Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Voilà !
Mme Élisabeth Borne, Première ministre. Elle doit permettre de soigner les personnes malades qui sont sur notre sol. Elle constitue aussi une protection pour l’ensemble de nos concitoyens, car elle permet de prévenir la propagation de certaines maladies. (Exclamations ironiques et applaudissements sur les travées des groupes CRCE-K, SER et GEST, ainsi que sur des travées du groupe RDSE.)
M. Rachid Temal. Et contre la peste brune ?
Mme Élisabeth Borne, Première ministre. La prise en charge, au plus tôt, des infections respiratoires, des hépatites ou encore du VIH est une nécessité.
Je veux ensuite souligner que l’AME est un dispositif très encadré et surveillé. C’est même le dispositif le plus contrôlé de l’assurance maladie. (Applaudissements sur les travées des groupes RDPI et RDSE, ainsi que sur des travées des groupes SER, GEST et CRCE-K. – Marques d’ironie sur les travées des groupes SER, GEST et CRCE-K, et de scepticisme sur celles du groupe Les Républicains.)
Pour débattre de ce sujet, nous avons besoin d’un diagnostic précis, objectif et actualisé. C’est l’objet de la mission qui a été confiée à Patrick Stefanini et Claude Évin par le ministre de l’intérieur, le ministre de la santé et la ministre déléguée Firmin le Bodo.
M. Rachid Temal. Ils ne sont pas d’accord entre eux !
Mme Élisabeth Borne, Première ministre. Cette dernière a eu l’occasion de vous le dire hier : cet état des lieux est indispensable. Il permettra, le cas échéant, de proposer des évolutions de l’AME.
Nous attendons les conclusions de la mission, qui doivent être rendues d’ici au début du mois de décembre. (M. Fabien Gay s’exclame.)
Elles seront naturellement rendues publiques et le Gouvernement en tirera les conséquences dans la suite du débat parlementaire.
Je veux cependant rappeler que l’AME a déjà été réformée en 2019, dans le cadre naturel qu’est une loi de financement de la sécurité sociale.
M. Cyril Pellevat. Sortez les rames !
Mme Élisabeth Borne, Première ministre. Monsieur Kanner, ma méthode est constante : les faits, le débat, la recherche d’efficacité. C’est l’inverse même du dogmatisme et des postures. (M. Fabien Gay s’exclame.)
Mme Raymonde Poncet Monge. Dites-le à la droite !
M. Stéphane Ravier. Et le 49.3 !
Mme Élisabeth Borne, Première ministre. Cette méthode, c’est celle de mon Gouvernement, sur ce texte comme sur les autres. (Applaudissements sur les travées des groupes RDPI et INDEP, ainsi que sur des travées du groupe UC. – Exclamations ironiques sur des travées des groupes SER, GEST et CRCE-K.)
rapport des inspections générales sur la gestion des stocks de procédures
M. le président. La parole est à Mme Françoise Dumont, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)
Mme Françoise Dumont. Madame la Première ministre, mesdames, messieurs les ministres, ma question s’adressait à M. le garde des sceaux, ministre de la justice. (Exclamations amusées.)
M. Rachid Temal. Il est occupé !
Mme Françoise Dumont. Le 27 octobre dernier, les journalistes de RMC ont dévoilé des éléments du rapport de l’inspection générale de l’administration (IGA), de l’inspection générale de la police nationale (IGPN) et de l’inspection générale de la justice (IGJ) sur la gestion des stocks de procédures, présenté au Gouvernement en juin 2023.
Ce rapport, que j’ai demandé, à plusieurs reprises, à pouvoir consulter, tant à vos services, monsieur le ministre de l’intérieur, qu’à ceux du garde des sceaux, n’a pas été rendu public. Pourtant, des journalistes ont pu s’en procurer un exemplaire…
Dans ce document, il serait indiqué que, l’année dernière, les commissariats avaient à leur charge un stock ancien de 2,7 millions de plaintes ; un tiers d’entre elles seraient en stock depuis plus de deux ans. Il faudrait y ajouter 3,5 millions de nouvelles plaintes enregistrées dans le courant de l’année.
Il y serait aussi indiqué que, en moyenne, un policier doit traiter 180 dossiers par an. Pour les enquêteurs les plus spécialisés, on parle de 800 dossiers par an.
Le rapport préciserait que « des dossiers portant sur des faits graves dorment dans certains services sans avoir fait l’objet d’investigations alors même que les auteurs présumés ont été identifiés ». Et de conclure que, en l’absence de mesures correctrices et à délinquance équivalente, le stock de procédures pourrait continuer à augmenter d’ici à 2030 et passer à 3,5 millions de plaintes en attente.
Dans un État de droit, il n’est pas possible de laisser des coupables dehors, en toute impunité. Dans un État de droit, il n’est pas possible de ne pas répondre au devoir de justice vis-à-vis des victimes.
Aussi, monsieur le ministre de l’intérieur, pourriez-vous nous préciser si cette situation est liée à un manque d’effectifs ?
Quelles sont, en outre, les dix-sept recommandations de ce rapport ? Le Gouvernement entend-il y donner suite et, si oui, quand ?
Enfin et surtout, pouvez-vous donner l’assurance, devant la représentation nationale, que l’ensemble des dossiers seront bien traités avant la fin des délais de prescription des éventuels actes, passibles de sanctions pénales, visés par les quelque 2,7 millions de dossiers en souffrance ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de l’intérieur et des outre-mer.
M. Gérald Darmanin, ministre de l’intérieur et des outre-mer. Madame la sénatrice, c’est précisément parce que M. le garde des sceaux et moi-même avons conscience des grandes difficultés rencontrées au sein des forces de l’ordre et, notamment, de la filière d’investigation que nous avons commandé aux inspections de nos deux ministères un état des lieux. Nous le rendrons naturellement public ; il sera communiqué en premier lieu à la représentation nationale.
Effectivement, un peu moins de trois millions de plaintes n’ont pas été, à ce jour, suivies d’effet. Je rappelle tout de même que, si l’on agrège police et gendarmerie, le nombre de plaintes déposées chaque année atteint cinq millions. Pour de multiples raisons, nos compatriotes déposent un nombre très élevé de plaintes. Cela peut faire suite à des actes extrêmement graves, comme les atteintes à l’intégrité physique de personnes, ou à des atteintes matérielles, qui sont certes tout aussi graves et méritent une réponse, mais ne présentent pas le même caractère d’urgence.
Le stock élevé de procédures s’explique d’abord, il est vrai, par un manque chronique de policiers et de gendarmes. Grâce à votre vote – celui, en tout cas, de la grande majorité d’entre vous –, nous avons pu renforcer les effectifs de 17 000 postes de policiers et de gendarmes.
M. Rachid Temal. Ah ! Quand même !
M. Rachid Temal. Celles de Sarkozy ?
M. Gérald Darmanin, ministre. Cependant, nous ne pouvons créer ex nihilo des officiers de police judiciaire (OPJ). Le ministre de l’intérieur ne peut pas affecter des OPJ. Ces derniers doivent d’abord être formés.
Ainsi, la dernière loi de programmation du ministère de l’intérieur permet de créer des OPJ dès l’école de police et ainsi, dès cette année, d’envoyer dans les commissariats de jeunes OPJ sans attendre qu’ils passent le concours.
Par ailleurs, nous travaillons évidemment à la simplification de la procédure pénale, que ce soit dans le cadre d’une enquête de flagrance ou dans celui d’une enquête préliminaire. Votre assemblée a ainsi récemment adopté, sur l’initiative du garde des sceaux, un projet de loi d’orientation et de programmation du ministère de la justice où figure cette simplification.
Un autre chantier est la numérisation. Lorsque je suis arrivé, voilà trois ans, au ministère de l’intérieur, toutes les procédures se faisaient sur papier. Ce n’est plus le cas que pour 50 % des procédures aujourd’hui. À l’instar de l’impôt à la source, la police doit se moderniser.
Au travers du même projet de loi d’orientation et de programmation du ministère de la justice, les moyens des parquets et des greffes seront renforcés, les policiers travaillant sous leur autorité.
Enfin, madame la sénatrice, il est absolument évident que nous traiterons l’ensemble des procédures. Il n’y aura pas de délai de prescription lorsque des plaintes ont été déposées.
J’ai par ailleurs donné comme consigne – et renforcé les effectifs en ce sens – que l’on traite en priorité les affaires d’atteintes aux personnes, en particulier celles dont les victimes sont des femmes ou des enfants. (MM. François Patriat et Olivier Bitz applaudissent.)
devenir des concessions autoroutières
M. le président. La parole est à M. Vincent Delahaye, pour le groupe Union Centriste. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
M. Vincent Delahaye. Monsieur le ministre des transports, le 22 mars dernier, le ministre de l’économie et des finances annonçait publiquement son intention d’interroger le Conseil d’État sur un possible raccourcissement de la durée des contrats de concession d’autoroutes. Le 8 juin dernier, le Conseil d’État rendait son avis.
Entre ces deux dates, est-il exact qu’un contentieux a été entamé par les sociétés d’autoroutes pour atteinte à leur image ? (M. Mickaël Vallet s’exclame.)
Pensez-vous que ce contentieux ait pu avoir un effet sur l’avis du Conseil d’État ?
Enfin, le Sénat a réclamé un « sommet des autoroutes » qui, bien que maintes fois annoncé, a été malheureusement souvent reporté. J’aimerais savoir quand il aura lieu. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué chargé des transports.
M. Clément Beaune, ministre délégué auprès du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargé des transports. Monsieur le sénateur Delahaye, chacun connaît ici votre intérêt, votre expertise et, si j’ose dire, votre passion de longue date pour la question autoroutière.
Reprenons précisément la chronologie des faits. Bruno Le Maire et moi-même avons annoncé au mois de mars dernier, devant l’Assemblée nationale et de manière tout à fait transparente, que nous allions saisir le Conseil d’État de deux questions.
La première concernait la durée des contrats en cours : serait-il possible, juridiquement, de raccourcir la durée des concessions sans avoir à verser une compensation significative, voire massive ?
La deuxième question, très importante, sera soumise prochainement à votre assemblée dans le cadre de l’examen du projet de loi de finances pour 2024. Elle concerne une éventuelle contribution – une compensation, ou une taxation – des sociétés autoroutières à notre stratégie de décarbonation et à notre plan d’investissement pour les transports.
Sur le premier point, comme sur l’ensemble de ces questions, je suppose, les sociétés d’autoroutes ont déposé un contentieux. Je n’ai pas à le commenter : nous sommes dans un État de droit, ces sociétés ont le droit de s’adresser à la justice.
Il existe, selon moi, un seul cas dans lequel un contentieux pourrait avoir un effet sur une saisine consultative du Conseil d’État par le Gouvernement : il faudrait que le Conseil d’État estime que les questions sont suffisamment proches pour qu’il suspende, de lui-même, ses travaux.
Cela n’a pas été le cas : le Conseil d’État n’a pas décidé de suspendre ses travaux consultatifs. Il a rendu un avis que nous avons décidé, avec la Première ministre, de rendre public rapidement, dès la fin de l’été. Cet avis porte bien sur les deux questions que j’ai évoquées.
En résumé, le contentieux spécifique engagé par les sociétés d’autoroute n’a en aucun cas et en aucune façon pu influer sur l’indépendance du Conseil d’État dans sa fonction de conseil du Gouvernement. Le respect des règles a été entièrement assuré.
Si vous évoquez une quelconque pression qui aurait pu être exercée, je peux vous assurer qu’elle serait vouée à l’échec. En effet, nous avons bien décidé, sur le second point, de saisir l’Assemblée nationale et le Sénat, dans le cadre du projet de loi de finances pour 2024, sur la question d’une contribution des sociétés concessionnaires d’autoroutes.
Enfin, j’ignore s’il s’agira d’un sommet, mais nous lancerons d’ici à la fin de l’année des travaux sur l’avenir des concessions autoroutières. Le Sénat et l’Assemblée nationale y seront étroitement associés.
M. le président. La parole est à M. Vincent Delahaye, pour la réplique.
M. Vincent Delahaye. Je vous remercie pour ces précisions, monsieur le ministre. Les informations dont je disposais n’étaient pas les mêmes : il me semblait que le Conseil d’État avait été influencé par le dépôt d’un recours.
Je prends acte de vos déclarations et je serai sensible à la tenue d’un sommet ou de quelque autre travail commun – le nom m’importe peu – sur cette question. Il est important que nous puissions dialoguer, non seulement avec le Gouvernement, mais aussi avec les sociétés d’autoroutes, qui ne sont pas très ouvertes au dialogue.
Nous devons regarder de près l’équilibre financier de ces contrats. Nous considérons en effet que ces derniers sont beaucoup trop profitables pour les sociétés et ne sont pas adaptés à de véritables concessions. Ils prévoient notamment des augmentations de tarifs liées à l’inflation, alors que le résultat financier des sociétés d’autoroutes et leurs charges le sont assez peu.
Je vous demande donc de prêter attention à l’augmentation de tarifs qui sera annoncée pour 2024. L’augmentation de 4,75 % constatée en 2023 a été très importante. Elle permettra aux sociétés d’autoroutes de réaliser, d’ici à la fin des contrats, 4 milliards d’euros de bénéfices supplémentaires.
Je compte sur vous pour être vigilant et pour montrer que, dans une concession, le patron, c’est l’État ! (Applaudissements sur les travées du groupe UC. – M. Laurent Somon applaudit également.)
M. le président. La parole est à Mme Marie-Carole Ciuntu, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Marie-Carole Ciuntu. Ma question s’adresse à M. le garde des sceaux, dont nous regrettons l’absence.
Un maire et sa famille pris pour cible, avec une tentative d’incendie de leur domicile, à L’Haÿ-les-Roses ; deux mairies intégralement brûlées, à Villeneuve-le-Roi et à Valenton ; plusieurs postes de police municipale attaqués, dont ceux de Villecresnes et de Sucy-en-Brie : le Val-de-Marne, pour ne parler que de mon département, a payé un très lourd tribut aux émeutes.
Pourtant, quatre mois plus tard, si trois personnes ont bien été condamnées pour l’attaque du poste de police municipale de Villecresnes, il n’y a eu, à ma connaissance, aucune autre suite judiciaire à ces événements, pas même pour ceux de L’Haÿ-les-Roses.
Les émeutes qui se sont déroulées dans notre pays ont occasionné, d’après les assureurs, 650 millions d’euros de dégâts. Un millier de bâtiments publics ont été touchés. Ce sont les symboles de notre République qui ont été visés : les élus, les mairies, les écoles, les commissariats, les polices municipales.
Lors de la réunion tenue à la Sorbonne le 26 octobre dernier, Mme la Première ministre a insisté sur la nécessité d’une « réponse pénale exemplaire » et du « refus total de l’impunité », objectifs auxquels je ne peux que souscrire.
Selon les chiffres communiqués par le Gouvernement au cours de l’été, 1 000 condamnations ont été prononcées, principalement à de courtes peines, pour 10 000 émeutiers.
Mais où en est-on aujourd’hui ? La représentation nationale est en droit de disposer d’un bilan, département par département, du nombre de personnes interpellées et de personnes condamnées, avec le détail des peines et de leur exécution.
Le garde des sceaux peut-il nous confirmer que tous les moyens de l’État sont encore mobilisés pour mener les enquêtes, sanctionner les vrais coupables, les donneurs d’ordre, responsables de toutes les atteintes graves aux personnes et aux biens perpétrées durant ces quelques jours ? Il y va de la crédibilité de l’État et de celle des élus. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. Daniel Chasseing applaudit également.)
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État chargée de la citoyenneté et de la ville.
Mme Sabrina Agresti-Roubache, secrétaire d’État auprès du ministre de l’intérieur et des outre-mer et du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée de la citoyenneté et de la ville. Entre le 27 juin et le 7 juillet 2023, 66 départements et 516 communes ont été le théâtre de violences urbaines.
Le 30 juin 2023, le garde des sceaux a adressé une circulaire aux procureurs généraux et aux procureurs de la République, afin qu’une réponse pénale rapide, ferme et systématique soit apportée à l’encontre des auteurs de ces exactions.
Le traitement judiciaire de ces affaires a été effectif et empreint de célérité : un taux de réponse pénale de 92 %, un taux de poursuite par défèrement de 90 %. Le recours à la comparution immédiate a été massif, représentant 60 % des poursuites devant les tribunaux correctionnels. Près de 1 800 personnes ont été condamnées à une peine d’emprisonnement ; le quantum de peine moyen avoisine les neuf mois de prison ferme.
Le ministre de la justice défend douze mesures concrètes visant à renforcer la répression envers les plus jeunes et à responsabiliser leurs parents. Parmi celles-ci, on peut citer la création d’un placement éducatif de jour ou de nuit pour les mineurs – ceux qui ne le respecteraient pas seraient placés en centre éducatif fermé ou en détention provisoire –, un partenariat renforcé avec l’armée pour suivre certains mineurs délinquants, la création d’une responsabilité civile de plein droit pour les deux parents d’un mineur, même s’ils sont séparés, ou encore l’aggravation du délit de soustraction d’un parent à ses obligations légales envers son enfant.
Voilà quelques mesures assez fortes, qui ont d’ailleurs été saluées, il me semble, par de nombreux élus. J’indique enfin que le garde des sceaux viendra, quand il le pourra, devant votre assemblée pour vous répondre plus précisément. (MM. François Patriat et Olivier Bitz applaudissent. – Marques de scepticisme sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à Mme Marie-Carole Ciuntu, pour la réplique.
Mme Marie-Carole Ciuntu. L’espoir du maire de L’Haÿ-les-Roses, qui nous écoute aujourd’hui, de voir ses agresseurs sanctionnés s’amenuise encore ! Vous lui aviez pourtant donné l’assurance, madame la Première ministre, quand vous étiez allée le voir, que ses agresseurs seraient sanctionnés. Nous espérons sincèrement qu’ils le seront ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
tempête ciaran et rôle des collectivités territoriales
M. le président. La parole est à M. Simon Uzenat, pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
M. Simon Uzenat. Madame la Première ministre, la tempête Ciaran a très durement éprouvé la Bretagne. Il faut tout d’abord saluer l’engagement exceptionnel des pompiers, des agents des forces de l’ordre et de la sécurité civile, de ceux des collectivités territoriales, mais aussi de ceux des opérateurs, en particulier d’Enedis.
Honorons la mémoire des victimes et rendons hommage à Frédéric Despaux, agent d’Enedis décédé dans l’exercice de ses fonctions. Nos pensées vont à sa famille et à ses collègues éplorés.
Le monde agricole est très lourdement touché. Une réunion du comité catastrophe naturelle a été annoncée pour le 14 novembre, soit deux semaines après le début de la tempête : c’est bien tard ! En dépit de la promesse du Président de la République, réitérée par le Gouvernement, hier, devant l’Assemblée nationale, nous avons eu confirmation depuis lors que les dégâts provoqués par la tempête n’entraient pas dans le champ de cette garantie. Qu’en est-il précisément ?
En ce qui concerne l’approvisionnement en électricité, vous citez la part des foyers qu’il reste encore à raccorder au réseau, mais, en réalité, ce sont plusieurs dizaines de milliers de Bretonnes et de Bretons qui n’en peuvent plus des promesses non tenues !
De très nombreuses défaillances nous sont rapportées tous les jours : dans la mesure où les préfectures ne fournissent pas de téléphones satellitaires, des élus du Finistère ont été contraints d’improviser un réseau radio citizen-band (CB) ; une usine d’eau potable a été dépriorisée dans les Côtes-d’Armor ; une station d’épuration s’est retrouvée privée d’électricité dans le Morbihan – le maire a été obligé d’appeler le copain d’un copain chez Enedis, faute de disposer des coordonnées de responsables, celles-ci n’ayant pas été transmises en amont aux élus – ; des élus ont dû utiliser leur propre véhicule pour aller chercher des groupes électrogènes, envoyés en Bretagne trois jours après le début de la tempête ; enfin, un maire a été obligé de faire six relances différentes en six jours pour mettre en sécurité deux points critiques.
« Perdus au milieu de nulle part », pour reprendre leurs termes, obligés d’endosser des responsabilités majeures sans disposer des bonnes informations et des moyens appropriés, les maires et les élus sont à bout. La sous-traitance de l’État confine désormais à la maltraitance. Nous voyons là les effets directs du désarmement de nos services publics, du sous-investissement chronique et de la logique du flux tendu, qui ne nous permettent pas de faire face aux épreuves d’un monde qui se dérègle.
Face à la multiplication prévisible des catastrophes climatiques, il est urgent d’agir. Quelles actions concrètes allez-vous mettre en œuvre pour que cette situation ne se reproduise plus ? (Applaudissements sur les travées des groupes SER, CRCE-K et GEST.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée chargée des collectivités territoriales et de la ruralité.
Mme Dominique Faure, ministre déléguée auprès du ministre de l’intérieur et des outre-mer et du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée des collectivités territoriales et de la ruralité. Monsieur le sénateur Uzenat, je veux tout d’abord rappeler que les dommages causés par les vents violents sont couverts par la garantie tempête des polices d’assurance souscrites par les collectivités, en vertu de l’article L. 122-7 du code des assurances.
Par ailleurs, comme vous l’avez souligné, monsieur le sénateur, le Président de la République a indiqué, lors de son déplacement dans le Finistère vendredi dernier, que l’état de catastrophe naturelle et celui de calamité agricole seront activés très rapidement : le comité catastrophe naturelle se réunira sur ce sujet le 14 novembre. Vous trouvez que ce délai est un peu long, mais il est quand même très court, monsieur le sénateur ! Le décret paraîtra dans les jours qui suivront. Ce mécanisme bénéficiera évidemment aux collectivités territoriales et permettra, notamment, de couvrir les dommages liés aux phénomènes de submersion ou de débordement des cours d’eau.
Si des difficultés survenaient avec les assureurs quant au remboursement des dommages, nous ferions le nécessaire avec le médiateur des assurances, dont vous savez qu’il peut, depuis le mois de septembre, être saisi par les collectivités elles-mêmes.
Nous disposons enfin de la dotation de solidarité en faveur de l’équipement des collectivités territoriales et de leurs groupements touchés par des événements climatiques ou géologiques, qui permet, dans de tels cas, de prendre en charge la réparation des dégâts causés aux biens des collectivités. J’ai demandé la semaine dernière à la direction générale des collectivités locales (DGCL) d’adresser aux préfets concernés un message pour leur rappeler les conditions d’engagement de cette dotation, afin que les prises en charge puissent être rapides et significatives. J’y veillerai personnellement.
Par ailleurs, le ministre de l’agriculture poursuit les travaux d’évaluation des dégâts, afin d’enclencher toutes les procédures de reconnaissance de l’état de calamité agricole dans les délais les plus courts. Les pertes de récoltes seront prises en charge dans le cadre du nouveau système assurantiel, y compris pour les agriculteurs non assurés, par le biais de l’indemnité de solidarité nationale.
Comme chaque fois, nous serons, bien entendu, aux côtés des collectivités, des agriculteurs et de tous nos concitoyens. (M. François Patriat applaudit.)
harcèlement scolaire
M. le président. La parole est à Mme Agnès Evren, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Agnès Evren. Ma question s’adresse à M. le ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse.
Dès votre prise de fonction, monsieur le ministre, et de nouveau il y a quelques jours, vous avez prononcé des mots forts contre le harcèlement. Votre position a été courageuse : parents, enseignants, victimes, tous avaient besoin d’entendre ce message clair. L’omerta était devenue insupportable.
Les chiffres, publiés hier, du sondage réalisé par l’Institut français d’opinion publique (Ifop) pour le compte de l’association Marion la main tendue sont accablants : un jeune sur cinq est victime de harcèlement scolaire, soit deux fois plus qu’auparavant ; la moitié des victimes ne parlent pas ; près de 80 % des parents se disent inquiets. Il y a donc urgence.
Les faits, je le rappelle, sont sans précédent. Auparavant, le harcèlement scolaire s’arrêtait aux grilles de l’école, à seize heures trente. Aujourd’hui, il se répand vingt-quatre heures sur vingt-quatre sur les réseaux sociaux, comme TikTok, Instagram ou Snapchat, qui, par leur viralité, en démultiplient les effets, avec des conséquences dramatiques, et ne laissent aucun répit aux victimes.
Vous avez annoncé 30 millions d’euros supplémentaires pour la création de brigades anti-harcèlement. Ces moyens seront-ils suffisants ? En effet, trop d’établissements gèrent la pénurie : celle des médecins, des psychologues, des infirmières scolaires.
Pouvez-vous nous confirmer que tous les personnels scolaires seront désormais systématiquement formés pour prévenir et détecter ces faits ? Allez-vous rendre obligatoires les questionnaires d’autoévaluation, alors que les deux heures de temps scolaire banalisées sont facultatives ?
Enfin, en matière de sanctions, pouvez-vous nous donner des précisions sur la mise en place des mesures d’éloignement du harceleur pour protéger la victime ? Ces dispositions, je tiens à le rappeler, avaient déjà été proposées par notre collègue Marie Mercier dans sa proposition de loi, cosignée par 215 sénateurs siégeant sur toutes les travées de cet hémicycle ? (Marques d’approbation sur les travées du groupe Les Républicains.)
Monsieur le ministre, face à ce drame humain considérable, l’action doit être à la hauteur de la communication. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées du groupe UC. – M. Jean-Baptiste Lemoyne applaudit également.)