M. le président. La parole est à M. le ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse.

M. Gabriel Attal, ministre de léducation nationale et de la jeunesse. Madame la sénatrice Evren, s’il est une cause qui peut nous rassembler par-delà les clivages politiques, je crois profondément que c’est la lutte contre le harcèlement scolaire. Ce fléau est absolument insupportable : des élèves vont à l’école la boule au ventre, parfois ils se donnent la mort, parce qu’ils subissent des brimades, des insultes, des coups.

Je vous remercie donc pour votre question très constructive. Pour lutter contre ce fléau, je vous le confirme, nous avons besoin de toutes les bonnes idées : celles qui ont été défendues ici même par le groupe Les Républicains, ces dernières années, notamment par Mme Mercier, nous inspirent évidemment dans notre action. (Ah ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

Vous m’avez posé trois questions très concrètes.

La première concerne la formation. Oui, nous généralisons le programme de lutte contre le harcèlement à l’école (pHARe), aux termes duquel chaque établissement scolaire doit comprendre au moins cinq adultes réellement formés à la lutte contre le harcèlement : des enseignants, des personnels de vie scolaire, mais aussi d’autres personnels : nous avons ainsi constaté qu’il était très utile de former des agents de la cantine, car ils voient beaucoup de choses et peuvent détecter et signaler certains faits.

La deuxième question porte sur le questionnaire d’autoévaluation. Demain sera organisée, comme chaque année, la journée nationale de lutte contre le harcèlement à l’école. Les années précédentes, un tiers environ des établissements organisaient une action à cette occasion. Cette année, j’ai décidé que tous les établissements scolaires devraient participer.

J’indique aussi, pour vous répondre très concrètement, que les deux heures de temps scolaire banalisées ne sont absolument pas optionnelles. La classe devra s’arrêter pendant deux heures dans tous les établissements : ce temps sera consacré à débattre du harcèlement et à remplir le questionnaire d’autoévaluation rédigé avec Marcel Rufo, Éric Debarbieux et Nicole Catheline.

La troisième question, enfin, porte sur le changement des règles en matière de sanctions. Je l’ai dit cet été, dès mon entrée en fonctions, c’est au harceleur de quitter l’établissement et non plus au harcelé. (Applaudissements sur des travées des groupes Les Républicains, UC et RDSE.)

Je vous le confirme, cette règle s’applique. À Mont-de-Marsan, par exemple, un lycéen qui faisait l’objet de harcèlement depuis la rentrée scolaire l’a signalé, le 9 octobre, au chef d’établissement, qui l’a accompagné dans le dépôt d’une plainte. Une semaine plus tard, les trois élèves harceleurs, âgés de 15 et 16 ans, ont été interpellés par les forces de police et placés en garde à vue. Ils passeront devant le juge des enfants le 15 novembre et ont d’ores et déjà été exclus de l’établissement.

Comme eux, plusieurs dizaines de jeunes harceleurs ont déjà été exclus de leur établissement depuis que j’ai pris cette décision. La peur et la honte sont en train de changer de camp. Évidemment, il reste du travail pour que cette mesure s’applique partout, mais vous pouvez compter sur ma mobilisation, comme je sais pouvoir compter sur la vôtre, pour avancer. (Applaudissements sur les travées des groupes RDPI, INDEP, RDSE, UC et Les Républicains, ainsi que sur des travées du groupe GEST.)

M. le président. La parole est à Mme Agnès Evren, pour la réplique.

Mme Agnès Evren. Je vous remercie pour vos précisions, monsieur le ministre. Rappelons cependant que, en dépit des nombreuses annonces faites, notamment il y a quelques années, sur le respect de la laïcité à l’école, force est de constater que celle-ci a rarement été aussi fragilisée. J’ose espérer qu’il n’en sera pas de même pour la lutte contre le harcèlement scolaire. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées du groupe UC.)

arrêt de la cour de justice de l’union européenne sur l’impossibilité de refouler les migrants illégaux

M. le président. La parole est à M. Jean-Michel Arnaud, pour le groupe Union Centriste. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)

M. Jean-Michel Arnaud. Ma question s’adresse à M. le ministre de l’intérieur et des outre-mer ; elle s’inscrit aussi dans le cadre de l’examen, en cours, du projet de loi pour contrôler l’immigration, améliorer l’intégration par notre assemblée.

L’article 78-2 du code de procédure pénale dispose que toute personne peut être contrôlée dans une zone de vingt kilomètres en deçà de la frontière terrestre de la France avec les États de l’espace Schengen.

Ainsi, un étranger qui arrive en France sans en avoir l’autorisation ou sans disposer des documents nécessaires pour s’y établir s’expose à un refus d’entrée sur le territoire et peut être placé en zone d’attente, le temps pour l’administration d’organiser son retour. Cette procédure, qui dure quelques heures seulement, parfois jusqu’à vingt-quatre heures, avait fait la preuve de son efficacité.

Pourtant, dans un arrêt du 21 septembre dernier, la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) a estimé que la France ne peut pas procéder au refoulement vers un pays voisin d’une personne migrante entrée illégalement sur le territoire sans que celle-ci puisse bénéficier d’un certain délai pour le quitter volontairement. Cet arrêt se traduira, sur le terrain, par la mise en place d’une procédure administrative de réadmission, qui impose de respecter ce délai, ce qui va à l’encontre du message de fermeté et d’efficacité proclamé par le Gouvernement, ainsi que par notre assemblée.

Cette décision de la Cour de justice de l’Union européenne court-circuite le droit national et nos procédures administratives, dans un contexte où la gestion des flux migratoires est très problématique. Je le constate dans mon département, les Hautes-Alpes, où les migrants passent régulièrement entre l’Italie et la France, via notamment les cols de l’Échelle ou de Montgenèvre. Malheureusement, ni l’accueil des migrants ni la surveillance frontalière ne sont à la hauteur de nos exigences démocratiques.

Comment l’État prendra-t-il en compte la décision de la CJUE, alors que nous discutons actuellement un projet de loi relatif à l’immigration ? (Applaudissements sur les travées du groupe UC, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’intérieur et des outre-mer.

M. Gérald Darmanin, ministre de lintérieur et des outre-mer. Monsieur le sénateur, comme vous le savez, à la demande du Président de la République, nous avons expérimenté dans votre département des Hautes-Alpes, ainsi que dans celui des Alpes-Maritimes, une nouvelle façon de tenir la frontière, en renforçant les moyens de manière très importante et en instaurant un commandement unique pour l’ensemble des forces de tous les ministères qui contribuent à la protection de cette frontière.

Ce dispositif est très efficace, puisque les non-admissions et les retours dans les pays d’origine ont augmenté de 70 % depuis le début de cette expérimentation, le 1er juillet dernier, tandis que plus de 60 000 refus d’entrée ont été prononcés depuis le début de l’année.

Dans la mesure où c’est le Conseil d’État qui avait saisi la Cour de justice de l’Union européenne dans le cadre d’une question préjudicielle – celle que vous évoquez –, c’est à lui aussi qu’il revient désormais d’interpréter la décision de la CJUE.

Contrairement à ce que j’ai parfois pu lire, cette décision permet aux États européens de rétablir des contrôles aux frontières intérieures : c’est ce que nous faisons depuis 2015 et que nous continuerons à faire en raison de la menace terroriste très forte, en particulier dans la perspective des jeux Olympiques et Paralympiques l’année prochaine.

Il est donc possible d’organiser des contrôles aux frontières intérieures. Tel était l’objet de la question préjudicielle, puisque le Conseil d’État avait été saisi par plusieurs associations militantes. Désormais le Conseil d’État doit nous indiquer comment il convient de mettre en place un système de retenue avant que les gens ne repartent spontanément dans le pays dont ils ont traversé la frontière – l’Italie, dans le cas qui vous concerne, monsieur le sénateur.

Nous espérons que le Conseil d’État donnera la possibilité à la police de ne pas se trouver engoncée dans des procédures administratives ou judiciaires, et décrira un système s’apparentant à la garde à vue, ce qui serait sans doute une lecture un peu restrictive de la décision de la CJUE. En tout cas, le ministère de l’intérieur espère convaincre le Conseil d’État, qui devra nous préciser comment les policiers et les gendarmes peuvent travailler.

Nous pensons que le droit européen est tout à fait compatible avec ce que nous faisons, notamment dans le cadre de l’expérimentation que nous menons depuis le 1er juillet, c’est-à-dire un travail en commun de tous les ministères, afin de procéder à des refus d’admission aussi rapides que possible dès qu’une personne pénètre irrégulièrement sur le territoire national.

J’attends donc avec confiance la décision du Conseil d’État. Oui, nous pouvons réaliser des contrôles intérieurs et refuser des admissions : espérons que nous pourrons le faire dans un cadre aussi simple que possible pour les policiers.

M. le président. La parole est à M. Jean-Michel Arnaud, pour la réplique.

M. Jean-Michel Arnaud. Je vous remercie pour votre réponse, monsieur le ministre. Nous attendons donc la décision du Conseil d’État.

Je me permets d’appeler votre attention sur deux points relatifs à la frontière avec l’Italie dans mon département. Tout d’abord, il est nécessaire d’accompagner dignement les personnes migrantes qui franchissent la frontière : elles sont actuellement accueillies dans des bungalows à 1 850 mètres d’altitude. Ensuite, il convient de renforcer durablement le contrôle à la frontière italienne, notamment dans sa partie centrale, avec un escadron de gendarmerie permanent : celui-ci est indispensable pour garantir l’efficacité des efforts de nos services. (Applaudissements sur les travées du groupe UC, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. Nous en avons terminé avec les questions d’actualité au Gouvernement.

Notre prochaine séance de questions au Gouvernement aura lieu le mercredi 15 novembre à quinze heures.

Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à seize heures vingt, est reprise à seize heures trente, sous la présidence de Mme Sophie Primas.)

PRÉSIDENCE DE Mme Sophie Primas

vice-présidente

Mme la présidente. La séance est reprise.

3

Mise au point au sujet d’un vote

Mme la présidente. La parole est à Mme Isabelle Florennes.

Mme Isabelle Florennes. Lors du scrutin n° 24 sur l’article 1er I du projet de loi pour contrôler l’immigration, améliorer l’intégration, Mme Élisabeth Doineau souhaitait voter contre.

Mme la présidente. Acte est donné de cette mise au point. Elle sera publiée au Journal officiel et figurera dans l’analyse politique du scrutin.

4

Candidature à une délégation sénatoriale

Mme la présidente. J’informe le Sénat qu’une candidature pour siéger au sein de la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation a été publiée.

Cette candidature sera ratifiée si la présidence n’a pas reçu d’opposition dans le délai d’une heure prévu par notre règlement.

5

Candidatures à une commission d’enquête

Mme la présidente. L’ordre du jour appelle la désignation des vingt-trois membres de la commission d’enquête sur l’impact du narcotrafic en France et les mesures à prendre pour y remédier.

En application de l’article 8 ter, alinéa 5, de notre règlement, les listes des candidats présentés par les groupes ont été publiées.

Ces candidatures seront ratifiées si la présidence ne reçoit pas d’opposition dans le délai d’une heure prévu par notre règlement.

6

Candidatures à une délégation sénatoriale

Mme la présidente. L’ordre du jour appelle la désignation des vingt et un membres de la délégation sénatoriale aux outre-mer autres que les vingt et un sénateurs d’outre-mer, membres de droit.

En application de l’article 6 decies de l’ordonnance n° 58-1100 du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires et du chapitre XVII bis de l’instruction générale du bureau, les listes des candidats présentés par les groupes ont été publiées.

Ces candidatures seront ratifiées si la présidence ne reçoit pas d’opposition dans le délai d’une heure prévu par notre règlement.

7

Article additionnel après l'article 2 - Amendement n° 49 rectifié (interruption de la discussion)
Dossier législatif : projet de loi pour contrôler l'immigration, améliorer l'intégration
Demande de réserve

Immigration et intégration

Suite de la discussion en procédure accélérée d’un projet de loi dans le texte de la commission

Mme la présidente. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi pour contrôler l’immigration, améliorer l’intégration (projet n° 304 [2022-2023], texte de la commission n° 434 rectifié [2022-2023], rapport n° 433 [2022-2023]).

Demande de réserve

Discussion générale
Dossier législatif : projet de loi pour contrôler l'immigration, améliorer l'intégration
Autre (dans une discussion de texte de loi)

Mme la présidente. La parole est à M. Patrick Kanner.

M. Patrick Kanner. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, avec les articles 2 bis et 2 ter, nous allons aborder des sujets qui ne relèvent pas des questions migratoires, puisque ces articles, relatifs à la nationalité, modifient le code civil.

Par conséquent, conformément à l’article 44, alinéa 6, du règlement du Sénat, je demande la réserve de l’examen de ces articles à un moment où le garde des sceaux pourra être présent, (Ah ! sur les travées du groupe Les Républicains.) éventuellement ce soir.

Je m’excuse auprès de vous, monsieur le ministre de l’intérieur, mais votre collègue Éric Dupond-Moretti est davantage compétent sur ces sujets, et il me semble préférable pour tout le monde que nous en débattions avec le ministre qui en a la charge.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission sur cette demande de réserve ?

M. François-Noël Buffet, président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et dadministration générale. Il est défavorable, madame la présidente.

La commission mène son travail sur ces sujets depuis longtemps. Les rapporteurs y ont travaillé, en lien avec le cabinet du garde des sceaux et les services du ministère de la justice. Il n’y a donc pas de difficulté réelle.

Je comprends le côté malicieux…

Mme Laurence Rossignol. Facétieux ! (Sourires.)

M. François-Noël Buffet, président de la commission des lois. … voire facétieux de cette demande, mais je veux dire à M. Kanner que, si l’un d’entre nous, quel que soit son groupe politique, se trouvait dans la situation qui est celle de M. le garde des sceaux aujourd’hui, je ne ferais pas une telle demande. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement sur cette demande de réserve ?

M. Gérald Darmanin, ministre de lintérieur et des outre-mer. Monsieur Kanner, cette demande n’est pas nécessaire, elle est sans doute indélicate et elle n’aurait pas de portée si votre assemblée devait la retenir.

Tout d’abord, ce n’est pas nécessaire, parce que, devant le Parlement, un ministre représente l’ensemble du Gouvernement – vous le savez très bien, puisque vous avez vous-même été ministre. Ne prétendons donc pas qu’un ministre ne pourrait pas répondre pour l’un de ses collègues !

Ensuite, ce n’est pas délicat, comme l’a très bien expliqué M. le président de la commission des lois. Vous ne demandez pas la même chose quand nous examinons un autre code que celui de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile : vous ne demandez pas la réserve sur des articles qui touchent le code du travail sous prétexte que le ministre du travail n’est pas là ! (Exclamations sur les travées du groupe SER.)

Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Nous allons le faire !

M. Gérald Darmanin, ministre. Nous avons pourtant commencé hier : nous avons débattu de telles dispositions sans que vous demandiez la réserve.

Mme Laurence Rossignol. On a réclamé la présence du ministre Dussopt !

M. Gérald Darmanin, ministre. Mais vous n’avez pas demandé la réserve. Vous le faites à présent pour des raisons politiciennes.

Enfin, une telle demande, si elle était acceptée, n’aurait pas de portée. Je l’ai déjà dit, y compris dans la discussion générale : le Gouvernement sera systématiquement défavorable à toutes les propositions qui concernent la nationalité, parce qu’il nous semble évident que ce sont des cavaliers législatifs et que le Conseil constitutionnel les considérera certainement comme tels.

Je rappelle que le texte initial du projet de loi ne comprenait aucune mesure relative à la nationalité, aucune mesure tendant à modifier le code civil, puisque le code de la nationalité française a été intégré à celui-ci en 1993. Vous le voyez, le garde des sceaux n’a vraiment rien à faire dans cette histoire. S’il était présent à ma place, il émettrait simplement des avis défavorables, comme je vais le faire, en rappelant lui aussi que le Conseil constitutionnel jugerait sans doute que ces mesures constituent des cavaliers.

Dès lors, pour des raisons de fond comme de forme, il me semble pertinent de reprendre le fil normal du débat, même s’il revient à la Haute Assemblée d’en juger.

Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Pierre de La Gontrie.

Mme Marie-Pierre de La Gontrie. J’entends bien les remarques sur l’élégance, ou que sais-je encore, mais nous sommes dans une situation de dysfonctionnement total.

Je crois comprendre, des propos des uns et des autres, qu’il serait banal que le ministre de la justice en exercice soit en train d’être jugé par la Cour de justice de la République. On nous a même expliqué que cela ne poserait pas de problème pour le bon fonctionnement de son ministère et qu’il pouvait travailler le soir, la nuit, je ne sais trop quand… Il est tout de même assez curieux que vous ne trouviez pas cela problématique !

J’ajoute que je rejoins évidemment les remarques du ministre de l’intérieur sur l’application de l’article 45 de la Constitution, puisque nous les avons nous-mêmes régulièrement formulées en commission – sans succès !

Toutefois, malgré ce problème de recevabilité, nous allons débattre dans cet hémicycle du droit du sol et de la nationalité, il va se dire des choses importantes, voire inquiétantes, et cela en l’absence du ministre chargé de ces sujets.

Nous n’utilisons pas le manuel de savoir-vivre de Nadine de Rothschild ! Nous parlons du fonctionnement du Gouvernement. En ce sens, votre réponse, monsieur le ministre, est particulièrement légère au regard de la gravité du sujet.

Mme la présidente. Je mets aux voix la demande de réserve de l’examen des articles 2 bis et 2 ter, ainsi que des amendements tendant à insérer des articles additionnels après lesdits articles.

(La réserve nest pas ordonnée.)

Demande de priorité

Demande de réserve
Dossier législatif : projet de loi pour contrôler l'immigration, améliorer l'intégration
Article 2 bis (nouveau)

Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission.

M. François-Noël Buffet, président de la commission des lois. En application de l’article 44, alinéa 6, du règlement du Sénat, la commission des lois demande la priorité d’examen sur l’amendement no 655 de suppression de l’article 3 et n° 656 de suppression de l’article 4, afin qu’ils soient présentés avant les amendements identiques.

Par ailleurs, compte tenu du dépôt de nombreux sous-amendements depuis la réunion de la commission tenue ce matin, nous demanderons une suspension de séance à l’issue de l’examen des amendements portant article additionnel après l’article 2 ter, de manière que la commission puisse se réunir et examiner ces sous-amendements.

Mme la présidente. Je suis donc saisie, par la commission des lois, d’une demande de priorité de l’examen des amendements nos 655, à l’article 3, et 656, à l’article 4.

Aux termes de l’article 44, alinéa 6, de notre règlement, la priorité est de droit quand elle est demandée par la commission saisie au fond, sauf opposition du Gouvernement.

Quel est l’avis du Gouvernement sur cette demande de priorité ?

M. Gérald Darmanin, ministre. Il est favorable, madame la présidente.

Mme la présidente. La priorité est ordonnée.

Dans la discussion du texte de la commission, nous en sommes parvenus à l’article 2 bis.

TITRE Ier (suite)

ASSURER UNE MEILLEURE INTÉGRATION DES ÉTRANGERS PAR LE TRAVAIL ET LA LANGUE

Chapitre Ier (suite)

Mieux intégrer par la langue

Autre (dans une discussion de texte de loi)
Dossier législatif : projet de loi pour contrôler l'immigration, améliorer l'intégration
Article additionnel après l'article 2 bis - Amendement n° 345 rectifié

Article 2 bis (nouveau)

Le premier alinéa de l’article 21-7 du code civil est ainsi rédigé :

« Tout enfant né en France de parents étrangers peut, à partir de l’âge de seize ans et jusqu’à l’âge de dix-huit ans, acquérir la nationalité française à condition qu’il en manifeste la volonté, qu’il réside en France à la date de sa manifestation de volonté et qu’il justifie d’une résidence habituelle en France pendant les cinq années qui la précèdent. »

Mme la présidente. La parole est à Mme Corinne Narassiguin, sur l’article.

Mme Corinne Narassiguin. Nous entamons donc l’examen de l’article 2 bis, qui a été introduit dans le présent texte, en commission, par la droite sénatoriale et qui constitue, comme l’a indiqué M. le ministre, un cavalier législatif.

Cette disposition, qui vise à mettre fin à l’acquisition automatique de la nationalité française à 18 ans pour les enfants nés en France de parents étrangers, constitue une régression inacceptable.

On envoie de la sorte un message terrible à tous ces jeunes, à leurs parents, à leurs proches. (M. André Reichardt sexclame.) On dit à ces jeunes que, quoi qu’ils fassent, ils seront toujours renvoyés à leurs origines et à la nationalité de leurs parents, bien que la France soit le seul pays qu’ils aient connu de toute leur vie. On leur dit qu’ils devront toujours prouver qu’ils méritent d’être Français. Ce n’est pas ainsi qu’on améliore l’intégration citoyenne dans la République !

On ne peut pas donner envie aux jeunes de s’intégrer dans la République quand celle-ci leur fait savoir qu’elle n’a pas envie de les accueillir. La manifestation de volonté doit aller dans les deux sens !

Vous n’ignorez pas qu’une telle disposition avait été introduite dans notre droit par Charles Pasqua en 1993, puis abrogée par le gouvernement de Lionel Jospin en 1998, parce que cela ne fonctionne pas. Patrick Weil avait démontré dans son rapport de 1997 que les premières victimes de ce type de dispositions sont, d’une part, les personnes les plus précaires, les plus éloignés de la chose publique, et, d’autre part, les jeunes filles qui vivent dans des familles très conservatrices : ces familles mettent la pression sur elles pour qu’elles ne demandent pas la nationalité française.

Par conséquent, en plus d’être inefficace, une telle mesure est particulièrement injuste.

Mme la présidente. La parole est à Mme Audrey Linkenheld, sur l’article.

Mme Audrey Linkenheld. Je voudrais simplement ajouter à ce que vient de dire Corinne Narassiguin, dont je partage pleinement les propos, que derrière cette « manifestation de volonté » que cherche à imposer la droite sénatoriale pour les jeunes arrivant à l’âge de 18 ans se cachent plusieurs difficultés qui ont été rappelées : il faut penser aux femmes qu’on empêche souvent – malheureusement – de manifester cette volonté et aux publics les plus fragiles.

J’ajoute que cette disposition peut créer une discrimination au sein même des familles, alors que le principe du droit du sol est justement de traiter de manière égale toutes les personnes nées sur le sol français.

En obligeant ces jeunes à manifester leur volonté d’être français, on pourrait avoir, au sein d’une même famille, ceux qui l’auraient fait, peut-être uniquement parce qu’ils étaient mieux informés à un moment donné, moins empêchés, et les autres. Imaginez les difficultés que cela pourrait entraîner par la suite, y compris pour résoudre de manière juste et précise les diverses situations administratives de ces personnes !

Cet article est à l’évidence en contradiction totale avec notre conception de la République et du droit du sol, auquel nous sommes tant attachés. C’est pourquoi nous aurions aimé entendre le garde des sceaux à ce sujet, même s’il est évident que ce sujet n’a rien à faire dans un projet de loi relatif à l’immigration.

Mme la présidente. Je suis saisie de quatre amendements identiques.

L’amendement n° 22 rectifié bis est présenté par Mmes M. Carrère et N. Delattre, MM. Bilhac, Cabanel, Gold, Guérini, Guiol, Laouedj, Roux et Grosvalet, Mme Pantel et M. Masset.

L’amendement n° 169 est présenté par Mmes de La Gontrie et Narassiguin, MM. Bourgi, Durain et Chaillou, Mme Harribey, M. Kerrouche, Mme Linkenheld, M. Roiron, Mme Brossel, M. Chantrel, Mmes Conway-Mouret et G. Jourda, MM. Kanner et Marie, Mmes S. Robert et Rossignol, MM. Stanzione, Temal, Tissot, M. Vallet et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

L’amendement n° 286 rectifié est présenté par M. Benarroche, Mme M. Vogel, MM. G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mmes Ollivier et Poncet Monge, M. Salmon et Mmes Senée et Souyris.

L’amendement n° 467 est présenté par M. Brossat, Mme Cukierman et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky.

Ces quatre amendements sont ainsi libellés :

Supprimer cet article.

La parole est à M. Henri Cabanel, pour présenter l’amendement n° 22 rectifié bis.

M. Henri Cabanel. Cet amendement déposé par Maryse Carrère, présidente de notre groupe, vise à supprimer l’article 2 bis.

Si cette disposition, adoptée par le Sénat en commission, devait subsister, on ajouterait une condition pour l’accès à la nationalité française d’un enfant né en France de parents étrangers. Celui-ci devrait « manifester la volonté » d’acquérir la nationalité française. En d’autres termes, l’accès à la nationalité française pour ces enfants et adolescents qui n’ont, le plus souvent, pas connu autre chose que la France cesserait d’être automatique.

Notre commission a donc décidé de faire renaître les lois Pasqua.

M. Henri Cabanel. Je le dis sans détour : les signataires de cet amendement y sont opposés.

L’introduction de ce mécanisme nous inquiète pour des motifs de fond très évidents. Nous sommes attachés à la protection de l’enfance et nous ne voulons pas conditionner le destin d’un individu à une décision qu’il aurait dû prendre à l’approche de la majorité.

Je ne pense pas qu’une formalité administrative dise véritablement quelque chose de l’attachement à la France d’une personne.

C’est également une question de principe : nous sommes attachés à la reconnaissance du droit du sol par notre nation. Cet article va à l’encontre de ce principe.

Enfin, ce qui nous inquiète particulièrement, c’est que le Gouvernement n’a, pour sa part, pas déposé d’amendement de suppression de cet article. J’espère donc, monsieur le ministre, que vous comptez vous appuyer sur les nôtres.