa nature militaire ou civique, volontaire ou obligatoire.
En tout état de cause, la proposition de loi qui nous est soumise est pertinente et le groupe Les Indépendants lui apportera son soutien. (Applaudissements sur des travées du groupe RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Jean Hingray. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
M. Jean Hingray. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, je tiens, comme ceux qui se sont exprimés avant moi, à féliciter Henri Cabanel pour sa proposition de loi, ainsi que Stéphane Piednoir, qui avait présidé la mission d’information sur ce sujet de la culture citoyenne.
Comme j’ai déjà pu l’exprimer en commission, les sénateurs du groupe Union Centriste sont intimement convaincus que cette proposition de loi va dans le bon sens.
Personne ici ne peut contester qu’un fossé se creuse entre les élus et les citoyens. Le rapport de la mission d’information fait par notre collègue est particulièrement éloquent.
Cette proposition de loi vient donc apporter une traduction législative aux recommandations de la mission.
Sur la réforme du code de l’éducation, d’abord. Nous saluons la volonté de réformer ce code si complexe pour y faire apparaître une formation aux valeurs de la République dans le cadre de l’enseignement moral et civique.
Nous ne pouvons en effet que déplorer la mauvaise connaissance de nos institutions par les plus jeunes, mais également par une part de plus en plus importante de la population, perdue entre les compétences des échelons de collectivités territoriales et le rôle des différentes institutions.
Sacraliser un minimum de pédagogie sur nos institutions et sur le principe de laïcité est une réelle avancée. Nous pouvons faire le vœu que plus les jeunes seront informés du rôle de chaque élu, plus ils participeront aux scrutins.
Introduire une réforme de la journée défense et citoyenneté est également une bonne chose.
Nous partageons la vision d’Henri Cabanel sur le fait qu’un recentrage des thématiques abordées lors de cette journée est absolument nécessaire, tant on voit un éparpillement des sujets traités sur une seule journée. Des sensibilisations sur le thème de l’égalité femme-homme ou sur le don d’organe existent au sein des établissements scolaires.
Recentrer la journée défense et citoyenneté pour promouvoir l’engagement au sein des forces armées, des réserves ou encore des sapeurs-pompiers est une bonne chose : cela pourra naturellement susciter des vocations.
La proposition de loi va aussi permettre – on peut l’espérer ! – de réformer le processus électoral avec le retour à la double procuration. Nous savons que cela est faisable, forts de l’expérience réalisée lors des élections départementales et régionales de 2021.
La double procuration pourrait utilement contribuer à réduire l’abstention, notamment chez les plus jeunes. Ainsi, s’ils sont en études loin du domicile familial, là où ils sont souvent encore inscrits sur les listes électorales, le recours aux doubles procurations pourrait faciliter leur vote.
Toujours pour les jeunes, mais aussi pour l’ensemble du corps électoral, avoir recours à un envoi dématérialisé de la propagande électorale est une démarche encourageante.
Nous ne sommes pas certains qu’arrêter les envois par courrier soit pertinent à ce stade – ce n’est d’ailleurs pas l’objet de la présente proposition de loi.
Un envoi par mail de la propagande serait un bon complément à l’envoi postal. Les documents arriveraient par courriel dès validation par la commission de propagande, gagnant ainsi du temps sur les opérations d’impression, de mise sous pli et d’acheminement postal.
Les électeurs auraient ainsi davantage de temps pour prendre connaissance des différentes candidatures et des programmes de chacun, plutôt que d’en être réduits à le faire quelques heures avant le scrutin comme ce fut le cas en 2021 pour les élections départementales et régionales.
Cette mesure, elle aussi, est à encourager, car elle permet une meilleure information des citoyens et éventuellement d’amorcer une réorganisation de la diffusion de la propagande électorale.
Une autre innovation de cette proposition de loi est la création d’un statut d’étudiant élu sur le modèle de l’étudiant salarié. Ce statut apporterait des facilités aux étudiants disposant d’un mandat électif pour mieux combiner études et mandat via des aménagements dans l’organisation des temps d’études et d’examens.
On imagine aisément que peu de jeunes cherchent à s’engager dans des mandats électifs, s’ils sont encore en études. En cause, notamment, l’éloignement géographique entre le lieu d’élection et le lieu des études, sur lequel il est difficile d’agir, mais aussi sur l’investissement en temps. Ce nouveau statut pourrait apporter des solutions à cette seconde problématique et permettre à des étudiants d’être candidats aux élections et d’exercer ensuite leur mandat.
Comme vous l’aurez compris, mes chers collègues, l’ensemble des membres du groupe Union Centriste soutient les différentes mesures contenues dans cette proposition de loi et nous encourageons tous nos collègues à aller, avec nous, de l’avant sur tous ces sujets ! (Applaudissements sur les travées des groupes UC, RDSE et INDEP.)
M. le président. La parole est à Mme Mathilde Ollivier. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)
Mme Mathilde Ollivier. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, je rejoins le constat que pose cette proposition de loi : notre pays est plus fracturé que jamais.
Les explications et causes diverses ne sont pas simples à appréhender. Elles nécessitent forcément nuance et réflexion. Les crises à répétition, les difficultés économiques ou sociales, l’exemplarité même de la classe politique sont autant de raisons qui peuvent expliquer ce fossé entre les citoyens et la citoyenneté.
Chez les écologistes, nous sommes convaincus que le vivre ensemble doit se conjuguer au « faire ensemble ». Nous devons travailler la question du lien, que ce soit dans le travail, dans nos métiers, dans nos vies, dans nos villes ou dans nos villages.
Je souhaite saluer l’esprit de cette proposition de loi qui veut apporter des réponses à notre principe fondamental du « faire société ». Un principe qui va mal, qui se trouve dans une impasse aujourd’hui.
Cependant, je souhaite vous alerter sur certains points.
Vous évoquez à plusieurs reprises, au sujet des premiers articles de la proposition de loi, la forte fluctuation législative de ces dernières années. Je m’interroge alors sur la logique de légiférer, à notre tour, encore et encore sur le cours d’enseignement moral et civique et sur la journée défense et citoyenneté.
Pour l’enseignement moral et civique, nous restons convaincus que c’est la liberté d’enseignement de nos professeurs qui permettra la meilleure compréhension et le meilleur apprentissage de la citoyenneté. Faisons confiance au corps enseignant et apportons-lui les moyens pour faire de ce cours une matière centrale dans le quotidien des élèves !
S’agissant de la journée défense et citoyenneté, je regrette que les mentions liées à la lutte contre les préjugés sexistes et contre les violences physiques, psychologiques ou sexuelles soient supprimées, alors que tous les jeunes n’ont pas accès à de tels modules et que ces questions sont primordiales aujourd’hui.
Nous accueillons positivement les articles sur l’envoi électronique de la propagande électorale – un tournant que nous ne devons plus hésiter à prendre. Nous nous rappelons toutes et tous le fiasco de la distribution des documents électoraux lors des dernières législatives. Cette situation ne doit plus se reproduire. Pour les Françaises et Français de l’étranger, nous fonctionnons de cette manière depuis déjà des années et cela permet de réduire considérablement les risques de dysfonctionnements, mais aussi l’empreinte carbone des impressions papier. Cette disposition est et doit bien sûr rester facultative ; elle ne doit pas aggraver la fracture numérique.
De même au sujet de la double délégation de vote, cet usage fonctionne et a fait ses preuves pour nous, Françaises et Français de l’étranger. Le groupe GEST voit donc positivement cette généralisation. Il reste nécessaire de bien communiquer sur cette possibilité et sur le processus d’établissement de la procuration.
L’une des grandes préoccupations de notre démocratie concerne l’abstention affolante. Une société où tant de personnes ne votent pas, c’est une société malade. Lors de la dernière élection présidentielle, 42 % des 18-24 ans ne se sont pas rendus aux urnes. Aux dernières élections législatives et municipales, plus de 70 % des jeunes se sont abstenus de voter.
Je me félicite que cette proposition de loi s’engage à mieux reconnaître l’engagement des jeunes dans les mandats politiques. C’est l’un des leviers pour lutter contre l’abstention. Concilier vie d’engagement, vie d’études et vie personnelle reste pour de nombreux jeunes citoyens un véritable obstacle.
Le taux de maires de plus de 60 ans a atteint 55,3 % en 2020. Le temps est un critère non négociable dans la démarche d’engagement. Sauter le pas de la représentativité est encore beaucoup trop compliqué pour les jeunes citoyens.
Mais il y a aussi de l’espoir : dans les conseils municipaux ou régionaux, à l’Assemblée nationale, au Sénat, des jeunes sautent le pas. Leur permettre de libérer du temps pour leur mandat, qu’il soit local ou national, est une bonne chose.
Toutefois, demain, il faudra évidemment aller encore plus loin.
Mes chers collègues, combattre le frein à l’engagement politique des jeunes, c’est aussi leur laisser la place et les accompagner dans cette démarche. C’est par l’action qu’on engrange expérience et confiance. Faire et vivre en société, c’est favoriser l’engagement de toutes et tous, quel que soit l’âge, le genre ou le milieu social. La jeunesse est notre pilier, donnons-lui sa chance.
Sur l’ensemble du texte, la démarche nous semble aller dans le bon sens. C’est pour cette raison que le groupe Écologiste - Solidarité et Territoires votera en faveur de cette proposition de loi tendant à renforcer la culture citoyenne. (Applaudissements sur les travées des groupes GEST et RDSE. – Mme Marie-Pierre Monier applaudit également.)
M. le président. La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion du texte de la commission.
proposition de loi tendant à renforcer la culture citoyenne
Article 1er
L’article L. 312-15 du code de l’éducation est ainsi rédigé :
« Art. L. 312-15. – Outre les enseignements concourant aux objectifs définis à l’article L. 131-1-1, l’enseignement moral et civique a pour objet d’amener les élèves à devenir des citoyens responsables et conscients de leurs droits et de leurs devoirs.
« Il comporte, à tous les stades de la scolarité, une formation aux valeurs de la République et à la laïcité.
« Son objectif est de permettre aux futurs citoyens de connaître le fonctionnement des institutions françaises et européennes. Il vise également à leur faire comprendre les enjeux internationaux, sociétaux et environnementaux du monde contemporain. »
M. le président. La parole est à M. Pierre Ouzoulias, sur l’article.
M. Pierre Ouzoulias. Je me félicite de cette nouvelle rédaction sobre et efficace de l’article L. 312-15 du code de l’éducation. Je pense qu’elle sera beaucoup plus facile à mettre en œuvre par les enseignants.
Je note, avec une grande satisfaction, que l’obligation de l’enseignement des principes de la laïcité dans les établissements sous contrat sera maintenant d’ordre législatif, alors qu’elle relevait jusqu’alors de textes réglementaires et de circulaires, qui ne sont pas appliqués.
Ainsi, un arrêté pris par le ministère de l’éducation nationale en juillet 2021 prévoit que tous les personnels enseignants sont obligatoirement formés à la laïcité, y compris ceux qui exercent leurs fonctions dans des établissements privés sous contrat.
Or cet arrêté n’est pas appliqué dans tous les établissements privés sous contrat ; certains le refusent même clairement. Madame la secrétaire d’État, j’ai été saisi par des syndicats d’enseignants qui regrettent l’extrême faiblesse du recrutement de formateurs dans le domaine de l’enseignement de la laïcité, malgré – j’y insiste – les consignes du secrétariat général de l’enseignement catholique. Certains responsables d’établissement considèrent qu’ils sont libres d’enseigner ou pas la laïcité.
Avant même l’adoption définitive de cette proposition de loi, adoption que je souhaite, il faudrait que le ministère de l’éducation nationale s’assure de la pleine effectivité de son arrêté de juillet 2021.
M. Patrick Kanner. Très bien !
M. le président. L’amendement n° 1, présenté par M. Ziane, Mme Monier, M. Kanner, Mme Brossel, M. Chantrel, Mme Daniel, M. Lozach, Mme S. Robert, M. Ros et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Alinéa 3
Remplacer les mots :
à la
par les mots :
aux principes de la République visés au premier alinéa de l’article 1er de la Constitution dont celui de
La parole est à M. Adel Ziane.
M. Adel Ziane. Nous trouvons très positif que la proposition de loi permette un toilettage de l’article L. 312-15 du code de l’éducation, qui a beaucoup enflé au fil des modifications législatives de toute nature pour y inclure des sujets de préoccupation certes légitimes – nous en avons parlé –, mais qui n’avaient qu’un lointain rapport avec l’enseignement moral et civique.
Néanmoins, en restreignant les contours de l’EMC au strict minimum, il nous semble que certains sujets d’importance majeure pour permettre aux jeunes d’acquérir les notions essentielles à l’exercice de leur citoyenneté sont supprimés.
Ainsi, s’il est important de rappeler aux jeunes ce que sont les valeurs de la République – liberté, égalité, fraternité –, il nous paraît tout aussi nécessaire de leur enseigner les principes de la République qui figurent à l’article 1er de notre Constitution, c’est-à-dire le caractère indivisible, laïque, démocratique et social de notre République.
Nous avons eu du mal en commission à comprendre le raisonnement de notre rapporteur, lorsqu’il a donné son avis – défavorable - sur cet amendement : selon lui, les principes de la République seraient contenus dans les valeurs de la République.
Or, pour nous, l’indivisibilité de notre République signifie que les lois s’appliquent de la même manière pour tous. La laïcité découle de l’application de la loi de 1905 de séparation des Églises et de l’État. La démocratie signifie que le peuple détient le pouvoir qu’il confie à ses représentants élus. Le caractère social de la République sociale, quant à lui, emporte des conséquences multiples et implique un devoir de l’État pour satisfaire les besoins des citoyens en matière d’éducation, de logement ou de santé.
L’État est donc garant des principes de la République. Ceux-ci ne sont pas inclus dans les valeurs de liberté, d’égalité et de fraternité. Ces valeurs obligent l’État à porter des politiques publiques, mais concernent aussi les citoyens en ce qu’ils doivent, par leur comportement et leurs actions, les respecter et les appliquer.
Ainsi, l’application de l’égalité et de la fraternité implique que les citoyens ne procèdent pas à des discriminations entre eux, organisent de l’entraide ou portent des engagements associatifs.
Il nous semble donc important que l’EMC puisse éclairer les élèves sur ces deux facettes de la vie citoyenne : les principes du ressort de l’État protecteur et les valeurs partagées par toutes et par tous.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Bernard Fialaire, rapporteur. L’esprit de ce texte est justement de rassembler sur les valeurs de la République et de concentrer l’enseignement moral et civique pour qu’il soit moins dispersé.
Je veux aussi rappeler que le groupe RDSE est particulièrement sourcilleux quand il s’agit de défendre les principes de la République, en particulier la laïcité. Or ce sont bien ces principes qui constituent les valeurs de la République. Que serait la liberté sans la laïcité ? Que serait la fraternité sans la solidarité que garantit la laïcité des institutions ? Sans la fraternité, sans la laïcité, nous serions dans le communautarisme ou le corporatisme.
Nous devons donc nous concentrer sur les valeurs de la République, dont participent en tout état de cause les principes républicains. C’est pourquoi la commission demande le retrait de cet amendement ; à défaut, l’avis serait défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Prisca Thevenot, secrétaire d’État. Je rappelle tout d’abord que l’enseignement moral et civique est assuré de la classe de CP à la terminale.
Ensuite, le courrier de saisine du Conseil supérieur des programmes, dont j’ai parlé dans mon intervention liminaire, parle bien de « la transmission des valeurs fondamentales et des principes inscrits dans la Constitution ». Je vous rejoins donc sur le fond, monsieur le sénateur, mais ce que vous mentionnez existe déjà dans nos textes.
Il ne me semble pas utile d’écrire quelque chose qui existe déjà. C’est pourquoi le Gouvernement demande le retrait de cet amendement ; à défaut, l’avis serait défavorable.
M. le président. La parole est à M. Patrick Kanner, pour explication de vote.
M. Patrick Kanner. Je connais une grande élue du département du Nord qui dit souvent : « Si c’est flou,… » Chacun connaît la suite ! (Sourires.)
Madame la secrétaire d’État, monsieur le rapporteur, je ne vois pas pourquoi, après les explications qui ont été données par Adel Ziane, vous refusez de préciser dans la loi l’esprit et la pratique de l’EMC, autour notamment de la valeur de laïcité.
Le texte entend opérer une simplification, je le comprends, mais il ne faudrait pas que ce toilettage réduise à portion congrue ce qui fait notre pacte républicain, notre vivre-ensemble.
Pour notre part, nous pensons qu’il faut inscrire dans la loi les éléments complémentaires que nous proposons. Je ne sais pas de quoi vous avez peur !
M. Patrick Kanner. Notre amendement est net, clair, et il faut montrer notre engagement. Je me souviens de textes, y compris de projets de loi – je pense notamment à un texte sur les relations entre l’État et les associations –, dans lesquels la question de la laïcité était parfaitement identifiée.
Nous allons dans le même sens et nous souhaitons que cet article soit précisé, complété, conforté pour qu’il soit pleinement en conformité avec l’objectif qui est le sien.
M. le président. La parole est à M. Pierre Ouzoulias, pour explication de vote.
M. Pierre Ouzoulias. Je vois que Jean-Raymond Hugonet a également demandé la parole et je crois que nous allons tenir le même discours. Je voulais d’ailleurs le citer, parce que, lorsqu’il était membre de la commission de la culture, il nous a justement instruits sur la différence essentielle entre valeur et principe de la République.
Vous me permettrez d’en revenir au latin : la valeur, c’est ce qui vaut, c’est-à-dire ce qui se mesure. Les principes, c’est ce qui est premier. C’est donc quelque chose de totalement différent.
Et je pense que, dans un texte de loi comme celui-ci, faire référence à l’article 1er de la Constitution me semble être une évidence. Je ne comprends donc pas cette opposition.
La Constitution, c’est la loi commune et faire référence aux principes qu’elle énonce, quand on s’adresse aux élèves, me semble essentiel et sensiblement différent d’une référence aux seules valeurs.
Je laisse le soin à Jean-Raymond Hugonet de compléter mon analyse, même si je crois avoir emprunté un certain nombre de ses arguments, ce dont je m’excuse. (Sourires.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Raymond Hugonet, pour explication de vote.
M. Jean-Raymond Hugonet. Je suis assez heureux de ce débat, parce que, depuis que je suis entré dans cette maison, il y a six ans, je me bats pour que le distinguo subtil, mais évident, entre les valeurs de la République et ses principes soient compris.
Mme Sylvie Robert. C’est vrai !
M. Jean-Raymond Hugonet. Les valeurs de la République sont très claires. Elles sont au nombre de trois et tout le monde en France, je l’espère, les connaît : liberté, égalité, fraternité.
Les principes de la République sont également énoncés dans ce document qu’on a tous oublié, sauf ici, je l’espère, qui s’appelle la Constitution de 1958. La laïcité est l’un de ces principes.
Pendant six ans, j’ai repris deux fois les ministres successifs de l’éducation nationale qui mélangeaient valeurs et principes de la République – je ne veux pas dire qu’ils le faisaient par incompétence, je ne me permettrais pas ; ils le faisaient donc sciemment. Ils n’étaient d’ailleurs pas à l’aise quand je le leur disais, parce qu’ils commettaient tout simplement une erreur fondamentale.
Bien entendu, notre pays est laïque et nous en sommes fiers. Nous avons même inventé cette laïcité. En revanche, il ne faut rien toucher à ce qui existe, qui est clair, qui respecte tout le monde. Les valeurs de la République sont très claires. Les principes en font partie, mais les valeurs sont premières.
Merci à Pierre Ouzoulias d’avoir rappelé les débats homériques que nous avons eus à ce sujet ! Je suis sûr que le président de la commission, Laurent Lafon, s’en souvient lui aussi. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)
M. Pierre Ouzoulias. C’est votre combat !
M. le président. La parole est à M. Henri Cabanel, pour explication de vote.
M. Henri Cabanel. J’ai bien entendu ce qui vient d’être dit et, en tant qu’auteur de la proposition de loi, j’y suis assez favorable. Il est important de penser à la laïcité ; c’est encore mieux de l’écrire ! C’est pourquoi je voterai cet amendement.
Mme Sylvie Robert. Bravo !
M. le président. La parole est à M. Philippe Grosvalet, pour explication de vote.
M. Philippe Grosvalet. Lorsque l’on voyage un peu, on nous parle bien évidemment des objets patrimoniaux de la France, mais également de son patrimoine immatériel, à savoir les grands principes de la République, notamment la laïcité.
Ici comme ailleurs, on peut toujours interpréter les valeurs à sa façon, mais les principes, eux, sont intangibles. Si notre pays a quelque chose d’exceptionnel à faire valoir dans notre pays, dans ce monde qui va mal, c’est bien la laïcité, à laquelle nous devons toujours nous référer. Quand un principe est bien énoncé, il s’entend mieux. Aussi, je soutiendrai cet amendement.
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Prisca Thevenot, secrétaire d’État. Bien sûr, nous devons en permanence rappeler les valeurs et les principes de notre République. En tant que secrétaire d’État chargée de l’engagement, du SNU et de la vie associative, ce n’est pas moi qui vais dire le contraire.
Je veux simplement souligner qu’aujourd’hui, dans nos textes, les valeurs et principes de notre République sont déjà inscrits. Le strict respect qu’on leur doit est également consigné de manière claire.
Selon moi, il est utile non pas de répéter ce qui est déjà inscrit, mais bien de faire appliquer strictement les règles écrites – je vous rejoins, monsieur le sénateur. C’est bien ce qui péchait auparavant. Il y avait un flou, et quand il y a un flou…