M. Laurent Somon. Madame la Première ministre, Pierre Dac disait : « Il faut une infinie patience pour attendre toujours ce qui n’arrive jamais. »
À l’étude depuis 1990, en état de mort clinique en 2016, malgré un débat public qui a conclu à l’excellente rentabilité socio-économique du dossier, réanimé en mars 2017 et promis par le Premier ministre Bernard Cazeneuve dans le cadre du plan de revitalisation de l’Amiénois, le barreau TGV Creil-Roissy a été formellement acté par un courrier adressé par le Président de la République à Mme le maire d’Amiens le 12 août 2019, après que vous-même, madame la Première ministre, l’avez annoncé en avril 2019 lors d’une visite dans la capitale picarde.
Le courrier précisait en outre le calendrier de ce chantier, en particulier la mise en service de la liaison en 2025.
D’un montant initialement annoncé de 310 millions d’euros, avant d’être réévalué à 580 millions d’euros, le plan de financement était bouclé grâce à une participation de l’État à hauteur de 51 % et à l’apport des collectivités locales – régions, départements, établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) et communes –, le coût marginal devant être couvert par une participation de l’Union européenne de 80 millions d’euros.
Or, jeudi, nous avons appris le rejet de la demande présentée à deux reprises auprès de l’Union européenne.
Je reprendrai donc les propos du président de l’Association des maires de France et des présidents d’intercommunalité (AMF) au sujet des défaillances successives que nous observons : « État, y es-tu, entends-tu, que fais-tu ? »
Plus précisément, madame la Première ministre, peut-on encore avoir confiance dans la parole du Président de la République ?
Plusieurs sénateurs du groupe Les Républicains. – Non !
M. Laurent Somon. Les engagements écrits des gouvernements sont-ils encore crédibles ?
Plusieurs sénateurs du groupe Les Républicains. – Non !
M. Laurent Somon. L’État a-t-il le pouvoir d’aller à l’encontre de la volonté réfractaire de SNCF Réseau, pour que les moyens nécessaires soient mis sur la table, que les travaux soient engagés et que le calendrier soit respecté ?
Plusieurs sénateurs du groupe Les Républicains. – Non !
M. Laurent Somon. Enfin, et surtout, la France a-t-elle su maintenir une présence efficace et a-t-elle une influence réelle au sein de l’Union Européenne ?
Plusieurs sénateurs du groupe Les Républicains. – Non !
M. Laurent Somon. Madame la Première ministre, suppléerez-vous les financements manquants ? (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – Mme Nadia Sollogoub applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.
M. Christophe Béchu, ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires. Monsieur le sénateur Somon, il est singulier de pointer la responsabilité du Président de la République, alors que vous avez relaté avec précision ce qui était le point de départ des inquiétudes légitimes du département de la Somme, et des Hauts-de-France de manière générale, exprimées au travers de prises de paroles très fortes, en particulier celle du président Xavier Bertrand voilà quelques jours.
Le 22 juin dernier, la Commission a attribué au projet français une note de 19 sur 25, qui ne nous a, hélas ! pas permis d’obtenir le financement désiré, et ce malgré un point très positif, celui de la reconnaissance européenne du projet. Parmi les points négatifs, il nous a été reproché l’absence d’un certain nombre d’autorisations et de précisions.
Cette réponse nous offre la possibilité de redéposer une demande avant le 1er janvier 2024 et de boucler le dossier de financement – en fonction de ces éléments – au mois d’octobre prochain. Tout cela nous permettrait d’envisager un démarrage des travaux en 2024 pour une mise en service en 2025.
Clément Beaune a eu le président Bertrand au téléphone dimanche dernier : il lui a redit que, non seulement, cette réponse de la Commission européenne ne modifiait pas le soutien du gouvernement français au projet, mais que notre engagement et notre détermination à réaliser ces six kilomètres et demi en sortaient renforcés puisque, vous l’avez dit, l’ensemble des conditions socio-économiques sont réunies, y compris d’après l’avis rendu par la Commission elle-même.
Dans ce contexte, je considère que le refus de la Commission ne doit pas nous conduire à nous diviser : aller chercher ces crédits européens pour obtenir les financements manquants est notre priorité absolue.
M. Jérôme Bascher. Et sinon ?
M. Christophe Béchu, ministre. Si d’aventure nous n’avions pas cet argent, ce serait un tout autre débat. Mais partir du principe que nous n’y arriverons pas, alors que le projet est reconnu comme étant d’intérêt européen, revient à nous affaiblir collectivement, dans un contexte de négociations qui implique, au contraire, que nous restions soudés.
Monsieur le sénateur, vous exprimez l’exaspération, le ras-le-bol et l’attente des territoires. Vous avez rappelé la date de mise en service de la ligne : 2025. Je ne dis pas autre chose.
Je vous demande de monter à bord avec nous pour mener cette nouvelle bataille devant la Commission européenne. Et, je vous le redis, ce projet se fera ! (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
M. le président. La parole est à M. Laurent Somon, pour la réplique.
M. Laurent Somon. Monsieur le ministre, vous avez rappelé ce que disait le ministre des transports dimanche dernier, à savoir que le barreau Creil-Roissy est un « projet qui avance et se fera ».
Malheureusement, on avance à la vitesse de la draisine et l’on peut craindre que la phrase de Marcel Proust ne se révèle exacte : « Savoir qu’on n’a plus rien à espérer n’empêche pas de continuer à attendre. »
Alors que la France est en perte de vitesse sur le réseau européen, respectez vos engagements et accélérez pour que notre pays retrouve sa locomotive. À la vitesse du TGV, faites en sorte, comme l’a promis le Président de la République,…
M. le président. Il faut conclure.
M. Laurent Somon. … que les trains arrivent en temps et en heure dans sa ville natale ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – Mme Nadia Sollogoub applaudit également.)
milice wagner et position africaine de la france
M. le président. La parole est à M. François Bonneau, pour le groupe Union Centriste. (Applaudissements sur les travées du groupe UC. – Mme Christine Bonfanti-Dossat applaudit également.)
M. François Bonneau. Monsieur le président, madame la Première ministre, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, les récents événements impliquant le groupe paramilitaire Wagner ne manqueront pas d’avoir des conséquences en Afrique. Le groupe est présent au Soudan, en République centrafricaine, en Libye, au Mali et au Mozambique.
Wagner est devenu un outil important de la lutte d’influence russe en Afrique, en développant un panel d’activités allant de la protection des États à l’exploitation des ressources naturelles, en passant par les opérations d’information et, surtout, de désinformation anti-occidentales, essentiellement anti-françaises.
Cependant, la rupture entre Wagner et le Kremlin a de fortes chances de déstabiliser les opérations de Wagner en Afrique de l’Ouest. En tant que parias soumis à la vindicte de leurs commanditaires russes, Wagner et son dirigeant Evgueni Prigojine pourraient se retrouver dans une position instable et délicate.
Les activités brutales et sanglantes de Wagner sont largement financées par l’exploitation illégitime des ressources naturelles. C’est pourquoi les États-Unis ont annoncé hier de nouvelles sanctions contre les activités de Wagner, qui visent à empêcher son expansion en Afrique.
Dans ce contexte, il est crucial que la France agisse de manière énergique en intensifiant sa coopération avec ses partenaires africains, notamment dans le golfe de Guinée, très inquiets à la fois de la contagion terroriste et des milices incontrôlables.
Monsieur le ministre, quelles conséquences vos services anticipent-ils en Afrique à la suite de la rupture de ban du groupe Wagner ? Et comment la France entend-elle réagir pour soutenir nos partenaires africains et protéger les intérêts de cette région éminemment stratégique ? (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué chargé du commerce extérieur, de l’attractivité et des Français de l’étranger.
M. Olivier Becht, ministre délégué auprès de la ministre de l’Europe et des affaires étrangères, chargé du commerce extérieur, de l’attractivité et des Français de l’étranger. Monsieur le sénateur François Bonneau, je vous prie tout d’abord de bien vouloir excuser l’absence de la ministre de l’Europe et des affaires étrangères, qui m’a chargé de vous répondre.
Il faut dire les choses telles qu’elles sont : Wagner n’est pas une société militaire privée ou une milice, mais un groupe criminel et mafieux, qui agit selon les méthodes de ce type d’organisation – violence, prédation, manipulation, règlements de compte.
C’est un groupe sur lequel la Russie s’appuie pour mener les actions qu’elle n’est pas capable de conduire avec son armée régulière.
Wagner a établi, partout où il s’est déployé, la violation systématique des droits de l’homme comme principe cardinal de son action. Ce groupe a systématiquement renforcé la menace terroriste qu’il prétendait combattre.
Que ce soit en Syrie, en Libye, au Mozambique, au Mali ou en République centrafricaine, Wagner est un véritable fléau, dont le seul objectif est de piller les richesses au détriment des États et des populations, et au prix d’exactions atroces.
J’en veux pour preuve le rapport accablant des Nations unies, qui définit clairement la responsabilité du groupe Wagner dans le massacre de 500 civils à Moura, au Mali, en mars 2022.
Nous ne laisserons aucun espace à cette organisation, qui n’hésite pas à recruter des criminels parmi les plus endurcis dans les prisons russes.
Pour répondre concrètement à votre question, oui, nous continuerons à imposer des sanctions européennes rigoureuses pour ces actions menées en Ukraine et en Afrique, et nous disons aux pays qui ont choisi le groupe Wagner – ils le regrettent d’ailleurs peut-être au regard des événements du week-end… – qu’il est temps de s’en dissocier, car rien de bon ne peut sortir du chaos dont ces mercenaires se sont fait une spécialité. (Applaudissements sur des travées des groupes RDPI et UC.)
M. Olivier Cadic. Très bien !
M. le président. La parole est à M. François Bonneau, pour la réplique.
M. François Bonneau. Monsieur le ministre, la Russie poutinienne n’a eu de cesse de fustiger nos démocraties occidentales, mais force est de constater que c’est la dictature russe qui, au contraire, est pourrie de l’intérieur.
Agissons donc avec fermeté pour regagner les positions que nous avons perdues. (Applaudissements sur les travées du groupe UC, ainsi que sur des travées du groupe INDEP.)
apprentissage dans la fonction publique territoriale
M. le président. La parole est à M. Guillaume Chevrollier, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Guillaume Chevrollier. Monsieur le président, mes chers collègues, ma question s’adresse à M. le ministre de la transformation et de la fonction publiques.
L’année passée, l’apprentissage a atteint un niveau record, puisque plus de 800 000 contrats ont été signés. C’est une bonne nouvelle !
Toutefois, en ce qui concerne la fonction publique territoriale, nombre de nos communes rurales nous alertent sur leurs difficultés à recruter. Les candidats sont nombreux, mais les financements ne suivent pas. Ainsi, pour l’année 2023, quelque 18 000 intentions de recrutement des collectivités ont été recensées, alors même que le budget prévu ne permet d’en financer que 10 000.
En mars dernier, la circulaire relative au renforcement du recrutement d’apprentis dans la fonction publique pour les années 2023-2026 précisait les objectifs d’embauche et annonçait la baisse progressive de la participation de France Compétences aux frais de formation en apprentissage.
Cette participation est aujourd’hui de 15 millions d’euros, mais elle s’élèvera à seulement 5 millions d’euros en 2025. Or rien n’est prévu pour compenser une telle diminution.
Les maires et l’ensemble des élus s’en inquiètent vivement, ainsi que les centres de formation et les maisons familiales rurales. Ce n’est pas faute d’avoir alerté le Gouvernement sur ce sujet lors des débats sur le projet de loi de finances.
Pourtant, Mme la Première ministre a déclaré attendre un engagement fort des employeurs publics, espérant dépasser prochainement le million d’apprentis.
Force est de constater qu’un décalage subsiste entre l’ambition affichée et les moyens alloués à terme, ainsi que la complexité du cadre juridique. Le Centre national de la fonction publique territoriale (CNFPT) lui-même insiste régulièrement sur l’insuffisance des financements au regard des besoins.
Aussi, monsieur le ministre, le Gouvernement compte-t-il revoir ses objectifs en matière d’apprentissage et réévaluer les moyens financiers à la hauteur des besoins des collectivités locales ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – Mme Françoise Gatel applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de la transformation et de la fonction publiques.
M. Stanislas Guerini, ministre de la transformation et de la fonction publiques. Monsieur le sénateur Chevrollier, j’évoquerai trois éléments pour répondre à votre question.
Le premier est un satisfecit collectif. Ces dernières années, nous avons accompli la révolution de l’apprentissage dans la fonction publique – il faut dire les choses telles qu’elles sont.
Voilà quelques années, on ne comptait pas d’apprentis dans la fonction publique, que ce soit dans les collectivités, les hôpitaux ou les administrations centrales ou déconcentrées… Nous en avons recruté massivement – plus de 30 000 pour l’année 2022 – et cela marche.
Le deuxième élément a trait à l’engagement de l’État auprès des employeurs territoriaux, à savoir 15 millions d’euros pris sur les lignes budgétaires de mon ministère et 15 millions d’euros issus de France Compétences. Nous comptons maintenir cet engagement. Là encore, cela marche : l’année dernière, l’objectif de 8 000 apprentis qui avait été fixé pour la fonction publique territoriale a été largement dépassé.
D’ici à quelques jours, nous signerons avec le CNFPT, que vous avez mentionné, monsieur le sénateur, une nouvelle convention pour l’exercice 2023-2025.
Le CNFPT prend des engagements, notamment celui de financer au moins 9 000 apprentis pour les collectivités territoriales lors des exercices à venir. J’en prends également, puisque les crédits de mon ministère – 45 millions d’euros – seront maintenus pour les trois prochaines années, afin de nous donner de la visibilité.
Toutefois, monsieur le sénateur – c’est le troisième élément que je voulais évoquer –, je ne veux pas m’arrêter là. Tous ensemble, nous pouvons faire de l’apprentissage une véritable voie de prérecrutement pour la fonction publique.
Comment expliquer aujourd’hui que, à l’issue d’un contrat d’apprentissage d’une durée parfois de dix-huit mois, un apprenti ne puisse être embauché, c’est-à-dire titularisé, dans la fonction publique, alors que la collectivité territoriale et l’intéressé le souhaitent parfois ? En effet, le jeune apprenti doit passer par la case « concours administratif » et préparer ces épreuves pendant une année.
Actuellement, nous perdons les apprentis. Aussi, je veux lever cette obligation du concours à la fin des contrats d’apprentissage – je formulerai des propositions en ce sens dans les prochains mois – et permettre une titularisation directe.
Je crois que c’est comme cela, et avec des moyens à l’appui, que nous gagnerons la bataille de l’apprentissage dans la fonction publique. (Applaudissements sur des travées du groupe RDPI.)
M. le président. La parole est à M. Guillaume Chevrollier, pour la réplique.
M. Guillaume Chevrollier. Je vous remercie, monsieur le ministre. Nous croyons à l’apprentissage, mais il est nécessaire de mieux cibler cette politique dans la fonction publique.
Le désengagement unilatéral de l’État en matière de financement pèse sur les finances des collectivités locales. Voilà encore un transfert de charges qui n’est pas acceptable pour les élus locaux et qui est dommageable pour les jeunes en attente de formation ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées du groupe UC.)
avis du conseil d’état sur les concessionnaires d’autoroutes
M. le président. La parole est à M. Olivier Jacquin, pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain. (Applaudissements sur les travées du groupe SER, ainsi que sur des travées du groupe GEST.)
M. Olivier Jacquin. Monsieur le ministre délégué chargé des transports, allez-vous tenir vos engagements ?
Le 22 mars dernier, lors de son audition à l’Assemblée nationale, Bruno Le Maire annonçait saisir le Conseil d’État pour étudier la possibilité de raccourcir les durées des concessions autoroutières.
Il écartait, de fait, les deux autres options mises sur la table par l’inspection générale des finances dans un rapport révélé par Le Canard enchaîné, à savoir la diminution des prix des péages et le prélèvement sur les bénéfices des sociétés concessionnaires.
La semaine dernière, nous avons appris, une nouvelle fois par voie de presse, que le Conseil d’État aurait rendu son avis : il privilégierait une hausse de la fiscalité sur les concessions que le ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique considérait, en mars dernier, être « une impasse ».
Compte tenu du caractère stratégique des autoroutes, tant pour l’aménagement du territoire que pour la transition écologique des transports, et à moins de dix ans de la fin des premiers contrats, allez-vous publier la saisine et l’avis du Conseil d’État, comme vous vous y étiez engagé auprès de notre collègue députée socialiste Christine Pires Beaune, le 3 mai dernier ?
Par ailleurs, quand allez-vous enfin lancer les Assises des autoroutes que vous nous promettez depuis trois mois ? (Applaudissements sur les travées du groupe SER, ainsi que sur des travées du groupe GEST.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.
M. Christophe Béchu, ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires. Monsieur le sénateur Jacquin, au regard des textes dont vous êtes l’auteur et des prises de parole répétées sur ce sujet, je ne suis pas surpris de votre question. Vous pouvez, en revanche, vous étonner que je vous réponde, mais l’absence de Clément Beaune me conduit à remplacer mon ministre délégué sur ce sujet.
Vous avez parfaitement suivi les épisodes précédents : dans les réponses apportées par Bruno Le Maire et Clément Beaune devant cet hémicycle ou les commissions dédiées, le Gouvernement a précisé qu’il s’agissait d’un cadre particulier, celui des concessions, soumis à des règles juridiques. Aussi a-t-il joint le geste à la parole et saisi le Conseil d’État sur deux questions.
Tout d’abord, est-il possible de raccourcir unilatéralement une durée de concession sans devoir la compenser intégralement ? La réponse est non. Les raisons qui permettraient d’invoquer l’intérêt général en la matière ne peuvent tenir à une appréciation du niveau de rentabilité tant que la durée de la concession n’est totalement pas écoulée.
En effet, il est impossible d’apprécier le résultat économique global de la concession en se fondant seulement sur une partie de la durée de celle-ci. Si nous agissions ainsi, nous devrions compenser intégralement, à coups de dizaines de milliards d’euros, les années amputées au regard des termes du contrat signé.
Ensuite, peut-on taxer sans tenir compte du biais lié à la baisse du taux de l’impôt sur les sociétés (IS) de 33 % à 25 % ? En effet, les calculs de rentabilité de l’époque se fondaient sur le niveau de fiscalité existant. Le Conseil d’État indique que c’est possible, mais qu’il faut considérer les concessions comme une catégorie homogène.
Il est impossible de distinguer les concessions d’autoroutes des autres formes de concessions nationales qui échapperaient à l’évolution de la fiscalité modifiant les conditions initiales imaginées.
Sous cette réserve d’homogénéité de traitement, des dispositifs fiscaux sont possibles.
Vous le savez, nous travaillons au financement de la transition écologique, qui, en particulier pour ce qui concerne les transports, implique de chercher des dépenses brunes, afin d’obtenir des recettes vertes.
M. le président. Il faut conclure !
M. Christophe Béchu, ministre. Nous sommes précisément en train d’y travailler. (Applaudissements sur des travées du groupe RDPI.)
M. le président. La parole est à M. Olivier Jacquin, pour la réplique.
M. Olivier Jacquin. Monsieur le ministre, je vous remercie de la précision de votre réponse.
Vous assumez être favorable aux concessions et défendez un modèle déséquilibré vous obligeant à quémander des ristournes pour les usagers spoliés, comme le dernier sketch des chèques-vacances l’a montré.
L’État régulateur doit reprendre la main et préparer véritablement l’après-concessions ! Écrire et lancer de nouveaux contrats, c’est cinq ans de travail. Le Sénat vous le répète depuis 2020 : d’autres modèles existent.
Notre groupe a proposé la création d’un établissement public industriel et commercial (Épic), Routes de France, qui gérerait l’ensemble du réseau routier national.
Débattons-en enfin ! C’est dans l’intérêt des Français, des entreprises, des territoires et du climat. (Applaudissements sur les travées des groupes SER et GEST.)
projet de diversification de bosch dans l’hydrogène
M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Anglars, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Jean-Claude Anglars. Monsieur le ministre, le 8 novembre 2022, lors de sa présentation du plan France 2030, le Président de la République déclarait son ambition de faire de la France le leader de l’hydrogène décarboné et fixait l’objectif d’un renforcement de la stratégie nationale hydrogène dans les six mois… Nous y sommes !
Or le 23 juin dernier, la direction de Bosch en Allemagne s’est exprimée et a annoncé sa décision de suspendre le projet FresH2 d’ici à la fin 2023, et cela pour plusieurs années, jusqu’à ce que le marché de l’hydrogène soit durablement établi.
Je le rappelle, le projet FresH2 vise à développer la pile combustible à hydrogène destinée à remplacer le moteur diesel utilisé dans le transport. C’est le projet de reconversion industrielle du site Bosch d’Onet-le-Château, usine historique de fabrication des injecteurs et des bougies de moteur diesel, condamnée en 2020 par l’abandon précipité du diesel.
La déclaration de l’industriel est un coup de tonnerre dans le ciel aveyronnais. Ce choix, sans explication et sans information préalables, apparaît comme une remise en cause des engagements pris auprès des syndicats, des élus locaux et de l’État. En effet, l’équipementier s’est engagé à maintenir 250 emplois reconvertis dans les technologies à hydrogène en 2028, en contrepartie de la transformation industrielle.
L’annonce de Bosch est une condamnation des 250 derniers emplois. Or, monsieur le ministre, depuis cette annonce la semaine dernière, vous n’avez fait aucune déclaration !
Alors que la stratégie nationale hydrogène que vous défendez vise à développer les véhicules lourds propres et à construire en France une filière industrielle créatrice de 50 000 à 150 000 emplois, que fait le Gouvernement pour le développement du projet de reconversion de l’usine Bosch d’Onet-le-Château ?
Que faites-vous pour les 250 emplois aveyronnais à convertir et à pérenniser ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué chargé de l’industrie.
M. Roland Lescure, ministre délégué auprès du ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargé de l’industrie. Monsieur le sénateur, votre question me permet de m’exprimer officiellement et publiquement sur ce sujet.
Vous le savez, la sortie programmée du véhicule thermique représente un vent de face extrêmement fort pour l’industrie automobile traditionnelle. Nous avons le temps, car elle est prévue d’ici à 2035, mais nous devons adapter l’appareil de production à ce nouveau défi.
Bosch est un grand groupe européen très présent en France, puisqu’il compte plus de 6 000 emplois, dont 1 200 en Aveyron, à Rodez.
La décision, annoncée la semaine dernière et indiquant que le projet de diversification dans l’hydrogène, que vous avez très bien décrit, n’était plus suffisamment rentable à court terme pour être envisagé d’ici à 2028 ne doit en aucun cas – je veux être très clair – changer les engagements du groupe Bosch pris en décembre 2021 dans le cadre d’un accord, courageux, entre les salariés et les organisations syndicales.
J’ai échangé avec tous les élus : aujourd’hui avec vous, hier avec les députés à l’Assemblée nationale, mais aussi avec Mme la présidente de région, M. le président du département et M. le maire de Rodez. Nous sommes tous alignés ; nous devons nous assurer que Bosch tiendra ses engagements.
Mon équipe est déjà en relation avec les organisations syndicales, mais aussi avec la direction de Bosch en France.
Toutefois, vous le savez, cette décision sera prise en Allemagne. Je suis déjà entré en contact avec la direction allemande, avec laquelle j’échangerai de manière formelle dans les jours à venir.
Mon message sera clair : les engagements doivent être tenus, pour ce qui concerne l’hydrogène ou autre chose, sur la revitalisation du site et le maintien des emplois : 250 dans le domaine de l’hydrogène, vous l’avez dit, et 500 au total.
Le groupe emploie aujourd’hui 1 200 personnes en Aveyron. Nous devons nous assurer que, en 2028, quelque 500 employés travailleront bien sur ce site, que ce soit sur l’hydrogène ou sur autre chose.
Je m’y engage devant vous. Et évidemment, j’informerai tous les élus du département et de la région de l’avancée de ces discussions. (Applaudissements sur des travées du groupe RDPI.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Anglars, pour la réplique.
M. Jean-Claude Anglars. Monsieur le ministre, je vous remercie de ces réponses.
Je vous invite à venir en Aveyron avec votre collègue M. Dupond-Moretti, qui s’y rend vendredi prochain, pour expliquer tout cela aux élus et aux syndicats.
M. Antoine Lefèvre. En covoiturage ! Il faut faire un BlaBlaCar ! (Sourires.)
protection des maires contre les islamistes