Sommaire
Présidence de M. Gérard Larcher
Secrétaires :
Mme Jacqueline Eustache-Brinio, M. Loïc Hervé.
2. Questions d’actualité au Gouvernement
relations diplomatiques avec le maroc et l’algérie
M. Hervé Marseille ; Mme Élisabeth Borne, Première ministre.
politique de réduction des dépenses publiques
Mme Cathy Apourceau-Poly ; M. Gabriel Attal, ministre délégué auprès du ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargé des comptes publics.
pénurie d’effectifs des contrôleurs aériens en guadeloupe
M. Dominique Théophile ; M. Jean-François Carenco, ministre délégué auprès du ministre de l’intérieur et des outre-mer, chargé des outre-mer.
assises des finances publiques
M. Vincent Éblé ; M. Christophe Béchu, ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires ; M. Vincent Éblé.
agression, psychiatrie et addiction
Mme Nathalie Delattre ; M. François Braun, ministre de la santé et de la prévention.
M. Daniel Salmon ; M. Christophe Béchu, ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires ; M. Daniel Salmon.
assises des finances publiques
M. Emmanuel Capus ; M. Gabriel Attal, ministre délégué auprès du ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargé des comptes publics ; M. Emmanuel Capus.
loi de programmation des finances publiques
M. Gérard Longuet ; M. Gabriel Attal, ministre délégué auprès du ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargé des comptes publics ; M. Gérard Longuet.
corps électoral en nouvelle-calédonie
M. Pierre Frogier ; Mme Élisabeth Borne, Première ministre.
naufrage d’un navire de migrants au large de la grèce
M. Jean-Pierre Sueur ; Mme Chrysoula Zacharopoulou, secrétaire d’État auprès de la ministre de l’Europe et des affaires étrangères, chargée du développement, de la francophonie et des partenariats internationaux ; M. Jean-Pierre Sueur.
M. Jean-François Rapin ; Mme Chrysoula Zacharopoulou, secrétaire d’État auprès de la ministre de l’Europe et des affaires étrangères, chargée du développement, de la francophonie et des partenariats internationaux ; M. Jean-François Rapin.
Mme Jocelyne Guidez ; M. François Braun, ministre de la santé et de la prévention ; Mme Jocelyne Guidez.
recrutement des sapeurs-pompiers volontaires
M. Jean Bacci ; Mme Sonia Backès, secrétaire d’État auprès du ministre de l’intérieur et des outre-mer, chargée de la citoyenneté.
remboursement des frais dentaires
Mme Michelle Meunier ; M. François Braun, ministre de la santé et de la prévention ; Mme Michelle Meunier.
installation illicite des gens du voyage
Mme Elsa Schalck ; M. Jean-François Carenco, ministre délégué auprès du ministre de l’intérieur et des outre-mer, chargé des outre-mer.
protection du patrimoine résidentiel
Mme Sabine Drexler ; M. Christophe Béchu, ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.
Suspension et reprise de la séance
PRÉSIDENCE DE M. Pierre Laurent
4. Candidatures à deux éventuelles commissions mixtes paritaires et à une commission mixte paritaire
5. Souhaits de bienvenue à une délégation parlementaire internationale
6. Lutte contre le dumping social dans le transport maritime transmanche. – Adoption d’une proposition de loi dans le texte de la commission modifié
Discussion générale :
M. Hervé Berville, secrétaire d’État auprès de la Première ministre, chargé de la mer
Mme Catherine Procaccia, rapporteur de la commission des affaires sociales
M. Hervé Berville, secrétaire d’État
Clôture de la discussion générale.
Amendement n° 3 du Gouvernement. – Retrait.
Amendement n° 25 de M. Jérémy Bacchi. – Rejet.
Amendement n° 18 de M. Jérémy Bacchi. – Rejet.
Amendement n° 17 de M. Jérémy Bacchi. – Rejet.
Amendement n° 19 rectifié de Mme Cathy Apourceau-Poly. – Rejet.
Amendement n° 21 rectifié de Mme Cathy Apourceau-Poly. – Rejet.
Amendement n° 20 rectifié de Mme Cathy Apourceau-Poly. – Rejet.
Amendement n° 5 de Mme Mélanie Vogel. – Rejet.
Amendement n° 26 rectifié de Mme Cathy Apourceau-Poly. – Rejet.
Amendement n° 8 de Mme Mélanie Vogel. – Retrait.
Amendement n° 27 rectifié de Mme Cathy Apourceau-Poly. – Rejet.
Amendement n° 10 de Mme Mélanie Vogel. – Rejet.
Amendement n° 6 de Mme Mélanie Vogel. – Rejet.
Amendement n° 4 du Gouvernement. – Adoption.
M. Hervé Berville, secrétaire d’État
Adoption de l’article modifié.
L’article demeure supprimé.
Amendement n° 23 rectifié de Mme Cathy Apourceau-Poly. – Retrait.
L’article demeure supprimé.
Amendement n° 24 rectifié de Mme Cathy Apourceau-Poly. – Rejet.
L’article demeure supprimé.
Intitulé de la proposition de loi
Amendement n° 11 de Mme Mélanie Vogel. – Retrait.
Mme Catherine Deroche, présidente de la commission des affaires sociales
Adoption, par scrutin public n° 310, de la proposition de loi dans le texte de la commission, modifié.
M. Hervé Berville, secrétaire d’État
Suspension et reprise de la séance
7. Industrie verte. – Suite de la discussion en procédure accélérée d’un projet de loi dans le texte de la commission
Amendement n° 74 rectifié bis de Mme Angèle Préville. – Retrait.
Amendement n° 75 rectifié bis de Mme Angèle Préville. – Retrait.
Amendement n° 100 rectifié bis de M. Pierre-Antoine Levi. – Retrait.
Amendement n° 76 rectifié bis de M. Hervé Gillé. – Rejet.
Amendement n° 77 rectifié bis de Mme Angèle Préville. – Rejet.
Amendement n° 355 rectifié de Mme Vanina Paoli-Gagin. – Non soutenu.
Amendement n° 58 rectifié bis de M. Stéphane Sautarel. – Rejet.
Amendement n° 47 rectifié de Mme Vanina Paoli-Gagin. – Non soutenu.
Amendement n° 242 de Mme Cécile Cukierman. – Retrait.
Amendement n° 241 de Mme Cécile Cukierman. – Retrait.
Adoption de l’article.
Suspension et reprise de la séance
PRÉSIDENCE DE Mme Pascale Gruny
Amendement n° 305 du Gouvernement. – Adoption.
Amendement n° 306 du Gouvernement. – Rejet.
Amendement n° 202 de M. Fabien Genet. – Adoption.
Amendement n° 220 rectifié de Mme Nathalie Delattre. – Retrait.
Adoption de l’article modifié.
Amendement n° 357 rectifié de Mme Vanina Paoli-Gagin. – Retrait.
Amendement n° 356 rectifié de Mme Vanina Paoli-Gagin. – Retrait.
Amendement n° 36 rectifié de Mme Vanina Paoli-Gagin. – Retrait.
Amendement n° 307 du Gouvernement. – Rejet.
Amendement n° 79 rectifié bis de Mme Angèle Préville. – Rejet.
Amendement n° 203 de M. Fabien Genet. – Adoption.
Amendement n° 80 rectifié bis de Mme Angèle Préville. – Rejet.
Adoption de l’article modifié.
Amendement n° 394 rectifié bis de M. Henri Cabanel. – Retrait.
Amendement n° 339 rectifié bis de M. Gilbert-Luc Devinaz. – Rejet.
Amendement n° 316 du Gouvernement. – Rejet.
Adoption de l’article.
Amendement n° 382 de M. Rémi Cardon. – Non soutenu.
Amendement n° 315 du Gouvernement. – Rejet.
Amendement n° 95 rectifié bis de M. Éric Gold. – Rejet.
Amendement n° 133 rectifié ter de Mme Marie Mercier. – Retrait.
Amendement n° 120 rectifié de Mme Vanina Paoli-Gagin. – Retrait.
Amendement n° 379 rectifié bis de M. Daniel Gremillet. – Adoption.
Amendement n° 86 rectifié bis de Mme Angèle Préville. – Rejet.
Amendement n° 84 rectifié bis de Mme Angèle Préville. – Rejet.
Amendement n° 83 rectifié bis de Mme Angèle Préville. – Rejet.
Adoption de l’article modifié.
Amendement n° 49 rectifié de Mme Vanina Paoli-Gagin. – Retrait.
Amendement n° 87 rectifié bis de Mme Nicole Bonnefoy. – Rejet.
Amendement n° 259 de Mme Cécile Cukierman. – Retrait.
Amendement n° 146 de M. Christian Redon-Sarrazy. – Rejet.
Amendement n° 309 du Gouvernement. – Rejet.
Amendement n° 407 de la commission. – Adoption.
Amendement n° 37 rectifié de Mme Vanina Paoli-Gagin. – Retrait.
Amendement n° 185 rectifié de M. Franck Menonville. – Retrait.
Amendement n° 308 du Gouvernement. – Rejet.
Amendement n° 234 rectifié de Mme Anne-Catherine Loisier. – Rejet.
Adoption de l’article modifié.
Amendement n° 136 rectifié de M. Claude Kern. – Retrait.
Articles 5 bis et 5 ter (nouveaux) – Adoption.
Amendement n° 244 de Mme Marie-Claude Varaillas. – Rejet.
Amendement n° 311 du Gouvernement. – Rejet.
Adoption de l’article modifié.
Amendement n° 313 du Gouvernement. – Adoption de l’amendement supprimant l’article.
Amendement n° 291 de M. Bernard Buis. – Rejet.
Amendement n° 231 rectifié de Mme Anne-Catherine Loisier. – Rejet.
Amendement n° 66 de M. Jacques Fernique. – Rejet.
Amendement n° 206 de M. Jacques Fernique. – Rejet.
Amendement n° 312 du Gouvernement. – Adoption.
Amendement n° 232 rectifié bis de Mme Anne-Catherine Loisier. – Adoption.
Amendement n° 233 rectifié de Mme Anne-Catherine Loisier. – Rejet.
Amendement n° 230 rectifié de Mme Anne-Catherine Loisier. – Rejet.
Amendement n° 91 rectifié bis de M. Hervé Gillé. – Rejet.
Adoption de l’article modifié.
Amendement n° 21 rectifié ter de M. Bernard Buis. – Retrait.
Amendement n° 250 de Mme Marie-Claude Varaillas. – Rejet.
Amendement n° 104 rectifié de Mme Laurence Muller-Bronn. – Rejet.
Renvoi de la suite de la discussion.
compte rendu intégral
Présidence de M. Gérard Larcher
Secrétaires :
Mme Jacqueline Eustache-Brinio,
M. Loïc Hervé.
1
Procès-verbal
M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n’y a pas d’observation ?…
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.
2
Questions d’actualité au Gouvernement
M. le président. L’ordre du jour appelle les réponses à des questions d’actualité au Gouvernement.
Je vous rappelle que la séance est retransmise en direct sur Public Sénat et sur notre site internet.
Au nom du bureau du Sénat, j’appelle chacun de vous, mes chers collègues, à observer au cours de nos échanges l’une des valeurs essentielles du Sénat : le respect, qu’il s’agisse du respect des uns et des autres ou de celui du temps de parole.
relations diplomatiques avec le maroc et l’algérie
M. le président. La parole est à M. Hervé Marseille, pour le groupe Union Centriste. (Applaudissements sur les travées du groupe UC, ainsi que sur des travées des groupes INDEP et Les Républicains.)
M. Hervé Marseille. Madame la Première ministre, avec les collègues de mon groupe, j’ai souhaité attirer votre attention sur un sujet qui nous préoccupe gravement : la dégradation de notre relation avec les pays du Maghreb, et en particulier avec le Maroc.
M. Roger Karoutchi. Très bien !
M. Hervé Marseille. Je me suis rendu dans ce pays voilà peu avec le président de la commission des affaires étrangères, Christian Cambon, et une délégation du groupe d’amitié France-Maroc du Sénat. Nous avons pu mesurer l’état de dégradation de la relation entre nos deux pays. Ainsi, nous avons été reçus non pas au Parlement ou dans les ministères, mais au siège des partis ou au domicile de nos hôtes, où l’accueil est, certes, chaleureux.
Depuis deux ans, le Maroc, qui est pourtant historiquement, et de longue date, un pays ami, avec lequel nous avons beaucoup d’intérêts, et qui est en quelque sorte « nos yeux et nos oreilles » dans cette région, a une relation difficile avec la France.
Cette relation n’est pas exclusive de ce que nous pouvons faire, de façon équilibrée, avec l’Algérie, comme cela a été le cas pendant de nombreuses années.
Nous avons consenti de gros efforts en direction de l’Algérie. Le Président de la République s’y est rendu. Puis, ce fut votre tour peu de temps après, madame la Première ministre ; vous étiez accompagnée d’une grande délégation. Mais, force est de le constater, ces renoncements auxquels nous avons consenti ont été couronnés de peu de succès, à en juger par les dernières mesures prises par le gouvernement algérien, qui a cru devoir réintroduire dans l’hymne national un couplet assez peu amical à l’endroit de la France. (M. Roger Karoutchi acquiesce.)
Le Président de la République a reçu hier Mme Giorgia Meloni. Ce qui nous lie à l’Italie, au Maroc et à l’Algérie, l’Union pour la Méditerranée, est « en rade » – il n’y a pas d’autre mot – depuis plusieurs années.
Pour affirmer la place de la France en Méditerranée, engager un dialogue utile sur les problèmes migratoires et peser au sein de l’Union européenne, il est indispensable que nous relancions l’Union pour la Méditerranée et que nous puissions travailler de nouveau, dans des conditions de confiance, avec le Maroc, parce que les Marocains sont nos amis au Maghreb. (Marques d’impatience sur les travées du groupe SER.)
M. le président. Il faut conclure, mon cher collègue.
M. Hervé Marseille. Madame la Première ministre, quelle initiative comptez-vous prendre pour relancer l’Union pour la Méditerranée et nos relations avec le Maroc ? (Applaudissements sur les travées des groupes UC, RDSE, INDEP et Les Républicains.)
M. le président. La parole est à Mme la Première ministre.
Mme Élisabeth Borne, Première ministre. Monsieur le président Hervé Marseille, la France a une relation très riche, une histoire partagée et des liens humains particulièrement étroits avec le Maroc comme avec l’Algérie.
Une histoire de cette intensité n’est jamais dépassionnée. Je veux redire que nous avons un objectif clair : développer et approfondir nos liens, dans le respect mutuel, avec chacun de ces deux pays.
Avec l’Algérie, nous continuons à travailler dans l’esprit de la déclaration d’Alger, pour un partenariat renouvelé entre la France et celle-ci. (M. Roger Karoutchi manifeste son scepticisme.)
Vous l’avez indiqué, je me suis moi-même rendue à Alger au mois d’octobre 2022, quelques semaines après la visite du Président de la République, pour coprésider le Comité intergouvernemental de haut niveau (CIHN). Par ailleurs, les deux présidents échangent de manière très régulière.
Nous souhaitons aller de l’avant. Il y a bien entendu des obstacles, mais il y a surtout une volonté commune, partagée par le président Macron et le président Abdelmadjid Tebboune de regarder vers l’avenir et de le construire, au bénéfice de nos deux peuples.
Nous restons bien évidemment vigilants, notamment dans le domaine migratoire. Nous avons à cet égard un dialogue exigeant, en particulier sur la réadmission des ressortissants algériens en situation irrégulière.
Mme Nicole Bonnefoy. Et sur le Maroc ?
Plusieurs sénateurs du groupe Les Républicains. La question est sur le Maroc !
Mme Élisabeth Borne, Première ministre. Avec le Maroc, nos liens, qu’ils soient humains, économiques ou culturels, sont très forts. La relation franco-marocaine, ce sont, par exemple, plus de 46 000 étudiants marocains en France,…
M. Roger Karoutchi. Et alors ?
Mme Élisabeth Borne, Première ministre. … 46 000 élèves dans les établissements français au Maroc et plus de 1 000 filiales d’entreprises françaises.
La ministre de l’Europe et des affaires étrangères, Catherine Colonna, s’est rendue au Maroc au mois de décembre dernier pour une visite qui a été très positive. Le souhait de la France est de poursuivre l’approfondissement de ce partenariat d’exception au service des intérêts que partagent nos deux pays et à la hauteur de la relation que nous voulons avec le Maroc.
Vous avez raison, monsieur le président Marseille, l’avenir de nos relations avec l’Algérie et le Maroc, comme avec la Tunisie, s’inscrit plus largement dans notre politique pour la Méditerranée.
La France, qui est à l’origine de l’Union pour la Méditerranée, continuera à prendre des initiatives fortes pour renforcer les liens entre les deux rives et pour apporter des réponses concrètes à nos défis communs, notamment en matière d’environnement. (MM. François Patriat et Alain Richard applaudissent.)
politique de réduction des dépenses publiques
M. le président. La parole est à Mme Cathy Apourceau-Poly, pour le groupe communiste républicain citoyen et écologiste. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE et sur des travées du groupe SER.)
Mme Cathy Apourceau-Poly. Ma question s’adresse à M. le ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
Monsieur le ministre, les Assises des finances publiques, que vous attendiez comme un moment fort de ce quinquennat, constituent en réalité un nouveau rendez-vous manqué au regard de votre volonté de prendre en considération la voix des collectivités territoriales.
L’Association des maires de France et des présidents d’intercommunalité (AMF), l’Assemblée des départements de France (ADF) et Régions de France ont refusé de participer à cette grand-messe. Ils ont eu raison : selon vous, ce sont de nouveau les collectivités territoriales qui devront faire des efforts pour désendetter la France ; on parle ici de 10 milliards d’euros à 15 milliards d’euros.
Vous leur demandez de réduire de 0,5 % leurs dépenses de fonctionnement, alors qu’elles sont déjà en difficulté. En effet, les budgets des collectivités pour 2023 ont été construits dans une extrême fragilité, et ceux de 2024 le seront encore plus.
Les maires, les présidents d’agglomération et les présidents de communauté de communes nous expliquent qu’ils n’ont jamais eu autant de mal à boucler leur budget. Aujourd’hui, les municipalités ne disposent même plus de leviers fiscaux pour assurer des recettes pérennes du fait de la suppression de la taxe d’habitation, suivie de la suppression de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE) à coups d’article 49.3…
Comme si ce n’était pas suffisant, vous augmentez le point d’indice des fonctionnaires territoriaux. C’est une bonne nouvelle, mais vous le faites, une fois de plus, sans prévoir aucune compensation financière de l’État.
Ce sont les services rendus à la population et la libre administration des communes que vous impactez par vos décisions.
Vous êtes incapable de travailler avec les collectivités territoriales sur des sujets qui affectent leur quotidien, et de dialoguer avec celles et ceux qui sont chaque jour sur le terrain : les élus locaux.
Vous leur demandez à la fois d’agir en faveur de la transition écologique et de dépenser moins que l’inflation chaque année : c’est réduire les chances de répondre aux enjeux de développement durable.
Monsieur le ministre, quand allez-vous mettre en place un réel pacte financier entre l’État et les collectivités territoriales, afin de garantir le service public et de prendre en compte les réalités locales ? (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE et sur des travées du groupe SER. – Mme Esther Benbassa et M. Daniel Breuiller applaudissent également.)
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué chargé des comptes publics.
M. Gabriel Attal, ministre délégué auprès du ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargé des comptes publics. Madame la sénatrice Cathy Apourceau-Poly, je vous réponds comme ministre chargé des comptes publics, mais également comme élu local. (Exclamations ironiques sur les travées des groupes SER et CRCE.) Je suis en effet conseiller municipal dans ma commune depuis près de dix ans.
Mme Céline Brulin. C’est de la schizophrénie !
M. Gabriel Attal, ministre délégué. Je le dis, car ce mandat local me permet d’avoir une conviction absolue : on ne peut pas opposer l’État et les collectivités locales. (M. Michel Dagbert applaudit.)
Les collectivités locales ont évidemment besoin de l’État, notamment en étant accompagnées lors des périodes de crise. Et l’État a besoin des collectivités locales pour que l’investissement se maintienne à un bon niveau dans notre pays. Nous avons tous besoin les uns des autres pour relever le grand défi de la transition écologique, qui nécessitera un investissement public massif. C’est la raison pour laquelle nous devons avancer ensemble, y compris pour maîtriser nos dépenses publiques.
En effet, la situation de tension de nos finances publiques et l’augmentation des taux d’intérêt ont un impact non seulement sur les finances de l’État, mais aussi sur les projets d’investissements des collectivités locales. Nous devons être capables tous ensemble de relever ce défi du contrôle de nos finances publiques.
L’an dernier, Bruno Le Maire et moi-même avions présenté un programme de stabilité et une loi de programmation des finances publiques prévoyant pour les cinq ans à venir un effort des collectivités locales supérieur à celui de l’État. Nous avons eu à cet égard un grand nombre de débats dans cet hémicycle, et nous avons notamment entendu ce que vous nous avez dit, mesdames, messieurs les sénateurs.
La nouvelle copie du programme de stabilité que nous avons présentée prévoit donc, à l’inverse des mesures initiales, un effort de l’État supérieur à celui des collectivités locales : une baisse de 0,8 % des dépenses de l’État, contre une diminution de 0,5 % en volume des dépenses de fonctionnement des collectivités locales. Il nous appartient de construire ensemble les mécanismes et la manière dont nous allons avancer.
Nous avons reçu les associations d’élus ; trois réunions techniques ont eu lieu au niveau ministériel au cours des dernières semaines. Nous allons continuer à travailler avec elles, avec un objectif – avancer ensemble au service du pays et des investissements que nous devrons réaliser en faveur de la transition écologique – et une méthode : la confiance. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
Mme Cathy Apourceau-Poly. Vous irez le dire aux élus locaux !
pénurie d’effectifs des contrôleurs aériens en guadeloupe
M. le président. La parole est à M. Dominique Théophile, pour le groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
M. Dominique Théophile. Ma question s’adresse à M. le ministre chargé des outre-mer.
Monsieur le ministre, la Guadeloupe s’apprête à affronter une hausse du trafic aérien, notamment lors des vacances estivales. S’il s’agit bien d’une aubaine pour notre territoire après deux ans de crise covid, une nouvelle difficulté s’ajoute et perturbe d’ores et déjà les usagers de l’aéroport Guadeloupe-Pôle Caraïbes, qui doit faire face à une pénurie de contrôleurs aériens.
Faute d’effectifs suffisants, cet aéroport, qui est la principale plateforme reliant notre territoire avec le monde en matière de transport de personnes – une infrastructure essentielle en matière de continuité territoriale pour notre région –, sera fermé du 23 au 25 juin. J’ajoute que nous avons déjà connu une fermeture le 21 et le 22 février dernier.
L’aéroport dispose à ce jour d’un effectif de 24 agents, dont 19 sont totalement opérationnels, alors que 31 postes sont nécessaires pour assurer un fonctionnement dit normal. Les conséquences sont graves et importantes : des vols et rotations reportés, des passagers non acheminés et, parfois, des évacuations sanitaires annulées.
Face à l’urgence de la situation, les réponses ne sont pas au rendez-vous. Notre territoire ne peut pas attendre la formation de nouveaux contrôleurs d’ici à dix-huit mois !
D’autres solutions sont envisageables. Je pense à la recherche sur le plan national d’autres agents, au transfert d’effectifs à partir de plateformes proches, comme Fort-de-France, ou à la mutualisation des effectifs entre la Guadeloupe et la Martinique.
Monsieur le ministre, dans ce contexte exceptionnel, et pour prévenir d’autres perturbations qui pourraient se révéler plus graves en matière de sécurité, le Gouvernement pourrait-il mettre en place des mesures d’urgence, afin de renforcer les effectifs de contrôleurs aériens en Guadeloupe ? Pourriez-vous nous donner des précisions à cet égard ? (Applaudissements sur des travées du groupe RDPI.)
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué chargé des outre-mer.
M. Jean-François Carenco, ministre délégué auprès du ministre de l’intérieur et des outre-mer, chargé des outre-mer. Monsieur le sénateur Théophile, vous interrogez le Gouvernement sur la pénurie d’effectifs des contrôleurs aériens et sur ses conséquences en termes de sécurité civile en Guadeloupe. Je connais votre mobilisation sur le sujet.
Vous avez raison, le service de navigation aérienne Antilles-Guyane se trouve actuellement dans une situation difficile de sous-effectifs, ce qui l’a contraint à fermer les services de contrôle aérien durant la nuit, et en matinée chaque fois que l’effectif en journée n’est pas suffisant. En réaction, le directeur compétent a engagé un important travail de dialogue social, notamment pour garantir, d’une part, un maintien du service et, d’autre part, des conditions d’exercice satisfaisantes pour les contrôleurs.
Je tiens à dire ici que le transport d’urgence, et notamment sanitaire, est garanti par l’hélicoptère de la sécurité civile, Dragon 971, qui est en mesure d’intervenir 24 heures sur 24. Il n’y a donc pas de danger en termes de sécurité civile.
La direction des services de la navigation aérienne (DSNA) travaille d’arrache-pied pour établir un nouveau tour de service prévoyant, à effectif constant, un élargissement et une sécurisation de l’offre de service sur la plage horaire allant de six heures quarante-cinq à vingt-trois heures, comme le demandent les compagnies aériennes.
Par ailleurs, et c’est là le principal, sept contrôleurs aériens sont actuellement en formation sur place, et six nouveaux contrôleurs aériens devraient arriver d’ici à la rentrée, et non pas dans dix-huit mois ; je me suis entretenu à ce sujet ce matin même avec le directeur général de l’aviation civile (DGAC). Le ministre chargé des transports travaille par ailleurs sur des mesures de fidélisation et d’optimisation des temps de formation locale.
La situation n’affecte en rien la sécurité, et je pense qu’elle devrait s’améliorer d’ici à quelques semaines pour ce qui concerne les vols civils. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
assises des finances publiques
M. le président. La parole est à M. Vincent Éblé, pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain. (Applaudissements sur les travées du groupe SER et sur des travées du groupe CRCE.)
M. Vincent Éblé. Monsieur le président, madame la Première ministre, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, je souhaite associer Rachid Temal, sénateur du Val-d’Oise, à ma question.
Mme la Première ministre a avoué lundi dernier que le Gouvernement n’avait pas suffisamment associé les collectivités territoriales à la réflexion sur la question du point d’indice. En effet, cette décision impose aux assemblées locales, dont le budget est voté depuis le 15 avril, de revoir leur copie deux mois plus tard. Cette méthode est un manque de considération notoire vis-à-vis des élus locaux, d’autant plus irritant que le coût est loin d’être anodin : annoncé à un milliard d’euros le matin de l’annonce, ce montant a doublé l’après-midi !
Depuis 2017, les décisions imposées sont nombreuses : suppression de la taxe d’habitation contre l’avis des associations d’élus ; contrats de Cahors et loi de programmation, par lesquels 13 milliards d’euros d’économies ont été imposés ; augmentation du point d’indice dès 2022, sans plus de consultation ni de compensation ; plan eau et plan vélo annoncés unilatéralement, en laissant les élus locaux assumer seuls leur mise en œuvre. La liste pourrait s’allonger, mais le temps manque…
Le Gouvernement a démontré son incapacité à contenir le déficit public « et en même temps » demande aux collectivités de participer à un plan d’économie de 10 milliards d’euros, dont il sait que l’État est incapable de le réaliser.
La ministre chargée des collectivités territoriales s’inquiétait au mois de février dernier de la frilosité à investir face aux conséquences de l’inflation « et en même temps » – contradiction ! –, le ministre de l’économie propose la mise en place de l’autoassurance pour les collectivités, ce qui va mettre l’investissement local en danger.
Nous devons parler réellement des prélèvements obligatoires, de leur niveau, de leur assiette et de leur pertinence, notamment pour recréer un lien entre les industries et les territoires « et en même temps », vous élevez un totem dédié à la baisse des impôts, et vous lancez le hashtag #BalanceTonMaire et la consultation En avoir pour mes impôts, initiatives populistes qui mettent en danger le consentement à l’impôt.
Que comptez-vous mettre en place pour répondre enfin à l’exigence de justice pour les territoires ? (Applaudissements sur les travées des groupes SER et CRCE.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.
M. Christophe Béchu, ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires. Monsieur le président, je vous remercie de la mansuétude avec laquelle vous avez accepté que je supplée Gabriel Attal pour répondre à cette question. Je veux également saluer la Haute Assemblée et le sénateur Éblé.
La question des relations entre les collectivités locales et l’État n’est pas nouvelle. Vous pointez, monsieur le sénateur, les marges d’amélioration en termes de dialogue… Beaucoup ici se souviennent que le totem de la baisse des dotations, cher à des gouvernements que vous avez soutenus entre 2012 et 2017, avait conduit à amoindrir les finances des collectivités territoriales à un niveau bien plus considérable. (Applaudissements sur des travées des groupes RDPI, INDEP et Les Républicains. – M. Rachid Temal s’exclame.)
Vous avez évoqué un certain nombre de sujets qui, de mon point de vue, doivent être distingués.
La même difficulté se pose chaque année pour trouver un dispositif dès lors que la hausse du point d’indice, déterminée par l’État, vaut pour toutes les fonctions publiques et que, jusqu’à présent, nous n’avons pas considéré utile de prévoir des trajectoires distinctes en fonction des employeurs. Dans le scénario actuel, c’est donc l’État qui décide. Lors de la consultation qui se déroule en coulisse, il est rare que les collectivités s’opposent à des revalorisations de points permettant de compenser l’inflation. Il y a par ailleurs un jeu des demandes de compensation budgétaire.
Je ne pense pas, monsieur le sénateur, que vos propos visaient à regretter l’augmentation de 1,5 %, au 1er juillet prochain, du traitement des fonctionnaires dans le contexte que nous connaissons ! (Sourires sur les travées du groupe RDPI.)
M. Rachid Temal. Un peu de sérieux !
M. Christophe Béchu, ministre. Derrière l’artifice de la présentation que vous avez choisie, je sais qu’il y a une question plus sérieuse sur le niveau de dialogue entre l’État et les collectivités territoriales. Je veux vous dire que ce rendez-vous approche, précisément dans le cadre de la planification écologique.
J’ai ainsi eu l’honneur de présider une réunion sur le sujet, à la demande de la Première ministre, avec toutes les associations d’élus. La question posée était de savoir comment donner aux collectivités les moyens d’accélérer l’atténuation des dépenses, ainsi que l’adaptation au titre de la planification, et avec quel partage des responsabilités et des contraintes. Les sénateurs seront bien évidemment associés à la réflexion. (Applaudissements sur les travées des groupes RDPI et INDEP.)
M. le président. La parole est à M. Vincent Éblé, pour la réplique.
M. Vincent Éblé. Monsieur le ministre, les collectivités ne veulent plus de transferts de compétences sans concertation et sans compensation, surtout en période d’inflation.
Elles demandent davantage d’autonomie, et ne veulent pas de discours condescendant de la part de l’État. Elles exigent son soutien pour affronter les besoins et les difficultés du quotidien. Or elles n’obtiennent pas de réponse.
Les collectivités et les élus réclament plus de respect et de considération. (Applaudissements sur les travées du groupe SER et sur des travées du groupe CRCE.)
agression, psychiatrie et addiction
M. le président. La parole est à Mme Nathalie Delattre, pour le groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE et sur des travées du groupe UC.)
Mme Nathalie Delattre. Ma question s’adresse à M. le ministre de la santé et de la prévention.
« Insupportable » est le premier mot qui vient à l’esprit pour qualifier l’ignoble attaque subie avant-hier par une famille bordelaise. Mes pensées vont vers cette petite fille, sa grand-mère et leur famille, après l’agression dont elles ont été victimes en rentrant à leur domicile. Mes remerciements vont aux forces de l’ordre pour l’interpellation rapide, mais qualifiée de difficile, de l’agresseur.
« Se faire agresser, ça arrive à tout le monde ; moi aussi, cela m’est arrivé. » Telle est la réponse sidérante apportée lors d’une réunion publique voilà quelques jours par une adjointe au maire de Bordeaux, banalisant ainsi l’explosion de l’insécurité dans notre ville.
Je pourrais questionner M. le ministre de l’intérieur, une fois encore, sur l’absolue nécessité d’affecter une unité de compagnies républicaines de sécurité (CRS) à demeure à Bordeaux.
Je pourrais réinterroger M. le garde des sceaux sur la suspension récente des incarcérations des hommes au centre pénitentiaire de Gradignan en raison de la surpopulation carcérale, qui a eu pour effet de laisser des individus dangereux sur la voie publique.
Il est vrai que de nombreux détenus se retrouvent en prison alors qu’ils auraient avant tout besoin d’être admis dans des hôpitaux psychiatriques. C’est donc vers vous, monsieur le ministre de la santé, que je me tourne une fois de plus.
J’avais été à l’initiative, avec mes collègues Philippe Bas et Jean Sol, d’une mission sénatoriale d’information sur l’expertise psychiatrique et psychologique en matière pénale, considérant que notre société et son pacte républicain dans les domaines de la police et de la justice étaient de plus en plus menacés par la sous-estimation des problèmes psychiatriques, souvent couplés à des addictions liées à la drogue ; les faits divers quotidiens en attestent malheureusement.
Il faut de nouveaux hôpitaux psychiatriques, ainsi qu’une politique en matière de psychiatrie ambitieuse et financée. Je vous ai demandé ici même voilà quelques semaines que ce sujet soit déclaré grande cause nationale. Combien de drames faudra-t-il égrener pour vous convaincre de cette nécessité ? (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE, ainsi que sur des travées des groupes INDEP, UC et Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de la santé et de la prévention.
M. François Braun, ministre de la santé et de la prévention. Madame la sénatrice Delattre, comme vous, je tiens tout d’abord à exprimer ma solidarité, ainsi que celle du Gouvernement tout entier envers les victimes de cette odieuse agression, et je sais que l’ensemble des parlementaires partagent ce sentiment.
Vous avez eu raison de mentionner mes collègues Gérald Darmanin et Éric Dupond-Moretti, car nous travaillons de concert sous l’autorité de la Première ministre sur le sujet, qui doit être traité de manière globale. Il s’agit en effet d’une question de société, de rapport à l’autre, de civilité et de rapport à la violence. Nous devons mobiliser tous les outils, en particulier notre capacité à identifier et à traiter les problèmes psychiatriques ou psychologiques.
Nous le savons, notre système de santé rencontre des difficultés – c’est notamment le cas de la psychiatrie –, à la suite de décennies de gestion comptable aveugle. Pour autant, dès 2018, nous avons agi en mettant en œuvre une feuille de route de la santé mentale et de la psychiatrie, ambitieuse, qui a été renforcée en 2021 par les premières Assises de la santé mentale et de la psychiatrie, lancées et présidées par le Président de la République.
Les réponses que nous construisons en priorité s’inscrivent dans le temps long. Je pense par exemple à l’élargissement de la prévention, à la formation de 43 000 secouristes en santé mentale, au développement des compétences psychosociales à l’école, aux actions de prévention du suicide avec le numéro national 3114, qui a reçu plus de 300 000 appels depuis sa création, et au dispositif de vigilance.
J’évoquerai aussi la prise en charge de plus de 130 000 patients grâce au dispositif #MonSoutienPsy, qui a permis d’assurer 300 000 consultations.
Il faut citer enfin le développement des centres médico-psychologiques des maisons des adolescents ; il y en a désormais une par département. Depuis un peu moins d’un an, elles ont accompagné plus de 100 000 adolescents en difficulté, ainsi que leurs familles.
Toutes ces mesures ne sont évidemment pas suffisantes au regard des enjeux de santé mentale auxquels tous les pays développés sont confrontés. Soyez assurée de ma détermination à agir sans faille avec l’ensemble des professionnels et – je le sais – l’ensemble des parlementaires, afin que nous puissions trouver des solutions à ces difficultés. (M. François Patriat applaudit.)
décarbonation de l’aérien
M. le président. La parole est à M. Daniel Salmon, pour le groupe Écologiste-Solidarité et Territoires. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)
M. Daniel Salmon. Le Bourget serait-il le salon de l’illusion, le salon de l’avion magique ? On y voit depuis lundi l’ensemble de la filière aéronautique et le Président de la République nous annoncer un avion propre, un avion vert pour demain ou après-demain.
Bien entendu, la recherche d’alternatives au kérosène est indispensable, et il faut y mettre des moyens. Là où le bât blesse, c’est dans le message qui est véhiculé : « Ne changeons pas les habitudes, la technologie va tout régler. » La sobriété d’usage est complètement inexistante dans le discours ; bien pire, on parle de doublement du trafic d’ici à 2040 !
On nous présente l’avion électrique, l’avion à hydrogène, l’avion au biocarburant… Le problème est que l’électrique pour les moyens et longs courriers n’est pas pour demain, que l’avion à hydrogène est très loin d’être mature et pose encore d’énormes défis technologiques et que la biomasse nécessaire aux biocarburants n’est pas illimitée, car il faudra demain choisir entre les avions, les porte-containers, les camions, le chauffage des logements et se nourrir.
Encore un bon greenwashing qui n’a d’autre objectif que de remettre à demain ce que nous devons faire dès aujourd’hui, c’est-à-dire réguler le secteur aérien, stopper sa croissance et lui faire payer le prix de sa pollution. (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)
Monsieur le ministre, à quand des solutions politiques dès maintenant, afin que la trajectoire du transport aérien soit conforme à nos engagements de réduction des émissions de gaz à effet de serre ? (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.
M. Christophe Béchu, ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires. Monsieur le sénateur Salmon, je ne peux pas croire à l’instant que vous désapprouviez une recherche orientée vers des avions moins polluants.
Je ne peux pas croire qu’il y ait, derrière vos propos, l’arrière-pensée selon laquelle pour rendre l’écologie populaire, il conviendrait de la présenter sous son jour le plus punitif !
Je ne peux pas croire que vous regrettiez que notre pays accueille le plus grand salon aéronautique du monde…
M. Daniel Salmon. Si !
M. Christophe Béchu, ministre. … et que ce salon soit précisément consacré aux moyens de décarboner l’aviation.
M. Emmanuel Capus. Très bien !
M. Christophe Béchu, ministre. La trajectoire de décarbonation s’appuie toujours, quel que soit le domaine, sur un triptyque. Vouloir ne retenir que l’un des trois piliers, c’est manquer à l’équilibre dont nous avons besoin. Il faut de la sobriété,…
Plusieurs sénateurs du groupe GEST. Elle est où ?
M. Christophe Béchu, ministre. … il faut de l’efficacité et il faut de l’innovation.
D’aucuns condamnent l’innovation et disent que l’on ne s’en sortira que par la sobriété quand d’autres préfèrent que nous ne changions rien à nos usages, considérant que seule l’innovation nous permettra de réussir. Ces deux chemins nous mènent droit dans le mur.
Premier pilier, la sobriété. Très concrètement, la France est le premier pays à avoir interdit les vols de moins de deux heures et demie lorsqu’il existe une autre solution en train.
M. Thomas Dossus. Seulement sur deux lignes !
M. Christophe Béchu, ministre. La sobriété consiste aussi à faire en sorte que le train soit privilégié, à relever la fiscalité sur le kérosène, comme nous l’avons fait l’année dernière, en supprimant l’avantage fiscal dont il bénéficiait par rapport à l’essence, et à consacrer 100 milliards d’euros aux investissements dans le ferroviaire pour qu’il y ait des alternatives crédibles et à l’heure.
Deuxième pilier, l’efficacité. Elle est atteinte grâce à la baisse du poids et à l’évolution des moteurs. L’enjeu n’est pas seulement national, car 50 % des émissions mondiales proviennent d’avions fabriqués en Europe. L’innovation aura donc un impact partout.
Ce ne sont pas les gouvernements qui décident du doublement du trafic. Celui-ci fait l’objet de prévisions, sur la base des décisions des habitants de la planète.
Troisième pilier, l’innovation. Les deux axes annoncés par le Président de la République sont simples : travailler sur les moteurs et étudier des alternatives en termes de carburant. J’y insiste, ne caricaturons pas ! Il s’agit non pas d’accaparer des terres agricoles pour cultiver les biocarburants, mais de produire des carburants durables à partir des résidus de bois, d’algues ou d’huiles usagées. (Applaudissements sur les travées des groupes RDPI et INDEP, ainsi que sur des travées du groupe UC.)
M. le président. La parole est à M. Daniel Salmon, pour la réplique.
M. Daniel Salmon. Monsieur le ministre, il est dommage que vous n’ayez pas écouté l’introduction de mon propos. J’ai pourtant clairement dit que la recherche était indispensable. Il est très facile de caricaturer !
En revanche, il est irresponsable de faire mine de croire que la technologie va nous sauver. La sobriété dans les usages est indispensable, et c’est par cela que l’on doit commencer !
Le monde que vous nous préparez est un monde à +4 degrés (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.), un monde dont personne ne sait à quoi il ressemblera.
Il faut vraiment aller de l’avant : c’est ce que l’on attend de vous. Les politiques servent à cela, et pas à reporter à demain ce qui peut être fait aujourd’hui ! (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)
assises des finances publiques
M. le président. La parole est à M. Emmanuel Capus, pour le groupe Les Indépendant – République et Territoires.
M. Emmanuel Capus. Lundi se tenaient les Assises de Bercy. Le Gouvernement y a tenu un langage de fermeté pour réduire les dépenses publiques (Rires sur les travées du groupe Les Républicains.), avec un objectif clair : 10 milliards d’euros d’économies d’ici à la fin du quinquennat.
Je salue cette annonce, qui a le mérite de clore pour de bon l’ère du « quoi qu’il en coûte » ! L’inflation et la croissance devraient se tasser en 2023 ; la politique des chèques ne se justifie donc plus.
M. Rachid Temal. Où est M. Béchu ?
M. Emmanuel Capus. Notre groupe soutient cette démarche. Les dépenses et la dette publiques n’ont jamais été aussi élevées. Il devient urgent de remettre de l’ordre dans nos comptes. (Exclamations ironiques sur les travées des groupes Les Républicains et SER.)
Mais, dans cette période anxiogène, la tâche s’annonce ardue. Sans anticiper aujourd’hui sur les débats budgétaires de l’automne, je veux revenir sur une annonce faite lundi par la Première ministre : le retour au mois de septembre de la loi de programmation des finances publiques.
Celle-ci avait été adoptée par le Sénat, dans un esprit de responsabilité, et par solidarité avec nos partenaires européens. Le texte devra préciser le cadre global de réduction des dépenses publiques. Il devra aussi indiquer la contribution des collectivités à cet effort partagé.
Monsieur le ministre, les collectivités font déjà des efforts importants ; vous le savez. Et pour cause : la règle d’or les contraint à équilibrer leur budget. Les collectivités ne représentent que 20 % des dépenses publiques, et moins de 10 % de la dette.
Autrement dit, pour remettre de l’ordre dans les comptes, il ne serait ni juste ni efficace de demander des efforts supplémentaires aux collectivités territoriales.
Monsieur le ministre, pouvez-vous nous garantir…
M. François Bonhomme. Oui, il le peut ! (Sourires sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Emmanuel Capus. … que la loi de programmation ne mettra pas les collectivités à contribution ?
Plusieurs sénateurs du groupe SER. M. Béchu !
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué chargé des comptes publics.
M. Gabriel Attal, ministre délégué auprès du ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargé des comptes publics. Monsieur le sénateur Emmanuel Capus, nous avons effectivement annoncé dans le cadre du nouveau programme de stabilité que nous avions décidé de revoir la charge de l’effort. Nous l’avons notamment fait à la suite des échanges que nous avons eus au Sénat. Vous avez vous-même, monsieur Capus, été une vigie sur la question de la contribution des collectivités locales (Marques d’ironie sur les travées des groupes Les Républicains et SER.) en nous invitant à faire porter l’effort davantage sur l’État que sur ces dernières.
Je rappelle que, lors de la présentation de la loi de programmation des finances publiques, nous avions prévu une baisse de 0,4 % des dépenses de l’État en volume et de 0,5 % pour les collectivités locales. Nous introduirons des évolutions dans la loi de programmation que nous vous présenterons au mois de septembre. Désormais, l’effort de l’État sera bien plus important, avec une baisse de 0,8 %.
Je répète ce que j’ai indiqué précédemment en réponse à Mme Apourceau-Poly : nous avons besoin les uns des autres. Nous n’arriverons pas à relever le défi de la transition écologique si l’État et les collectivités n’agissent pas de concert. Et pour cela, il nous faut garder le contrôle de nos finances publiques et désendetter le pays. Je n’oppose pas les 3 % et les 3 degrés !
Je considère que si l’on veut être capable de relever le défi de la transition écologique, il faut garder le contrôle des finances publiques et remettre vraiment de l’ordre dans nos comptes de manière à disposer des marges de manœuvre budgétaires qui nous permettront d’investir partout où c’est nécessaire pour relever le défi. C’est donc ensemble que nous avancerons.
Bruno Le Maire a fait un certain nombre de propositions à l’occasion des Assises. Il a notamment suggéré un mécanisme d’autoassurance des collectivités locales pour que, en cas de surcroît exceptionnel de recettes, ces moyens permettent de soutenir les collectivités locales qui en ont besoin lorsque survient une crise. La proposition est soumise au débat. Nous allons continuer à travailler.
L’année dernière, nous avons tenu les dialogues de Bercy pour construire le budget. Nous rééditerons l’opération cette année en essayant de l’améliorer avec davantage de réunions et d’échanges pour construire, à la fois, le budget pour 2024, mais aussi pour définir la trajectoire et les moyens de l’État, des collectivités locales, de la sécurité sociale, qui nous permettront…
M. le président. Il faut conclure.
M. Gabriel Attal, ministre délégué. … de relever ces défis pour notre pays. (Applaudissements sur des travées du groupe RDPI.)
M. le président. La parole est à M. Emmanuel Capus, pour la réplique.
M. Emmanuel Capus. Je vous remercie, monsieur le ministre.
Vous l’avez dit précédemment, vous êtes élu local. Vous connaissez l’exaspération des élus locaux : ils sont prêts à faire des efforts, mais à condition que l’on diminue le nombre de normes et de contraintes et, surtout, qu’on leur laisse l’autonomie financière dans leur collectivité. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP et sur des travées du groupe UC.)
Salutations à un sénateur
M. le président. Madame la Première ministre, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, avant de lui donner la parole, je veux saluer Gérard Longuet, qui a pris la décision de ne pas renouveler son mandat.
Notre collègue a siégé durant vingt-deux ans dans notre hémicycle. Il a été président du groupe UMP. À la commission des finances, ses interventions ont toujours permis d’élever les débats. Je voudrais enfin saluer le travail qu’il a effectué comme président de l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques. (Mmes et MM. les sénateurs des groupes Les Républicains, UC, RDSE, RDPI et INDEP se lèvent et applaudissent longuement. – Plusieurs sénateurs des groupes SER et GEST applaudissent également.)
loi de programmation des finances publiques
M. le président. La parole est à M. Gérard Longuet, pour le groupe Les Républicains.
M. Gérard Longuet. Monsieur le président, je vous remercie de votre propos, auquel je ne m’attendais pas.
Je souhaite rester d’une sérénité à toute épreuve après quarante-cinq ans de mandat parlementaire : le jeune Gabriel Attal, qui me répondra dans un instant, n’était pas né alors que j’étais déjà député ! (Rires sur les travées du groupe Les Républicains.)
Avant-hier, Bruno Le Maire a installé les premières Assises des finances publiques. Comme écrivain, je l’accepte, mais, très honnêtement, comme metteur en scène, il est nul ! (Mêmes mouvements.)
D’abord, il s’est trompé de lieu. En effet, il y a un lieu pour les finances publiques : le Parlement, c’est-à-dire l’Assemblée nationale et le Sénat. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC, ainsi que sur des travées des groupes SER et GEST.)
Ensuite, il ne faut pas simplement prévoir de premières assises et se dire : « On verra plus tard ». Le redressement des finances de notre pays est une urgence absolue !
Ma question est d’une grande simplicité. Même si mon excellent collègue Capus semble avoir lancé le sujet, je vais enfoncer le clou. Pourquoi diable n’avez-vous pas répondu à la commande passée au mois d’avril dernier par Mme la Première ministre, Élisabeth Borne : présenter en juillet le projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2023 à 2027 ? (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et INDEP, ainsi que sur des travées du groupe UC.)
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué chargé des comptes publics.
M. Gabriel Attal, ministre délégué auprès du ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargé des comptes publics. Monsieur le sénateur Gérard Longuet, je réponds toujours aux commandes de la Première ministre, qui a demandé lundi dernier de présenter la loi de programmation des finances publiques au mois de septembre prochain. Nous nous mettons donc évidemment en ordre de marche avec Bruno Le Maire pour le faire.
J’imagine que ce que vous voulez en réalité savoir, c’est pourquoi nous allons présenter cette loi en septembre. Réponse : parce que cela a davantage de sens de le faire en même temps que le projet de loi de finances, étant donné les choix budgétaires majeurs que nous devrons opérer dans le cadre de ce texte ; ces derniers pourront ainsi être intégrés dans la loi de programmation. Il est préférable de procéder de cette manière plutôt que de présenter une loi de programmation des finances publiques en juillet et de devoir revenir en septembre, après la présentation du projet de loi de finances, pour adapter le texte.
Je le rappelle, la loi de programmation avait été adoptée au Sénat, qui avait décidé un quantum d’économies supplémentaires très important.
M. Jean-François Husson. Tout à fait !
M. Gabriel Attal, ministre délégué. Je pense qu’il sera intéressant d’avoir désormais le débat sur les budgets dont vous estimez qu’ils devront faire l’objet d’économies supplémentaires. Nous partagerons nos propositions et échangerons sur le sujet. Car, après avoir arbitré en faveur d’un quantum d’économies, il est important de dire où faire des économies dans chaque périmètre ministériel.
Mme Frédérique Puissat. Nous l’avons déjà fait !
M. Gabriel Attal, ministre délégué. Enfin, monsieur le ministre Longuet, au nom du Gouvernement, je veux profiter de cette réponse à la dernière question que vous posez ici pour vous rendre hommage et saluer votre parcours.
Vous avez souligné mon jeune âge ; je dois dire que j’avais 12 ans quand vous êtes entré au Sénat. (Sourires.) Je me suis intéressé très jeune à la vie politique, et j’ai l’impression de vous connaître depuis longtemps et d’avoir suivi votre voix singulière, importante, dans le débat politique, en tant que ministre, parlementaire et président de conseil régional.
Je suis absolument convaincu que vous continuerez à porter cette voix dans notre débat d’idées, y compris en dehors de cette assemblée. (Applaudissements sur les travées des groupes RDPI, INDEP, UC et Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. Gérard Longuet, pour la réplique.
M. Gérard Longuet. J’ai gardé un peu de temps pour vous répondre et pour vous dire que votre problème est un problème de majorité politique. Soyez rassurés : aucun président de la République française, depuis l’élection au suffrage universel, n’a été élu à la majorité absolue au premier tour ; tous ont eu à gérer des majorités compliquées.
Sur les quatorze élections législatives qui ont eu lieu depuis 1967, le président de la République n’a obtenu une majorité grâce à son seul parti qu’à sept occasions. Cela signifie, madame la Première ministre, qu’au cœur des institutions de la Ve République, il y a une réalité parlementaire qui oblige le président de la République à prendre en considération ceux qui l’ont rallié au deuxième tour ; ces derniers méritent d’exister. Or c’est exactement ce qui manque aujourd’hui.
M. le président. Il faut conclure.
M. Gérard Longuet. Pour conclure, madame la Première ministre, vous avez trois choix : d’abord, la coalition gouvernementale, ce qui n’est pas prévu et ne correspond pas au caractère de l’actuel Président de la République ; ensuite, la cohabitation au sein de votre propre camp, en choisissant un Premier ministre…
M. Rachid Temal. Darmanin !
M. Gérard Longuet. … dont vous pensez qu’il sera plus fédérateur ; enfin, la dissolution. Je regrette de ne bientôt plus être parlementaire pour vivre ces événements ! (Vifs applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC et INDEP.)
corps électoral en nouvelle-calédonie
M. le président. La parole est à M. Pierre Frogier, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)
M. Pierre Frogier. Madame la Première ministre, la Nouvelle-Calédonie est dans l’attente, toujours dans l’attente, mais, désormais, sa longue histoire se poursuivra dans la France.
Lors de son dernier voyage à Nouméa, le ministre de l’intérieur et des outre-mer a engagé avec les différentes forces politiques des échanges qui devraient aboutir – nous l’espérons ! – à la coconstruction d’une solution d’avenir. Je tiens à lui donner acte de sa détermination et à l’en remercier. Pour ma part, comme j’ai déjà eu l’occasion de vous le dire, je me tiens à votre disposition pour vous accompagner sur ce chemin.
Pour parvenir à cette solution d’avenir, nous devons franchir un premier obstacle : le renouvellement des assemblées de provinces l’année prochaine. Et seule une réforme du corps électoral pour ces élections les rendra possibles. Il vous appartient donc, au plus vite, de nous proposer les voies et moyens pour y parvenir.
Je veux rappeler encore et encore qu’à la signature de l’accord de Nouméa, le droit de vote était acquis au terme d’une durée de résidence de dix années en Nouvelle-Calédonie. La réforme constitutionnelle de 2007, qui nous a été imposée, y a mis un terme, en fermant à compter de 1998 l’accès à ce corps électoral.
Mais, surtout, madame la Première ministre, ces référendums successifs ont laissé derrière eux une population profondément divisée. Pour tenter d’y remédier, il nous faudra porter une vision politique susceptible de fédérer et de nourrir cette communauté de destin à laquelle nous aspirons ; une vision qui permette aux Calédoniens de se projeter sur le long terme, d’avoir l’ambition d’un avenir partagé et ne pas se laisser enfermer dans le seul débat institutionnel.
Le contenu de cette communauté de destin, c’est ce que l’on dénomme la citoyenneté, faite de droits et de devoirs, qui situera la place propre de la Nouvelle-Calédonie dans la France, son identité particulière dans la solidarité nationale.
Ma question est double. Pouvez-vous vous engager sur un agenda permettant la tenue des élections provinciales avec un corps électoral ouvert dès l’année prochaine ? Êtes-vous prête à nous accompagner pour donner à la Nouvelle-Calédonie un ensemble de règles qui définiront les exigences de notre savoir-vivre ensemble ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. Franck Menonville applaudit également.)
M. le président. La parole est à Mme la Première ministre.
Mme Élisabeth Borne, Première ministre. Monsieur le sénateur Pierre Frogier, le processus politique défini dans l’accord de Nouméa est arrivé à son terme au mois de décembre 2021, après trois consultations référendaires successives organisées sous l’autorité du Président de la République.
Il appartient désormais aux partenaires politiques d’examiner la situation ainsi créée selon les termes mêmes de l’accord. Vous le savez, mon gouvernement est pleinement mobilisé pour accompagner les discussions sur l’avenir de la Nouvelle-Calédonie. En moins d’un an, le ministre de l’intérieur et des outre-mer et le ministre chargé des outre-mer se sont rendus sur place à quatre reprises pour échanger avec l’ensemble des acteurs calédoniens. J’ai également réuni une convention des partenaires à Paris au mois d’octobre 2022 et rencontré la délégation du Front de libération nationale kanak et socialiste (FLNKS), et les représentants non indépendantistes le 11 avril dernier.
Comme vous le savez également, les discussions portent actuellement pour l’essentiel sur les compétences, sur l’exercice du droit à l’autodétermination et sur l’évolution du corps électoral provincial.
Je l’affirme devant vous, comme je l’ai indiqué à la délégation du FLNKS, je crois qu’un gel indéfini du corps électoral provincial questionnerait nos principes démocratiques comme nos engagements internationaux. Aujourd’hui, les discussions avancent, et je mesure la sensibilité de cette question. Le ministre de l’intérieur et des outre-mer a fait des propositions sur une durée de résidence minimale. Des échanges techniques sont actuellement organisés par le Haut-commissaire à Nouméa, et je suis persuadé qu’une solution consensuelle peut être trouvée sur ce point comme sur les autres. Je suis prête à inviter l’ensemble des partenaires à partir de la fin du mois d’août pour conclure l’accord que les Calédoniens attendent. Quant aux élections provinciales, elles auront lieu en tout état de cause en 2024 : c’est un enjeu démocratique.
Monsieur le sénateur, l’esprit de l’accord de Nouméa, qui doit nous inspirer et que vous incarnez en tant que signataire en 1998, n’est pas seulement un mécanisme institutionnel et juridique. C’est avant tout l’ambition profondément humaine du destin commun. Je crois que cette ambition répond à l’attente de nombreux jeunes Calédoniens. Alors, soyons collectivement à la hauteur des signataires des accords de 1988 et 1998.
Enfin, si vous le permettez, monsieur le président, je voudrais terminer mon propos en rendant hommage à mon tour à M. le sénateur Gérard Longuet, ancien ministre et président de groupe, mais aussi à M. le sénateur Jean-Pierre Sueur, ancien ministre, ancien président de la commission des lois et questeur de votre assemblée, et à Mme la sénatrice Michèle Meunier, qui siège sur ces travées depuis douze ans.
Madame, messieurs les sénateurs, vous êtes ici des voix qui portent, vous êtes respectés pour votre connaissance fine des dossiers et votre volonté d’œuvrer pour les Français. Nous avons pu nous opposer, mais nous avons toujours su travailler ensemble au service de la République et de l’intérêt général. (Applaudissements sur les travées des groupes RDPI, INDEP, RDSE, UC, Les Républicains, GEST et SER.)
Salutations à un sénateur
M. le président. Madame la Première ministre, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, avant de lui donner la parole, je veux à mon tour saluer Jean-Pierre Sueur, qui a siégé durant vingt-deux années au Sénat – il détient sans doute le record du nombre d’heures passées dans les fauteuils de l’hémicycle, et nous pourrons bientôt publier ses œuvres complètes ! (Sourires.) – et a notamment été président de la commission des lois et questeur du Sénat. (Mmes et MM. les sénateurs se lèvent et applaudissent longuement.)
naufrage d’un navire de migrants au large de la grèce
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
M. Jean-Pierre Sueur. Madame la Première ministre, je souhaite vous interroger sur ce qui s’est passé dans la nuit du 13 mai dernier au large de la Grèce et qui est une honte pour notre civilisation. En effet, 750 hommes, femmes et enfants, entassés comme des bêtes dans un bateau qui a coulé, ont péri ou ont fait naufrage. Nous savons aujourd’hui que Frontex, un certain nombre d’États et des garde-côtes étaient au courant de l’imminent péril. Les images de la BBC ont montré que, pendant sept heures, les passagers du bateau sont restés entre la vie et la mort, et plus près de la mort.
Alors, nous ne pouvons pas nous résigner à ce qu’il y ait 500, 600 ou 700 morts, qui viennent s’ajouter aux 10 000 des quatre ou cinq dernières années, et aux 20 000 ou 30 000 personnes – nous ne connaissons pas le chiffre exact – qui sont mortes en traversant la Manche.
Je demande simplement, madame la Première ministre, que la France pèse de tout son poids pour qu’une véritable politique soit menée pour mettre fin au naufrage de ces êtres humains. (Applaudissements sur les travées des groupes SER, CRCE, GEST, ainsi que sur des travées des groupes RDPI, RDSE et UC. – Mme Esther Benbassa, Alain Houpert et Gérard Longuet applaudissent également.)
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État chargée du développement, de la francophonie et des partenariats internationaux.
Mme Chrysoula Zacharopoulou, secrétaire d’État auprès de la ministre de l’Europe et des affaires étrangères, chargée du développement, de la francophonie et des partenariats internationaux. Monsieur le questeur Jean-Pierre Sueur, ce naufrage survenu le 14 juin dernier au large de la Grèce est avant tout – vous l’avez dit – un drame humain, un de plus, survenu en Méditerranée. Vous avez totalement raison, nous ne pouvons pas nous résigner.
Cette tragédie nous bouleverse tous, et je voudrais renouveler nos condoléances aux familles des victimes. Bien entendu, elle nous oblige, car nous devons tout mettre en œuvre, notamment à l’échelon européen, pour éviter de nouveaux drames de ce type.
L’accord trouvé le 8 juin par les ministres européens de l’intérieur permettra d’apporter une réponse européenne sur ces sujets. À la question du traitement des demandes d’asile, il faut apporter une réponse qui doit allier responsabilité, efficacité et solidarité. La France et l’Italie sont pleinement mobilisées en ce sens,…
M. Pierre Laurent. Pas l’Italie !
Mme Chrysoula Zacharopoulou, secrétaire d’État. … comme le soulignaient hier le Président de la République et la première ministre Giorgia Meloni.
Mais ce drame rappelle aussi l’importance de la coopération avec les pays tiers en matière de sauvetage en mer et de lutte contre les réseaux de passeurs. Là encore, les travaux sont en cours à l’échelon européen, en particulier avec la Tunisie. Notre objectif est de renforcer les capacités des États d’origine et de transit pour mieux lutter contre ceux qui exploitent la détresse des migrants et contre les causes profondes de leur exil.
Enfin, monsieur le questeur, je souhaite profiter de votre dernière question au Gouvernement pour vous saluer. En tant que député, ministre, sénateur, président de la commission des lois et maire d’Orléans, vous nous avez marqués pendant quarante ans par vos convictions et votre engagement permanent. La République, le Sénat et votre cher Loiret vous en sont reconnaissants ! (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI et sur des travées du groupe SER.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour la réplique.
M. Jean-Pierre Sueur. Je veux dire combien il est facile d’exploiter constamment le sujet des étrangers et des immigrés ; mieux vaudrait éviter de faire de la politique politicienne en disant qu’ils sont un danger pour notre pays.
Mes chers collègues, il est des problèmes qu’il faut traiter et ne pas exploiter, surtout lorsque des centaines, des milliers de personnes sont en danger en mer Méditerranée. Merci de ce que vous ferez tous pour prendre conscience qu’il nous faut une politique énergique, impulsée par la France à l’échelon européen, pour sauver ces êtres humains ! (Applaudissements sur les travées des groupes SER, CRCE, GEST, ainsi que sur des travées des groupes RDPI et INDEP.)
accord ue-mercosur
M. le président. La parole est à M. Jean-François Rapin, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. Michel Canévet applaudit également.)
M. Jean-François Rapin. Monsieur le président, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, j’associe ma collègue la présidente Sophie Primas à ma question.
Au mois d’octobre 2019, la Première ministre déclarait : « On ne peut pas signer un accord commercial avec un pays qui ne respecte pas la forêt amazonienne, qui ne respecte pas le traité de Paris. La France ne signera pas l’accord avec le Mercosur dans ces conditions. » Plus récemment, lors de sa visite au Salon de l’agriculture le 25 février dernier, le Président de la République Emmanuel Macron expliquait qu’un « accord avec les pays du continent latino-américain n’est pas possible s’ils ne respectent pas comme nous les accords de Paris, ni les mêmes contraintes environnementales et sanitaires qu’on impose à nos producteurs ».
Mais, voilà quinze jours, Olivier Becht déclarait qu’il fallait conclure cet accord avec le Mercosur, en négociation depuis vingt-trois ans. La semaine dernière, la présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen a, elle aussi, espéré publiquement, lors de sa tournée en Amérique latine, que l’Union européenne conclurait d’ici à la fin de l’année cet accord. Et l’Espagne, qui prend dans dix jours la présidence du Conseil de l’Union européenne, sera aussi très allante.
Bref, la barque prend l’eau de toutes parts et nous sommes très inquiets. D’autant plus que la Commission européenne est en mesure de tenir à l’écart les parlements nationaux de la ratification de l’accord. Au mois de décembre dernier, notre collègue Alain Cadec, bien au fait de ce danger, vous avait déjà interrogée. La question se fait plus pressante encore aujourd’hui : madame la secrétaire d’État, le président Macron risque-t-il de trahir vendredi sa parole envers le monde agricole lorsqu’il recevra à Paris M. Lula, redevenu président du Brésil ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées du groupe UC.)
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État chargée du développement, de la francophonie et des partenariats internationaux.
Mme Chrysoula Zacharopoulou, secrétaire d’État auprès de la ministre de l’Europe et des affaires étrangères, chargée du développement, de la francophonie et des partenariats internationaux. Monsieur le sénateur Jean-François Rapin, je vous prie tout d’abord d’excuser la ministre de l’Europe et des affaires étrangères, qui est actuellement en déplacement.
La France, comme nombre de pays européens, a exprimé ses préoccupations sur l’accord Union européenne-Mercosur dès 2019, notamment pour des raisons environnementales. La Commission européenne a fait des efforts, notamment sur la question de la déforestation, mais cela reste insuffisant. Des négociations sont en cours pour apporter des réponses supplémentaires.
La France a réaffirmé trois conditions indispensables pour nous engager dans cet accord : d’abord, comme vous l’avez souligné, le respect de l’accord de Paris, qui est un élément essentiel ; l’alignement des chapitres de l’accord relatifs au développement durable avec la nouvelle approche de la Commission, c’est-à-dire avec nos meilleurs standards en matière environnementale et sociale ; et, en parallèle de l’accord, un programme ambitieux sur les mesures miroirs.
Au vu des enjeux, nous nous opposons à la scission de l’accord. Nous souhaitons que celui-ci soit présenté aux parlements nationaux. Le Président de la République et le président brésilien auront l’occasion, comme vous l’avez dit, d’échanger sur ce sujet comme sur l’ensemble des enjeux bilatéraux et globaux en marge du Sommet pour un nouveau pacte financier mondial organisé ces deux prochains jours. (M. François Patriat applaudit.)
M. le président. La parole est à M. Jean-François Rapin, pour la réplique.
M. Jean-François Rapin. Madame la secrétaire d’État, nous prenons acte aujourd’hui de vos paroles selon lesquelles vous n’exclurez pas les parlements nationaux de cette discussion, ce qui est essentiel.
Vous avez rappelé les trois clauses que la France exige, et c’est à vous, Gouvernement, de défendre au Conseil les agriculteurs français et la France. La commission des affaires européennes, que je préside, y veillera. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées du groupe UC.)
mortalité infantile en france
M. le président. La parole est à Mme Jocelyne Guidez, pour le groupe Union Centriste. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
Mme Jocelyne Guidez. Ma question s’adresse à M. le ministre de la santé et de la prévention et porte sur l’un des indicateurs clés pour évaluer la santé d’une population.
Cela fait sept ans que la mortalité infantile en France est supérieure à la moyenne européenne, alors qu’elle était l’une des plus basses d’Europe à la fin du XXe siècle.
Alors que la France figurait parmi les meilleurs élèves, en troisième position, le pays a chuté à la vingtième place sur vingt-sept. En 2021, ce sont 2 700 nourrissons de moins d’un an qui ont perdu la vie en France, soit 3,7 décès pour 1 000 naissances vivantes.
J’appelle tout particulièrement votre attention sur l’évolution préoccupante de certains indicateurs de santé périnatale dans trois régions métropolitaines – l’Île-de-France, le Centre-Val de Loire et le Grand Est –, mais aussi dans les départements ultramarins : le taux de mortalité infantile est de 8,9 ‰ à Mayotte, de 8,2 ‰ en Guyane et de 8,1 ‰ en Guadeloupe, alors qu’il s’établit à 3,5 ‰ en France hexagonale.
La Cour des comptes, dans son rapport sur la santé dans les outre-mer en 2012, mettait déjà en lumière le manque de pédiatres et de gynécologues.
Monsieur le ministre, quelles sont les explications possibles à cette tendance spécifiquement française ? Quelles sont les mesures de prévention prises ou envisagées par le Gouvernement pour endiguer cette surmortalité infantile en outre-mer, ainsi que dans quatre départements de la France métropolitaine, à savoir la Seine-Saint-Denis, le Jura, l’Indre-et-Loire et le Lot ? (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de la santé et de la prévention.
M. François Braun, ministre de la santé et de la prévention. Madame la sénatrice Guidez, la lutte contre la mortalité infantile est en effet un enjeu majeur : c’est l’un des marqueurs de l’état de notre système de santé. Grâce aux progrès de la médecine et à une politique de santé ciblée, le taux de mortalité infantile est, à l’heure actuelle, historiquement bas, comme le souligne d’ailleurs l’Insee. Il faut s’en souvenir.
Néanmoins, ce n’est pas un acquis. Il faut continuer à progresser et rester mobilisé. En effet, l’étude montre aussi – vous l’avez relevé – que ce taux ne baisse plus. Il a même légèrement augmenté ces dernières années, notamment dans les premières semaines d’existence de l’enfant.
La santé des enfants, cela commence dès les premiers jours, dès les premières heures. C’est pour cela que nous avons rendu la vaccination du nourrisson obligatoire. À ce titre, je m’insurge contre les discours qui continuent à relativiser, voire à dénigrer l’importance de la vaccination.
M. Bernard Jomier. Très bien !
M. François Braun, ministre. Nous avons élargi le test systématique de dépistage néonatal : il permet désormais de détecter et de prendre en charge treize maladies graves de l’enfant.
Nous avons aussi déployé une stratégie sur les 1 000 premiers jours pour créer un lien entre parents et professionnels de santé autour de la santé physique et mentale de l’enfant.
Bien entendu, le travail ne s’arrête pas là. Il doit se mener sur tous les aspects de la santé infantile ; dans cet esprit, j’ai installé des assises de la pédiatrie et de la santé de l’enfant. Les différents groupes de travail sont à l’œuvre depuis plusieurs mois. Leurs conclusions et propositions nous seront rendues très prochainement avec un ciblage très particulier sur la situation de nos outre-mer.
Dans le cadre de leurs travaux, nous avons déjà pu réaliser des progrès, par exemple, sur les questions liées à la rénovation du métier d’infirmière-puéricultrice pour adapter la formation et l’exercice de la profession aux nouveaux enjeux de la prise en charge de l’enfant.
Sur les maternités – le sujet est souvent mis en parallèle –, loin de toute gestion purement comptable d’un autre temps, je veux créer un nouveau modèle qui non seulement allie suivi périnatal d’avant et d’après la naissance en réduisant le plus possible les distances, mais aussi, et surtout, qui sécurise l’acte d’accouchement sur des plateaux techniques où toutes les compétences sont rassemblées.
M. le président. La parole est à Mme Jocelyne Guidez, pour la réplique.
Mme Jocelyne Guidez. Monsieur le ministre, vous avez raison : il faut certainement ne pas dénigrer les vaccinations.
Le taux de mortalité infantile ne baisse plus depuis vingt ans. Vingt ans ! La France occupe en la matière la vingtième place sur vingt-sept en Europe. C’est catastrophique !
Je citerai donc cette phrase de Marc Bloch dans L’étrange défaite : « Français, je vais être contraint, parlant de mon pays, de ne pas en parler qu’en bien ; il est dur de devoir découvrir les faiblesses d’une mère douloureuse. »
J’espère que vous allez pouvoir en tous les cas réaliser des progrès à ce sujet, parce que je n’en reviens pas de la place que nous occupons en Europe. (Applaudissements sur les travées du groupe UC et sur des travées des groupes Les Républicains, SER et CRCE.)
recrutement des sapeurs-pompiers volontaires
M. le président. La parole est à M. Jean Bacci, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées du groupe UC.)
M. Jean Bacci. Ma question s’adressait à M. le ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique. J’y associe mes collègues Loisier, Martin et Rietmann.
Un hectare de forêt qui brûle, ce sont, en moyenne, 46 tonnes de CO2 libérées. En 2022, 72 000 hectares ont rejeté 3,5 milliards de tonnes de carbone. D’initiative sénatoriale, la proposition de loi visant à renforcer la prévention et la lutte contre l’intensification et l’extension du risque incendie a fait l’objet d’un accord en commission mixte paritaire. Toutefois, les députés, sous la pression comptable de Bercy, ont refusé d’accorder aux collectivités territoriales le bénéfice de la réduction de cotisations patronales en contrepartie de la mise à disposition d’employés sapeurs-pompiers volontaires pour les services d’incendie et de secours (Sdis).
Outre qu’une telle mesure aurait pu alléger la lourde charge financière supportée par les collectivités, et particulièrement par les plus petites, la sécurité civile se trouvera en pratique privée d’un vivier de recrutement important de sapeurs-pompiers volontaires dans un contexte pourtant marqué par une crise aiguë des vocations.
Autre regret, les députés ont renoncé à une mesure forte en faveur de la protection massive de la forêt par le débroussaillement, reconnu par les Sdis comme un moyen de limiter la propagation du feu ou, tout au moins, de rendre la forêt plus aisément défendable.
Les études sur la valeur du sauvé parlent d’elles-mêmes : un euro investi dans la prévention contre les feux de forêt permet d’éviter 20 à 25 euros de dépenses quand elle est en feu. Vous envisagez de dépenser des milliards pour décarboner notre économie, mais vous refusez de dépenser 4 millions d’euros pour aider les collectivités à mieux défendre la forêt et à accompagner les particuliers à engager leurs premières opérations de débroussaillement. Quel paradoxe !
Le texte issu de la commission mixte paritaire manque d’ambition sur son volet financier au nom de considérations budgétaires de court terme. Je le regrette.
Il ne faut pas penser à la forêt que lorsqu’elle brûle. Quand l’État prendra-t-il ses responsabilités pour que, en dépit du changement climatique, la forêt continue à jouer son rôle de puits de carbone ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées du groupe UC. – Mme Michelle Gréaume applaudit également.)
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État chargée de la citoyenneté.
Mme Sonia Backès, secrétaire d’État auprès du ministre de l’intérieur et des outre-mer, chargée de la citoyenneté. Monsieur le sénateur Bacci, je vous remercie de la proposition de loi que vous défendez avec Anne-Catherine Loisier, Pascal Martin et Olivier Rietmann. Celle-ci vient de faire l’objet d’une commission mixte paritaire conclusive à l’issue de la procédure accélérée.
Votre texte apporte de nombreuses avancées dans l’appréhension de la protection de nos forêts. Avec l’élaboration d’une stratégie nationale et interministérielle de défense, vous créez un continuum de prise en compte de ce risque, depuis la prévention jusqu’aux actions de reboisement et de reconstitution de forêts plus résilientes.
Le travail que vous avez mené a fait l’objet d’un large consensus. Les échanges avec l’ensemble des partenaires et des acteurs ont été très nombreux, et je m’en félicite. Tous reconnaissent la qualité des travaux comme les très grandes avancées que vous avez proposées.
Concernant la mesure relative à l’exonération de charges sociales pour les employeurs, vous avez fait le choix d’une expérimentation pendant trois ans. Ce dispositif est inédit. Il permettra à nos concitoyens qui s’investissent pour le bien public d’être encore plus disponibles pour mener des actions de secours.
Le choix a été fait dès le début de ne pas intégrer les collectivités territoriales en tant que bénéficiaires. (Mmes Sophie Primas et Anne-Catherine Loisier s’exclament.) Il existe – vous le savez – d’autres mécanismes qui les concernent directement, comme la possibilité de diminuer leur contribution obligatoire aux Sdis si elles mettent à disposition leurs agents.
Nous n’avons pas retenu non plus la mise en place du crédit d’impôt sur les obligations légales de débroussaillement, parce qu’il s’agissait ici de mettre les bonnes dépenses au bon endroit ; ce texte n’était pas le vecteur le plus opportun. (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Olivier Rietmann. Ben voyons !
Mme Sonia Backès, secrétaire d’État. Cela ne diminue en rien la qualité de cette loi, une loi consensuelle qui nous armera mieux pour faire face au défi du changement climatique. Le Gouvernement adresse un message de soutien à l’ensemble des acteurs, au premier rang desquels les sapeurs-pompiers, qui devront dans les jours à venir lutter activement contre les feux : vous pourrez toujours compter sur notre soutien. (MM. François Patriat et Michel Dagbert applaudissent.)
Salutations à un sénateur
M. le président. Madame la Première ministre, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, avant de donner la parole à notre collègue Michelle Meunier pour l’une de ses dernières interventions dans notre hémicycle, je souhaite saluer son action parlementaire.
Je pense d’abord à son travail à la commission des affaires sociales. Nous avons tous en tête son récent rapport élaboré avec Bernard Bonne : Bien vieillir chez soi : c’est possible aussi !
Je songe également à la remarquable vice-présidente du comité de déontologie parlementaire qu’elle a été aux côtés d’Arnaud Bazin à la présidence. (Mmes et MM. les sénateurs se lèvent et applaudissent.)
remboursement des frais dentaires
M. le président. La parole est à Mme Michelle Meunier, pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
Mme Michelle Meunier. C’est avec gravité que je pose ma question.
Monsieur le ministre de la santé et de la prévention, l’insistance de votre gouvernement à ignorer les alertes des professionnels du soin, à détricoter notre modèle social et à opposer les Français précaires aux Français méritants plonge nombre d’entre eux dans une détresse physique et mentale insupportable.
L’état de santé dans notre pays se dégrade. Les dépenses de santé augmentent : c’est normal. Vous faites la chasse aux arrêts maladie et diminuez le remboursement des soins dentaires. C’est normal ? Non. C’est grave.
C’est grave, car les dépenses dentaires réglées par les complémentaires seront répercutées sur les cotisations des mutuelles. Elles diminueront ainsi le pouvoir d’achat des assurés.
C’est grave, car les accidents du travail touchent plus fortement les secteurs du soin et de l’aide à domicile, en raison précisément de leurs tensions de recrutement.
Voici le système de soins de demain si vous ne réagissez pas, monsieur le ministre : une santé à deux vitesses, des soins pour les plus aisés avec leur complémentaire premium et des renoncements aux soins pour les plus précaires, coincés dans la file des urgences, attendant d’être soignés par d’autres précaires.
Ma question est simple : changerez-vous de logique et investirez-vous enfin dans le système de soin et dans le recrutement de soignantes et de soignants au lieu de conforter ce cercle vicieux d’austérité sanitaire ? (Applaudissements sur les travées des groupes SER, CRCE et GEST. – Mme Esther Benbassa applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de la santé et de la prévention.
M. François Braun, ministre de la santé et de la prévention. Madame la sénatrice Michelle Meunier, je vous remercie de me réserver votre dernière question dans cet hémicycle. Cela me permet de saluer votre carrière au service de nos concitoyens, mais également de rétablir quelques vérités.
M. Rachid Temal. Ah !
M. François Braun, ministre. Le Gouvernement et la majorité ont mis en place le « 100 % santé » pour l’optique, pour les prothèses auditives et pour le dentaire. C’est un progrès majeur en matière d’accès à la santé pour nos concitoyens. Ce n’est bien sûr pas remis en cause. Voilà qui dément l’affirmation selon laquelle nous pourrions vouloir une médecine à deux vitesses. Ce n’est absolument pas le cas, loin de là !
Nous avons conçu cette avancée avec les complémentaires santé, absolument pas, tant s’en faut, en opposition avec elles. Depuis que je suis arrivé au ministère, je les rencontre très régulièrement.
Depuis 2011, en raison de la progression des affections de longue durée (ALD) dans notre pays, mais aussi des nombreuses dépenses prises en charge à 100 % par l’assurance maladie, la sécurité sociale assume une part de plus en plus importante des frais par rapport aux complémentaires. De fait, l’intervention de la sécurité sociale lors des prises en charge a augmenté de trois points pendant que celle des complémentaires diminuait d’un point et celle des ménages de deux points.
Dès lors, nous devons garantir l’avenir de notre système de santé et l’accès à tous aux innovations pour faire face aux nouveaux enjeux, comme le virage préventif. Dans ce cadre, tous les acteurs doivent faire des efforts, y compris les complémentaires.
C’est le sens de la mesure à laquelle vous faites référence. Elle prévoit un plus grand engagement financier des complémentaires dans les soins dentaires afin de mettre en place aux côtés de l’assurance maladie un « 100 % prévention » et de réussir l’objectif d’une génération sans carie.
En matière d’arrêts maladie, nous examinons soigneusement la situation, afin de limiter les abus, où qu’ils soient. Je resterai évidemment très vigilant au sein de ce gouvernement pour que les Français soient indemnisés à juste proportion lorsqu’ils sont malades.
Vous le voyez, madame la sénatrice, ce gouvernement a une ligne claire. Il est bien légitime d’identifier des marges d’économies là où c’est possible et supportable pour garantir la pérennité de nos systèmes de protection, mais cela ne s’effectuera jamais au détriment de l’accès aux soins pour tous les Français. (MM. François Patriat et Michel Dagbert applaudissent.)
M. le président. La parole est à Mme Michelle Meunier, pour la réplique.
Mme Michelle Meunier. Monsieur le ministre, nous ne serons pas d’accord. Vous sapez l’hôpital public. Vous ne répondez pas à nos propositions, par exemple celle d’instituer un ratio de soignants par patient. Vous ne répondez pas non plus à la colère de celles et de ceux qui cotisent, qui voient le nombre de soignants diminuer et qui, surtout, ne voient pas le fruit de leurs efforts. (Applaudissements sur les travées des groupes SER, CRCE et GEST. – Mme Esther Benbassa applaudit également.)
installation illicite des gens du voyage
M. le président. La parole est à Mme Elsa Schalck, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. Alain Duffourg applaudit également.)
Mme Elsa Schalck. Ma question s’adresse à M. le ministre de l’intérieur et des outre-mer. J’y associe mes collègues du Bas-Rhin.
L’occupation illégale de terrains par des gens du voyage est une problématique qui revient régulièrement sans qu’aucun changement soit constaté. Jusqu’à quand la situation durera-t-elle ?
Les collectivités se sont pourtant mises en conformité avec la loi : des aires de grand passage ont été installées, des dépenses importantes ont été engagées, mais le problème reste entier.
Monsieur le ministre, il est urgent d’entendre le profond sentiment d’abandon et de découragement des maires confrontés à une telle situation. Comment concevoir qu’un élu local se retrouve un dimanche soir, en première ligne, à devoir gérer l’arrivée imprévue de plusieurs centaines de caravanes, sans parler de l’incompréhension et de la colère exprimées par la population ?
Les maires, après s’être mis en conformité avec les schémas départementaux, s’attendaient à être soutenus et accompagnés pour faire face aux difficultés. Le résultat est tout autre : ils se sentent démunis, seuls, et ne peuvent malheureusement que constater l’affaiblissement de l’autorité de l’État. Pour eux, c’est la double peine : payer et continuer à subir.
Pour donner un exemple, en Alsace, une collectivité est confrontée à l’arrivée de 400 caravanes. Elle a investi 700 000 euros pour créer une aire de grand passage. À l’heure actuelle, celle-ci est totalement déserte, les gens du voyage refusant de s’y installer, lui préférant un terrain de football.
À cela, il faut ajouter des incivilités et des dégradations commises sur les branchements électriques et sur les compteurs d’eau.
Monsieur le ministre, la situation n’est tout simplement plus tenable. Il est temps que ces agissements illégaux s’arrêtent et que le non-respect de la loi soit sanctionné. Il est urgent d’adapter les lois Besson, mais également de renforcer le travail de coordination en amont.
Monsieur le ministre, les élus locaux ont pris leurs responsabilités en créant des aires d’accueil. Le Sénat a pris les siennes en adoptant notamment le texte de notre collègue Patrick Chaize pour faciliter la procédure d’évacuation et pour durcir les sanctions. Quand prendrez-vous enfin les vôtres ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées du groupe UC.)
M. Loïc Hervé. Bravo !
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué chargé des outre-mer.
M. Jean-François Carenco, ministre délégué auprès du ministre de l’intérieur et des outre-mer, chargé des outre-mer. Madame la sénatrice Schalck, les installations illicites sont en effet un sujet important. Le ministère de l’intérieur et des outre-mer, que je représente aujourd’hui, est pleinement mobilisé.
Il nous fallait d’abord mieux réprimer. C’était le sens de la loi du 7 novembre 2018, qui visait à assouplir les conditions permettant de saisir le préfet pour mettre en demeure les gens du voyage de quitter les terrains occupés illicitement, avec emploi de la force si nécessaire. Ce texte a également renforcé les sanctions pénales pour ce délit. (Protestations sur les travées des groupes Les Républicains et UC.) De six mois d’emprisonnement et 3 750 euros d’amende, ces sanctions sont passées à un an d’emprisonnement et 7 500 euros d’amende.
M. André Reichardt. Jamais appliquées !
M. Jean-François Carenco, ministre délégué. Les sanctions ont été fortement durcies. Mais le sujet des installations illicites est aussi lié aux conditions d’accueil, sur lesquelles nous devons collectivement travailler. Ainsi, l’ensemble des préfets ont été mobilisés en janvier 2022, afin de relancer les schémas départementaux d’accueil et d’habitat des gens du voyage. (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Loïc Hervé. Cela fait un an et demi !
M. Jean-François Carenco, ministre délégué. Le bilan réalisé montre en effet que des efforts restent à fournir en la matière. (Exclamations sur les travées des groupes Les Républicains et UC.)
Par ailleurs, je rappelle qu’un référent ministériel pour les gens du voyage a été nommé afin d’assurer une coordination. (Mêmes mouvements.) Il est chargé d’entretenir les relations avec les élus et avec les organisations représentatives, et d’intervenir sur les difficultés signalées.
Enfin, assez récemment, le 24 avril 2023, une circulaire adressée aux préfets a été prise sur la gestion des grands passages estivaux. Un courrier a été envoyé à l’ensemble des responsables d’associations des gens du voyage afin de leur rappeler les grands principes : information préalable, répartition des demandes dans le temps et dans l’espace, et vigilance quant à l’intégrité et à la propreté des équipements. (Exclamations sur les travées des groupes Les Républicains et UC.)
M. Loïc Hervé. Cela ne marche pas !
M. Jean-François Carenco, ministre délégué. L’intention du Gouvernement est bien d’avancer sur les deux aspects : offrir les conditions d’un meilleur accueil et réprimer plus efficacement les installations illicites. La vie est ainsi faite que ce n’est jamais simple. (M. François Patriat applaudit. – Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.)
protection du patrimoine résidentiel
M. le président. La parole est à Mme Sabine Drexler, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Sabine Drexler. Trop souvent perçu comme une charge, le patrimoine témoigne d’une culture et d’une identité. Il permet également de créer de l’activité et de l’emploi. Le petit patrimoine ne fait l’objet d’aucune protection, à moins que celle-ci ne soit spécifiée dans les documents d’urbanisme.
Ce patrimoine, ce sont des lavoirs, des fours à pain, des calvaires, mais aussi des maisons à colombage en Alsace ou des malouinières en Bretagne. Ce sont les maisons vigneronnes d’Occitanie et les burons du Cantal, les échoppes bordelaises et les longères de Vendée ou encore les chalets du Briançonnais et les meulières d’Île-de-France. Comme encore les chaumières normandes, les maisons basques ou les mas de Provence, toutes ces constructions caractérisent nos régions et font l’attractivité de notre pays.
Par définition, ce bâti vernaculaire est durable, du fait de sa longévité, mais aussi de sa soutenabilité, car il a été construit en fonction du climat et des ressources locales. Grâce aux qualités que ces ressources lui confèrent, il contribue naturellement à une réduction importante de l’utilisation du chauffage ou de la climatisation.
Aujourd’hui, le diagnostic de performance énergétique (DPE), devenu opposable, et l’urgence de la décarbonation amènent de nombreux propriétaires de ce type de biens à réaliser des travaux d’isolation inadaptés, mais subventionnés. Sans le savoir, certains portent au bâti des atteintes parfois fatales. D’autres délaissent leur bien, qui finira dégradé, puis vendu pour son foncier.
Les architectes des bâtiments de France (ABF) nous assurent qu’ils ne parviennent plus désormais à endiguer la vague d’isolation par l’extérieur, y compris dans les secteurs protégés.
Monsieur le ministre, que comptez-vous mettre en œuvre pour empêcher que des gestes ou des matériaux inappropriés ne viennent porter des atteintes définitives au bâti patrimonial de notre pays ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées du groupe UC. – Mme Émilienne Poumirol, MM. Jacques Fernique et Mickaël Vallet applaudissent également.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.
M. Christophe Béchu, ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires. Madame la sénatrice Drexler, j’aimerais associer, si vous me le permettez, M. Lafon à ma réponse.
Il y a quelques mois, vous êtes venus me voir tous les deux pour insister sur le risque qu’il y aurait d’avoir une vision aveugle et uniforme des règles du DPE au mépris de la résistance et – j’utilise un mot que l’on n’utilisait pas à l’époque – de la résilience d’une partie de ces maisons de pleine pierre et de ces types d’habitats construits.
Il y a quelques jours, au début du mois de juin, la ministre de la culture et moi-même, compte tenu du lien hiérarchique que nous avons avec les ABF, avons entendu le cri d’alarme d’une dizaine d’associations patrimoniales qui ont relayé une partie des propositions formulées par votre commission. Je souligne ici à quel point nous prenons ce sujet au sérieux.
Nous avons demandé aux ABF de nous aider à montrer ce qui était possible. Cela est le cas avec l’hôtel de Roquelaure, que j’occupe de manière temporaire : nous sommes en train de creuser la question de la géothermie pour trouver un moyen de décarbonation qui ne touche ni aux façades ni à l’apparence du bâtiment. Des pistes sont proposées chaque fois qu’on se demande ce qu’il est possible de faire et non comment trouver une excuse pour ne pas faire…
Je le précise d’autant plus volontiers que ce patrimoine est une part de notre identité et de notre âme. Vous avez cité les longères de Vendée : il m’aurait évidemment plu que vous poussiez jusqu’aux troglodytes du Saumurois ou jusqu’à une partie des clochers tors du Haut-Anjou. (Sourires.)
C’est l’occasion pour moi de souligner qu’il y a sur nos territoires des collectivités qui ont pris à bras-le-corps la question du petit patrimoine. Ce sera pour moi l’occasion de saluer M. Retailleau. (Exclamations amusées sur les travées du groupe Les Républicains.)
Ces collectivités se sont emparées de la question en mesurant combien agir en ce sens aidait à soutenir nos ruralités. C’est ce que la Première ministre a mis à l’honneur voilà quelques jours au travers du plan France ruralités qui nous donnera l’occasion de mieux accompagner l’ensemble des territoires, de préserver une partie de notre culture et de nous préoccuper de ce qui permet de préparer l’avenir en nous appuyant sur le passé.
Il faut une transition, mais adaptée à la réalité du patrimoine. C’est une nécessité non seulement de mémoire, mais aussi de cohésion. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
M. le président. Nous en avons terminé avec les questions d’actualité au Gouvernement.
Je vous rappelle que les prochaines questions d’actualité au Gouvernement auront lieu mercredi 28 juin, à quinze heures.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à seize heures vingt, est reprise à seize heures trente, sous la présidence de M. Pierre Laurent.)
PRÉSIDENCE DE M. Pierre Laurent
vice-président
M. le président. La séance est reprise.
3
Rappel au règlement
M. le président. La parole est à M. Pierre Ouzoulias, pour un rappel au règlement.
M. Pierre Ouzoulias. Il s’agit d’un rappel au règlement commémoratif, qui se fonde sur l’article 36, quelque peu aménagé pour la circonstance…
Le 18 juin, le Président de la République a annoncé, au nom de la Nation, le transfert de Missak Manouchian au Panthéon, le 21 février 2024, jour du quatre-vingtième anniversaire de son exécution au Mont-Valérien. Il sera accompagné de sa femme, Mélinée.
Avec Missak Manouchian, ce sont le groupe de l’Affiche rouge et tous les étrangers morts pour la France qui entrent au Panthéon. La Résistance nationale, dans la pluralité de ses composantes et l’unité de son combat, est enfin rassemblée, du lieutenant de vaisseau Honoré d’Estienne d’Orves à l’apatride Missak Manouchian, de Geneviève de Gaulle-Anthonioz à Olga Bancic, du général Charles Delestraint à Georges Guingouin, de Marc Bloch à Edmond Michelet, d’Henri Frenay à Emmanuel d’Astier de La Vigerie.
Notre groupe se félicite de cette décision, qui honore ces résistants et une certaine idée de la France, de la République et de la Nation, pensée comme un projet politique collectif. (M. Bernard Buis opine.)
Avant de mourir, Missak Manouchian écrivait à sa femme : « Je suis sûr que le peuple français et tous les combattants de la Liberté sauront honorer notre mémoire clignement. »
Chers collègues, restons dignes de leur combat et continuons de défendre, dans la pluralité de nos opinions et de nos parcours, les principes pour lesquels ils sont tombés : la liberté, la justice, la démocratie, la paix et les droits de l’homme. (Applaudissements.)
M. le président. Acte vous est donné de votre rappel au règlement, mon cher collègue.
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Candidatures à deux éventuelles commissions mixtes paritaires et à une commission mixte paritaire
M. le président. J’informe le Sénat qu’ont été publiées des candidatures pour siéger au sein des éventuelles commissions mixtes paritaires chargées de proposer un texte commun, d’une part, sur les dispositions restant en discussion du projet de loi ratifiant les ordonnances relatives à la partie législative du livre VII du code monétaire et financier et portant diverses dispositions relatives à l’outre-mer et, d’autre part, du projet de loi visant à donner à la douane les moyens de faire face aux nouvelles menaces.
Par ailleurs, j’informe le Sénat qu’ont été publiées des candidatures pour siéger au sein de la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion de la proposition de loi visant à renforcer l’accès des femmes aux responsabilités dans la fonction publique.
Ces candidatures seront ratifiées si la présidence n’a pas reçu d’opposition dans le délai d’une heure prévu par notre règlement.
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Souhaits de bienvenue à une délégation parlementaire internationale
M. le président. Mes chers collègues, j’ai le plaisir de saluer, dans la tribune d’honneur, une délégation internationale composée de plusieurs parlementaires du Brésil, du Botswana, de Colombie, du Mexique, du Pérou, du Royaume-Uni et de Zambie. (Mmes et MM. les sénateurs, ainsi que M. le secrétaire d’État auprès de la Première ministre, chargé de la mer, se lèvent.)
La délégation est particulièrement impliquée dans les politiques de développement durable et les efforts de conservation des ressources à l’échelle internationale. Elle est arrivée hier à Paris à l’occasion du sommet pour un nouveau pacte financier mondial, qui se déroulera les 22 et 23 juin au palais Brongniart.
La délégation a été invitée aujourd’hui au Sénat par nos collègues Ronan Dantec et Christian Cambon pour une réunion de travail consacrée à la protection de l’environnement, suivie d’une visite institutionnelle du palais du Luxembourg.
Demain, elle prendra part à une table ronde organisée à l’Assemblée nationale par notre collègue député Hubert Julien-Laferrière.
Mes chers collègues, permettez-moi de souhaiter à nos homologues, en votre nom à tous, la plus cordiale bienvenue, ainsi qu’un excellent et fructueux séjour. (Applaudissements.)
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Lutte contre le dumping social dans le transport maritime transmanche
Adoption d’une proposition de loi dans le texte de la commission modifié
M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale, visant à lutter contre le dumping social sur le transmanche (proposition n° 469, texte de la commission n° 735, rapport n° 734, avis n° 728).
Dans la discussion générale, la parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Hervé Berville, secrétaire d’État auprès de la Première ministre, chargé de la mer. Monsieur le président, madame la présidente de la commission des affaires sociales, madame la rapporteure, madame la rapporteure pour avis, mesdames, messieurs les sénateurs, il y a un peu plus d’un an, en mars 2022, la compagnie britannique P&O Ferries licenciait 786 marins, par visioconférence, sans préavis ! On a donné l’ordre à ces 786 personnes de quitter leur lieu de travail, de descendre de leur ferry, puis on les a remplacées par des marins deux fois moins payés, ne bénéficiant pas de jours de repos, pouvant embarquer jusqu’à quinze semaines en mer et travailler à un rythme effréné sans revenir à terre se reposer.
Voilà, mesdames, messieurs les sénateurs, l’une des réalités du transport maritime dans nos eaux !
Nous voyons se développer des pratiques brutales, une course au moins-disant social, une concurrence déloyale qui peut détruire de nombreuses entreprises, des milliers d’emplois et qui, si nous ne faisons rien, emportera telle une vague scélérate un pan entier de notre économie maritime.
L’urgence de lutter contre le dumping social nous concerne tous, élus des territoires littoraux ou non, des Hauts-de-France, de la Normandie, de la Bretagne, des Pays de la Loire, de la Nouvelle-Aquitaine, de l’Occitanie, de la région Sud, de la Corse ou des outre-mer.
Je vous remercie – notamment vous, madame la rapporteure, car vous n’êtes pas issue d’un territoire de littoral, preuve qu’il s’agit là d’un sujet qui concerne tout le monde – de votre présence aujourd’hui et de votre implication sur cette proposition de loi, qui est cruciale pour préserver notre modèle social, assurer la sécurité en mer et protéger nos espaces maritimes, notamment du point de vue environnemental.
Dès le mois de juillet de l’année dernière, nous avons travaillé avec les organisations syndicales, la CFDT, la CFE-CGC, la CGT, et les organisations patronales – je remercie Armateurs de France –, notamment Brittany Ferries et DFDS Seaways, afin de trouver des solutions communes. Je tenais particulièrement à saluer à cette tribune l’implication remarquable de Jean-Marc Roué.
Nous avons d’abord construit une réponse collective pour mettre fin aux pratiques scandaleuses de dumping social sur le transmanche, c’est-à-dire dans les liaisons avec le Royaume-Uni. Ces pratiques sont une conséquence du renoncement, après le Brexit, au statut protecteur, bien que perfectible, apporté par l’Union européenne. Le Royaume-Uni est devenu un État tiers, ce qui a ouvert la voie à des pratiques dérégulées de la part de certains armateurs peu scrupuleux, pratiques contre lesquelles nous nous battons aujourd’hui.
Nous avons formé une coalition inédite. Nous avons cheminé ensemble et réfléchi aux solutions à déployer. Nous avons abouti dans un premier temps à la mise en œuvre par toutes les compagnies maritimes d’une charte d’engagement volontaire.
Cette charte a été élaborée en concertation avec les autorités britanniques, elles-mêmes désormais conscientes et inquiètes de la situation. Elle est conforme aux différents standards et définit un certain nombre de priorités.
Cette charte invite les armateurs à s’engager à aller plus loin que les exigences minimales en matière de formation, de congés, de pratiques environnementales, et à atteindre un niveau plus élevé, conforme à nos attentes.
Le Sénat a d’ailleurs largement participé à ces travaux précurseurs grâce, notamment, à la contribution d’Agnès Canayer, de Jean-François Rapin et de Michel Canévet. Tous ces travaux et ceux qui ont été menés en parallèle par les parlementaires de tous bords politiques ont abouti à un triple constat.
Tout d’abord, aucune entreprise respectant la concurrence libre et non faussée, à laquelle je sais que Mme la rapporteure est très attachée, ne peut s’aligner sur les pratiques déloyales proches de l’esclavage moderne que j’ai évoquées au début de mon intervention et que nous dénonçons collectivement.
Ensuite, aucune entreprise qui fait travailler ses marins à un rythme effréné ne peut nier qu’elle fait courir un risque à la vie de ses passagers et de ses équipages. La fatigue que ce rythme induit est une menace grave pour la sécurité maritime, tout particulièrement dans le détroit du Pas-de-Calais, l’une des mers les plus dangereuses et les plus fréquentées au monde.
Enfin, aucune entreprise ne peut prétendre contribuer à notre politique énergétique et environnementale lorsqu’elle pratique ce type de dumping social, à l’heure où nous voulons renforcer notre souveraineté et accroître la protection de la biodiversité marine.
C’est en réponse à ce triple constat, simple, clair et sans ambiguïté que le Gouvernement a soutenu cette proposition de loi du député Didier Le Gac, car elle s’inscrit pleinement dans le cadre défendu par le Président de la République lors la présidence française de l’Union européenne en matière de lutte contre le dumping social dans tous les modes de transports.
Vous le voyez, mesdames, messieurs les sénateurs, les quatre articles initialement proposés dans ce texte sont fondamentaux pour lutter contre la concurrence déloyale et renforcer notre modèle social.
L’article 1er vise à réguler les liaisons internationales : premièrement, en imposant un salaire minimum horaire ; deuxièmement, en exigeant une équivalence entre le temps de repos et le temps de travail. L’objectif est double : il s’agit d’éviter le recrutement de marins moins payés que les marins français et de garantir la sécurité en mer en instaurant de réelles périodes de repos permettant de lutter contre la fatigue.
Les discussions que vous avez eues en commission ont visé ces mêmes objectifs et ont permis d’apporter des clarifications. Vous avez ainsi renforcé utilement la robustesse juridique du dispositif et supprimé du texte certaines mentions qui n’y avaient pas leur place.
Soucieux d’affermir encore les dispositions de la proposition de loi et de prendre en compte les remarques que vous avez formulées en commission, madame la rapporteure, nous présenterons un amendement visant à prévoir que l’article 1er ne s’applique qu’au transmanche, conformément à l’objectif initial de cette proposition de loi.
L’article 1er concernant les liaisons internationales, la restriction de son champ d’application aux liaisons entre la France et le Royaume-Uni permettra de faire face aux problèmes urgents que nous connaissons tous.
Le Gouvernement a d’ailleurs pris ses responsabilités sur ce sujet en interdisant, par décret paru ce matin, l’utilisation du registre international français sur cette liaison, comme nous l’avions fait sur le Maghreb par le passé. Dès lors, et je tiens à le redire ici, cette proposition de loi n’a pas pour objet les liaisons internationales en Méditerranée.
L’article 2, quant à lui, sanctionne pénalement le recours à des marins ne disposant pas d’un certificat médical de même niveau que les certificats établis en France. C’est une question de santé et de sécurité.
Les articles 1er bis et 1er ter sont fondamentaux pour lutter contre le dumping social sur toutes nos façades maritimes.
L’article 1er visait à régler de façon urgente les problèmes constatés uniquement sur les liaisons internationales avec le Royaume-Uni. Or nous nous sommes rendu compte au cours de nos nombreuses discussions que la concurrence déloyale était un fléau qui concernait toutes les façades maritimes, en raison en particulier du développement des éoliennes et des énergies marines renouvelables, qui est un sujet d’avenir.
Les navires qui construiront, installeront et assureront la maintenance des parcs éoliens sur toutes nos façades devront appliquer une partie du droit du travail français, y compris les navires étrangers. C’est le dispositif de l’État d’accueil, que le Parlement a étendu aux navires étrangers dans la loi relative à l’accélération de la production d’énergies renouvelables.
Ce dispositif s’applique aujourd’hui dans les eaux européennes uniquement au transport de passagers entre deux ports français, comme entre la Corse et le Continent, mais aussi sur toutes les îles de la façade Atlantique.
Par conséquent, l’article 1er bis vise à renforcer les sanctions pénales en cas de non-respect du droit français à bord des navires étrangers. Il s’agit d’aligner les sanctions prévues dans le cadre du dispositif de l’État d’accueil, qui existe depuis plus de vingt ans, sur celles du dispositif spécifique prévu à l’article 1er du texte concernant les liaisons transmanche.
En effet, comment pourrions-nous collectivement assumer que le niveau de sanction soit moins élevé dans les eaux nationales ou européennes que sur les liaisons transmanche ?
De la même manière, l’article 1er ter crée un régime de sanctions administratives, alors qu’il n’en existait pas jusqu’à présent dans le cadre du dispositif de l’État d’accueil.
Nous proposerons donc de rétablir les articles 1er bis et 1er ter, par cohérence avec les dispositions applicables aux liaisons transmanche, pour anticiper le développement de l’éolien en mer et rendre la loi plus efficace sur toutes nos façades maritimes.
J’ai suivi attentivement vos discussions en commission et je partage la nécessité de clarifier certains points. Toutefois, il est essentiel de rétablir ces deux articles. Sans eux, nous serions démunis pour lutter contre le dumping social, notamment dans le secteur en plein développement des énergies marines renouvelables, et pour atteindre l’objectif important de souveraineté énergétique et économique.
Tous les armateurs français, toutes les confédérations syndicales, tous les élus qui sont amenés à connaître le déploiement de l’éolien en mer nous alertent sur ce risque. De Fécamp jusqu’à Fos-sur-Mer en passant par Saint-Brieuc, l’île d’Yeu, Saint-Nazaire, nous avons besoin du dispositif renforcé de l’État d’accueil.
Grâce à la clarification que vous avez apportée en commission, madame la rapporteure, et aux améliorations que nous défendrons ici au cours de la discussion, nous pourrons bâtir ensemble un véritable texte de justice sociale, ambitieux, et envoyer un signal clair : la France refuse ces pratiques concurrentielles inacceptables, se bat pour assurer la sécurité en mer sur toutes ses façades maritimes et défend sa souveraineté.
Avec cette proposition de loi, mesdames, messieurs les sénateurs, votre assemblée, votre belle institution, peut hisser haut le pavillon de la France pour notre souveraineté économique, pour notre souveraineté énergétique, pour la réindustrialisation de notre pays, pour la défense de notre modèle social, pour le bien-être des gens de mer, pour la sécurité maritime et pour la protection de l’environnement. (Applaudissements sur les travées des groupes RDPI, RDSE et INDEP, ainsi que sur des travées du groupe SER. – M. Gérard Lahellec applaudit également.)
M. le président. La parole est à Mme le rapporteur. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Catherine Procaccia, rapporteur de la commission des affaires sociales. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, je sais que certains d’entre vous, férus de géographie, se demandent pourquoi une sénatrice dont le département n’est traversé que par la Marne et la Seine est rapporteur de ce texte ! Je pense tout simplement que la présidente de la commission des affaires sociales, Catherine Deroche, connaît mon goût pour les sujets originaux, mon attrait pour les mers chaudes et a voulu que je me plonge dans des eaux un peu plus froides. (Sourires.)
Celles de la Manche ont connu une diminution du trafic maritime consécutive au Brexit, puis à la crise sanitaire. L’arrivée d’un nouvel opérateur sur les liaisons transmanche a conduit certaines compagnies à abaisser les conditions de travail de leur personnel navigant pour optimiser leurs coûts et diminuer leurs tarifs. Elles ont opté pour des pavillons n’offrant que de faibles garanties en matière de droits sociaux pour les gens de mer.
Monsieur le secrétaire d’État l’a rappelé, le 17 mars 2022, la compagnie P&O Ferries a licencié, avec effet immédiat, 786 marins.
Selon Armateurs de France, les compagnies P&O Ferries et Irish Ferries, dont les navires battent pavillon chypriote, font appel à du personnel international, mais aussi beaucoup européen, dont les salaires de base pourraient être inférieurs de 60 % aux salaires français. En conséquence, leur coût de production du transport serait inférieur de 35 % à celui des navires battant pavillon français.
Alors que Brittany Ferries et DFDS Seaways, dont les navires battent pavillon français ou britannique, appliquent une équivalence entre la durée d’embarquement et le temps de repos à terre, les durées d’embarquement du personnel navigant de ces compagnies sont bien supérieures.
Permises par le droit international et européen, ces pratiques de dumping social sont, hélas ! légales. Elles laissent peu de marges aux États pour les réguler.
La convention de Montego Bay et le droit de l’Union européenne permettent aux compagnies de choisir librement le pavillon de leurs navires et d’appliquer aux contrats de travail la loi de n’importe quel État. Ce sont donc les règles de l’État du pavillon qui prévalent pour les liaisons internationales. Si les navires battant pavillon français sont tenus de respecter le droit du travail français, certains pavillons n’imposent presque aucune garantie sociale. Je l’ai découvert, comme peut-être certains d’entre vous, en étudiant ce texte…
Pour autant, ces pratiques de dumping social ne sont pas acceptables : elles perturbent significativement le marché du transport maritime transmanche, elles se traduisent par des droits sociaux limités pour le personnel employé et elles fragilisent la sécurité de la navigation dans l’un des détroits les plus fréquentés au monde.
Dans cette situation, le droit européen offre la possibilité aux États de prendre une loi de police, qui vise à fixer des dispositions impératives, dont le respect est jugé crucial par un pays pour la sauvegarde de ses intérêts publics, au point d’en exiger l’application à toute situation, quelle que soit par ailleurs la loi applicable au contrat. Pour ma part, je vous avoue que, après dix-neuf ans de mandat, je découvre ce type de loi, que j’appelle un ovni juridique !
L’article 1er impose deux obligations aux employeurs du personnel embarqué sur les navires : d’une part, le versement du salaire minimum horaire de branche applicable en France ; d’autre part, une organisation du travail fondée sur l’équivalence entre la durée d’embarquement et le temps de repos à terre, qui n’est pas une obligation en droit maritime.
Pour être considérées comme des lois de police au regard du droit européen, ces obligations doivent apporter des restrictions aux libertés économiques proportionnées à l’objectif visé, afin de ne pas être censurées par le juge.
Tout en souscrivant pleinement à ces mesures, la commission a donc voulu sécuriser le dispositif, en assurant la stricte proportionnalité des sanctions prévues.
En matière de sanctions pénales, la commission a approuvé les peines prévues de 7 500 euros d’amende par salarié concerné, puis de 15 000 euros d’amende et de six mois d’emprisonnement en cas de récidive.
Ces sanctions sont très dissuasives, comme nous avons pu le constater au cours de nos auditions. C’est pourquoi l’ajout à ces sanctions, à la troisième infraction, d’une interdiction d’accoster dans un port français pour tous les navires de la compagnie fautive a été supprimé par la commission. Cette sanction, qui méconnaît les principes constitutionnels d’individualisation des peines et de légalité des délits et des peines, est manifestement disproportionnée.
Le texte issu de la commission prévoit la possibilité pour l’autorité administrative de prononcer, en lieu et place d’une amende, un avertissement à l’employeur ou à l’armateur en cas de manquement, alignant ainsi le régime de sanctions administratives créé à l’article 1er sur le droit commun du travail.
Nous avons décidé de fixer une date d’entrée en vigueur du texte afin de donner aux employeurs suffisamment de prévisibilité pour tirer les conséquences des nouvelles règles applicables. Ce sera le 1er janvier 2024, cette date coïncidant avec l’entrée en vigueur de la loi votée par le Parlement britannique, qui rendra applicable le salaire minimum horaire britannique sur les navires assurant un service international de transport de passagers.
Afin de renforcer la sécurité maritime, la commission a également adopté, à l’article 2, l’extension des sanctions pénales en matière d’aptitude des gens de mer au cas d’admission à bord d’un membre d’équipage ayant un certificat médical d’aptitude non valide établi à l’étranger.
En revanche, la commission a supprimé les articles 1er bis et 1er ter, ce que déplore M. le secrétaire d’État. Introduits à l’Assemblée nationale par voie d’amendements en séance publique, ils tendaient à renforcer les sanctions pénales ou administratives pouvant être prononcées sur les liaisons maritimes nationales où s’appliquent les conditions sociales de l’État d’accueil, notamment sur les liaisons entre la Corse et la France continentale.
Il existe sans doute des risques de distorsion de concurrence entre les compagnies battant pavillon français et celles qui opèrent sous le pavillon d’un autre pays européen, notamment italien. Ces dernières bénéficient en effet de conditions fiscales et sociales plus favorables, mais le droit de l’Union européenne l’autorise. Toutefois, le dispositif de l’État d’accueil, prévu par un règlement européen, limite fortement les possibilités de dumping social sur les navires concernés.
Les dispositions légales et les stipulations conventionnelles applicables aux salariés employés sur ces navires sont celles qui sont applicables aux salariés des entreprises de la même branche d’activité établies en France. Elles portent sur le salaire minimum, la durée du travail, la santé et la sécurité au travail ou encore sur les libertés individuelles et collectives dans la relation de travail.
Par ailleurs, les gens de mer bénéficient obligatoirement du régime de protection sociale d’un État membre comprenant une couverture des risques santé, accidents du travail et maladies professionnelles, maternité, famille, chômage et vieillesse.
Dans ce contexte, la commission a considéré que les mesures proposées, qui ne portent que sur les sanctions et ne modifient pas les normes sociales applicables sur les navires concernés, ne sont pas de nature à répondre aux problématiques de concurrence sur le marché des liaisons entre la Corse et le continent. M. le secrétaire d’État vient de nous apprendre à l’instant que les installations éoliennes étaient également concernées par le dumping social…
D’une part, ces enjeux de concurrence relèvent du niveau de l’Union européenne, notamment en ce qui concerne l’harmonisation des règles encadrant l’usage des pavillons internationaux sur les liaisons intraeuropéennes. Alors que la France exclut l’usage du registre international français (RIF) sur les navires transporteurs de passagers assurant des lignes régulières intracommunautaires, l’Italie permet, elle, une utilisation plus large de son pavillon international.
D’autre part, si le respect des règles de l’État d’accueil posait des difficultés, il serait plus efficace de renforcer les moyens de contrôle et d’appliquer effectivement les sanctions existantes. Je rappelle qu’il existe déjà un régime de sanctions pénales et que l’autorité administrative peut également infliger des amendes en cas de non-respect du salaire minimum. Encore faut-il que les contrôles soient effectifs.
Au total, la commission n’a pas été convaincue de la nécessité d’introduire ces mesures. Celles qui concernent le cabotage en Méditerranée, introduites en séance par voie d’amendements, dans un texte visant à lutter contre le dumping social sur le transmanche, risquent de brouiller les intentions du législateur, alors que la situation de ces deux marchés est difficilement comparable. Surtout, et c’est la préoccupation essentielle, elles pourraient fragiliser le texte, ce que personne ne souhaite.
Suivant la position constante du Sénat, la commission a supprimé les articles 3 et 4, qui prévoyaient la remise par le Gouvernement de rapports au Parlement.
Enfin, en cohérence avec l’objet des articles 1er et 2, la commission des affaires sociales a modifié l’intitulé de la proposition de loi pour indiquer qu’elle vise également « à renforcer la sécurité du transport maritime ».
J’espère que vous avez compris que ma préoccupation et celle de la commission ont été d’assurer l’effectivité, la solidité juridique du texte et la proportionnalité de ses dispositions. Cette proposition de loi est d’ailleurs déjà sous les fourches caudines de la Commission européenne alors que le Sénat ne l’a pas encore examinée ni votée.
La situation sur le transmanche nous impose de légiférer en nous assurant que ce texte aura des conséquences réelles, qu’il permettra d’améliorer les conditions de travail des marins et de renforcer la sécurité maritime. Voter une loi d’affichage qui ne s’appliquera pas ferait à mon sens plus de mal que de bien et conforterait les comportements que nous voulons contrôler.
C’est pourquoi je vous invite à adopter le texte issu des travaux de la commission. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC et INDEP.)
M. le président. La parole est à Mme la rapporteure pour avis.
Mme Nadège Havet, rapporteure pour avis de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, cinq minutes, c’est le temps dont je dispose aujourd’hui pour vous faire part de mon rapport sur la proposition de loi du député Didier Le Gac, adoptée en première lecture à l’Assemblée nationale.
Cinq minutes, c’est bien plus de temps qu’il n’en aura fallu au dirigeant de P&O Ferries pour licencier 786 marins. En effet, après un message vidéo de trois minutes, 786 marins ont dû quitter sur-le-champ leur navire et leur emploi, pendant que leurs remplaçants, moins bien rémunérés et aux conditions de travail dégradées, attendaient sur le quai pour monter à bord.
C’est donc peu dire que le texte dont nous débattons aujourd’hui, qui vise à lutter contre le dumping social sur le transmanche, est attendu dans le secteur du transport maritime par les armateurs, par les syndicats du secteur et par les gens de mer eux-mêmes.
La concurrence déloyale exercée par les compagnies utilisant une main-d’œuvre à bas coût ne laisse en réalité que l’alternative suivante aux opérateurs historiques : disparaître ou adopter le nouveau modèle. Cela implique d’en finir avec le pavillon français, pas assez compétitif, dans le transmanche.
Pour compléter le propos de Mme Procaccia, rapporteur au fond, dont je salue le travail sur un sujet qu’elle ne connaissait pas, j’insisterai sur deux raisons, bien éloignées des préoccupations protectionnistes ou anticoncurrentielles, qui justifient d’empêcher cette situation.
La première est un enjeu de sécurité des navigations. Sur le transmanche, les navires réalisent des manœuvres d’accostage jusqu’à dix fois par jour et traversent la mer perpendiculairement aux principales routes de circulation, dans ce qui est le deuxième détroit le plus fréquenté au monde.
Ce rythme extrêmement intense se traduit chez tous les gens de mer, et pas seulement les officiers, par des journées de travail de seize heures, voire plus, et par une très forte fatigue à mesure que le temps à bord s’allonge. C’est pourquoi, historiquement, sur cette zone, les gens de mer alternent entre une ou deux semaines à bord et une ou deux semaines de repos à terre.
Les compagnies qui ont choisi le modèle low cost emploient des gens de mer qui peuvent rester six semaines à bord, le nombre de dix-sept semaines ayant même été évoqué. Ils passent systématiquement au moins les deux tiers de l’année en mer.
Or la parité entre durée à terre et temps en mer et la limitation du temps à bord sont des éléments clés pour la sécurité des navigations. L’épuisement du personnel multiplie le risque d’incidents à bord. Surtout, en cas d’incident, chacun à bord, de l’agent d’accueil des passagers aux officiers, a un rôle défini à jouer. Comment bien remplir ce rôle alors que l’on a accumulé la fatigue durant des semaines ? Doit-on attendre un drame humain ou une pollution grave pour légiférer et garantir la sécurité des navigations ? La réponse est non !
La seconde raison est un enjeu de souveraineté.
Les navires de la marine marchande sous pavillon français sont fréquemment mobilisés lors des opérations militaires françaises à l’étranger. Lors de l’intervention de la France au Koweït, deux navires de Brittany Ferries, le Coutances et le Quiberon, ont convoyé des troupes et du matériel français sur place. Chaque année, des navires de Brittany Ferries sont mobilisés lors des exercices de contre-terrorisme maritime Armor.
Il est donc essentiel pour notre souveraineté d’éviter la disparition d’un pan entier de notre marine marchande, alors que la guerre est de retour sur le sol européen et que les tensions géopolitiques croissent partout sur la planète, notamment dans l’Indopacifique.
Ce texte répond avec efficacité à une situation d’urgence. C’est pourquoi, dans mon rapport pour avis, j’ai proposé une adoption conforme du texte issu de l’Assemblée nationale. Cette solution me semblait opportune, car, la procédure accélérée n’ayant pas été déclarée, la durée de la navette parlementaire pourrait ne pas laisser assez de temps au Gouvernement pour prendre avant le mois de janvier 2024 les décrets auxquels l’application de la loi est suspendue.
Telle n’est pas l’option retenue par la commission des affaires sociales. Cependant, je me félicite que mes collègues n’aient pas apporté de modifications substantielles au texte sur le volet concernant le transmanche.
J’espère, donc, monsieur le secrétaire d’État, que la navette pourra se poursuivre le plus rapidement possible. Je me réjouis à cet égard que l’examen du texte figure dans le décret portant convocation du Parlement en session extraordinaire. Le dispositif devra en effet être mis en œuvre au début de l’année 2024, en même temps que celui qu’ont déjà adopté nos voisins britanniques. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI. – Mmes Françoise Gatel et Colette Mélot applaudissent également.)
M. le président. La parole est à Mme Mélanie Vogel. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)
Mme Mélanie Vogel. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, le 8 décembre 2022 au petit matin, le capitaine Michael Michieli embarque à bord de son bateau de pêche, accompagné de deux matelots, au port de l’île de Jersey. En parallèle, le ferry Commodore Goodwill est en route de Guernesey à Jersey. Le bâtiment, long de 126 mètres, bat pavillon des Bahamas, mais effectue des liaisons régulières entre les îles anglo-normandes, le Royaume-Uni et la France.
Ce 8 décembre, le ferry, dont l’équipage compte 24 personnes, transporte des camions et cinq passagers. Le vent vient du nord, il fait 4 degrés Celsius. Soudain, vers cinq heures trente, le capitaine actionne la corne de brume, cinq fois. Il annonce ensuite par haut-parleur : « Ceci n’est pas un exercice ». Quelques instants après, le ferry heurte le bateau de pêche, qui coule instantanément.
Aucune trace des membres de l’équipage du chalutier n’est visible. Pendant des heures, des hélicoptères et des avions de la sécurité civile et de la marine nationale cherchent le capitaine et ses deux matelots, en vain. Ce n’est que la semaine suivante que l’on retrouve les corps des deux matelots au fond de la mer. Le corps du capitaine, lui, n’est retrouvé que le 26 avril.
Nous attendons toujours les conclusions définitives de l’enquête, mais il est évident que ce naufrage n’est pas un incident isolé. Le risque de collision en mer est bien réel, surtout dans la Manche, deuxième route maritime au monde. En effet, 25 % du trafic maritime mondial traverse ce détroit. À cela s’ajoutent les bateaux de pêche : pour le seul côté, français, on en compte 302.
Le risque est encore plus grand quand les membres d’équipage, sous-payés, sont épuisés.
Employeurs et armateurs s’ingénient à réduire toujours plus les coûts de la main-d’œuvre : des marins et marines, des agents d’escale, des matelots, des chefs de quart, et j’en passe.
En mars 2022, cela a été rappelé, P&O Ferries a licencié 786 employés en quatre minutes en leur ordonnant dans un message vidéo de quitter le navire dans la demi-heure. Sur le quai attendaient leurs remplaçants, des intérimaires venus du monde entier, recrutés par l’intermédiaire d’une société prestataire de main-d’œuvre, payés deux fois moins que le salaire minimum sur les deux rives, française et britannique, et travaillant à des rythmes intenses et dangereux.
Et ce n’est que la partie émergée de l’iceberg. En effet, les syndicats estiment que Brittany Ferries a supprimé 250 postes en CDI, pour les laisser vacants ou pour les remplacer par des intérimaires, toujours au nom de la recherche du profit.
Ce dumping social, dont les conséquences sont néfastes et dangereuses, est évidemment inacceptable.
D’une part, les conditions de travail se dégradent massivement. Leurs salaires ne leur suffisant plus, et parce qu’ils ne bénéficient d’aucune protection juridique, les employés travaillent des mois pour un salaire de misère afin d’échapper à une misère plus grande encore.
D’autre part, le remplacement des employés expérimentés par des intérimaires et des prestataires corvéables à merci est dangereux. Quand vous ne connaissez pas le navire sur lequel vous travaillez pendant seulement quelques semaines, le risque d’un incident est beaucoup plus grand.
Il est donc grand temps de mettre fin à cette dangereuse course vers le moins-disant social.
Le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires se félicite que cette proposition de loi introduise un salaire minimum sur les ferries et un minimum de temps de repos pour les gens de mer, soit une journée de repos par journée en mer.
Madame le rapporteure, je tiens à vous remercier de votre travail, et plus particulièrement de votre amendement adopté en commission visant à préciser que le décret d’application sur la durée de repos doit garantir la sécurité et permettre de lutter contre la pollution maritime.
Cependant, le dumping social touche tous les aspects de l’organisation du travail, et pas seulement la rémunération et le temps de repos. Ce n’est pas pour rien que le code du travail français va bien au-delà de ces deux aspects. C’est pourquoi cette proposition de loi doit, selon nous, être complétée par l’instauration d’autres minima sociaux. C’est seulement en garantissant un ensemble complet de droits sociaux aux travailleurs et travailleuses que nous pourrons réellement mettre fin au dumping social.
Par ailleurs, à en juger par l’intervention M. le secrétaire d’État, nous allons avoir cet après-midi de riches discussions sur le champ d’application des différentes dispositions de cette proposition de loi, du fait notamment des rédactions retenues par l’Assemblée nationale, mais aussi sur l’intitulé du texte, qui ne correspond pas au fond, ce qui a pu entraîner des confusions.
Pour les écologistes, la lutte contre le dumping social doit évidemment être la plus large possible et s’appliquer au maximum de situations, même si d’éventuels effets de bord doivent aussi être contrôlés.
Nous attendons donc un certain nombre de clarifications de la part du Gouvernement, notamment sur les décrets d’application et sur le champ d’application de chacun des articles, lesquels ont provoqué des migraines chez nombre d’entre nous.
Enfin, monsieur le secrétaire d’État, nous regrettons que la proposition de loi qui nous est aujourd’hui soumise ne soit pas assortie d’une étude d’impact et d’un avis du Conseil d’État, contrairement au texte de nos collègues britanniques. Cela aurait rendu la proposition de loi plus lisible et nous aurait permis de mieux apprécier ses dispositions.
Cela étant, quel que soit son point d’atterrissage, ce texte constituera une avancée sociale. Aussi, nous le soutiendrons. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)
M. le président. La parole est à M. Bernard Buis.
M. Bernard Buis. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, cette proposition de loi, déposée par le député Didier Le Gac, vise à lutter contre le dumping social pratiqué par certains armateurs étrangers en refusant les pratiques concurrentielles déloyales dans les eaux françaises.
Ce texte fait écho au licenciement brutal, en mars 2022, de 786 marins de la compagnie britannique P&O Ferries, sans préavis, par visioconférence, et à leur remplacement par des marins non européens, de diverses nationalités, majoritairement des Philippins. Les navires de la compagnie, initialement sous pavillon britannique, étaient passés sous pavillon chypriote. L’objectif de la compagnie était bien de réduire ses coûts en augmentant le temps de travail, en diminuant les temps de repos et en abaissant le salaire horaire des marins.
Les compagnies françaises font face à une concurrence déloyale très brutale, notamment sur les liaisons maritimes entre la France et l’Angleterre.
Le transport transmanche s’effectue dans un couloir de navigation parmi les plus empruntés au monde, dans lequel on dénombre plus de 700 passages de navires par jour. Les deux compagnies Irish Ferries et P&O Ferries concentrent aujourd’hui 30 % du marché transmanche.
Le Brexit est venu accroître le risque de généralisation du dumping social en sortant les relations maritimes entre les ports français et le Royaume-Uni du cadre réglementaire européen, notamment des règles de protection des travailleurs mobiles internationaux.
Ainsi, la proposition de loi que nous examinons tend à restaurer la justice sociale en renforçant la protection des marins, mise à mal par la concurrence de compagnies se livrant à des pratiques commerciales déloyales.
Pour ce faire, il est proposé d’imposer l’application du salaire minimum français aux équipages de toutes les compagnies maritimes, quel que soit leur pavillon, assurant des liaisons régulières internationales de passagers touchant un port français.
Il est également proposé de mettre en place une durée de repos à terre au moins équivalente à la durée d’embarquement des marins, afin d’assurer la sécurité de la navigation et de lutter contre les pollutions marines.
Enfin, la fourniture, par les marins résidant à l’étranger, d’un certificat d’aptitude médicale à la navigation répondant aux exigences minimales fixées à l’échelon international est également prévue.
À l’Assemblée nationale, les députés ont souhaité profiter de ce véhicule législatif pour lutter contre le dumping social sur toutes les façades maritimes et dans toutes les activités en reprenant le dispositif de l’État d’accueil, qui impose les mêmes règles en matière de droit du travail et de salaire aux navires transportant des voyageurs entre deux ports français et aux navires qui travaillent dans les eaux françaises.
Ils ont ainsi ajouté deux articles dans le texte.
L’article 1er bis visait à renforcer les sanctions pénales en cas de non-respect des conditions sociales minimales françaises sur les navires étrangers assurant la liaison entre la Corse et le continent, sur les navires de travaux, de service et d’exploitation des éoliennes en mer et sur les yachts battant pavillon autre que français.
L’article 1er ter prévoyait des sanctions administratives pour permettre à l’administration de sanctionner plus facilement le manquement des employeurs et des armateurs à ces obligations sociales.
Nous regrettons que ces deux articles visant à sécuriser le dispositif de l’État d’accueil aient été supprimés par la commission des affaires sociales du Sénat. C’est la raison pour laquelle nous proposerons de les rétablir afin de permettre l’extension du champ d’application du texte au-delà du transmanche. Nous souhaitons ainsi renforcer nos moyens de lutte contre les compagnies qui viennent fausser le jeu de la concurrence en ne respectant pas les conditions salariales minimales des marins.
Nous attendons de connaître le sort qui sera réservé à l’amendement du Gouvernement visant à modifier les dispositions initiales du texte, mais notre groupe votera bien sûr cette proposition de loi. Nous espérons par ailleurs que la navette parlementaire aboutira le plus rapidement possible afin de répondre aux attentes très fortes du secteur. Il s’agit de faire en sorte que la loi puisse entrer en vigueur si possible dès le mois de janvier 2024, car il y a urgence ! (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Luc Fichet. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
M. Jean-Luc Fichet. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, nous sommes réunis aujourd’hui au Sénat pour examiner la proposition de loi visant à lutter contre le dumping social sur le transmanche et à renforcer la sécurité du transport maritime, l’intitulé du texte ayant été complété à la suite de l’adoption de l’amendement de notre rapporteur, dont je salue la qualité du travail.
Cette proposition de loi est la réponse aux agissements scandaleux de la compagnie P&O Ferries, dont les navires battent pavillon chypriote : le 17 mars 2022, elle a licencié 786 marins britanniques sans préavis ni la moindre consultation des organisations syndicales. Dans la foulée, cette compagnie a embauché des salariés venant de pays où la main-d’œuvre est à bas coût et où le droit du travail et le salaire minimum britannique ne sont pas respectés.
Face à cette situation intolérable, les acteurs français de la liaison transmanche et les élus ont lancé un appel, le 5 novembre 2022, à Saint-Malo, pour demander collectivement d’agir contre le dumping social. Cette initiative a été relayée par l’ensemble des parlementaires bretons, qui vous ont alerté dans un courrier commun, monsieur le secrétaire d’État.
Le trafic maritime transmanche représente la zone de navigation la plus dense d’Europe : un camion fait la traversée par bateau toutes les cinq secondes ; un navire y entre et en sort toutes les trois minutes ; 91 000 personnes la traversent quotidiennement.
La bonne nouvelle, c’est que le besoin de légiférer est partagé des deux côtés de la Manche. En effet, un projet de loi de même nature doit être adopté du côté britannique. J’insiste par ailleurs sur le fait que les scandaleux licenciements de marins le 17 mars 2022 ont été rendus possibles par le Brexit.
Cette proposition de loi vise donc à protéger tous les marins et à imposer le versement du salaire minimum français aux équipages de toutes les compagnies maritimes, peu importe leur pavillon, dès lors qu’elles assurent des liaisons régulières internationales de passagers touchant un port français. Les lignes concernées seront définies par décret.
La proposition de loi impose également une durée de repos à terre au moins équivalente à la durée d’embarquement des marins afin d’assurer la sécurité de la navigation et de lutter contre les pollutions marines. La durée maximale d’embarquement sera également déterminée par décret.
Je serai donc très attentif, monsieur le secrétaire d’État, à la rédaction de ces décrets, qui doivent répondre aux attentes des différents acteurs.
Je suis par ailleurs très conscient du caractère contraint de cette proposition de loi. Nous devons veiller à ce qu’elle ne soit pas considérée comme contraire à la Constitution ou au droit de l’Union européenne.
Il faut sécuriser le dispositif en veillant, en particulier, à la stricte proportionnalité des sanctions prévues en cas de manquement à ces obligations. De plus, il ne faut pas brouiller notre message commun de lutte contre le dumping social sur le transmanche en introduisant des mesures sans rapport avec l’objet du texte.
Il est urgent de tordre le cou à la concurrence déloyale que nous connaissons aujourd’hui et que l’on peut assimiler à une forme d’esclavage dans le milieu marin.
Notre groupe est également favorable à l’alignement des sanctions pénales prévues en cas de non-conformité des certificats d’aptitude médicale étrangers, ainsi qu’à l’adoption de l’amendement de notre rapporteur, qui vise à étendre cette disposition aux gens de mer autres que les marins.
Si nous sommes favorables à ce texte, nous serons toutefois vigilants sur un certain nombre de points, tout d’abord, je l’ai déjà dit, à la rédaction des décrets, instruits que nous sommes sur la propension du Gouvernement à passer en force sans dialogue ni écoute.
Nous serons ensuite attentifs à l’évolution de la législation du côté britannique. Un texte a certes été voté par le Parlement britannique le 28 mars dernier, mais il n’entrera pleinement en vigueur qu’après l’adoption de dispositions réglementaires au début de l’année 2024.
Cette proposition de loi est un appel à la responsabilité et à la mobilisation partout en Europe pour lutter contre le dumping social dans le domaine maritime. Que compte faire le gouvernement français, monsieur le secrétaire d’État, pour promouvoir cette législation ?
Tout en restant très vigilants sur ces différents points, nous voterons bien sûr ce texte visant à lutter contre le dumping social sur le transmanche et à renforcer la sécurité du transport maritime. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
M. le président. La parole est à Mme Cathy Apourceau-Poly.
Mme Cathy Apourceau-Poly. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, je commencerai mon intervention en ayant une pensée pour les soixante-dix-huit morts et les centaines de disparus lors du naufrage d’un navire la semaine dernière au large du Péloponnèse, ainsi que pour les migrants qui meurent chaque mois dans la Manche.
Ces drames doivent nous conduire à renforcer les sanctions internationales contre les passeurs, qui profitent de la détresse au mépris des vies humaines.
La proposition de loi qui nous est aujourd’hui soumise vise à lutter contre le dumping social sur le transmanche. L’objectif est de fixer des normes minimales de travail pour les marins des navires en activité dans le transmanche afin de lutter contre la concurrence des compagnies maritimes qui tirent les droits sociaux vers le bas. Cette concurrence affecte nos compagnies qui opèrent sur les lignes au départ de Bretagne, de Normandie, des Hauts-de-France, ainsi que l’activité du port sec de Calais-Eurotunnel.
Le transport maritime fait l’objet depuis de nombreuses années d’un dumping social massif, y compris sous l’égide de l’Union européenne, dont le principe de concurrence libre et non faussée a brisé beaucoup de normes et même remis en cause la continuité territoriale et les liaisons intérieures.
Les compagnies les moins regardantes socialement ont vu dans le Brexit l’occasion de développer des stratégies commerciales agressives, afin de s’imposer sur le marché du cabotage entre le continent et les côtes britanniques. Elles ont cassé les prix et appliqué les droits sociaux les plus réduits possible en ayant recours au pavillon chypriote.
Le point de départ de cette proposition de loi est le licenciement de 786 marins le 17 mars 2022 par la société P&O Ferries, au cours d’une visioconférence de trois minutes, et leur remplacement par des personnels issus de pays extraeuropéens à faible coût de main-d’œuvre.
À 6 dollars de l’heure, le groupe propose un salaire inférieur de moitié au minimum français ou britannique, alors que les rythmes de travail sont particulièrement intenses.
La rotation des équipages est un puissant élément de réduction des coûts de la main-d’œuvre. Chez P&O Ferries, les contrats de travail temporaires prévoient jusqu’à 17 semaines consécutives passées à bord des navires et 82 heures de travail hebdomadaire pour les personnels d’exécution. En outre, ils n’intègrent pas les repos compensateurs et les congés payés.
Cette situation n’est pas complètement nouvelle, puisqu’en 2014, déjà, mon collègue Éric Bocquet avait rédigé un rapport d’information, Le droit en soute : le dumping social dans les transports européens, dans lequel il mettait en garde contre les conséquences du dumping social dans le transport maritime et recommandait d’appliquer le critère de rattachement au droit du pays du port dans lequel les gens de mer exercent régulièrement leur activité.
Le 31 janvier 2023, nos collègues députés communistes Sébastien Jumel et Jean-Paul Lecoq ont déposé une proposition de loi visant à lutter contre le dumping social dans le cabotage maritime transmanche, qui allait plus loin que le texte proposé par le groupe Renaissance.
Ce dernier constitue néanmoins un progrès pour les marins en fixant l’obligation de verser un salaire minimum équivalent au Smic français et en prévoyant une organisation du travail fondée sur l’équivalence entre la durée d’embarquement et le temps de repos à terre.
Cette proposition de loi va dans le bon sens, mais elle reste au milieu du gué. En effet, elle ne prend pas en compte les rythmes de travail, élément essentiel à la sécurité en mer.
Le groupe communiste républicain citoyen et écologiste votera néanmoins ce texte. Nous pensons en effet qu’il y a véritablement urgence. Cette proposition de loi ne réglera pas l’ensemble des problèmes et il nous reste beaucoup à faire pour lutter efficacement contre le dumping social, mais il s’agit d’un premier pas. Monsieur le secrétaire d’État, faites en sorte qu’un véritable travail soit engagé pour aller encore plus loin. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE. – Mme Mélanie Vogel et M. Joël Bigot applaudissent également.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Marie Vanlerenberghe. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
M. Jean-Marie Vanlerenberghe. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la Manche est l’une des mers les plus fréquentées au monde. Quatre ans après le Brexit, elle est au cœur de la relation franco-britannique. Le trafic de passagers et de fret représente en effet une activité importante pour les ports de nos deux pays.
Jusqu’à récemment, le transport transmanche était caractérisé par la bonne qualité des relations entre les principaux concurrents du marché, des compagnies françaises et anglo-saxonnes pour l’essentiel. Cet équilibre garantissait des conditions de travail décentes pour les marins et une sécurité accrue pour les passagers, dans un contexte de trafic dense, où la formation des travailleurs de la mer se doit d’être optimale pour éviter les accidents.
Les choses ont commencé à changer au printemps 2021, lorsque le transporteur irlandais Irish Ferries s’est mis à lancer des traversées France-Angleterre low cost sous pavillon chypriote, en payant ses marins au rabais pour des semaines de travail à rallonge. La compagnie anglaise P&O Ferries lui a emboîté le pas, jusqu’à licencier brutalement, en mars 2022, près de 800 marins britanniques. Grâce au pavillon chypriote, P&O Ferries a ensuite remplacé ces marins par des salariés colombiens et des intérimaires bien moins rémunérés.
Ces pratiques, qui peuvent à juste titre être qualifiées de dumping social, sont une forme de concurrence déloyale nuisant à la compétitivité des transporteurs français sur le marché transmanche. Elles menacent les conditions de travail et les droits sociaux des marins de nos deux pays et, en soumettant les gens de mer les moins qualifiés à des cadences de travail déraisonnables, comme cela a été rappelé, elles multiplient les risques d’accident et de catastrophe écologique.
Or ces abus sont rendus possibles par l’insuffisance du droit en vigueur, qui soumet les navires non pas au droit du travail des pays dans les eaux desquels ils naviguent, mais plutôt à celui, moins protecteur, du pays dont ils battent pavillon.
La présente proposition de loi est donc bienvenue, d’autant qu’elle fait écho à un texte similaire déjà adopté par le Parlement britannique et promulgué le 28 mars dernier. Il était en effet nécessaire que nos pays coordonnent leurs efforts pour proposer un cadre commun qui limite les risques d’insécurité juridique pour les marins et les entreprises de transport transmanche.
L’objet du présent texte est ainsi d’appliquer les garanties essentielles des droits du travail français et britannique, au premier chef le salaire minimum, aux équipages de toutes les compagnies maritimes, quel que soit leur pavillon, effectuant des liaisons régulières de passagers touchant un port français. Je remercie les rapporteures, Catherine Procaccia et Nadège Havet, d’avoir éclairci les dispositions de cette proposition de loi et d’en avoir enrichi le contenu en commission.
Grâce au travail du Sénat, la sécurité de la navigation et la lutte contre les pollutions marines seront mieux prises en compte pour déterminer la durée maximale d’embarquement des marins, et donc leur durée minimale de repos à terre. Non seulement les marins, mais aussi tous les gens de mer, qu’ils soient mécaniciens, cuisiniers, hôtes ou hôtesses de bord, devront disposer d’un certificat d’aptitude médical valide garantissant la plus grande sécurité des passagers.
Avec les membres du groupe Union Centriste, je soutiens l’adoption de la présente proposition de loi, qui permettra de rétablir un juste équilibre entre concurrence et protection des droits des travailleurs sur le trafic transmanche. Il n’est pas tolérable que des entreprises dictent aux États le droit du travail s’appliquant dans leurs propres eaux territoriales.
Restera ensuite au Gouvernement le soin de préciser le cadre d’application de la loi, et notamment les lignes de trafic concernées par ses dispositions. En l’état, le texte prévoit que ces lignes seront déterminées « selon des critères d’exploitation, notamment la fréquence de touchée d’un port français par un navire, fixés par décret en Conseil d’État ». Il pourrait être judicieux, monsieur le secrétaire d’État, que la fréquence de touchée soit alignée sur celle qui est prévue par la loi britannique adoptée en mars, à savoir un minimum de cent vingt touchées par an.
Pour respecter la volonté du législateur, il conviendra également de faire en sorte que ce texte s’applique en priorité au transmanche, et avec discernement aux autres mers ou océans. Je pense en particulier à l’article 1er ter, que le Gouvernement semble vouloir rétablir.
Enfin, un travail de coordination avec le Gouvernement britannique s’imposera pour préciser lequel, du salaire minimum français ou britannique, s’imposera aux transporteurs. Bien que les différences entre les deux salaires soient faibles, évitons de plonger les compagnies dans l’incertitude et limitons les pratiques d’optimisation sociale susceptibles d’en découler.
Au bénéfice de ces observations, mon groupe votera ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe UC. – Mme Colette Mélot applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Christian Bilhac. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)
M. Christian Bilhac. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, le texte qui nous arrive de l’Assemblée nationale vise à répondre à la dégradation des conditions de travail des marins embarqués sur les ferries des liaisons maritimes transmanche et, dans un même élan, de limiter la concurrence déloyale exercée par les armateurs étrangers.
Il oppose aux compagnies qui ne respecteraient pas les dispositions votées un double régime de sanctions, à la fois pénales et administratives, en s’appuyant sur un outil méconnu du droit européen : la loi de police.
Les gens de mer connaissent des conditions de travail et de rémunération très différentes selon le droit en vigueur du pavillon dont relève le navire sur lequel ils naviguent ou encore suivant le pays choisi en référence dans le contrat de travail signé avec la compagnie qui les emploie. Le droit du travail en la matière se limite à une simple recommandation de l’Organisation internationale du travail (OIT) de fixer à 658 dollars américains le salaire minimum mensuel pour les marins.
Ainsi, la flotte sous pavillon français est confrontée à la concurrence déloyale des compagnies maritimes sous pavillon de complaisance.
En 2021, l’arrivée de la compagnie Irish Ferries sur le marché a provoqué un séisme. Battant pavillon chypriote, elle a embauché des personnels à moindre coût. Ses concurrents se sont alignés et, en 2022, la société P&O Ferries, passée elle aussi sous pavillon chypriote, a licencié 786 salariés pour recruter des marins essentiellement philippins, à des conditions sociales tirées vers le bas, entraînant tout le secteur : salaires inférieurs de 60 % aux salaires français, coûts de production inférieurs de 35 % à ceux des bateaux français, durée d’embarquement très supérieure à la durée du repos.
Pour les navires sous pavillon d’un État membre de l’Union européenne, le droit européen donne aux États membres la possibilité de voter des lois de police valables quelles que soient les lois nationales applicables au contrat de travail individuel. L’État côtier peut alors refuser au bateau ne respectant pas cette loi de police l’accès à ses eaux.
Cette dérogation aux règles de la libre prestation de services est ainsi énoncée : « Une loi de police est une disposition impérative dont le respect est jugé crucial par un pays pour la sauvegarde de ses intérêts publics, tels que son organisation politique, sociale ou économique, au point d’en exiger l’application à toute situation entrant dans son champ d’application, quelle que soit par ailleurs la loi applicable au contrat ».
Aussi, la proposition de loi prévoit le versement d’un salaire minimum horaire de branche, applicable en France, ainsi qu’une parité entre temps de repos à terre et durée d’embarquement.
Saisie sur le fond, la commission des affaires sociales a limité les risques qu’une juridiction considère les sanctions prévues non conformes au droit de l’Union européenne. Quant à la commission des affaires économiques, son avis est favorable, malgré quelques réserves mineures.
Un décret en Conseil d’État devra préciser quelles lignes internationales seront concernées par la loi. Il devra, en tout état de cause, entrer en vigueur avant janvier 2024, date à laquelle une loi britannique similaire entrera en application.
La peine d’interdiction d’accoster dans un port français pour tous les navires de la flotte d’une compagnie, en cas de troisième infraction constatée, a été supprimée en commission. Il est vrai qu’elle était manifestement disproportionnée. On connaît les pratiques des armateurs en matière de volatilité des pavillons de leurs navires…
Je m’interroge aussi sur le caractère suffisamment dissuasif du montant des amendes prévues.
Enfin, le groupe du RDSE propose de réintroduire les articles 1er bis et 1er ter sur le dispositif de l’État d’accueil ; nous espérons que nous serons suivis. Le doublement des sanctions pénales et la création de sanctions administratives permettront de réprimer les manquements en matière de droit du travail maritime, de droit social, mais aussi les actions mettant en péril la sécurité maritime.
Si le texte ne visait initialement que le transmanche, les travaux de l’Assemblée nationale avaient permis d’étendre son champ d’application, afin de renforcer nos moyens de lutte et d’action contre tous ceux qui viennent fausser le jeu de la concurrence sur le dos des marins. Ce texte doit nous permettre de refuser des pratiques déloyales partout dans les eaux françaises et de préserver le pavillon français, très respectueux des droits sociaux.
C’est dans cet esprit que le groupe du RDSE votera ce texte, protecteur du bien-être des gens de mer. (M. Jean-Claude Requier et Mme Colette Mélot applaudissent.)
M. le président. La parole est à Mme Agnès Canayer. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Agnès Canayer. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, la Manche est une mer hyperfréquentée, près de 17 millions de voyageurs embarquant ou débarquant de France.
Le Brexit a ravivé cette frontière naturelle de la France. Il a aussi souligné l’importance d’une coordination européenne dans la gestion des flux, des marchandises et des personnes qui la traversent.
Or, depuis près de deux années, rien ne va plus. Un dumping social s’installe à nos portes, déstabilisant un secteur générateur d’emplois de chaque côté de la Manche.
L’exemple le plus frappant aura été le licenciement, par surprise et à distance, de près de 800 marins par la compagnie P&O Ferries le 17 mars 2022. L’armateur britannique les a remplacés par des marins extraeuropéens, à moindre coût, par souci de rentabilité.
Aujourd’hui, le droit international ne prévoit aucune obligation en matière salariale. L’Organisation internationale du travail n’a émis qu’une recommandation pour que le salaire minimum mensuel des marins soit fixé à 658 dollars américains.
Cependant, les navires battant pavillon français sont tenus, eux, de respecter le droit du travail français, sous réserve des adaptations prévues par le code des transports pour les gens de mer.
Selon Armateurs de France, les compagnies P&O Ferries et Irish Ferries utilisent un modèle social moins-disant, en faisant appel à des sociétés de placement de gens de mer pour leurs navires sous pavillon chypriote et en employant un personnel très faiblement rémunéré. On estime que la différence entre armateurs français et britanniques en matière de charges salariales peut aller jusqu’à 80 %.
Les écarts du coût du transport de passagers entre les navires sous pavillons français et les navires sous pavillon chypriote s’établissent à 35 %, selon l’excellent travail de notre rapporteur, Catherine Procaccia.
La situation actuelle est inacceptable. Cette concurrence déloyale suscite des inquiétudes chez nos armateurs, notamment au sein de la Brittany Ferries, actrice incontournable des liaisons transmanche, qui ne peut rivaliser avec ces conditions d’emplois.
Le trafic transmanche est une préoccupation majeure pour le département de la Seine-Maritime, qui a investi massivement pour assurer la liaison entre la France et le Royaume-Uni. Le département a largement soutenu la ligne transmanche Dieppe-Newhaven, cordon ombilical majeur avec la Grande-Bretagne.
Depuis le 1er janvier 2018, son exploitation a été déléguée à DFDS par le Syndicat mixte de promotion de l’activité transmanche (SMPAT), dont le département est le principal financeur.
Mais l’équilibre financier précaire a été fragilisé par la crise sanitaire. Pour faire face aux difficultés rencontrées par les lignes transmanche lors de la crise du covid-19, auxquelles s’ajoutent les problématiques du dumping social, il a notamment été décidé de rembourser l’intégralité des cotisations salariales aux compagnies de ferries battant pavillon français exerçant sur des lignes internationales.
Le 1er janvier 2023, la délégation de service public (DSP) en Seine-Maritime a été renouvelée et réattribuée à DFDS. Malheureusement, la gestion en DSP de la ligne Dieppe-Newhaven l’exclut de ces aides dites net wage, pourtant prolongées de trois années supplémentaires lors du Fontenoy du maritime du 18 mars 2021.
Je regrette que ce sujet d’importance ne soit pas abordé dans cette proposition de loi, tant cette différence de traitement peut être préjudiciable pour les futurs choix de gestion publique, notamment pour le département de la Seine-Maritime.
Préserver les emplois français, protéger nos marins, assurer un haut niveau de sécurité pour les passagers, les équipages et le trafic : telle est notre boussole.
La Manche est un espace vital pour la France. Tout ce qui s’y passe l’intéresse, tant cela peut influencer sa stabilité, sa sécurité et sa tranquillité.
Je félicite la commission des affaires sociales, notamment sa rapporteure Catherine Procaccia, pour son excellent travail de précision afin que le personnel embarqué sur les navires de passagers soit rémunéré au niveau du salaire minimum français et qu’il bénéficie d’un temps de repos acceptable.
La volonté de sécurisation d’un dispositif de stricte proportionnalité des sanctions prévues en cas de manquement aux obligations est aussi la bienvenue, même si le champ d’application reste en débat et constitue un véritable enjeu.
C’est pourquoi le groupe Les Républicains votera cette proposition de loi, qui vise à rétablir la justice pour nos marins, lesquels méritent de gagner honnêtement leur vie pour un travail bien fait. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. Yves Détraigne applaudit également.)
M. le président. La parole est à Mme Colette Mélot. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
Mme Colette Mélot. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, 800 personnes licenciées sans préavis et autant de familles mises en difficulté : telles peuvent être les conséquences du dumping social.
En mars 2022, P&O Ferries annonçait licencier 786 marins britanniques pour les remplacer par des marins extracommunautaires afin de réduire les coûts liés à leur masse salariale.
En matière de transport maritime de passagers entre deux pays, le droit applicable est régi par le droit international et le droit européen, qui permettent tous deux la pratique du dumping social. Les armateurs ont en effet la liberté de choisir le pavillon de leur navire, à condition de respecter les règles établies par l’État du pavillon choisi.
Le droit du travail applicable aux employés du navire étant laissé au libre choix des parties, il peut s’agir du droit de n’importe quel État, dans la mesure où les conditions de l’État du pavillon l’autorisent.
Il est donc fort tentant, pour les compagnies maritimes qui souhaiteraient diminuer leurs charges et proposer ainsi des tarifs compétitifs, de choisir leur pavillon et le droit social applicable dans un État proposant une réglementation peu avantageuse pour les salariés. Certaines compagnies opérant des liaisons transmanche ne se privent d’ailleurs pas de cette opportunité, et trois des cinq compagnies concernées ont choisi d’établir leur pavillon à Chypre ou aux Bahamas.
Les victimes du dumping social sont évidemment les salariés évincés des pays dont les ports sont exploités par ces compagnies, mais aussi les salariés employés sur ces navires, dont les conditions de travail sont bien souvent largement contestables, la rémunération très faible et les durées d’embarquement bien supérieures aux temps de repos.
En conséquence, les risques pour la sécurité sont majeurs, qui plus dans l’une des zones les plus fréquentées d’Europe, où l’on compte plus de 130 passages par jour.
Cette concurrence, bien que légale, impose à la France de se doter d’outils de façon à lutter contre ce phénomène. Tel est justement l’objectif de cette proposition de loi, qui prévoit de recourir à une loi de police, seul outil pouvant permettre à la France d’imposer certaines règles en matière de droit du travail applicable aux gens de mer travaillant sur un navire dont le pavillon est étranger.
Les dispositions d’une loi de police, dont le mécanisme a été expliqué par la rapporteure, doivent être proportionnées à l’objectif poursuivi, qu’il nous faudra garder à l’esprit durant l’examen du texte, le but n’étant pas que cette loi finisse par être censurée, car elle ne serait pas conforme au droit de l’Union européenne…
Cette proposition de loi impose plusieurs obligations aux employeurs, dépassant ainsi la loi du pays initialement choisi pour régir ses contrats de travail.
Ainsi, elle prévoit le versement au personnel de bord du salaire minimum de branche applicable en France, mais aussi l’obligation de respecter une durée de repos à terre pour les salariés au moins équivalente à leur durée d’embarquement. Elle instaure un régime de sanctions pénales et administratives en cas de manquement à ces obligations.
Le texte prévoit par ailleurs des sanctions pour l’armateur ou le capitaine d’un navire battant pavillon français qui accepterait à son bord du personnel présentant un certificat médical d’aptitude établi à l’étranger non valide. Nous saluons l’extension en commission de cette mesure, initialement prévue pour les marins, à l’ensemble des gens de mer.
Dans sa version transmise par l’Assemblée nationale, le texte comportait également deux autres articles qui s’inscrivaient dans le cadre du dispositif de l’État d’accueil, dont relèvent les lignes reliant la France continentale et la Corse, mais pas uniquement. Demain, ce dispositif concernera même davantage de façades maritimes, du fait du développement des parcs éoliens en mer.
Ces articles prévoyaient d’aggraver les sanctions pénales existantes en cas de non-respect du salaire minimum, mais aussi de créer des sanctions administratives dans le cadre de ce même dispositif. Ils ont tous deux été supprimés en commission.
Nous entendons les arguments ayant conduit à leur suppression, à savoir, notamment, qu’ils ne concernaient pas le transmanche, objet initial du texte, et qu’il serait d’abord préférable de renforcer les moyens de contrôle. C’est vrai, mais voter des sanctions plus lourdes n’empêcherait nullement de renforcer les moyens de contrôle. En outre, étendre l’objet d’un texte au-delà de sa portée initiale n’a rien d’inédit.
Madame la rapporteure, comme vous l’avez vous-même souligné en commission, cette proposition de loi traite un sujet rarement abordé par celle-ci. Qui sait quand nous aurons l’occasion d’y revenir ?
Dès lors, pourquoi ne pas se saisir de cette proposition de loi pour s’attaquer, au-delà du dumping qui touche le transmanche, à celui qui affecte plus largement notre pays ?
Notre groupe approuve l’état d’esprit de ce texte. (MM. Bernard Buis et Yves Détraigne applaudissent.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Michel Houllegatte. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
M. Jean-Michel Houllegatte. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, la décision de la compagnie maritime P&O Ferries de procéder, en mars 2022, au licenciement de 786 marins britanniques pour les remplacer par des salariés venant de pays à bas coût de main-d’œuvre a provoqué un avis de tempête sur le transmanche.
Celui-ci, depuis quelques années, n’en est pas à son premier coup de tabac. La fin du duty free l’avait obligé à revoir son modèle économique. L’entrée en service du tunnel sous la Manche, en 1994, l’avait fait douter de sa pertinence. Les dispositions de la convention internationale pour la prévention de la pollution par les navires (Marpol) sur la teneur en soufre du fuel-oil utilisé à bord des navires, puis la nécessaire réduction des émissions de CO2, l’ont obligé à revoir la motorisation des navires. Le risque terroriste et le covid-19 ont conduit à canaliser et à sécuriser les flux de passagers et de marchandises. Enfin, le Brexit a complètement reconfiguré les échanges entre le continent, le Royaume-Uni et l’Irlande.
Touchées mais pas coulées, les compagnies transmanche, dont Brittany Ferries, ont su faire face aux aléas, se maintenir à flot et repartir.
Le coup de force de P&O Ferries, qui a utilisé l’arme du dumping social, s’apparente à un acte de piraterie contre le modèle que nous souhaitons construire en Europe.
On le sait, la libre concurrence peut être faussée, d’une part, par le dumping social et, d’autre part, par le dumping environnemental.
Concernant ce dernier, on ne peut que se féliciter des avancées faites par l’Europe, notamment via l’instauration d’une taxe carbone aux frontières de l’Union afin de rétablir, pour certains produits, un équilibre environnemental dans les échanges.
Cette proposition de loi visant à lutter contre le dumping social est un premier point d’ancrage, certes très limité, mais elle est aussi un marqueur et traduit la volonté politique française de promouvoir et de préserver un modèle européen respectueux de son modèle social, qui, au-delà des tenants de l’ultralibéralisme, apporte une protection statutaire aux salariés.
En effet, ne l’oublions pas, la directive sur les travailleurs détachés avait oublié les gens de mer, et l’Europe a, jusque-là, marqué son impuissance face à certains États ayant cédé leur pavillon national dérégulé à des armateurs sans scrupules.
En réglementant les droits des salariés, notamment le temps de repos, cette proposition de loi apporte aussi une garantie sur le plan de la sécurité maritime.
De fait, comme cela a été mentionné, la mer de la Manche est la plus fréquentée du monde. Plus de 350 navires de fort tonnage, souvent chargés de matières dangereuses, circulent chaque jour dans les sens montant et descendant de cette véritable autoroute maritime. Ce flux est cisaillé par les milliers de liaisons annuelles des opérateurs maritimes transmanche.
Enfin, cette mer se caractérise par des flux qui résultent des usages multiples de la mer, issus des activités de pêche ou de plaisance, d’extractions de granulats, de pose de câbles sous-marins ou encore d’implantation de champs d’éoliennes offshore. Cette mer est dangereuse à en juger par les 3 400 interventions annuelles de la préfecture maritime.
C’est donc aussi au regard de la sécurité maritime qu’il convient d’examiner ce texte, que les élus du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, dans leur ensemble, voteront, en veillant à ce qu’un élargissement de son périmètre ne le rende pas caduc ou ne retarde son application, car il y a urgence à agir en mer de Manche. (Applaudissements sur les travées du groupe SER. – Mme Cathy Apourceau-Poly applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Didier Mandelli. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Didier Mandelli. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, il est toujours difficile d’intervenir en fin de discussion générale, l’essentiel ayant été dit par les orateurs précédents.
Je vais toutefois tâcher de vous présenter ma position ainsi que celle de mon groupe, laquelle a d’ores et déjà été exprimée par Agnès Canayer.
En ma qualité de président du groupe d’études Mer et littoral et de rapporteur de la récente loi relative à l’accélération de la production d’énergies renouvelables, qui a traité la question de l’éolien offshore et des sujets que nous abordons aujourd’hui, je suis heureux d’évoquer une proposition de loi qui porte sur un sujet central pour l’avenir du pavillon français et qui vise à répondre de manière urgence au problème du développement de pratiques de concurrence déloyale sur les liaisons internationales de passagers dans la Manche.
Voilà tout juste un an et demi, le Fontenoy du maritime, lancé par le Gouvernement, avait permis de mettre en avant les nombreuses potentialités de la marine marchande française, ainsi que les défis auxquels elle est confrontée aujourd’hui, à commencer par ceux de la compétitivité et de la transition écologique.
Des mesures ont été prises pour soutenir l’emploi maritime, par exemple dans la loi pour l’économie bleue, à l’instar du net wage, que nous avions mis en place pour que les opérateurs de transport maritime international et régulier de passagers puissent être exonérés de charges patronales jusqu’en 2024.
Néanmoins, ces mesures ne suffiront pas à compenser les perturbations induites par les pratiques de dumping social observées depuis deux ans sur la liaison transmanche.
Je rappelle à mon tour que, en 2021, Irish Ferries est entré sur le marché du transmanche avec des navires battant pavillon chypriote répondant à des règles de droit social moins protectrices que celles des pavillons français et britannique, mais aussi que, en mars 2022, la compagnie P&O Ferries a licencié 786 gens de mer britanniques, avec effet immédiat, avant de les remplacer par des employés rémunérés à des niveaux très inférieurs et employés dans des conditions de travail dégradées.
Ces pratiques permettent aux compagnies concernées d’optimiser considérablement leurs coûts salariaux et de pratiquer des baisses de tarifs sensibles, de l’ordre de 35 %.
Si ces pratiques sont légales au regard du principe de libre choix du pavillon, dont les armateurs bénéficient en vertu du droit international, elles n’en sont pas moins préjudiciables, à deux titres.
Premièrement, cette situation risque de dégrader la qualité de service pour les passagers et, de manière plus préoccupante encore, la sécurité maritime sur un détroit qui est l’un des plus fréquentés au monde.
Deuxièmement, ces pratiques, que l’on peut qualifier de déloyales, pèsent lourdement sur les compagnies de ferry françaises et britanniques ayant fait le choix d’appliquer des normes de droit social plus respectueuses des gens de mer, déjà fragilisées par la crise sanitaire et le Brexit. À terme, cette situation risque fort d’affaiblir ce segment pourtant essentiel de la marine marchande française et d’avoir les conséquences néfastes que l’on peut imaginer et qui ont déjà été largement décrites ici pour la compétitivité du pavillon français et pour l’emploi maritime.
Conscient de ces enjeux, le Royaume-Uni s’est également saisi du sujet, en adoptant en mars dernier une loi visant à instituer un salaire minimum sur les liaisons de transport de passagers dans la Manche. Nous pouvons nous en réjouir, car l’adoption de la proposition de loi qui nous est soumise ne saurait porter ses fruits sans une parfaite coordination avec notre voisin britannique.
En effet, en l’absence d’une telle coopération, nous aurions pu craindre un report de trafic vers d’autres ports voisins – en Belgique, par exemple –, au détriment des ports du nord de la France assurant des liaisons avec le Royaume-Uni.
Tel n’a pas été le cas, et je me réjouis que nos deux pays aient pu s’entendre sur des mesures pragmatiques répondant à un intérêt commun.
On l’aura compris, le risque est fort de voir d’autres armateurs contraints de revoir à la baisse leurs normes sociales pour être en mesure de se maintenir sur le marché du transmanche, déjà soumis à une intense pression concurrentielle. Il est de notre responsabilité collective, en tant que parlementaires, d’éviter le développement d’une guerre des prix sur cette liaison maritime. À cet égard, il me semble que le texte qui nous est soumis va dans la bonne direction.
Aussi, je veux remercier Catherine Procaccia, rapporteure de la commission des affaires sociales, ainsi que Nadège Havet, rapporteure pour avis de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable, dont je suis membre, pour le soutien apporté à ce texte et pour l’important travail qu’elles ont conduit dans les négociations, jusqu’à ces dernières minutes. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. Yves Détraigne et Mme Colette Mélot applaudissent également.)
M. le président. La parole est à M. Pascal Allizard. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Pascal Allizard. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, je suis très heureux de retrouver un certain nombre d’entre vous cet après-midi, dans la continuité de la réunion de Saint-Malo qui s’est tenue sur ce sujet en novembre dernier.
Portée par la mondialisation des échanges, l’accélération de la production, notamment chinoise, et l’essor du tourisme, la maritimisation de l’économie est devenue une réalité.
En quelques années, les flux maritimes ont fortement augmenté : même si certaines années sont moins bonnes que d’autres, la tendance est là. Ils devraient continuer à croître sur les principales routes commerciales.
Dès lors, un bilan s’impose.
Je pense d’abord aux conséquences environnementales induites par tous ces mouvements de navires. La décarbonation du transport maritime, la lutte contre les dégazages sauvages, la sécurité des navires et de la navigation ont connu des évolutions, mais restent, je le pense, des enjeux majeurs pour les prochaines années.
Il convient également d’évoquer, et c’est le cœur de notre sujet d’aujourd’hui, les conséquences sociales liées à un besoin de main-d’œuvre et à une compétition acharnée sur les tarifs dans ce secteur.
De nombreux gens de mer ont été recrutés avec des rémunérations et une protection sociale faibles, pour des rythmes de travail élevés, dès lors que le droit international et européen est, en réalité, peu exigeant.
Les armateurs étant libres de leurs choix, la concurrence entre pavillons conduit un certain nombre d’États à n’imposer que peu de contraintes aux navires qui battent leur pavillon.
Ces exigences minimales sont très éloignées des règles applicables en France, puisque les navires battant pavillon français doivent respecter le droit du travail français.
Sur le transmanche, dans une zone parmi les plus fréquentées au monde, la concurrence fait rage et des pratiques déloyales existent.
Pour diminuer les coûts, certaines compagnies exploitent désormais des liaisons avec un équipage international et des effectifs réduits, sous des pavillons moins protecteurs que les pavillons français et britannique. Des centaines de licenciements ont ainsi eu lieu.
Ce faisant, ces compagnies peuvent proposer des tarifs significativement inférieurs à ceux des autres opérateurs, au détriment des gens de mer qu’elles emploient dans des conditions précaires.
Cette économie du transport maritime transmanche est très importante pour les compagnies, les marins et les territoires, comme c’est le cas en Normandie. Les ports normands de Cherbourg, Caen-Ouistreham, Le Havre et Dieppe sont particulièrement concernés, ainsi que mes collègues normands l’ont rappelé.
Depuis l’achat du port du Pirée, en Grèce, par les Chinois et leurs investissements intéressés dans de nombreux ports du monde, les Européens redécouvrent, avec un certain retard, que les ports sont des actifs stratégiques à protéger. Il faut donc préserver l’activité économique de nos ports, déjà distancés par Rotterdam, Anvers ou Hambourg, et la pérennité du pavillon français.
L’affaiblissement des compagnies sous pavillon français, la baisse des normes sociales auraient de lourdes conséquences. J’ajoute que, avec des personnels moins formés, moins reposés, les risques d’accidents et de pollutions marines sont accrus dans cette zone à forte densité de trafic.
Il est utile que la question de la sécurité de la navigation soit prise en compte pour déterminer la durée maximale d’embarquement des personnels.
Dans ces efforts de régulation du transmanche, la coopération avec le Royaume-Uni est essentielle. J’avais d’ailleurs été, en janvier dernier, le rapporteur au Sénat du projet de loi autorisant l’approbation de l’accord entre la France et le Royaume-Uni relatif à la coopération sur les questions de sûreté maritime et portuaire s’agissant spécifiquement des navires à passagers dans la Manche.
La proposition de loi qui nous est aujourd’hui soumise, si elle est adoptée – ce que bien évidemment je souhaite – et mise en œuvre rapidement, permettrait de préserver nos intérêts et ceux des personnels employés sous pavillon français. Comme dans de nombreux autres domaines, nous devons résister au nivellement par le bas et à la concurrence faussée.
L’ubérisation du transport maritime n’est pas une fatalité. Pour l’éviter, défendons notre modèle, comme notre souveraineté. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Hervé Berville, secrétaire d’État. Monsieur le président, mesdames les rapporteures, mesdames, messieurs les sénateurs, je tiens tout d’abord à vous remercier de votre implication et de votre engagement sur ce sujet très complexe, qui doit conjuguer droit maritime, droit européen, enjeux géographiques et urgence à agir. Tout cela n’est pas simple à démêler. Grâce à son travail, la commission est parvenue à apporter des clarifications sur lesquelles nous aurons l’occasion de revenir.
La discussion générale a montré qu’un consensus se dégageait sur trois sujets.
Premièrement, il y a bien urgence à agir. Des marins, des armateurs, des syndicats, nous regardent et attendent que nous les aidions dans la lutte contre le dumping social et la concurrence déloyale qui vont s’accélérant. C’est une véritable course contre la montre qui nous est imposée.
Deuxièmement, vous l’avez à juste titre souligné, mesdames, messieurs les sénateurs, en plus d’être un enjeu important pour le quotidien de nos marins, la lutte contre le dumping social constitue à la fois un enjeu de souveraineté, un enjeu territorial et un enjeu d’équité par rapport à d’autres secteurs. On a vu ce qui s’est passé au Pirée, l’économie maritime est parfois ubérisée.
Troisièmement, au-delà de devoir mettre en place un dispositif spécifique pour le transmanche en raison de la sortie du Royaume-Uni de l’espace européen, il est nécessaire de disposer d’outils complémentaires sur toutes les façades maritimes, notamment du dispositif de l’État d’accueil sur lequel, là aussi, nous reviendrons.
Mesdames, messieurs les sénateurs, je vous remercie d’ores et déjà d’avoir à la fois exposé très clairement les différents enjeux et tiré des lignes de force et de consensus.
M. le président. La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion du texte de la commission.
proposition de loi visant à lutter contre le dumping social sur le transmanche et à renforcer la sécurité du transport maritime
Article 1er
I. – Le livre V de la cinquième partie du code des transports est complété par un titre IX ainsi rédigé :
« TITRE IX
« CONDITIONS SOCIALES APPLICABLES À CERTAINES DESSERTES INTERNATIONALES
« CHAPITRE IER
« Champ d’application
« Art. L. 5591-1. – Le présent titre est applicable aux navires transporteurs de passagers assurant des lignes régulières internationales touchant un port français. Ces lignes sont déterminées selon des critères d’exploitation, notamment la fréquence de touchée d’un port français par un navire, fixés par décret en Conseil d’État.
« Art. L. 5591-2. – (Supprimé)
« CHAPITRE II
« Droits des salariés
« Art. L. 5592-1. – Pour la détermination du salaire minimum horaire, les dispositions légales et les stipulations conventionnelles applicables aux salariés employés sur les navires mentionnés à l’article L. 5591-1 sont celles applicables aux salariés employés par les entreprises de la même branche d’activité établies en France.
« Le présent article ne s’applique que pour les périodes au cours desquelles les navires sont exploités sur les lignes régulières internationales mentionnées au même article L. 5591-1.
« Art. L. 5592-2. – L’organisation du travail applicable aux salariés employés sur les navires mentionnés à l’article L. 5591-1 est fondée sur une durée de repos à terre au moins équivalente à la durée de leur embarquement.
« Un décret en Conseil d’État détermine la durée maximale de l’embarquement, en prenant en compte les critères d’exploitation des lignes concernées, de sécurité de la navigation et de lutte contre les pollutions marines.
« Art. L. 5592-3 (nouveau). – Le présent chapitre est applicable aux contrats de travail des salariés mentionnés aux articles L. 5592-1 et L. 5592-2, quelle que soit la loi applicable à ces contrats, y compris lorsque ces salariés sont mis à disposition par les services privés de recrutement et de placement de gens de mer mentionnés à l’article L. 5546-1-1.
« CHAPITRE III
« Documents obligatoires
« Art. L. 5593-1. – La liste des documents qui sont tenus à la disposition des membres de l’équipage et affichés dans les locaux réservés à l’équipage ainsi que les langues dans lesquelles ces documents doivent être disponibles sont fixées par décret.
« Art. L. 5593-2. – La liste des documents qui sont tenus à la disposition des agents mentionnés à l’article L. 5595-1 et dont ils peuvent prendre copie, quel que soit le support, est fixée par décret.
« CHAPITRE IV
« Sanctions pénales
« Art. L. 5594-1. – Lorsque le navire est dans les eaux intérieures ou dans une installation portuaire située en dehors de ces eaux, est puni d’une amende de 7 500 euros le fait pour l’employeur de verser un salaire minimum horaire inférieur à celui résultant de l’article L. 5592-1. La même peine est applicable à l’armateur du navire à bord duquel est employé le salarié.
« La récidive est punie de six mois d’emprisonnement et de 15 000 euros d’amende.
« Les infractions donnent lieu à autant d’amendes qu’il y a de salariés concernés.
« Art. L. 5594-2. – Lorsque le navire est dans les eaux intérieures ou dans une installation portuaire située en dehors de ces eaux, est puni d’une amende de 7 500 euros le fait pour l’employeur de ne pas respecter les obligations en matière de durée de repos à terre résultant de l’article L. 5592-2. La même peine est applicable à l’armateur du navire à bord duquel est employé le salarié.
« La récidive est punie de six mois d’emprisonnement et de 15 000 euros d’amende.
« Les infractions donnent lieu à autant d’amendes qu’il y a de salariés concernés.
« CHAPITRE V
« Constatation des infractions
« Art. L. 5595-1. – Les infractions au présent titre sont constatées par :
« 1° Les officiers et les fonctionnaires affectés dans les services exerçant des missions de contrôle dans le domaine des affaires maritimes sous l’autorité ou à la disposition du ministre chargé de la mer ;
« 2° Les personnes mentionnées aux 2°, 3°, 8° et 10° de l’article L. 5222-1.
« Art. L. 5595-2. – Pour l’exercice des missions mentionnées à l’article L. 5595-1, les personnes mentionnées au même article L. 5595-1 sont habilitées à demander à l’employeur, à l’armateur ou à la personne faisant fonction ainsi qu’à toute personne employée à quelque titre que ce soit à bord d’un navire de justifier de son identité, de son adresse et, le cas échéant, de sa qualité de salarié à bord du navire.
« CHAPITRE VI
« Sanctions administratives
« Art. L. 5596-1. – L’autorité administrative peut, sur le rapport des agents de contrôle de l’inspection du travail mentionnés à l’article L. 8112-1 du code du travail, des officiers et des fonctionnaires affectés dans les services exerçant des missions de contrôle dans le domaine des affaires maritimes sous l’autorité ou à la disposition du ministre chargé de la mer et des personnes mentionnées aux 1° à 3°, 8° et 10° de l’article L. 5222-1 du présent code, sous réserve de l’absence de poursuites pénales, soit adresser à l’employeur ou à l’armateur un avertissement, soit prononcer à l’encontre de l’employeur ou de l’armateur une amende en cas de manquement :
« 1° Au versement du salaire minimum horaire prévu à l’article L. 5592-1 ;
« 2° À l’organisation du travail prévue à l’article L. 5592-2.
« Art. L. 5596-2. – Lorsqu’une amende est prononcée en application de l’article L. 5596-1, l’autorité administrative informe par tout moyen le procureur de la République des suites données au rapport des agents mentionnés au même article L. 5596-1.
« Art. L. 5596-3. – Le montant maximal de l’amende prononcée en application de l’article L. 5596-1 est de 4 000 euros et peut être appliqué autant de fois qu’il y a de salariés concernés.
« Le plafond de l’amende est porté au double en cas de nouveau manquement constaté dans un délai de deux ans à compter de la notification de l’amende concernant un précédent manquement de même nature.
« Il est majoré de 50 % en cas de nouveau manquement constaté dans un délai d’un an à compter de la notification d’un avertissement concernant un précédent manquement de même nature.
« Art. L. 5596-4. – Pour déterminer si elle prononce un avertissement ou une amende prévus à l’article L. 5596-1 et, le cas échéant, pour fixer le montant de l’amende, l’autorité administrative prend en compte les circonstances et la gravité du manquement, le comportement de son auteur ainsi que les ressources et les charges de celui-ci.
« Art. L. 5596-5. – Avant toute décision, l’autorité administrative informe par écrit l’armateur de la sanction envisagée, en portant à sa connaissance le manquement retenu à son encontre et en l’invitant à présenter ses observations dans un délai d’un mois.
« À l’expiration de ce délai, l’autorité administrative peut, par décision motivée, prononcer l’amende prévue à l’article L. 5596-1 et émettre le titre de perception correspondant.
« Art. L. 5596-6. – La décision d’infliger une amende administrative ne peut être prise plus de deux ans après le jour où le manquement a été commis.
« Art. L. 5596-7. – La décision d’infliger une amende administrative ne peut pas faire l’objet d’un recours hiérarchique.
« Art. L. 5596-8. – L’amende prononcée en application de l’article L. 5596-1 est recouvrée selon les modalités prévues pour les créances de l’État étrangères à l’impôt et au domaine. »
II (nouveau). – Le présent article entre en vigueur le 1er janvier 2024.
M. le président. La parole est à Mme Céline Brulin, sur l’article.
Mme Céline Brulin. L’article 1er constitue le cœur de cette proposition de loi. À cet égard, je regrette que la commission des affaires sociales en ait retiré les dispositions relatives au temps de travail, notamment l’équivalence entre la durée d’embarquement et le temps de repos passé à terre.
Mme Catherine Procaccia, rapporteur. Non !
Mme Céline Brulin. Vous aurez l’occasion de me répondre, madame la rapporteure.
Elle l’a fait au motif que ce texte pourrait être censuré par le droit européen.
Or si nous sommes aujourd’hui amenés à discuter de cette proposition de loi, c’est précisément parce que le droit européen ne nous protège pas du dumping social. On ne peut donc pas uniquement s’y référer : il faut au contraire le faire évoluer.
Il a beaucoup été question de la nécessaire égalité entre temps d’embarquement et temps de repos. Pourtant, cela ne figure pas dans ce texte – évidemment, nous n’avons pas pour but de fragiliser cette proposition de loi, que nous voulons voir mise en œuvre rapidement. Quel sera donc le ratio entre ces deux temps ?
Vous l’avez évoqué vous-même, monsieur le secrétaire d’État, il existe des disparités énormes entre les compagnies maritimes. Cette problématique est à mon sens au moins aussi importante que la question salariale, et ce pour des raisons de sécurité.
Pour rendre cette proposition de loi efficiente, nous nous appuyons sur un véhicule législatif particulier, la loi de police, qui permet de fixer des critères très stricts en matière de sécurité. On nous indique que ceux-ci seront définis par décret. Pour pouvoir débattre sereinement, monsieur le secrétaire d’État, nous avons besoin de savoir ce que celui-ci contiendra. C’est important pour la suite de nos discussions.
M. le président. La parole est à M. Michel Canévet, sur l’article.
M. Michel Canévet. La France est un grand pays maritime et nous tenons absolument à ce qu’elle le reste.
L’article 1er concerne le transport international de passagers. Il est vrai que notre pays compte de grands opérateurs : en Bretagne, région que je connais le mieux, opère depuis le siècle dernier la compagnie Brittany Ferries. Elle a été créée par des agriculteurs, qui sont toujours à la manœuvre et qui ont pour ambition de désenclaver le territoire. Pour autant, il faut que cela se fasse à conditions de concurrence identiques, afin que cette dernière ne soit pas faussée.
Tel est bien l’objet de cet article, sur lequel nous nous rejoignons : faire en sorte que la concurrence soit la plus équitable possible, de sorte que la France reste un grand pays maritime.
Je me réjouis que, lors de la conférence sur le dumping social qui s’est tenue à l’occasion de la quatrième édition des rencontres du transmanche à Saint-Malo, les armateurs de France aient pu appeler l’attention de l’ensemble des parlementaires et des pouvoirs publics sur la nécessité de réagir face à certaines pratiques observées notamment dans le transmanche.
Un texte était donc nécessaire et je remercie tous ceux qui ont œuvré à son élaboration et qui, malgré les tempêtes, continuent, en bons capitaines, de garder le cap. (Sourires.)
J’espère que nous aboutirons très rapidement à la mise en œuvre de ce texte. (Applaudissements sur des travées du groupe UC. – M. Christian Bilhac applaudit également.)
Mme Françoise Gatel. Très bien !
M. le président. Je suis saisi de trois amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 3, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 3
Rédiger ainsi cet alinéa :
« Conditions d’établissement et règles sociales applicables aux lignes régulières entre la France et le Royaume-Uni, ou les îles anglo-normandes
II. – Alinéa 6, première phrase
Remplacer les mots :
touchant un port français
par les mots :
entre la France et le Royaume-Uni, ou les îles anglo-normandes
La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Hervé Berville, secrétaire d’État. Cet amendement visait à inscrire dans le texte que les dispositions introduites par l’article 1er s’appliquaient uniquement aux liaisons sur le transmanche. Au fil des discussions en commission que nous avons eues au cours des dernières semaines avec Mme la rapporteure et vous-même, mesdames, messieurs les sénateurs, sur ce texte important pour notre puissance maritime, un consensus s’est dégagé sur ce point.
Il paraît aujourd’hui judicieux que ce soit un décret d’application qui précise que les dispositifs prévus à cet article concernent les liaisons internationales transmanche entre les ports français et les ports du Royaume-Uni.
L’examen de cet amendement me donne l’occasion de préciser, parce que cela fait parfois l’objet de discussions, d’inquiétudes et de questionnements, que l’article 1er concerne uniquement les liaisons transmanche, mais que nous aurons ensuite à discuter de dispositifs qui concernent toutes les façades maritimes, notamment au regard du développement de l’éolien en mer.
Je redis donc ici même, devant vous, mesdames, messieurs les sénateurs, que le dispositif prévu à l’article 1er ne concerne bien que le transmanche. Cette précision figurera bien dans le décret d’application, j’en prends ici l’engagement : ce sera plus efficace, plus rapide et correspondra aux attentes que vous avez soulignées.
Par conséquent, je retire bien évidemment cet amendement.
M. le président. L’amendement n° 3 est retiré.
L’amendement n° 25, présenté par M. Bacchi, Mmes Apourceau-Poly, Cohen et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 3
Compléter cet alinéa par les mots :
entre la France et le Royaume-Uni
II. – Alinéa 6
Après le mot :
internationales
insérer les mots :
entre la France et le Royaume-Uni,
La parole est à M. Jérémy Bacchi.
M. Jérémy Bacchi. Monsieur le président, si vous m’y autorisez, je présenterai en même temps l’amendement n° 18.
M. le président. J’appelle donc en discussion l’amendement n° 18, présenté par M. Bacchi, Mmes Apourceau-Poly, Cohen et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, et qui est ainsi libellé :
Alinéa 6, première phrase
1° Après le mot :
applicable
insérer le mot :
exclusivement
2° Compléter cette phrase par les mots :
entre la France et le Royaume-Uni
Veuillez poursuivre, mon cher collègue.
M. Jérémy Bacchi. Les marins ont de fortes attentes en matière de lutte contre le dumping social, non seulement dans le transmanche, mais également ailleurs, en particulier en mer Méditerranée.
Aujourd’hui, les marins de la ville de Marseille sont en grève reconductible pour dénoncer leurs conditions de travail, mais aussi l’extension des règles de l’État d’accueil aux liaisons maritimes entre les ports français de Méditerranée et les ports des pays du Maghreb – Algérie, Tunisie, Maroc.
Le syndicat CGT des marins de Marseille m’a interpellé sur les conséquences néfastes que pourrait avoir l’application d’une telle mesure aux navires de la Méditerranée.
La concurrence des armateurs entraîne une pression sur les droits sociaux des marins. Dans ce contexte, nous avons le devoir de garantir un haut niveau de protection sociale.
Face aux entreprises qui n’hésitent pas à battre pavillon chypriote pour appliquer des droits sociaux au rabais, la France devrait imposer l’obligation d’établissement et de pavillon pour les deux pays concernés par les liaisons, ainsi que des règles de réciprocité et de coopération.
Cela nécessiterait d’engager une procédure contentieuse avec l’Union européenne, qui demeure absente du dossier de la préservation des droits sociaux des marins au nom de la libre concurrence.
La situation ne peut plus durer. En attendant une initiative politique sur ce sujet, il est indispensable de préserver les droits des marins.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Catherine Procaccia, rapporteur. Je remercie M. le secrétaire d’État d’avoir retiré l’amendement n° 3, d’autant que la commission des affaires sociales a toujours cru en l’efficacité du décret en Conseil d’État.
Même si l’amendement visait à préciser que les dispositions introduites par l’article 1er s’appliquent uniquement aux liaisons « entre la France et le Royaume-Uni, ou les îles anglo-normandes » – merci, monsieur le secrétaire d’État, d’avoir ajouté ces dernières, qui nous préoccupaient –, un décret était bien nécessaire pour préciser les liaisons concernées.
Pour cette raison et au regard des engagements pris par M. le secrétaire d’État, la commission demande le retrait des amendements nos 25 et 18.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Hervé Berville, secrétaire d’État. Le Gouvernement demande également le retrait des amendements nos 25 et 18.
M. le président. La parole est à M. Jérémy Bacchi, pour explication de vote.
M. Jérémy Bacchi. Il est indispensable de se battre pour préserver un haut niveau d’exigence en matière sociale pour nos marins.
Les marins des navires dans le transmanche doivent obtenir des garanties face à la mise en concurrence avec des travailleurs hors Union européenne, auxquels on impose des salaires horaires de 5,50 euros.
L’application aux navires de la Méditerranée de la règle de l’État d’accueil entraînerait la fin du premier registre du pavillon français et la disparition des droits sociaux.
Je le rappelle, les marins de Marseille ont déposé un préavis de grève reconductible face au risque de l’extension de cette règle aux liaisons régulières à passagers entre la France et les pays du Maghreb.
Nous sommes donc satisfaits de constater que l’amendement du Gouvernement a pour objet l’exclusion de la Méditerranée du texte. Nous sommes également satisfaits qu’il vise à modifier l’article pour évoquer les « Conditions d’établissement et règles sociales applicables aux lignes régulières entre la France et le Royaume-Uni, ou les îles anglo-normandes ».
Cet amendement va dans le bon sens. Il s’agit d’interdire le libre choix des pavillons et de n’autoriser que les navires sous pavillon français et immatriculés au premier registre pour les sociétés établies en France et les navires battant pavillon britannique pour les sociétés établies au Royaume-Uni.
Un accord de coopération entre les deux pays demeure plus que jamais d’actualité afin d’interdire, par exemple, le recrutement des marins par des sociétés de manning.
En attendant, nous soutiendrons l’amendement du Gouvernement. C’est pourquoi je retire les amendements nos 25 et 18.
Mme Cathy Apourceau-Poly. Très bien !
M. le président. Les amendements nos 25 et 18 sont retirés.
La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Hervé Berville, secrétaire d’État. Monsieur le sénateur, je vous remercie de vos explications.
Je rappelle que le but de cette proposition de loi, comme de toute notre action à l’échelon européen ou en matière de coopération bilatérale avec le Royaume-Uni ou avec d’autres pays, est de renforcer le pavillon France et d’accroître la protection sociale des marins. C’est vrai dans le transmanche, mais aussi en Méditerranée.
Nous poursuivons dans cette voie et ce texte y contribue. Soyez donc rassuré, monsieur le sénateur. Je le répète, toutes ces dispositions figureront bien dans le décret d’application. C’est pourquoi j’ai retiré l’amendement du Gouvernement.
M. Jérémy Bacchi. Monsieur le président, je n’avais pas compris que l’amendement du Gouvernement était retiré. Dans ces conditions, nous maintenons les amendements nos 25 et 18.
M. le président. Je suis saisi de six amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 17, présenté par M. Bacchi, Mmes Apourceau-Poly, Cohen et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
I. – Après l’alinéa 7
Insérer quatre alinéas ainsi rédigés :
« Chapitre …
« Établissement
« Art. L. 5591-…. – Tout armateur communautaire ou du Royaume-Uni peut constituer et gérer une entreprise maritime sur le territoire national afin d’y exploiter un ou plusieurs navires sur des services de cabotage maritime réguliers, à passagers, entre la France et le Royaume-Uni, et l’Irlande, dans les conditions prévues par la législation française pour ses propres ressortissants, sous réserve d’être en conformité avec la législation relative aux capitaux et aux paiements définie par le traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, au titre de la libre circulation des personnes, des services et des capitaux dans le marché intérieur.
« Les navires effectuant ces liaisons et services maritimes de transport à passagers, au sens de la réglementation française, doivent être immatriculés au pavillon français de premier registre, conformément aux conditions définies par la législation française pour ses propres ressortissants. Le registre international français est exclu. »
II. – Alinéas 10 à 14
Rédiger ainsi ces alinéas :
« Art. L. 5592-1. – Les dispositions du présent chapitre s’appliquent aux contrats de travail de tous les salariés employés sur les navires des entreprises maritimes établies au Royaume-Uni ou en Irlande, effectuant des liaisons régulières à passagers avec la France, au sens de la réglementation française.
« Les dispositions légales et les stipulations conventionnelles applicables aux salariés employés sur les navires mentionnés à l’article L. 5591-1 sont celles applicables aux salariés employés par les entreprises de la même branche d’activité établies en France, pour :
« 1° La détermination du salaire minimum horaire et mensuel sur la base de 8 heures de travail par jour ;
« 2° La détermination et l’acquisition des jours minimums de repos et de congés.
« Les obligations mentionnées au premier alinéa ne s’appliquent que pour les périodes où les navires sont exploités sur les lignes régulières internationales mentionnées à l’article L. 5591-1. »
La parole est à M. Jérémy Bacchi.
M. Jérémy Bacchi. La règle de la libre concurrence empêchant d’appliquer le droit français aux gens de mer qui assurent le transport de passagers entre la France et le Royaume-Uni, la proposition de loi prévoit une loi de police assez ferme.
Plutôt que d’y avoir recours, le syndicat CGT propose d’imposer l’obligation d’établissement et de pavillon pour les deux pays concernés par les liaisons, ainsi que des règles de réciprocité et de coopération, afin de préserver les pavillons français et britannique et leurs emplois.
Par ailleurs, les syndicats des marins suggèrent de travailler la question de l’établissement. Les compagnies de transport devraient être domiciliées dans les pays où elles agissent. De cette façon, le droit du travail s’appliquerait à elles, ce qui protégerait les marins sur ces bateaux.
Il nous faut dire le droit sans nous sentir obligés de plier devant cette volonté de concurrence à tout prix. La libre prestation de services doit être encadrée, dès lors qu’elle met en danger nos systèmes de protection sociale.
De ce fait, le Gouvernement doit engager une lutte à Bruxelles et obtenir le droit de déroger aux règles de la directive Services ou une révision des règles en faveur d’un haut niveau de protection sociale pour nos marins.
M. le président. L’amendement n° 19 rectifié, présenté par Mmes Apourceau-Poly, Cohen, Brulin et Gréaume, M. Lahellec et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Alinéa 10
Après le mot :
horaire
insérer les mots :
, le paiement du salaire, y compris les majorations pour les heures supplémentaires, ainsi que pour la durée du travail, les repos compensateurs, les jours fériés, les congés annuels payés et le travail de nuit des jeunes travailleurs
La parole est à Mme Céline Brulin.
Mme Céline Brulin. Monsieur le président, avec votre permission, je défendrai en même temps les amendements nos 19 rectifié et 21 rectifié.
M. le président. J’appelle donc en discussion l’amendement n° 21 rectifié, présenté par Mmes Apourceau-Poly, Cohen, Brulin et Gréaume, M. Lahellec et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, et ainsi libellé :
Alinéa 10
Après le mot :
horaire
insérer les mots :
et pour le paiement du salaire, y compris les majorations pour les heures supplémentaires
Veuillez poursuivre, ma chère collègue.
Mme Céline Brulin. Les amendements nos 19 rectifié et 21 rectifié visent à étendre la prise en compte des éléments relatifs aux salaires – par exemple, les heures supplémentaires –, mais aussi aux conditions de travail.
Nous l’avons tous dit, le trafic dans la Manche est extrêmement dense. Certaines compagnies transmanche effectuent même plusieurs rotations journalières, ce qui contraint les marins à faire de nombreuses manœuvres. Ces manœuvres, en raison de l’allongement du temps de travail des marins et de la fatigue qu’il entraîne, peuvent poser des problèmes de sécurité.
Je répète donc la question que je vous ai déjà posée, monsieur le secrétaire d’État : pouvez-vous nous indiquer ce que prévoira le décret d’application s’agissant du temps à bord et du temps à terre, puisque ces éléments ne figurent plus dans le texte de la commission ?
À juste titre, nous avons tous évoqué le sort que P&O Ferries a réservé il y a quelques mois à ses 786 marins. Cela continue ! Nous avons ainsi appris voilà quelques semaines que cette même entreprise avait informé les équipages existants qu’ils devaient s’inscrire auprès de nouvelles agences – pour ma part, j’appelle cela des boîtes d’intérim. Sur le site de l’une d’elles, site qui ne compte que trois pauvres pages, on découvre que cette agence se trouve domiciliée à Malte et qu’elle partage son adresse avec plus de vingt autres sociétés ! Bien plus, cette agence demande déjà aux marins de revoir leurs exigences salariales et leurs conditions de travail à la baisse.
On le voit, ce mouvement continue, ce qui justifie que nous légiférions rapidement.
M. le président. L’amendement n° 20 rectifié, présenté par Mmes Apourceau-Poly, Cohen, Brulin et Gréaume, M. Lahellec et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Alinéa 10
Après le mot :
horaire,
insérer les mots :
ainsi que pour la durée du travail, les repos compensateurs, les jours fériés, les congés annuels payés et le travail de nuit des jeunes travailleurs
La parole est à Mme Cathy Apourceau-Poly.
Mme Cathy Apourceau-Poly. Il est défendu, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 5, présenté par Mmes M. Vogel et Poncet Monge, MM. Benarroche, Breuiller et Dantec, Mme de Marco et MM. Dossus, Fernique, Gontard, Labbé, Parigi et Salmon, est ainsi libellé :
Alinéa 10
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
Pour la détermination des indemnités de congés, les articles L. 3141-24 à L. 3141-29 du code de travail et pour la détermination des indemnités compensatrices de congés, l’article L. 3141-28 du même code sont applicables aux salariés employés sur les navires mentionnés à l’article L. 5591-1 du présent code.
La parole est à Mme Mélanie Vogel.
Mme Mélanie Vogel. Cet amendement s’inscrit dans le droit fil des amendements qui viennent d’être présentés et tend quant à lui à élargir le socle de protection sociale garanti aux congés payés. Il vise uniquement le niveau d’indemnités des congés, et non leur ratio, afin de préserver le périmètre déterminé en commission.
Il s’agit donc de garantir des congés payés aux salariés qui travaillent sur les ferries internationaux. Cela devrait aller de soi, pourtant, ce n’est pas le cas.
Nous sommes convaincus que les congés payés sont un droit fondamental, qui n’a rien à voir avec le temps de repos, tout aussi important par ailleurs, et que les personnes qui travaillent sur les ferries internationaux doivent aussi pouvoir en jouir.
M. le président. L’amendement n° 26 rectifié, présenté par Mmes Apourceau-Poly, Cohen, Brulin et Gréaume, M. Lahellec et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Alinéa 12
Rédiger ainsi le début de cet alinéa :
« Art. L. 5592-2. – Dans l’intérêt de la sécurité de la navigation et de la lutte contre les pollutions marines, (le reste sans changement)
La parole est à Mme Cathy Apourceau-Poly.
Mme Cathy Apourceau-Poly. Il s’agit d’un amendement d’appel.
Nous cherchons à comprendre pourquoi, au cours de ses travaux ce matin, la commission des affaires sociales a supprimé le début de l’alinéa 12 de l’article 1er dans lequel il était mentionné que l’organisation du travail applicable aux salariés employés sur les navires était justifiée dans « l’intérêt de la sécurité de la navigation et de la lutte contre les pollutions marines ».
Nous ne sommes pas certains d’avoir compris pourquoi les objectifs de « sécurité de la navigation et de […] lutte contre les pollutions marines » sont renvoyés à un futur décret pris en Conseil d’État. Pour autant, nous sommes prêts à souscrire à la rédaction de la commission si l’on nous donne l’assurance que ces objectifs, qui sous-tendent la loi de police, seront bien pris en compte pour déterminer la durée de repos.
Je vous remercie de votre éclairage sur cette question.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Catherine Procaccia, rapporteur. L’amendement n° 17 tend à modifier substantiellement l’article 1er et à créer deux régimes distincts de liaison entre la France, le Royaume-Uni ou l’Irlande.
Il tend à imposer aux armateurs français le pavillon français, donc, forcément, l’application du droit du travail local. En revanche, il vise à imposer aux armateurs établis au Royaume-Uni ou en Irlande que les salariés soient rémunérés au moins au Smic et qu’ils bénéficient des règles de repos et de congés du droit du travail français. Outre le fait qu’il crée une différence de traitement non justifiée selon le lieu d’établissement de l’armateur, cet amendement a un objet manifestement contraire au droit européen et au droit international maritime. Par conséquent, la commission émet un avis défavorable.
Avant de poursuivre, je précise que, sur le fond, la commission non seulement comprend les propositions qui sont formulées, mais aimerait qu’elles puissent s’appliquer. Toutefois, comme je l’ai indiqué lors de la discussion générale, nous avons pour objectif de garantir un salaire minimum ainsi qu’un certain nombre d’autres éléments, plutôt que de proposer un texte, dont nous serions fiers, puisqu’il prévoirait que c’est le droit français qui s’applique à tout le monde, mais qui serait remis en cause par l’Union européenne dans quelques mois. C’est ce principe qui guide l’avis que je formulerai au nom de la commission des affaires sociales.
Les amendements nos 19 rectifié, 21 rectifié, 20 rectifié et 5 tendent à créer des obligations supplémentaires pour les employeurs des personnels naviguant sur le transmanche. En visant à imposer l’application du droit français pour le salaire, la durée du travail, les heures supplémentaires, les congés, les repos, les jours fériés, le travail de nuit des jeunes travailleurs, ils vont bien au-delà de la lutte contre le dumping social et de la nécessité de préserver les intérêts de la France et la sécurité de la navigation.
En outre, certaines règles sont difficilement applicables en pratique à des contrats étrangers qui répondent forcément à des modes et des normes complètement différents de notre code du travail.
En conséquence, l’adoption de ces amendements fragiliserait considérablement la conformité de la proposition de loi au droit de l’Union européenne. On sortirait du cadre de la loi de police et on prendrait in fine le risque qu’aucune garantie sociale ne soit applicable sur le transmanche, si le juge venait à annuler le texte.
C’est la raison pour laquelle la commission émet un avis défavorable sur ces amendements.
Enfin, l’amendement n° 26 rectifié vise à revenir sur une modification apportée par la commission. En effet, plutôt que d’inscrire dans le texte les objectifs de « sécurité de navigation et de […] lutte contre les pollutions marines », ce qui serait sans effet normatif, il nous a paru préférable qu’ils soient pris en compte concrètement dans le décret pour déterminer la durée maximale d’embarquement autorisée. C’était d’ailleurs l’une de vos interrogations, mes chers collègues. Telle est la raison pour laquelle la commission a modifié le texte.
Par conséquent, la précision demandée au travers de cet amendement paraît satisfaite. La commission demande donc le retrait de cet amendement ; à défaut, elle émettra un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Hervé Berville, secrétaire d’État. Sur l’ensemble de ces amendements, le Gouvernement émet un avis défavorable, non pas sur le fond, mais sur la forme. En outre, si ces amendements étaient adoptés, le texte pourrait ne pas être opérationnel, notamment au regard du droit européen.
Mesdames, messieurs les sénateurs, le texte tel qu’il résulte des travaux de la commission contient bien des dispositions relatives au temps de travail. Celles-ci figuraient d’ailleurs déjà dans la version issue des travaux de l’Assemblée nationale ; elles ont été maintenues. Je les rappelle dans la rédaction issue des travaux de votre commission : « L’organisation du travail applicable aux salariés employés sur les navires mentionnés à l’article L. 5591-1 est fondée sur une durée de repos à terre au moins équivalente à la durée de leur embarquement. »
En revanche, la commission des affaires sociales du Sénat a souverainement décidé de supprimer les motifs justifiant une équivalence entre la durée d’embarquement et le temps de repos, considérant qu’il n’était pas utile de les indiquer. Pour notre part, nous considérions qu’il fallait justifier cette équivalence, notamment pour des raisons de sécurité de la navigation.
L’essentiel pour moi, c’est que ce dispositif soit inscrit dans la loi – nous sommes le premier pays en Europe à agir ainsi.
Pour lutter contre le dumping social sur le transmanche, trois critères ont été fixés dans le texte.
Premièrement, le salaire minimum doit être équivalent entre le Royaume-Uni, les îles anglo-normandes et la France.
Deuxièmement, une durée égale entre temps en mer et temps à terre est garantie. C’est fondamental, car c’est sur cette variable que se joue le dumping social.
Troisièmement, le décret d’application apportera les précisions nécessaires qui ne figureront pas dans le texte. Elles seront soumises au Conseil supérieur de la marine marchande, qui regroupe syndicats et organisations patronales.
Ces trois éléments seront inscrits dans le dur de la loi, c’est une avancée considérable.
Monsieur Bacchi, imposer une nationalité de pavillon aux armateurs pour qu’ils puissent effectuer des liaisons maritimes est totalement contraire au droit européen. Si l’on peut imposer des conditions sociales et salariales – ce que nous faisons avec les différents dispositifs sur le salaire minimum et la durée égale entre temps à terre et temps en mer –, on ne peut en revanche imposer une nationalité, d’autant que certains pays peuvent avoir fixé des conditions sociales moins favorables. On ne peut donc pas prévoir que seuls les navires battant pavillon français peuvent assurer les liaisons sur le transmanche.
En revanche, vous avez raison, il faut un alignement des conditions de travail. C’est tout l’objet de la charte proposée aux armateurs du transport maritime transmanche, mais aussi de ce texte, qui met en œuvre ces différents dispositifs, notamment des clauses miroirs avec la loi britannique.
Mesdames Vogel, Apourceau-Poly et Brulin, sur les heures supplémentaires, qui trop embrasse mal étreint, comme disait ma grand-mère. (Sourires.) J’aimerais pouvoir vous suivre sur ce terrain, mais le traité sur le fonctionnement de l’Union européenne est très clair : il ne revient pas aux États de procéder à de telles régulations. C’est pourquoi le Gouvernement demande le retrait des amendements concernés : ces propositions, nous le savons très bien, ne sont absolument pas conformes au droit européen.
Pour autant, il faut continuer à travailler sur les questions des heures supplémentaires et des indemnités de congés, notamment dans le cadre des chartes entre les différentes compagnies maritimes. Elles sont toutefois déconnectées des deux éléments que nous pouvons inscrire dans la loi : le salaire minimum et la durée égale entre temps en mer et temps à terre.
M. le président. L’amendement n° 8, présenté par Mmes Vogel et Poncet Monge, MM. Benarroche, Breuiller et Dantec, Mme de Marco et MM. Dossus, Fernique, Gontard, Labbé, Parigi et Salmon, est ainsi libellé :
Alinéa 17
1° Remplacer les mots :
ainsi que les langues dans lesquelles ces documents doivent être disponibles sont fixées
par les mots :
est fixée
2° Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
Les documents que l’employeur a l’obligation de mettre à disposition sont établis dans plusieurs langues comprenant notamment le français et l’anglais. Le non-respect de cette obligation est puni d’une sanction dont les modalités sont définies par décret.
La parole est à Mme Mélanie Vogel.
Mme Mélanie Vogel. Cet amendement vise à prévoir que les documents obligatoires tenus à la disposition de l’équipage des navires doivent être rédigés au moins en français et en anglais. Si ces documents sont incompréhensibles par les personnes qui travaillent sur les navires parce qu’ils ne sont pas rédigés dans une langue qu’ils comprennent, cela pose problème. Nous souhaitons donc un engagement du Gouvernement sur ce point.
Nous avons beaucoup parlé des 786 salariés en CDI qui ont été licenciés en quatre minutes par visioconférence. On a peu dit que la majorité des personnes qui les ont remplacés venaient majoritairement de pays comme la Colombie, par exemple. Comment comprendraient-elles des documents rédigés en français ?
Il s’agit donc surtout d’un amendement d’appel visant à inciter le Gouvernement à rendre obligatoire la fourniture de documents dans des langues compréhensibles par les personnes qui travaillent sur les navires. Pour pouvoir exercer leurs droits sociaux, ces personnes doivent pouvoir comprendre ces documents, qui sont souvent complexes, et les dispositions légales qui les concernent.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Catherine Procaccia, rapporteur. Mme Vogel a clairement expliqué l’objet de son amendement. Beaucoup de mesures font l’objet de décrets, ce qui n’est pas toujours confortable pour le législateur – vous le savez bien, monsieur le secrétaire d’État, puisque vous avez été député.
Pour autant, il nous semble difficile de prévoir par décret que les documents concernés doivent être rédigés au minimum dans deux langues. En outre, le mot « notamment » a toujours été proscrit au Sénat, car il est insuffisamment précis. Enfin, il n’est pas possible de renvoyer à un décret la définition d’un régime de sanctions. C’est pourquoi la commission a émis un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Hervé Berville, secrétaire d’État. Je comprends parfaitement l’intention des auteurs de cet amendement, sur lequel le Gouvernement émet toutefois un avis défavorable.
Cependant, je prends l’engagement de faire en sorte que ces documents soient compréhensibles par toutes les personnes présentes sur le bateau, lesquelles sont parfois, en effet, de nationalités différentes, et de porter une attention particulière au français et à l’anglais dans le cadre du transport transmanche. C’est une question de sécurité.
M. le président. Madame Vogel, l’amendement n° 8 est-il maintenu ?
Mme Mélanie Vogel. Non, je le retire, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 8 est retiré.
L’amendement n° 9, présenté par Mmes Vogel et Poncet Monge, MM. Benarroche, Breuiller et Dantec, Mme de Marco et MM. Dossus, Fernique, Gontard, Labbé, Parigi et Salmon, est ainsi libellé :
Après les alinéas 23 et 26
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Le fait de porter atteinte à l’exercice régulier des fonctions et missions des agents chargés des contrôles est puni d’un emprisonnement de six mois et d’une amende de 3 750 euros.
La parole est à Mme Mélanie Vogel.
Mme Mélanie Vogel. Cet amendement vise à punir le fait de faire obstacle aux contrôles visant à s’assurer que le salaire minimum horaire et la durée de repos sont bien respectés.
La situation est un peu particulière : actuellement, si un armateur fait obstacle à des opérations de contrôles menées pour vérifier que les personnes sont bien payées au salaire minimum et que le temps de repos est bien respecté, aucune sanction n’est prévue. En revanche, s’il ne s’y oppose pas et si le contrôle révèle des irrégularités, il s’expose à des sanctions. C’est absurde…
Nous souhaitons donc que des sanctions dissuasives soient prévues en cas d’opposition active aux opérations de contrôle sur le respect des dispositions prévues dans cette proposition de loi, comme le salaire minimum et la durée de repos. Il s’agit de garantir que la mise en œuvre des dispositions que nous votons puisse être contrôlée convenablement.
M. le président. Le sous-amendement n° 35, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Amendement n° 9, alinéa 3
1° Après le mot :
contrôles
insérer les mots :
mentionnés à l’article L. 5595-1
2° Remplacer les mots :
de six mois
par les mots :
d’un an
et le nombre :
3 750
par le nombre :
37 500
La parole est à M. le secrétaire d’État pour présenter le sous-amendement n° 35 et donner l’avis du Gouvernement sur l’amendement n° 9.
M. Hervé Berville, secrétaire d’État. Le Gouvernement émet un avis favorable sur l’amendement n° 9, sous réserve de l’adoption de son sous-amendement n° 35.
Vous avez raison, nous devons être en mesure de contrôler le respect des dispositions que nous adoptons. Il existe d’ores et déjà un délit d’entrave aux missions des agents de contrôle de l’inspection du travail. En outre, le quantum de la peine pour ce même délit est plus élevé dans le code du travail. Les agents de contrôle des affaires maritimes, eux, ne sont pas protégés par ce délit d’entrave. Notre sous-amendement vise donc à apporter des précisions qui permettront de renforcer nos capacités de contrôle.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Catherine Procaccia, rapporteur. Le code du travail prévoit déjà que le fait de faire obstacle à l’accomplissement des devoirs d’un inspecteur du travail est puni d’un an d’emprisonnement et de 37 500 euros d’amende.
Par ailleurs, le code des transports établit déjà des prérogatives pour le contrôle sur les navires : contrôle par l’État du port pour les navires étrangers, principe de libre accès à bord pour procéder à des visites et inspections en matière de sécurité.
En outre, la nature de l’infraction visée dans l’amendement nous paraît imprécise : « l’exercice régulier des fonctions et missions des agents chargés des contrôles » semble couvrir un champ d’action très large, qui irait au-delà de l’obstacle à un contrôle sur un navire visé à l’article 1er.
Enfin, je rappelle que la commission a considéré que les sanctions pénales déjà prévues étaient dissuasives. Il est risqué de les alourdir et d’ajouter des sanctions spécifiques au trafic transmanche.
Le sous-amendement du Gouvernement vise à restreindre le champ de cet amendement aux seuls agents des affaires maritimes. Pour autant, il ne lève aucune des difficultés que j’ai évoquées à l’instant. La commission émet donc un avis défavorable sur l’amendement n° 9 et sur le sous-amendement n° 35.
M. le président. L’amendement n° 27 rectifié, présenté par Mmes Apourceau-Poly, Cohen, Brulin et Gréaume, M. Lahellec et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 23
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« À la troisième infraction constatée, une interdiction d’accoster dans un port français est prononcée à l’encontre des navires appartenant à la compagnie maritime en infraction. Un décret pris en Conseil d’État précise la durée de l’interdiction.
La parole est à Mme Céline Brulin.
Mme Céline Brulin. Cet amendement vise à durcir les sanctions applicables en y ajoutant une interdiction d’accoster dans un port français dès la troisième infraction constatée. Il s’agit là d’une mesure adoptée à l’Assemblée nationale.
Le montant actuel de l’amende et la sanction pénale prévue sont insuffisants pour contraindre des entreprises se comportant comme des voyous. Il nous semble donc nécessaire de renforcer les sanctions en cas de récidive.
Nous avons bien entendu les arguments de Mme la rapporteure sur la fragilité juridique de la définition de la troisième infraction, mais l’absence d’équivalence en droit pénal s’explique par la spécificité du droit des transports maritimes.
Enfin, on peut discuter du caractère manifestement disproportionné de l’interdiction d’accoster, mais, à la suite des affaires de l’Amoco Cadiz et de l’Erika, il avait été établi que la sanction pour manquement à la réglementation devait être plus coûteuse que le respect de celle-ci.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Catherine Procaccia, rapporteur. Vous avez vous-même indiqué, chère collègue, les arguments qui justifient l’avis défavorable de la commission.
Cet amendement méconnaît les principes constitutionnels de l’individualisation des peines et de la légalité des délits et des peines. En outre, la disposition qu’il tend à introduire revêt un caractère manifestement disproportionné.
Nous souhaitons que cette proposition de loi puisse s’appliquer ; évitons donc de donner aux juridictions européennes le moindre motif d’empêcher sa mise en œuvre !
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. L’amendement n° 10, présenté par Mmes M. Vogel et Poncet Monge, MM. Benarroche, Breuiller et Dantec, Mme de Marco et MM. Dossus, Fernique, Gontard, Labbé, Parigi et Salmon, est ainsi libellé :
Alinéas 29 à 31
Remplacer ces alinéas par un alinéa ainsi rédigé :
« Art. L. 5595-1. – Les infractions au présent titre sont constatées par les officiers et les fonctionnaires affectés dans les services exerçant les missions de contrôle de l’application de la législation du travail dans le domaine du transport maritime, conformément aux articles L. 5548-1 à L. 5548-5.
La parole est à Mme Mélanie Vogel.
Mme Mélanie Vogel. Cet amendement vise à prévoir que seule l’inspection du travail est autorisée à constater les infractions aux règles relatives au salaire minimum et aux temps de repos, qui sont, par définition, de son ressort.
Tel qu’il est actuellement rédigé, le texte prévoit que le respect des dispositions minimales qu’il fixe sera contrôlé par des personnes qui n’y sont pas spécifiquement formées : il accorde ce droit aux officiers ou fonctionnaires affectés dans les services exerçant des missions de contrôle dans le domaine des affaires maritimes, aux administrateurs et administratrices des affaires maritimes, à la déléguée à la mer et au littoral et aux agents publics commissionnés à cet effet et assermentés. Certes, ces personnes sont formées et expérimentées, mais pas forcément dans le domaine du droit du travail.
Il nous paraît primordial de confier ces contrôles aux personnes qui sont formées en la matière. En particulier, il faut savoir comment s’effectue un contrôle, quelles questions poser, quelles sont les stratégies habituelles des employeurs pour masquer telle ou telle disposition du contrat de travail…
Il nous semble plus logique de confier ce contrôle aux agents de l’inspection du travail, dès lors qu’il s’agit d’encadrer les conditions de travail des employés à bord des ferries.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Catherine Procaccia, rapporteur. Vos objectifs sont clairs, madame Vogel, mais vous savez bien que les effectifs affectés aux contrôles sont faibles. En outre, ces contrôles sont très complexes à effectuer, les personnels ayant des contrats de travail de droit étranger et les règles d’embarquement pouvant différer selon les navires.
Dès lors, il nous paraît utile de mobiliser l’expertise de plusieurs corps de contrôle pour constater les infractions. Les inspecteurs du travail et des affaires maritimes seront d’autant plus mobilisés pour effectuer des contrôles.
De ce point de vue, l’amendement est donc satisfait.
Il pourra être utile que d’autres agents concourent aux contrôles. L’important, en effet, est que des contrôles aient effectivement lieu : il est inutile de les prescrire dans un texte et de multiplier les sanctions si l’on ne dispose pas des personnes pour les réaliser. Plus les personnels affectés aux contrôles seront nombreux, mieux cela vaudra !
Avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Hervé Berville, secrétaire d’État. L’augmentation du trafic maritime rend nécessaire le renforcement des contrôles. Pour cela, nous devons mobiliser toutes les forces en présence.
À la suite de l’appel de Saint-Malo, le Gouvernement a annoncé la mise en place d’une véritable task force pour contrôler les navires. Mieux vaut, donc, élargir le corps des personnes qui sont habilitées à effectuer des contrôles que de le restreindre. C’est ce que nous faisons, en formant au droit maritime toutes les personnes qui connaissent le droit du travail.
Ainsi, nous lutterons mieux contre le dumping social. Le Gouvernement émet donc un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. L’amendement n° 6, présenté par Mmes M. Vogel et Poncet Monge, MM. Benarroche, Breuiller et Dantec, Mme de Marco et MM. Dossus, Fernique, Gontard, Labbé, Parigi et Salmon, est ainsi libellé :
Alinéa 38
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
Lorsqu’une amende est prononcée en application du 1° de l’article L. 5596-1, l’autorité administrative informe par tout moyen les organisations syndicales représentatives de la marine marchande et du personnel portuaire.
La parole est à Mme Mélanie Vogel.
Mme Mélanie Vogel. Cet amendement vise à prévoir que, lorsqu’une amende est prononcée en application de l’article 1er, l’autorité administrative en informe par tout moyen les organisations syndicales représentatives de la marine marchande et du personnel portuaire.
On m’a objecté en commission que la liste des organisations syndicales représentatives variait selon les pays. L’amendement est clair, toutefois : il s’agit des organisations syndicales représentatives de la marine marchande et du personnel portuaire.
Ainsi, les syndicats auront connaissance d’éventuels comportements systémiques frauduleux de la part de certains employeurs. D’autres organisations sont automatiquement informées. Il s’agit d’informer aussi les syndicats.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Catherine Procaccia, rapporteur. La position de la commission n’a pas varié, madame Vogel, et celle-ci émet un avis défavorable sur cet amendement.
Pour un navire qui bat pavillon chypriote, à quelles organisations syndicales s’adresser ? Sans compter que les marins à bord peuvent être roumains, ou autre… Puis, en quelle langue diffuser l’information sur la sanction ? Cela semble très compliqué.
Cette disposition pourrait s’appliquer aux navires battant pavillon français et aux organisations syndicales françaises, mais non à tous les bateaux.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Hervé Berville, secrétaire d’État. Il est essentiel, dans le moment que nous vivons, de dénoncer publiquement ceux qui sont en infraction et se livrent à ce type de pratiques.
C’est la raison pour laquelle mon ministère va signer une convention avec le ministère du travail afin de communiquer au Conseil supérieur de la marine marchande, où siègent des organisations syndicales, le bilan des contrôles effectués.
Avec cette convention, nous répondons aux objections très claires et très pertinentes de Mme la rapporteure, mais aussi à la nécessité d’informer et de communiquer le bilan des contrôles. Cela permet enfin de montrer que nous sommes sur le terrain, que nous agissons et que nous effectuons des contrôles.
Le Gouvernement émet donc un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. L’amendement n° 4, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Alinéa 43
Après le mot :
écrit
insérer les mots :
l’employeur ou
La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Catherine Procaccia, rapporteur. Favorable.
M. le président. La parole est à M. Jérémy Bacchi, pour explication de vote sur l’article.
M. Jérémy Bacchi. Je regrette que le Gouvernement n’ait pas maintenu son amendement sur cet article. Cela aurait permis d’éviter un certain nombre d’incompréhensions et d’inquiétudes. Des marins en Méditerranée m’ont envoyé des messages pour m’annoncer qu’ils vont sans doute se mettre en grève reconductible, ce qui risque de perturber le début des vacances. (Murmures sur les travées des groupes Les Républicains et UC.) C’est dommage.
À titre personnel, je ne voterai pas cet article. Nous aurions pu essayer de fluidifier les choses à moindres frais.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Hervé Berville, secrétaire d’État. Monsieur le sénateur Bacchi, je vous remercie de votre engagement sur ce sujet.
Nous sommes très clairs sur notre objectif et sur ce que nous allons faire. En l’espace de six mois, nous sommes passés de l’absence d’action politique et d’acte législatif à une proposition de loi que nous avons portée et défendue, qui permet de lutter véritablement contre le dumping social.
Je m’étais engagé à exclure le transmanche du registre international français : le décret a été publié aujourd’hui. De même, je m’engage aujourd’hui à ce que les dispositifs prévus dans le texte soient circonscrits au transmanche.
Dans le décret d’application, nous pourrons aller encore plus loin et être beaucoup plus précis, mais vous savez très bien que l’on ne peut pas inscrire dans la loi certains éléments, au risque qu’ils soient censurés ou qu’ils ne soient pas applicables, sachant en outre qu’il est urgent d’adopter le présent texte.
Pour les liaisons internationales entre les côtes méditerranéennes françaises et, notamment, le Maghreb, il n’y aura aucun changement, j’en prends l’engagement. Nous maintiendrons le premier registre, c’est-à-dire les standards qui ont toujours été portés par les marins, les syndicats et les organisations patronales.
Cette proposition de loi vise à mettre fin à une aberration sociale et économique : le développement de pratiques low cost dans le transmanche. Elle crée également des outils pour faire face au déploiement de l’éolien en mer et à de potentielles pratiques de concurrence déloyale.
J’ai tenu mes engagements sur le registre international français, je les tiens sur le transmanche, et je les tiendrai sur la Méditerranée.
M. le président. Je mets aux voix l’article 1er, modifié.
(L’article 1er est adopté.)
Article 1er bis
(Supprimé)
M. le président. Je suis saisi de quatre amendements identiques.
L’amendement n° 7 rectifié est présenté par Mmes M. Vogel et Poncet Monge, MM. Benarroche, Breuiller et Dantec, Mme de Marco et MM. Dossus, Fernique, Gontard, Labbé et Salmon.
L’amendement n° 28 rectifié est présenté par MM. Guérini, Requier, Bilhac, Cabanel, Fialaire, Guiol et Roux.
L’amendement n° 30 est présenté par MM. Hassani, Iacovelli, Lévrier, Patriat et les membres du groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants.
L’amendement n° 32 est présenté par M. Canévet.
Ces quatre amendements sont ainsi libellés :
Rétablir cet article dans la rédaction suivante :
Le chapitre VI du titre VI du livre V de la cinquième partie du code des transports est complété par des articles L. 5566-… et L. 5566-… ainsi rédigés :
« Art. L. 5566-…. – Est puni de 7 500 euros d’amende le fait pour l’armateur ou l’employeur de payer :
« 1° Des salaires inférieurs au salaire minimum de croissance prévu aux articles L. 3231-1 à L. 3231-12 du code du travail ;
« 2° Des rémunérations inférieures à la rémunération mensuelle minimale prévue à l’article L. 3232-1 du même code ;
« 3° Des salaires inférieurs à ceux fixés par la convention collective ou l’accord collectif étendu applicables aux navires battant pavillon français et exerçant dans la même activité.
« La récidive est punie de six mois d’emprisonnement et de 15 000 euros d’amende.
« Les infractions donnent lieu à autant d’amendes qu’il y a de salariés concernés.
« Art. L. 5566-…. – Est puni de 7 500 euros d’amende le fait pour l’armateur ou l’employeur de méconnaître les stipulations conventionnelles relatives aux accessoires du salaire prévus par la convention collective ou l’accord collectif de travail étendu applicables aux navires battant pavillon français et exerçant dans la même activité.
« La récidive est punie de six mois d’emprisonnement et de 15 000 euros d’amende.
« Les infractions donnent lieu à autant d’amendes qu’il y a de salariés concernés. »
La parole est à Mme Mélanie Vogel, pour présenter l’amendement n° 7 rectifié.
Mme Mélanie Vogel. Cet amendement a pour objet de rétablir l’article 1er bis adopté à l’Assemblée nationale. Le but est que les armateurs ou les employeurs qui ne respectent pas le salaire minimum puissent faire l’objet de sanctions pénales.
La loi prévoit certes déjà des sanctions, mais celles-ci ne sont pas assez dissuasives, dans le contexte de la bataille concurrentielle sur le transmanche. Le code des transports prévoit une amende de 200 euros si l’employeur ne respecte pas le salaire minimum. Or ce n’est rien pour un armateur : la compagnie Irish Ferries réalise en effet des économies de 60 % sur chaque trajet, simplement parce que ses ferries battent pavillon chypriote !
Il faut donc que le montant des amendes soit plus élevé. L’article que nous souhaitons rétablir prévoit une amende de 7 500 euros pour la première infraction. Vous nous avez fait part de vos doutes en commission, madame la rapporteure : vous craignez que ces dispositions ne fragilisent le texte, car elles ne seraient pas proportionnées.
À mon sens, l’État est tout à fait dans son rôle en mettant en place des manières de sanctionner le non-respect des règles. Cette légitimité découle de l’article 25 de la convention de Montego Bay, qui consacre le dispositif de l’État d’accueil. Le droit de l’Union européenne n’y fait pas non plus obstacle. Le règlement Rome I permet de prendre des dispositions impératives pour la sauvegarde des intérêts publics. Enfin, l’instauration de sanctions est acceptée par la Cour de justice de l’Union européenne depuis 1999.
Cet article n’est donc pas plus fragile juridiquement que d’autres dispositions du texte. Et il est nécessaire.
M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Requier, pour présenter l’amendement n° 28 rectifié.
M. Jean-Claude Requier. Défendu !
M. le président. La parole est à M. Bernard Buis, pour présenter l’amendement n° 30.
M. Bernard Buis. Je le retire, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 30 est retiré.
La parole est à M. Michel Canévet, pour présenter l’amendement n° 32.
M. Michel Canévet. Défendu !
M. le président. Quel est l’avis de la commission sur les trois amendements restant en discussion ?
Mme Catherine Procaccia, rapporteur. Ces amendements visent à rétablir l’article 1er bis relatif aux sanctions pénales applicables aux armateurs effectuant les liaisons entre la Corse et le continent, que la commission a supprimé. Celle-ci a donc émis un avis défavorable sur ces amendements.
En supprimant cet article, nous n’avons pas voulu nier les risques de distorsion de concurrence existant pour les liaisons entre la Corse et le continent, mais ceux-ci ne sont pas de même nature que le dumping social qui s’est développé sur le transmanche.
Nous avons considéré que la mesure proposée, qui ne porte que sur les sanctions et non sur les règles de droit social applicables sur les navires concernés, ne répond pas réellement à ces enjeux, lesquels, au demeurant, sont largement étrangers à l’objet de cette proposition de loi.
Prévoir un régime de sanctions exorbitant du droit commun ne nous paraît pas justifié. Cela n’aura aucun effet si les pratiques des armateurs sont conformes au droit de l’Union européenne, qui n’est pas exactement le droit que nous aimerions voir appliquer en France… Je n’ai jamais été une fanatique de l’Europe, vous le savez ! (Sourires sur les travées du groupe CRCE.)
Sur ces lignes, le dispositif de l’État d’accueil s’applique, qui garantit des standards français, quels que soient le pavillon du navire et la nationalité des marins. Les difficultés proviennent du défaut d’harmonisation des règles d’usage des pavillons internationaux sur les liaisons intraeuropéennes.
M. le secrétaire d’État a parlé du registre international français : certes, l’Italie permet une utilisation plus large de son pavillon, mais la question doit être discutée avec nos voisins européens, et non dans le cadre de cette proposition de loi visant à lutter contre le dumping social.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Hervé Berville, secrétaire d’État. Le Gouvernement émet un avis défavorable sur ces amendements.
Nous aurons l’occasion de débattre d’outils complémentaires lorsque nous aborderons le rétablissement de l’article 1er ter.
On ne comprendrait pas que l’on ne dispose pas d’outils nous permettant de nous aligner sur ce que l’on a fait sur le transmanche et surtout d’anticiper le développement d’activités partout sur nos façades maritimes. Le dispositif de l’État d’accueil nous permettra de renforcer les sanctions, notamment pour lutter contre le dumping social dans le secteur de l’éolien en mer, pour les navires qui effectueront l’installation et la maintenance de nos installations.
Mais nous aurons l’occasion d’en rediscuter à propos de l’article 1er ter.
M. le président. Madame Vogel, l’amendement n° 7 rectifié est-il maintenu ?
Mme Mélanie Vogel. Oui, monsieur le président.
M. le président. Monsieur Requier, l’amendement n° 28 rectifié est-il maintenu ?
M. Jean-Claude Requier. Non, je le retire, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 28 rectifié est retiré.
Monsieur Canévet, l’amendement n° 32 est-il maintenu ?
M. Michel Canévet. Non, je le retire, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 32 est retiré.
Je mets aux voix l’amendement n° 7 rectifié.
(L’amendement n’est pas adopté.)
M. le président. Je suis saisi de trois amendements identiques.
L’amendement n° 29 rectifié est présenté par MM. Guérini, Requier, Bilhac, Cabanel, Fialaire, Guiol et Roux.
L’amendement n° 31 est présenté par MM. Hassani, Iacovelli, Lévrier, Patriat et les membres du groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants.
L’amendement n° 33 est présenté par M. Canévet.
Ces trois amendements sont ainsi libellés :
Rétablir cet article dans la rédaction suivante :
Le titre VI du livre V de la cinquième partie du code des transports est complété par un chapitre … ainsi rédigé :
« Chapitre …
« Sanctions administratives
« Art. L. 5568-1. – L’autorité administrative compétente peut, sur le rapport des agents de contrôle de l’inspection du travail mentionnés à l’article L. 8112-1 du code du travail, sous réserve de l’absence de poursuites pénales, soit adresser à l’employeur ou à l’armateur un avertissement, soit prononcer à l’encontre de l’employeur ou de l’armateur une amende en cas de manquement :
« 1° Aux règles relatives aux dispositions légales et aux stipulations conventionnelles applicables aux salariés employés par les entreprises de la même branche d’activité établies en France pour les matières mentionnées aux 3°, 4°, 6°et 8° de l’article L. 5562-1 ;
« 2° Aux règles relatives à la protection sociale mentionnée à l’article L. 5563-1 ;
« 3° À l’article L. 5562-2 relatif au contrat conclu entre l’armateur, l’employeur et chacun des salariés relevant des gens de mer ;
« 4° Aux règles relatives à la déclaration des accidents survenus à bord, mentionnées à l’article L. 5563-2 ;
« 5° À la présentation aux agents de contrôle de l’inspection du travail des documents sollicités en application de l’article L. 5565-2 ou de ne pas les présenter en français.
« Art. L. 5568-1-1. – L’autorité administrative compétente peut, sur le rapport des officiers et des fonctionnaires affectés dans les services exerçant des missions de contrôle dans le domaine des affaires maritimes sous l’autorité ou à la disposition du ministre chargé de la mer et des personnes mentionnées aux 1° à 3°, 8° et 10° de l’article L. 5222-1, sous réserve de l’absence de poursuites pénales, soit adresser à l’employeur ou à l’armateur un avertissement, soit prononcer à l’encontre de l’employeur ou de l’armateur une amende en cas de manquement :
« 1° Aux règles relatives aux personnels désignés pour aider les passagers en situation d’urgence mentionnées à l’article L. 5564-1 ;
« 2° À la présentation aux officiers et des fonctionnaires affectés dans les services exerçant des missions de contrôle dans le domaine des affaires maritimes sous l’autorité ou à la disposition du ministre chargé de la mer et des personnes mentionnées aux 1° à 3°, 8° et 10° de l’article L. 5222-1 des documents sollicités en application de l’article L. 5565-2 ou de ne pas les présenter en français.
« Art. L. 5568-2. – Lorsqu’une amende est prononcée en application des articles L. 5568-1 et L. 5568-1-1, l’autorité compétente informe par tout moyen le procureur de la République des suites données au rapport des agents mentionnés aux articles L. 5568-1 et L. 5568-1-1.
« Art. L. 5568-3. – Le montant maximal de l’amende prononcée en application des articles L. 5568-1 à L. 5568-1-1 est de 4 000 euros et peut être appliqué autant de fois qu’il y a de manquements constatés au titre du 5° de l’article L. 5568-1 et du 2° de l’article L. 5568-1-1 ou qu’il y a de travailleurs concernés au titre des 1° à 4° de l’article L. 5568-1 et 2° de l’article L. 5568-1-1.
« Le plafond de l’amende est porté au double en cas de nouveau manquement constaté dans un délai de deux ans à compter de la notification de l’amende concernant un précédent manquement de même nature.
« Il est majoré de 50 % en cas de nouveau manquement constaté dans un délai d’un an à compter de la notification d’un avertissement concernant un précédent manquement de même nature.
« Art. L. 5568-4. – Pour déterminer si elle prononce un avertissement ou une amende prévue aux articles L. 5568-1 et L. 5568-1-1 et, le cas échéant, pour fixer le montant de l’amende, l’autorité compétente prend en compte les circonstances et la gravité du manquement, le comportement de son auteur ainsi que ses ressources et ses charges.
« Art. L. 5568-5. – Avant toute décision, l’autorité compétente informe par écrit l’employeur ou l’armateur de la sanction envisagée, en portant à sa connaissance le manquement retenu à son encontre et en l’invitant à présenter ses observations dans un délai d’un mois.
« À l’expiration de ce délai, l’autorité compétente peut, par décision motivée, prononcer l’amende prévue aux articles L. 5568-1 et L. 5568-1-1 et émettre le titre de perception correspondant.
« Art. L. 5568-6. – La décision d’infliger une amende administrative ne peut être prise plus de deux ans après le jour où le manquement a été commis.
« Art. L. 5568-7. – La décision d’infliger une amende administrative ne peut pas faire l’objet d’un recours hiérarchique.
« Art L. 5568-8. – L’amende prononcée en application des articles L. 5568-1 et L. 5568-1-1 est recouvrée selon les modalités prévues pour les créances de l’État étrangères à l’impôt et au domaine. »
La parole est à M. Jean-Claude Requier, pour présenter l’amendement n° 29 rectifié.
M. Jean-Claude Requier. Cet amendement a pour objet de rétablir le dispositif adopté à l’Assemblée nationale et que notre commission des affaires sociales a supprimé.
Il s’agit d’instaurer des sanctions administratives en cas de non-respect des normes sociales françaises dans nos eaux territoriales. L’enjeu est simple : aller plus vite. Les sanctions administratives sont plus rapides à mettre en œuvre que les sanctions pénales, car il n’y a pas de transmission au parquet. Et le déclenchement de la sanction relève de l’administration.
La logique est la même que celle de notre précédent amendement, que nous avons retiré. Nous devons être ambitieux dans la lutte contre le dumping social aussi bien dans le transport des passagers entre la France et le Royaume-Uni que dans les parcs éoliens en mer, ou encore dans le transport de passagers entre la Corse et le continent – Jean-Noël Guérini est à l’origine de cet amendement…
M. le président. La parole est à M. Bernard Buis, pour présenter l’amendement n° 31.
M. Bernard Buis. L’article 1er ter permet d’instaurer des sanctions administratives en cas de manquement aux dispositions relatives aux conditions de travail des salariés, comme la durée de travail, le paiement des heures supplémentaires, la protection sociale, la déclaration des accidents survenus à bord ou l’obligation de désigner des personnels pour aider les passagers en situation d’urgence.
Cet article, s’il est rétabli, permettra de rendre cohérentes les sanctions en cas de non-respect des dispositifs de lutte contre la concurrence déloyale dans les eaux nationales et dans les eaux internationales.
M. le président. La parole est à M. Michel Canévet, pour présenter l’amendement n° 33.
M. Michel Canévet. Défendu !
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Catherine Procaccia, rapporteur. La commission avait décidé de supprimer l’article 1er ter de ce texte ; elle a donc donné un avis défavorable sur ces amendements de rétablissement.
Cependant, une lecture plus attentive de ces amendements montre qu’ils sont légèrement différents de la rédaction adoptée initialement par l’Assemblée nationale. Cette rédaction est nettement meilleure. C’est pourquoi, à titre personnel, je m’en remets à la sagesse du Sénat.
Mme Catherine Deroche, présidente de la commission des affaires sociales. Une sagesse favorable !
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Hervé Berville, secrétaire d’État. Favorable, monsieur le président.
Je tiens d’ailleurs à remercier leurs auteurs d’avoir déposé ces amendements ; ils sont importants, parce que renforcer le régime des sanctions administratives permet d’accroître le côté dissuasif de notre dispositif.
C’est pourquoi je veux aussi remercier la rapporteure de s’en remettre finalement à la sagesse du Sénat. Ce type de sanctions permet de combattre le dumping social de la manière la plus efficace possible.
Il reste bien sûr la question des moyens et je prends l’engagement de revenir devant vous pour en discuter, en particulier dans le cadre des débats budgétaires.
En tout cas, de nombreux acteurs du secteur maritime – marins, représentants syndicaux ou patronaux, etc. – nous regardent et il est important de leur montrer que nous saisissons les occasions législatives qui se présentent à nous pour avancer.
Cette disposition nous permettra de préserver notre modèle social et de lutter contre le dumping. Je veux donc de nouveau remercier la commission de faire une exception à sa jurisprudence tendant à s’opposer au rétablissement d’une disposition qu’elle avait préalablement supprimée.
M. le président. La parole est à Mme Mélanie Vogel, pour explication de vote.
Mme Mélanie Vogel. Nous aurions bien sûr aimé que l’article 1er bis connaisse le même sort que l’article 1er ter et qu’il soit lui aussi rétabli.
Pour autant, je veux remercier, d’une part, les auteurs de ces amendements d’avoir retravaillé la rédaction du dispositif, d’autre part, la rapporteure de ne pas s’opposer à leur adoption.
Il se trouve, paradoxalement, que les sanctions administratives peuvent être un outil encore plus efficace dans ce type de situation pour lutter contre le dumping social. En effet, elles peuvent s’appliquer plus rapidement et elles ont une force dissuasive indéniable.
L’adoption de ces amendements rendra le texte plus efficace et plus équilibré et je me réjouis que la commission ait fait évoluer sa position.
M. le président. La parole est à M. Jean-Luc Fichet, pour explication de vote.
M. Jean-Luc Fichet. Nous voterons ces amendements.
Jusqu’ici, nous nous sommes abstenus sur les amendements : nous ne les contestions pas sur le fond, ils étaient même intéressants, mais nous sommes soucieux de la compatibilité de ce texte avec le droit international et européen – c’est aussi le souci de Mme la rapporteure d’ailleurs.
Ce texte s’inscrit dans le cadre d’une loi de police et nous ne devons pas complexifier les choses, parce qu’il est très important, dans le contexte d’urgence que chacun connaît, de voter cette proposition de loi rapidement et que ses dispositions s’appliquent dans les meilleurs délais.
Nous sommes donc favorables à tout ce qui améliore le texte sans pour autant faire porter de risque sur son application dans l’ensemble du champ maritime, y compris en ce qui concerne les éoliennes.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 29 rectifié, 31 et 33.
(Les amendements sont adoptés.)
M. le président. En conséquence, l’article 1 ter est rétabli dans cette rédaction.
Article 2
Le code des transports est ainsi modifié :
1° Les 1° et 2° de l’article L. 5523-6 sont complétés par les mots : « ou dans les conditions prévues à l’article L. 5521-1-1 lorsque le certificat d’aptitude médicale est établi à l’étranger » ;
2° L’article L. 5785-1 est ainsi modifié :
a) La vingt-troisième ligne du tableau du second alinéa du I est remplacée par deux lignes ainsi rédigées :
« |
L. 5523-5 |
Résultant de la loi n° 2013-619 du 16 juillet 2013 |
|
L. 5523-6 |
Résultant de la loi n° … du … |
» ; |
b) Après la quatorzième ligne du tableau du second alinéa du II, sont insérées deux lignes ainsi rédigées :
« |
L. 5523-1 |
Résultant de la loi n° 2019-1428 du 24 décembre 2019 |
|
L. 5523-6 |
Résultant de la loi n° … du … |
» ; |
3° L’article L. 5795-1 est ainsi modifié :
a) La vingt-troisième ligne du tableau du second alinéa du I est remplacée par deux lignes ainsi rédigées :
« |
L. 5523-5 |
Résultant de la loi n° 2013-619 du 16 juillet 2013 |
|
L. 5523-6 |
Résultant de la loi n° … du … |
» ; |
b) Après la quatorzième ligne du tableau du second alinéa du II, est insérée une ligne ainsi rédigée :
« |
L. 5523-6 |
Résultant de la loi n° … du … |
» |
– (Adopté.)
Article 3
(Supprimé)
M. le président. L’amendement n° 23 rectifié, présenté par Mmes Apourceau-Poly, Cohen, Brulin et Gréaume, M. Lahellec et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Rétablir cet article dans la rédaction suivante :
Dans un délai de six mois à compter de la promulgation de la présente loi, le Gouvernement remet au Parlement un rapport sur l’état des pratiques relatives au « dumping social » sur les lignes régulières de ferries au sein de l’espace communautaire européen.
La parole est à Mme Cathy Apourceau-Poly.
Mme Cathy Apourceau-Poly. J’espère que cet amendement aura la même chance que les précédents… Certes, il s’agit de rétablir une demande de rapport et la commission des affaires sociales a suivi sa jurisprudence constante en supprimant cet article, mais j’espère vous convaincre qu’il est important de le rétablir.
Il a été adopté par l’Assemblée nationale sur l’initiative de Sébastien Jumel et il avait pour objet de demander au Gouvernement de remettre au Parlement, dans un délai de six mois à compter de la promulgation de ce texte, un rapport sur l’état des pratiques relatives au dumping social sur les lignes régulières de ferries au sein de l’espace communautaire européen.
Il existe aujourd’hui une très grande opacité quant aux conditions sociales d’exploitation des lignes régulières au sein de l’espace communautaire, ce qui favorise la multiplication des pratiques sociales défavorables.
Ce rapport permettrait d’éclairer le Parlement sur les enjeux d’un tel phénomène afin de pouvoir prendre à l’avenir des dispositions législatives sur ces pratiques et protéger ainsi notre économie maritime, en œuvrant à l’harmonisation sociale sur les lignes maritimes intracommunautaires.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Catherine Procaccia, rapporteur. Vous l’avez dit, la commission rend de manière générale des avis défavorables sur les demandes de rapport, et cela pour plusieurs raisons.
Tout d’abord, ils sont peu souvent remis au Parlement : beaucoup de demandes de rapport ne sont jamais suivies d’effets.
Ensuite, vous auriez pu choisir un délai plus long, ma chère collègue, parce que six mois pour un tel rapport, c’est extrêmement court.
Enfin, je veux vous faire part d’une anecdote : en tant que rapporteur du projet de loi sur le dialogue social et la continuité du service public dans les transports terrestres réguliers de voyageurs, j’ai fait inscrire dans la loi une demande de rapport sur l’opportunité d’étendre le dispositif du service minimum aux autres modes de transport public de voyageurs, en particulier dans l’aérien et le maritime. C’était en 2007 ; vous connaissez ma ténacité : eh bien, je n’ai eu ce rapport qu’en 2012 !
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Hervé Berville, secrétaire d’État. Madame la sénatrice, je suis convaincu, sur le fond, de l’intérêt d’un tel rapport, mais pas sous cette forme.
Tout d’abord, le délai de six mois que vous fixez est très ambitieux.
Mme Cathy Apourceau-Poly. On peut l’allonger !
M. Hervé Berville, secrétaire d’État. Ensuite, nous avons déjà beaucoup travaillé sur la situation particulière du transmanche, tandis que le Conseil supérieur de la marine marchande a mis en place, de son côté, un groupe de travail sur la question plus générale du dumping social : il est présidé par Jean-Marc Roué et il réunit les différents acteurs du monde maritime. Je vous propose d’être associée aux travaux de ce groupe.
En tout cas, je souhaite que ce groupe de travail aboutisse à des propositions concrètes pour aller au-delà des dispositions de la présente proposition de loi, qui – je l’espère – sera mise en œuvre le plus rapidement possible.
C’est pourquoi je demande le retrait de cet amendement. À défaut, l’avis serait défavorable.
M. le président. Madame Apourceau-Poly, l’amendement n° 23 rectifié est-il maintenu ?
Mme Cathy Apourceau-Poly. Je vous remercie de cette belle proposition, monsieur le secrétaire d’État. Nous acceptons bien évidemment de participer aux travaux de ce groupe et j’espère que vous associerez également mon collègue Sébastien Jumel qui est tout de même à l’origine de cette demande de rapport…
Par conséquent, je retire cet amendement.
M. le président. L’amendement n° 23 rectifié est retiré.
En conséquence, l’article 3 demeure supprimé.
Article 4
(Supprimé)
M. le président. L’amendement n° 24 rectifié, présenté par Mmes Apourceau-Poly, Cohen, Brulin et Gréaume, M. Lahellec et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Rétablir cet article dans la rédaction suivante :
Dans un délai de six mois à compter de la promulgation de la présente loi, le Gouvernement remet au Parlement un rapport recensant les besoins humains et financiers des services en charge de l’inspection du travail maritime pour assurer leurs missions, notamment dans la lutte contre le phénomène de « dumping social ».
Le rapport précise également les pistes d’amélioration de la formation des agents en charge de l’inspection du travail maritime en matière de droit du travail maritime.
La parole est à Mme Céline Brulin.
Mme Céline Brulin. Madame la rapporteure, nous allons continuer d’essayer de vous convaincre !
Vous avez vous-même expliqué que, avant même de créer de nouvelles sanctions, nous avions besoin de renforcer les moyens de contrôle si nous voulions déjà appliquer les sanctions existantes.
C’est précisément l’objet de cette demande de rapport. Tout le monde sait bien que les demandes de rapport servent en général à contourner l’article 40 de la Constitution : en l’espèce, il ne nous permet pas de proposer nous-mêmes d’augmenter ces moyens de contrôle afin de faire respecter le droit du travail et de lutter contre le dumping social.
Monsieur le secrétaire d’État, vous nous avez donné rendez-vous au prochain débat budgétaire pour précisément avancer dans cette voie et je ne doute pas de votre engagement.
Travailler sur le rapport que nous vous proposons vous donnerait des arguments pour exiger que ces moyens de contrôle soient renforcés. Face à Bercy, on n’a jamais trop d’arguments et on n’est jamais trop rassemblés pour faire front !
Nous avons déjà vu des évolutions dans l’examen de ce texte, puisque l’article 1er ter a été rétabli grâce à la force de conviction du Sénat, certes après conciliabules et négociations… Je ne doute pas que cet amendement connaîtra le même développement et que nous pourrons l’adopter ensemble pour montrer qu’il y a un réel besoin de renforcer les contrôles. Faisons pression collectivement pour obtenir ces moyens supplémentaires !
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Catherine Procaccia, rapporteur. Défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je suis saisi de trois amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
Les deux premiers sont identiques.
L’amendement n° 12 est présenté par MM. Hassani, Iacovelli, Lévrier, Patriat et les membres du groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants.
L’amendement n° 34 est présenté par M. Canévet.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer les mots :
sur le transmanche
La parole est à M. Bernard Buis, pour présenter l’amendement n° 12.
M. Bernard Buis. Pour être en cohérence avec l’adoption de notre amendement n° 31, nous vous proposons de changer l’intitulé de la proposition pour clarifier le fait que la lutte contre le dumping social ne concerne pas que le transmanche.
M. le président. La parole est à M. Michel Canévet, pour présenter l’amendement n° 34.
M. Michel Canévet. Inscrire dans l’intitulé de ce texte qu’il vise à lutter contre le dumping social, sans restriction au seul transmanche, correspond mieux aux travaux du Sénat.
M. le président. L’amendement n° 11, présenté par Mmes M. Vogel et Poncet Monge, MM. Benarroche, Breuiller et Dantec, Mme de Marco et MM. Dossus, Fernique, Gontard, Labbé, Parigi et Salmon, est ainsi libellé :
Remplacer les mots :
sur le transmanche
par les mots :
du personnel des ferries internationaux
La parole est à Mme Mélanie Vogel.
Mme Mélanie Vogel. Cet amendement va dans le même sens que les deux précédents ; il vise au fond à mettre en cohérence l’intitulé de la proposition de loi avec ce que nous avons voté, c’est-à-dire des dispositions qui ne s’appliquent pas qu’aux seules liaisons transmanche. Si nous ne changeons pas l’intitulé du texte, il risque d’y avoir une incohérence, au moins dans la forme.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Catherine Procaccia, rapporteur. Comme vous le savez, la commission a déjà modifié l’intitulé de ce texte pour y inclure les questions relatives à la sécurité maritime. En outre, l’article 1er s’applique bien aux liaisons transmanche.
La commission souhaite donc conserver l’intitulé suivant : proposition de loi visant à lutter contre le dumping social sur le transmanche et à renforcer la sécurité du transport maritime.
L’avis est donc défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Hervé Berville, secrétaire d’État. On voit bien la complexité du sujet !
Le texte a évolué par rapport à la rédaction adoptée à l’Assemblée nationale.
En outre, le Gouvernement a retiré son amendement à l’article 1er qui tendait à préciser que cet article était circonscrit aux liaisons transmanche. En effet, nous pensons que cette précision aura davantage sa place dans le décret d’application – le dispositif sera ainsi plus opérationnel et plus rapide à mettre en œuvre.
Je demande donc le retrait de ces amendements. À défaut, j’y serai défavorable.
L’intitulé actuel répond d’ailleurs aux interrogations de M. Bacchi et du groupe CRCE sur le fait que cette proposition de loi a pour objet de lutter contre le dumping social sur les liaisons transmanche et de renforcer, pour toutes nos façades maritimes, la sécurité du transport maritime et la protection de notre modèle social – c’est l’ajout réalisé sur l’initiative de Mme la rapporteure.
Avec cet intitulé, il est clair que nous traitons les deux aspects : le dumping social sur le transmanche et la sécurité maritime sur toutes nos façades maritimes, ce qui favorisera notamment le développement de l’éolien en mer.
En tout cas, ce débat montre bien que le cheminement parlementaire est important et que nous devons pouvoir adapter les choses jusqu’au bout en cas de besoin.
M. le président. Monsieur Buis, l’amendement n° 12 est-il maintenu ?
M. Bernard Buis. Non, je le retire, monsieur le président. Je veux être agréable envers M. le secrétaire d’État, même si ses explications étaient quelque peu tarabiscotées… (Rires sur l’ensemble des travées, ainsi qu’au banc du Gouvernement.)
M. le président. L’amendement n° 12 est retiré.
M. Michel Canévet. Je retire également le mien.
Mme Mélanie Vogel. Moi aussi !
M. le président. Avant de mettre aux voix l’ensemble de la proposition de loi, je donne la parole à M. Jacques Fernique, pour explication de vote.
M. Jacques Fernique. Avant de voter, je tiens à saluer le dépôt de ce texte qui vise à lutter contre le dumping social – il va dans le bon sens.
Je regrette toutefois que le travail parlementaire ait été quelque peu limité : il aurait sans doute été plus pertinent que le Gouvernement dépose un projet de loi pour qu’une étude d’impact et un avis du Conseil d’État éclairent nos délibérations.
Le groupe écologiste aurait aussi souhaité que l’ambition de ce texte soit plus élevée. Oui, l’application du Smic français aux équipages de toutes les compagnies maritimes, quel que soit le pavillon utilisé, est une bonne avancée.
En revanche, le texte n’apporte pas de progrès sur la question des sanctions pénales pour les entreprises qui ne respecteraient pas leurs obligations.
Nous aurions également voulu que le même niveau d’indemnités de congés soit assuré pour tous les salariés, que l’entreprise soit ou non établie en France.
Au-delà de la question du dumping social, nous devons aussi avancer sur le volet de la transition écologique, car les trajets en ferry sont extrêmement polluants.
M. le président. La parole est à Mme Céline Brulin, pour explication de vote.
Mme Céline Brulin. Nous l’avons dit, le groupe CRCE va voter cette proposition de loi qui constitue un pas dans la lutte contre le dumping social sur le trafic transmanche.
Ce dumping n’est pas derrière nous ; au contraire, il redouble et un certain nombre de compagnies sont à l’offensive. Elles tirent encore plus vers le bas les conditions de travail de nos marins, ce qui risque, au-delà de l’impact sur les marins eux-mêmes, d’avoir des conséquences extrêmement douloureuses pour l’activité économique, en particulier dans des régions comme les Hauts-de-France, la Bretagne ou la Normandie.
En tant qu’élue du département de Seine-Maritime, je sais combien l’activité maritime a des conséquences positives sur de nombreux emplois. Cette proposition de loi sera aussi utile de ce point de vue.
Vous aurez aussi compris, à travers les amendements que nous avons défendus, que nous considérons – je crois que nous ne sommes pas les seuls – que cette proposition de loi ne va pas, à elle seule, épuiser l’ensemble du sujet. Il faut continuer de travailler pour faire avancer les choses, si nous voulons lutter efficacement contre le dumping social.
Pour conclure, monsieur le secrétaire d’État, je voudrais vous interroger sur le calendrier. Ce texte est censé entrer en vigueur de manière concomitante avec la loi qui a été adoptée par le Parlement britannique et qui devrait elle-même entrer en vigueur en janvier prochain. Serons-nous prêts ? Pourquoi ne pas avoir utilisé la procédure accélérée, pourtant souvent engagée, afin que ce texte soit opérant le plus rapidement possible ?
M. le président. La parole est à M. Jean-Luc Fichet, pour explication de vote.
M. Jean-Luc Fichet. Je veux d’abord dire notre satisfaction de voir ce texte avancer de manière très positive. Il est très important, parce qu’il concerne des gens qui connaissent des conditions de travail souvent déplorables.
Et nous revenons de loin, cela a été rappelé !
Nous devons toutefois rester prudents, parce qu’il faut encore assurer la convergence avec la nouvelle législation britannique et avec le droit européen.
C’est d’ailleurs pour cette raison que le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain n’a pas soutenu une augmentation des sanctions ou des primes. Certes, il s’agissait d’améliorer les conditions de travail des marins, mais nous voulions que ce texte puisse s’appliquer en toute sécurité juridique et au 1er janvier 2024 – il y va de l’intérêt général et de celui des marins.
Nous sommes donc très heureux que cette proposition de loi puisse être adoptée, qui plus est à l’unanimité.
M. le président. La parole est à M. Bernard Buis, pour explication de vote.
M. Bernard Buis. À mon tour de saluer cette proposition de loi qui sera sans aucun doute votée dans quelques minutes par le Sénat !
Le licenciement brutal en mars 2022 de 786 marins a provoqué un choc qui a abouti au dépôt de cette proposition de loi par notre collègue député Didier Le Gac.
Comme les orateurs précédents, je souhaite que ce texte soit adopté définitivement le plus rapidement possible afin d’être applicable dès 2024.
M. le président. La parole est à Mme Colette Mélot, pour explication de vote.
Mme Colette Mélot. Nous pouvons donc nous réjouir de l’issue favorable que devrait connaître ce texte. Au départ, nous n’étions pas très sûrs de ce qui se passerait. À l’arrivée, tout est bien qui finit bien !
Les marins et tous les gens de mer bénéficieront des dispositions dont nous venons de débattre et devraient donc connaître un meilleur sort en ce qui concerne leurs conditions de travail.
M. le président. La parole est à M. Pascal Allizard, pour explication de vote.
M. Pascal Allizard. Je voudrais tout d’abord saluer le travail réalisé par nos deux commissions, parce que la rédaction à laquelle nous avons abouti est un équilibre subtil qui me semble opérationnel. Oui, il y a eu des réglages de dernière minute, mais c’est aussi cela le travail parlementaire. L’essentiel, c’est le résultat : nous apportons une réponse à un véritable problème.
Monsieur le secrétaire d’État, c’est maintenant sur vous et vos services que nous comptons pour faire fonctionner tout cela. Certes, nous devions envoyer un signal politique, mais il fallait aussi s’assurer que le dispositif soit opérant et compatible avec le droit européen – je sais que c’était le souci principal de nos rapporteures. Si nous avons dû sacrifier quelques bonnes intentions, c’est au nom de l’efficacité !
J’ai participé à la réunion de travail de Saint-Malo au mois de novembre dernier ; nous espérions alors que les choses avancent. Je crois que nous passons ce soir un cap décisif et nous le faisons à l’unanimité. Le groupe Les Républicains votera bien évidemment ce texte !
M. le président. La parole est à M. Jean-Marie Vanlerenberghe, pour explication de vote.
M. Jean-Marie Vanlerenberghe. Je veux à mon tour saluer le travail réalisé par nos rapporteures. Il nous a notamment permis de bien comprendre tout l’enjeu de cette proposition de loi qui nous venait de l’Assemblée nationale.
Je crois que tout le monde est conscient du fait que nous avions besoin d’un texte pour lutter le plus efficacement possible – et dans le cadre du droit européen, ce qui n’est pas toujours facile – contre le dumping social. C’est pourquoi je me réjouis que nos commissions et le Gouvernement aient pu trouver un accord.
Nous avons vu tout à l’heure, notamment lors de l’examen des articles 1er bis et 1er ter, qu’il était parfois nécessaire de couper la poire en deux ! Je souhaite que nous puissions continuer dans cette voie et que la concertation entre le Gouvernement et le Parlement permette de construire, dans l’intérêt de nos concitoyens, des textes qui aboutissent à des dispositifs efficaces.
M. le président. La parole est à Mme la présidente de la commission.
Mme Catherine Deroche, présidente de la commission des affaires sociales. Au vu des explications de vote, je pense qu’il n’y a pas trop de suspense sur le résultat final…
Mais je veux profiter de cet instant pour remercier Catherine Procaccia, dont c’est le dernier texte en tant que rapporteure (Applaudissements.), pour le remarquable travail qu’elle a réalisé avec tout le pragmatisme et la rigueur que nous lui connaissons. Lorsque je lui ai confié cette proposition de loi un peu spéciale – je vais le dire ainsi… –, je savais de quelle ténacité elle était capable, puisqu’elle a fini par obtenir satisfaction au sujet des mutuelles étudiantes après de nombreuses années…
Monsieur le secrétaire d’État, nous avons réussi à nous mettre d’accord et j’espère que l’Assemblée nationale pourra voter ce texte conforme de façon qu’il puisse s’appliquer rapidement. (Applaudissements.)
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?…
Je mets aux voix, dans le texte de la commission, modifié, l’ensemble de la proposition de loi dont la commission a ainsi rédigé l’intitulé : proposition de loi visant à lutter contre le dumping social sur le transmanche et à renforcer la sécurité du transport maritime.
J’ai été saisi d’une demande de scrutin public émanant du groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à constater le résultat du scrutin.
(Mmes et MM. les secrétaires constatent le résultat du scrutin.)
M. le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 310 :
Nombre de votants | 343 |
Nombre de suffrages exprimés | 342 |
Pour l’adoption | 342 |
Le Sénat a adopté à l’unanimité. (Bravo ! et applaudissements sur de nombreuses travées.)
La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Hervé Berville, secrétaire d’État. Mesdames, messieurs les sénateurs, je veux d’abord vous remercier de cette unanimité qui fait honneur à cette belle institution, ainsi qu’à la tradition maritime française et à tous les combats que nous menons de manière transpartisane sur ces questions, en particulier en ce qui concerne la lutte contre le dumping social.
Je veux aussi remercier tout particulièrement votre rapporteure, Catherine Procaccia, pour les travaux qu’elle a menés, d’autant qu’il s’agit là de son dernier texte à cette fonction. On dit souvent qu’il faut des civils pour traiter des questions militaires ; manifestement, il faut aussi des gens qui habitent loin du littoral pour embrasser les sujets maritimes… Vous avez su faire preuve à la fois d’exigence et d’ouverture, toujours dans le souci d’aboutir à un texte opérationnel et efficace à même de changer concrètement et le plus rapidement possible la vie de nos marins.
Je voudrais aussi remercier la présidente de la commission des affaires sociales et tous ceux qui se sont impliqués dans ce travail.
Ce texte apporte des progrès, que ce soit sur le salaire minimum, l’équivalence entre temps de repos et temps en mer ou le renforcement des sanctions, alors que la situation est aujourd’hui inacceptable sur les liaisons transmanche.
Finalement, nous avons là des dispositifs opérationnels pour lutter contre le dumping social sur toutes nos façades maritimes. Avec ce texte, vous changez concrètement le quotidien de nombreux marins, ce qui permettra aussi de renforcer l’attractivité de ces métiers, qui font la fierté de notre pays.
La puissance maritime d’un pays ne se mesure pas au nombre de navires, mais à l’attention qu’il porte à ceux qui la font rayonner au quotidien – les marins et tous les personnels embarqués. Vous avez donc aujourd’hui renforcé la puissance maritime de notre pays. Je vous en remercie.
Madame la rapporteure, je sais que vous continuerez, même après la fin de votre mandat de sénatrice, à suivre avec beaucoup d’attention les sujets maritimes et vous serez toujours la bienvenue en Bretagne pour mesurer les progrès auxquels vous avez contribué ! (Applaudissements.)
M. le président. Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-neuf heures vingt-huit, est reprise à dix-neuf heures trente.)
M. le président. La séance est reprise.
7
Industrie verte
Suite de la discussion en procédure accélérée d’un projet de loi dans le texte de la commission
M. le président. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi relatif à l’industrie verte (projet n° 607, texte de la commission n° 737, rapport n° 736, avis nos 727, 725 et 731).
La procédure accélérée a été engagée sur ce texte.
Nous poursuivons l’examen du texte de la commission.
TITRE Ier (suite)
MESURES DESTINÉES À ACCÉLÉRER LES IMPLANTATIONS INDUSTRIELLES ET À RÉHABILITER LES FRICHES
Chapitre II (suite)
Moderniser la consultation du public
M. le président. Dans la suite de la discussion du texte de la commission, nous reprenons, au sein du chapitre II du titre Ier, l’examen des amendements à l’article 2.
Article 2 (suite)
I. – Le livre Ier du code de l’environnement est ainsi modifié :
1° L’article L. 123-1-A est complété par un 4° ainsi rédigé :
« 4° De la consultation du public mentionnée à l’article L. 181-10-1, lorsqu’elle est applicable. » ;
2° Après le même article L. 123-1-A, il est inséré un article L. 123-1-B ainsi rédigé :
« Art. L. 123-1-B. – Le juge administratif des référés fait droit à toute demande de suspension d’une décision prise sans que la participation du public mentionnée à l’article L. 123-1-A ait eu lieu, alors qu’elle était requise. » ;
3° Le 1° du I de l’article L. 123-2 est ainsi modifié :
a) Après le premier alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« – des projets auxquels s’applique, au titre de la première autorisation mentionnée au III de l’article L. 122-1-1, la consultation du public prévue à l’article L. 181-10-1 ; »
b) La seconde phrase du quatrième alinéa est complétée par les mots : « ou de la procédure prévue à l’article L. 181-10-1 » ;
4° À la fin de la seconde phrase de l’article L. 123-7, les mots : « ou à la procédure de participation du public par voie électronique prévue à l’article L. 123-19 » sont remplacés par les mots : « , à la procédure de participation du public par voie électronique prévue à l’article L. 123-19 ou à la consultation du public prévue à l’article L. 181-10-1, selon le cas » ;
5° Le deuxième alinéa de l’article L. 123-16 est supprimé ;
6° Le 1° du I de l’article L. 123-19 est complété par les mots : « s’ils ne relèvent pas de la consultation du public prévue à l’article L. 181-10-1 » ;
7° L’article L. 181-9 est ainsi modifié :
a) Le premier alinéa et les 1° à 3° sont remplacés par un alinéa et des 1° et 2° ainsi rédigés :
« L’instruction de la demande d’autorisation environnementale, après qu’elle a été jugée complète et régulière par l’autorité administrative, se déroule en deux phases :
« 1° Une phase d’examen et de consultation ;
« 2° Une phase de décision. » ;
b) Au cinquième alinéa, après le mot : « examen », sont insérés les mots : « et de consultation » ;
c) Le dernier alinéa est supprimé ;
8° Le I de l’article L. 181-10 est ainsi rédigé :
« I. – La consultation du public est réalisée selon les modalités fixées à l’article L. 181-10-1. Toutefois, dans le cas prévu au troisième alinéa du III de l’article L. 122-1-1, elle est réalisée selon les modalités prévues à l’article L. 123-19.
« Lorsque l’instruction de l’autorisation d’urbanisme relative au même projet nécessite la mise en œuvre de l’une des modalités de participation du public mentionnées aux 1° à 3° de l’article L. 123-1-A et que celle-ci n’a pas encore été réalisée, la consultation prévue à l’article L. 181-10-1 en tient lieu.
« Lorsqu’il doit être procédé par ailleurs à une enquête publique préalablement à une autre décision qu’une autorisation d’urbanisme, nécessaire à la réalisation du projet, et que cette enquête n’a pas encore été réalisée, la consultation du public est organisée conformément au chapitre III du titre II du présent livre par une enquête publique unique, sauf dérogation demandée par le pétitionnaire et accordée, lorsqu’elle est de nature à favoriser la bonne réalisation du projet, par l’autorité administrative compétente pour délivrer l’autorisation environnementale.
« Par dérogation à l’article L. 123-6, cette enquête publique unique est ouverte et organisée par cette autorité administrative. Sa durée n’est pas inférieure à un mois. Le dossier d’enquête comprend l’ensemble des éléments requis pour la délivrance de l’autorisation environnementale. » ;
9° Après le même article L. 181-10, il est inséré un article L. 181-10-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 181-10-1. – I. – Dès réception du dossier, l’autorité administrative saisit le président du tribunal administratif compétent en vue de la désignation, dans les conditions prévues aux articles L. 123-4 et L. 123-5, d’un commissaire enquêteur ou d’une commission d’enquête chargé de la consultation du public et respectivement d’un suppléant ou de plusieurs suppléants en mesure de se substituer sans délai au commissaire enquêteur ou aux membres de la commission d’enquête en cas d’empêchement.
« Dès que le dossier de demande est jugé complet et régulier et que le commissaire enquêteur ou la commission d’enquête est désigné, l’autorité administrative organise une consultation du public selon les modalités prévues aux II à V du présent article, sauf si la demande a déjà fait l’objet d’un rejet dans les conditions prévues au quatrième alinéa de l’article L. 181-9.
« II. – La consultation mentionnée au second alinéa du I a pour objet d’assurer l’information et la participation du public ainsi que la prise en compte des intérêts des tiers lors de l’élaboration de la décision. Les observations et propositions parvenues pendant le délai de la consultation sont prises en considération par le maître d’ouvrage et par l’autorité compétente pour prendre la décision.
« Le public est avisé de l’ouverture de la consultation selon les mêmes modalités que celles prévues au II de l’article L. 123-19. La durée de la consultation est de trois mois ou, lorsque l’avis de l’autorité environnementale est requis, d’un mois de plus que le délai imparti à celle-ci pour rendre son avis.
« Le dossier de la consultation est constitué et mis à la disposition du public dans les conditions prévues au même II. L’étude d’impact, quand elle est requise, est mise à disposition du public au plus tard au moment de l’ouverture de la consultation. Les avis recueillis par l’administration sur la demande, ou l’indication d’une absence d’avis résultant de l’expiration des délais impartis, sont mis à la disposition du public sans délai au fur et à mesure de leur émission.
« III. – La consultation est conduite par le commissaire enquêteur ou la commission d’enquête de manière à permettre au public de disposer d’une information complète sur le projet et de participer effectivement au processus de décision.
« À cet effet :
« 1° Dans les quinze jours suivant le début de la consultation, le commissaire enquêteur ou la commission d’enquête organise une réunion publique d’ouverture avec la participation du pétitionnaire ;
« 2° Le public peut faire parvenir ses observations et propositions, pendant la durée de la consultation, par courrier électronique, par voie postale, ainsi que par toute autre modalité précisée dans l’avis d’ouverture de la consultation ;
« 3° Les observations et propositions transmises par voie électronique sont accessibles sur un site internet désigné dans des conditions fixées par voie réglementaire ;
« 4° Les réponses éventuelles du pétitionnaire aux avis mis en ligne et aux observations et propositions du public sont transmises et publiées dans les mêmes conditions, y compris lorsque ces réponses ont été formulées lors d’une réunion publique ;
« 5° Dans les quinze derniers jours de la consultation du public, le commissaire enquêteur ou la commission d’enquête organise une réunion publique de clôture avec la participation du pétitionnaire. Il ou elle recueille les observations des parties prenantes jusqu’à la clôture de la consultation.
« Les réponses apportées par le pétitionnaire au plus tard lors de la réunion de clôture de la consultation sont réputées faire partie du dossier de demande, de même que les éventuelles modifications consécutives du projet, sous réserve qu’elles n’en modifient pas l’économie générale.
« IV. – Le commissaire enquêteur ou, à défaut, son suppléant ou la commission d’enquête, rend son rapport et ses conclusions motivées à l’autorité administrative, après échange avec le pétitionnaire et dans le délai de trois semaines après la clôture de la consultation du public.
« Le rapport fait état des principaux éléments relatifs au projet recueillis lors de la consultation du public et comporte une synthèse des observations et propositions du public et des réponses du pétitionnaire.
« Le rapport et les conclusions motivées sont rendus publics.
« La réception de ce rapport et de ces conclusions motivées, ou l’expiration du délai de trois semaines, met fin à la phase d’examen et de consultation et ouvre la phase de décision.
« Dans tous les cas, le projet de décision ne peut être définitivement adopté avant l’expiration d’un délai permettant la prise en considération des observations et propositions formulées pendant la consultation et des réponses du pétitionnaire.
« V. – Le pétitionnaire assume les frais afférents à la consultation du public, notamment ceux relatifs aux différentes mesures de publicité de la consultation et l’indemnisation du commissaire enquêteur ou de son suppléant ou de la commission d’enquête, dans les conditions prévues au chapitre III du titre II du présent livre. » ;
9° bis (nouveau) Au premier alinéa de l’article L. 181-17, le mot : « cinquième » est remplacé par le mot : « quatrième » ;
10° Le I de l’article L. 181-31 est ainsi rédigé :
« I. – Par dérogation au chapitre III du titre II du présent livre, les diverses modalités de consultation du public prévues à l’article L. 181-10 pour les projets relevant des articles L. 217-2 et L. 217-3 ou de l’article L. 517-1 sont régies par le présent article.
« Les procédures de consultation du public mentionnées par l’article L. 181-10 sont dirigées par le représentant de l’État dans le département à l’initiative du ministre de la défense.
« À la demande du ministre, le représentant de l’État dans le département retire du dossier mis en consultation les éléments soumis à des règles de protection du secret de la défense nationale ou ceux dont la divulgation serait de nature à nuire aux intérêts de la défense nationale.
« Le rapport de consultation du public ainsi que les avis recueillis sont transmis par le représentant de l’État dans le département au ministre de la défense. »
II. – Le présent article s’applique aux demandes d’autorisation environnementale déposées à compter d’une date fixée par décret, et au plus tard un an après la publication de la présente loi.
M. le président. L’amendement n° 74 rectifié bis, présenté par Mme Préville, M. Montaugé, Mme Briquet, MM. Marie et J. Bigot, Mme Bonnefoy, M. Devinaz, Mme M. Filleul, MM. Gillé, Houllegatte et Jacquin, Mmes Artigalas et Blatrix Contat, MM. Lurel et Mérillou, Mme Monier, MM. Redon-Sarrazy, Stanzione, Kanner et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 26
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Le commissaire enquêteur doit avoir suivi une formation spécifique portant notamment sur la procédure d’enquête publique prévue à l’article L. 123-1 et de l’instruction de l’autorisation environnementale prévue aux articles L. 181-9 et L. 181-10, dans des conditions définies par arrêté.
La parole est à Mme Angèle Préville.
Mme Angèle Préville. L’article 2 de ce projet de loi met le commissaire enquêteur au cœur du nouveau dispositif de consultation du public pour les procédures d’autorisation environnementale.
Son rôle sera donc majeur pour s’assurer que cette consultation se déroule dans de bonnes conditions.
Dans sa rédaction actuelle, l’article dispose que ce commissaire enquêteur est désigné par le président du tribunal administratif, sur saisine de l’autorité administrative. Certes, le code de l’environnement contient des dispositions visant à s’assurer de la compétence et de la neutralité de ces commissaires, mais nous estimons qu’il faut aller plus loin.
Nous proposons donc par cet amendement d’inscrire dans la loi que tout commissaire enquêteur désigné devra avoir reçu une formation spécifique sur les procédures d’enquête publique et d’instruction des autorisations environnementales. En effet, comme le droit environnemental est très changeant – nous en avons particulièrement conscience en tant que parlementaires –, il faut s’assurer de la parfaite formation de ces commissaires enquêteurs.
M. le président. Quel est l’avis de la commission de l’aménagement du territoire ?
M. Fabien Genet, rapporteur pour avis de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable. L’inscription des commissaires enquêteurs sur la liste d’aptitude est déjà conditionnée – Mme Préville y a fait allusion – à une série de garanties définies au niveau réglementaire : les candidats renseignent leurs titres ou diplômes, leurs éventuels travaux scientifiques et les différentes fonctions qu’ils ont occupées. Ils sont ensuite auditionnés par une commission départementale qui juge leur compétence et leur capacité à accomplir leur mission.
Ce mode de désignation permet de contrôler la compétence des commissaires enquêteurs. Il ne semble donc pas nécessaire de rendre obligatoire une formation spécifique complémentaire.
C’est pourquoi la commission a émis un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Roland Lescure, ministre délégué auprès du ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargé de l’industrie. Je voudrais d’abord exprimer toute la solidarité du Gouvernement avec les personnes blessées à la suite de l’explosion et de l’incendie qui ont eu lieu tout à l’heure non loin d’ici, dans le Ve arrondissement de Paris. Je souhaite aussi exprimer, toujours au nom du Gouvernement – mais j’imagine que la représentation nationale s’y joindrait volontiers –, toute notre gratitude envers les agents aujourd’hui mobilisés pour circonscrire l’incendie et porter assistance aux victimes.
Pour ce qui concerne l’amendement n° 74 rectifié bis, son objet est d’ores et déjà satisfait. Les dispositions proposées relèvent du domaine réglementaire plutôt que du champ de la loi. Dans le droit existant, les articles D. 123-40 et R. 123-41 du code de l’environnement soumettent déjà les commissaires enquêteurs à une obligation de formation. Je rappelle que, en cas de manquement à cette obligation, la radiation du commissaire enquêteur peut être prononcée. Lors de la réinscription sur la liste d’aptitude, le respect de l’obligation de formation doit être vérifié.
Je vous invite donc, madame la sénatrice, à retirer votre amendement ; à défaut, l’avis du Gouvernement serait défavorable.
M. le président. Madame Préville, l’amendement n° 74 rectifié bis est-il maintenu ?
Mme Angèle Préville. Non, je le retire, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 74 rectifié bis est retiré.
L’amendement n° 75 rectifié bis, présenté par Mme Préville, M. Montaugé, Mme Briquet, MM. Marie et J. Bigot, Mme Bonnefoy, M. Devinaz, Mme M. Filleul, MM. Gillé, Houllegatte et Jacquin, Mmes Artigalas et Blatrix Contat, MM. Lurel et Mérillou, Mme Monier, MM. Redon-Sarrazy, Stanzione, Kanner et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 26
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Dans un délai d’une semaine après sa désignation, le commissaire enquêteur indique au président du tribunal administratif les activités exercées au titre de ses fonctions précédentes ou en cours qui pourraient être jugées incompatibles avec les fonctions de commissaire enquêteur en application de l’article L. 123-5, et signe une déclaration sur l’honneur attestant qu’il n’a pas d’intérêt personnel au projet, plan ou programme. Le manquement à cette règle constitue un motif de radiation de la liste d’aptitude de commissaire enquêteur.
La parole est à Mme Angèle Préville.
Mme Angèle Préville. Cet amendement vise à s’assurer que le commissaire enquêteur ne se trouve pas en position de conflit d’intérêts du fait de ses fonctions antérieures ou en cours.
L’article L. 123-5 du code de l’environnement apporte déjà un début de réponse à ce problème, en disposant que « ne peuvent être désignées commissaires enquêteurs […] des personnes intéressées au projet à titre personnel » ou « en raison de leurs fonctions électives exercées sur le territoire concerné par l’enquête publique ».
Par cet amendement, nous proposons d’aller plus loin, en précisant que le commissaire enquêteur nouvellement désigné devra adresser lui-même au président du tribunal administratif les informations relatives à son parcours, à savoir les activités exercées ou en cours d’exercice, et déclarer sur l’honneur qu’il n’a pas d’intérêt personnel au projet.
On s’assurerait ainsi de la parfaite neutralité de ce commissaire enquêteur, qui sera la pierre angulaire du dispositif de participation du public, grâce à une actualisation en temps réel de sa déclaration d’intérêts dans la semaine qui suit sa nomination.
M. le président. Quel est l’avis de la commission de l’aménagement du territoire ?
M. Fabien Genet, rapporteur pour avis. Cet amendement nous semble déjà satisfait par l’article R. 123-4 du code de l’environnement, qui oblige le commissaire enquêteur, avant chaque désignation, à indiquer au président du tribunal administratif d’éventuelles incompatibilités.
L’avis de la commission est donc défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Angèle Préville. Je retire l’amendement, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 75 rectifié bis est retiré.
Je suis saisi de quatre amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
Les trois premiers sont identiques.
L’amendement n° 56 rectifié est présenté par MM. Sautarel, Burgoa et Cambon, Mme Belrhiti, M. Panunzi, Mme Dumont, M. Reichardt, Mmes Goy-Chavent, Bellurot, Estrosi Sassone et Ventalon, MM. Tabarot et E. Blanc, Mme Gruny, MM. Brisson, Lefèvre, Meurant, Klinger, Mouiller, Gueret, Charon, Belin, Laménie, Mandelli, Darnaud et Bascher, Mme F. Gerbaud, MM. C. Vial, Bouchet et de Nicolaÿ, Mmes Joseph et Gosselin et MM. B. Fournier, Piednoir et Rapin.
L’amendement n° 108 rectifié quater est présenté par M. Canévet, Mme N. Goulet, MM. Bonnecarrère, Folliot et Duffourg, Mme Saint-Pé, MM. Bonneau et Kern, Mmes Billon et Doineau, M. Détraigne, Mmes Férat, Gacquerre, Jacquemet et Havet, M. Moga, Mme Gatel et MM. Le Nay, Cigolotti, Delcros, Maurey et J.M. Arnaud.
L’amendement n° 123 rectifié est présenté par Mme N. Delattre, MM. Artano, Roux, Fialaire, Guiol, Requier, Bilhac, Cabanel et Gold et Mme Guillotin.
Ces trois amendements sont ainsi libellés :
Alinéa 29, seconde phrase
Remplacer cette phrase par trois phrases ainsi rédigées :
La durée maximale de la phase d’examen et de consultation est de trois mois à compter de la date d’accusé de réception du dossier. Elle peut être portée à quatre mois sur décision motivée de l’autorité compétente. Lorsque l’avis de l’autorité environnementale est requis, celle-ci dispose d’un mois de plus que le délai de deux mois imparti pour rendre son avis.
La parole est à M. Stéphane Sautarel, pour présenter l’amendement n° 56 rectifié.
M. Stéphane Sautarel. Cet amendement vise à revenir sur la rédaction de l’article 2, qui apparaît imprécise.
Il demeure en effet une incertitude juridique sur la durée maximale que peut prendre la phase d’examen dans le cadre de l’instruction de l’autorisation environnementale, dans la mesure où il n’est pas indiqué de manière suffisamment explicite que le délai de cette phase d’examen est enfermé dans le délai d’instruction maximal de trois mois. En outre, la formulation employée suscite un doute d’interprétation.
Nous proposons donc, par le présent amendement, que le délai imparti à l’autorité environnementale, lorsque son avis est requis, soit de deux mois.
M. le président. La parole est à Mme Annick Billon, pour présenter l’amendement n° 108 rectifié quater.
Mme Annick Billon. Cet amendement, déposé par mon collègue Michel Canévet, a été présenté à l’instant par M. Sautarel. Son objet est de simplifier et d’accélérer les procédures, sans pour autant les remettre en cause ; j’imagine qu’on ne peut qu’y être favorable.
M. le président. La parole est à M. Henri Cabanel, pour présenter l’amendement n° 123 rectifié.
M. Henri Cabanel. M. Sautarel et Mme Billon ont fort bien présenté l’objet de cet amendement ; il est donc défendu.
M. le président. L’amendement n° 100 rectifié bis, présenté par MM. Levi, Bonhomme, Decool, Burgoa, Tabarot, Laugier, Folliot et Bonneau, Mme Saint-Pé, M. Kern, Mmes Gacquerre et Vermeillet, MM. Pellevat, Sautarel et Henno, Mme Gosselin, MM. Détraigne, Mizzon, J.M. Arnaud, Belin, S. Demilly, Canévet et Le Nay, Mme Gatel, MM. Cigolotti et Duffourg, Mme Morin-Desailly et M. P. Martin, est ainsi libellé :
Alinéa 29, seconde phrase
Remplacer cette phrase par trois phrases ainsi rédigées :
La durée maximale de la phase d’examen et de consultation est de trois mois à compter de la date d’accusé de réception du dossier. Elle peut être portée à quatre mois sur décision motivée de l’autorité compétente. Lorsque l’avis de l’autorité environnementale est requis, celle-ci dispose d’un mois de plus que le délai imparti pour rendre son avis.
La parole est à M. Pierre-Antoine Levi.
M. Pierre-Antoine Levi. Il est défendu, monsieur le président.
M. le président. Quel est l’avis de la commission de l’aménagement du territoire ?
M. Fabien Genet, rapporteur pour avis. Ne confondons pas vitesse et précipitation, mes chers collègues !
Nous sommes bien sûr tous attachés à l’accélération des procédures, mais la fixation d’une durée maximale de trois mois pour la phase d’examen et de consultation n’apparaît pas opportune. Il semble en effet difficile, à la fois pour assurer une consultation efficace et pour garantir que l’examen par les services administratifs se fera dans des conditions satisfaisantes, de réduire la durée de cette phase d’examen et de consultation au-delà du délai fixé par le texte, qui est de trois mois et trois semaines.
La fixation à deux mois du délai d’avis de l’autorité environnementale est une proposition déjà satisfaite par l’article R. 122-7 du code de l’environnement. Selon les services interrogés, ce délai est respecté par l’autorité environnementale ; aucune alerte sur ce point n’est à signaler.
C’est pourquoi la commission a émis un avis défavorable sur ces quatre amendements.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Roland Lescure, ministre délégué. Il est également défavorable.
L’adoption de ces amendements, dont on comprend la logique, risquerait même d’être contre-productive, en entraînant un grand nombre de refus automatiques. En effet, la date de départ retenue dans les dispositifs proposés est celle du dépôt initial du dossier et non celle où celui-ci est déclaré complet et recevable. Ainsi, paradoxalement, en voulant s’assurer que la procédure sera rapidement conclue, on aboutirait à de nombreux échecs. Nous ne saurions donc être favorables à ces amendements.
J’indique néanmoins que les décrets d’application préciseront évidemment tous les délais de ces procédures : nous veillerons bien sûr à ce qu’ils soient respectés.
M. le président. Monsieur Sautarel, l’amendement n° 56 rectifié est-il maintenu ?
M. Stéphane Sautarel. Non, je le retire, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 56 rectifié est retiré.
Madame Billon, l’amendement n° 108 rectifié quater est-il maintenu ?
Mme Annick Billon. Non, je le retire, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 108 rectifié quater est retiré.
Monsieur Cabanel, l’amendement n° 123 rectifié est-il maintenu ?
M. Henri Cabanel. Non, je le retire, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 123 rectifié est retiré.
Monsieur Levi, l’amendement n° 100 rectifié bis est-il maintenu ?
M. Pierre-Antoine Levi. Non, je le retire, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 100 rectifié bis est retiré.
L’amendement n° 76 rectifié bis, présenté par M. Gillé, Mme Préville, M. Montaugé, Mme Briquet, MM. Marie et J. Bigot, Mme Bonnefoy, M. Devinaz, Mme M. Filleul, MM. Houllegatte et Jacquin, Mmes Artigalas et Blatrix Contat, MM. Lurel et Mérillou, Mme Monier, MM. Redon-Sarrazy, Stanzione, Kanner et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Alinéa 34
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
Une remise de ces observations et propositions peut être effectuée sous forme physique dans les maisons de services au public des territoires concernés ;
La parole est à Mme Angèle Préville.
Mme Angèle Préville. La commission a décidé, à cet article 2, de permettre que les observations et propositions du public sur l’enquête publique soient adressées non seulement par voie électronique, mais aussi par voie postale.
Nous souhaitons compléter ce dispositif en permettant la remise de ces observations et propositions sous forme physique, dans les maisons de service au public des territoires concernés. On pourrait ainsi inclure la population la plus large possible.
M. le président. Quel est l’avis de la commission de l’aménagement du territoire ?
M. Fabien Genet, rapporteur pour avis. Nous sommes bien sûr sensibles à l’argument de notre collègue, comme nous l’avions été en commission sur l’amendement tendant à permettre la remise de ces observations et propositions par voie postale, que nous avons adopté de manière à permettre à ceux qui ont des difficultés à accéder aux services en ligne de faire valoir leurs arguments.
Toutefois, le dispositif initial permet déjà au commissaire enquêteur de définir les modalités de remise des observations et propositions.
Par ailleurs, si nous sommes tous très sensibles au rôle des maisons de service au public, la mention de celles-ci semble juridiquement assez imprécise, d’autant qu’elles sont souvent remplacées aujourd’hui par des espaces ayant reçu le label France Services.
Dès lors, au vu de cette imprécision et de la liberté laissée au commissaire enquêteur d’organiser les modalités de remise des observations, la commission a émis un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. L’amendement n° 77 rectifié bis, présenté par Mme Préville, M. Montaugé, Mme Briquet, MM. Marie et J. Bigot, Mme Bonnefoy, M. Devinaz, Mme M. Filleul, MM. Gillé, Houllegatte et Jacquin, Mmes Artigalas et Blatrix Contat, MM. Lurel et Mérillou, Mme Monier, MM. Redon-Sarrazy, Stanzione, Kanner et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Alinéa 39
Après le mot :
motivées
insérer les mots :
en précisant si elles sont favorables, favorables sous réserves ou défavorables au projet,
La parole est à Mme Angèle Préville.
Mme Angèle Préville. Cet amendement vise à préciser que l’avis du commissaire enquêteur doit exprimer clairement sa position sur le projet concerné.
En effet, la rédaction actuelle de l’article 2 n’apportant pas cette précision, il pourrait s’avérer difficile, à la lecture des conclusions de l’enquête, de déterminer clairement, rapidement et de façon transparente la position du commissaire enquêteur. Or il nous paraît essentiel que des non-spécialistes – je pense notamment au grand public – qui auraient pu participer activement à la phase de consultation préalable à la remise des conclusions du commissaire enquêteur puissent avoir accès instantanément à cette information, sans être obligés, comme c’est le cas parfois, de lire entre les lignes.
C’est pourquoi, dans l’esprit de la législation actuelle, le présent amendement tend à préciser que les conclusions du commissaire enquêteur devront explicitement préciser si elles sont dans l’ensemble favorables, favorables sous réserves, ou défavorables. On s’assurerait ainsi que l’administration tienne compte dans l’instruction du dossier d’un avis autre que favorable.
M. le président. Quel est l’avis de la commission de l’aménagement du territoire ?
M. Fabien Genet, rapporteur pour avis. Dans le cadre de l’enquête publique, l’article L. 123-15 du code de l’environnement prévoit déjà que le commissaire enquêteur remet des « conclusions motivées ». En pratique, cette disposition amène le commissaire à émettre un avis sur le projet. L’article 2, à l’alinéa 39, dispose également que le commissaire enquêteur remet des « conclusions motivées » dans le cadre de la nouvelle procédure de participation du public.
Il me semble que l’expression « conclusions motivées » est suffisante. C’est pourquoi la commission a émis un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Roland Lescure, ministre délégué. Au-delà de l’argument pertinent du rapporteur pour avis, qui a rappelé que des « conclusions motivées » sont déjà prévues dans la loi, je précise que le règlement prévoit un avis du commissaire enquêteur. De ce fait, madame la sénatrice, votre amendement, dont je comprends la logique, est satisfait.
Je vous invite donc, au vu de l’absence de régression dans les dispositions nouvelles inscrites à l’article 2, à le retirer ; à défaut, l’avis du Gouvernement serait défavorable.
M. le président. La parole est à Mme Angèle Préville, pour explication de vote.
Mme Angèle Préville. Je ne retirerai pas l’amendement, et je réitère mon interrogation : les « conclusions motivées » consisteront-elles à préciser clairement, comme je le demande, que l’avis du commissaire enquêteur est favorable, favorable sous réserves, ou défavorable ? Si tel n’est pas le cas, la lecture des conclusions peut s’avérer difficile.
M. le président. Je suis saisi de trois amendements identiques.
L’amendement n° 46 rectifié est présenté par Mme Paoli-Gagin, MM. Capus, Guerriau et A. Marc, Mme Mélot et MM. Lagourgue, Grand, Chasseing, Wattebled, Malhuret, Decool et Menonville.
L’amendement n° 170 est présenté par Mme Micouleau, MM. Anglars et Belin, Mmes Bellurot, Belrhiti et Bonfanti-Dossat, MM. Bouchet, Brisson, Burgoa, Cambon et Charon, Mmes Dumont, Garriaud-Maylam, Gosselin et Imbert, MM. Karoutchi et Klinger, Mme Lherbier, MM. Mandelli, Mouiller et Panunzi, Mme Procaccia et MM. Savary, Segouin, Sol et C. Vial.
L’amendement n° 199 rectifié ter est présenté par MM. Marseille, Bonnecarrère, Folliot et Laugier, Mmes Herzog et Devésa, M. Levi, Mmes Létard, Vérien, Vermeillet et Billon, MM. S. Demilly, Détraigne et Moga, Mme Jacquemet, MM. Cigolotti et Canévet, Mmes Guidez et Gatel, MM. Janssens, Longeot et Lafon, Mme Perrot et MM. Kern, Henno, Cazabonne, Duffourg, L. Hervé, Le Nay et Capo-Canellas.
Ces trois amendements sont ainsi libellés :
Après l’alinéa 45
Insérer deux alinéas ainsi rédigés :
…° Le même article L. 181-17 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Le délai de recours contentieux, fixé par décret en Conseil d’État, n’est pas prorogé par l’exercice d’un recours administratif. » ;
L’amendement n° 46 rectifié n’est pas soutenu.
La parole est à Mme Béatrice Gosselin, pour présenter l’amendement n° 170.
Mme Béatrice Gosselin. Par cet amendement, déposé par ma collègue Brigitte Micouleau, nous proposons de modifier les dispositions relatives au contentieux des autorisations environnementales en précisant que l’exercice d’un recours administratif ne pourra pas prolonger le délai ouvert pour le recours contentieux.
M. le président. La parole est à Mme Annick Billon, pour présenter l’amendement n° 199 rectifié ter.
Mme Annick Billon. Cet amendement a été déposé par Hervé Marseille, président du groupe Union Centriste. Il vise également à préciser que l’exercice d’un recours administratif ne vaut pas prolongation du délai ouvert pour le recours contentieux. Cette mesure contribuerait à réduire les retards liés au contentieux de ces autorisations environnementales, qui est en moyenne de deux mois.
M. le président. Quel est l’avis de la commission de l’aménagement du territoire ?
M. Fabien Genet, rapporteur pour avis. La fixation du délai de recours contentieux relatif aux autorisations environnementales relève du domaine réglementaire et non du champ de la loi ; ce délai figure à l’article R. 181-50 du code de l’environnement. Il revient donc au Gouvernement de se prononcer sur cette proposition, en sachant qu’une disposition similaire a déjà été adoptée pour les projets d’énergies renouvelables, dans le décret du 29 octobre 2022.
Pour sa part, la commission appelle le Gouvernement à répondre favorablement à cette demande par voie réglementaire. En effet, le recours gracieux est parfois utilisé par des requérants comme un simple moyen de reporter de deux mois le délai de recours contentieux. Il convient donc certainement de limiter l’utilisation de cet outil contentieux pour prévenir les abus.
Au bénéfice de ces observations, je demanderai aux auteurs de ces amendements de bien vouloir les retirer, de manière à laisser au Gouvernement la possibilité d’exercer son pouvoir réglementaire en la matière.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Roland Lescure, ministre délégué. Je vous confirme que le Gouvernement est favorable, sur le principe, à de telles dispositions, qui relèvent bien de son pouvoir réglementaire. Des dispositions identiques ont déjà été prises dans les décrets d’application d’autres lois ; nous envisageons de le faire également pour l’application du présent projet de loi.
Le Gouvernement se joint donc à la demande de retrait exprimée par le rapporteur pour avis.
M. le président. Madame Gosselin, l’amendement n° 170 est-il maintenu ?
Mme Béatrice Gosselin. Non, je le retire, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 170 est retiré.
Madame Billon, l’amendement n° 199 rectifié ter est-il maintenu ?
Mme Annick Billon. Au vu des arguments de M. le rapporteur et de M. le ministre, puisque nous sommes d’accord sur les objectifs et qu’ils seront atteints, je le retire, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 199 rectifié ter est retiré.
Je suis saisi de six amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 355 rectifié n’est pas soutenu.
L’amendement n° 58 rectifié bis, présenté par MM. Sautarel, Burgoa et Cambon, Mme Belrhiti, M. Panunzi, Mme Dumont, M. Reichardt, Mmes Goy-Chavent, Bellurot et Ventalon, MM. Tabarot et E. Blanc, Mme Gruny, MM. Brisson, Lefèvre, Meurant, Klinger, Mouiller, Pointereau, Gueret, Charon, Belin, Laménie, Anglars, Mandelli, Darnaud, Bascher, C. Vial et Bouchet, Mme Gosselin, MM. B. Fournier et Piednoir, Mme Borchio Fontimp et M. Rapin, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 45
Insérer deux alinéas ainsi rédigés :
L’article L. 181-17 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Lorsque le droit de former un recours contre une de ces décisions est mis en œuvre dans des conditions qui traduisent un comportement abusif de la part du requérant et qui causent un préjudice au bénéficiaire de l’autorisation, celui-ci peut demander, par un mémoire distinct, au juge administratif saisi du recours de condamner son auteur à lui verser des dommages et intérêts. La demande peut être présentée pour la première fois en appel. » ;
La parole est à Mme Béatrice Gosselin.
Mme Béatrice Gosselin. Défendu !
M. le président. L’amendement n° 47 rectifié n’est pas soutenu.
Les trois amendements suivants sont identiques.
L’amendement n° 124 rectifié est présenté par Mme N. Delattre, MM. Artano, Roux, Fialaire, Guiol, Requier, Bilhac, Cabanel et Gold et Mme Guillotin.
L’amendement n° 169 rectifié est présenté par Mmes Micouleau, Bonfanti-Dossat, Garriaud-Maylam et Imbert, M. Karoutchi, Mmes Lherbier et Procaccia et MM. Savary, Segouin et Sol.
L’amendement n° 198 rectifié ter est présenté par MM. Marseille, Bonnecarrère et Folliot, Mme Herzog, M. Laugier, Mme Devésa, M. Levi, Mmes Létard, Vérien, Vermeillet et Billon, MM. Détraigne et S. Demilly, Mme Saint-Pé, M. Moga, Mme Jacquemet, MM. Janssens, Cigolotti et Canévet, Mmes Guidez et Gatel, MM. Longeot et Lafon, Mme Perrot et MM. Kern, Henno, Cazabonne, Duffourg, L. Hervé, Capo-Canellas et Le Nay.
Ces trois amendements sont ainsi libellés :
Après l’alinéa 45
Insérer deux alinéas ainsi rédigés :
…° La section 5 du chapitre unique du titre VIII du livre Ier du code de l’environnement est complétée par un article L. 181-18-… ainsi rédigé :
« Art. L. 181-18-…. – Lorsque le droit de former un recours contre une autorisation environnementale est mis en œuvre dans des conditions qui traduisent un comportement abusif de la part du requérant et qui causent un préjudice au bénéficiaire de l’autorisation, celui-ci peut demander, par un mémoire distinct, au juge administratif saisi du recours de condamner l’auteur de celui-ci à lui allouer des dommages et intérêts. La demande peut être présentée pour la première fois en appel. » ;
La parole est à M. Henri Cabanel, pour présenter l’amendement n° 124 rectifié.
M. Henri Cabanel. Les recours contentieux sont l’une des principales sources de retard dans le développement des projets industriels et des projets d’énergies renouvelables. Si des mesures législatives et réglementaires peuvent permettre de réduire les délais de traitement des contentieux, il est également nécessaire de limiter à leur source les recours contentieux.
Nous proposons donc de sanctionner les recours abusifs, en nous inspirant de l’article 80 de la loi du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l’aménagement et du numérique, dite loi Élan, concernant les contentieux en urbanisme.
En effet, dans des conditions qui traduisent un comportement abusif de la part du requérant et qui causent un préjudice au bénéficiaire du permis de construire, la loi Élan permet à ce dernier de demander, par un mémoire distinct, au juge administratif saisi du recours de condamner l’auteur de celui-ci à lui allouer des dommages et intérêts.
Cette mesure constituait l’une des propositions formulées par les pilotes pour le présent projet de loi. Ainsi, leur rapport note : « Certains porteurs de projets sont très inquiets des délais de contentieux possibles, dont la durée se compte en années et dépasse largement les durées de procédure, au point de renoncer purement et simplement aux projets qui font l’objet d’un contentieux sans en attendre l’issue. La durée des contentieux devient un critère déterminant pour les choix de pays d’implantation. » Ils insistent par conséquent sur la nécessité de prendre des « mesures permettant de rendre plus prévisible l’évolution des contentieux et d’en réduire partiellement la durée » afin de permettre à plus de projets d’industrie verte de s’installer en France.
M. le président. L’amendement n° 169 rectifié n’est pas soutenu.
La parole est à Mme Annick Billon, pour présenter l’amendement n° 198 rectifié ter.
Mme Annick Billon. Ce nouvel amendement de M. Marseille a également pour objet de renforcer l’attractivité et la compétitivité de notre pays, ainsi que d’apporter une réponse aux enjeux climatiques.
Au-delà des délais liés aux contentieux, il convient également de limiter le risque de recours abusifs liés aux autorisations environnementales. La reconnaissance et la sanction des recours abusifs figurent déjà dans le code de l’urbanisme, à son article L. 600-7. Le bénéficiaire d’un permis de construire, d’aménager ou de démolir peut ainsi demander au juge administratif de condamner l’auteur d’un recours pour excès de pouvoir mis en œuvre dans des conditions qui traduisent un comportement abusif à lui allouer des dommages et intérêts.
Par le présent amendement, nous souhaitons étendre ce dispositif aux autorisations environnementales nécessaires à la réalisation d’un projet industriel.
M. le président. Quel est l’avis de la commission de l’aménagement du territoire ?
M. Fabien Genet, rapporteur pour avis. Peut-être conviendrait-il, à cet instant de notre discussion, de relire Paul Éluard, selon lequel « il faut toujours abuser de sa liberté ». (Exclamations élogieuses sur les travées du groupe Les Républicains.)
Sans aller jusque-là, nous pourrions sans doute nous retrouver autour des arguments développés en justification de ces amendements. En effet, un certain nombre d’entreprises connaissent de telles préoccupations et souhaiteraient donc que soient limités les délais contentieux liés à des recours abusifs. D’ailleurs, nous avons déjà rappelé dans la discussion générale qu’une action pourrait être menée en la matière par le Gouvernement par son pouvoir réglementaire.
Néanmoins, la rédaction proposée nous semble difficile à mettre en œuvre. Certes, vous avez rappelé que cette possibilité existe en droit de l’urbanisme, à l’article L. 600-7 du code de l’urbanisme. Force est de constater pourtant que cette disposition est peu efficace : les condamnations sont particulièrement rares. Le caractère abusif du recours ainsi que l’existence d’un préjudice doivent être prouvés par le requérant ; en outre, le juge concilie cette disposition avec le principe constitutionnel du droit au recours effectif. Cette disposition semble par ailleurs ne pas avoir d’effet dissuasif sur les éventuels requérants abusifs. Une association qui dispose de moyens juridiques pour effectuer ce type de recours dispose aussi de moyens suffisants pour constater que le caractère abusif du recours est très difficile à prouver.
Dès lors, il ne me paraît pas judicieux de transposer dans le droit de l’environnement une disposition qui apparaît déjà inefficace dans le droit de l’urbanisme.
Je le répète, en matière de procédures contentieuses, il y a matière à se pencher sur les délais contentieux, dans le cadre des possibilités offertes au Gouvernement dans l’exercice de son pouvoir réglementaire.
Au vu de ces observations, la commission demande le retrait de l’ensemble de ces amendements.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Roland Lescure, ministre délégué. J’entends les arguments de M. le rapporteur pour avis. Je ne me permettrais pas de citer un poète, mais j’évoquerai un cinéaste, Billy Wilder, auteur de Sept Ans de réflexion. Sept ans, c’est la durée maximale qu’atteignent, trop souvent, ces recours dits « abusifs ».
Il faut reconnaître que les juges sont parfois frileux quand on leur demande de reconnaître le caractère abusif de ces recours. Il n’en reste pas moins que le Gouvernement est favorable à l’extension de ce dispositif. Ce serait un signal envoyé aux investisseurs, mais aussi, peut-être, à celles et à ceux qui ont parfois tendance à utiliser les possibilités de recours de manière abusive.
Enfin, ce serait aussi un signal adressé à l’administration pour qu’elle agisse un peu plus vite et un peu mieux. Nous pouvons évidemment examiner, avec le ministère de la justice, notre capacité collective à accélérer le traitement de ces contentieux.
Toujours est-il qu’il me paraît important que ces dispositions puissent figurer dans la loi. L’avis du Gouvernement sur ces amendements est donc favorable.
M. le président. La parole est à M. Stéphane Sautarel, pour explication de vote.
M. Stéphane Sautarel. N’ayant pas pu présenter l’amendement n° 58 rectifié bis, je veux exposer quelques arguments en sa faveur, tout en me réjouissant de la position favorable de M. le ministre à son égard.
Cette mesure, qui viendrait transcrire dans le droit de l’environnement ce que la loi Élan a inscrit dans le code de l’urbanisme, permettrait d’envoyer un signe aux investisseurs et de les rassurer. Certes, il conviendra d’être prudent dans son application et de s’assurer de sa bonne mise en œuvre, mais je veux m’adresser à notre rapporteur pour avis pour qu’il veuille bien nous permettre d’entreprendre cette expérimentation. Ainsi, un autre poète, René Char, nous invite à imposer notre chance… (Sourires.)
M. Fabien Genet, rapporteur pour avis. Et à aller vers notre risque ! (Nouveaux sourires.)
M. le président. La parole est à Mme Annick Billon, pour explication de vote.
Mme Annick Billon. Sans vouloir abuser de notre liberté, nous entendons tout de même user de notre liberté d’amendement : au vu de l’avis favorable du Gouvernement, nous maintenons notre amendement.
M. le président. Voilà bien des citations poétiques sur un sujet qui ne l’est pas vraiment… (Sourires.)
Je mets aux voix l’amendement n° 58 rectifié bis.
(L’amendement n’est pas adopté.)
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 124 rectifié et 198 rectifié ter.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 242, présenté par Mmes Cukierman et Varaillas, MM. Gay, Lahellec et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Alinéa 51
Après le mot :
environnementale
insérer les mots :
pour des projets situés sur des espaces en friche commerciale, industrielle ou militaire, au sens de l’article L. 111-26 du code de l’urbanisme,
La parole est à Mme Cécile Cukierman.
Mme Cécile Cukierman. Cet amendement vise à réserver les facilitations prévues à l’article 2 pour les procédures d’instruction aux friches, dans leur ensemble.
On recense 8 300 friches, qui représentent entre 90 000 et 150 000 hectares – la différence est presque du simple au double. Il convient donc d’achever leur recensement, mais aussi de proposer des mesures concrètes et incitatives, de manière à les résorber, dans une trajectoire fixée selon des objectifs de réussite.
Nous proposons d’y contribuer par cet amendement : cibler des sites industriels, militaires ou commerciaux est un moyen de favoriser une procédure plus rapide pour des projets qui s’installeraient dans des espaces déjà familiarisés avec des sites de production, où l’acceptation des riverains serait plus facile, voire majoritairement acquise, et où les enjeux environnementaux ont déjà été intégrés par les implantations précédentes.
Dans un texte censé être relatif à l’industrie verte, les aménagements apportés à la législation gagneraient à être plus vertueux et à mieux tenir compte de l’environnement. La relocalisation est indispensable pour retrouver une souveraineté, mais aussi, d’un point de vue écologique, pour réduire les transports, rapprocher les producteurs des consommateurs et – pourquoi pas ? – recycler des friches plutôt que de donner la prime à l’artificialisation. C’est ce que nous proposons de faire au travers de procédures d’instruction accélérées pour les projets situés sur des friches.
M. le président. L’amendement n° 241, présenté par Mmes Cukierman et Varaillas, MM. Gay, Lahellec et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Alinéa 51
Après le mot :
environnementale
insérer les mots :
pour des projets situés sur des espaces en friche commerciale, industrielle ou militaire, au sens de l’article L. 111-26 du code de l’urbanisme, depuis plus de dix ans,
La parole est à Mme Cécile Cukierman.
Mme Cécile Cukierman. Par cet amendement, qui pourrait être considéré comme un amendement de repli par rapport au précédent, nous proposons de concentrer les efforts sur les friches les plus anciennes.
Un enjeu nous occupe tous et nous occupera jusqu’à la fin de la session extraordinaire qui va s’ouvrir dans quelques jours : l’objectif de « zéro artificialisation nette » (ZAN) des sols. À nos yeux, nous manquons d’ailleurs toujours de soutien de la part du Gouvernement dans notre effort pour ne pas pénaliser les collectivités et redonner un sens positif à la transition écologique pour tous les territoires, quelles que soient leur strate, leur localisation et leur population.
Si nous voulons redynamiser nos territoires sans artificialiser davantage dans les dix ou vingt prochaines années, nous aurons besoin de nous appuyer sur l’utilisation des friches, en particulier des friches anciennes.
Nous proposons donc, dans cet amendement, de réserver les procédures accélérées aux projets qui s’implanteraient sur des friches anciennes. On offrirait ainsi un soutien intéressant aux porteurs, qui pourraient arbitrer le choix de leur implantation en tenant compte des coûts économisés par un démarrage plus rapide de leur activité rendu possible par le réemploi d’une friche et les délais d’instruction raccourcis.
Pour la collectivité, c’est également une économie de foncier supplémentaire, alors que celui-ci va se raréfier. Ce sera surtout un atout pour soutenir le développement économique de ces territoires.
M. le président. Quel est l’avis de la commission de l’aménagement du territoire ?
M. Fabien Genet, rapporteur pour avis. Nous sommes d’accord – vous le savez très bien, ma chère collègue – quant à l’importance de la reconquête des friches industrielles. Pour autant, limiter l’application de l’article 2 à ces friches, ou aux plus anciennes d’entre elles, apparaît contraire à l’objectif plus global d’accélération de la réindustrialisation, qui exige de mobiliser l’ensemble des terrains disponibles et non pas seulement les friches.
Par ailleurs, les friches, en particulier les plus anciennes, sont souvent concentrées géographiquement autour des villes, ce qui peut susciter diverses difficultés, notamment logistiques, pour l’accueil de nouvelles industries.
Vos propositions, ma chère collègue, ne nous paraissent donc pas de nature à permettre l’accélération de la reconquête des friches, tout en limitant par trop le champ d’application de l’article 2.
C’est pourquoi, à regret, j’émets au nom de la commission un avis défavorable sur ces deux amendements.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Roland Lescure, ministre délégué. Même avis.
Madame la sénatrice, si l’on favorise les zones qui disposent de friches industrielles, on pénalise celles qui en sont dépourvues, ce qui serait contraire à l’égalité des territoires devant l’industrialisation.
Vous avez raison, il faut favoriser l’utilisation des friches. La Banque des territoires consacrera ainsi 1 milliard d’euros à la mise à niveau de 2 000 hectares de friches. En revanche, les délais d’instruction des procédures doivent être les mêmes pour tout le monde. Nous souhaitons accélérer la réindustrialisation de tous les territoires, qu’ils aient des friches ou non.
M. le président. La parole est à Mme Cécile Cukierman, pour explication de vote.
Mme Cécile Cukierman. Monsieur le ministre, je crois que nous n’avons pas la même définition de l’égalité des territoires ! Un territoire ne s’aménage pas en un an, ni loi après loi ! Si l’on permet à tous les projets de bénéficier de l’accélération des procédures, on va faciliter la réindustrialisation de certains territoires, mais on laissera en l’état des friches et des verrues à d’autres endroits, et pas seulement en zone urbaine.
Pendant plus de dix ans, j’ai participé à la gestion des fonds européens dans le Massif central : les vingt-deux départements qui le composent ne sont, si l’on omet les grandes préfectures, guère urbanisés ; or ils abritent de nombreux terrains en friche ou laissés à l’abandon, pour de multiples raisons – décès du propriétaire, spéculation, pollution, etc. Ces vieux territoires industriels, qui ont fait la grandeur de la France, risquent, si nous ne faisons rien, d’être les grands oubliés de la réindustrialisation.
Il convient de définir des trajectoires, et non simplement de fixer des objectifs quantifiés à l’horizon d’un an ou deux. Il est urgent de réindustrialiser, mais veillons à ne pas aggraver les différences entre les territoires.
Je ne souhaiterais pas que le département de la Loire soit le cocu de cette réforme – pardonnez-moi d’utiliser cette expression, mais je m’exprime avec passion. Ce département doit faire face aux difficultés liées à son passé industriel et n’est pas en mesure d’accueillir, du moins pas autant que d’autres territoires, des industries immédiatement dans le cadre du plan en faveur de l’industrie verte. La question des friches doit être résolue, sinon ce département finira par se replier sur lui-même, subissant les effets de la désindustrialisation, tout en étant, en application du ZAN, dans l’incapacité de procéder à des aménagements.
M. le président. La parole est à Mme Sophie Primas, pour explication de vote.
Mme Sophie Primas. Je suis très sensible au discours de Cécile Cukierman. Nous avons tous des friches dans nos territoires.
Comme me le faisait remarquer mon collègue Louis-Jean de Nicolaÿ, il est plus coûteux, pour une entreprise, de s’installer dans une friche qu’ailleurs. Il ne serait donc pas illégitime que, pour compenser, l’implantation puisse être plus rapide.
L’État aide beaucoup les collectivités par le biais du fonds friches, qui dépend du fonds vert. Je suis inquiète, car ce dernier a été amputé cette année de 1 milliard d’euros, sur les 2 milliards d’euros dont il disposait, pour compenser le manque à gagner des départements dû à la suppression de la moitié la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE). Cette dernière doit disparaître intégralement en 2024. Si vous procédez à une nouvelle ponction de 1 milliard l’année prochaine, le fonds vert sera asséché et ne pourra plus financer le fonds friches.
Enfin, j’ai bien entendu l’explication de notre rapporteur sur l’amendement n° 242. La rédaction proposée est réductrice et aboutit à restreindre le champ d’application de l’article 2. Pour y remédier, je vous propose de le rectifier pour que les dérogations prévues par l’article 2 puissent valoir pour tous les projets d’implantation industrielle sur des friches, qu’il s’agisse d’industrie verte ou non.
Je propose ainsi de rectifier l’amendement n° 242 pour insérer, à l’alinéa 51, après le mot : « environnementale », les mots : « et pour tous les projets situés sur des espaces en friche commerciale, industrielle ou militaire, au sens de l’article L. 111-26 du code de l’urbanisme, ».
M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. Fabien Genet, rapporteur pour avis de la commission de l’aménagement du territoire. Nous sommes d’accord sur l’importance de reconquérir les friches industrielles, d’autant plus qu’elles représentent une source de foncier disponible dans le cadre de la mise en œuvre du ZAN – mais ne rouvrons pas le débat sur ce point.
L’amendement n° 242 porte sur l’alinéa 51. Celui-ci est ainsi rédigé : « Le présent article s’applique aux demandes d’autorisation environnementale déposées à compter d’une date fixée par décret, et au plus tard un an après la publication de la présente loi. » Cela signifie que l’article 2 s’applique à l’ensemble des projets. Il est donc superfétatoire de préciser qu’il concerne les friches. Tout projet d’implantation sur une friche bénéficiera de la nouvelle procédure, peu importe la nature de l’industrie. (Mme Sophie Primas acquiesce.)
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Roland Lescure, ministre délégué. Je suis, moi aussi, très sensible à vos arguments, madame Cukierman. Nous devons « mettre le paquet » pour réindustrialiser les vieux départements industriels. Le changement de mentalité auquel j’appelais dans mon intervention en discussion générale a déjà eu lieu dans ces territoires. J’y insiste, nous sommes très attachés à la revitalisation des friches, mais votre proposition n’est pas la meilleure manière d’y arriver.
Madame Primas, le fonds friches fait partie du fonds vert, mais les fonds consacrés aux friches doivent rester destinés à la revitalisation de celles-ci.
La Banque des territoires a pour mission de mettre en valeur le foncier, en lien avec les collectivités territoriales. Elle souhaite consacrer 1 milliard d’euros à la revitalisation des friches. Votre priorité, madame la sénatrice, est donc aussi la nôtre. Simplement, ces amendements ne sont pas la meilleure manière pour atteindre l’objectif.
Quant à la rectification proposée par Mme Primas, elle est déjà satisfaite par la rédaction de l’article 2. Restons-en à la rédaction initiale. Il est important de tout faire pour revitaliser les friches. Je note d’ailleurs que, avec la mise en œuvre du fameux ZAN, elles auront plus de valeur que jamais aux yeux des porteurs de projets.
Mme Cécile Cukierman. Je retire mes amendements, monsieur le président !
M. le président. Les amendements nos 242 et 241 sont retirés.
La parole est à M. Daniel Salmon, pour explication de vote sur l’article.
M. Daniel Salmon. Mon groupe votera contre cet article.
La procédure d’instruction d’une demande d’autorisation environnementale en vigueur actuellement obéit à une certaine logique et n’est pas le fruit du hasard : l’instruction administrative précède la consultation du public, de telle sorte que ce dernier se prononce de manière éclairée. Si l’on adopte la « parallélisation » de ces phases, le public sera consulté alors que l’instruction sera en cours. C’est un problème.
En outre, faute d’une définition précise de la notion d’« industrie verte », le champ de l’article est beaucoup trop large, puisqu’il inclut tous les projets industriels, verts ou non. C’est donc contraire à l’objet du texte.
Quant à la durée des procédures, elle peut résulter des contentieux, évidemment, mais elle est aussi due souvent au manque de moyens des services de l’État pour procéder à l’instruction des dossiers, mais nous reviendrons sur ce point lors de l’examen du projet de loi de finances…
M. le président. Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures quarante.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à vingt heures dix, est reprise à vingt et une heures quarante, sous la présidence de Mme Pascale Gruny.)
PRÉSIDENCE DE Mme Pascale Gruny
vice-président
Mme le président. La séance est reprise.
Dans la discussion du texte de la commission, nous sommes parvenus à l’article 2 bis.
Article 2 bis (nouveau)
Le code de l’environnement est ainsi modifié :
1° L’article L. 181-9 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Pour les projets d’installations de production d’énergies renouvelables, au sens de l’article L. 211-2 du code de l’énergie, et dans la stricte limite des zones d’accélération pour l’implantation d’installations terrestres de production d’énergies renouvelables prévues à l’article L. 141-5-3 du même code, la durée maximale d’instruction de la demande d’autorisation environnementale est de douze mois à compter de la date d’accusé de réception du dossier. » ;
2° Après le deuxième alinéa de l’article L. 181-14, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Pour les projets d’installations de production d’énergies renouvelables situées en zones d’accélération au sens de l’article L. 141-5-3 du code de l’énergie, la durée maximale de l’instruction de la demande de renouvellement est de six mois à compter de la date d’accusé de réception du dossier. »
Mme le président. L’amendement n° 305, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Alinéa 3
Après le mot :
date
Rédiger ainsi la fin de cet alinéa :
de dépôt du dossier complet et régulier. Elle peut être prorogée de six mois sur décision motivée de l’autorité compétente. » ;
La parole est à M. le ministre délégué.
M. Roland Lescure, ministre délégué. Cet amendement vise à rétablir la philosophie du texte initial. L’article 2 bis, qui a été introduit en commission, apporte des précisions sur les délais d’instruction des dossiers d’autorisation environnementale pour les énergies renouvelables.
Cette question relève du domaine réglementaire et nous préférerions conserver cet état du droit.
Néanmoins, si vous souhaitez que le dispositif figure dans la loi, il nous semble essentiel que le délai maximal que vous fixez aux procédures commence non pas à partir du moment où le dossier est déposé, mais à partir du moment où le dossier est complet. Les dossiers incomplets donnent parfois lieu à des allers-retours avec les porteurs de projet, occasionnant des retards qui ne sont pas imputables à l’administration.
De plus, puisque nous « transposons », si je puis dire, par anticipation la future directive sur les énergies renouvelables, dite RED III (Renewable Energy Directive), il nous semble essentiel de conserver, par sécurité, une flexibilité de six mois supplémentaires concernant le délai maximal d’instruction.
Sinon, la rédaction de cet article pourrait s’avérer contre-productive. Le silence valant rejet, si la procédure n’est pas terminée au terme du délai de six mois, le projet sera considéré comme rejeté, sachant qu’un délai supplémentaire ne peut être octroyé, conformément à la directive RED III.
Mme le président. Quel est l’avis de la commission de l’aménagement du territoire ?
M. Fabien Genet, rapporteur pour avis. Cet amendement a deux objectifs.
D’une part, il vise à introduire une dérogation au délai limite d’instruction des demandes d’autorisation pour les projets d’énergie renouvelable en zone d’accélération, en prévoyant qu’une prorogation de six mois pourrait être octroyée par une décision motivée de l’autorité compétente. Certes, la proposition de directive RED III prévoit, dans la version qui a fait l’objet d’un accord, une telle dérogation, mais sous des conditions beaucoup plus strictes, uniquement en cas de circonstances exceptionnelles. L’amendement ne peut donc pas être adopté en l’état.
D’autre part, il fixe le début du délai, non pas à la date d’accusé de réception du dossier, mais à la date de dépôt du dossier complet, conformément en cela à la dernière version de la directive RED III.
La commission pourrait accepter de modifier le fait générateur du délai de douze mois, mais la prorogation dérogatoire de six mois proposée par le Gouvernement ne peut pas être acceptée : elle viderait la mesure de son intérêt et serait, après l’adoption de la directive, contraire au droit de l’Union européenne.
C’est pourquoi la commission émet un avis défavorable.
Mme le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Roland Lescure, ministre délégué. Je vous propose de rectifier l’amendement pour prévoir que la prorogation de six mois ne peut être octroyée qu’en cas de circonstances exceptionnelles.
Mme le président. Je suis donc saisie d’un amendement n° 305 rectifié, présenté par le Gouvernement, et ainsi libellé :
Alinéa 3
Après le mot :
date
Rédiger ainsi la fin de cet alinéa :
de dépôt du dossier complet et régulier. En cas de circonstances exceptionnelles, elle peut être prorogée de six mois sur décision motivée de l’autorité compétente.» ;
Quel est l’avis de la commission de l’aménagement du territoire ?
M. Fabien Genet, rapporteur pour avis. Naturellement la commission n’a pas pu se prononcer sur cette rectification, mais, à titre personnel, j’émets un avis favorable, car la modification proposée va dans le sens de l’avis que j’ai présenté.
Mme le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Jean-François Longeot, président de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable. Je souscris aux propos du rapporteur. La commission n’a pas pu se prononcer et il ne semble pas nécessaire de la réunir pour examiner cette rectification, mais j’émets également un avis favorable.
Mme le président. Je suis saisie de trois amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 306, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Alinéas 4 et 5
Supprimer ces alinéas.
La parole est à M. le ministre délégué.
M. Roland Lescure, ministre délégué. Cet amendement est complémentaire du précédent. La commission de l’aménagement du territoire et du développement durable a plafonné à six mois le délai pour l’instruction des demandes de renouvellement des parcs éoliens en zone d’accélération.
Si la demande de renouvellement n’est assortie d’aucune modification du parc, la procédure est très rapide et ne dure que quelques semaines. Il n’est en effet pas nécessaire de procéder à une enquête publique. Dans ce cas, la rédaction actuelle de l’article nous convient. Il en va de même en cas de modifications mineures.
Toutefois, un problème se pose lorsqu’une modification majeure du projet est prévue, par exemple une augmentation du nombre d’éoliennes en mer. Il faut alors reprendre la procédure complète et, dans ce cas, tenir le délai de six mois peut constituer un défi de taille.
Cet amendement vise donc à supprimer les alinéas 4 et 5, même si je suis prêt, fort de l’expérience acquise précédemment, à envisager une rectification pour éviter une suppression sèche de ces alinéas.
Mme le président. L’amendement n° 202, présenté par M. Genet, est ainsi libellé :
Alinéa 5
1° Supprimer le mot :
projets d’
2° Remplacer le mot :
renouvellement
par le mot :
rééquipement
La parole est à M. Fabien Genet.
M. Fabien Genet. Cet amendement vise à apporter une correction rédactionnelle et à harmoniser la terminologie employée pour désigner le repowering avec celle utilisée dans la loi du 10 mars 2023 relative à l’accélération de la production d’énergies renouvelables, dite loi EnR, et avec celle du droit européen.
Mme le président. L’amendement n° 220 rectifié, présenté par Mme N. Delattre, MM. Artano, Roux, Fialaire, Guiol, Requier, Bilhac, Cabanel et Gold et Mme Guillotin, est ainsi libellé :
Alinéa 5
Après le mot :
renouvellement
insérer les mots :
, consistant dans le remplacement total ou partiel d’un parc éolien existant,
La parole est à M. Henri Cabanel.
M. Henri Cabanel. Cet amendement de précision rédactionnelle vise à définir plus clairement la notion de « renouvellement » d’un parc éolien, conformément aux termes de l’instruction du Gouvernement du 11 juillet 2018 relative à l’appréciation des projets de renouvellement des parcs éoliens terrestres. Il s’agit d’éviter toute ambiguïté dans la qualification de cette opération.
Mme le président. Quel est l’avis de la commission de l’aménagement du territoire ?
M. Fabien Genet, rapporteur pour avis. Je commencerai par donner mon avis sur l’amendement n° 306, à moins que M. le ministre ne souhaite toujours le rectifier…
M. Fabien Genet, rapporteur pour avis. J’émets un avis défavorable sur l’amendement n° 306, car le délai de six mois est celui qui figure dans la loi EnR.
L’avis est favorable sur l’amendement n° 202.
Quant à l’amendement n° 220, je ne pense pas qu’il soit nécessaire, car la notion de rééquipement d’une installation de production d’énergies renouvelables est un terme juridique déjà reconnu, utilisé notamment à l’article 9 de la loi EnR et dans le règlement européen établissant un cadre en vue d’accélérer le déploiement des énergies renouvelables.
Mme le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Roland Lescure, ministre délégué. Dans le cas, sans doute improbable, où l’amendement du Gouvernement serait adopté, l’amendement n° 202 du rapporteur deviendrait sans objet. (Sourires.)
Dans le cas où notre amendement ne serait pas adopté, j’émettrais un avis favorable sur l’amendement de coordination tout à fait judicieux n° 202. J’ai enfin le même avis que le rapporteur sur l’amendement n° 220 rectifié.
M. Henri Cabanel. Je le retire !
Mme le président. L’amendement n° 220 rectifié est retiré.
Je mets aux voix l’amendement n° 306.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Mme le président. Je mets aux voix l’article 2 bis, modifié.
(L’article 2 bis est adopté.)
Après l’article 2 bis
Mme le président. L’amendement n° 357 rectifié, présenté par Mmes Paoli-Gagin et Mélot et MM. Decool, Lagourgue, Menonville, Chasseing et A. Marc, est ainsi libellé :
Après l’article 2 bis
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après le chapitre XIV du titre VII du livre VII du code de justice administrative, il est inséré un chapitre … ainsi rédigé :
« Chapitre …
« Le contentieux des projets d’intérêt national majeur pour la souveraineté nationale ou la transition écologique
« Article L. 77-15-… Font l’objet d’une procédure préalable d’admission, dans les conditions précisées par voie réglementaire, les recours dirigés contre les autorisations et déclarations préalables prises en application du titre II du livre IV du code de l’urbanisme, ainsi que des recours dirigés contre les décisions prises en application du chapitre II du titre I du livre V du code de l’environnement, lorsque les décisions attaquées sont prises dans le cadre d’un projet industriel et d’amélioration des chaînes d’approvisionnements. »
La parole est à Mme Vanina Paoli-Gagin.
Mme Vanina Paoli-Gagin. Les recours contentieux à l’encontre des autorisations d’urbanisme, des autorisations environnementales, des décisions relatives aux installations classées pour la protection de l’environnement (ICPE) et des décisions relatives aux installations, ouvrages, travaux, ou activités (IOTA) prévues dans la loi sur l’eau sont l’une des principales sources de retard dans le développement des projets productifs.
En particulier, on note l’existence de recours dogmatiques, n’ayant aucune chance d’aboutir à une modification du projet et n’ayant d’autre objectif que de gagner du temps et de décourager le porteur de projet.
Nous souhaitons que le tribunal vérifie le bien-fondé technique du recours avant de lancer des procédures susceptibles de durer plusieurs années.
Nous proposons d’appliquer cette procédure aux projets industriels et aux projets visant à l’amélioration des chaînes d’approvisionnement qui sont nécessaires pour garantir la souveraineté économique et industrielle de la France.
Mme le président. Quel est l’avis de la commission de l’aménagement du territoire ?
M. Fabien Genet, rapporteur pour avis. La procédure préalable d’admission permet au Conseil d’État de rejeter les pourvois en cassation s’ils sont irrecevables ou s’ils ne sont pas fondés sur un moyen sérieux. Il n’apparaît pas opportun de transposer cette obligation en première instance. En effet, cela entrerait en contradiction avec le principe du droit au recours, qui implique de garantir à chacun la possibilité d’accéder à un juge. C’est pourquoi j’émets un avis défavorable.
Mme le président. La parole est à M. le ministre délégué.
Mme Vanina Paoli-Gagin. Je retire cet amendement.
Mme le président. L’amendement n° 357 rectifié est retiré.
L’amendement n° 356 rectifié, présenté par Mme Paoli-Gagin, M. Decool, Mme Mélot et MM. Lagourgue, Menonville, Chasseing et A. Marc, est ainsi libellé :
Après l’article 2 bis
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le chapitre Ier du titre Ier du livre III du code de justice administrative est complété par un article L. 311-… ainsi rédigé :
« Art. L. 311-…. – Les tribunaux administratifs sont compétents pour connaître en premier et dernier ressort des recours dirigés contre les autorisations et déclarations préalables prises en application du titre II du livre IV du code de l’urbanisme, ainsi que des recours dirigés contre les décisions prises en application du chapitre II du titre I du livre V du code de l’environnement, lorsque les décisions attaquées sont prises dans le cadre d’opérations tendant à la réalisation d’un établissement dont la destination est une activité des secteurs secondaire ou tertiaire.
« Les opérations mentionnées au premier alinéa sont précisées par voie réglementaire ».
La parole est à Mme Vanina Paoli-Gagin.
Mme Vanina Paoli-Gagin. Cet amendement vise à favoriser le développement des projets liés aux secteurs d’activité secondaire ou tertiaire, en supprimant un degré de juridiction, ce qui aura pour effet de raccourcir la durée des contentieux engagés contre les principales décisions d’urbanisme ou environnementales délivrées dans le cadre de ces projets.
Ces décisions en effet font quasi systématiquement l’objet de contentieux, qui peuvent retarder la mise en œuvre des projets. Ainsi, 13 820 requêtes ont été enregistrées devant les tribunaux administratifs en 2021 en matière d’urbanisme et d’environnement.
Nous proposons donc que les tribunaux administratifs soient compétents pour connaître en premier et en dernier ressort des recours dirigés contre les autorisations et déclarations préalables à un certain nombre de projets.
Mme le président. Quel est l’avis de la commission de l’aménagement du territoire ?
M. Fabien Genet, rapporteur pour avis. La commission souscrit à l’objectif des auteurs de l’amendement de réduire les délais contentieux.
Toutefois, la suppression de la possibilité de recours contre une décision de justice relative aux autorisations environnementales et aux décisions d’urbanisme peut porter préjudice à l’exploitant, si la décision est défavorable.
De plus, cet amendement est contraire au principe général du droit de recours en cassation. La jurisprudence admet, pour des raisons de bonne administration de la justice, la possibilité pour le tribunal administratif de statuer en premier et en dernier ressort, mais uniquement pour des litiges de faible importance.
C’est pourquoi l’avis est défavorable.
M. Roland Lescure, ministre délégué. Les dispositions prévues par cet amendement relèvent du domaine réglementaire. Un article de loi n’est donc pas nécessaire. J’émets donc un avis défavorable.
Sur le fond, toutefois, le Gouvernement est ouvert à l’idée d’apporter des améliorations en matière de contentieux pour réduire les délais, spécialiser le cas échéant des juridictions, voire supprimer un degré de juridiction. Le Gouvernement est prêt à échanger avec les auteurs de l’amendement en vue de l’élaboration d’un décret.
Mme Vanina Paoli-Gagin. Je retire cet amendement.
Mme le président. L’amendement n° 356 rectifié est retiré.
Article 3
Le chapitre Ier du titre II du livre Ier du code de l’environnement est ainsi modifié :
1° Après l’article L. 121-8-1, il est inséré un article L. 121-8-2 ainsi rédigé :
« Art. L. 121-8-2. – Lorsque plusieurs projets d’aménagement ou d’équipement susceptibles de relever du I de l’article L. 121-8 sont envisagés sur un même territoire délimité et homogène dans les dix ans à venir, il peut être organisé, à la demande d’une personne publique, un débat public global ou une concertation préalable globale, dans les conditions prévues au présent chapitre, pour l’ensemble de ces projets. Par dérogation au dernier alinéa du même I, la Commission nationale du débat public est saisie de cette demande par cette personne publique. Celle-ci lui transmet le dossier mentionné audit I, qu’elle a reçu préalablement du maître d’ouvrage pour chaque projet, ou qu’elle élabore elle-même pour les projets dont le maître d’ouvrage n’est pas encore connu. Dans ce dernier cas, le délai de trois mois mentionné à l’article L. 121-13 court à compter de la date à laquelle ce maître d’ouvrage est connu.
« Lorsqu’un débat global ou une concertation préalable globale a eu lieu pour un ensemble de projets envisagés sur un territoire délimité et homogène, ces projets sont dispensés de débat public propre ou de concertation préalable propre si leur mise en œuvre débute dans les dix ans suivant la fin de ce débat global ou de cette concertation globale.
« Lorsqu’un débat global ou une concertation préalable globale a eu lieu pour un ensemble de projets envisagés sur un territoire délimité et homogène, une concertation préalable propre se substitue au débat public propre pour les projets envisagés ultérieurement sur le même territoire et cohérents avec sa vocation si leur mise en œuvre débute dans les dix ans suivant la fin de ce débat global ou de cette concertation globale.
« La Commission nationale du débat public, saisie dans les conditions prévues à l’article L. 121-8, peut toutefois décider, si elle l’estime nécessaire pour certains des projets mentionnés aux deuxième et troisième alinéas du présent article, d’organiser un tel débat ou une telle concertation. Elle motive sa décision.
« Un décret en Conseil d’État définit la notion de territoire délimité et homogène. » ;
2° À la première phrase du dernier alinéa du 1° de l’article L. 121-9, le mot : « cinq » est remplacé par le mot : « dix ».
Mme le président. Je suis saisie de deux amendements identiques.
L’amendement n° 65 est présenté par MM. Fernique, Salmon, Breuiller, Benarroche, Dantec, Dossus, Gontard et Labbé, Mme de Marco, M. Parigi et Mmes Poncet Monge et M. Vogel.
L’amendement n° 243 est présenté par Mme Varaillas, MM. Gay, Lahellec et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Jacques Fernique, pour présenter l’amendement n° 65.
M. Jacques Fernique. L’article 3 franchit une ligne rouge. Cet amendement vise à le supprimer et le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires demande qu’il soit mis aux voix par scrutin public.
L’article 3 vise à permettre de mutualiser les consultations publiques pour plusieurs projets semblables portant sur un même territoire délimité et homogène.
Cette disposition semble en apparence une très bonne idée. Faire en sorte que le public dispose d’une vue d’ensemble sur les projets industriels futurs d’un territoire présente un intérêt certain. Si l’intention affichée est de fournir une meilleure visibilité sur la planification industrielle d’un territoire, la mutualisation des débats publics sur plusieurs projets risque, toutefois, d’avoir l’effet inverse et d’aboutir à une dilution des débats, à un rassemblement des projets, des plans ou des programmes sur un périmètre géographique très large ou peu homogène, de telle sorte qu’il sera difficile pour le public de les appréhender avec précision dans leur ensemble.
Nous saluons l’équilibre trouvé par la commission, qui a aménagé la dispense de participation du public, en maintenant la concertation préalable pour les projets initialement soumis à un débat public ou à une concertation préalable, ce qui est un moindre mal.
Nous craignons malgré tout un affaiblissement de la démocratie participative et que ces dispositions ne nuisent à la bonne compréhension de la planification territoriale. La dilution des débats ne permettra pas de bien rendre compte de la réalité des impacts environnementaux et sanitaires d’un projet industriel pris isolément.
Surtout, nous déplorons que la dispense de débat public s’étende à l’ensemble des projets soumis à débat public ou concertation préalable pendant une période qui a été portée de cinq à dix ans !
Mme le président. La parole est à Mme Marie-Claude Varaillas, pour présenter l’amendement n° 243.
Mme Marie-Claude Varaillas. Cet article s’inscrit dans la lignée de l’article précédent. Voilà, de nouveau, un projet de loi où la consultation du public est appréhendée comme un frein au bon déroulement de l’instruction des projets. Pourtant ces consultations, comme mon collègue vient de le rappeler, sont un moyen de permettre aux territoires dans leur ensemble, de mieux s’approprier les projets. Cela vaut aussi pour les collectivités, qui n’ont pas toujours les moyens de s’opposer à une implantation, dès lors que celle-ci est permise par le plan local d’urbanisme (PLU), mais aussi pour les entreprises, qui peuvent éventuellement être menacées par l’apparition d’un nouveau projet d’implantation.
L’article 3 prévoit des assouplissements, voire des exonérations des obligations de concertation, pour une période de dix ans, pour les projets présentés dans des secteurs qui aurait déjà connu une concertation globale. Mais les situations peuvent évoluer en dix ans !
La rédaction est floue. On peut ainsi considérer que la concertation réalisée au moment de l’élaboration du PLU ou du plan local d’urbanisme intercommunal (PLUi), à propos par exemple de la création ou du maintien d’une zone industrielle dans les orientations d’aménagement de programmation (OAP), équivaut de fait à un blanc-seing pour tous les projets d’installation ultérieurs dans cette même zone industrielle.
Pour toutes ces raisons, nous pensons qu’il est souhaitable de supprimer cet article.
Mme le président. Quel est l’avis de la commission de l’aménagement du territoire ?
M. Fabien Genet, rapporteur pour avis. Mes chers collègues, je vous trouve bien sévères à l’égard de cet article, d’autant que, comme vous l’avez dit, la commission a retravaillé sa rédaction.
La création de débats publics globaux et de concertations préalables globales permettrait d’accélérer l’implantation de sites industriels – objectif auquel nous souscrivons tous – et d’améliorer la participation du public. Lorsque des projets qui ont la même vocation concernent le même site, il est souhaitable pour la visibilité, la cohérence et l’intérêt du débat d’organiser une procédure commune.
De plus, l’examen en commission a permis de parvenir à un équilibre entre les objectifs, d’une part, d’accélération de l’implantation de sites industriels et, d’autre part, de préservation de la qualité de la participation du public : au cas où surviendrait un projet qui n’aurait pas été envisagé lors du débat public global ou de la concertation préalable globale ayant eu lieu sur le même territoire moins de dix ans auparavant, une concertation préalable devrait être tout de même réalisée, alors que la rédaction initiale ne prévoyait l’organisation d’aucune procédure.
L’équilibre trouvé me semble satisfaisant. C’est pourquoi j’émets un avis défavorable sur ces amendements de suppression.
Mme le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Roland Lescure, ministre délégué. L’article 3 prévoit une concertation globale, afin que le public puisse juger de manière cohérente un projet dans son ensemble. En effet, un projet est constitué, si je puis dire, de plusieurs briques de Lego, qui, prises séparément, ne forment pas une vision d’ensemble. Si chacune fait l’objet d’une concertation préalable, nous aboutissons à une vision parcellaire du projet. Nous sommes donc très attachés à ces dispositions.
Je le répète, dans le cas où un projet similaire serait présenté dans les dix ans qui suivent, la Commission nationale du débat public (CNDP), si elle le souhaite, pourra demander une enquête préalable. Celle-ci aura lieu et sera de droit.
L’idée est de dispenser d’une étude supplémentaire, qui rallongerait les délais, un projet similaire au projet global ayant d’ores et déjà été adopté, à condition, évidemment, que la Commission nationale du débat public en soit d’accord.
Le Gouvernement émet donc un avis défavorable sur ces deux amendements.
Mme le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 65 et 243.
J’ai été saisie d’une demande de scrutin public émanant du groupe Écologiste – Solidarité et Territoires.
Je rappelle que l’avis de la commission est défavorable, de même que celui du Gouvernement.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
Mme le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à constater le résultat du scrutin.
(Mmes et MM. les secrétaires constatent le résultat du scrutin.)
Mme le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 311 :
Nombre de votants | 343 |
Nombre de suffrages exprimés | 279 |
Pour l’adoption | 28 |
Contre | 251 |
Le Sénat n’a pas adopté.
L’amendement n° 36 rectifié, présenté par Mme Paoli-Gagin, MM. Capus, Guerriau et A. Marc, Mme Mélot et MM. Lagourgue, Grand, Chasseing, Wattebled, Malhuret, Decool et Menonville, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 1
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
…° Au premier alinéa du I de l’article L. 121-8, après les mots : « d’équipement » sont insérés les mots : « autres que les projets industriels » ;
La parole est à Mme Vanina Paoli-Gagin.
Mme Vanina Paoli-Gagin. Il s’agit d’un amendement de repli, qui vise à exclure les projets industriels du champ d’intervention de la Commission nationale du débat public.
Mme le président. Quel est l’avis de la commission de l’aménagement du territoire ?
M. Fabien Genet, rapporteur pour avis. Afin d’accélérer le déploiement des projets d’industrie verte, l’acceptabilité locale de ces projets est cruciale. La CNDP, autorité administrative indépendante, contribue à assurer cette acceptabilité en organisant les débats publics et les concertations préalables, qui permettent l’expression des désaccords de chacun dans un cadre réglementé et la prise en compte par les industriels des enjeux locaux.
Exclure les projets industriels du champ des projets soumis à l’organisation d’un débat public ou d’une concertation préalable constituerait donc une régression en matière de démocratie environnementale et diminuerait l’acceptabilité de l’implantation de sites industriels. Je ne pense pas que cela irait dans le sens de l’efficacité en vue de la réindustrialisation.
La commission émet un avis défavorable sur cet amendement.
Mme le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Roland Lescure, ministre délégué. J’entends bien vos arguments, mesdames, messieurs les sénateurs. Néanmoins, souvent, la concertation en amont permet d’améliorer l’acceptabilité des projets industriels, ce à quoi nous tenons.
Pour cette raison et celles avancées par le rapporteur, le Gouvernement demande le retrait de cet amendement ; à défaut, il émettra un avis défavorable.
Mme le président. Madame Paoli-Gagin, l’amendement n° 36 rectifié est-il maintenu ?
Mme Vanina Paoli-Gagin. Non, je le retire, madame la présidente.
Mme le président. L’amendement n° 36 rectifié est retiré.
Je suis saisie de trois amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 307, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Alinéas 4 et 5
Remplacer ces deux alinéas par un alinéa ainsi rédigé :
« Lorsqu’un débat global ou une concertation préalable globale a eu lieu pour un ensemble de projets envisagés sur un territoire délimité et homogène, ces projets, ainsi que ceux envisagés ultérieurement sur le même territoire et cohérents avec sa vocation, sont dispensés de débat public propre ou de concertation préalable propre si leur mise en œuvre débute dans les dix ans suivant la fin de ce débat global ou de cette concertation globale.
La parole est à M. le ministre délégué.
M. Roland Lescure, ministre délégué. Notre objectif est de rétablir le non-recours systématique à une commission ou une enquête publique dans le cas où un projet similaire au projet d’ores et déjà adopté serait présenté dans les dix ans qui suivent.
Nous ne souhaitons pas de concertation systématique. Évidemment, si la CNDP souhaite qu’une concertation ait lieu, elle sera de droit.
Mme le président. L’amendement n° 79 rectifié bis, présenté par Mme Préville, M. Montaugé, Mme Briquet, MM. Marie et J. Bigot, Mme Bonnefoy, M. Devinaz, Mme M. Filleul, MM. Gillé, Houllegatte et Jacquin, Mmes Artigalas et Blatrix Contat, MM. Lurel et Mérillou, Mme Monier, MM. Redon-Sarrazy, Stanzione, Kanner et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Alinéa 4
Remplacer le mot :
dix
par le mot :
cinq
La parole est à Mme Angèle Préville.
Mme Angèle Préville. Cet amendement vise à réduire la durée pendant laquelle un projet peut être dispensé de débat public propre ou de concertation préalable propre dès lors qu’une consultation globale a déjà eu lieu.
L’article 3 prévoit déjà plusieurs cas dans lesquels ce délai est allongé, ce qui peut poser question. Il est précisé, à l’alinéa 4, que, lorsqu’un débat global ou une concertation globale a eu lieu sur un ensemble de projets, ces projets sont dispensés d’une nouvelle consultation propre, si leur mise en œuvre démarre dans les dix ans.
Or ce délai de dix ans nous semble beaucoup trop long. Nous pouvons entendre que, lorsque plusieurs projets similaires émergent sur un territoire homogène, un débat global puisse avoir lieu, mais encore faut-il qu’il y ait une cohérence dans le temps ! En dix ans, beaucoup de choses peuvent changer, particulièrement à l’heure où les effets du changement climatique se font sentir et alors que les réalités d’hier ne seront pas celles de demain…
Pour nous, sénateurs du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, soit les projets sur un même territoire démarrent dans les cinq ans suivant la consultation globale, auquel cas nous sommes d’accord avec la dispense de débat propre, soit ils devront faire l’objet d’un nouveau débat public propre ou d’une concertation préalable propre.
Mme le président. L’amendement n° 203, présenté par M. Genet, est ainsi libellé :
Alinéa 5
Après les mots :
débat public propre
insérer les mots :
prévu au 1° de l’article L. 121-9
La parole est à M. Fabien Genet.
M. Fabien Genet. Il s’agit d’un amendement rédactionnel.
Mme le président. Quel est l’avis de la commission de l’aménagement du territoire ?
M. Fabien Genet, rapporteur pour avis. En présentant l’amendement n° 307, il me semble, monsieur le ministre, que vous avez peut-être synthétisé à l’extrême votre intention : vous avez affirmé que des projets « similaires » seraient concernés. Or je ne crois pas que la rédaction de votre amendement comporte ce terme. Il concerne plutôt les projets qui s’installeraient sur le même territoire, et qui sont « cohérents avec sa vocation ».
Je le signale pour vous montrer à quel point j’écoute vos explications. Malheureusement, elles ne nous convainquent pas. J’ai déjà expliqué à l’amendement précédent le point d’équilibre que nous avons trouvé avec la commission.
Notre rédaction nous semblant plus protectrice, vous comprendrez que j’émette, au nom de la commission, un avis défavorable sur votre amendement.
Pour ce qui concerne l’amendement n° 79, il viderait la disposition modifiée de sa portée. Le délai de cinq ans qui est proposé est inférieur au délai de droit commun entre la concertation préalable ou le débat public et le début des travaux, qui est de sept ans. La durée de dix ans semble donc appropriée.
En effet, alors que plusieurs années peuvent s’écouler entre la décision d’installation et le début des travaux, les entreprises ne disposent pas forcément d’une parfaite visibilité sur ces délais. Si le délai entre la fin du débat public ou de la concertation préalable et le début des travaux était réduit à cinq ans, la dispense ne serait pas utilisée par les exploitants de projets envisagés ultérieurement, car ceux-ci ne prendraient pas le risque juridique de ne pas respecter le délai.
La commission émet un avis défavorable sur cet amendement.
L’amendement n° 203 ayant été rédigé avec la commission, celle-ci émet un avis favorable.
Mme le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Roland Lescure, ministre délégué. Je félicite le rapporteur pour sa sagacité. En effet, notre amendement n’a pas pour objet les projets « similaires », mais bien des projets « envisagés ultérieurement sur le même territoire et cohérents avec sa vocation ».
Voilà ce que j’aurais dû dire, mais vous comprenez bien la logique qui prévaut : lorsqu’un projet est cohérent avec la vocation du projet d’ensemble, nous souhaitons dispenser de débat public ce dernier pendant dix ans. Au reste, j’ai bien compris que la commission n’y était pas favorable.
Pour ces raisons, dans le cas où son amendement ne serait pas adopté, le Gouvernement émettrait un avis défavorable sur l’amendement n° 79 rectifié bis et un avis de sagesse sur l’amendement n° 203.
Mme le président. Je mets aux voix l’amendement n° 79 rectifié bis.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Mme le président. L’amendement n° 80 rectifié bis, présenté par Mme Préville, M. Montaugé, Mme Briquet, MM. Marie et J. Bigot, Mme Bonnefoy, M. Devinaz, Mme M. Filleul, MM. Gillé, Houllegatte et Jacquin, Mmes Artigalas et Blatrix Contat, MM. Lurel et Mérillou, Mme Monier, MM. Redon-Sarrazy, Stanzione, Kanner et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Alinéa 6, seconde phrase
Supprimer cette phrase.
La parole est à Mme Angèle Préville.
Mme Angèle Préville. L’alinéa 6 de l’article 3 permet à la CNDP de se saisir, quoi qu’il arrive, c’est-à-dire même lorsqu’un débat global ou une concertation globale a eu lieu, de certains projets, dans le but d’organiser un débat ou une concertation, si elle l’estime nécessaire.
Nous sommes très favorables à ce que cette possibilité, prévue dans la législation actuelle, soit maintenue. Toutefois, il est précisé que la CNDP doit être en mesure de motiver sa décision de se saisir. Or, pour notre part, nous considérons que la CNDP ne doit pas avoir à se justifier si elle estime nécessaire de se saisir.
En conséquence, nous proposons de supprimer la seconde phrase de l’alinéa 6, qui l’oblige à motiver sa décision.
Mme le président. Quel est l’avis de la commission de l’aménagement du territoire ?
M. Fabien Genet, rapporteur pour avis. Je note que selon qu’on envisage les choses avant ou après le repas, les opinions peuvent changer… En effet, avant le repas, on nous expliquait qu’il fallait plus de transparence et que les motivations devaient être mieux expliquées. Or on nous dit désormais qu’il ne faudrait plus motiver les décisions !
La Commission nationale du débat public est très attachée à la transparence des procédures. Il semble donc nécessaire qu’elle puisse motiver sa décision.
De plus, cette obligation de motivation permettrait à l’exploitant de comprendre l’origine de cette décision, et contribuerait ainsi à prévenir les conflits et les éventuels recours.
En tout état de cause, puisqu’il s’agit d’une compétence discrétionnaire de la CNDP, il est probable que celle-ci motiverait sa décision même si la loi ne le prévoyait pas.
Pour ces raisons, la commission émet un avis défavorable sur cet amendement.
Mme le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Roland Lescure, ministre délégué. Même avis.
La décision de la CNDP de tout de même soumettre à concertation un projet exempté est lourde de conséquences. Il semble donc naturel qu’elle doive motiver une telle décision. Comme l’a dit le rapporteur, elle le ferait sans doute quoi qu’il arrive, mais cela va mieux en le disant, alors inscrivons-le dans la loi !
Mme le président. Je mets aux voix l’amendement n° 80 rectifié bis.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Mme le président. Je suis saisie de deux amendements identiques.
L’amendement n° 81 rectifié bis est présenté par Mme Préville, M. Montaugé, Mme Briquet, MM. Marie et J. Bigot, Mme Bonnefoy, M. Devinaz, Mme M. Filleul, MM. Gillé, Houllegatte et Jacquin, Mmes Artigalas et Blatrix Contat, MM. Lurel et Mérillou, Mme Monier, MM. Redon-Sarrazy, Stanzione, Kanner et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.
L’amendement n° 102 est présenté par MM. Fernique, Salmon, Breuiller, Benarroche, Dantec, Dossus, Gontard et Labbé, Mme de Marco, M. Parigi et Mmes Poncet Monge et M. Vogel.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Alinéa 8
Supprimer cet alinéa.
La parole est à Mme Angèle Préville, pour présenter l’amendement n° 81 rectifié bis.
Mme Angèle Préville. Le cinquième alinéa de l’article L. 121-9 du code de l’environnement précise actuellement : « Lorsqu’un projet a fait l’objet d’un débat public lors de l’élaboration d’un plan ou d’un programme approuvé depuis moins de cinq ans et définissant le cadre dans lequel le projet pourrait être autorisé et mis en œuvre, ce dernier est dispensé de débat public ou de concertation préalable. »
L’article 3 du projet de loi modifie cette disposition en portant ce délai à dix ans. Il participe de la volonté du Gouvernement d’accélérer et d’alléger les procédures. Or, dans le cas présent et à la lecture de l’article que je viens de mentionner, rien ne garantit que les projets ainsi visés aient un objectif de développement durable ou d’« industrie verte », pour reprendre les termes de ce projet de loi.
Nous ne jugeons donc pas pertinent de doubler ce délai. En conséquence, nous proposons de supprimer l’alinéa 8 de l’article 3.
Mme le président. La parole est à M. Jacques Fernique, pour présenter l’amendement n° 102.
M. Jacques Fernique. Je me contenterai de compléter l’exposé de ma collègue, qui a parfaitement défendu cet amendement identique, en précisant que, au regard des enjeux environnementaux, climatiques, sociaux et économiques, qui peuvent évoluer très rapidement, il n’est pas raisonnable d’accorder un délai si long. En supprimant cet alinéa, nous en resterions au délai, plus raisonnable, de cinq ans.
Mme le président. Quel est l’avis de la commission de l’aménagement du territoire ?
M. Fabien Genet, rapporteur pour avis. Dans la situation dont il est question, un débat public ou une concertation préalable a, de fait, déjà eu lieu sur le projet. Organiser, quelques années plus tard, un nouveau débat public ou une nouvelle concertation préalable sur le même projet n’apparaît pas indispensable, y compris pour le public, qui serait conduit à s’exprimer deux fois sur le même sujet.
Au regard des procédures et des délais que nous avons tous décrits pour réaliser les projets, il ne nous semble, en l’état actuel des choses, pas nécessaire qu’un nouveau débat ait lieu au bout de cinq ans.
Monsieur le ministre, peut-être sera-t-il possible, dans quelques années, lorsque ce projet de loi aura fait son œuvre et que nous pourrons implanter des projets en douze ou dix-huit mois, de se reposer la question.
En attendant, la commission émet un avis défavorable sur ces deux amendements.
Mme le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 81 rectifié bis et 102.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
Mme le président. Je mets aux voix l’article 3, modifié.
(L’article 3 est adopté.)
Après l’article 3
Mme le président. Je suis saisie de quatre amendements identiques.
L’amendement n° 48 rectifié bis est présenté par Mme Paoli-Gagin, MM. Capus, Guerriau et A. Marc, Mme Mélot et MM. Lagourgue, Grand, Chasseing, Wattebled et Decool.
L’amendement n° 174 est présenté par Mme Micouleau, MM. Anglars et Belin, Mmes Bellurot, Belrhiti et Bonfanti-Dossat, MM. Bouchet, Brisson, Burgoa, Cambon et Charon, Mmes Dumont, Garriaud-Maylam et Gosselin, M. Grosperrin, Mme Imbert, MM. Karoutchi et Klinger, Mme Lherbier, MM. Mandelli et Mouiller, Mme Procaccia et MM. Savary, Segouin, Sol et C. Vial.
L’amendement n° 187 rectifié bis est présenté par MM. Menonville, Médevielle et Verzelen.
L’amendement n° 253 est présenté par Mme Cukierman.
Ces quatre amendements sont ainsi libellés :
Après l’article 3
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le code de l’environnement est ainsi modifié :
1° Le second alinéa du IV de l’article L. 122-1 est complété par les mots et une phrase ainsi rédigés : « dans un délai de deux mois. Le silence gardé par l’autorité à expiration de ce délai vaut acceptation. » ;
2° À la première phrase du 3° du IV de l’article L. 211-3, après le mot : « demander », sont insérés les mots : « , dans un délai de deux mois, ».
La parole est à Mme Vanina Paoli-Gagin, pour présenter l’amendement n° 48 rectifié bis.
Mme Vanina Paoli-Gagin. L’accélération des délais de réponse de l’administration pour les modifications ou extensions de travaux soumis à évaluation environnementale constitue une mesure attendue, citée dans le rapport Guillot sur les freins aux implantations.
Trop souvent, les autorités administratives mettent du temps pour accéder aux demandes des maîtres d’ouvrage, ce qui constitue autant de freins aux lancements des projets.
Cet amendement vise donc à introduire des obligations en matière de délai de réponse de la part des autorités administratives. Passé ces délais, les entrepreneurs pourront entamer leurs projets.
Mme le président. La parole est à Mme Béatrice Gosselin, pour présenter l’amendement n° 174.
Mme Béatrice Gosselin. Il est défendu, madame la présidente.
Mme le président. L’amendement n° 187 rectifié bis n’est pas soutenu.
La parole est à Mme Cécile Cukierman, pour présenter l’amendement n° 253.
Mme Cécile Cukierman. Cet amendement a été élaboré avec la Fédération nationale des travaux publics. Au-delà des postures, l’objectif est bien d’apporter des réponses au monde économique, qui se mobilise.
Nous le savons, l’accélération des délais de réponse de l’administration pour les modifications ou extensions de travaux soumis à évaluation environnementale est attendue, car elle peut permettre la réalisation des travaux avant – comment le dire avec délicatesse ? – une forme d’embourbement citoyen qui, in fine, empêche les projets d’avancer.
Il s’agit donc d’introduire des obligations en matière de délai de réponse de la part des autorités administratives. Si ces délais ne sont pas tenus, les entrepreneurs pourront entamer leur projet.
Il y a deux manières de voir ces amendements : les considérer comme un « laissez faire, laissez passer » ou, au contraire, monsieur le ministre, comme une exigence pour l’État de s’armer, à l’avenir, pour instruire les dossiers dans les délais et garantir une politique administrative efficace.
Mme le président. Quel est l’avis de la commission de l’aménagement du territoire ?
M. Fabien Genet, rapporteur pour avis. En cette journée de fête de la musique, je salue la polyphonie sur ces travées concernant ces amendements d’inspiration commune. (Sourires.)
En effet, ils comportent des dispositions diverses.
Tout d’abord, ils visent à instaurer un délai limite de deux mois pour répondre à une saisine par le maître d’ouvrage en raison de la modification ou de l’extension de travaux soumis à évaluation environnementale. L’article R. 122-2-1 du code de l’environnement prévoit que l’autorité compétente dispose de quinze jours pour informer le maître d’ouvrage de sa décision motivée. Ces amendements relèvent donc du pouvoir réglementaire et sont déjà satisfaits sur ce point.
Ensuite, conformément à l’article L. 231-1 du code des relations entre le public et l’administration, la règle de droit commun est déjà que le silence gardé pendant deux mois par les autorités compétentes vaut acceptation. Cette disposition est donc satisfaite.
Enfin, ces amendements tendent à fixer un délai de deux mois pour demander au propriétaire ou à l’exploitant d’un ouvrage de présenter une étude de dangers, dans le cas d’ouvrages présentant des dangers sur la ressource en eau et les écosystèmes aquatiques. En l’état, la rédaction de ces amendements est inopérante, car le fait générateur susceptible de déclencher ce délai de deux mois n’est pas précisé.
Pour toutes ces raisons, la commission émet un avis défavorable sur ces amendements.
Mme le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Roland Lescure, ministre délégué. Le Gouvernement demande le retrait de ces amendements ; à défaut, il émettra un avis défavorable.
Si nous comprenons la logique de ces amendements, comme le rapporteur l’a bien expliqué, les délais sont fixés par voie réglementaire et existent déjà ; le principe selon lequel le silence de l’administration vaut accord est non conforme au droit européen ; et un délai de deux mois sans fait générateur crée une incertitude juridique inacceptable.
Mme le président. La parole est à Mme Cécile Cukierman, pour explication de vote.
Mme Cécile Cukierman. Monsieur le ministre, j’entends vos arguments, mais, au risque de me répéter, le travail du parlementaire est avant tout d’alerter – vous le savez bien, vous l’avez été.
Mme Cécile Cukierman. Il y a deux façons de recevoir l’alerte : une fois que le « pin-pon » a été lancé, le Gouvernement peut soit l’ignorer, soit, avec bienveillance et délicatesse, y répondre.
Se contenter de répondre que cela relève de la voie réglementaire n’est pas suffisant. Monsieur le ministre, quelles mesures réglementaires entendez-vous prendre pour répondre à notre interpellation transpartisane ?
Ensuite, je sais qu’il s’agit d’un argument récurrent, dont vous n’avez pas l’exclusivité, mais faisons bien attention, à un an du renouvellement des instances européennes, à ne pas trop souvent renvoyer la faute sur un droit européen prétendument immuable. Sinon, nous allons nous réveiller un matin avec la gueule de bois, en constatant que l’Europe qui est en train de se construire ne correspond pas aux aspirations républicaines que nous partageons tous dans cet hémicycle, dans toute notre diversité et malgré nos désaccords.
Monsieur le ministre, puisque vous affirmez que c’est du ressort réglementaire, pouvez-vous, s’il vous plaît, envisager des évolutions ?
Mme le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Roland Lescure, ministre délégué. Je me suis permis de me référer à l’avis du rapporteur, qui vous a expliqué que les délais sont déjà précisés dans un règlement existant. Non seulement cela relève de la voie réglementaire, mais les délais existent déjà ! Le Gouvernement a donc fait son boulot.
Mme Cécile Cukierman. Dites-le, alors !
M. Roland Lescure, ministre délégué. Madame Cukierman, vous avez raison d’indiquer que, pour que ces délais soient respectés, les directions régionales de l’environnement, de l’aménagement et du logement (Dreal) ont besoin de moyens supplémentaires. J’ai eu, me semble-t-il, l’occasion de répondre sur ce point hier soir.
J’en ai d’ores et déjà discuté avec Bruno Le Maire et Christophe Béchu : nous sommes prêts à augmenter les moyens pour améliorer l’efficacité des procédures de traitement. En effet, l’essentiel est là : tout ce que l’on pourra inscrire dans la loi n’aura que peu d’effet sans les moyens adéquats. De ce point de vue, nous sommes d’accord, madame Cukierman.
Mme le président. Madame Cukierman, l’amendement n° 253 est-il maintenu ?
Mme Cécile Cukierman. Non, je le retire, madame la présidente.
Mme le président. L’amendement n° 253 est retiré.
Madame Paoli-Gagin, l’amendement n° 48 rectifié bis est-il maintenu ?
Mme Vanina Paoli-Gagin. Il y a le domaine réglementaire, mais il y a aussi le domaine du réel. Si nous sommes saisis, en circonscription, par plusieurs entreprises et fédérations, c’est que, dans les faits, ces dispositions réglementaires ne doivent pas fonctionner aussi bien que vous le laissez entendre. Nous comptons donc sur vous : il faut que le réel soit en homothétie avec les décrets.
Cela étant dit, je retire mon amendement.
Mme le président. L’amendement n° 48 rectifié bis est retiré.
Madame Gosselin, l’amendement n° 174 est-il maintenu ?
Mme Béatrice Gosselin. Non, je le retire, madame la présidente.
Mme le président. L’amendement n° 174 est retiré.
Je suis saisie de deux amendements identiques.
L’amendement n° 171 rectifié est présenté par Mme Micouleau, M. Belin, Mmes Bellurot, Belrhiti et Bonfanti-Dossat, MM. Bouchet, Brisson, Burgoa, Cambon et Charon, Mmes Dumont, Garriaud-Maylam, Gosselin et Imbert, MM. Karoutchi et Klinger, Mme Lherbier, MM. Mouiller et Panunzi, Mme Procaccia et MM. Savary, Segouin, Sol et C. Vial.
L’amendement n° 252 rectifié est présenté par Mme Cukierman.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Après l’article 3
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
À titre expérimental, pour une période de trois ans à compter de l’entrée en vigueur de la présente loi, les législations nouvelles au code de l’environnement, hors textes de transposition européenne, assurent une stabilité normative.
Ainsi, un texte législatif nouveau créant de nouvelles obligations en matière d’environnement ne pourra être adopté.
Le Gouvernement remet chaque année au Parlement un rapport dressant le bilan de la mise en œuvre de cette stabilité normative.
La parole est à M. Philippe Mouiller, pour présenter l’amendement n° 171 rectifié.
M. Philippe Mouiller. Cet amendement vise à assurer, dans le cadre d’une expérimentation sur une période de trois ans, une stabilité des législations relatives à l’environnement.
Cette stabilité législative, que l’ensemble des acteurs économiques appellent de leurs vœux depuis de nombreuses années, constituerait un levier important pour la compétitivité de la France, dans un contexte de forte concurrence internationale et de crises successives.
Mme le président. La parole est à Mme Cécile Cukierman, pour présenter l’amendement n° 252 rectifié.
Mme Cécile Cukierman. Tout d’abord, monsieur le rapporteur, la fête de la musique, lorsqu’elle a été créée, avait pour objectif de donner un lieu d’écoute à toutes les musiques et de sortir de certains canons artistiques pour favoriser la création, professionnelle comme amateur, qui constitue la force et la richesse culturelle de notre pays.
J’en reviens à notre amendement, qui a été défendu par Philippe Mouiller. On ne va pas se mentir, il s’agit d’un amendement d’appel. Toutefois, je tiens à dire – et je pense que je me fais l’écho de plusieurs voix de cet hémicycle – que la question n’est pas de défendre tel ou tel modèle.
Dans tous nos départements, nous sommes alertés sur une chose : pour pouvoir investir, créer, se projeter, que ce soit à des fins de production de richesse ou de consolidation du droit et de la protection sociale – je n’entre pas dans ce débat ce soir – il y a besoin de visibilité et de sécurité pour les années à venir.
En effet, il est actuellement difficile de construire un projet industriel dans la crainte que, six mois, un an ou deux ans plus tard, ce qui était vrai ne le sera plus et que le projet soit remis en cause par des coûts, des études ou des interdictions supplémentaires – bref, tout ce que l’on connaît.
Cette situation est anxiogène et nuit à l’investissement, au développement économique, à la richesse de nos territoires et – car je siège tout de même sur les travées du groupe communiste – à la création d’un emploi durable sur nos territoires. (Marques d’approbation amusées sur les travées des groupes Les Républicains et UC. – Mme Sophie Primas applaudit.)
Mme Françoise Gatel. Excellent !
M. André Reichardt. C’est bien défendu ! (Sourires.)
Mme Sophie Primas. Les bras m’en tombent ! (Nouveaux sourires.)
Mme le président. Quel est l’avis de la commission de l’aménagement du territoire ?
M. Fabien Genet, rapporteur pour avis. Ces amendements s’approchent de la musique expérimentale… (Rires.)
Mes chers collègues, prenez la peine de lire leur dispositif afin d’en mesurer les potentielles conséquences : ce serait, pour une assemblée parlementaire, se faire hara-kiri et se mettre en congé pendant les trois prochaines années !
J’ai cru comprendre que, en octobre, certains d’entre vous auront certainement cette chance (Sourires.), mais d’autres continueront de siéger dans cet hémicycle et aimeraient pouvoir continuer de légiférer en toute liberté.
J’ai bien compris qu’il s’agissait d’amendements d’appel, mais la commission est très défavorable à ce qu’aucune disposition législative ne puisse être prise pendant trois ans sur ce sujet.
La commission émet un avis défavorable sur ces deux amendements. (M. Jacques Fernique applaudit.)
Mme le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Roland Lescure, ministre délégué. En tant qu’ancien parlementaire, je souhaiterais moi aussi pouvoir, dans les trois ans qui viennent, continuer de travailler à l’Assemblée nationale, dans le cas où je redeviendrais député… (Sourires.)
Toutefois, je comprends votre logique. Au fond, avant d’introduire de nouvelles dispositions, peut-être devrait-on prendre le temps de se poser et de se demander, comme l’a fait Mme Paoli-Gagin, si les dispositions actuelles fonctionnent dans nos territoires. La question sous-jacente est la suivante : ne risque-t-on pas d’ajouter la contrainte de trop, qui va nous empêcher de nous développer ?
Le Gouvernement émet donc un avis défavorable sur ces amendements, qui sont d’ailleurs tout simplement anticonstitutionnels.
Je le redis, je comprends votre logique : nous devons systématiquement nous interroger. Lorsque le Président de la République a parlé de pause, cela a fait lever des yeux au ciel…
M. François Patriat. Il a très bien fait !
M. Roland Lescure, ministre délégué. En effet, il a bien fait d’aller, au fond, dans le même sens que vous : avant d’en ajouter de nouvelles, demandons-nous si les contraintes existantes ne suffisent pas d’ores et déjà à privilégier l’industrie dans nos territoires, tout en protégeant notre planète.
Mme le président. La parole est à M. Olivier Rietmann, pour explication de vote.
M. Olivier Rietmann. Je bois du petit-lait… (Sourires sur les travées des groupes Les Républicains et UC.) Gilbert-Luc Devinaz, Jean-Pierre Moga et moi-même avons présenté la semaine dernière un rapport d’information sur la simplification des règles et normes applicables aux entreprises.
Or la simplification normative vient non seulement de l’administration, mais aussi du Parlement. En vingt ans, de 2002 à 2023, quelque 94 000 articles législatifs ont modifié la norme applicable aux entreprises, soit une augmentation de 76 %. Je ne dis pas qu’il faut tout figer pendant les trois prochaines années et je comprends qu’il s’agit, plus que d’un amendement d’appel, d’un amendement de réflexion intense.
Mais nos chefs d’entreprise, qui sont nos premiers investisseurs, ont un besoin de stabilité : c’est par là que cela commence. Sinon, comment voulez-vous construire des plans d’investissement à cinq, dix ou quinze ans ?
Ce matin, la délégation aux entreprises a auditionné un chef d’entreprise du secteur de la machine-outil, qui réfléchit à investir dans des machines qui ne sortiront que dans quinze ou vingt ans. Sans simplification – ou tout du moins stabilité – normative, difficile pour lui de décider s’il doit réaliser ou non ces investissements. On ne peut pas changer tous les quinze jours la norme pour les entreprises !
Le Parlement a donc un rôle à jouer, car, c’est inéluctable, nous allons devoir maîtriser la législation dans ce domaine.
M. Philippe Mouiller. Je retire mon amendement, madame la présidente !
Mme le président. L’amendement n° 171 rectifié est retiré.
La parole est à Mme Cécile Cukierman, pour explication de vote.
Mme Cécile Cukierman. J’ai bien entendu ce que M. le rapporteur et vous-même, monsieur le ministre, avez dit, et je le prends avec beaucoup de sérieux, même si je crois qu’en politique on peut toujours garder un peu de légèreté ; c’est ce qui nous permet de vivre…
Il n’est nullement question, en tant que parlementaires, de nous faire hara-kiri. Mais, depuis quelques années, nous veillons tous à ne pas surréagir face à l’actualité. Nous voulons au contraire réfléchir aux lois que nous faisons afin d’éviter la suraccumulation normative, laquelle produit parfois des effets contradictoires.
Loin de moi l’idée de mettre ce pays à l’arrêt ! Nous avons besoin de tout sauf de cela, au-delà des débats politiques qui font la force et la richesse de la démocratie.
Pour autant, bien que je sois plutôt matérialiste, je ferai preuve d’idéalisme l’espace d’un instant : et si le Parlement, pendant un an, se donnait pour seules missions de faire de l’évaluation, de donner son avis sur tout ce qui a été fait, en bien ou en mal, et d’être force de proposition pour reconstruire ce pays à cinq, dix ou vingt ans, quelles que soient les échéances électorales à venir ? C’est un doux rêve, qui n’est pas réalisable…
Au-delà de cet amendement d’appel, il est normal de se demander si les femmes et les hommes politiques que nous sommes doivent écrire des lois chaque semaine, sans jamais faire une pause pour réfléchir sur ce qui a été accompli depuis dix ans et sur ce que nous devrons réaliser lors des dix prochaines années. Le Sénat pourrait s’interroger très tranquillement à cet égard ! Tel était aussi le sens de cet amendement.
Mme le président. La parole est à Mme Françoise Gatel, pour explication de vote.
Mme Françoise Gatel. Monsieur le ministre, en cette soirée de fête de la musique, je me joindrai au chœur des personnes extrêmement raisonnables qui en appellent à un discours de la méthode.
J’ai bien entendu le rapporteur invoquer l’argument de l’anticonstitutionnalité, cette « arme de destruction massive ». Nous ne disons pas que le Parlement doit être condamné soit au productivisme législatif, soit à l’oisiveté. Il y a dans ce pays un véritable problème d’efficacité et une boulimie normative, que nous avons d’ailleurs évoqués avec le Gouvernement, puisque le Sénat a signé avec celui-ci une charte d’engagements communs pour la simplification des normes applicables aux collectivités locales.
Je pense très sincèrement que nous avons besoin de sécurité et de visibilité. Monsieur le ministre, avant de produire de nouvelles normes, il convient de prévoir des études d’impact afin d’envisager les différentes options et de se demander pourquoi les textes en vigueur ne suffisent pas. Il arrive en effet que les normes que nous introduisons nuisent à l’objectif que nous nous sommes fixé. Il faut donc expérimenter et évaluer.
Votre volonté en matière de réindustrialisation est louable, et il y va de l’avenir de notre pays. Mais, de grâce, cessons de faire des discours d’intentions et de nous mettre des bâtons dans les roues. Ce rappel méthodologique sera salutaire pour nous tous, pour nos entreprises et pour nos emplois.
Mme le président. La parole est à M. Jacques Fernique, pour explication de vote.
M. Jacques Fernique. Je ne crois pas me tromper en disant que nous avions défini le périmètre précis de ce projet de loi relatif à l’industrie verte. Mon groupe avait en effet proposé toute une série d’amendements qui ont été refusés parce qu’ils n’entraient pas dans ledit périmètre.
Permettez-moi de citer les termes de l’amendement n° 252 rectifié qui nous est proposé, et dont l’objet est par ailleurs intéressant : « À titre expérimental, pour une période de trois ans à compter de l’entrée en vigueur de la présente loi, les législations nouvelles au code de l’environnement, hors textes de transposition européenne, assurent une stabilité normative. Ainsi, un texte législatif nouveau créant de nouvelles obligations en matière d’environnement ne pourra être adopté. »
Cet amendement me semble non seulement quelque peu anticonstitutionnel en ce qu’il décrète une forme de moratoire sur le travail parlementaire, mais également un peu léger au regard du périmètre du projet de loi, qui ne porte pas sur l’ensemble du code de l’environnement.
Mme Cécile Cukierman. Je retire l’amendement, madame la présidente !
Mme le président. L’amendement n° 252 rectifié est retiré.
L’amendement n° 394 rectifié bis, présenté par MM. Cabanel et Artano, Mme Pantel, MM. Roux, Fialaire, Guiol, Requier, Bilhac et Gold et Mme Guillotin, est ainsi libellé :
Après l’article 3
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Dans un délai de six mois à compter de la promulgation de la présente loi, le Gouvernement remet au Parlement un rapport étudiant la possibilité de définir un garant dans le débat public couvrant toutes les phases de projets d’infrastructure en lien avec l’industrie verte.
La parole est à M. Henri Cabanel.
M. Henri Cabanel. Cet amendement vise à étudier la possibilité de couvrir toutes les phases de projets d’infrastructure, sous l’égide d’un garant désigné par la CNDP. Il reprend une proposition du rapport d’information intitulé Décider en 2017 : le temps d’une démocratie “coopérative”, dont les recommandations pourraient aussi s’appliquer aux consultations pour l’implantation d’industries vertes.
Mme le président. Quel est l’avis de la commission de l’aménagement du territoire ?
M. Fabien Genet, rapporteur pour avis. Nous saluons le travail mené par la mission d’information sur le thème « Comment redynamiser la culture citoyenne ? », dont vous avez été le rapporteur, monsieur Cabanel, et dont Stéphane Piednoir était le président. Ce sujet d’actualité est finalement très lié à la question de la participation du citoyen.
Votre proposition est intéressante. Cependant, il est d’usage de ne pas accepter les amendements portant demande de rapport ; par ailleurs, la thématique est un peu trop générale.
L’avis est donc défavorable.
Mme le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Roland Lescure, ministre délégué. Si l’avis est plutôt défavorable sur la demande de rapport, il est tout à fait favorable sur le fond. Le Gouvernement avait en effet prévu dans le texte initial que le garant puisse faire office de commissaire enquêteur, ce qui répondait à la préconisation contenue dans le rapport précité, dont je veux à mon tour saluer les résultats.
J’émets donc un avis défavorable, tout en regrettant que la commission ait supprimé cette belle disposition…
Mme le président. La parole est à M. Michel Canévet, pour explication de vote.
M. Michel Canévet. Nous achevons l’examen du chapitre II du projet de loi, relatif à la modernisation de la consultation du public, un sujet important auquel nous devons prêter attention, tout en veillant à réduire les délais.
Par ailleurs, notre collègue Henri Cabanel propose fort opportunément la remise d’un rapport permettant d’évaluer la situation, d’en tirer des enseignements et de s’assurer que tout aille dans le bon sens.
Dans la droite ligne de cette réflexion, Nathalie Goulet, sénatrice de l’Orne, et moi-même souhaitons appeler l’attention du Gouvernement sur la place des commissaires enquêteurs au sein de ce nouveau dispositif de consultation du public, afin que leur intervention prenne place dans les meilleures conditions possible, compte tenu de leur expérience.
Mme le président. La parole est à M. Henri Cabanel, pour explication de vote.
M. Henri Cabanel. Je ne doutais pas un seul instant du sort qui serait réservé à cet amendement.
Philippe Bonnecarrère, rapporteur de la mission commune d’information sur le thème « Démocratie représentative, démocratie participative, démocratie paritaire : comment décider avec efficacité et légitimité en France en 2017 », avait décelé à l’époque qu’il fallait absolument accélérer les procédures applicables à divers projets, car un problème se pose à cet égard dans notre pays.
J’ose espérer, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, que vous avez lu son rapport. Il me semble en effet que la dizaine de préconisations qu’il contient permettraient de répondre aux ambitions de ce texte.
Je retire l’amendement.
Mme le président. L’amendement n° 394 rectifié bis est retiré.
Chapitre III
Favoriser le développement de l’économie circulaire
Avant l’article 4 A
Mme le président. L’amendement n° 339 rectifié bis, présenté par MM. Devinaz et Bourgi, Mmes Harribey et Monier et MM. Pla et Tissot, est ainsi libellé :
Avant l’article 4 A
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – L’État remet, dans l’année suivant la promulgation de la présente loi, un document de planification concernant les filières stratégiques définies par décret en Conseil d’État.
Ce document vise à anticiper les besoins en ressources et propose une structuration adaptée de ces filières sur l’ensemble du cycle de vie des matières.
II. – Les modalités de mise en œuvre sont fixées ultérieurement par décret.
La parole est à M. Gilbert-Luc Devinaz.
M. Gilbert-Luc Devinaz. La mise en place des filières industrielles stratégiques pour la circularité des ressources doit s’accompagner d’une véritable planification sur la structuration de la filière concernée. De la formation à la gestion des déchets, les acteurs du secteur doivent être coordonnés à l’échelle des territoires et de la filière.
Intégrer l’ensemble de la chaîne de valeur, de la première utilisation du produit à sa fin de vie, sera déterminant pour maîtriser les risques et limiter les coûts économiques et environnementaux.
Mme le président. Quel est l’avis de la commission de la commission de l’aménagement du territoire ?
M. Fabien Genet, rapporteur pour avis. On peut partager votre analyse sur la nécessité de mieux planifier les besoins en ressources de notre industrie et de proposer une structuration adaptée des filières sur l’ensemble du cycle de vie des matières. Cela peut notamment passer par un document de planification. Mais cette intention par nature non normative ne nécessite toutefois pas de dispositions législatives pour être concrétisée.
Je demande donc le retrait de l’amendement ; à défaut, l’avis sera défavorable.
Je laisse le ministre saisir la balle au bond, s’il le souhaite…
Mme le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Roland Lescure, ministre délégué. Le Gouvernement prend en compte les besoins en ressources stratégiques dans l’élaboration de la stratégie industrielle.
La feuille de route pour l’économie circulaire (Frec), adoptée en 2018, prévoit : « Le ministère chargé de l’écologie engagera, sur la base des travaux du comité pour les métaux stratégiques (Comes) et du premier plan national des ressources, un plan de programmation des ressources jugées les plus stratégiques en l’accompagnant d’une politique industrielle ambitieuse de valorisation du stock de matière, en particulier pour les métaux critiques contenus dans les déchets. »
Dans ce cadre, dès février 2019 ont été lancés les travaux d’élaboration d’un plan de programmation des ressources minérales de la transition bas-carbone. En effet, pour construire les infrastructures énergétiques indispensables à l’atteinte des objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre, la France est amenée à mobiliser davantage de ressources minérales, dont certaines peuvent être critiques.
Le plan de programmation des ressources minérales de la transition bas-carbone s’inscrit dans la continuité du plan national des ressources.
Plus récemment, le 10 janvier 2022, Philippe Varin, avait remis à Barbara Pompili, alors ministre de la transition écologique, et à Agnès Pannier-Runacher, alors ministre déléguée chargée de l’industrie, un rapport sur la sécurisation de l’approvisionnement de l’industrie en matières premières minérales.
À cette occasion, les deux ministres avaient annoncé l’ouverture d’un appel à projets national, opéré par Bpifrance dans le cadre du plan d’investissement France 2030, et ciblé sur les métaux critiques à destination des filières industrielles.
Le plan d’investissement France 2030 mobilisera ainsi une enveloppe de 1 milliard d’euros – 500 millions d’aides d’État et 500 millions de fonds propres – pour renforcer la résilience du tissu industriel sur les chaînes d’approvisionnement en métaux.
Enfin, une fonction de délégué interministériel aux approvisionnements en minerais et métaux stratégiques a été créée afin de planifier les besoins des filières stratégiques et la stratégie d’approvisionnement. J’ai nommé à ce poste Benjamin Gallezot.
Cet amendement étant largement satisfait, notamment du point de vue stratégique, j’en demande le retrait ; à défaut, l’avis sera défavorable.
Mme le président. Je mets aux voix l’amendement n° 339 rectifié bis.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Mme le président. Je suis saisie de cinq amendements identiques.
L’amendement n° 85 rectifié ter est présenté par MM. Gillé et Devinaz, Mme Préville, M. Montaugé, Mme Briquet, MM. Marie et J. Bigot, Mmes Bonnefoy et M. Filleul, MM. Houllegatte et Jacquin, Mmes Artigalas et Blatrix Contat, MM. Lurel et Mérillou, Mme Monier, MM. Redon-Sarrazy, Stanzione, Kanner et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.
L’amendement n° 179 rectifié est présenté par Mmes Micouleau et Estrosi Sassone, MM. Bacci et Belin, Mmes Belrhiti et Bonfanti-Dossat, MM. Bouchet, Brisson, Burgoa, Cambon et Charon, Mmes Di Folco, Dumont, Garriaud-Maylam, Imbert et Joseph et MM. D. Laurent, Mandelli, Milon et Tabarot.
L’amendement n° 248 rectifié est présenté par Mme Varaillas, MM. Gay, Lahellec et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
L’amendement n° 333 rectifié est présenté par MM. Chasseing et Verzelen, Mme Mélot, MM. Lagourgue, Decool, Wattebled et Capus, Mme Paoli-Gagin, M. Folliot, Mmes Vermeillet et F. Gerbaud et M. Fialaire.
L’amendement n° 371 rectifié bis est présenté par Mme N. Delattre, M. Artano, Mme Pantel, MM. Guiol, Requier, Bilhac, Cabanel et Gold et Mme Guillotin.
Ces cinq amendements sont ainsi libellés :
Avant l’article 4 A
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Dans un délai de six mois à compter de la promulgation de la présente loi, le Gouvernement remet au Parlement un rapport portant sur les mesures prises relatives à l’accompagnement et l’incitation des industriels vers un changement de modèle de production tenant compte de la raréfaction des ressources et du cycle de vie des produits.
La parole est à Mme Angèle Préville, pour présenter l’amendement n° 85 rectifié ter.
Mme Angèle Préville. Cela a été dit au cours de nos débats, la grande absente de ce projet de loi est l’économie circulaire, alors même qu’elle devrait être au cœur de notre industrie verte de demain.
L’économie circulaire nous amène à nous interroger à plusieurs titres sur nos modes de production et de distribution, et d’une manière plus globale sur l’intégration d’une dimension durable dans l’ensemble du cycle de vie d’un produit, de sa conception à son recyclage. Elle devrait donc être l’alpha et l’oméga de nos réflexions actuelles, afin que nous puissions répondre à la question suivante : comment produire durablement et dans la sobriété ?
L’application de l’article 45 de la Constitution nous empêche d’avoir un réel débat, les sujets liés à l’économie circulaire étant largement considérés comme des cavaliers législatifs. Nous proposons donc un amendement d’appel, travaillé avec l’association France Urbaine, et visant à demander la remise au Parlement d’un rapport du Gouvernement portant sur les mesures prises en matière d’accompagnement et d’incitation des industriels à changer de modèle de production, en tenant compte de la raréfaction des ressources et du cycle de vie des produits.
Mme le président. La parole est à Mme Dominique Estrosi Sassone, pour présenter l’amendement n° 179 rectifié.
Mme Dominique Estrosi Sassone. Défendu.
Mme le président. La parole est à Mme Marie-Claude Varaillas, pour présenter l’amendement n° 248 rectifié.
Mme Marie-Claude Varaillas. Nous souhaitons, nous aussi, la remise d’un rapport sur ce sujet, bien que nous connaissions la position de notre institution sur ce type d’amendement.
Nous avons le sentiment – peut-être ne sommes-nous pas les seuls dans cet hémicycle – que ce projet de loi souffre de nombreuses insuffisances, dont certaines devraient être résolues dans le prochain projet de loi de finances. Quant aux autres, elles ne figurent pas forcément parmi les priorités du présent quinquennat… Je pense notamment à l’enjeu de production et à la nécessité de produire autrement en tenant compte de la raréfaction des ressources, et aux indisponibilités qui sont de plus en plus fréquentes ; sans parler des pénuries de biens de consommation, ou de biens « tout court », comme l’a justement souligné notre collègue Laurence Cohen à propos des pénuries de médicaments.
Par ailleurs, des matières premières se raréfient du fait de l’entrée dans la société de consommation de pays qui, hier, en étaient exclus.
Il est indispensable d’agir en tenant compte de cette limite de ressources, laquelle doit notamment être prise en compte par le secteur industriel. Cet amendement tend donc à ce que l’on travaille sur ce sujet. Mon groupe, qui s’y intéresse, se tiendra disponible pour contribuer à ces travaux.
Mme le président. La parole est à Mme Vanina Paoli-Gagin, pour présenter l’amendement n° 333 rectifié.
Mme Vanina Paoli-Gagin. Défendu.
Mme le président. La parole est à M. Henri Cabanel, pour présenter l’amendement n° 371 rectifié bis.
M. Henri Cabanel. Cet amendement vient d’être excellemment défendu.
Mme le président. Quel est l’avis de la commission de l’aménagement du territoire ?
M. Fabien Genet, rapporteur pour avis. L’objectif des amendements d’appel est de permettre à leurs auteurs de s’exprimer. Ceux-ci visant à demander un rapport, j’en demande le retrait.
Je vous trouve très sévères, mes chers collègues. Il est vrai que l’article 45 a quelque peu limité le périmètre du projet de loi, mais il me semble que le besoin d’économie circulaire est de plus en plus partagé par l’ensemble de la société et des acteurs concernés.
Au-delà des demandes de rapport que l’on peut formuler, l’essentiel est ce qui se passe sur le terrain. Pour le coup, on assiste à un véritable changement d’état d’esprit, tout à fait bénéfique.
Mme Sophie Primas. Très bien !
Mme le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Roland Lescure, ministre délégué. Je vous remercie, mesdames, messieurs les sénateurs, de nous alerter sur ce sujet qui nous est cher et que nous allons évoquer lors de l’examen de l’article 4, à propos du statut des déchets dans la production industrielle.
Je vous répondrai, plus largement, que je préfère, à l’instar du rapporteur, l’action aux rapports. Et nous agissons.
Dès vendredi prochain, la Première ministre réunira le Conseil national de l’industrie (CNI). J’aurai alors l’honneur de lui présenter les plans de décarbonation des cinquante sites les plus émetteurs, sur certains desquels l’économie circulaire jouera un rôle important.
Vous l’avez dit, monsieur le rapporteur, et je l’avais souligné dans mon intervention liminaire : nous sommes dans une phase d’action. On observe un changement d’état d’esprit, de mentalité, y compris parmi les industriels, qui sont prêts à agir et sont heureux qu’on les accompagne en ce sens ; ils sont d’ailleurs très demandeurs de ce projet de loi.
Je sollicite donc le retrait de ces amendements identiques, même si – je le sais – ces demandes de rapport traduisent la volonté, que nous partageons, de mettre en avant ces sujets.
Mme Dominique Estrosi Sassone. Nous retirons l’amendement n° 179 rectifié, madame la présidente !
M. Henri Cabanel. Je retire également l’amendement n° 371 rectifié bis.
Mme le président. Les amendements identiques nos 179 rectifié et 371 rectifié bis sont retirés.
Je mets aux voix les amendements identiques nos 85 rectifié ter, 248 rectifié et 333 rectifié.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
Article 4 A (nouveau)
Les projets territoriaux d’industrie circulaire sont élaborés de manière concertée avec l’ensemble des acteurs d’un territoire et répondent à l’objectif de structuration de l’économie circulaire et de mise en œuvre d’un écosystème industriel territorial.
Ils participent à la consolidation de filières territorialisées et des modèles économiques circulaires, à la durabilité des ressources, à l’allongement de l’usage des produits, leur réemploi et leur régénération. Ils favorisent la résilience économique et environnementale des filières territorialisées pour une industrie durable et contribuent à la garantie de la souveraineté industrielle nationale.
À l’initiative de l’État et de ses établissements publics, des collectivités territoriales, des associations, des microentreprises, petites et moyennes entreprises définies à l’article 51 de la loi n° 2008-776 du 4 août 2008 de modernisation de l’économie et d’autres acteurs du territoire, ils sont formalisés sous la forme d’un contrat entre les partenaires engagés.
Un réseau national des projets territoriaux d’industrie circulaire suit le déploiement de ces projets territoriaux d’industrie circulaire, met en avant les bonnes pratiques et construit des outils méthodologiques au service des collectivités territoriales et des partenaires économiques et associatifs.
Les projets territoriaux d’industrie circulaire s’appuient sur un diagnostic partagé de l’industrie et de l’économie circulaire sur le territoire et la définition d’actions opérationnelles visant la réalisation du projet.
Ils peuvent mobiliser des fonds privés. Ils peuvent également générer leurs propres ressources.
Mme le président. L’amendement n° 316, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. le ministre délégué.
M. Roland Lescure, ministre délégué. Cet amendement tend à supprimer l’article 4 A, inséré en commission, lequel vise à inscrire dans la loi des projets territoriaux d’industrie circulaire.
De notre point de vue, l’industrie circulaire est nationale. Il existe ainsi un grand opérateur, spécialisé dans le recyclage chimique de plastique, qui souhaite s’installer dans le nord de la France et qui aura besoin de plastique recyclé venant de partout, y compris peut-être de pays étrangers. Mettre en place des projets territoriaux extrêmement localisés d’industrie circulaire ne me semble donc pas adapté à ce que nous souhaitons faire dans ce domaine.
Cette industrie développera en effet de nouvelles technologies nécessitant sans doute qu’elle se procure des matériaux partout en France.
Mme le président. Quel est l’avis de la commission de l’aménagement du territoire ?
M. Fabien Genet, rapporteur pour avis. Je suis quelque peu étonné du changement de pied du ministre, d’un amendement à l’autre : alors qu’il vient de dire tout le bien qu’il pensait de l’économie circulaire, il demande désormais le retrait d’une avancée prévue par la commission en la matière.
Il faut toujours rendre à César ce qui appartient à César, en l’occurrence M. Fernique, qui a convaincu la commission de la pertinence de répliquer le modèle des projets alimentaires territoriaux en matière d’industrie circulaire.
Contrairement à ce qu’affirme le Gouvernement, cette initiative spécifique et ciblée pourrait utilement compléter les dispositifs de planification existants, notamment les schémas régionaux d’aménagement, de développement durable et d’égalité des territoires (Sraddet).
La commission est défavorable à la suppression de son apport.
Mme le président. La parole est à M. Jacques Fernique, pour explication de vote.
M. Jacques Fernique. Je ne vous comprends plus, monsieur le ministre. Il ne s’agit pas d’opposer l’échelon national au territorial, ou au local, ou bien l’inverse ! Nous soutenons, à la fois, le développement de l’économie circulaire, les territoires et la réindustrialisation, et nous sommes d’accord avec vous sur beaucoup de points. Mais quand il s’agit de passer aux mesures concrètes – en l’occurrence, il ne s’agit pas de demander un rapport –, vous vous y opposez soudain.
La création de projets territoriaux d’industrie circulaire associant entreprises, collectivités, État et associations va dans le sens de la valorisation et de l’optimisation des ressources des territoires, au plus près de la demande.
Bien sûr, le marché de ces industries dépasse souvent l’échelle du territoire, mais cet outil serait complémentaire et facultatif : c’est un levier qu’il faut accorder à nos territoires et à nos industriels. Il est non pas contradictoire, mais complémentaire avec une vision de l’industrie.
La compétence élargie d’animation et de coordination de l’économie circulaire, qui a été accordée aux conseils régionaux par la loi du 10 février 2020 relative à la lutte contre le gaspillage et à l’économie circulaire, dite loi Agec, vient en support, mais ne répond pas au même objectif.
Quant au programme Territoires d’industrie, il répond principalement aux besoins d’ingénierie au sein des territoires industriels et de soutien aux entreprises industrielles en difficulté. Ce programme n’a donc que le nom en commun avec les projets territoriaux d’industrie circulaire : il n’englobe pas suffisamment les spécificités de l’économie circulaire que nous abordons ici.
L’amendement gouvernemental, qui vise à supprimer cet article 4 A, n’est guère sous-tendu par la confiance envers l’intelligence et la dynamique des territoires. En l’adoptant alors que la fête de la musique bat son plein, la chambre des territoires commettrait un couac assez dissonant. (Sourires.)
Mme le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Roland Lescure, ministre délégué. Loin de moi l’idée de remettre en cause les compétences et les qualités des territoires, non plus que leur capacité à s’organiser pour développer l’industrie.
Vous l’avez dit, monsieur le sénateur, Territoires d’industrie est un succès. Ce programme permet aux territoires et aux élus de différents niveaux de s’organiser pour développer localement l’industrie, dans des territoires qui y croient et souhaitent mettre en place des stratégies communes. Cela n’empêche en aucun cas d’y intégrer des enjeux d’économie circulaire.
Je considère que Territoires d’industrie permet d’ores et déjà de satisfaire votre souhait. Par ailleurs, en obligeant à créer des programmes territoriaux spécifiquement liés à l’industrie circulaire, vous risquez d’obérer des projets à vocation nationale qui devront, pour fonctionner, se procurer des déchets partout. Paradoxalement, le fait d’envisager un projet du point de vue local aurait pour conséquence de sous-évaluer son intérêt économique et territorial.
C’est la raison pour laquelle je souhaite la suppression de l’article 4 A. Même si je pars, non pas perdant, mais pas tout à fait gagnant, je tiens à insister sur le fait que cet amendement ne vise en aucun cas à obérer les capacités des autorités locales de s’organiser autour de leur industrie.
Utilisons pleinement le programme Territoires d’industrie, auquel je crois, et adoptez cet amendement sans couac, dans l’harmonie et la douceur ! (Sourires.)
Mme le président. L’amendement n° 382 n’est pas soutenu.
Article 4
Le code de l’environnement est ainsi modifié :
1° A (nouveau) L’article L. 541-4-2 est ainsi modifié :
a) Au début, est ajoutée la mention : « I. – » ;
b) Il est ajouté un II ainsi rédigé :
« II. – Dans le cas où un résidu de production est produit dans une plateforme industrielle, telle que définie à l’article L. 515-48, et où son utilisation au sein de cette même plateforme est certaine, ce résidu est réputé être un sous-produit, à condition que l’exploitant de l’installation dont il est issu s’assure des conditions mentionnées au I du présent article. » ;
1° Le I de l’article L. 541-4-3 est ainsi modifié :
a) La première phrase du sixième alinéa est ainsi modifiée :
– au début, est ajoutée la mention : « I bis. – » ;
– les mots : « présent I » sont remplacés par les mots : « I du présent article » ;
b) Après le septième alinéa, il est inséré un I ter ainsi rédigé :
« I ter. – Une substance ou un objet élaboré dans une installation de production qui utilise pour tout ou partie des déchets comme matière première, n’a pas le statut de déchet quand cette substance ou cet objet est similaire à la substance ou à l’objet qui aurait été produit sans avoir recours à des déchets, sous réserve que l’exploitant de l’installation de production respecte les conditions mentionnées au I du présent article. » ;
2° (Supprimé)
3° Le chapitre Ier du titre IV du livre V est ainsi modifié :
a) Au premier alinéa du I de l’article L. 541-3, après la référence : « L. 541-21-2-3 », sont insérés les mots : « et de celles prévues à la section 4 » ;
b) À la première phrase du premier alinéa du II de l’article L. 541-42, les mots : « , outre les sanctions prévues à l’article L. 541-3 » sont supprimés ;
c) L’article L. 541-42-1 est ainsi modifié :
– les mots : « des articles L. 121-1, L. 121-2 et L. 122-1 » sont remplacés par les mots : « de l’article L. 121-1 » ;
– il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :
« Les sanctions prises en application des articles L. 541-42-2 et L. 541-42-3 interviennent après que la personne concernée a été informée des faits qui lui sont reprochés et des sanctions encourues, ainsi que de la possibilité de présenter ses observations, écrites ou orales, dans un délai qui lui est précisé, le cas échéant assisté par un conseil ou représenté par un mandataire de son choix. » ;
d) La section 4 est complétée par un article L. 541-42-3 ainsi rédigé :
« Art. L. 541-42-3. – Sans préjudice des poursuites pénales qui peuvent être engagées sur le fondement de l’article L. 541-46, le ministre chargé de l’environnement peut prononcer une amende administrative à l’encontre du notifiant de fait ou, à défaut, de droit, au sens du II de l’article L. 541-41 qui a :
« 1° Procédé ou fait procéder à un transfert de déchets alors que le transfert n’est pas accompagné des documents de notification ou de mouvement prévus à l’article 4 du règlement (CE) n° 1013/2006 du Parlement européen et du Conseil du 14 juin 2006 concernant les transferts de déchets ;
« 2° Procédé ou fait procéder à un transfert de déchets pour lequel le producteur, le destinataire ou l’installation de destination des déchets ne sont pas ceux mentionnés dans les documents de notification ou de mouvement prévus au même article 4 ;
« 3° Procédé ou fait procéder à un transfert de déchets d’une nature différente de celle indiquée dans les documents de notification ou de mouvement prévus audit article 4, ou portant sur une quantité de déchets significativement supérieure ;
« 4° Procédé ou fait procéder à un transfert de déchets dont la valorisation ou l’élimination est réalisée en méconnaissance de la réglementation communautaire ou internationale ;
« 5° Exporté des déchets en méconnaissance des articles 34, 36, 39 et 40 du même règlement ;
« 6° Importé des déchets en méconnaissance des articles 41 et 43 dudit règlement ;
« 7° Procédé à un mélange de déchets au cours du transfert en méconnaissance de l’article 19 du même règlement.
« Le ministre ne peut infliger une amende plus de trois ans après le constat du transfert illicite.
« Le montant de l’amende tient compte de la gravité des manquements constatés et est au plus égal à cinq fois le coût de traitement des déchets concernés par le transfert illicite, calculé en appliquant la valeur des tarifs forfaitaires de traitement des déchets servant au calcul des garanties financières des transferts transfrontaliers de déchets.
« Le recouvrement est effectué comme en matière de créances de l’État étrangères à l’impôt et au domaine. »
Mme le président. L’amendement n° 315, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Alinéa 5
Remplacer les mots :
des conditions mentionnées au I du présent article
par les mots :
que le résidu n’aura pas d’incidences globales nocives pour l’environnement ou la santé humaine
La parole est à M. le ministre délégué.
M. Roland Lescure, ministre délégué. Si vous me le permettez, madame la présidente, avant de présenter cet amendement, j’aimerais dire quelques mots sur l’article 4.
J’ai eu l’occasion de le dire lors de discussion générale, pour développer l’industrie verte, il faut s’atteler à une filière du réemploi et du recyclage industriel. Or la France a surtransposé une directive européenne en retenant une définition explicite des déchets en réemploi dans l’industrie, là où la plupart des autres pays européens ont choisi une définition implicite.
En pratique, cela signifie que pour recycler un tee-shirt en chiffon, ou pour réutiliser des déchets de fibre de carbone – j’ai rencontré ce matin, au salon du Bourget, une entreprise dont c’est la spécialité – afin de fabriquer une nouvelle fibre de carbone, la procédure dure un an pour sortir ces matériaux du statut de déchet.
L’adoption de l’article 4 est donc, selon nous, essentielle, notamment afin de tenir compte des zones dans lesquelles des industriels peuvent s’organiser entre eux pour utiliser de manière optimale les déchets des uns et des autres.
Notre réglementation est bien trop complexe. Cet article prévoit une simplification bienvenue qui permettra à l’économie circulaire de changer de dimension. Et dès lors qu’on libéralise l’utilisation des déchets, dans une logique nationale de réutilisation, il nous semble également important de renforcer les sanctions administratives en cas de transfert illicite.
J’en viens à l’amendement n° 315 du Gouvernement, qui vise à simplifier la disposition relative aux résidus de production au sein des plateformes industrielles.
La rédaction adoptée en commission a simplifié l’approche prévue à l’article 4. Parmi les conditions à remplir pour qu’un résidu puisse être réutilisé, le Conseil d’État avait estimé que seule était nécessaire celle qui est relative à l’absence d’incidence globale nocive. Cet amendement permet d’opérer ce recentrage en revenant à une rédaction très proche de la rédaction initiale.
Je vous invite donc, monsieur le rapporteur, à soutenir pleinement cet amendement.
Mme le président. Quel est l’avis de la commission de l’aménagement du territoire ?
M. Fabien Genet, rapporteur pour avis. Le dispositif relatif aux résidus de production du projet de loi initial posait problème au regard du droit de l’Union européenne. La directive-cadre sur les déchets prévoit en effet que les résidus de production ont soit un statut de déchet, soit un statut de sous-produit, à condition de respecter les conditions fixées par le droit européen et le code de l’environnement.
Ces deux qualifications sont exclusives l’une de l’autre, et il n’est pas possible pour un État membre de prévoir de qualification alternative. C’est pourtant ce que prévoit le dispositif proposé par le Gouvernement, qui crée une présomption de non-application du statut de déchet pour des résidus de production issus d’une plateforme industrielle, sans pour autant faire référence à la notion de sous-produit.
La commission a donc corrigé ce point afin de mieux articuler la proposition formulée par le Gouvernement avec la notion de sous-produit cadrée par la directive européenne.
Je constate que le Gouvernement s’inscrit dans cette logique en amendant notre proposition, mais il le fait, à notre sens, imparfaitement puisqu’il ne retient pas l’ensemble des conditions prévues par le droit européen pour encadrer la notion de sous-produit. De fait, cet amendement vise à créer en quelque sorte une catégorie nouvelle de « sous-sous-produit », ce qui me semble problématique vis-à-vis du droit européen.
Au regard de cette analyse développée par la commission, j’émets un avis défavorable sur cet amendement.
Mme le président. Je suis saisie de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 95 rectifié bis, présenté par MM. Gold et Artano, Mmes Pantel et N. Delattre, MM. Guiol, Fialaire, Requier, Bilhac et Cabanel et Mme Guillotin, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 11
Insérer trois alinéas ainsi rédigés :
…° Après le IV du même article L. 541-4-3, sont insérés deux alinéas ainsi rédigés :
« … – Dans le cadre de leurs transferts entre États membres, les substances ou objets ayant cessé d’être des déchets dans un État membre de l’Union européenne, conformément aux dispositions de l’article 6 de la directive 2008/98/Conseil d’État du Parlement européen et du Conseil du 19 novembre 2008 relative aux déchets et abrogeant certaines directives, prévu par la directive 2006/112/CE, en faveur des assujettis qui ne sont pas établis dans l’État membre du remboursement, mais dans un autre État membre, conservent leur statut de produit lors de leur entrée sur le territoire français.
« En cas de non-conformité aux dispositions de la directive-cadre, l’autorité administrative compétente peut remettre en cause la sortie du statut de déchet de la substance ou objet sur le territoire français. »
La parole est à M. Henri Cabanel.
M. Henri Cabanel. L’intégration dans nos produits manufacturés de matériaux secondaires est un enjeu écologique, mais également un levier d’indépendance et un facteur clef de relocalisation industrielle.
La sortie du statut de déchet autorise l’incorporation des déchets dans le processus de production industrielle ; son principe est donc au cœur d’une industrie circulaire.
L’absence de reconnaissance en droit français du statut de produits pour les objets exclus du statut de déchet dans les autres États de l’Union européenne pénalise notre tissu industriel. Nous sommes en effet dépendants de l’importation de nombreuses matières premières nécessaires à l’élaboration de produits manufacturés : matières premières fossiles ou minérales, mais aussi certaines matières végétales et renouvelables, introuvables en France du fait notamment de paramètres climatiques.
Cet amendement vise à maintenir sur le territoire français le statut de produits pour les substances ou objets ayant fait l’objet d’une sortie du statut de déchet dans un pays de l’Union européenne.
Mme le président. L’amendement n° 133 rectifié ter, présenté par Mme M. Mercier, MM. Bacci et Belin, Mmes Bellurot et Billon, MM. Bouchet, Brisson, Burgoa et Cambon, Mmes Di Folco et Dumont, M. Folliot, Mmes F. Gerbaud et Gosselin, MM. Gremillet et Henno, Mmes Imbert et Joseph, MM. Levi et Moga, Mme Perrot et MM. Piednoir, Sautarel, Savary et Sido, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 11
Insérer trois alinéas ainsi rédigés :
…° Après le IV du même article L. 541-4-3, sont insérés deux alinéas ainsi rédigés :
«…. – Dans le cadre de leurs transferts entre États membres, les substances ou objets ayant cessé d’être des déchets dans un État membre de l’Union européenne, conformément aux dispositions et conditions de l’article 6 de la directive 2008/98/CE du Parlement européen et du Conseil du 19 novembre 2008 relative aux déchets et abrogeant certaines directives, conservent leur statut de produit lors de leur entrée sur le territoire français.
« L’autorité administrative compétente peut, le cas échéant, vérifier la conformité de la sortie du statut déchet aux dispositions de l’article 6 de la directive cadre européenne sur les déchets. En cas de non-conformité auxdites dispositions, l’autorité administrative compétente peut remettre en cause la sortie du statut de déchet de la substance ou objet sur le territoire français. » ;
La parole est à M. Daniel Gremillet.
M. Daniel Gremillet. Cet amendement, quasi identique au précédent, a été excellemment défendu. Il soulève le problème de distorsion qui se pose au sein de l’Union européenne.
Mme le président. Quel est l’avis de la commission de l’aménagement du territoire ?
M. Fabien Genet, rapporteur pour avis. Notre collègue Gremillet évoque un problème de distorsion : c’est précisément sur le fondement de cet élément que j’émettrai un avis défavorable.
Je rappelle que, hormis les critères pouvant être fixés à l’échelle européenne, il revient aux États membres de définir les modalités de la sortie du statut de déchet.
Ces amendements visent à revenir sur ce principe en prévoyant une reconnaissance automatique par la France de la sortie du statut de déchet dans un autre pays de l’Union européenne. Cela reviendrait à renoncer à notre souveraineté réglementaire en la matière. Nous devrions alors adopter les mêmes normes que des pays tiers de l’Union européenne, sans que la réciproque soit assurée.
Une telle disposition inciterait les industries à s’installer dans les pays où les règles sont les moins protectrices de l’environnement, ce qui est contraire à l’objectif recherché au travers du projet de loi.
J’émets donc, pour ces raisons, un avis défavorable. Ce sujet étant néanmoins très prégnant pour un certain nombre d’industriels, j’avancerai quelques pistes de réflexion sur lesquelles j’aimerais connaître l’avis du Gouvernement.
Peut-être pourrait-on permettre aux industriels de justifier, au cas par cas, auprès de l’administration française qu’une sortie du statut de déchet s’est faite à l’étranger dans les règles de l’art, ce qui permettrait une application du statut de produit aux objets ou substances concernés. Ou alors pourrait-on envisager une extension des critères communautaires de sortie du statut de déchet pour que les mêmes règles s’appliquent sur l’ensemble du territoire de l’Union européenne.
Quel regard portez-vous, monsieur le ministre, sur ces propositions, sachant que nous sommes défavorables aux amendements ? (Mme Sophie Primas manifeste sa déception.)
Mme le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Roland Lescure, ministre délégué. Ces amendements soulèvent un véritable défi en matière de concurrence. Ils conduiraient, d’une certaine manière, à favoriser les déchets produits à l’étranger par rapport aux déchets français, qui, de ce fait, pourraient sembler trop coûteux et finir par être sous-utilisés. On les retrouverait dans nos chères décharges, ce qui ne me semble pas être l’objectif.
J’entends ce qui a été dit : le recyclage est insuffisant en France, il faut aller chercher les déchets ailleurs. Il faudra développer des tonnes et des tonnes de biomasse pour fournir à nos industriels la chaleur nécessaire à la production des carburants durables qui nous permettront de décarboner l’industrie. Mais la spécification actuelle des déchets ouvre trop largement la porte à des abus.
J’en viens à vos recommandations, monsieur le rapporteur.
En ce qui concerne votre première proposition, un industriel peut d’ores et déjà demander en France la sortie de ce statut d’un déchet importé.
Sur la deuxième proposition, vous avez raison. L’idéal serait d’harmoniser les statuts de déchet en Europe. Nous sommes prêts à porter ce combat, mais il sera long et douloureux…
En attendant, je souhaiterais que les amendements soient retirés ou qu’ils ne soient pas adoptés. Nous allons continuer à travailler sur une vision européenne du déchet recyclable, car c’est l’avenir de l’industrie. Les déchets ne sont plus des déchets : ils sont en train de devenir des matières premières, mais il faut qu’ils le soient conformément aux normes de sécurité françaises.
Mme le président. Je mets aux voix l’amendement n° 95 rectifié bis.
(L’amendement n’est pas adopté.)
M. Daniel Gremillet. Je retire l’amendement n° 133 rectifié ter !
Mme le président. L’amendement n° 133 rectifié ter est retiré.
L’amendement n° 120 rectifié, présenté par Mme Paoli-Gagin, est ainsi libellé :
Alinéa 14
Remplacer cet alinéa par deux alinéas ainsi rédigés :
a) Le I de l’article L. 541-3 est ainsi rédigé :
« I. - Lorsque des produits usagés ou déchets sont abandonnés, déposés ou gérés contrairement aux dispositions des sous-sections 2 et 3 de la section 2 du présent chapitre ou aux prescriptions du présent chapitre, et des règlements pris pour leur application, à l’exception des prescriptions prévues au I de l’article L. 541-21-2-3, l’autorité titulaire du pouvoir de police compétente avise le producteur ou détenteur de déchets des faits qui lui sont reprochés ainsi que des sanctions qu’il encourt et, après l’avoir informé de la possibilité de présenter ses observations, écrites ou orales, dans un délai de dix jours, le cas échéant assisté par un conseil ou représenté par un mandataire de son choix, peut lui ordonner le paiement d’une amende au plus égale à 15 000 euros et le mettre en demeure d’effectuer les opérations nécessaires au respect de cette réglementation dans un délai déterminé. » ;
La parole est à Mme Vanina Paoli-Gagin.
Mme Vanina Paoli-Gagin. Le renforcement des sanctions applicables au démantèlement des filières illégales que le projet de loi tend à accentuer traduit la nécessité de lutter contre ces filières.
Pour intensifier cette lutte, l’amendement que nous vous proposons vise à s’assurer que les sanctions sont appliquées, que les équipements collectés sont considérés comme des produits usagés ou comme des déchets. Les sanctions doivent en effet permettre de punir les acteurs qui alimentent les filières illégales en sortant du cadre réglementaire sécurisé, lequel garantit la conformité de traitement de ces équipements dans le respect de la hiérarchie des modes de traitement.
Mme le président. Quel est l’avis de la commission de l’aménagement du territoire ?
M. Fabien Genet, rapporteur pour avis. Je ne reviendrai pas sur l’article L. 541-3 du code de l’environnement. L’amendement vise à le modifier pour que les sanctions prévues par cet article puissent s’appliquer aux déchets et aux produits usagés, ce qui me semble être une source de confusion.
En effet, nous l’avons vu il y a quelques instants, le droit de l’environnement reconnaît deux catégories : le déchet et le produit. Si les produits usagés visés dans l’amendement sont considérés comme des déchets, alors ce dernier est satisfait ; s’ils sont considérés comme des produits, l’amendement conduira à appliquer le régime de sanctions de l’article L. 541-3, une nouvelle catégorie mal définie, ce qui est une source d’insécurité juridique.
C’est la raison pour laquelle l’avis est défavorable.
Mme le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Roland Lescure, ministre délégué. J’ajouterai que l’amendement tel qu’il est rédigé, en supprimant l’alinéa 14 de l’article, fragilise le dispositif de l’article 4 sur les sanctions, que vous avez renforcé en commission en cas de transfert illicite vers l’étranger.
Je suggère le retrait de l’amendement ; à défaut, j’y serai défavorable.
Mme le président. Madame Paoli-Gagin, l’amendement n° 120 rectifié est-il maintenu ?
Mme Vanina Paoli-Gagin. Non, je le retire, madame le président.
Mme le président. L’amendement n° 120 rectifié est retiré.
L’amendement n° 379 rectifié bis, présenté par MM. Gremillet, Rietmann et Perrin, Mme Berthet, M. Brisson, Mmes Jacques, Thomas, Dumont, Malet et Gosselin et M. Sido, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 14
Insérer deux alinéas ainsi rédigés :
…) Après l’article L. 541-4-4, il est inséré un article L. 541-4-… ainsi rédigé :
« Art. L. 541-4-…. – Un résidu de production, s’il est utilisé dans un processus de production, n’a pas le statut de déchet quand ce résidu de production est similaire à une substance ou un matériau qui aurait été produit sans avoir recours à des déchets. L’exploitant de l’installation de production s’assure du respect des conditions mentionnées aux points a) à d) du I de l’article 6 de la directive 2008/98/CE. » ;
La parole est à M. Daniel Gremillet.
M. Daniel Gremillet. L’industrie verte repose sur deux piliers : la décarbonation et l’économie circulaire. Monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, après les propos que vous venez de tenir sur la nécessité d’avoir une véritable politique offensive en matière d’économie circulaire, cet amendement devrait vous satisfaire.
Il vise simplement à ce que ne soit pas conféré à un résidu de production le statut de déchet s’il est utilisé dans un processus de production, quand ce résidu de production est similaire à une substance ou à un matériau qui aurait été produit sans avoir recours à des déchets.
Cet enjeu est vraiment important pour notre économie, comme je l’ai dit lors de la discussion générale. Car, derrière cela, il s’agit d’innovation, de création et surtout de la capacité des industriels à trouver une nouvelle orientation industrielle, une nouvelle valorisation, à des résidus de fabrication de matériaux qui sont parfois rares dans nos territoires. C’est aussi un moyen de garder dans l’Hexagone une capacité de production industrielle circulaire, au lieu d’en laisser le bénéfice aux autres pays de l’Union européenne, comme on le constate, hélas, trop souvent.
Mme le président. Quel est l’avis de la commission de l’aménagement du territoire ?
M. Fabien Genet, rapporteur pour avis. Je comprends bien vos arguments, mon cher collègue, mais au-delà du souhait que vous exprimez, il faut tout de même examiner les conséquences qu’aurait votre amendement dans le cadre réglementaire actuel.
Si l’on vous suivait, nous serions en contradiction avec la directive-cadre européenne relative aux déchets, qui prévoit – je vous le rappelle – que les résidus de production visés par l’amendement ont un statut soit de déchet, soit de sous-produit, à condition de respecter les conditions fixées par le droit européen et le code de l’environnement pour le statut de sous-produit. Il n’est pas possible d’inventer une troisième catégorie.
Si l’on accepte l’idée qu’il n’est pas possible de créer une nouvelle catégorie et que les résidus sont dans l’une ou l’autre des deux catégories, examinons alors les différentes hypothèses.
Si les résidus de production visés par l’amendement sont des sous-produits, au sens où ils répondent à la définition de ces derniers, alors l’amendement est satisfait. En effet, par définition, les résidus de production ne seraient alors pas des déchets.
En revanche, si ce sont des déchets, alors l’amendement pourrait conduire à desserrer très largement les exigences environnementales. En effet, il permettrait de faciliter le contournement des critères applicables à la sortie du statut de déchet. En somme, les producteurs et détenteurs de déchets pourraient réaliser des sorties de ce statut sans démarche particulière, sinon celle de justifier du respect des conditions légales en cas de contrôle.
C’était, d’une certaine manière, l’intention originelle du Gouvernement dans ce projet de loi, mais la commission n’a pas souhaité le suivre dans cette direction. Il ne faut pas, selon nous, ouvrir trop largement les vannes. Je rappelle que le statut de déchet a un objectif essentiel dans le code de l’environnement : celui d’éviter les risques pour l’environnement et la santé publique.
Pour ces raisons factuelles et juridiques, j’émets, au nom de la commission, un avis défavorable.
Mme le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Roland Lescure, ministre délégué. L’avis est favorable, monsieur Gremillet. Votre amendement vise à permettre aux résidus de production de perdre leur statut de déchet lorsqu’ils sont similaires à une substance ou à un matériau produit sans recours à des déchets. Le mot « similaire » est important : c’est celui qui figure dans la directive européenne. Cet amendement me semble donc parfaitement compatible avec celle-ci.
Il s’agit d’une mesure de bon sens, qui permet d’élargir le cadre du projet de loi en le mettant en cohérence avec la directive européenne, et donc d’éviter une surtransposition. Elle permet à des industriels d’utiliser des déchets qui n’en sont pas vraiment puisqu’ils sont utilisés dans d’autres processus de production.
J’ai cherché un exemple concret, et je dois vous avouer que je n’en ai pas encore trouvé… Toutes les travées bruissent pour m’en donner un ! (Léger brouhaha sur diverses travées.)
Mme Sophie Primas. Oui, on va vous trouver un exemple !
M. Roland Lescure, ministre délégué. Il me semble donc utile que vous adoptiez cet amendement de bon sens.
Mme le président. La parole est à Mme Marta de Cidrac, pour explication de vote.
Mme Marta de Cidrac. J’entends ce que vous dites, monsieur le ministre, mais il me semble que les explications de notre rapporteur sont très claires. Mon cher collègue Gremillet, on sait bien qu’il n’existe que deux types de statut : déchet ou sous-produit. Par conséquent, on ne peut pas en créer un troisième, comme cela a été très bien rappelé au sein de notre commission. Nous y sommes très vigilants.
Il faut que nous prenions un minimum de précautions pour nous assurer du respect du droit de l’environnement et de la protection de la santé dans le cadre de l’économie circulaire. Ce souci de précaution doit s’appliquer à un certain nombre de produits qui deviennent des déchets. On ne peut pas ouvrir trop largement la boîte de Pandore, car on ne sait pas si l’on pourra la refermer !
Je vous encourage à suivre l’avis de la commission.
Mme le président. La parole est à M. Olivier Rietmann, pour explication de vote.
M. Olivier Rietmann. Pour ma part, je suivrai votre avis, monsieur le ministre, et je voterai l’amendement de M. Gremillet. J’ai des exemples concrets, et je vais vous en donner un puisque vous en cherchez.
Avec la présidente de la commission des affaires économiques, Sophie Primas, nous avons visité il y a deux mois une entreprise dans le Jura spécialisée dans la fabrication d’emballages agroalimentaires en plastique, en bois et en carton. Dans l’agroalimentaire, légalement, il n’est pas possible d’utiliser du plastique de recyclage : il faut du plastique neuf, pour préserver la santé de nos concitoyens, qu’a évoquée notre collègue Marta de Cidrac.
En revanche, il arrive qu’il y ait des rebuts de plastique neuf utilisé pour fabriquer des emballages, qui finalement ne correspondent pas aux standards. Ces rebuts n’ont pas servi pour l’agroalimentaire, n’ont été en contact avec aucune substance, ne sont pas sortis de l’usine. Et pourtant, l’entreprise n’a pas le droit de les utiliser pour fabriquer des emballages. Considérés comme des déchets, ils doivent être jetés, et sont souvent réutilisés à l’étranger.
Je le redis, je voterai cet amendement, qui est de bon sens. Il faut libérer les énergies, et par là même nos entreprises. J’invite mes collègues à le voter également, car c’est comme cela qu’on avance ! (M. Pierre Louault applaudit.)
Mme le président. La parole est à M. Daniel Gremillet, pour explication de vote.
M. Daniel Gremillet. Merci, monsieur le ministre ! Je le dis, car il faut mesurer l’importance de ce sujet en termes économiques. Je ne suis pas en train d’inventer une troisième voie. Vous venez de reprendre exactement mon propos.
Je citerai un deuxième exemple : celui des pneumatiques. Aujourd’hui, dans notre pays, une entreprise – Michelin pour ne pas la citer, mais il y en a d’autres – est dans l’incapacité de réutiliser des matières utilisées durant le process. Quel gâchis ! (Mme Marta de Cidrac s’exclame.)
Je le dis d’autant plus qu’un objectif de recyclage et de réintégration a été fixé pour 2028. Si l’on ne modifie pas les règles, si cet amendement n’est pas adopté, cet objectif ne pourra pas être tenu.
Je vous invite, mes chers collègues, à voter mon amendement. La navette permettra de sécuriser le dispositif pour répondre aux inquiétudes qui ont été exprimées. J’insiste, nous ne sommes pas en train de créer une troisième voie.
Je suis tout à fait d’accord avec ce qu’a dit Marta de Cidrac, mais il ne faut pas mettre non plus l’économie française en situation d’appauvrissement sur des enjeux aussi importants. Car on donne alors des chances supplémentaires aux autres pays de l’Union européenne d’avoir une compétitivité meilleure que la nôtre.
Derrière cela, il y va, comme je l’ai déjà dit, de l’innovation et de la création d’emplois et de richesses dans nos territoires.
Mme le président. La parole est à Mme Angèle Préville, pour explication de vote.
Mme Angèle Préville. J’interviens pour soutenir l’avis du rapporteur et de notre collègue Marta de Cidrac. Il est normal que les emballages alimentaires soient mis au rebut, car leur qualité n’est pas suffisante pour qu’ils soient réutilisés dans le process de fabrication. (MM. Olivier Rietmann et Laurent Somon lèvent les bras au ciel.) Car il faut avoir le grade alimentaire pour faire ces emballages ; à défaut, ils ne peuvent être utilisés à cette fin. Il faut respecter les processus.
Il existe deux statuts – celui de déchet et celui de sous-produit –, qui sont tout à fait différents. Les entreprises respectent déjà ces deux statuts, qui sont effectifs. Un rebut ou un déchet ne peut pas être réutilisé, car il faut respecter les normes environnementales et sanitaires.
Mme Sophie Primas. Et les pneus ?
Mme le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. Fabien Genet, rapporteur pour avis de la commission de l’aménagement du territoire. Je ne veux pas prolonger les débats, mais le point que nous évoquons est important et je ne voudrais pas laisser accréditer l’idée qu’il y aurait dans cet hémicycle, d’un côté, ceux qui défendraient l’économie et le développement économique et, de l’autre, ceux qui utiliseraient tous les moyens juridiques pour s’y opposer. C’est un procès d’intention qui n’a pas été fait ce soir, et je trouvais intéressant de le rappeler.
Nous sommes tous ici soucieux de faciliter le plus possible la réindustrialisation de notre pays et le développement de l’économie circulaire, comme l’ont dit le ministre et de nombreux collègues.
Une fois cela précisé, un des éléments importants qui nous ont été indiqués par les entrepreneurs au cours des auditions – dont vous relayez ici la voix très légitimement, monsieur Gremillet –, c’est leur volonté de se voir garantir une sécurité juridique. Or les meilleures intentions du monde ne l’assurent pas. Un investisseur veut la garantie qu’il y voie clair sur les règles.
Nous avons beaucoup travaillé au sein de la commission pour comprendre la législation, qui est – je vous l’accorde – un peu complexe, mais pour de bonnes raisons, qui ont été rappelées, de protection de l’environnement et de sécurité sanitaire.
Sans entrer dans des détails trop techniques, il nous semble que, pour répondre aux différentes problématiques que vous avez exposées, il y a tout ce qu’il faut dans les textes, au regard de la lecture que nous en faisons. Les deux catégories existantes sont précisément définies : les déchets et les produits et sous-produits. Des procédures de sortie du statut de déchet sont prévues. Certes, elles sont réglementées, et je peux comprendre que certains ici veuillent faire « sauter » toute la législation…
M. Olivier Rietmann. La faire évoluer !
M. Fabien Genet, rapporteur pour avis. … pour ne plus avoir à respecter ces règles.
Sur votre remarque, monsieur le ministre, relative au mot « similaire », cet adjectif figure dans la définition de la sortie implicite du statut de déchet, et pas dans la différenciation entre les déchets et les sous-produits. Tout cela est très complexe. Après une vérification très attentive de plusieurs heures, je confirme la lecture qui est celle de la commission : nous pensons que la création d’une troisième catégorie ne rendrait service à personne, car elle serait frappée d’insécurité juridique au regard de la directive-cadre européenne.
C’est pourquoi je maintiens notre avis défavorable.
Mme le président. La parole est à M. Fabien Gay, pour explication de vote.
M. Fabien Gay. Nous allons voter l’amendement de Daniel Gremillet.
Personne ne pourra me taxer de vouloir alléger toutes les règles sociales et environnementales de notre pays ! (MM. Michel Canévet et Olivier Rietmann, ainsi que M. le rapporteur pour avis, le confirment.) Au moment où il faut réutiliser, réemployer, recycler, cet amendement me paraît être de bon sens – une expression que je n’aime pas trop. D’autant que, comme l’a évoqué notre collègue Gremillet, il pourra être revu lors de la navette parlementaire.
J’entends les interrogations sur les produits alimentaires, mais il précise qu’il faut s’assurer de l’absence de conséquences sociales et sanitaires. On peut estimer entre nous qu’il faut exclure ce domaine du dispositif. Mais, pour reprendre un exemple qui a été cité, jeter au rebut des tonnes et des tonnes de pneus qui doivent être mis de côté me semble complètement farfelu.
Comme je le dis toujours, si les règles ne sont pas bonnes, nous sommes là pour les changer. (M. Olivier Rietmann acquiesce.) Sinon, ce n’est pas la peine que le Parlement se réunisse pour débattre des lois. Si on le fait, c’est bien parce qu’il y a des questions à régler. Nous voterons donc, je le redis, cet amendement. Nous espérons pouvoir travailler sur le sujet. S’il faut alléger quelques points, notamment pour des processus industriels, allons-y, car nous sommes là pour ça !
Mme le président. La parole est à M. Daniel Salmon, pour explication de vote.
M. Daniel Salmon. Le débat est intéressant parce que la question est complexe. On voit bien ici tout ce qui se joue autour du mot « similaire », qui ne veut pas dire « identique ».
Je reviendrai simplement sur l’exemple du plastique qui a été cité. Le plastique suit souvent un processus pour être thermoformé. On le sait, chaque fois que l’on travaille sur un plastique, on le fait évoluer. Le déchet, c’est-à-dire ce qui est autour du plastique que l’on a thermoformé, n’aura plus les mêmes caractéristiques que le produit originel. C’est pour cela que l’on ne peut pas le réutiliser de la même manière. Ce que je dis pour le plastique ne vaut peut-être pas pour d’autres exemples.
Mais le terme « similaire » induit, selon moi, un certain nombre de problématiques. C’est la raison pour laquelle je me rangerai à l’avis du rapporteur. Il existe déjà des procédures pour sortir du statut de déchet ; sans doute faudra-t-il les renforcer ou les examiner de manière plus attentive. On est là dans un entre-deux qui, à mon sens, pose problème.
Mme le président. La parole est à Mme Vanina Paoli-Gagin, pour explication de vote.
Mme Vanina Paoli-Gagin. Nous voterons cet amendement. Il fut un temps où l’on appelait tout simplement cela des chutes. (M. Olivier Rietmann le confirme. – Mme Marta de Cidrac proteste.) C’était avant de parler de résidus, de rebuts, de déchets, similaires ou non… Dès lors que l’amendement prévoit des garde-fous, comme l’a dit mon collègue Gremillet, il me semble relever d’une louable intention.
Monsieur le ministre, pour vous donner un autre exemple, souvenez-vous que, lorsque nous avons visité Petit Bateau, nous avons vu ces résidus de tissu, puisqu’il reste toujours des petits morceaux qui sortent des métiers à tisser.
Faisons preuve de bon sens, tout en prévoyant des garde-fous, et nous devrions ainsi progresser.
Mme le président. La parole est à M. Didier Mandelli, pour explication de vote.
M. Didier Mandelli. Je voudrais apporter un soutien total à notre rapporteur qui, comme tout rapporteur qui se respecte, a mené de nombreuses auditions et analysé avec les services tous les éléments, notamment cet amendement, qui a été rejeté par la commission.
Je peux comprendre le fond de l’amendement de notre collègue, qui est toujours très pertinent. Cela dit, il porte en germe un certain risque de dérives. Qu’est-ce qu’une chute ? Quels volumes peuvent être pris en compte ? Importe-t-on des chutes, et d’où viennent-elles ? On peut faire le lien avec l’amendement suivant.
Je serais tenté de dire : votons cet amendement, mes chers collègues ! M. le ministre en prendra la responsabilité, puisqu’il s’agit d’un projet de loi présenté par le Gouvernement. Si demain il s’avère, en lien avec le ministère de la transition écologique, que cet amendement n’est pas acceptable en l’état, le ministre pourra le remettre en question.
Pour ma part, je considère que le rapporteur a correctement fait son travail : s’il nous propose cet avis, c’est qu’il doit être suivi, comme c’est souvent le cas, par le plus grand nombre, à tout le moins par les membres de la commission.
Mme le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Roland Lescure, ministre délégué. Je veux être clair. Cette disposition n’était pas dans le texte initial : c’est un ajout proposé par le sénateur Gremillet que nous avons étudié en détail et qui nous agrée, car il nous semble élargir et simplifier l’utilisation de matières premières « recyclées » tout en assurant la sécurité, à la fois, des producteurs et des utilisateurs.
Les arguments en faveur et en défaveur de cet amendement ayant été bien exposés par les uns et les autres, je voudrais simplement répondre sur le risque d’insécurité juridique mentionné par le rapporteur. Les industriels peuvent toujours, s’ils sont inquiets, faire appel à l’administration pour demander une sortie explicite du statut de déchet.
Certains d’entre vous, notamment Mme Préville, s’interrogent sur le fait que l’adoption de cet amendement pourrait amplifier les risques sanitaires : tel qu’il est rédigé, celui-ci mentionne explicitement que « l’exploitant de l’installation de production s’assure du respect des conditions mentionnées aux points a) à d) du I de l’article 6 de la directive 2098/98/CE ». En bon français, cela signifie que l’exploitant doit s’assurer que toutes les dispositions de la directive, qui sont non seulement sanitaires, mais, comme cela a été mentionné, également environnementales, s’appliquent aux sous-produits utilisés.
Je veux donc être rassurant sur les risques d’insécurité tant juridique que sanitaire. Je le redis, les arguments pour et contre cet amendement ont été exposés. Nous serons très heureux de continuer à travailler ce dossier dans le cadre de la navette. Le Gouvernement reste favorable à cet amendement.
Mme le président. Je suis saisie de deux amendements identiques.
L’amendement n° 72 rectifié est présenté par M. Chevrollier, Mme Belrhiti, MM. Belin, E. Blanc, Brisson, Burgoa et Charon, Mmes Demas et Di Folco, M. B. Fournier, Mmes Garriaud-Maylam, F. Gerbaud, Gosselin et Imbert, M. Laménie, Mme Lassarade, MM. Mandelli, de Nicolaÿ, Piednoir, Pointereau, Sol et Tabarot, Mme Ventalon et MM. C. Vial et J.P. Vogel.
L’amendement n° 228 rectifié ter est présenté par MM. Longeot, Moga, Levi, S. Demilly et Détraigne, Mme Vermeillet, M. Bacci, Mmes Létard, Dindar et Canayer, MM. Capo-Canellas, Poadja, Le Nay, Cigolotti et Kern, Mme Muller-Bronn, M. L. Hervé, Mme Billon, MM. Duffourg, J.M. Arnaud et Folliot, Mme Férat, M. P. Martin et Mme Perrot.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Après l’alinéa 14
Insérer deux alinéas ainsi rédigés :
…) Après le a du 3° du I de l’article L. 541-7, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« a …) Les déchets non dangereux ; » ;
La parole est à M. Louis-Jean de Nicolaÿ, pour présenter l’amendement n° 72 rectifié.
M. Louis-Jean de Nicolaÿ. Cet amendement a pour objectif de renforcer la traçabilité des déchets non dangereux en l’alignant sur celle qui s’applique déjà aux déchets dangereux via la mise en place de Trackdéchets. Le renforcement de la transparence des données de gestion des déchets non dangereux permet à la fois d’améliorer la lutte contre les exports illégaux de déchets et de répondre aux objectifs nationaux de développement de l’économie circulaire.
Mme le président. La parole est à M. Jean-François Longeot, pour présenter l’amendement n° 228 rectifié ter.
M. Jean-François Longeot. Cet amendement a été remarquablement défendu par notre collègue Louis-Jean de Nicolaÿ.
Mme le président. Quel est l’avis de la commission de l’aménagement du territoire ?
M. Fabien Genet, rapporteur pour avis. Je partage totalement les objectifs des auteurs de ces amendements identiques nos 72 rectifié et 228 rectifié ter : améliorer la lutte contre les exports illégaux de déchets et répondre aux objectifs nationaux de développement de l’économie circulaire. Le dispositif proposé, qui consiste à renforcer la traçabilité des déchets non dangereux, me semble répondre à ces objectifs.
Je m’interroge toutefois sur la proportionnalité de cette proposition et sur son applicabilité. L’administration sera-t-elle en mesure de récolter l’ensemble de ces informations et de les traiter ? La charge sur les gestionnaires de déchets n’est-elle pas disproportionnée par rapport aux avantages induits ?
Par mesure de sagesse, mes chers collègues, je demanderai donc l’avis du Gouvernement.
Mme le président. Quel est donc l’avis du Gouvernement ?
M. Roland Lescure, ministre délégué. J’entends l’objectif. Le registre national des déchets, terres excavées et sédiments, le fameux Trackdéchets, a moins d’un an de fonctionnement. Pour vous répondre, monsieur le rapporteur, la réponse est non à court terme. Nous souhaitons plutôt continuer à développer cet outil pour les déchets dangereux auxquels il s’applique, avant de l’étendre éventuellement à l’ensemble des déchets non dangereux, ce qui pourra être fait ultérieurement.
Je souhaite que les amendements soient retirés, afin de laisser le temps à ce nouvel outil de montrer toute son efficacité sur les déchets dangereux – c’est tout de même l’essentiel – avant de l’étendre peut-être plus tard aux déchets non dangereux. À défaut de retrait, l’avis sera défavorable.
Mme le président. Quel est finalement l’avis de la commission de l’aménagement du territoire ?
M. Fabien Genet, rapporteur pour avis. Je me fierai à la sagesse du Sénat !
M. Jean-François Longeot. Je retire l’amendement n° 228 rectifié ter !
M. Louis-Jean de Nicolaÿ. Je retire également le mien.
Mme le président. Les amendements nos 72 rectifié et 228 rectifié ter sont retirés.
L’amendement n° 86 rectifié bis, présenté par Mme Préville, M. Montaugé, Mme Briquet, MM. Marie et J. Bigot, Mme Bonnefoy, M. Devinaz, Mme M. Filleul, MM. Gillé, Houllegatte et Jacquin, Mmes Artigalas et Blatrix Contat, MM. Lurel et Mérillou, Mme Monier, MM. Redon-Sarrazy, Stanzione, Kanner et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 14
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
…) Après l’article L. 541-41, il est inséré un article L. 541-41-… ainsi rédigé :
« Art. L. 541-41-…. – L’exportation de produits textiles d’habillement contenant des fibres plastiques devenant des déchets dans le pays destinataire est assimilée au transfert illicite de déchets. »
La parole est à Mme Angèle Préville.
Mme Angèle Préville. J’évoquerai un phénomène dont tout le monde a connaissance. Nous surconsommons toujours plus de textiles jetables, qui viennent notamment d’Asie ; en quinze ans, la consommation textile de la France a doublé.
Ces textiles qui sont très peu portés sont ensuite déposés dans des bennes à vêtements, avant d’être exportés en Afrique,…
M. André Reichardt. En Asie, aussi !
Mme Angèle Préville. … où ils deviennent, dès leur arrivée, bien évidemment des déchets, puisque, en tant que vêtements jetables, ils ne sont plus portables.
L’amendement que je propose vise donc à ce que « l’exportation de produits textiles d’habillement contenant des fibres plastiques devenant des déchets » dès leur arrivée « dans le pays destinataire soit assimilée au transfert illicite de déchets ». L’objectif est de mettre fin à une profonde hypocrisie qui consiste, sous couvert de leur donner une seconde vie, à se débarrasser de nos déchets textiles en les destinant à des populations défavorisées.
Je rappelle que la convention de Bâle interdit l’exportation de déchets dans des pays ne disposant pas de capacités de retraitement adaptées. Or on constate dans certains pays d’Afrique la présence de vêtements qui s’accumulent par monceaux sur les plages et au bord des rivières. Peut-être la vue n’est-elle pas agréable, mais si le problème n’était que cela : le pire est encore à venir. Ces vêtements, sous l’action du soleil, de la pluie et du vent se désagrégeront nécessairement en microfibres textiles, lesquelles polluent déjà et pollueront longtemps parce qu’un plastique – je le rappelle – ne se décompose pas dans la nature, mais y reste pendant des centaines d’années.
Par conséquent, cet amendement tend à endiguer ce fléau en empêchant l’exportation de vêtements qui deviendront des déchets.
Mme le président. Quel est l’avis de la commission de l’aménagement du territoire ?
M. Fabien Genet, rapporteur pour avis. Le règlement européen du 14 juin 2006 concernant les transferts de déchets, fondé sur les principes de la convention de Bâle, vise à renforcer la maîtrise de cette pratique afin de s’assurer qu’un déchet faisant l’objet d’un transfert soit traité dans des conditions qui garantissent le contrôle des conséquences sur l’environnement.
Il tend à encadrer différents cas de transfert, d’exportation et d’importation, et d’établissement des procédures et des régimes de contrôle en fonction de l’origine et de la destination du type de déchet transféré et du type de traitement réalisé.
L’amendement proposé relève donc d’un champ de compétence de l’Union européenne. C’est pourquoi je me vois contraint de donner un avis défavorable.
Mme le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Roland Lescure, ministre délégué. L’objectif est louable, mais, tel qu’il est rédigé, l’amendement n’est pas opérant. Je lui préfère nettement l’amende pour exportation de déchets si je puis dire réellement illicites que la commission a renforcée en rehaussant son plafond à cinq fois le coût de traitement des déchets, si j’ai bien compris. Cette amende, extrêmement importante, reste sans doute la meilleure manière d’éviter ce genre d’exportations. En effet, nous n’avons pas les moyens à l’heure actuelle d’aller vérifier dans les pays de destination de ces produits que ceux qui y auraient été envoyés à des fins de recyclage seraient devenus des déchets. Il faut vraiment engager la responsabilité des producteurs en question au moyen d’amendes.
Nous demandons par conséquent le retrait ; à défaut, l’avis sera défavorable.
Mme le président. La parole est à Mme Angèle Préville, pour explication de vote.
Mme Angèle Préville. J’interviens pour rappeler, tout de même, que, lorsque ces vêtements quittent notre pays, ils ne sont justement pas des détritus, ce qu’ils deviennent à l’arrivée. C’est bien pourquoi notre amendement vise à préciser que leur exportation doit être assimilée à du transfert illicite de déchets.
Certes, il s’agit d’un amendement d’appel, mais nous ne pouvons pas fermer les yeux sur la responsabilité qui est la nôtre. Tout de même, tout le monde a vu ce qu’il en est dans différents documentaires ! La réponse que vous m’avez donnée a trait à ce qui relève déjà du déchet, mais ces vêtements n’en sont pas quand ils quittent notre territoire. On ne peut pas ignorer ce qui est en train de se passer, pour notre plus grande honte. Le sujet est en train de prendre de l’ampleur et il nous reviendra à la figure très certainement… Il nous faut donc prendre les devants.
Certes, on ne pourra sans doute pas vérifier ce qu’ils deviennent dans les pays destinataires, mais, au moins, assimilons le transport de ces vêtements à du transfert illicite de déchets. Cela permet au moins de poser les termes du débat.
Je n’ai pas trouvé d’autre manière de rédiger ma proposition.
Mme le président. La parole est à M. Pierre Louault, pour explication de vote.
M. Pierre Louault. Sur le fond, Mme Préville a vraiment raison : ces vêtements, quand ils partent de France ou d’Europe, ne sont pas considérés comme des déchets ; ils le deviennent, pour 90 % d’entre eux, quand ils parviennent dans leur pays de destination, car ils sont alors inutilisables.
Mme Angèle Préville. Exactement !
M. Pierre Louault. Pour les récupérateurs, c’est un moyen de s’en débarrasser à moindre coût. C’est là un véritable problème. Dans ces pays d’Afrique, on voit s’amonceler, dans des dépôts sauvages, tous ces vêtements envoyés en tant qu’habits, mais qui, en réalité, sont des déchets.
Mme le président. La parole est à M. Fabien Gay, pour explication de vote.
M. Fabien Gay. Cet amendement est extrêmement intéressant parce qu’il tend à interroger la manière dont nous consommons et achetons. De plus en plus d’enseignes proposent des vêtements très peu chers ; comme les salaires sont bas, les gens s’y rendent. Il s’agit parfois d’articles qu’on utilise deux ou trois fois avant de les jeter. D’ailleurs, il peut parfois y avoir une trentaine de collections par an quand nous n’en connaissions que deux à quatre dans notre enfance.
Au-delà de cette question, l’enjeu est celui des vêtements qui partent en étant considérés comme tels, mais qui, en arrivant, deviennent des déchets. Le problème ne concerne pas seulement les vêtements : si l’on est lucide, il en est de même des batteries de véhicules.
Sur l’ensemble des vêtements déposés dans les 40 000 points de collecte, un quart seulement sont destinés à être réutilisés. Quant au reste, on ne sait plus quoi en faire ! C’est un vrai problème.
Pour ma part, je ne suis pas favorable à la fixation d’objectifs à un horizon de trente ans. Dès lors, peut-on envisager, à partir de 2030, de recycler, de réemployer ou de traiter ces déchets nous-mêmes, en mettant en place des filières, dans une optique de souveraineté ?
À ce jour – et tant mieux pour lui –, envoyer des déchets en Afrique ne coûte pas cher au capital. Quand bien même nous voudrions corriger le problème, nous n’aurions pas la filière industrielle pour le faire.
Monsieur le ministre, peut-on réfléchir ensemble à construire une proposition ou un projet de loi pour mettre en place une filière industrielle dédiée ?
Mme Marie-Claude Varaillas. Très bien !
Mme le président. La parole est à M. André Reichardt, pour explication de vote.
M. André Reichardt. Madame Préville, votre préoccupation est tout à fait légitime : nous avons tous vu le problème à la télévision ; aussi, je ne reviens pas sur le sujet. Pourtant, votre amendement me paraît n’être pas opérant.
« L’exportation de produits textiles d’habillement contenant des fibres plastiques devenant des déchets dans le pays destinataire est assimilée au transfert illicite de déchets » : votre formulation signifie que l’on sait à leur départ que les produits textiles d’habillement en question deviendront des déchets. Or les lots qui partent n’en deviennent pas obligatoirement. En effet, comme on le sait, il y a des récupérateurs sur place qui font commerce de ces produits textiles d’habillement parce qu’ils sont encore vendables. Une grande majorité des articles deviennent véritablement des déchets, mais, au départ, on ne sait pas lesquels sont concernés ou non dans ce lot.
Je le répète : la rédaction de votre amendement n’est pas opérante, même si votre préoccupation est vraiment légitime. Il serait sans doute possible de l’améliorer au cours de la navette, de façon à prendre en compte vos préoccupations.
Même si je ne peux pas voter cet amendement en l’état, j’espère m’être bien fait comprendre, madame Préville : mes remarques relèvent d’une question de forme plutôt que de fond.
Mme le président. La parole est à M. Daniel Salmon, pour explication de vote.
M. Daniel Salmon. Je remercie également notre collègue Angèle Préville d’avoir ouvert ce débat. Nous avons tous en tête ces images de montagnes d’habits, le plus souvent en Afrique. Ces amoncellements sont en lien direct avec notre mode de consommation : l’ultra fast fashion fait que les vêtements ont une durée de vie de plus en plus courte. On estime ainsi que chaque Français achète quarante-deux pièces de textile tous les ans, des textiles le plus souvent en matière synthétique, avec une pollution généralisée à la clef.
Il existe certainement une responsabilité élargie du producteur, mais il doit y en avoir également une de l’importateur. Nous faisons face à un vide juridique. Il faudra trouver le moyen de le combler parce qu’on ne peut plus tolérer ces exportations de vêtements.
J’entends bien que, a priori, cet amendement n’est pas parfaitement rédigé. Toutefois, je le voterai, en espérant qu’il sera adopté, tout simplement pour que cette question chemine dans la navette et que, au bout du compte, nous parvenions à arrêter une législation qui mette un terme à cette exportation vraiment indigne.
Mme le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Roland Lescure, ministre délégué. Comme Mme la sénatrice l’évoquait, nous avons tous en tête les images de ces montagnes de déchets textiles qui, en fait, ne sont même pas des détritus : il s’agit seulement de tee-shirts et de pantalons de survêtement qui par milliers jonchent les plages du Ghana.
Monsieur le sénateur Gay, vous avez été gentil en parlant des collections à répétition que nous connaissons tous : vous en avez compté six ou sept par an.
M. Fabien Gay. Plus !
M. Roland Lescure, ministre délégué. À l’heure actuelle, une marque propose même une collection nouvelle tous les jours ! Nous marchons vraiment sur la tête… Nous devons prendre collectivement nos responsabilités pour réguler ces pratiques. C’est en partie ce que nous essayons de faire au travers de ce projet de loi.
D’abord, il est essentiel que nous simplifiions la réutilisation des déchets ici, chez nous, de manière à pouvoir non seulement les y garder, mais aussi les recycler et les réemployer.
Vous connaissez tous les bornes de recyclage que nous avons dans les rues, dans lesquelles nous mettons nos tee-shirts et nos vêtements qu’on ne souhaite plus utiliser. La filière derrière ces bornes – Le Relais, pour ne pas la citer – a dû faire face à une année de procédure pour pouvoir recycler des tee-shirts en chiffons et leur faire ainsi quitter le statut de déchet ; je donnais cet exemple tout à l’heure. Face à ce réel problème, il nous faut simplifier. (M. Daniel Salmon s’exclame.)
Ensuite, nous devons accompagner le développement des filières en leur donnant du volume et en nous assurant que les industriels qui doivent limiter leur empreinte carbone s’engagent à utiliser davantage de produits recyclés et réemployés. Ce projet de loi le permet également.
Enfin, il faut sanctionner ce qui est illicite ; nous nous retrouvons sur ce point. Le Sénat, au travers d’un amendement adopté par la commission – et l’article, tel qu’il sera voté tout à l’heure, conservera sans doute cet ajout –, propose d’accroître les sanctions à l’encontre des producteurs industriels français qui, dans leur déclaration de douane, assurent que les tee-shirts qu’ils expédient sont destinés à être recyclés ou vendus, mais mentent sur ce statut ultime, ceux-ci finissant incinérés ou abandonnés sur les plages comme déchets.
Dès lors, en aggravant de manière extrêmement forte la sanction, puisque l’amende administrative pourrait atteindre cinq fois le coût du traitement du déchet en France,…
Mme Angèle Préville. À ce stade, ce n’est pas un déchet !
M. Roland Lescure, ministre délégué. … vous allez créer une incitation forte à ne pas mentir.
Avec votre amendement, madame la sénatrice, vous inversez la charge de la preuve en considérant, en somme, que tout tee-shirt contenant un peu de plastique et qui partirait à l’étranger serait un déchet illicite. Pourtant, du recyclage se pratique actuellement hors de nos frontières. Je pense que vous allez trop loin. Vous risquez même d’obérer un peu les filières de recyclage à l’étranger.
Pour ma part, je suis prêt, monsieur le sénateur Gay, à travailler sur le sujet de la fast fashion. Il est extrêmement important. Mme Paoli-Gagin parlait tout à l’heure de l’entreprise Petit Bateau, qui réintroduit actuellement une partie de sa production dans l’Hexagone, qui recycle, qui réemploie et qui réinvente de nouveaux modèles de textiles made in France. Réfléchissons à la manière de mieux encadrer la fast fashion parce qu’elle va vraiment trop vite.
Cet amendement allant trop loin à mes yeux, je vous invite de nouveau à le retirer. Nous sommes prêts à travailler avec vous sur la suite à donner, mais je pense que beaucoup de choses sont faites au travers de ce projet de loi. J’espère qu’il représentera un pas dans la bonne direction.
Mme le président. Je mets aux voix l’amendement n° 86 rectifié bis.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Mme le président. Je suis saisie de trois amendements identiques.
L’amendement n° 82 rectifié bis est présenté par Mme Préville, M. Montaugé, Mme Briquet, MM. Marie et J. Bigot, Mme Bonnefoy, M. Devinaz, Mme M. Filleul, MM. Gillé, Houllegatte et Jacquin, Mmes Artigalas et Blatrix Contat, MM. Lurel et Mérillou, Mme Monier, MM. Redon-Sarrazy, Stanzione, Kanner et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.
L’amendement n° 193 est présenté par MM. Fernique, Salmon, Breuiller, Benarroche, Dantec, Dossus, Gontard et Labbé, Mme de Marco, M. Parigi et Mmes Poncet Monge et M. Vogel.
L’amendement n° 249 est présenté par Mme Varaillas, MM. Gay, Lahellec et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
Ces trois amendements sont ainsi libellés :
Alinéa 29
Supprimer cet alinéa.
La parole est à Mme Angèle Préville, pour présenter l’amendement n° 82 rectifié bis.
Mme Angèle Préville. L’alinéa 29 de l’article 4 a pour objet que le ministre chargé de l’environnement dispose d’un délai de trois ans après le constat d’un transfert illicite de déchets pour pouvoir infliger une amende.
Initialement, ce délai était d’un an, délai porté à trois ans par la commission à la suite de l’adoption d’un amendement de mon groupe, ce dont mes collègues et moi-même nous félicitons.
Toutefois, dans l’absolu, nous restons très dubitatifs sur le principe même. Si un transfert illicite est constaté, une amende doit être appliquée, quel que soit le délai avec lequel le ministère est en mesure de l’infliger.
C’est pourquoi nous proposons de supprimer l’alinéa 29. Si cet amendement venait à être rejeté, pourriez-vous nous indiquer, monsieur le ministre, ce qui se passerait à l’avenir si le ministre concerné n’était pas en mesure d’appliquer une sanction dans les trois ans ? Les responsables du transfert illicite s’en sortiraient-ils sans être inquiétés ?
Mme le président. La parole est à M. Jacques Fernique, pour présenter l’amendement n° 193.
M. Jacques Fernique. Il a été bien défendu. J’ajouterai que, les procédures en matière de transferts transfrontaliers de déchets pouvant parfois nécessiter de longs travaux d’investigation, qui plus est avec des autorités étrangères, il paraît nécessaire de ne pas limiter le délai de prescription et d’appliquer, le cas échéant, le délai de prescription légale par défaut.
Mme le président. La parole est à Mme Marie-Claude Varaillas, pour présenter l’amendement n° 249.
Mme Marie-Claude Varaillas. Cet article 4 est tout à fait louable du fait des intentions ayant présidé à sa rédaction puisqu’il devrait inciter davantage les industriels à utiliser comme matière première ce qui était hier encore considéré comme déchet.
Cette disposition est par ailleurs déjà intégrée par les industriels, qui valorisent ainsi leurs préoccupations environnementales et réalisent des économies.
Le réemploi peut certes être coûteux lors de sa mise en place, mais, une fois qu’il est ancré dans les habitudes, il devient particulièrement vertueux en matière de réduction des coûts et, bien entendu, de lutte contre le gaspillage de nos ressources, qui se raréfient et qui – je le crains – continueront à se raréfier.
Toutefois, les dérogations précises prévues à cet article doivent être bien encadrées pour ne pas ouvrir la porte à diverses fraudes de la part d’entreprises cherchant à ne plus payer de taxes pour le traitement de leurs déchets sans pour autant réemployer ces derniers en tant que matière première. C’est ce qui est prévu.
Aussi, nous ne comprenons pas pourquoi l’État n’aurait que trois ans pour sanctionner un contrevenant. Une fois les constatations réalisées, les investigations, la matérialisation des preuves et la recherche de responsables pourraient être plus longues. Il n’est pas souhaitable que les délais soient un motif pour empêcher la justice de prononcer la réparation du tort éventuellement causé. C’est pourquoi nous proposons également la suppression de cet alinéa.
Mme le président. Quel est l’avis de la commission de l’aménagement du territoire ?
M. Fabien Genet, rapporteur pour avis. Je rappelle que notre commission a augmenté le délai dont dispose le ministère de l’environnement pour infliger une amende après le constat d’un transfert illicite de détritus, en le faisant passer de un à trois ans. Nous avons en effet considéré que, en matière de transferts transfrontaliers de déchets, les procédures peuvent parfois nécessiter de longs travaux d’investigation, qui plus est avec des autorités étrangères.
La suppression de toute forme de délai, comme le proposent les auteurs de ces amendements, semble toutefois excessive. Il est en effet habituel de définir une échéance au-delà de laquelle il n’est plus possible de poursuivre une personne. C’est pourquoi je donnerai un avis défavorable sur les amendements identiques nos 82 rectifié bis, 193 et 249.
Mme le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Roland Lescure, ministre délégué. Nous avons besoin d’une prescription. Le Gouvernement proposait un an dans son texte initial ; c’était peut-être insuffisant, mais la commission a triplé la durée, la faisant passer à trois ans. À mon sens, cela suffit. C’est un principe général du droit : on ne peut pas poursuivre indéfiniment quelqu’un pour un méfait commis des décennies auparavant, possibilité qui serait laissée ouverte au travers de ces amendements. Je demande donc leur retrait ; à défaut l’avis sera défavorable.
Mme Angèle Préville. Je retire mon amendement, madame la présidente !
M. Jacques Fernique. Moi aussi, madame la présidente !
Mme Marie-Claude Varaillas. J’en fais de même, madame la présidente !
Mme le président. Les amendements identiques n° 82 rectifié bis, 193 et 249 sont retirés.
L’amendement n° 84 rectifié bis, présenté par Mme Préville, M. Montaugé, Mme Briquet, MM. Marie et J. Bigot, Mme Bonnefoy, M. Devinaz, Mme M. Filleul, MM. Gillé, Houllegatte et Jacquin, Mmes Artigalas et Blatrix Contat, MM. Lurel et Mérillou, Mme Monier, MM. Redon-Sarrazy, Stanzione, Kanner et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Alinéa 30
Remplacer le mot :
plus
par le mot :
moins
La parole est à Mme Angèle Préville.
Mme Angèle Préville. Par cet amendement, nous proposons que le montant maximal de l’amende qui pourrait être infligée soit égal non pas à « au plus », mais à « au moins » cinq fois le coût de traitement des déchets concernés par le transfert illicite.
Il s’agit donc non plus d’appliquer un plafond au montant des amendes, mais de fixer un plancher afin que la sanction ainsi infligée reste un minimum dissuasive.
Mme le président. Quel est l’avis de la commission de l’aménagement du territoire ?
M. Fabien Genet, rapporteur pour avis. C’est un avis défavorable sur cet amendement qui vise l’instauration d’une amende plancher. Je constate que certains se rallient aux peines plancher… (Sourires sur les travées du groupe CRCE.) Cela pose d’évidents problèmes de proportionnalité et de légalité de la peine encourue.
Mme le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Roland Lescure, ministre délégué. Même avis. Après l’imprescriptibilité, les peines plancher ! (Sourires.) Je pense que nous irions trop loin avec cet amendement, même si, évidemment, nous souhaitons éliminer les déchets illicites. Je vous rappelle que la commission a multiplié par cinq le montant des amendes, ce qui me semble fort, mais proportionné, et donc juste et suffisant.
Mme le président. Je mets aux voix l’amendement n° 84 rectifié bis.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Mme le président. L’amendement n° 83 rectifié bis, présenté par Mme Préville, M. Montaugé, Mme Briquet, MM. Marie et J. Bigot, Mme Bonnefoy, M. Devinaz, Mme M. Filleul, MM. Gillé, Houllegatte et Jacquin, Mmes Artigalas et Blatrix Contat, MM. Lurel et Mérillou, Mme Monier, MM. Redon-Sarrazy, Stanzione, Kanner et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Alinéa 30
Remplacer le mot :
cinq
par le mot :
dix
La parole est à Mme Angèle Préville.
Mme Angèle Préville. L’alinéa 30 vise à plafonner le montant maximal de l’amende pouvant être infligée en cas de constat d’un transfert illicite de déchets, à hauteur de « cinq fois le coût de traitement des déchets concernés ». Bien évidemment, je me félicite du fait que la commission ait adopté l’amendement que j’avais proposé.
Toutefois, comme il est précisé dans l’étude d’impact du projet de loi, « l’origine des trafics illicites reste l’appât du gain, soit par les économies sur le coût du traitement qu’il peut générer, soit par les bénéfices qui peuvent être issus du déchet lui-même ».
En conséquence, et considérant que les opérateurs économiques procédant à de telles pratiques disposent parfois de moyens financiers importants, le dispositif retenu dans la loi doit être particulièrement dissuasif.
Ainsi, le présent amendement tend à porter à dix fois le coût du traitement des déchets concernés le montant maximal de l’amende pouvant être infligée. Nous parlons bien ici d’un montant maximal : rien n’obligera à ce que ce soit systématique.
Mme le président. Quel est l’avis de la commission de l’aménagement du territoire ?
M. Fabien Genet, rapporteur pour avis. Nous en restons à notre proposition de faire passer l’amende de trois à cinq fois le coût du traitement, dix fois semblant un peu excessif. L’avis est défavorable.
Mme le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Roland Lescure, ministre délégué. Je rappelle que le montant de l’amende a, en effet, été relevé par la commission à cinq fois le coût du traitement du déchet en France. Par conséquent, une entreprise qui envisagerait de se défaire à bas coût de ses déchets en les envoyant ailleurs s’exposerait à une telle sanction. Cela me semble suffisamment dissuasif ; aussi, je demande le retrait de l’amendement.
Mme Angèle Préville. Je le retire, madame la présidente.
Mme le président. L’amendement n° 83 rectifié bis est retiré.
Je mets aux voix l’article 4, modifié.
(L’article 4 est adopté.)
Après l’article 4
Mme le président. L’amendement n° 49 rectifié, présenté par Mme Paoli-Gagin et M. Malhuret, est ainsi libellé :
Après l’article 4
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
À la première phrase du II de l’article L. 541-9 du code de l’environnement, les mots : « peut être » sont remplacés par le mot : « est ».
La parole est à Mme Vanina Paoli-Gagin.
Mme Vanina Paoli-Gagin. Cet amendement tend à réintroduire de la circularité, laquelle est l’alliée de la sobriété et de la décarbonation des processus de fabrication. Il vise à instaurer des objectifs d’incorporation des matières recyclées dans la fabrication de certains produits et matériaux. Les taux restent définis par un décret permettant de mettre en œuvre une véritable politique publique d’incorporation des matières premières recyclées.
Selon l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (Ademe) et la Fédération professionnelle des entreprises du recyclage (Federec), l’incorporation de matières recyclées dans les chaînes de valeur de l’industrie peut réduire les émissions de CO2 de 58 % pour l’acier et de 92 % pour l’aluminium par rapport aux matières premières extraites. Il s’agit donc d’un levier majeur pour accélérer la décarbonation de l’industrie en France et notamment des filières qui sont les plus émettrices de gaz à effet de serre.
Mme le président. Quel est l’avis de la commission de l’aménagement du territoire ?
M. Fabien Genet, rapporteur pour avis. Le droit actuel, issu de la loi Agec, est satisfaisant à notre sens. Le pouvoir réglementaire dispose de la faculté d’imposer l’intégration de matières recyclées dans certains produits et matériaux. Ces obligations d’incorporation de matières recyclées pourraient au demeurant être renforcées au niveau européen. C’est pourquoi nous donnons un avis défavorable.
Mme le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Roland Lescure, ministre délégué. Cet objectif politique est très largement partagé. D’ailleurs, votre proposition est déjà mise en œuvre de manière ponctuelle, mais il faut manier les objectifs d’incorporation des matières recyclées la main tremblante. Vous savez que, dans le calcul du bonus automobile, nous souhaitons intégrer des critères d’incorporation de matériaux recyclés ; cela fera l’objet sans doute de discussions dans le cadre du projet de loi de finances.
En inscrivant dans la loi ces objectifs d’incorporation, le risque est de systématiser des critères pour lesquels nous ne sommes pas suffisamment assurés de notre capacité à les respecter, ce qui représenterait une menace pour certaines entreprises : l’incorporation est actuellement pratiquée, mais elle est l’exception. Avant qu’elle ne devienne la règle, développons le recyclage, développons les filières à responsabilité élargie du producteur (REP) et voyons ensuite si nous pouvons systématiser l’incorporation dans le cadre d’une loi.
À ce stade, les objectifs sont fixés de manière réglementaire et exceptionnelle, presque expérimentale, si je puis dire. Cette manière de faire me semble pour l’instant la meilleure. Je demande donc le retrait de l’amendement.
Mme Vanina Paoli-Gagin. Je le retire, madame la présidente.
Mme le président. L’amendement n° 49 rectifié est retiré.
L’amendement n° 87 rectifié bis, présenté par Mmes Bonnefoy et Préville, M. Montaugé, Mme Briquet, MM. Marie, J. Bigot et Devinaz, Mme M. Filleul, MM. Gillé, Houllegatte et Jacquin, Mmes Artigalas et Blatrix Contat, MM. Lurel et Mérillou, Mme Monier, MM. Redon-Sarrazy, Stanzione, Kanner et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Après l’article 4
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après le troisième alinéa de l’article L. 541-15- 8 du code de l’environnement, sont insérés deux alinéas ainsi rédigés :
« Les produits textiles d’habillement, les chaussures ou le linge de maison neufs destinés aux particuliers ayant été retournés par les clients à leur distributeur ou plate-forme en ligne ne peuvent faire l’objet ni d’une destruction en France ni d’une exportation à des fins de destruction à l’étranger.
« Les distributeurs et plates-formes de vente en ligne sont tenus de mettre à nouveau à la vente ces produits ou de les réemployer notamment par le don à des associations de lutte contre la précarité et des structures de l’économie sociale et solidaire bénéficiant de l’agrément « entreprise solidaire d’utilité sociale » tel que défini à l’article L. 3332-17- 1 du code du travail, de les réutiliser ou de les recycler lorsque ces produits demeurent invendus, dans le respect de la hiérarchie des modes de traitement mentionnée à l’article L. 541-1 du présent code. »
La parole est à Mme Angèle Préville.
Mme Angèle Préville. J’interviens au nom de ma collègue Nicole Bonnefoy, qui, en 2021, lors de l’examen de la loi portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets, avait déjà déposé cet amendement.
Elle attirait ainsi l’attention sur la massification des importations, entre autres de produits de textile d’habillement, sur fond de développement du commerce électronique, et sur ses conséquences écologiques et sanitaires désastreuses du fait, notamment, de l’accroissement des émissions de gaz à effet de serre et de la dégradation de l’empreinte carbone de la France.
Sur le fond, l’amendement était plus spécifiquement lié au fait que le développement du commerce en ligne entraînait davantage de retours et d’invendus par rapport aux canaux traditionnels de la distribution, tout particulièrement dans le domaine du textile, ce que montrent plusieurs études. Ma collègue signalait que la plupart de ces textiles invendus et retournés à leurs distributeurs n’étaient pas remis en vente, mais exportés pour être détruits et la plupart du temps brûlés.
Notre amendement vise donc à interdire la destruction ou l’exportation pour destruction des marchandises neuves du secteur de l’habillement et du prêt-à-porter. En 2021, il avait été jugé satisfait par les dispositions récentes de la loi Agec. Qu’en est-il ? Ce texte a-t-il vraiment tenu ses promesses ? C’est le moment de dresser le bilan.
Or force est de constater que la situation n’a pas vraiment évolué dans le bon sens. Malgré les obligations de la loi Agec dans l’incitation au réemploi et aux dons à des associations de lutte contre la précarité, une partie des invendus est toujours détruite.
D’une part, comme le fait remarquer à juste titre la revue Reporterre, les moyens de contrôle de l’État sont insuffisants et le montant des amendes, à savoir 15 000 euros, trop faible pour qu’elles soient dissuasives.
D’autre part, comme le souligne l’Ademe dans un rapport de novembre 2021, les dispositions de la loi Agec ne s’appliquent que sur le territoire national alors que la majorité des destructions sont effectuées dans les pays de fabrication, situés hors de France. C’est bien le problème au cœur de la rédaction de cet amendement.
Mme le président. Quel est l’avis de la commission de l’aménagement du territoire ?
M. Fabien Genet, rapporteur pour avis. Avec toute la prudence et l’humilité dont je fais désormais preuve dans la lecture des codes (Sourires.), je veux dire que cet amendement nous semble satisfait par l’article L. 541-15-8 du code de l’environnement créé par l’article 35 de la loi Agec. Depuis le 1er janvier 2022, les producteurs, importateurs et distributeurs sont tenus de réemployer, de réutiliser ou de recycler les produits non alimentaires invendus qui étaient couverts par une filière à responsabilité élargie du producteur avant le vote de la loi Agec. Les produits textiles d’habillement, les chaussures et le linge de maison neufs sont donc concernés par cette interdiction de destruction des invendus non alimentaires. L’avis sera donc défavorable.
Mme le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Roland Lescure, ministre délégué. Cet amendement est en effet satisfait par la loi Agec. Même s’il est peut-être temps d’évaluer cette dernière, puisque cela fait bientôt trois ans qu’elle a été promulguée, adopter ces dispositions en tant que telles ne ferait que répéter la loi, qui – je le répète – interdit l’élimination des invendus de produits textiles depuis le 1er janvier 2022, que cette élimination soit effectuée en France ou à l’étranger. Je demande donc le retrait ; à défaut, l’avis sera défavorable.
Mme le président. Je mets aux voix l’amendement n° 87 rectifié bis.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Mme le président. Monsieur le ministre délégué, mes chers collègues, il est minuit. En accord avec la commission et le Gouvernement, je propose que nous poursuivions nos débats jusqu’à la fin de l’examen du chapitre IV.
Il n’y a pas d’observation ?…
Il en est ainsi décidé.
Je suis saisie de trois amendements identiques.
L’amendement n° 180 rectifié est présenté par Mmes Micouleau et Estrosi Sassone, MM. Bacci et Belin, Mmes Belrhiti et Bonfanti-Dossat, MM. Bouchet, Brisson, Burgoa, Cambon et Charon, Mmes Di Folco, Dumont, Garriaud-Maylam, F. Gerbaud, Imbert et Joseph et MM. D. Laurent, Milon et Tabarot.
L’amendement n° 191 rectifié est présenté par Mme Havet, M. Buis, Mme Schillinger, M. Rohfritsch, Mmes Duranton et Phinera-Horth et M. Mohamed Soilihi.
L’amendement n° 258 est présenté par Mmes Cukierman et Varaillas, MM. Gay, Lahellec et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
Ces trois amendements sont ainsi libellés :
Après l’article 4
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après le troisième alinéa de l’article L. 541-21-2 du code de l’environnement, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Tout manquement à ces obligations est sanctionné par une amende dont le montant est précisé par décret. »
La parole est à Mme Dominique Estrosi Sassone, pour présenter l’amendement n° 180 rectifié.
Mme Dominique Estrosi Sassone. Cet amendement, proposé par Brigitte Micouleau, a été cosigné par un certain nombre de mes collègues.
Au vu de l’application quelque peu défaillante du décret n° 2021-950 du 16 juillet 2021 relatif au tri des déchets de papier, de métal, de plastique, de verre, de textiles, de bois, de fraction minérale et de plâtre, cet amendement, élaboré en lien avec France urbaine et l’Institut national de l’économie circulaire (Inec), vise à assortir le non-respect de celui-ci d’une sanction financière.
Mme le président. La parole est à M. Bernard Buis, pour présenter l’amendement n° 191 rectifié.
M. Bernard Buis. Cet amendement de ma collègue Nadège Havet vient d’être très bien défendu.
Mme le président. La parole est à Mme Cécile Cukierman, pour présenter l’amendement n° 258.
Mme Cécile Cukierman. Si vous me le permettez, madame la présidente, je défendrai également l’amendement n° 259.
Mme le président. J’appelle donc également en discussion l’amendement n° 259, présenté par Mmes Cukierman et Varaillas, MM. Gay, Lahellec et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, et ainsi libellé :
Après l’article 4
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Afin de garantir le respect du décret n° 2021-950 du 16 juillet 2021 relatif au tri des déchets de papier, de métal, de plastique, de verre, de textiles, de bois, de fraction minérale et de plâtre, l’attestation annuelle de collecte et de valorisation des sept flux de déchets concernés est mise en ligne sur une plateforme dédiée, consultable par le grand public. Les modalités seront fixées ultérieurement par décret.
Veuillez poursuivre, ma chère collègue.
Mme Cécile Cukierman. Pour continuer à filer la métaphore, monsieur le ministre, je dirai qu’entre l’amendement n° 258 et l’amendement n° 259, c’est un peu comme dans une boîte de nuit : deux salles, deux ambiances, mais vous êtes toujours dans le même lieu ! (Sourires.)
Qu’il s’agisse de l’amendement n° 258, identique aux amendements qui viennent d’être présentés par mes collègues, ou de l’amendement n° 259, l’objectif est le même : il s’agit de rendre plus efficace la loi afin de limiter le gaspillage, d’encourager l’économie circulaire et de favoriser le retraitement des matières premières.
Pour cela, une première possibilité s’offre à nous, à savoir l’option défendue au travers de l’amendement n° 258. Il s’agit de la solution généralement acceptée aujourd’hui dans le débat public, qui consiste à sanctionner financièrement, voire plus, selon la gravité de l’infraction, celui qui ne respecte pas la loi. L’amendement n° 258 vise ainsi à renforcer les pénalités pour les entreprises qui ne s’acquitteraient pas de leurs obligations de tri, et ce afin de ne pas faire reposer le coût du traitement sur celles et ceux qui font cet effort.
À l’inverse, l’amendement n° 259 vise plutôt à valoriser ceux qui font l’effort de trier leurs déchets en prévoyant de publier sur une plateforme dédiée l’attestation annuelle de collecte et de valorisation des sept flux de déchets.
Monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, deux options s’offrent à vous. Vous pouvez choisir l’une ou l’autre, mais l’objectif est bien le même puisqu’il s’agit, au final, de rendre plus efficaces le tri, le recyclage et l’économie circulaire.
Mme le président. Quel est l’avis de la commission de l’aménagement du territoire ?
M. Fabien Genet, rapporteur pour avis. S’agissant de la liberté laissée au rapporteur durant cette soirée, je reste un peu dubitatif…
Les trois amendements identiques nos 180 rectifié, 191 rectifié et 258 visent à insérer un alinéa ainsi rédigé : « Tout manquement à ces obligations est sanctionné par une amende dont le montant est précisé par décret. » Or l’article L. 541-3 du code de l’environnement dispose qu’une entreprise ne respectant pas le tri des sept flux s’expose à une astreinte journalière allant jusqu’à 1 500 euros ou à une amende pouvant atteindre 150 000 euros.
Le même code, à ses articles L. 541-3 et L. 541-46, prévoit également des sanctions pénales allant de l’amende prévue pour les contraventions de la quatrième classe à une peine de deux ans d’emprisonnement et 75 000 euros d’amende.
Ces amendements identiques semblant par conséquent redondants, j’émets un avis défavorable.
J’émets également un avis défavorable sur l’amendement n° 259.
Mme le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Roland Lescure, ministre délégué. Le Gouvernement est clairement défavorable à l’amendement n° 259, qui nous paraît disproportionné.
S’agissant des amendements identiques nos 180 rectifié, 191 rectifié et 258, comme M. le rapporteur l’a souligné, la mesure proposée est déjà inscrite au code de l’environnement ; un tel rappel n’est donc pas indispensable. Demande de retrait ou avis défavorable.
Mme Dominique Estrosi Sassone. Je retire mon amendement, madame la présidente !
M. Bernard Buis. Je retire également le mien, madame la présidente !
Mme Cécile Cukierman. Et je retire les amendements n° 258 et 259, madame la présidente !
Mme le président. Les amendements identiques nos 180 rectifié, 191 rectifié et 258, ainsi que l’amendement n° 259, sont retirés.
Chapitre IV
Réhabiliter les friches pour un usage industriel
Avant l’article 5
Mme le président. L’amendement n° 146, présenté par MM. Redon-Sarrazy et Montaugé, Mmes Briquet et Préville, MM. Marie et Kanner, Mmes Artigalas et Blatrix Contat, MM. Bouad, Cardon, Mérillou, Michau, Pla, Tissot et J. Bigot, Mme Bonnefoy, MM. Gillé, Houllegatte et Lurel, Mme Monier, M. Stanzione et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Avant l’article 5
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article L. 151-4 du code de l’urbanisme est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Il établit un inventaire des friches potentiellement mobilisables. Cette disposition entre en vigueur lors de la prochaine modification ou révision du document d’urbanisme. »
La parole est à M. Christian Redon-Sarrazy.
M. Christian Redon-Sarrazy. Nous abordons le sujet de la réhabilitation des friches pour un usage industriel.
Le code de l’urbanisme prévoit que le projet d’aménagement et de développement durable (PADD) du plan local d’urbanisme (PLU) tient compte de la capacité à mobiliser effectivement les friches.
Cet amendement vise à prévoir que le PADD comprenne un inventaire des friches potentiellement mobilisables.
Chaque territoire de planification, à l’échelle communale ou intercommunale, doit désormais démontrer qu’il a cherché à mobiliser tous les potentiels fonciers déjà artificialisés pour ses besoins de développement, afin de répondre aux enjeux de renaturation.
Notre objectif est bien d’encourager les territoires à mieux s’emparer de leurs friches industrielles et des services, et de les inciter à poser un diagnostic pour les intégrer pleinement dans leur stratégie d’aménagement.
L’identification précise de ces friches est donc un préalable essentiel qui s’appuiera sur l’outil mis à disposition par le Centre d’études et d’expertise sur les risques, l’environnement, la mobilité et l’aménagement (Cerema), Cartofriches, qui a déjà répertorié et caractérisé plus de 8 300 sites.
Pour ne pas alourdir la charge des collectivités, ainsi que cela nous a été reproché, il est proposé que cette mesure soit mise en œuvre lors des prochaines modifications ou révisions des documents d’urbanisme afin, notamment, de ne pas engager de dépenses supplémentaires intermédiaires entre l’élaboration de deux documents.
Chaque territoire serait donc ainsi détenteur d’un inventaire précis particulièrement utile dans la perspective du ZAN à venir.
Mme le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Laurent Somon, rapporteur de la commission des affaires économiques. Aux termes de l’article L. 151-5 du code de l’urbanisme, les communes sont déjà tenues, quand elles ont un PLU, de tenir compte des friches existantes avant d’ouvrir de nouvelles zones à l’urbanisation.
La question n’est donc pas nouvelle puisque ces communes sont contraintes de prendre en considération les friches. Nombre d’entre elles se sont d’ailleurs engagées dans cet inventaire.
Vous l’avez précisé, le Cerema a pour mission de recenser l’ensemble des friches au niveau national dans le dispositif Cartofriches. Comme nous l’avions souligné en commission, cet amendement imposerait aux communes qui n’ont pas les documents d’urbanisme ou qui devraient en changer pour tenir compte des friches – ce qu’elles doivent déjà faire – des charges supplémentaires pour lesquelles toutes ne disposent peut-être pas des moyens nécessaires. Sachant que le Cerema réalise déjà cet inventaire, la commission a émis un avis défavorable.
Mme le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Roland Lescure, ministre délégué. Comme M. le rapporteur l’a souligné, cet amendement est satisfait pour toutes les communes qui disposent d’un PLU. Il risque par ailleurs de faire peser des charges importantes sur les plus petites communes ou territoires qui n’en bénéficient pas.
Sachez que nous avons missionné la Banque des territoires pour réaliser ce travail, avec un dispositif qui permettra de recenser de manière exhaustive l’ensemble du foncier disponible, de le qualifier et donc de le rendre aisément disponible aux investisseurs potentiels.
Je rappelle également que la Banque des territoires s’est engagée à investir 1 milliard d’euros dans la dépollution des friches. Cela concernera plus de 2 000 hectares. Nous avons donc suffisamment de dispositifs en amont et en aval.
Je demande le retrait de cet amendement ; à défaut, j’émettrai un avis défavorable.
Mme le président. Je mets aux voix l’amendement n° 146.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Article 5
Le chapitre II du titre Ier du livre V du code de l’environnement est ainsi modifié :
1° L’article L. 512-6-1 est ainsi modifié :
a) Le quatrième alinéa est complété par trois phrases ainsi rédigées : « À défaut d’accord entre les personnes mentionnées au premier alinéa, l’usage retenu pour déterminer l’état dans lequel devra être mis le site est un usage comparable à celui des installations autorisées. Lorsqu’ils estiment que la réhabilitation ainsi prévue est manifestement incompatible avec l’usage futur de la zone et des terrains voisins, le maire ou le président de l’établissement public de coopération intercommunale compétent en matière d’urbanisme le justifient au regard de l’usage futur de la zone, tel qu’il résulte des documents d’urbanisme, ou d’évolutions en cours des documents d’urbanisme. Le préfet peut alors fixer, après avis des personnes mentionnées au premier alinéa, des prescriptions de réhabilitation plus contraignantes permettant un usage du site cohérent avec ces documents d’urbanisme. » ;
b) Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :
« En ce qui concerne les cessations d’activités notifiées à l’administration avant le 1er juin 2022, dont les opérations de mise en sécurité ont été régulièrement menées à leur terme et pour lesquelles le représentant de l’État dans le département n’a pas fixé par arrêté des prescriptions particulières imposant des travaux ou des mesures de surveillance, l’exploitant peut demander, jusqu’au 1er janvier 2026, à bénéficier des dispositions de l’avant-dernier alinéa du présent article s’agissant des attestations relatives à l’adéquation des mesures proposées pour la réhabilitation du site et à la mise en œuvre de ces mesures. Les dispositions d’application du présent alinéa sont précisées, en tant que de besoin, par décret. » ;
2° L’article L. 512-7-6 est ainsi modifié :
a) Le quatrième alinéa est complété par trois phrases ainsi rédigées : « À défaut d’accord entre les personnes mentionnées au premier alinéa, l’usage retenu pour déterminer l’état dans lequel devra être mis le site est un usage comparable à celui des installations autorisées. Lorsqu’ils estiment que la réhabilitation ainsi prévue est manifestement incompatible avec l’usage futur de la zone et des terrains voisins, le maire ou le président de l’établissement public de coopération intercommunale compétent en matière d’urbanisme le justifient au regard de l’usage futur de la zone, tel qu’il résulte des documents d’urbanisme, ou d’évolutions en cours des documents d’urbanisme. Le préfet peut alors fixer, après avis des personnes mentionnées au premier alinéa, des prescriptions de réhabilitation plus contraignantes permettant un usage du site cohérent avec ces documents d’urbanisme. » ;
b) Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :
« En ce qui concerne les cessations d’activités notifiées à l’administration du présent article avant le 1er juin 2022, dont les opérations de mise en sécurité ont été régulièrement menées à leur terme et pour lesquelles le représentant de l’État dans le département n’a pas fixé par arrêté des prescriptions particulières imposant des travaux ou des mesures de surveillance, l’exploitant peut demander, jusqu’au 1er janvier 2026, à bénéficier des dispositions de l’avant-dernier alinéa du présent article s’agissant des attestations relatives à l’adéquation des mesures proposées pour la réhabilitation du site et à la mise en œuvre de ces mesures. Les dispositions d’application du présent alinéa sont précisées, en tant que de besoin, par décret. » ;
3° L’article L. 512-19 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Il peut appliquer cette procédure à une partie d’installation située sur un terrain qu’il détermine et qui n’a pas été exploitée durant trois années consécutives. » ;
4° L’article L. 512-21 est ainsi modifié :
a) Le I est complété par deux alinéas ainsi rédigés :
« Le tiers intéressé peut également demander, selon les modalités prévues au premier alinéa du présent I, à se substituer à l’exploitant pour réaliser, outre la réhabilitation, tout ou partie des mesures de mise en sécurité de l’installation.
« Un tiers intéressé peut également demander au représentant de l’État dans le département, par anticipation, l’autorisation de se substituer à l’exploitant en cas de future cessation d’activité, dans des conditions fixées par le décret en Conseil d’État prévu au VIII du présent article. Les II à VII du présent article sont applicables. » ;
b) Le III est complété par les mots : « et, le cas échéant, la liste des mesures prévues pour la mise en sécurité de l’installation » ;
c) Le IV est complété par les mots : « et, le cas échéant, les mesures de mise en sécurité de l’installation » ;
d) Le premier alinéa du V est complété par les mots : « et, le cas échéant, la réalisation des travaux de mise en sécurité de l’installation définis au IV » ;
e) Au deuxième alinéa du même V, après le mot : « envisagé », sont insérés les mots : « ou, le cas échéant, des mesures prévues pour la mise en sécurité de l’installation » ;
f) À la fin du VII, les mots : « met en œuvre les mesures de réhabilitation pour l’usage défini dans les conditions prévues aux articles L. 512-6-1, L. 512-7-6 et L. 512-12-1 » sont remplacés par les mots : « demeure responsable de la mise en sécurité de l’installation concernée » ;
5° L’article L. 512-22 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Il peut appliquer le premier alinéa à une partie d’installation, située sur un terrain qu’il détermine, qui fait l’objet d’une mise à l’arrêt définitif. Les objectifs et obligations mentionnés aux articles L. 512-6-1, L. 512-7-6 et L. 512-12-1 s’appliquent, selon les cas concernés, à cette partie. »
Mme le président. La parole est à Mme Cécile Cukierman, sur l’article.
Mme Cécile Cukierman. Avec ces articles, nous entrons dans la question de la requalification des friches, déjà partiellement évoquée.
Nous l’avons souligné, nous ne sommes pas aujourd’hui obligés de trancher. Il y aurait, selon les sources, entre 90 000 et 150 000 hectares de friches industrielles en France. Il importe donc de connaître réellement leur superficie totale, de leur état, d’évaluer leur capacité à être requalifiées et d’estimer les coûts que leur requalification pourrait induire afin de pouvoir apprécier notre marge possible de « libération » du foncier dans les années à venir.
La présidente Sophie Primas y a fait allusion avant la suspension de séance, la question du devenir du fonds friches, de sa pérennisation, mais aussi de son renforcement, est fondamentale pour les années à venir.
En deux ans, je le dis sans aucun jugement, 2 700 hectares ont été recyclés. Même en prenant la fourchette basse de 90 000 hectares de friches dans notre pays, nous avons encore un gap important à franchir. Il y va du bien-être des territoires. En effet, lorsqu’une friche est requalifiée, les territoires communaux ou intercommunaux revivent, dans tous les sens du terme.
Il y a donc une urgence fondamentale à activer tous les leviers de la requalification des friches pour éviter la fracture territoriale que je dénonçais tout à l’heure. À défaut, il sera toujours plus intéressant de s’installer sur un terrain nu que sur un terrain actuellement en friche.
Mme le président. Je suis saisie de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 309, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 3
Remplacer le mot :
autorisées
par les mots :
pour lesquelles une autorisation est demandée
et les mots :
, ou d’évolutions en cours des documents d’urbanisme
par les mots :
en vigueur à la date de saisine de cette personne publique
II. – Alinéa 7
Remplacer le mot :
autorisées
par les mots :
pour lesquelles un enregistrement est demandé
et les mots :
ou d’évolutions en cours des documents d’urbanisme
par les mots :
en vigueur à la date de saisine de cette personne publique
La parole est à M. le ministre délégué.
M. Roland Lescure, ministre délégué. Je profite de la présentation de cet amendement pour rappeler l’objectif de cet article.
L’article 5 est un article important, qui vise tout simplement à faire en sorte que l’on puisse clore les procédures plus vite, faire cesser les activités plus vite, libérer les terrains plus vite, tout cela uniquement pour aller plus vite et pour répondre aux préoccupations d’un certain nombre de sénateurs, dont la sénatrice Cukierman, sur la libération des friches, qui doit nous permettre de réindustrialiser des territoires industrialisés auparavant.
Cet article prévoit plusieurs leviers pour mettre à disposition des terrains. Le préfet sera habilité à accélérer les cessations d’activité. Il est également prévu de renforcer les procédures de tiers demandeurs afin de se substituer à l’exploitant pour la mise en sécurité du site. Enfin, nous renforcerons le pouvoir des préfets pour faire cesser une activité en partie, et faciliter la dépollution et la réutilisation du site.
Dans ce cadre, la commission des affaires économiques du Sénat, à l’occasion de l’examen de cet article, a tenu à apporter des précisions sur les modalités de détermination de cet usage futur. Je partage ces propositions. Je souhaite seulement m’assurer de leur sécurité juridique, ce qui justifie l’amendement n° 309.
Cet amendement gouvernemental tend, en particulier, à supprimer la référence à des « évolutions en cours de documents d’urbanisme », qui ne sont pas opposables au moment de la saisine d’une collectivité sur l’usage futur envisagé, pour la remplacer par les mots « en vigueur à la date de saisine de cette personne publique ».
Mme le président. L’amendement n° 407, présenté par M. Somon, au nom de la commission des affaires économiques, est ainsi libellé :
I. - Alinéa 3
Remplacer le mot :
autorisées
par les mots :
pour lesquelles une autorisation est demandée
II. - Alinéa 7
Remplacer le mot :
autorisées
par les mots :
pour lesquelles un enregistrement est demandé
La parole est à M. le rapporteur pour présenter cet amendement et donner l’avis de la commission sur l’amendement n° 309.
M. Laurent Somon, rapporteur. L’amendement n° 407 est de précision juridique.
En ce qui concerne l’amendement n° 309 du Gouvernement, il faut savoir qu’actuellement le préfet n’est contraint par aucun document pour établir les prescriptions de remise en état.
En commission, nous avons restreint cette latitude afin d’éviter les « surprescriptions » en matière de dépollution des sols, qui peuvent décourager les industriels de s’installer sur des terrains précédemment occupés par de l’industrie si on leur demande ensuite de dépolluer complètement le site. Par défaut, ce dernier devra être remis dans un état qui permette un usage industriel. Il y va également de la compétitivité des entreprises qui souhaitent s’installer.
Dans le même temps, nous avons aussi introduit la possibilité, pour le maire, de signaler au préfet que l’usage futur de la zone, tel qu’il est défini dans les documents d’urbanisme, est incompatible avec des prescriptions de dépollution qui seraient suffisantes pour un simple usage industriel. C’est d’ailleurs ce qui se passe pour les installations classées protection de l’environnement (ICPE) autorisées avant 2004.
Il est en effet normal que les collectivités gardent la latitude de faire évoluer comme elles l’entendent leurs documents d’urbanisme. Si elles veulent changer l’usage de la zone, elles en ont parfaitement le droit. Les prescriptions de dépollution pourront alors être adaptées à ce nouvel usage.
Compte tenu des délais d’évolution des documents d’urbanisme, qui peuvent atteindre plusieurs années, nous avons également précisé que, si une évolution des documents est en cours – par exemple si les consultations obligatoires sont en cours –, le maire peut également le signaler au préfet.
Je souligne que ce dernier ne sera pas contraint de faire droit à la demande du maire si, d’aventure, le projet de modification de l’usage de la zone est encore très hypothétique : le préfet gardera, comme aujourd’hui, un pouvoir d’appréciation. Nous choisissons de faire confiance au bon sens du préfet, allez-vous nous le reprocher ?
La commission est donc défavorable à l’amendement n° 309.
Mme le président. Quel est l’avis du Gouvernement sur l’amendement n° 407 ?
M. Roland Lescure, ministre délégué. Je suggérais justement un retrait de l’amendement n° 407 de la commission, au profit de l’amendement n° 309 du Gouvernement… Si l’amendement n° 309 était rejeté, nous n’en mourrions pas et nous pourrions vivre avec…
Mme le président. L’amendement n° 37 rectifié, présenté par Mme Paoli-Gagin, MM. Capus, Guerriau et A. Marc, Mme Mélot et MM. Lagourgue, Grand, Chasseing, Wattebled, Malhuret, Decool et Menonville, est ainsi libellé :
Alinéas 5 et 9
Remplacer l’année :
2022
par l’année :
2023
La parole est à Mme Vanina Paoli-Gagin.
Mme Vanina Paoli-Gagin. Il s’agit en quelque sorte d’un amendement anti-larsen…
L’article 5 du présent projet de loi permet d’accélérer la dépollution des terrains industriels. Il contient, notamment, des dispositions conférant un effet rétroactif pour les cessations d’activités notifiées à l’administration avant le 1er juin 2022, tout en limitant le risque d’effets d’aubaine.
Cependant, le projet de loi ayant été présenté au printemps 2023 et étant donné qu’il ne sera pas adopté avant cet été, il est proposé d’intégrer une année supplémentaire dans cette disposition « voiture-balai » afin de rendre davantage de sites éligibles aux dispositions du présent article.
Mme le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Laurent Somon, rapporteur. Depuis le 1er juin 2022, le recours à un tiers certifié est obligatoire en application de la loi du 7 décembre 2020 d’accélération et de simplification de l’action publique (Asap) et des articles 57 et 58 du décret 2021-1096 du 19 août 2021, qui précise l’application des obligations en matière de cessation d’activité des ICPE. Avis défavorable.
Mme le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Roland Lescure, ministre délégué. Même avis. Le risque de cet amendement est que l’on revienne paradoxalement à des dispositions qui prévalaient avant la loi Asap.
Mme Vanina Paoli-Gagin. Je le retire, madame la présidente.
Mme le président. L’amendement n° 37 rectifié est retiré.
L’amendement n° 185 rectifié, présenté par MM. Menonville, Médevielle et Verzelen, Mme Mélot, MM. Lagourgue, Decool et Chasseing, Mme Paoli-Gagin et MM. Capus et Wattebled, est ainsi libellé :
Alinéa 11
1° Au début
Insérer les mots :
Dans le but de faciliter l’implantation d’activités industrielles,
2° Compléter cet alinéa par les mots :
, dans des conditions déterminées par un décret en Conseil d’État
La parole est à Mme Vanina Paoli-Gagin.
Mme Vanina Paoli-Gagin. Cet amendement tend à faciliter la réhabilitation des friches pour un usage industriel.
Le 3° de l’article 5 confie au préfet un pouvoir supplémentaire de mise en demeure pour faire procéder à la cessation d’activité d’une partie d’installation située sur un terrain qu’il détermine au motif qu’elle ne serait plus exploitée depuis trois ans, dans le but de libérer du foncier pour un usage industriel.
Cette restriction au droit de propriété, garanti par la Constitution, et aux droits et à la gestion de l’exploitant se justifie par son objectif d’intérêt général, à savoir faciliter les implantations d’activités industrielles.
Pour autant, cette restriction au droit de propriété doit être limitée à ce seul objectif et être encadrée par le Conseil d’État. C’est l’objet du présent amendement.
Mme le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Laurent Somon, rapporteur. Viser uniquement la réinstallation d’activités industrielles semble un peu réducteur. Il peut également être utile, dans des zones d’activités mixtes, notamment, de libérer de tels terrains industriels pour, par exemple, étendre une surface commerciale, ou même des installations de services.
Par ailleurs, le recours au décret en Conseil d’État ne me semble pas nécessaire, car il n’y a pas atteinte au droit de propriété : il s’agit non pas de saisir le terrain ni d’obliger le propriétaire à vendre, mais simplement de s’assurer qu’un industriel ne laisse pas « dormir » une partie de site dans le seul but d’échapper à ses obligations de remise en état. J’émets donc un avis défavorable.
Mme le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Roland Lescure, ministre délégué. Cet article ne contrevient pas au droit de la propriété. Il ne vise pas à exproprier le détenteur du site : il vise à lui enjoindre de dépolluer. Cet amendement n’est donc pas utile. Demande de retrait ou avis défavorable.
Mme Vanina Paoli-Gagin. Je le retire, madame la présidente.
Mme le président. L’amendement n° 185 rectifié est retiré.
L’amendement n° 308, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Alinéas 13 à 15
Rédiger ainsi ces alinéas :
a) Le I est ainsi rédigé :
« I. – Dès la notification de la cessation d’activité d’une installation classée pour la protection de l’environnement, un tiers intéressé peut demander au représentant de l’État dans le département de se substituer à l’exploitant, avec son accord, pour réaliser les travaux de réhabilitation en fonction de l’usage que ce tiers envisage pour le terrain concerné.
« Le tiers intéressé peut également demander, selon les mêmes modalités que celles prévues au précédent alinéa, à se substituer à l’exploitant pour réaliser, outre la réhabilitation, tout ou partie des mesures de mise en sécurité de l’installation. » ;
La parole est à M. le ministre délégué.
M. Roland Lescure, ministre délégué. Cet amendement vise à corriger une disposition adoptée par la commission, qui tend à anticiper la substitution d’un exploitant par un tiers demandeur dès la notification de cessation des activités.
Autrement dit, j’ai l’impression que l’on va là un peu plus loin et que l’on enfreint le droit de propriété puisqu’on autoriserait un tiers demandeur à interrompre l’activité d’un exploitant alors que lui-même n’a pas souhaité le faire.
Nous souhaitons, évidemment, qu’un tiers demandeur puisse intervenir dès que possible pour sécuriser le site, mais après l’arrêt de l’activité. Tel est l’objet de cet amendement.
Mme le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Laurent Somon, rapporteur. Monsieur le ministre, il ne s’agit pas d’obliger le propriétaire à arrêter son activité. C’est seulement à partir du moment où celui-ci aura notifié sa décision d’arrêter son activité que le tiers demandeur pourra anticiper cet arrêt et accélérer la possibilité de mettre en place une nouvelle activité sur le site.
L’amendement du Gouvernement vise à restreindre la possibilité pour le tiers demandeur d’intervenir en amont de la cessation d’activité. Or c’est bien une loi d’accélération que l’on souhaite mettre en place. Il s’agit donc d’accélérer davantage la procédure par anticipation.
La notification à l’administration de la cessation d’activité intervient généralement trois mois avant la mise à l’arrêt définitif de l’installation. Cette restriction vide donc pour ainsi dire de sa substance le dispositif introduit en commission, qui est d’accélérer plus en amont encore pour faciliter la réindustrialisation.
Je comprends votre argument selon lequel le préfet pourrait avoir des difficultés à se prononcer très en amont sur la viabilité du projet futur, ne sachant pas, par exemple, comment la pollution du site évoluera entre l’autorisation donnée au tiers demandeur et sa prise en charge effective du site.
Mais je rappelle que c’est le préfet qui se prononce in fine, et qu’il conserve une marge d’appréciation sur la viabilité du projet présenté par le tiers demandeur. Il lui est loisible de refuser l’autorisation s’il estime que le projet est trop incertain. C’est d’ailleurs exactement ce qu’il fait aujourd’hui !
Je rappelle également que les garanties financières peuvent être revues en cas de modification des mesures prévues initialement dans le mémoire de réhabilitation du tiers demandeur.
L’administration demeurera donc libre de refuser des demandes trop en amont si leur réalisation lui semble incertaine.
Il paraît complètement contre-productif de bloquer par principe l’anticipation à trois mois alors que les opérations de dépollution peuvent prendre des années !
La commission a donc émis un avis défavorable.
Mme le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Roland Lescure, ministre délégué. J’entends bien la vocation des dispositions adoptées en commission. Ce qui m’inquiète, c’est que le préfet ou les services de l’État se retrouvent dépositaires du risque d’exploitation en se substituant à l’exploitant pour cesser l’activité.
Mieux vaut attendre que l’exploitant ait cessé son activité pour prendre la main. À défaut, nous pourrions créer un flou juridique qui pourrait mettre en danger les services de l’État vis-à-vis du risque d’exploitation même. Nous aurons sans doute l’occasion d’en discuter dans le cadre du suivi de ce texte, mais je tiens à alerter le Sénat sur ce point, qui me semble important.
Mme le président. L’amendement n° 234 rectifié, présenté par Mmes Loisier et Vermeillet, MM. Bonneau, Savary, de Nicolaÿ et Henno, Mmes Billon et Vérien, MM. Canévet, J.M. Arnaud, Le Nay, L. Hervé et Duffourg, Mme Morin-Desailly, M. Lafon, Mme Férat, M. Détraigne et Mme de La Provôté, est ainsi libellé :
Alinéa 20
Compléter cet alinéa par les mots :
et de la réhabilitation nécessaire pour placer le terrain d’assiette dans un état permettant un usage comparable à la dernière période d’activité, dans le respect des intérêts mentionnés à l’article L. 511-1 et, le cas échéant, à l’article L. 211-1
La parole est à M. Michel Canévet.
M. Michel Canévet. Notre collègue Anne-Catherine Loisier, qui a déposé cet amendement, considère que l’exploitant d’une installation classée pour la protection de l’environnement est tenu, le cas échéant, à sa remise en état. Il peut la confier à un tiers demandeur. Mais pour le cas où le tiers demandeur serait lui aussi défaillant, il nous paraît opportun que la responsabilité de la remise en état incombe au dernier exploitant. Tel est le sens de cet amendement.
Mme le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Laurent Somon, rapporteur. Je comprends votre interrogation, mais il ne faut pas oublier que l’autorisation donnée par le préfet au tiers demandeur de prendre en charge un site est conditionnée à l’obligation de constituer des garanties financières, justement pour pouvoir mener à bien la réhabilitation prévue, même en cas de défaillance du tiers demandeur.
Ces défaillances sont par ailleurs, en toute hypothèse, rarissimes puisque les tiers demandeurs s’engagent sur des projets rentables.
En revanche, la perspective pour le dernier exploitant de pouvoir être « rattrapé » et de devoir se charger in fine de la réhabilitation du site, alors même que cette responsabilité a été contractuellement transférée à un tiers, constitue un frein important pour les exploitants à s’engager dans une procédure de tiers demandeur. Ces réticences aboutissent à laisser dormir d’importantes réserves foncières. C’est donc contre-productif en vue d’une accélération.
Sur ce point, le texte est équilibré, entre la responsabilité des pollueurs et l’efficacité du dispositif.
Je demande de retrait de cet amendement ; à défaut, j’émettrai un avis défavorable.
Mme le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme le président. Je mets aux voix l’article 5, modifié.
(L’article 5 est adopté.)
Après l’article 5
Mme le président. L’amendement n° 136 rectifié, présenté par MM. Kern, Levi et Détraigne, Mme Billon, MM. Henno et Louault, Mme Jacquemet, M. Canévet, Mmes Vermeillet et Gacquerre et MM. Folliot, Duffourg, Le Nay, L. Hervé et J.M. Arnaud, est ainsi libellé :
Après l’article 5
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Les collectivités territoriales compétentes en matière d’urbanisme peuvent prévoir, dans leurs documents d’urbanisme, que les terrains qui ont fait l’objet d’une réhabilitation à la suite d’une cessation d’activité de tout ou partie de l’installation classée pour la protection de l’environnement sont destinés à un usage industriel prioritairement orienté vers les activités de gestion de déchets exercées par les structures de l’économie sociale et solidaire.
La parole est à M. Michel Canévet.
M. Michel Canévet. Cet amendement, déposé par notre collègue Claude Kern, concerne la remise en état des terrains à la suite de la cessation d’activité en vue de leur usage futur, lequel est apprécié en fonction des documents d’urbanisme en vigueur.
Il paraît souhaitable d’encourager le maintien d’activités industrielles sur ces terrains et de développer les structures de l’économie sociale, en permettant en particulier à l’autorité chargée de l’urbanisme d’orienter vers ces dernières l’activité de gestion des déchets.
Mme le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Laurent Somon, rapporteur. Je partage votre souci de réinstaller prioritairement de l’industrie sur les zones industrielles, en tirant parti des obligations de dépollution différenciée selon les usages.
Néanmoins cet amendement me semble excessivement prescriptif. Il risque, paradoxalement, d’avoir un effet contraire : quid du terrain si aucune usine de gestion de déchets ne vient s’installer ? Comme vous le savez, il faut du temps pour modifier un PLU. Il y a, me semble-t-il, d’autres moyens pour soutenir les activités de gestion de déchets.
La commission a donc émis un avis défavorable.
Mme le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Roland Lescure, ministre délégué. Je comprends bien l’objectif. Pour autant, ce type de disposition peut concerner des secteurs de l’industrie, mais pas des statuts d’entreprise, comme l’économie sociale et solidaire (ESS).
Si vous privilégiez des activités industrielles, notamment de recyclage, dans le cadre du PLU, une entreprise sociale et solidaire ayant ce type d’activité aura le droit de s’y positionner. Mais en indiquant de manière trop précise que c’est le statut de l’entreprise qui prévaut, vous allez au-delà des dispositions autorisées dans le cadre du PLU.
Je vous demande donc de bien vouloir retirer cet amendement.
M. Michel Canévet. Je le retire, madame la présidente.
Mme le président. L’amendement n° 136 rectifié est retiré.
L’amendement n° 247, présenté par Mmes Cukierman et Varaillas, MM. Gay, Lahellec et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Après l’article 5
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Dans un délai de six mois, le Gouvernement remet au Parlement un rapport concernant les moyens nécessaires à la requalification des friches de plus de dix ans, en faveur de la réindustrialisation et des enjeux de lutte contre l’artificialisation induits par les objectifs mentionnés à l’article 191 de la loi n° 2021-1104 du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets.
La parole est à Mme Cécile Cukierman.
Mme Cécile Cukierman. Plus qu’une demande de rapport, l’objectif ici est d’obtenir des éléments sur la façon dont nous allons soutenir des communes souvent démunies face à cet enjeu et à ce défi de la requalification des friches.
Nous l’avons rappelé, les friches amènent bien souvent d’autres friches. Leur durabilité fragilise les territoires et conduit parfois à la fermeture ainsi qu’à la perte d’un certain nombre de services publics. J’insiste sur la présence des services de l’État dans nos départements à nos côtés sur cet enjeu, notamment les établissements publics fonciers locaux – chez moi, l’Établissement public foncier de l’Ouest Rhône-Alpes (Epora).
Comme je l’ai rappelé précédemment, il y a urgence à faire davantage et à amplifier les actions déjà engagées : 2 700 ou 2 800 hectares réhabilités, c’est encore trop peu au regard des défis à relever. Car il s’agit non pas de requalifier pour le plaisir de requalifier, mais de répondre aux enjeux qui sont devant nous en matière d’aménagement du territoire dans notre pays.
À l’heure où nos collègues députés discutent du texte sur le ZAN, je veux souligner qu’il n’y a pas qu’une seule urgence dans notre pays, qui serait la lutte contre l’artificialisation des sols. Il y en a quatre, à mon avis, qui ne sont pas hiérarchisées : la souveraineté alimentaire, le défi du logement, l’enjeu de l’industrie – c’est objet de ce texte – et l’environnement.
En effet, requalifier les friches, c’est renaturer des sols. Je ne vous ferai pas l’offense, monsieur le ministre, de revenir sur la nécessité de rétablir le remboursement du fonds de compensation pour la taxe sur la valeur ajoutée (FCTVA) pour le compte 212, mais c’est aussi l’un des outils financiers à remettre en place pour répondre à cet enjeu de renaturation. Des sols en bonne santé, ce sont aussi des sols qui gardent l’eau : in fine, répondre à cet enjeu de requalification des friches, c’est bel et bien répondre aux quatre défis pour notre pays dans les dix années à venir.
Mme le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Laurent Somon, rapporteur. Chacun connaît l’appétence de notre assemblée sur les demandes de rapport, mais une règle ne vaut que par ses exceptions, madame la sénatrice…
Votre amendement vise un aspect essentiel de la mobilisation du foncier à des fins industrielles qui n’est de fait pas abordé par le projet de loi, à savoir la gestion des anciennes friches.
En effet, souvent, l’exploitant a disparu. Les collectivités sont alors démunies pour traiter ce foncier, qui peut nécessiter des coûts de dépollution considérables avant réutilisation, y compris pour un projet industriel.
Comme je l’ai déjà dit, le Gouvernement ne nous a pas donné l’occasion d’avoir un débat d’ensemble sur cette question du foncier industriel, puisqu’il a renvoyé le volet financier à la loi de finances. Le fonds vert sera-t-il abondé pour permettre aux collectivités de mener à bien la requalification de ces friches ? Une partie du fonds vert sera-t-elle fléchée à cette fin ? Si oui, est-ce que ce sera spécifiquement pour y réinstaller une activité industrielle ?
Une fois n’est pas coutume, et étonnamment, l’avis est favorable sur votre amendement.
Mme le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Roland Lescure, ministre délégué. Madame la sénatrice Cukierman, je reconnais votre volonté de réindustrialiser les territoires un peu délaissés comme le vôtre, puisque vous parlez des friches de plus de dix ans.
Je ne vais pas revenir sur tout ce que l’on fait à ce sujet, notamment grâce à la Banque des territoires. Je veux simplement évoquer avec vous la mission que j’ai confiée au préfet Rollon Mouchel-Blaisot, lequel a été, me semble-t-il, auditionné par la commission des affaires économiques dans ce cadre. Sa mission est assez large, mais elle couvre exactement les préoccupations que vous exprimez, puisque son objectif est d’identifier les terrains disponibles en France, de les qualifier et de les rendre disponibles pour des industriels ou des investisseurs potentiels.
Votre demande de rapport, d’une certaine manière, sera satisfaite, je l’espère très bientôt, puisque j’ai demandé au préfet de nous remettre son propre rapport avant la fin du mois de juillet. Je suggère que vous l’auditionniez dès que les résultats de ses travaux seront connus afin qu’il vous les présente en détail. Dans l’attente, je vous propose de retirer votre amendement.
Mme le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 5.
Article 5 bis (nouveau)
À la seconde phrase du premier alinéa de l’article L. 2243-3 du code général des collectivités territoriales, après la seconde occurrence du mot : « aménagement », sont insérés les mots : « , y compris, le cas échéant, en vue de l’implantation d’installations industrielles ». – (Adopté.)
Article 5 ter (nouveau)
Le chapitre Ier du titre IV du livre Ier du code de l’urbanisme est ainsi modifié :
1° À la dernière phrase du premier alinéa de l’article L. 141-3, après le mot : « sols », sont insérés les mots : « , notamment en tenant compte de l’existence de friches » ;
2° À la seconde phrase du deuxième alinéa de l’article L. 141-6, après le mot : « vacantes », sont insérés les mots : « et des friches ». – (Adopté.)
Après l’article 5 ter
Mme le président. L’amendement n° 244, présenté par Mme Varaillas, MM. Gay, Lahellec et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Après l’article 5 ter
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Dans un délai d’un an, le Gouvernement remet au Parlement un rapport concernant l’opportunité d’un financement de la rénovation et de la modernisation des industries, par le rachat du foncier par les établissements publics de coopération intercommunale ou par des sociétés d’économie mixte communales ou intercommunales, avec l’aide de l’État.
La parole est à Mme Marie-Claude Varaillas.
Mme Marie-Claude Varaillas. Il s’agit encore d’une demande de rapport, celui-ci pour prendre en compte un enjeu qui est un peu absent dans ce texte : la modernisation des industries existantes.
Nous souhaitons poser la question du financement, indispensable à une meilleure maîtrise publique. Sur ce sujet, nous avons échangé avec l’association Intercommunalités de France, qui suggère des modes de financement innovants, à savoir le rachat des espaces fonciers pour aider les industriels à financer leur modernisation, ce qui reviendrait à soutenir des modes de production plus responsables de l’environnement.
Nous savons par expérience l’importance pour les EPCI, qui ont désormais la compétence économique, d’avoir des terrains disponibles à proposer aux investisseurs. Or les élus locaux n’ont pas toujours les leviers suffisants pour aider à l’installation ou à la modernisation des entreprises. C’est la raison pour laquelle nous souhaitons que cette question puisse être étudiée à travers un rapport qui étudierait l’opportunité d’un financement de la rénovation et de la modernisation des industries par le rachat du foncier par les établissements publics de coopération intercommunale ou par des sociétés d’économie mixte communales ou intercommunales, bien sûr avec l’aide de l’État.
Mme le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Laurent Somon, rapporteur. En entendant vos explications, je me demande si les industriels devraient ensuite louer leur foncier aux collectivités, qui en seraient propriétaires.
Vous avez raison, des réflexions sont en cours dans les collectivités sur l’opportunité de constituer des foncières économiques de ce type. Cela peut être une bonne manière d’optimiser, sur un territoire, la gestion du foncier économique, et notamment industriel. Cependant, le lien avec le financement de la modernisation des industries me semble assez ténu. Nous devons pouvoir y parvenir par d’autres moyens. L’avis est défavorable.
Mme le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme le président. Je mets aux voix l’amendement n° 244.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Article 6
I. – Le code de l’environnement est ainsi modifié :
1° L’article L. 171-7 est ainsi modifié :
a) Le premier alinéa du I est complété par une phrase ainsi rédigée : « Elle peut, en outre, ordonner le paiement d’une amende au plus égale à 15 000 € par le même acte que celui de mise en demeure ou par un acte distinct. » ;
b) Après la première phrase du 1° du même I, est insérée une phrase ainsi rédigée : « Elle peut, en sus de l’astreinte, infliger une amende au plus égale à 15 000 €. » ;
c) Au début de la deuxième phrase du même 1°, les mots : « L’astreinte est proportionnée à la gravité des manquements constatés et tient » sont remplacés par les mots : « L’amende et l’astreinte sont proportionnées à la gravité des manquements constatés et tiennent » ;
d) Le 2° dudit I est remplacé par des 2° et 3° ainsi rédigés :
« 2° L’obliger à s’acquitter entre les mains d’un comptable public du paiement d’une somme correspondant au montant des travaux ou opérations à réaliser. Cette somme bénéficie d’un privilège de même rang que celui prévu à l’article 1920 du code général des impôts. Il est procédé à son recouvrement comme en matière de créances de l’État étrangères à l’impôt et au domaine. L’opposition devant le juge administratif à l’état exécutoire pris en application d’une mesure de consignation ordonnée par l’autorité administrative n’a pas de caractère suspensif.
« Une fois la somme recouvrée par le comptable public, celui-ci procède à sa consignation entre les mains de la Caisse des dépôts et consignations. Un décret en Conseil d’État fixe les modalités de déconsignation et les conditions dans lesquelles les sommes consignées sont insaisissables, au sens de l’article L. 112-2 du code des procédures civiles d’exécution, par dérogation aux articles 2284 et 2285 du code civil, ainsi que les conditions de leur utilisation en cas d’ouverture d’une procédure collective ;
« 3° Faire procéder d’office, en lieu et place de la personne mise en demeure et à ses frais, à l’exécution des mesures prescrites. Les sommes consignées auprès de la Caisse des dépôts et consignations en application du 2° du présent I sont utilisées pour régler les dépenses ainsi engagées. » ;
e) Au III, après le mot : « décision », sont insérés les mots : « de mise en demeure » ;
2° Le II de l’article L. 171-8 est ainsi modifié :
a) À la première phrase du premier alinéa du 1°, le mot : « consigner » est remplacé par les mots : « s’acquitter » et, après le mot : « administrative », sont insérés les mots : « du paiement d’ » ;
b) La première phrase du deuxième alinéa du même 1° est ainsi rédigée : « Sous réserve du 6° du I de l’article L. 643-8 du code de commerce, cette somme bénéficie d’un privilège de même rang que celui prévu à l’article 1920 du code général des impôts. » ;
c) Ledit 1° est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Une fois la somme recouvrée par le comptable public, celui-ci procède à sa consignation entre les mains de la Caisse des dépôts et consignations. Un décret en Conseil d’État fixe les modalités de déconsignation et les conditions dans lesquelles les sommes consignées sont insaisissables, au sens de l’article L. 112-2 du code des procédures civiles d’exécution, par dérogation aux articles 2284 et 2285 du code civil, ainsi que les conditions de leur utilisation en cas d’ouverture d’une procédure collective ; »
d) À la deuxième phrase du 2°, après le mot : « consignées », sont insérés les mots : « auprès de la Caisse des dépôts et consignations » ;
3° (Supprimé)
II. – Le titre IV du livre VI du code de commerce est ainsi modifié :
1° Après le troisième alinéa du I de l’article L. 641-13, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« – si elles sont nées pour assurer la mise en sécurité des installations classées pour la protection de l’environnement en application des articles L. 512-6-1, L. 512-7-6 ou L. 512-12-1 du code de l’environnement ; »
2° Après le 5° du I de l’article L. 643-8, il est inséré un 6° ainsi rédigé :
« 6° Les créances nées régulièrement après le jugement ouvrant ou prononçant la liquidation mentionnées au quatrième alinéa de l’article L. 641-13 restées impayées à l’échéance, ainsi que les créances résultant d’un arrêté de consignation pris en application du premier alinéa du 1° du II de l’article L. 171-8 du code de l’environnement ; »
3° Les 6° à 15° deviennent les 7° à 16°.
III. – Le 2° du I et le II du présent article s’appliquent aux liquidations ouvertes ou prononcées après l’entrée en vigueur de la présente loi.
Mme le président. Je suis saisie de deux amendements identiques.
L’amendement n° 164 rectifié est présenté par MM. Montaugé et Kanner, Mmes Préville et Briquet, M. Marie, Mmes Artigalas et Blatrix Contat, MM. Bouad, Cardon, Mérillou, Michau, Pla, Redon-Sarrazy, Tissot et J. Bigot, Mme Bonnefoy, MM. Gillé, Houllegatte et Lurel, Mme Monier, M. Stanzione et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.
L’amendement n° 310 est présenté par le Gouvernement.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
I. – Alinéas 3 et 4
Remplacer le montant :
15 000 €
par le montant :
45 000 €
II. – Après l’alinéa 3
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
…) À la première phrase du 1° du I, le montant « 1 500 » est remplacé par le montant : « 4500 » ;
III. – Après l’alinéa 16
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
…) À la première phrase du 4° du II de l’article L. 171-8, le montant : « 15 000 » est remplacé par le montant : « 45 000 » et le montant : « 1500 » est remplacé par le montant : « 4500 » ;
La parole est à M. Franck Montaugé, pour présenter l’amendement n° 164 rectifié.
M. Franck Montaugé. L’article 6 prévoit la possibilité pour l’autorité administrative, en cas d’exploitation illégale d’un site, qu’il soit ou non ICPE, de prononcer, en plus de la mise en demeure, des éventuelles mesures conservatoires et d’astreinte journalière déjà prévues, une amende dont le montant est plafonné à 15 000 euros.
Il est précisé que l’amende est proportionnée à la gravité des manquements constatés et tient compte, notamment, de l’importance de la dégradation de l’environnement. Nous vous proposons de porter ce plafond de l’amende administrative de 15 000 euros à 45 000 euros. À l’origine, nous avions opté pour 100 000 euros, mais il nous a semblé que c’était un peu trop haut. Le plafond de 45 000 euros donne suffisamment de latitude pour proportionner les sanctions aux atteintes à l’environnement.
Mme le président. La parole est à M. le ministre délégué, pour présenter l’amendement n° 310.
M. Roland Lescure, ministre délégué. Je veux profiter de la défense de cet amendement, identique au précédent, pour rappeler les objectifs de cet article 6, sur lequel nous avons quelques divergences d’appréciation avec la commission. Cette intervention générale permettra ensuite d’exposer rapidement les avis sur les amendements des uns et des autres.
Le premier objectif est de faire payer les pollueurs. Le second est de faire en sorte que l’État et les collectivités ne paient pas toute la mise en sécurité et la réhabilitation. De fait, aujourd’hui, malgré un dispositif dit « des garanties », lequel ne marche pas, c’est bel et bien le cas. Nous posons un acte politique fort en créant la créance envers la planète pour les entreprises. Il s’agira d’une créance privilégiée qui va passer – c’est vous dire si Bercy lui donne de l’importance ! – avant même les créances fiscales. Nous sanctionnons ceux qui ne respectent pas les règles, en exploitant par exemple des sites de manière illicite, et nous supprimons les garanties.
Je le répète, et nous ne serons peut-être pas tous d’accord, ces garanties ne fonctionnent pas.
Sachez qu’aujourd’hui 20 millions d’euros « montent » vers les compagnies d’assurances – que nous aimons tous, les uns et les autres – et 20 millions d’euros « descendent » de l’État, sans qu’il y ait de lien entre les deux flux, pour sécuriser des sites.
Pour résumer, nous introduisons la créance, que nous sécurisons, et nous consignons des sommes pour anticiper le non-respect des mesures conservatoires en cas d’exploitation illégale.
Cet article 6 est un élément dispensable de ce projet de loi.
Mme le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Laurent Somon, rapporteur. Ces deux amendements ont pour objet d’augmenter le plafond de l’amende en cas d’exploitation illégale d’ICPE.
Le montant de 15 000 euros a été fixé par parallélisme avec celui qui est fixé à l’article L. 171-8 du code de l’environnement pour les manquements des entreprises à leurs obligations au titre du code de l’environnement.
Il nous a été présenté par l’administration comme suffisant, dans la mesure où les exploitations illégales sont souvent, par nature, de petites exploitations, mais nous n’avons aucune objection à relever le plafond, dans la mesure où le montant de l’amende est proportionné à la gravité des manquements constatés.
Aussi, nous émettons un avis de sagesse sur ces deux amendements.
Mme le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Roland Lescure, ministre délégué. Nous prévoyons également des astreintes, ce qui est un peu plus « mordant ».
Mme le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 164 rectifié et 310.
(Les amendements sont adoptés.)
Mme le président. L’amendement n° 311, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Alinéa 17
Rétablir cet alinéa dans la rédaction suivante :
3° Au premier alinéa de l’article L. 516-1, les mots : « installations définies par décret en Conseil d’État présentant des risques importants de pollution ou d’accident » sont remplacés par les mots : « installations mentionnées aux articles L. 515-36 et L. 229-32 » ;
La parole est à M. le ministre délégué.
M. Roland Lescure, ministre délégué. J’ai parlé de ce point lors mon propos liminaire sur l’article 6. Nous souhaitons supprimer les garanties, qui sont aujourd’hui inopérantes. Certes, cela rapporte 20 millions d’euros aux assureurs – tant mieux pour eux ! –, mais cela coûte 20 millions d’euros par an aux industriels, y compris les plus disposés à dépolluer leurs sites. Je suggère de revenir à la rédaction initiale, qui supprimait ces garanties, inefficaces et coûteuses, donc à rebours des objectifs de ce texte.
Mme le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Laurent Somon, rapporteur. Nous sommes, comme vous, sensibles à l’argument de la compétitivité des entreprises, ainsi qu’à celui de la surtransposition des règles concernant les garanties financières, qui gêne nos entreprises par rapport à leurs concurrents européens.
La commission mixte paritaire sur ce projet de loi devrait se réunir cet automne. Le budget aura été présenté, et nous verrons alors si les efforts financiers consentis par l’État sont à la hauteur des besoins des collectivités pour supporter ces coûts.
En attendant, l’avis est défavorable sur cet amendement qui vise à rétablir les dispositions initiales du texte.
Mme le président. Je mets aux voix l’article 6, modifié.
(L’article 6 est adopté.)
Article 6 bis (nouveau)
Au d du 2° du II de l’article L. 122-3 du code de l’environnement, après les mots : « caractéristiques spécifiques, », sont insérés les mots : « ainsi qu’une analyse des solutions envisagées pour réduire la consommation d’espace au sol, ».
Mme le président. L’amendement n° 313, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. le ministre délégué.
M. Roland Lescure, ministre délégué. Il s’agit de supprimer une disposition visant à ajouter une analyse des solutions en matière de consommation foncière, qui est déjà prévue dans les études d’impact visées à l’article L. 122-3 du code de l’environnement. Comme il est redondant, je suggère de supprimer cet article.
Mme le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Laurent Somon, rapporteur. La commission a adopté un amendement tendant à insérer un article additionnel présenté par notre collègue Franck Montaugé, qui précise que, dans le cadre de l’évaluation environnementale, le porteur de projet doit analyser les solutions envisagées pour réduire la consommation d’espace au sol. Il semble en effet de bonne politique d’inviter les industriels, sans les y contraindre, à systématiquement réfléchir à des modèles de consommation de l’espace plus sobres.
L’administration nous assure que ce souhait est déjà satisfait par les dispositions du code de l’environnement, et que c’est bien dans ce sens que doivent s’entendre les dispositions du f) du 2° du II de l’article 122-3.
Je ne ferai aucun commentaire sur la clarté de cet article assez touffu. Pour ne pas ajouter de la complexité, et avec l’accord de l’auteur de l’amendement initial, je vous propose de faire droit à la demande de suppression du Gouvernement. Avis favorable.
Mme le président. En conséquence, l’article 6 bis est supprimé.
Article 7
Le chapitre III du titre VI du livre Ier du code de l’environnement est ainsi modifié :
1° L’intitulé est ainsi rédigé : « Restauration, renaturation et compensation des atteintes à la biodiversité » ;
2° Au début, est ajoutée une section 1 ainsi rédigée :
« Section 1
« Sites naturels de restauration et de renaturation
« Art. L. 163-1-A. – I. – Des opérations de restauration ou de développement d’éléments de biodiversité peuvent être mises en place par des personnes publiques ou privées sur des sites dénommés “sites naturels de restauration et de renaturation”.
« Elles donnent lieu à la délivrance d’unités de restauration ou de renaturation.
« Les sites naturels de restauration et de renaturation font l’objet d’un agrément préalable de l’autorité administrative compétente, selon des modalités définies par décret, en prenant notamment en compte le gain écologique attendu, l’intégration du site dans les continuités écologiques mentionnées au titre VII du livre III, sa superficie et les pressions anthropiques s’exerçant sur celui-ci.
« II. – Toute personne soumise à une obligation de mettre en œuvre des mesures de compensation des atteintes à la biodiversité définies au I de l’article L. 163-1 peut y satisfaire de manière anticipée par l’acquisition d’unités de restauration ou de renaturation, dans le respect des principes définis au même I. Les unités de restauration ou de renaturation ainsi acquises peuvent être revendues à toute autre personne publique ou privée. » ;
3° Après l’article L. 163-1-A, est insérée une section 2 intitulée : « Compensation des atteintes à la biodiversité » et comprenant les articles L. 163-1 à L. 163-5 ;
4° Après la troisième occurrence du mot : « soit », la fin de la première phrase du II de l’article L. 163-1 est ainsi rédigée : « en acquérant des unités de restauration ou de renaturation dans le cadre d’un site naturel de restauration et de renaturation défini à l’article L. 163-1-A. » ;
5° L’article L. 163-3 est abrogé ;
6° Au deuxième alinéa de l’article L. 163-4, les mots : « de compensation dans le cadre d’un site naturel de compensation dont les caractéristiques, définies dans son agrément, » sont remplacés par les mots : « de restauration ou de renaturation dans le cadre d’un site naturel de restauration et de renaturation, dans les conditions prévues au II de l’article L. 163-1 qui ».
Mme le président. Je suis saisie de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 291, présenté par MM. Buis et Patriat, Mme Schillinger, MM. Marchand et Lemoyne, Mme Havet, MM. Dagbert, Rambaud, Rohfritsch et Patient, Mme Phinera-Horth, M. Bargeton, Mme Cazebonne, M. Dennemont, Mme Duranton, MM. Gattolin, Hassani, Haye, Iacovelli, Kulimoetoke, Lévrier, Mohamed Soilihi, Richard, Théophile et les membres du groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants, est ainsi libellé :
Alinéas 5, 6, 8, 11 et 13
Remplacer les mots :
de restauration et de renaturation
par les mots :
de compensation, de restauration et de renaturation
La parole est à M. Bernard Buis.
M. Bernard Buis. Il s’agit d’un amendement de clarification. Il nous apparaît important de nous assurer de la continuité de la compensation dans le passage des sites naturels de compensation aux sites naturels de restauration et de renaturation (SNRR).
Mme le président. L’amendement n° 231 rectifié, présenté par Mmes Loisier et Vermeillet, MM. Bonneau, Savary, de Nicolaÿ et Henno, Mmes Billon et Vérien, MM. Canévet, J.M. Arnaud, Le Nay, L. Hervé et Duffourg, Mme Morin-Desailly et MM. Lafon et Folliot, est ainsi libellé :
I. – Alinéas 6 et 8
Remplacer les mots :
sites naturels de restauration et de renaturation
par les mots :
sites de restauration de la nature
II. – Alinéa 11
Remplacer les mots :
site naturel de restauration et de renaturation
par les mots :
site de restauration de la nature
La parole est à M. Michel Canévet.
M. Michel Canévet. C’est un amendement de même nature, mais qui vise à simplifier encore plus l’appellation des sites naturels de restauration et de renaturation. Ces deux concepts étant à nos yeux quasiment similaires, nous proposons d’introduire l’appellation « site de restauration de la nature ».
Mme le président. Quel est l’avis de la commission de l’aménagement du territoire ?
M. Fabien Genet, rapporteur pour avis. Tenant compte de l’avis du Conseil national de la transition écologique (CNTE), qui s’est inquiété d’une confusion possible entre la compensation et la restauration, la commission a souhaité distinguer plus clairement les SNRR des mesures de compensation des atteintes à la biodiversité par la création de deux sections distinctes au sein du code de l’environnement. L’amendement n° 291 me semble aller dans le sens inverse, puisque son adoption conduirait à renommer les sites créés par le projet de loi « sites de compensation, de restauration et de renaturation ». L’avis est donc défavorable.
Par ailleurs, la restauration écologique peut être définie comme une action mise en œuvre sur un milieu dégradé pour faire évoluer le milieu vers un état plus favorable à son fonctionnement ou à sa biodiversité. La renaturation se définit quant à elle comme un ensemble d’actions d’amélioration de la fonctionnalité d’un sol, ayant pour effet de transformer un sol artificialisé en un seul non artificialisé. C’est ainsi une forme incomplète de restauration ne portant que sur le sol.
L’adoption de l’amendement n° 231 rectifié, qui vise à supprimer la notion de renaturation, conduirait donc à réduire le champ des sites prévus à l’article 7. Telle n’est pas l’intention du projet de loi, qui prévoit d’appliquer le dispositif des SNRR à d’autres situations que les mesures compensatoires au titre de la séquence « éviter, réduire, compenser ». Les SNRR pourraient par exemple contribuer à l’atteinte de l’objectif de zéro artificialisation nette à l’horizon 2050 par de la renaturation de sol. L’avis est également défavorable.
Mme le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Roland Lescure, ministre délégué. L’amendement n° 291 nous semblait apporter une précision bienvenue, même si j’entends les objections de M. Genet sur l’ajout de la compensation. L’avis est favorable.
En revanche, nous sommes défavorables à l’amendement n° 231 rectifié, pour les mêmes raisons que M. le rapporteur pour avis.
Mme le président. L’amendement n° 66, présenté par MM. Fernique, Salmon, Breuiller, Benarroche, Dantec, Dossus, Gontard et Labbé, Mme de Marco, M. Parigi et Mmes Poncet Monge et M. Vogel, est ainsi libellé :
I.- Alinéa 6
Remplacer les mots :
restauration ou
par le mot :
restauration et
II.- Alinéa 8
Remplacer le mot :
attendu
par les mots :
précisément obtenu
Monsieur Fernique, acceptez-vous de présenter en même temps l’amendement n° 206, qui vient juste après ?
M. Jacques Fernique. Oui, d’autant que ces deux amendements se basent sur l’avis du Conseil national de protection de la nature (CNPN).
Mme le président. J’appelle donc également en discussion l’amendement n° 206, présenté par MM. Fernique, Salmon, Breuiller, Benarroche, Dantec, Dossus, Gontard et Labbé, Mme de Marco, M. Parigi et Mmes Poncet Monge et M. Vogel, et ainsi libellé :
Alinéa 6
Supprimer les mots :
publiques ou
Veuillez poursuivre, mon cher collègue.
M. Jacques Fernique. Malgré la complexité et le peu de recul sur les sites naturels de compensation, qui ont été créés récemment, la suppression de ce dispositif au profit de sites naturels de restauration et de renaturation nous laisse sceptiques. En quoi l’alternative proposée avec ces SNRR répond-elle aux complexités évoquées par les porteurs de projet, qui sont très rares, avec les sites naturels de compensation (SNC) ?
Le nouveau dispositif est fondé sur la simple hypothèse d’un gain attendu, mais qui n’est pas nécessairement écologiquement équivalent à l’environnement détruit. En d’autres termes, ce texte maintient une simple obligation de moyens pour ces sites. Cette mesure n’est pas raisonnable. Si l’on veut garantir des compensations écologiques suffisantes et efficaces, on ne peut se limiter à une simple hypothèse. Nous proposons donc de maintenir l’obligation de résultat, telle qu’elle est prévue dans le droit en vigueur. Nous demandons enfin que les actions de compensation soient cumulatives plutôt qu’alternatives, c’est-à-dire que les porteurs de projet assurent des actions non seulement de compensation, mais également de développement de la biodiversité, ce qui est par nature complémentaire. Tel est l’objet de l’amendement n° 66.
Le CNPN considère que ces opérations de restauration dites « volontaires » ne doivent concerner que le secteur privé. Étendre aux acteurs publics cette possibilité de réaliser des SNRR éligibles à la vente d’unités de restauration risquerait de concurrencer des mécanismes déjà existants et insuffisamment mis en application par les personnes publiques. Nous pensons ici au financement des actions de restauration prévues par les documents d’objectifs Natura 2000 ou dans le cadre de la mise en œuvre des directives européennes sur l’eau et les milieux marins. Concentrons-nous sur l’existant plutôt que de multiplier les possibilités restées finalement sans suite. Tel est l’objet de l’amendement n° 206.
Mme le président. Quel est l’avis de la commission de l’aménagement du territoire sur ces deux amendements ?
M. Fabien Genet, rapporteur pour avis. L’article 7 prévoit de fonder l’agrément des sites naturels de restauration et de renaturation sur le gain écologique attendu par les travaux de renaturation-restauration, et non sur le gain précisément obtenu, comme dans le dispositif actuel. Ce changement découle d’un constat : le régime juridique des sites naturels de compensation a, à ce jour, été très peu appliqué. Une des raisons avancées est que la démarche d’agrément est perçue comme complexe techniquement, en particulier parce qu’elle nécessite à l’heure actuelle de préciser les gains écologiques théoriques qui seront obtenus à l’issue des opérations de restauration, alors même qu’elles ne sont pas engagées. Je ne suis donc pas favorable à cet amendement, qui revient sur un apport du projet de loi susceptible de rendre plus facile l’utilisation de ce dispositif.
Par ailleurs, je pense que l’inquiétude soulevée par les auteurs de l’amendement n° 66 peut en partie être levée par la rédaction issue des excellents travaux de notre excellente commission… Nous avons en effet prévu que les SNRR puissent être utilisés au titre de la compensation des atteintes à la biodiversité, dans le respect des principes fixés au I de l’article L. 163-1 du code de l’environnement. Or, parmi ces grands principes, on retrouve l’obligation de résultat. Quand ils seront utilisés pour compenser des atteintes à la biodiversité, les SNRR auront donc une obligation d’atteindre le gain écologique visé lors de leur conception.
Tout cela est très technique, mais, comme vous êtes tous d’excellents juristes dans cette assemblée, j’imagine que vous aurez tout compris… Pour ces raisons, je donne un avis défavorable sur l’amendement n° 66.
L’amendement n° 206 vise quant à lui à supprimer la possibilité pour les personnes publiques de réaliser des SNRR. Pourquoi les en empêcher ? Il ne semble pas pertinent de brider les initiatives qui peuvent émerger. L’avis est également défavorable.
Mme le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Roland Lescure, ministre délégué. Même avis sur les deux amendements. J’ajoute que le fait d’interdire aux personnes publiques d’utiliser cette possibilité concernerait notamment les ports, qui sont des opérateurs industriels très importants.
Mme le président. L’amendement n° 312, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 7
Remplacer les mots :
la délivrance
par les mots :
l’identification
II. – Après l’alinéa 8
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Les personnes qui les mettent en œuvre peuvent vendre des unités de restauration ou de renaturation à toute autre personne publique ou privée.
III. – Alinéa 9, seconde phrase
Supprimer cette phrase.
La parole est à M. le ministre délégué.
M. Roland Lescure, ministre délégué. Il s’agit de corriger certaines dispositions introduites par le rapporteur afin de rendre le texte de la commission tout à fait opérationnel et de le purger de quelques risques juridiques, notamment au regard du droit européen. C’est en quelque sorte un amendement de coordination.
Mme le président. Quel est l’avis de la commission de l’aménagement du territoire ?
M. Fabien Genet, rapporteur pour avis. Comment ne pas saluer ce travail de coconstruction ?… Si je comprends bien, vous validez la réécriture que la commission a faite de ce dispositif. Vous souhaitez juste apporter quelques améliorations, que nous accueillons très favorablement.
Mme le président. L’amendement n° 232 rectifié bis, présenté par Mmes Loisier et Vermeillet, MM. Bonneau, Savary, de Nicolaÿ et Henno, Mmes Billon et Vérien, MM. Canévet, J.M. Arnaud, Le Nay, L. Hervé et Duffourg, Mme Morin-Desailly, MM. Lafon et Folliot, Mme Férat, M. Détraigne et Mme Pluchet, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 8
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
Les sites de restauration et de renaturation peuvent donner lieu à l’attribution de crédits carbone au titre du label “Bas-Carbone” sous réserve de respecter les principes fixés à l’article L. 229-55.
La parole est à M. Michel Canévet.
M. Michel Canévet. Madame la présidente, si vous le permettez, je présenterai également les deux amendements suivants, tous trois ayant été rédigés par Anne-Catherine Loisier.
Mme le président. J’appelle donc également en discussion les deux amendements suivants.
L’amendement n° 233 rectifié, présenté par Mmes Loisier et Vermeillet, MM. Bonneau, Savary, de Nicolaÿ et Henno, Mmes Billon et Vérien, MM. Canévet, J.M. Arnaud, Le Nay, L. Hervé et Duffourg, Mme Morin-Desailly, MM. Lafon et Folliot et Mme Férat, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 8
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Les sites de restauration de la nature ont vocation à développer les services écosystémiques, et participent à la réalisation des politiques publiques de conservation de la nature et d’adaptation au changement climatique.
L’amendement n° 230 rectifié, présenté par Mmes Loisier et Vermeillet, MM. Bonneau, Savary, de Nicolaÿ et Henno, Mmes Billon et Vérien, MM. Canévet, J.M. Arnaud, Le Nay, L. Hervé et Duffourg, Mme Morin-Desailly, MM. Lafon, Folliot et Chasseing, Mme Férat, M. Détraigne et Mmes de La Provôté et Pluchet, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 11
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
…° Au III de l’article L. 163-1, après le mot : « biodiversité », sont insérés les mots : « ou des émissions de carbone » ;
Veuillez poursuivre, mon cher collègue.
M. Michel Canévet. L’amendement n° 232 rectifié bis vise à articuler le label bas-carbone avec la notion de site naturel de restauration et de renaturation.
Avec l’amendement n° 233 rectifié, il s’agit de considérer que ces SNRR peuvent avoir vocation à développer les services écosystémiques et à encourager des politiques publiques de conservation de la nature.
L’amendement n° 230 rectifié tend à prévoir la possibilité d’intégrer la compensation des émissions de carbone à la compensation globale des atteintes à la biodiversité.
Mme le président. Quel est l’avis de la commission de l’aménagement du territoire ?
M. Fabien Genet, rapporteur pour avis. La multifonctionnalité des SNRR et l’ouverture à d’autres objectifs que la seule compensation au titre de la séquence « éviter, réduire, compenser » contribueront à l’équilibre financier des modèles économiques développés dans le cadre de ces sites. À cet égard, il nous semble donc intéressant de permettre aux SNRR de bénéficier du label bas-carbone au titre de la compensation carbone. C’est pourquoi nous donnons un avis favorable sur l’amendement n° 232 rectifié bis.
Il nous semble que l’amendement n° 233 rectifié comporte une imprécision source d’insécurité juridique. Ne pourrait-on pas déduire de cette rédaction, par une interprétation a contrario, que ce qu’il ne décrit pas ne peut pas être inclus dans les SNRR ? Dans l’affirmative, l’amendement aurait un effet contraire à l’objectif visé par ses auteurs. L’avis est défavorable.
Enfin, l’article L. 163-1 du code de l’environnement porte sur la compensation des atteintes à la biodiversité, et non pas sur la compensation des émissions de carbone. Ce sont deux sujets distincts, même s’il peut exister des synergies entre l’un et l’autre. C’est pourquoi nous donnons un avis défavorable sur l’amendement n° 230 rectifié.
Mme le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Roland Lescure, ministre délégué. Nous sommes d’accord avec le principe mis en avant par les auteurs de l’amendement n° 232 rectifié bis. Le Gouvernement est tout à fait favorable au fait de donner des crédits carbone aux SNRR à des fins de compensation. Néanmoins, comme cela relève du domaine réglementaire, je suggère qu’il soit retiré, faute de quoi l’avis sera défavorable.
Enfin, je suis d’accord avec le rapporteur s’agissant des deux amendements suivants : avis défavorable.
Mme le président. L’amendement n° 91 rectifié bis, présenté par MM. Gillé et Devinaz, Mme Préville, M. Montaugé, Mme Briquet, MM. Marie et J. Bigot, Mmes Bonnefoy et M. Filleul, MM. Houllegatte et Jacquin, Mmes Artigalas et Blatrix Contat, MM. Lurel, Mérillou, Redon-Sarrazy, Stanzione, Kanner et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
…. – Dans le cadre de leurs compétences concernant les espaces naturels sensibles, les départements produisent un rapport ayant pour but d’évaluer la qualité environnementale des sites de restauration et de renaturation.
La parole est à Mme Angèle Préville.
Mme Angèle Préville. C’est un amendement que je défends pour le compte de M. Gillé.
Il vise à rappeler le rôle important qu’occupent actuellement les départements dans le cadre de leurs compétences concernant les espaces naturels sensibles. Ceux-ci visent à préserver la qualité des sites, des paysages, des milieux et habitats naturels par la mise en place de politiques de protection, de gestion et d’ouverture au public. Ils s’inscrivent donc dans une logique durable et partagée des espaces naturels.
L’article 7 du présent projet de loi tend à créer, dans le cadre de la compensation environnementale, des sites clés en main dénommés sites naturels de restauration et de renaturation. L’objectif de cet amendement est de rappeler que les départements pourraient avoir un rôle de conseil et d’analyse dans la détermination de ces SNRR, compte tenu de l’expérience qu’ils ont acquise depuis près de quarante ans en matière de gestion des espaces naturels sensibles.
Mme le président. Quel est l’avis de la commission de l’aménagement du territoire ?
M. Fabien Genet, rapporteur pour avis. Nous sommes naturellement sensibles au rôle que les départements peuvent jouer en matière de protection de la biodiversité. À ce titre, il serait bon qu’ils soient informés par l’État du développement de ces SNRR, et, plus largement, de l’ensemble des projets de compensation des atteintes à la biodiversité qui pourraient être mis en œuvre sur leur territoire. Cela permettrait certainement de coordonner les politiques publiques au niveau départemental.
Pour autant, faut-il confier aux départements un rôle d’évaluation de la qualité environnementale des SNRR, alors même qu’ils ne sont pas parties prenantes à la procédure ? Je ne le pense pas. Cette responsabilité ferait peser une charge technique importante, peut-être même une charge financière, sur nos départements. Pour ces raisons, l’avis est défavorable.
Mme le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Roland Lescure, ministre délégué. Même avis. Je rappelle tout de même que les départements font partie des comités du suivi des dossiers instruits par les directions régionales de l’environnement, de l’aménagement et du logement (Dreal). Ils sont donc régulièrement informés.
Mme le président. Je mets aux voix l’amendement n° 91 rectifié bis.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Mme le président. Je mets aux voix l’article 7, modifié.
(L’article 7 est adopté.)
Après l’article 7
Mme le président. L’amendement n° 21 rectifié ter, présenté par M. Buis, Mmes Havet et Schillinger, MM. Marchand et Dennemont, Mme Duranton et MM. Dagbert et Mohamed Soilihi, est ainsi libellé :
Après l’article 7
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Au second alinéa du 2° du II de l’article L. 110-1 du code de l’environnement, les mots : « d’absence de perte nette de biodiversité, voire tendre vers un gain de biodiversité » sont remplacés par les mots et deux phrases ainsi rédigées : « de régénération du patrimoine commun de la nation générateur de services écosystémiques tel que défini en I. Les activités régénératrices contribuent à ce que le patrimoine commun de la nation génère davantage de services écosystémiques. Elles s’appuient sur une approche économique, sociale ou technologique qui favorise la résilience des écosystèmes ».
II. – Le I entre en vigueur le 1er janvier 2030.
La parole est à M. Bernard Buis.
M. Bernard Buis. Cet amendement de clarté vise à créer un nouveau principe qui accompagne la stratégie nationale bas-carbone, la stratégie nationale pour la biodiversité, le plan national santé environnement et la stratégie nationale de lutte contre la déforestation importée.
Il s’agit de donner du crédit aux activités régénératrices qui respectent ce principe.
Mme le président. Quel est l’avis de la commission de l’aménagement du territoire ?
M. Fabien Genet, rapporteur pour avis. Le principe d’action préventive et de correction des atteintes à l’environnement constitue un principe essentiel du droit de l’environnement, qu’il ne faut modifier que d’une main tremblante.
Or l’adoption de cet amendement conduirait à remettre en cause le fait que le principe d’action de prévention et de correction vise un objectif d’absence de perte nette de biodiversité ou tend vers un gain de biodiversité.
Par conséquent, j’y serai défavorable.
Mme le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Roland Lescure, ministre délégué. Comme celle du rapporteur pour avis, la main du Gouvernement tremble (Sourires.), raison pour laquelle il sollicite le retrait de cet amendement.
Mme le président. Monsieur Buis, l’amendement n° 21 rectifié ter est-il maintenu ?
M. Bernard Buis. Non, je le retire, madame la présidente.
Mme le président. L’amendement n° 21 rectifié ter est retiré.
L’amendement n° 250, présenté par Mme Varaillas, MM. Gay et Lahellec, Mme Brulin et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Après l’article 7
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le deuxième alinéa de l’article L. 163-1 du code de l’environnement est complété par une phrase ainsi rédigée : « Si l’autorité environnementale constate la possibilité de réduire ou d’éviter les atteintes par la réalisation d’un projet similaire sur un site alternatif, le projet n’est pas autorisé en l’état. »
La parole est à Mme Marie-Claude Varaillas.
Mme Marie-Claude Varaillas. Notre amendement s’appuie sur une disposition du code de l’environnement qui permet de ne pas autoriser un projet dont le porteur n’a pas évité, réduit ou suffisamment compensé l’impact environnemental.
Plutôt que d’éviter ou de réduire, il est toujours plus simple de compenser en plantant des arbres ici ou là ou en défrichant un espace qui sera, plus tard, utilisé par un autre porteur, lequel compensera à son tour, et ainsi de suite…
Ce projet de loi porte d’ailleurs l’ambition de proposer des compensations clefs en main en son article 7, dont nous venons de débattre.
Par cet amendement, nous proposons d’être un peu plus regardants sur les projets qui auraient une incidence environnementale forte en permettant à l’autorité environnementale d’indiquer qu’un site alternatif plus vertueux écologiquement est disponible et qu’il est donc possible d’éviter ou de réduire l’incidence environnementale dudit projet avant de passer directement à la compensation.
Le porteur, auquel cette proposition d’implantation alternative sera présentée, pourra ainsi démontrer toute sa volonté de participer au verdissement de nos aménagements et de notre industrie, conformément à l’intitulé du projet de loi.
Mme le président. Quel est l’avis de la commission de l’aménagement du territoire ?
M. Fabien Genet, rapporteur pour avis. Selon la séquence « éviter, réduire, compenser », consacrée par l’article L. 110-1 du code de l’environnement, la compensation des atteintes à la biodiversité ne doit intervenir qu’en dernier recours, après les mesures d’évitement et de réduction.
Le I de l’article L. 163-1 du code de l’environnement précise par ailleurs, que, si les atteintes liées à un projet « ne peuvent être ni évitées, ni réduites, ni compensées de façon satisfaisante, celui-ci n’est pas autorisé en l’état. »
Cet amendement me semble pleinement satisfait par le droit en vigueur : avis défavorable.
Mme le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme le président. Je suis saisie de trois amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
Les deux premiers sont identiques.
L’amendement n° 1 rectifié est présenté par MM. Salmon, Fernique, Breuiller, Benarroche et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Gontard, Labbé et Parigi et Mmes Poncet Monge et M. Vogel.
L’amendement n° 92 rectifié ter est présenté par Mmes Préville et Briquet, MM. Montaugé, Marie et J. Bigot, Mme Bonnefoy, M. Devinaz, Mme M. Filleul, MM. Gillé, Houllegatte, Jacquin, Cozic et Éblé, Mme Espagnac, MM. Féraud, Jeansannetas, P. Joly, Lurel et Raynal, Mmes Artigalas et Blatrix Contat, M. Mérillou, Mme Monier, MM. Redon-Sarrazy, Stanzione, Kanner et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.
Tous deux sont ainsi libellés :
I. – Après l’article 7
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Les grandes entreprises et les entreprises de taille intermédiaire mentionnées à l’article 51 de la loi n° 2008-776 du 4 août 2008 de modernisation de l’économie et qui bénéficient, pour leurs projets industriels, des dispositifs prévus dans la présente loi ou dans la stratégie de réindustrialisation verte du pays rendent publics leurs engagements et actions concourant à la réduction de l’impact de leur entreprise sur la biodiversité.
Dans un délai de trois mois à compter de la promulgation de la présente loi, un décret conjoint du ministre chargé de l’économie et du ministre chargé de l’environnement fixe les conditions et les modalités de présentation de ces stratégies biodiversité des entreprises concernées, le rythme de leurs mises à jour, et vise à la cohérence et à la complémentarité avec les dispositifs en application de la directive (UE) 2022/2464 du Parlement européen et du Conseil du 14 décembre 2022 modifiant le règlement (UE) 537/2014 et les directives 2004/109/CE, 2006/43/CE et 2013/34/UE en ce qui concerne la publication d’informations en matière de durabilité par les entreprises.
L’autorité administrative sanctionne financièrement les entreprises concernées qui ne respectent pas les obligations de publication prévues par le présent article dans des conditions fixées par décret en Conseil d’État.
II. – En conséquence, faire précéder cet article d’une division additionnelle et de son intitulé ainsi rédigés :
Chapitre …
Favoriser le respect de la biodiversité
La parole est à M. Daniel Salmon, pour présenter l’amendement n° 1 rectifié.
M. Daniel Salmon. Comme l’a souligné Bruno Le Maire, la diminution de l’impact environnemental de l’économie doit non pas se limiter aux enjeux climatiques, mais intégrer également ceux de la biodiversité. Une fois n’est pas coutume, nous partageons ce point de vue !
Qu’il s’agisse de la pollinisation des cultures, de la fourniture de matières premières ou encore de l’attractivité touristique, les entreprises restent profondément dépendantes de la biodiversité et de ses services.
La préservation de cette ressource essentielle doit être considérée par l’industrie non pas comme une contrainte, mais bien comme un atout.
Le présent amendement tend à ce que les entreprises qui bénéficieront des dispositifs et des soutiens financiers prévus dans ce projet de loi et, plus globalement, dans la stratégie Industrie verte, puissent rendre publics leurs engagements et actions concourant à la réduction de l’impact de leurs projets industriels sur la biodiversité.
Il traduit, en ce sens, le point 38 de l’avis du Conseil national de la transition écologique sur ce texte.
Il ne s’agit en rien d’une surtransposition : cette mesure ne concerne que les entreprises qui bénéficieront des dispositifs de ce texte et des aides publiques concernées. Il est d’ailleurs tout à l’avantage de ces entreprises de communiquer sur ce qu’elles font en faveur de la préservation du climat et de la biodiversité.
Mme le président. La parole est à Mme Angèle Préville, pour présenter l’amendement n° 92 rectifié ter.
Mme Angèle Préville. Cet amendement vise à inclure la prise en compte de la biodiversité dans les critères d’éligibilité des industries françaises au sein de la stratégie Industrie verte.
Depuis plusieurs années, les sénateurs de mon groupe militent pour l’application d’un principe général de conditionnalité des aides publiques dans un contexte de raréfaction de l’argent public. Lors de l’examen de chaque projet de loi de finances, nous faisons des propositions dans ce sens, malheureusement sans être entendus.
Le présent projet de loi présente un écueil majeur en ce qu’il ne définit pas ce qu’il faut entendre par « industrie verte », ce qui n’est pas sans soulever de nombreuses questions.
Par le présent amendement, sur lequel nous avons travaillé avec la Ligue pour la protection des oiseaux (LPO) et en lien avec nos collègues du groupe Écologiste – Solidarité et Territoires, nous proposons que les entreprises bénéficiant des dispositifs et des soutiens financiers prévus dans le projet de loi et, plus globalement, dans la stratégie Industrie verte, puissent rendre publics leurs engagements et leurs actions concourant à la réduction de l’impact de leur projet industriel sur la biodiversité.
Mme le président. L’amendement n° 104 rectifié, présenté par Mmes Muller-Bronn, Noël, Chain-Larché et F. Gerbaud, M. Bouchet, Mmes Dumont, Belrhiti, Joseph et Ventalon, M. Mandelli, Mme Garriaud-Maylam, MM. Pellevat, B. Fournier et Cambon, Mme Demas et MM. Charon et Reichardt, est ainsi libellé :
Après l’article 7
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Les grandes entreprises et les entreprises de taille intermédiaire, telles qu’elles sont définies à l’article 3 du décret n° 2008-1354 du 18 décembre 2008, et qui bénéficient, pour leurs projets industriels, des dispositifs prévus dans la présente loi ou dans la stratégie de réindustrialisation verte du pays, rendent publics leurs actions et leurs objectifs de réduction de leur impact sur la biodiversité.
La parole est à M. Didier Mandelli.
M. Didier Mandelli. Cet amendement s’inscrit dans le droit fil des deux amendements qui viennent d’être présentés.
Je plaide depuis longtemps pour l’écoconditionnalité des aides. Il me paraît intéressant, dans le cadre de ce projet de loi, de flécher l’obligation faite aux grandes entreprises d’intégrer les enjeux de biodiversité.
J’ai bien conscience de l’avis que la commission émettra sur cet amendement, mais je pense qu’il s’agit d’une question importante.
Certes, les entreprises engagent d’ores et déjà des démarches RSE (responsabilité sociétale des entreprises) et sont soumises à un certain nombre d’obligations. Toutefois, cet amendement de ma collègue Laurence Muller-Bronn a pour objet d’alerter et de mettre l’accent, dans le présent texte, sur les enjeux de biodiversité.
Mme le président. Quel est l’avis de la commission de l’aménagement du territoire ?
M. Fabien Genet, rapporteur pour avis. Nous partageons l’intention des auteurs d’assurer une reddition des comptes de la part des entreprises bénéficiant des dispositifs créés par le projet de loi Industrie verte ou par la stratégie de réindustrialisation verte du pays.
Malheureusement, les dispositions de cet amendement nous semblent quelque peu inapplicables en l’état, dans la mesure où il est juridiquement compliqué d’identifier les entreprises bénéficiant des dispositifs prévus dans le présent texte ou dans la stratégie que je viens d’évoquer.
Cela renvoie au débat que nous avons depuis le début de l’examen du projet de loi sur la définition même de l’industrie verte, dont le champ est très large : avis défavorable sur ces trois amendements.
Mme le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Roland Lescure, ministre délégué. J’entends les préventions du rapporteur pour avis.
Cela étant, j’émets un avis favorable sur ces amendements, dont l’adoption, au fond, ne ferait qu’accélérer l’application des dispositions de la directive sur la publication d’informations en matière de durabilité par les entreprises, prévue pour toutes les entreprises de plus de 250 salariés dès 2026.
Mme le président. La parole est à M. Daniel Salmon, pour explication de vote.
M. Daniel Salmon. J’ai oublié de préciser que cet amendement a été travaillé par le Mouvement des entreprises de France (Medef) et la Ligue pour la protection des oiseaux, organismes qui n’ont pas pour habitude de travailler conjointement. Peut-être cet argument fera-t-il pencher la balance du bon côté… (Sourires.)
De fait, les entreprises ont tout intérêt à rendre public ce qu’elles font en faveur de la biodiversité et du climat.
Mme le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 1 rectifié et 92 rectifié ter.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
Mme le président. Mes chers collègues, je vais lever la séance.
Nous avons examiné 96 amendements au cours de la journée. Il en reste 139 à examiner sur ce texte.
La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.
8
Ordre du jour
Mme le président. Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée à aujourd’hui, jeudi 22 juin 2023 :
À dix heures trente :
Suite du projet de loi relatif à l’industrie verte (procédure accélérée ; texte de la commission n° 737, 2022-2023) ;
À quatorze heures trente et le soir :
Nouvelle lecture de la proposition de loi maintenant provisoirement un dispositif de plafonnement de revalorisation de la variation annuelle des indices locatifs (texte n° 755, 2022-2023) ;
Suite du projet de loi relatif à l’industrie verte (procédure accélérée ; texte de la commission n° 737, 2022-2023).
Personne ne demande la parole ?…
La séance est levée.
(La séance est levée le jeudi 22 juin 2023, à une heure cinq.)
nomination de membres des deux éventuelles commissions mixtes paritaires et d’une commission mixte paritaire
La liste des candidats désignés par la commission des finances pour faire partie l’éventuelle commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi ratifiant les ordonnances relatives à la partie législative du livre VII du code monétaire et financier et portant diverses dispositions relatives à l’outre-mer a été publiée conformément à l’article 8 quater du règlement.
Aucune opposition ne s’étant manifestée dans le délai d’une heure prévu par l’article 8 quater du règlement, cette liste est ratifiée. Les représentants du Sénat à cette éventuelle commission mixte paritaire sont :
Titulaires : MM. Claude Raynal, Hervé Maurey, Jean-François Husson, Albéric de Montgolfier, Jérôme Bascher, Thierry Cozic et Alain Richard ;
Suppléants : M. Stéphane Sautarel, Mme Christine Lavarde, MM. Arnaud Bazin, Michel Canévet, Rémi Féraud, Jean-Claude Requier et Pascal Savoldelli.
La liste des candidats désignés par la commission des finances pour faire partie de l’éventuelle commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion de la proposition de loi visant à renforcer l’accès des femmes aux responsabilités dans la fonction publique a été publiée conformément à l’article 8 quater du règlement.
Aucune opposition ne s’étant manifestée dans le délai d’une heure prévu par l’article 8 quater du règlement, cette liste est ratifiée. Les représentants du Sénat à cette éventuelle commission mixte paritaire sont :
Titulaires : MM. Claude Raynal, Albéric de Montgolfier, Jean-François Husson, François-Noël Buffet, Michel Canévet, Thierry Cozic et Alain Richard ;
Suppléants : MM. Jérôme Bascher, Stéphane Sautarel, Mmes Agnès Canayer, Sylvie Vermeillet, MM. Rémi Féraud, Christian Bilhac et Pascal Savoldelli.
La liste des candidats désignés par la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale pour faire partie de la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi visant à donner à la douane les moyens de faire face aux nouvelles menaces a été publiée conformément à l’article 8 quater du règlement.
Aucune opposition ne s’étant manifestée dans le délai d’une heure prévu par l’article 8 quater du règlement, cette liste est ratifiée. Les représentants du Sénat à cette commission mixte paritaire sont :
Titulaires : M. François-Noël Buffet, Mmes Françoise Dumont, Catherine Di Folco, Dominique Vérien, Martine Filleul, MM. Didier Marie et Thani Mohamed Soilihi ;
Suppléants : Mmes Muriel Jourda, Agnès Canayer, Marie Mercier, Annick Billon, MM. Hussein Bourgi, Jean-Yves Roux et Mme Cécile Cukierman.
Pour le Directeur des comptes rendus du Sénat,
le Chef de publication
FRANÇOIS WICKER