Mme le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Roland Lescure, ministre délégué. Je félicite le rapporteur pour sa sagacité. En effet, notre amendement n’a pas pour objet les projets « similaires », mais bien des projets « envisagés ultérieurement sur le même territoire et cohérents avec sa vocation ».
Voilà ce que j’aurais dû dire, mais vous comprenez bien la logique qui prévaut : lorsqu’un projet est cohérent avec la vocation du projet d’ensemble, nous souhaitons dispenser de débat public ce dernier pendant dix ans. Au reste, j’ai bien compris que la commission n’y était pas favorable.
Pour ces raisons, dans le cas où son amendement ne serait pas adopté, le Gouvernement émettrait un avis défavorable sur l’amendement n° 79 rectifié bis et un avis de sagesse sur l’amendement n° 203.
Mme le président. Je mets aux voix l’amendement n° 79 rectifié bis.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Mme le président. L’amendement n° 80 rectifié bis, présenté par Mme Préville, M. Montaugé, Mme Briquet, MM. Marie et J. Bigot, Mme Bonnefoy, M. Devinaz, Mme M. Filleul, MM. Gillé, Houllegatte et Jacquin, Mmes Artigalas et Blatrix Contat, MM. Lurel et Mérillou, Mme Monier, MM. Redon-Sarrazy, Stanzione, Kanner et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Alinéa 6, seconde phrase
Supprimer cette phrase.
La parole est à Mme Angèle Préville.
Mme Angèle Préville. L’alinéa 6 de l’article 3 permet à la CNDP de se saisir, quoi qu’il arrive, c’est-à-dire même lorsqu’un débat global ou une concertation globale a eu lieu, de certains projets, dans le but d’organiser un débat ou une concertation, si elle l’estime nécessaire.
Nous sommes très favorables à ce que cette possibilité, prévue dans la législation actuelle, soit maintenue. Toutefois, il est précisé que la CNDP doit être en mesure de motiver sa décision de se saisir. Or, pour notre part, nous considérons que la CNDP ne doit pas avoir à se justifier si elle estime nécessaire de se saisir.
En conséquence, nous proposons de supprimer la seconde phrase de l’alinéa 6, qui l’oblige à motiver sa décision.
Mme le président. Quel est l’avis de la commission de l’aménagement du territoire ?
M. Fabien Genet, rapporteur pour avis. Je note que selon qu’on envisage les choses avant ou après le repas, les opinions peuvent changer… En effet, avant le repas, on nous expliquait qu’il fallait plus de transparence et que les motivations devaient être mieux expliquées. Or on nous dit désormais qu’il ne faudrait plus motiver les décisions !
La Commission nationale du débat public est très attachée à la transparence des procédures. Il semble donc nécessaire qu’elle puisse motiver sa décision.
De plus, cette obligation de motivation permettrait à l’exploitant de comprendre l’origine de cette décision, et contribuerait ainsi à prévenir les conflits et les éventuels recours.
En tout état de cause, puisqu’il s’agit d’une compétence discrétionnaire de la CNDP, il est probable que celle-ci motiverait sa décision même si la loi ne le prévoyait pas.
Pour ces raisons, la commission émet un avis défavorable sur cet amendement.
Mme le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Roland Lescure, ministre délégué. Même avis.
La décision de la CNDP de tout de même soumettre à concertation un projet exempté est lourde de conséquences. Il semble donc naturel qu’elle doive motiver une telle décision. Comme l’a dit le rapporteur, elle le ferait sans doute quoi qu’il arrive, mais cela va mieux en le disant, alors inscrivons-le dans la loi !
Mme le président. Je mets aux voix l’amendement n° 80 rectifié bis.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Mme le président. Je suis saisie de deux amendements identiques.
L’amendement n° 81 rectifié bis est présenté par Mme Préville, M. Montaugé, Mme Briquet, MM. Marie et J. Bigot, Mme Bonnefoy, M. Devinaz, Mme M. Filleul, MM. Gillé, Houllegatte et Jacquin, Mmes Artigalas et Blatrix Contat, MM. Lurel et Mérillou, Mme Monier, MM. Redon-Sarrazy, Stanzione, Kanner et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.
L’amendement n° 102 est présenté par MM. Fernique, Salmon, Breuiller, Benarroche, Dantec, Dossus, Gontard et Labbé, Mme de Marco, M. Parigi et Mmes Poncet Monge et M. Vogel.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Alinéa 8
Supprimer cet alinéa.
La parole est à Mme Angèle Préville, pour présenter l’amendement n° 81 rectifié bis.
Mme Angèle Préville. Le cinquième alinéa de l’article L. 121-9 du code de l’environnement précise actuellement : « Lorsqu’un projet a fait l’objet d’un débat public lors de l’élaboration d’un plan ou d’un programme approuvé depuis moins de cinq ans et définissant le cadre dans lequel le projet pourrait être autorisé et mis en œuvre, ce dernier est dispensé de débat public ou de concertation préalable. »
L’article 3 du projet de loi modifie cette disposition en portant ce délai à dix ans. Il participe de la volonté du Gouvernement d’accélérer et d’alléger les procédures. Or, dans le cas présent et à la lecture de l’article que je viens de mentionner, rien ne garantit que les projets ainsi visés aient un objectif de développement durable ou d’« industrie verte », pour reprendre les termes de ce projet de loi.
Nous ne jugeons donc pas pertinent de doubler ce délai. En conséquence, nous proposons de supprimer l’alinéa 8 de l’article 3.
Mme le président. La parole est à M. Jacques Fernique, pour présenter l’amendement n° 102.
M. Jacques Fernique. Je me contenterai de compléter l’exposé de ma collègue, qui a parfaitement défendu cet amendement identique, en précisant que, au regard des enjeux environnementaux, climatiques, sociaux et économiques, qui peuvent évoluer très rapidement, il n’est pas raisonnable d’accorder un délai si long. En supprimant cet alinéa, nous en resterions au délai, plus raisonnable, de cinq ans.
Mme le président. Quel est l’avis de la commission de l’aménagement du territoire ?
M. Fabien Genet, rapporteur pour avis. Dans la situation dont il est question, un débat public ou une concertation préalable a, de fait, déjà eu lieu sur le projet. Organiser, quelques années plus tard, un nouveau débat public ou une nouvelle concertation préalable sur le même projet n’apparaît pas indispensable, y compris pour le public, qui serait conduit à s’exprimer deux fois sur le même sujet.
Au regard des procédures et des délais que nous avons tous décrits pour réaliser les projets, il ne nous semble, en l’état actuel des choses, pas nécessaire qu’un nouveau débat ait lieu au bout de cinq ans.
Monsieur le ministre, peut-être sera-t-il possible, dans quelques années, lorsque ce projet de loi aura fait son œuvre et que nous pourrons implanter des projets en douze ou dix-huit mois, de se reposer la question.
En attendant, la commission émet un avis défavorable sur ces deux amendements.
Mme le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 81 rectifié bis et 102.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
Mme le président. Je mets aux voix l’article 3, modifié.
(L’article 3 est adopté.)
Après l’article 3
Mme le président. Je suis saisie de quatre amendements identiques.
L’amendement n° 48 rectifié bis est présenté par Mme Paoli-Gagin, MM. Capus, Guerriau et A. Marc, Mme Mélot et MM. Lagourgue, Grand, Chasseing, Wattebled et Decool.
L’amendement n° 174 est présenté par Mme Micouleau, MM. Anglars et Belin, Mmes Bellurot, Belrhiti et Bonfanti-Dossat, MM. Bouchet, Brisson, Burgoa, Cambon et Charon, Mmes Dumont, Garriaud-Maylam et Gosselin, M. Grosperrin, Mme Imbert, MM. Karoutchi et Klinger, Mme Lherbier, MM. Mandelli et Mouiller, Mme Procaccia et MM. Savary, Segouin, Sol et C. Vial.
L’amendement n° 187 rectifié bis est présenté par MM. Menonville, Médevielle et Verzelen.
L’amendement n° 253 est présenté par Mme Cukierman.
Ces quatre amendements sont ainsi libellés :
Après l’article 3
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le code de l’environnement est ainsi modifié :
1° Le second alinéa du IV de l’article L. 122-1 est complété par les mots et une phrase ainsi rédigés : « dans un délai de deux mois. Le silence gardé par l’autorité à expiration de ce délai vaut acceptation. » ;
2° À la première phrase du 3° du IV de l’article L. 211-3, après le mot : « demander », sont insérés les mots : « , dans un délai de deux mois, ».
La parole est à Mme Vanina Paoli-Gagin, pour présenter l’amendement n° 48 rectifié bis.
Mme Vanina Paoli-Gagin. L’accélération des délais de réponse de l’administration pour les modifications ou extensions de travaux soumis à évaluation environnementale constitue une mesure attendue, citée dans le rapport Guillot sur les freins aux implantations.
Trop souvent, les autorités administratives mettent du temps pour accéder aux demandes des maîtres d’ouvrage, ce qui constitue autant de freins aux lancements des projets.
Cet amendement vise donc à introduire des obligations en matière de délai de réponse de la part des autorités administratives. Passé ces délais, les entrepreneurs pourront entamer leurs projets.
Mme le président. La parole est à Mme Béatrice Gosselin, pour présenter l’amendement n° 174.
Mme Béatrice Gosselin. Il est défendu, madame la présidente.
Mme le président. L’amendement n° 187 rectifié bis n’est pas soutenu.
La parole est à Mme Cécile Cukierman, pour présenter l’amendement n° 253.
Mme Cécile Cukierman. Cet amendement a été élaboré avec la Fédération nationale des travaux publics. Au-delà des postures, l’objectif est bien d’apporter des réponses au monde économique, qui se mobilise.
Nous le savons, l’accélération des délais de réponse de l’administration pour les modifications ou extensions de travaux soumis à évaluation environnementale est attendue, car elle peut permettre la réalisation des travaux avant – comment le dire avec délicatesse ? – une forme d’embourbement citoyen qui, in fine, empêche les projets d’avancer.
Il s’agit donc d’introduire des obligations en matière de délai de réponse de la part des autorités administratives. Si ces délais ne sont pas tenus, les entrepreneurs pourront entamer leur projet.
Il y a deux manières de voir ces amendements : les considérer comme un « laissez faire, laissez passer » ou, au contraire, monsieur le ministre, comme une exigence pour l’État de s’armer, à l’avenir, pour instruire les dossiers dans les délais et garantir une politique administrative efficace.
Mme le président. Quel est l’avis de la commission de l’aménagement du territoire ?
M. Fabien Genet, rapporteur pour avis. En cette journée de fête de la musique, je salue la polyphonie sur ces travées concernant ces amendements d’inspiration commune. (Sourires.)
En effet, ils comportent des dispositions diverses.
Tout d’abord, ils visent à instaurer un délai limite de deux mois pour répondre à une saisine par le maître d’ouvrage en raison de la modification ou de l’extension de travaux soumis à évaluation environnementale. L’article R. 122-2-1 du code de l’environnement prévoit que l’autorité compétente dispose de quinze jours pour informer le maître d’ouvrage de sa décision motivée. Ces amendements relèvent donc du pouvoir réglementaire et sont déjà satisfaits sur ce point.
Ensuite, conformément à l’article L. 231-1 du code des relations entre le public et l’administration, la règle de droit commun est déjà que le silence gardé pendant deux mois par les autorités compétentes vaut acceptation. Cette disposition est donc satisfaite.
Enfin, ces amendements tendent à fixer un délai de deux mois pour demander au propriétaire ou à l’exploitant d’un ouvrage de présenter une étude de dangers, dans le cas d’ouvrages présentant des dangers sur la ressource en eau et les écosystèmes aquatiques. En l’état, la rédaction de ces amendements est inopérante, car le fait générateur susceptible de déclencher ce délai de deux mois n’est pas précisé.
Pour toutes ces raisons, la commission émet un avis défavorable sur ces amendements.
Mme le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Roland Lescure, ministre délégué. Le Gouvernement demande le retrait de ces amendements ; à défaut, il émettra un avis défavorable.
Si nous comprenons la logique de ces amendements, comme le rapporteur l’a bien expliqué, les délais sont fixés par voie réglementaire et existent déjà ; le principe selon lequel le silence de l’administration vaut accord est non conforme au droit européen ; et un délai de deux mois sans fait générateur crée une incertitude juridique inacceptable.
Mme le président. La parole est à Mme Cécile Cukierman, pour explication de vote.
Mme Cécile Cukierman. Monsieur le ministre, j’entends vos arguments, mais, au risque de me répéter, le travail du parlementaire est avant tout d’alerter – vous le savez bien, vous l’avez été.
Mme Cécile Cukierman. Il y a deux façons de recevoir l’alerte : une fois que le « pin-pon » a été lancé, le Gouvernement peut soit l’ignorer, soit, avec bienveillance et délicatesse, y répondre.
Se contenter de répondre que cela relève de la voie réglementaire n’est pas suffisant. Monsieur le ministre, quelles mesures réglementaires entendez-vous prendre pour répondre à notre interpellation transpartisane ?
Ensuite, je sais qu’il s’agit d’un argument récurrent, dont vous n’avez pas l’exclusivité, mais faisons bien attention, à un an du renouvellement des instances européennes, à ne pas trop souvent renvoyer la faute sur un droit européen prétendument immuable. Sinon, nous allons nous réveiller un matin avec la gueule de bois, en constatant que l’Europe qui est en train de se construire ne correspond pas aux aspirations républicaines que nous partageons tous dans cet hémicycle, dans toute notre diversité et malgré nos désaccords.
Monsieur le ministre, puisque vous affirmez que c’est du ressort réglementaire, pouvez-vous, s’il vous plaît, envisager des évolutions ?
Mme le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Roland Lescure, ministre délégué. Je me suis permis de me référer à l’avis du rapporteur, qui vous a expliqué que les délais sont déjà précisés dans un règlement existant. Non seulement cela relève de la voie réglementaire, mais les délais existent déjà ! Le Gouvernement a donc fait son boulot.
Mme Cécile Cukierman. Dites-le, alors !
M. Roland Lescure, ministre délégué. Madame Cukierman, vous avez raison d’indiquer que, pour que ces délais soient respectés, les directions régionales de l’environnement, de l’aménagement et du logement (Dreal) ont besoin de moyens supplémentaires. J’ai eu, me semble-t-il, l’occasion de répondre sur ce point hier soir.
J’en ai d’ores et déjà discuté avec Bruno Le Maire et Christophe Béchu : nous sommes prêts à augmenter les moyens pour améliorer l’efficacité des procédures de traitement. En effet, l’essentiel est là : tout ce que l’on pourra inscrire dans la loi n’aura que peu d’effet sans les moyens adéquats. De ce point de vue, nous sommes d’accord, madame Cukierman.
Mme le président. Madame Cukierman, l’amendement n° 253 est-il maintenu ?
Mme Cécile Cukierman. Non, je le retire, madame la présidente.
Mme le président. L’amendement n° 253 est retiré.
Madame Paoli-Gagin, l’amendement n° 48 rectifié bis est-il maintenu ?
Mme Vanina Paoli-Gagin. Il y a le domaine réglementaire, mais il y a aussi le domaine du réel. Si nous sommes saisis, en circonscription, par plusieurs entreprises et fédérations, c’est que, dans les faits, ces dispositions réglementaires ne doivent pas fonctionner aussi bien que vous le laissez entendre. Nous comptons donc sur vous : il faut que le réel soit en homothétie avec les décrets.
Cela étant dit, je retire mon amendement.
Mme le président. L’amendement n° 48 rectifié bis est retiré.
Madame Gosselin, l’amendement n° 174 est-il maintenu ?
Mme Béatrice Gosselin. Non, je le retire, madame la présidente.
Mme le président. L’amendement n° 174 est retiré.
Je suis saisie de deux amendements identiques.
L’amendement n° 171 rectifié est présenté par Mme Micouleau, M. Belin, Mmes Bellurot, Belrhiti et Bonfanti-Dossat, MM. Bouchet, Brisson, Burgoa, Cambon et Charon, Mmes Dumont, Garriaud-Maylam, Gosselin et Imbert, MM. Karoutchi et Klinger, Mme Lherbier, MM. Mouiller et Panunzi, Mme Procaccia et MM. Savary, Segouin, Sol et C. Vial.
L’amendement n° 252 rectifié est présenté par Mme Cukierman.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Après l’article 3
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
À titre expérimental, pour une période de trois ans à compter de l’entrée en vigueur de la présente loi, les législations nouvelles au code de l’environnement, hors textes de transposition européenne, assurent une stabilité normative.
Ainsi, un texte législatif nouveau créant de nouvelles obligations en matière d’environnement ne pourra être adopté.
Le Gouvernement remet chaque année au Parlement un rapport dressant le bilan de la mise en œuvre de cette stabilité normative.
La parole est à M. Philippe Mouiller, pour présenter l’amendement n° 171 rectifié.
M. Philippe Mouiller. Cet amendement vise à assurer, dans le cadre d’une expérimentation sur une période de trois ans, une stabilité des législations relatives à l’environnement.
Cette stabilité législative, que l’ensemble des acteurs économiques appellent de leurs vœux depuis de nombreuses années, constituerait un levier important pour la compétitivité de la France, dans un contexte de forte concurrence internationale et de crises successives.
Mme le président. La parole est à Mme Cécile Cukierman, pour présenter l’amendement n° 252 rectifié.
Mme Cécile Cukierman. Tout d’abord, monsieur le rapporteur, la fête de la musique, lorsqu’elle a été créée, avait pour objectif de donner un lieu d’écoute à toutes les musiques et de sortir de certains canons artistiques pour favoriser la création, professionnelle comme amateur, qui constitue la force et la richesse culturelle de notre pays.
J’en reviens à notre amendement, qui a été défendu par Philippe Mouiller. On ne va pas se mentir, il s’agit d’un amendement d’appel. Toutefois, je tiens à dire – et je pense que je me fais l’écho de plusieurs voix de cet hémicycle – que la question n’est pas de défendre tel ou tel modèle.
Dans tous nos départements, nous sommes alertés sur une chose : pour pouvoir investir, créer, se projeter, que ce soit à des fins de production de richesse ou de consolidation du droit et de la protection sociale – je n’entre pas dans ce débat ce soir – il y a besoin de visibilité et de sécurité pour les années à venir.
En effet, il est actuellement difficile de construire un projet industriel dans la crainte que, six mois, un an ou deux ans plus tard, ce qui était vrai ne le sera plus et que le projet soit remis en cause par des coûts, des études ou des interdictions supplémentaires – bref, tout ce que l’on connaît.
Cette situation est anxiogène et nuit à l’investissement, au développement économique, à la richesse de nos territoires et – car je siège tout de même sur les travées du groupe communiste – à la création d’un emploi durable sur nos territoires. (Marques d’approbation amusées sur les travées des groupes Les Républicains et UC. – Mme Sophie Primas applaudit.)
Mme Françoise Gatel. Excellent !
M. André Reichardt. C’est bien défendu ! (Sourires.)
Mme Sophie Primas. Les bras m’en tombent ! (Nouveaux sourires.)
Mme le président. Quel est l’avis de la commission de l’aménagement du territoire ?
M. Fabien Genet, rapporteur pour avis. Ces amendements s’approchent de la musique expérimentale… (Rires.)
Mes chers collègues, prenez la peine de lire leur dispositif afin d’en mesurer les potentielles conséquences : ce serait, pour une assemblée parlementaire, se faire hara-kiri et se mettre en congé pendant les trois prochaines années !
J’ai cru comprendre que, en octobre, certains d’entre vous auront certainement cette chance (Sourires.), mais d’autres continueront de siéger dans cet hémicycle et aimeraient pouvoir continuer de légiférer en toute liberté.
J’ai bien compris qu’il s’agissait d’amendements d’appel, mais la commission est très défavorable à ce qu’aucune disposition législative ne puisse être prise pendant trois ans sur ce sujet.
La commission émet un avis défavorable sur ces deux amendements. (M. Jacques Fernique applaudit.)
Mme le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Roland Lescure, ministre délégué. En tant qu’ancien parlementaire, je souhaiterais moi aussi pouvoir, dans les trois ans qui viennent, continuer de travailler à l’Assemblée nationale, dans le cas où je redeviendrais député… (Sourires.)
Toutefois, je comprends votre logique. Au fond, avant d’introduire de nouvelles dispositions, peut-être devrait-on prendre le temps de se poser et de se demander, comme l’a fait Mme Paoli-Gagin, si les dispositions actuelles fonctionnent dans nos territoires. La question sous-jacente est la suivante : ne risque-t-on pas d’ajouter la contrainte de trop, qui va nous empêcher de nous développer ?
Le Gouvernement émet donc un avis défavorable sur ces amendements, qui sont d’ailleurs tout simplement anticonstitutionnels.
Je le redis, je comprends votre logique : nous devons systématiquement nous interroger. Lorsque le Président de la République a parlé de pause, cela a fait lever des yeux au ciel…
M. François Patriat. Il a très bien fait !
M. Roland Lescure, ministre délégué. En effet, il a bien fait d’aller, au fond, dans le même sens que vous : avant d’en ajouter de nouvelles, demandons-nous si les contraintes existantes ne suffisent pas d’ores et déjà à privilégier l’industrie dans nos territoires, tout en protégeant notre planète.
Mme le président. La parole est à M. Olivier Rietmann, pour explication de vote.
M. Olivier Rietmann. Je bois du petit-lait… (Sourires sur les travées des groupes Les Républicains et UC.) Gilbert-Luc Devinaz, Jean-Pierre Moga et moi-même avons présenté la semaine dernière un rapport d’information sur la simplification des règles et normes applicables aux entreprises.
Or la simplification normative vient non seulement de l’administration, mais aussi du Parlement. En vingt ans, de 2002 à 2023, quelque 94 000 articles législatifs ont modifié la norme applicable aux entreprises, soit une augmentation de 76 %. Je ne dis pas qu’il faut tout figer pendant les trois prochaines années et je comprends qu’il s’agit, plus que d’un amendement d’appel, d’un amendement de réflexion intense.
Mais nos chefs d’entreprise, qui sont nos premiers investisseurs, ont un besoin de stabilité : c’est par là que cela commence. Sinon, comment voulez-vous construire des plans d’investissement à cinq, dix ou quinze ans ?
Ce matin, la délégation aux entreprises a auditionné un chef d’entreprise du secteur de la machine-outil, qui réfléchit à investir dans des machines qui ne sortiront que dans quinze ou vingt ans. Sans simplification – ou tout du moins stabilité – normative, difficile pour lui de décider s’il doit réaliser ou non ces investissements. On ne peut pas changer tous les quinze jours la norme pour les entreprises !
Le Parlement a donc un rôle à jouer, car, c’est inéluctable, nous allons devoir maîtriser la législation dans ce domaine.
M. Philippe Mouiller. Je retire mon amendement, madame la présidente !
Mme le président. L’amendement n° 171 rectifié est retiré.
La parole est à Mme Cécile Cukierman, pour explication de vote.
Mme Cécile Cukierman. J’ai bien entendu ce que M. le rapporteur et vous-même, monsieur le ministre, avez dit, et je le prends avec beaucoup de sérieux, même si je crois qu’en politique on peut toujours garder un peu de légèreté ; c’est ce qui nous permet de vivre…
Il n’est nullement question, en tant que parlementaires, de nous faire hara-kiri. Mais, depuis quelques années, nous veillons tous à ne pas surréagir face à l’actualité. Nous voulons au contraire réfléchir aux lois que nous faisons afin d’éviter la suraccumulation normative, laquelle produit parfois des effets contradictoires.
Loin de moi l’idée de mettre ce pays à l’arrêt ! Nous avons besoin de tout sauf de cela, au-delà des débats politiques qui font la force et la richesse de la démocratie.
Pour autant, bien que je sois plutôt matérialiste, je ferai preuve d’idéalisme l’espace d’un instant : et si le Parlement, pendant un an, se donnait pour seules missions de faire de l’évaluation, de donner son avis sur tout ce qui a été fait, en bien ou en mal, et d’être force de proposition pour reconstruire ce pays à cinq, dix ou vingt ans, quelles que soient les échéances électorales à venir ? C’est un doux rêve, qui n’est pas réalisable…
Au-delà de cet amendement d’appel, il est normal de se demander si les femmes et les hommes politiques que nous sommes doivent écrire des lois chaque semaine, sans jamais faire une pause pour réfléchir sur ce qui a été accompli depuis dix ans et sur ce que nous devrons réaliser lors des dix prochaines années. Le Sénat pourrait s’interroger très tranquillement à cet égard ! Tel était aussi le sens de cet amendement.
Mme le président. La parole est à Mme Françoise Gatel, pour explication de vote.
Mme Françoise Gatel. Monsieur le ministre, en cette soirée de fête de la musique, je me joindrai au chœur des personnes extrêmement raisonnables qui en appellent à un discours de la méthode.
J’ai bien entendu le rapporteur invoquer l’argument de l’anticonstitutionnalité, cette « arme de destruction massive ». Nous ne disons pas que le Parlement doit être condamné soit au productivisme législatif, soit à l’oisiveté. Il y a dans ce pays un véritable problème d’efficacité et une boulimie normative, que nous avons d’ailleurs évoqués avec le Gouvernement, puisque le Sénat a signé avec celui-ci une charte d’engagements communs pour la simplification des normes applicables aux collectivités locales.
Je pense très sincèrement que nous avons besoin de sécurité et de visibilité. Monsieur le ministre, avant de produire de nouvelles normes, il convient de prévoir des études d’impact afin d’envisager les différentes options et de se demander pourquoi les textes en vigueur ne suffisent pas. Il arrive en effet que les normes que nous introduisons nuisent à l’objectif que nous nous sommes fixé. Il faut donc expérimenter et évaluer.
Votre volonté en matière de réindustrialisation est louable, et il y va de l’avenir de notre pays. Mais, de grâce, cessons de faire des discours d’intentions et de nous mettre des bâtons dans les roues. Ce rappel méthodologique sera salutaire pour nous tous, pour nos entreprises et pour nos emplois.