Mme Cécile Cukierman. J’ai dit que vous l’aviez négligé, pas qu’il n’y en a pas eu !
M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. Permettez-moi de vous donner un exemple très précis. Dans son rapport, le comité des États généraux préconisait la création d’une agence de probation. Les organisations syndicales nous ayant dit qu’elles n’en voulaient pas et nous ayant expliqué pourquoi, nous n’avons pas retenu cette mesure.
Nous n’avons pas non plus retenu certaines autres préconisations figurant dans le rapport, car elles auraient nécessité une réforme constitutionnelle. Je pense notamment à la modification en profondeur du Conseil supérieur de la magistrature ou encore à la question de l’indépendance du parquet. Il n’était pas concevable de traiter ces sujets dans le cadre des présents textes. Ce n’était pas possible.
Monsieur le sénateur Sueur, qu’a proposé le comité des États généraux de la justice sur la question de la surpopulation ?
M. Jean-Pierre Sueur. De la régulation !
M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. Il a proposé de définir pour chaque établissement pénitentiaire un seuil de criticité, tout en précisant qu’il ne peut s’agir d’un quota.
M. Jean-Pierre Sueur. Il ne faut pas être simpliste !
M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. Ne soyons pas caricaturaux non plus ! Laissez-moi développer mon propos, monsieur le sénateur.
Certains ont confondu quota et seuil de criticité.
L’instauration d’un quota conduirait à libérer des détenus une fois celui-ci dépassé. Pardon de vous le dire, mais je ne ferai jamais une telle chose !
Le dépassement d’un seuil de criticité entraînerait la réunion des différents acteurs de la chaîne pénale, ce qui se fait déjà.
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Mettez-le donc dans le texte !
M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. Ce n’est pas écrit dans le texte, mais cela se fait déjà, régulièrement et dans tous les ressorts. La direction de l’administration pénitentiaire (DAP) signale naturellement à l’autorité judiciaire lorsqu’elle rencontre des difficultés.
De mon côté, j’ai multiplié par deux le nombre de postes de travail d’intérêt général. Nous devons toutefois comprendre pourquoi les condamnations à des peines de travail d’intérêt général ont diminué de 15 %. Une difficulté existe ; nous devons absolument la résoudre. Dans toutes les circulaires que j’ai prises, j’ai encouragé le recours à cette peine en précisant, bien sûr, « chaque fois que cela est possible ».
Ensuite, madame la rapporteure, je ne suis pas d’accord avec vous sur la question des greffiers. Vous estimez que les greffiers ne sont pas intégrés dans l’équipe autour du magistrat. Or ils le sont de fait ! Rien ne se fait, en matière pénale ou civile, sans eux. Si j’avais inscrit dans la loi que les greffiers faisaient désormais partie de l’équipe autour du magistrat, on m’aurait opposé que la loi était bavarde, les greffiers étant présents de toute façon !
Voilà pourquoi nous n’estimons pas nécessaire de modifier le statut du greffier dans ce projet de loi. Pour autant, ce dernier fera partie de l’équipe autour du magistrat, au même titre que les juristes assistants, car il est absolument indispensable : il est le garant de l’authenticité de ce qui se dit et de ce qui se fait. Il est indispensable au bon fonctionnement de la justice.
Enfin, madame la rapporteure Vérien, vous proposez que les étudiants puissent continuer d’entrer à l’école de formation des avocats en master 1, à condition qu’ils soient titulaires d’un master 2 au moment de l’obtention du certificat d’aptitude à la profession d’avocat (Capa). Un tel assouplissement relève du niveau réglementaire, vous avez raison, et je suis tout à fait d’accord pour travailler sur votre proposition.
À ce stade, je me permettrai toutefois de vous appeler à la vigilance sur un point : nous devons conserver la finalité professionnalisante de la formation. Il faut ainsi éviter, par exemple, que le stage réalisé par un élève dans le cadre de son projet pédagogique individuel (PPI) ne soit détourné de son objet afin de lui permettre de poursuivre ses études universitaires en vue d’obtenir un master 2. Ce sera ma seule réserve.
La porte du ministère vous est ouverte ; parlons de votre proposition, à laquelle je ne suis pas opposé du tout.
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Et les violences faites aux femmes ?
M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. En ce qui concerne les violences faites aux femmes, puisque vous me suggérez d’en dire un mot, je considère que le travail accompli par la sénatrice Dominique Vérien et la députée Émilie Chandler est exceptionnel.
Mme Laurence Rossignol. Il s’agit de préconisations pour des mesures législatives, non d’un mémoire de master ! Qu’en faites-vous ?
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Pourquoi ne figurent-elles pas dans le texte ?
M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. Disons les choses calmement et simplement.
Nous avons effectué près de 400 auditions et plusieurs déplacements à l’étranger.
Je précise qu’un pôle spécialisé n’est pas uniquement un pôle de magistrats qui se contentent de papoter autour de la machine à café en sortant de leur bureau. C’est bien autre chose. La spécialisation, c’est aussi une formation commune.
L’un des mérites du rapport de Mmes Vérien et Chandler est de nous avoir permis d’observer les juridictions spécialisées en Espagne. Il se trouve qu’elles ne font pas que des heureux.
Pour le reste, nous serons prêts dès cet automne, le temps que les choses se mettent en place. Nous avons d’ores et déjà indiqué que nous retiendrons plusieurs préconisations du rapport, comme la création d’un pôle spécialisé évidemment, mais également le déploiement de bracelets anti-rapprochement de nouvelle génération, ainsi que la réduction à vingt-quatre heures du délai pour prononcer une ordonnance de protection.
Je rappelle, madame la sénatrice, même si je sais que cela ne vous aura pas échappé tant vous êtes attentive à ces questions, que ce délai est passé de quarante-sept jours à six jours et que nous allons l’abaisser à vingt-quatre heures. Une procédure exceptionnelle est prévue dans les cas d’urgence.
Pourquoi faut-il motiver la décision, ce que vous semblez contester ? Parce que le contradictoire, pendant une petite période, ne s’exercera pas. Or le contradictoire, c’est le b.a.-ba de notre justice.
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Pourquoi n’est-ce pas dans le texte ?
M. le président. La discussion générale commune est close.
Nous passons à la discussion, dans le texte de la commission, du projet de loi d’orientation et de programmation.
projet de loi d’orientation et de programmation du ministère de la justice 2023-2027
TITRE Ier
OBJECTIFS ET MOYENS DU MINISTÈRE DE LA JUSTICE
Article 1er
Le rapport définissant les orientations et la programmation des moyens du ministère de la justice pour la période 2023-2027, annexé à la présente loi, est approuvé.
Les crédits de paiement du ministère de la justice, hors charges de pensions, évolueront conformément au tableau suivant :
(En millions d’euros) |
||||||
CRÉDITS DE PAIEMENT hors compte d’affectation spéciale « Pensions » |
2022 (pour mémoire) |
2023 |
2024 |
2025 |
2026 |
2027 |
Budget du ministère de la justice, en millions d’euros |
8 862 |
9 579 |
10 081 |
10 681 |
10 691 |
10 748 |
Les créations nettes d’emplois du ministère de la justice s’élèveront à 9 395 équivalents temps plein, dont 1 500 magistrats, 1 800 greffiers et 600 conseillers de probation et d’insertion supplémentaires.
Le périmètre budgétaire concerné correspond à celui de la mission « Justice », qui regroupe les programmes « Justice judiciaire », « Administration pénitentiaire », « Protection judiciaire de la jeunesse », « Accès au droit et à la justice », « Conduite et pilotage de la politique de la justice » et « Conseil supérieur de la magistrature ».
M. le président. La parole est à Mme Esther Benbassa, sur l’article.
Mme Esther Benbassa. Monsieur le garde des sceaux, nous sommes tous conscients des difficultés et des défis auxquels notre système judiciaire est confronté.
L’article 1er du projet de loi d’orientation et de programmation du ministère de la justice 2023-2027 renforce le budget consacré à la justice pour le porter à près de 11 milliards d’euros d’ici à 2027. Cela mérite d’être souligné, notre système judiciaire, on le dit régulièrement, n’étant pas doté de moyens suffisants. Cela dit, si un budget important ne garantit pas nécessairement le succès d’une réforme, il lui ouvre tout de même la voie.
Aussi, cette trajectoire budgétaire est plutôt positive, en cela qu’elle permet de financer des créations nettes d’emplois.
L’article 1er prévoit le recrutement de 1 500 magistrats, de 1 800 greffiers et de 600 conseillers pénitentiaires de probation et d’insertion (CPIP) supplémentaires. Est-ce suffisant pour mettre fin à l’état de délabrement avancé de notre justice ?
En parallèle à l’augmentation des ressources budgétaires, un changement de philosophie doit s’opérer au sein de l’institution judiciaire. Il faut notamment reconnaître que nos magistrats souffrent terriblement au travail. Souvenons-nous ainsi de cette jeune magistrate, prénommée Charlotte, qui s’était suicidée à Béthune en août 2021. Cette dernière ne disposait pas même d’un bureau sur lequel travailler ! Les États généraux de la justice ont été organisés à la suite de cette tragédie. À mes yeux, cette réforme porte symboliquement son nom.
Si je salue l’augmentation sans précédent du budget de la justice, je vous demande, monsieur le garde des sceaux, de rester vigilant sur la répartition de ces ressources, afin qu’elles profitent aux différents programmes de la mission budgétaire. Les prisons en ont grandement besoin.
M. le président. L’amendement n° 268, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Alinéa 4
Remplacer les mots :
s’élèveront à 9 395 équivalents temps plein, dont 1 500 magistrats, 1 800 greffiers et 600 conseillers de probation et d’insertion supplémentaires
par les mots :
sont fixées à 10 000 équivalents temps plein d’ici 2027, dont 1 500 magistrats et 1 500 greffiers supplémentaires, y compris 605 équivalents temps plein recrutés en gestion 2022 au titre de la justice de proximité
La parole est à M. le garde des sceaux.
M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. Mesdames, messieurs les sénateurs, je vous demande de faire preuve de flexibilité et de souplesse : je souhaite que l’on supprime la référence aux 1 800 emplois de greffiers et aux 600 emplois de conseillers de probation et d’insertion.
En réalité, nos moyens, vous le savez, seront répartis finement, année après année, lors de la discussion budgétaire au Parlement. Cette répartition sera fonction, bien sûr, des besoins des métiers, de l’avancement des projets, des capacités de recrutement, de la formation et des écoles.
Les créations nettes d’emplois sur le quinquennat, qui s’étire de 2022 à 2027, s’établissent bien à 10 000 équivalents temps plein et non à 9 395. En effet, les 605 équivalents temps plein créés en 2022 l’ont été au début du second quinquennat et doivent donc bien être comptabilisés dans les 10 000 créations prévues.
Les 1 500 postes de magistrats et les 1 500 postes de greffiers correspondent aux préconisations des États généraux de la justice. Ces chiffres ne me sont pas venus à l’esprit un beau matin et n’ont pas été décidés au doigt mouillé. Ils ont fait l’objet de discussions avec l’écosystème judiciaire.
Si le besoin venait à se faire sentir, je serais bien sûr disposé à recruter davantage de greffiers. Je n’ignore rien du rôle qu’ils jouent dans les juridictions. Je le redis, ils feront partie de l’équipe autour du magistrat. Ils sont indispensables aussi pour l’accueil des justiciables.
De même, je suis parfaitement conscient de l’importance de la tâche des conseillers pénitentiaires de probation et d’insertion, notamment pour la prise en charge et le suivi des personnes placées sous main de justice, mais aussi pour le développement du recours aux travaux d’intérêt général que je prône.
Ces CPIP sont un rouage indispensable de la prévention de la récidive. Je rappelle que sur les 1 500 emplois créés dans les services pénitentiaires d’insertion et de probation (Spip) entre 2018 et 2022, 970 étaient des postes de CPIP, dont 100 ont été créés à la fin de l’année 2021 dans le cadre de la justice de proximité.
Ces recrutements ont permis de faire baisser de 80 à 71 le nombre de dossiers suivis par chaque CPIP. Aussi, j’estime qu’il est prématuré de s’engager à recruter 600 CPIP supplémentaires durant le quinquennat. Ce que nous souhaitons tous, évidemment, c’est alléger la charge de travail de ces conseillers. Nous y veillerons, naturellement, mais, sur la répartition, laissez-nous un peu de flexibilité. Vous pourrez de toute façon, lors des discussions budgétaires, contrôler le nombre de personnels engagés, poste par poste.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Agnès Canayer, rapporteur. L’avis de la commission est évidemment défavorable, monsieur le garde des sceaux, puisque votre amendement vise à revenir sur les dispositions adoptées par la commission des lois.
Nous avons bien conscience des efforts qui ont déjà été fournis ces dernières années en matière de recrutement, en particulier de CPIP, et nous nous en sommes toujours réjouis.
Il est certain que vous mettez un coup d’accélérateur en prévoyant la création de 1 500 postes de magistrats et de 1 500 postes de greffiers. Toutefois, nous estimons, car c’est le ratio qui nous a été demandé par les personnels de greffe, que le besoin est actuellement de 1,2 greffier pour 1 magistrat. Il faut donc que l’évolution des moyens tienne compte de ce ratio. C’est pourquoi nous avons prévu dans le texte la création de 1 800 postes de greffiers.
Si des recrutements de CPIP ont déjà été effectués, nous estimons qu’il existe une marge de progression, car le talon d’Achille de la justice reste l’exécution des peines et le suivi des dossiers et des personnes.
Par ailleurs, je vous rappelle, monsieur le garde des sceaux, que le texte que nous examinons étant un projet de loi d’orientation et de programmation, il restera souple. Toutefois, nous tenions à afficher ces enjeux, qui nous paraissent fondamentaux.
M. le président. L’amendement n° 29, présenté par Mmes de La Gontrie et Harribey, MM. Sueur, Kanner, Bourgi, Durain, Kerrouche, Leconte, Marie et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 4
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
La trajectoire des créations d’emplois définie à l’alinéa précédent s’accompagne d’une revalorisation et de l’adaptation des compétences des différentes professions judiciaires, prenant en compte les spécificités des collectivités régies par les articles 73 et 74 de la Constitution.
La parole est à Mme Marie-Pierre de La Gontrie.
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Monsieur le garde des sceaux, dans le rapport annexé, sorte de feuille de route pour la justice n’ayant aucune valeur normative, vous posez des diagnostics très justes, notamment la nécessité de revaloriser les emplois des professions judiciaires.
Aussi proposons-nous que ce principe soit inscrit dans le projet de loi et non pas seulement dans le rapport annexé.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Agnès Canayer, rapporteur. Madame de La Gontrie, j’émets un avis défavorable sur votre amendement.
Si nous comprenons et partageons l’objectif de revalorisation des métiers – nous savons qu’il s’agit d’un axe important et attendu par les personnels de la justice –, nous considérons qu’il n’est pas de nature législative et qu’il a plutôt sa place dans le rapport annexé. Il ne faut pas diluer les dispositions du projet de loi de programmation. De manière générale, les revalorisations et les adaptations de compétences ne se prévoient pas dans une loi.
En revanche, nous veillerons à ce que le Gouvernement atteigne, durant ce quinquennat, ses objectifs.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. Je partage la position de Mme la rapporteure et j’émets un avis défavorable sur cet amendement : la revalorisation des métiers ne relève pas du domaine législatif.
Par ailleurs, je rappelle que nous avons fait des promesses, que nous avons d’ores et déjà tenues. En effet, nous avons accordé une revalorisation de 1 000 euros aux magistrats, dont le traitement n’avait pas été augmenté depuis 1996. Une telle revalorisation était tout à fait légitime, même si son montant n’est pas faramineux, si l’on compare le niveau des traitements en 1996 et en 2023.
Nous avons calqué la rémunération des magistrats judiciaires sur celle des magistrats des juridictions administratives, car nous avons considéré, étant entendu qu’il nous faut recruter de nombreux magistrats, que si les magistrats de l’ordre administratif souhaitaient venir abonder l’ordre judiciaire (M. Alain Richard sourit.), il était tout de même normal qu’ils perçoivent le même salaire.
De même, nous avons revalorisé les personnels pénitentiaires, je l’ai dit, en les faisant passer de la catégorie C de la fonction publique à la catégorie B. Les personnels de commandement passent de la catégorie B à la catégorie A.
Restent les greffiers, qui seront, je l’ai dit, revalorisés de manière importante d’ici à l’automne, selon un calendrier dédié.
J’y insiste, nous tenons nos engagements.
M. le président. La parole est à Mme Marie-Pierre de La Gontrie, pour explication de vote.
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Tout d’abord, je ne suis pas sûre que, sur ces sujets, la rapporteure et le garde des sceaux doivent nécessairement être du même avis.
Ensuite, ce qui est très troublant dans vos propos, monsieur le garde des sceaux, c’est que, alors que vous semblez être d’accord avec le contenu de l’amendement, vous appelez à ne pas le voter.
M. Michel Savin. Macronie !
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Je dois dire que cela me laisse un peu perplexe. J’ai tendance à penser que la loi est plus protectrice qu’un simple engagement oral. C’est pourquoi il faut voter cet amendement.
M. le président. L’amendement n° 30, présenté par Mmes de La Gontrie et Harribey, MM. Sueur, Kanner, Bourgi, Durain, Kerrouche, Leconte, Marie et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 4
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
Jusqu’en 2027, le Gouvernement présente chaque année au Parlement préalablement au débat sur les orientations des finances publiques, un rapport sur la ventilation des créations nettes d’emplois mentionnés à l’alinéa précédent.
La parole est à Mme Marie-Pierre de La Gontrie.
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Nous avons déjà évoqué la ventilation des créations d’emplois, sur laquelle la commission des lois et le Gouvernement ne sont d’ailleurs pas d’accord. Au fond, les deux discours sont audibles : d’un côté, « Soyons ambitieux ! » ; de l’autre, « Laissez-nous de la souplesse pour nous adapter au fur et à mesure ! »
Pour notre part, nous demandons que, chaque année, vous nous fassiez le point – cela s’appelle un rapport ! – sur la ventilation des créations nettes d’emplois envisagées, de sorte que nous disposions d’une vision exacte et que nous puissions nous assurer que les deux objectifs se rejoignent.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Laurence Rossignol. Défavorable, bien sûr !
Mme Agnès Canayer, rapporteur. J’émettrai en effet un avis défavorable.
Vous connaissez la position du Sénat sur les demandes de rapport, auxquelles nous sommes en général très défavorables. Selon le bilan annuel de l’application des lois pour 2022, que nous venons de recevoir, sur les vingt et un rapports que nous avons demandés au Gouvernement, nous n’en avons obtenu aucun. Les demandes de rapport ne sont donc pas, comme vous le voyez, d’une grande efficacité !
Au surplus, les bleus budgétaires, émis chaque année avant l’examen du projet de loi de finances, comportent des préconisations et constituent rien de moins que des rapports. S’il était adopté, votre amendement serait non seulement inefficace, mais également redondant.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. Madame la sénatrice, vous m’avez opportunément rappelé que le Gouvernement n’était pas obligé d’être d’accord avec la rapporteure. En l’occurrence, il se trouve que je le suis.
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Je pense que cela va être fréquent !
M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. L’examen du projet de loi de finances vous donnera l’occasion de poser au Gouvernement toutes les questions que vous souhaiterez lui poser.
Je ne suis moi non plus pas favorable aux demandes de rapports. Ceux qui sont demandés à mon ministère représentent une charge de travail supplémentaire, alors que j’ai toujours plaisir à répondre aux questions que vous me posez. (Mme Marie-Pierre de La Gontrie sourit.)
M. le président. L’amendement n° 31, présenté par Mmes de La Gontrie et Harribey, MM. Sueur, Kanner, Bourgi, Durain, Kerrouche, Leconte, Marie et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :
La présente programmation fait l’objet d’actualisations afin de vérifier la bonne adéquation entre les objectifs fixés dans le rapport annexé à la présente loi, d’une part, et les réalisations et moyens consacrés, d’autre part.
La parole est à Mme Marie-Pierre de La Gontrie.
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Cet amendement vise à reprendre une disposition qui figurait dans la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice et qui prévoyait l’actualisation de la programmation pour vérifier son adéquation avec les objectifs fixés.
L’absence de cette disposition dans le présent projet de loi doit être un oubli, monsieur le garde des sceaux. Aussi, je vous propose de le réparer en introduisant dans l’article 1er la disposition qui figurait dans la précédente loi de programmation.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Agnès Canayer, rapporteur. La commission est constante et, comme en 2018, elle émet un avis défavorable sur cet amendement.
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Oui, mais l’amendement avait été voté !
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. Sans surprise, le Gouvernement émet également un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-sept heures, est reprise à dix-sept heures cinq.)
M. le président. La séance est reprise.
Dans la discussion du texte de la commission, nous en sommes parvenus à l’examen des amendements portant sur le rapport annexé.
rapport annexé
Introduction
La justice est tout à la fois de grands principes qui fondent la République et la démocratie, mais aussi un service public, certes spécifique, qui doit répondre aux exigences d’efficacité et de modernisation.
Annoncée par la Première ministre lors de son discours de politique générale du 6 juillet 2022 au Parlement, la loi d’orientation et de programmation du ministère de la justice vise notamment à doter l’institution judiciaire des ressources à la hauteur des exigences de ses missions et de l’ambition commune qu’elle porte.
Nourri des conclusions des États généraux de la justice formalisées dans le rapport remis le 8 juillet 2022 au Président de la République, mais aussi des réflexions et convictions portées par le ministère de la justice, ce texte apporte des réponses opérationnelles et concrètes pour bâtir la justice de demain.
Riche d’une vaste consultation, ayant permis de recueillir près d’un million de contributions de citoyens et d’acteurs et partenaires de la justice, le rapport du comité des États généraux de la justice a dressé le constat d’une justice sous tension, parfois en difficulté pour remplir pleinement son rôle.
Afin de rehausser ses capacités, les moyens alloués à l’institution judiciaire seront largement accrus, poursuivant l’augmentation du budget de la mission « Justice » déjà amorcée lors du précédent quinquennat. Cet effort budgétaire sans précédent, dont la trajectoire est inscrite dans le projet de loi, vise à répondre aux attentes fortes des citoyens et des professionnels de la justice.
Au-delà d’une augmentation des ressources, le projet de loi d’orientation et de programmation a pour ambition d’accompagner une réforme profonde de la justice, plus rapide notamment dans ses délais de jugement, plus protectrice et efficace, plus proche et exigeante.
1. Un état des lieux détaillé issu de l’exercice inédit des États généraux de la justice
1.1. Un exercice inédit ayant associé l’ensemble des parties prenantes du service public de la justice
1.1.1. La consultation des citoyens et des professionnels de la justice
Lancée par le Président de la République le 18 octobre 2021 à Poitiers, en présence de citoyens, d’élus, de professionnels de justice, de magistrats, de greffiers, d’avocats, de notaires, de commissaires de justice, de mandataires judiciaires, de surveillants pénitentiaires, d’étudiants, ou encore des éducateurs de la protection judiciaire de la jeunesse et des forces de sécurité intérieure, la consultation menée marque une ouverture inédite de l’institution judiciaire.
Son lancement a été l’occasion pour le Président de la République de rappeler le premier enjeu des États généraux : la « restauration du pacte civique entre la Nation et la justice ».
Un comité composé de personnalités indépendantes et transpartisanes a été constitué dès le début du processus afin de donner l’impulsion nécessaire à la conduite de cette réflexion d’envergure, sous la présidence de Jean-Marc Sauvé, vice-président honoraire du Conseil d’État.
Une première phase, qui a consisté en une large consultation des citoyens et des professionnels de justice, a eu pour ambition de dresser un état de la situation de la justice en France et de formuler des propositions concrètes pour la mettre au cœur du débat public.
Ainsi, une consultation publique « Parlons justice » a été ouverte en ligne. Des rencontres et des consultations des usagers de la justice ont eu lieu dans toute la France.
L’ensemble des professionnels de justice, des magistrats, des professions du droit, mais également de citoyens se sont vus offrir l’occasion de s’exprimer et de formuler des propositions concrètes d’amélioration du fonctionnement de l’institution judiciaire. Ces échanges ont eu lieu dans le cadre d’auditions, de visites sur site, de contributions écrites, de près de 250 débats organisés sur l’ensemble du territoire. Des réunions territoriales ont également été organisées, en particulier dans des juridictions et des établissements de l’administration pénitentiaire et de la protection judiciaire de la jeunesse.
La consultation a été complétée par l’expertise de sept groupes de travail, constitués autour de magistrats, d’agents du ministère de la justice et de partenaires, qui ont couvert les problématiques des justices civile, pénale, de protection, économique et commerciale, de la pénitentiaire et de la réinsertion, du pilotage des organisations ainsi que des missions et des statuts. Chacun de ces ateliers a établi un état des lieux précis et remis des propositions dans son champ d’expertise.
1.1.2. La convergence et la synthèse des propositions par un comité indépendant
À la fin du mois de janvier 2022, le croisement des propositions des acteurs mobilisés a constitué un moment clé pour cette démarche participative. Rassemblant 12 citoyens, 12 magistrats et agents du ministère ainsi que 12 partenaires de la justice, cet atelier de convergence a eu pour mission de prioriser les propositions ayant émergé.
Le comité Sauvé a remis son rapport au Président de la République le 8 juillet 2022.
Signe de l’ambition démocratique de la démarche, la synthèse des contributions, de même que les conclusions de l’atelier de convergence et les conclusions des groupes de travail ont été mises en ligne avec le rapport final sur le site internet du ministère de la justice.
1.1.3. Un travail de concertation mené par le garde des sceaux
À la suite de la remise du rapport, le garde des sceaux, ministre de la justice, a ouvert, le 18 juillet 2022, une très large concertation sur ces préconisations. Ont été associés le Premier président de la Cour de cassation et le Procureur général près ladite Cour, les membres du Conseil supérieur de la magistrature, les quatre conférences des chefs de cour et de juridiction, toutes les professions du droit, les syndicats, les forces de sécurité intérieure, mais également des citoyens « grands témoins », afin de recueillir leurs observations sur le rapport et ses annexes. Le garde des sceaux a renouvelé cet exercice avec les mêmes acteurs à la rentrée de septembre 2022.
Le ministre de l’intérieur et des outre-mer et le ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse ont également été invités à prendre part à ces échanges, s’agissant de leurs périmètres respectifs.
1.2. Un appel à agir en faveur de l’institution judiciaire
1.2.1. Une justice en proie à des difficultés d’accessibilité et de délais
Les consultations ont fait émerger le besoin d’un renforcement de la culture juridique de l’ensemble des citoyens, comme partie intégrante de l’éducation à la citoyenneté. Chacun a besoin de comprendre les fondamentaux du fonctionnement de l’institution judiciaire, qu’il y soit confronté à titre personnel ou simplement pour décoder les informations reçues des médias.
Surtout, elles ont mis en évidence un système judiciaire qui souffre encore de délais considérés comme trop longs par les professionnels de la justice comme par les citoyens.
Focus : les délais moyens
En 2021, le délai moyen de traitement d’une affaire civile s’établissait à 9,9 mois devant les tribunaux judiciaires, 15,7 mois devant les cours d’appel, 16,3 mois devant les conseils de prud’hommes et 10 mois devant les tribunaux de commerce.
En 2021, au pénal toutes condamnations confondues (crimes et délits), le délai de traitement se maintient depuis 2012 à environ 13 mois, ce délai n’intégrant pas les délais d’enquête de police qui ne dépendent pas du ministère de la justice.
Pour les convocations par officier de police judiciaire devant le tribunal correctionnel (COPJ), le délai de traitement (entre la convocation et le jugement au fond) était en 2021 de 11,9 mois, 35 % des COPJ étant jugées dans un délai inférieur à 6 mois.
Le délai moyen de traitement en correctionnelle est, quant à lui, de 10,4 mois en 2021.
Le délai de traitement par les parquets des auteurs poursuivis est assez court (3,9 mois en moyenne), avec un délai raccourci en cas de poursuites devant une juridiction pour mineurs (1,8 mois), et prolongé lorsque l’affaire est transmise au juge d’instruction (9,3 mois).
L’objectif-cible en matière civile est de parvenir à un délai moyen de traitement à 13,5 mois fin 2023 et à 11,5 mois fin 2027.
En matière pénale, le délai moyen global visé de décision devant le TC (de la saisine du parquet à la décision au fond) et devant le JE/TPE (de la saisine du parquet au jugement sur la culpabilité) est de 10,4 mois fin 2023 et 8,5 mois fin 2027.
1.2.2. Une justice civile et commerciale au cœur des attentes des citoyens
Représentant 60 % de l’activité judiciaire, la justice civile est confrontée à une impérieuse nécessité de maintenir le traitement des affaires dans des délais raisonnables, y compris pour les procédures longues, et alors qu’elle est déjà organisée, notamment au travers des procédures sur requêtes et en référé, pour faire face à l’urgence. Le déficit d’attractivité des fonctions civiles complique encore davantage le traitement des affaires civiles.
Or, ainsi que mis en évidence par le groupe de travail sur la justice civile, au-delà de son importance comptable, la justice civile assure la cohésion sociale, car elle permet d’apaiser les litiges entre nos concitoyens et participe au développement socio-économique du pays.
La justice commerciale, organisée, quant à elle, autour des tribunaux de commerce, fait l’objet d’une organisation jugée insuffisamment unifiée et lisible par l’ensemble des acteurs. Il est à noter toutefois que ce constat fait suite au double mouvement à l’œuvre ces dernières années de spécialisation accrue du contentieux commercial et des procédures collectives et de recherche de proximité pour le justiciable, qui nécessite une prise en charge spécifique.
1.2.3. Une justice pénale insuffisamment lisible
La procédure pénale est devenue de plus en plus complexe et difficile à appréhender, tant pour les professionnels du droit que pour les justiciables. Le code de procédure pénale a fait l’objet d’une inflation normative sans précédent depuis son entrée en vigueur en 1959, passant de 800 à plus de 2 400 articles, en accélération depuis 2008, sous l’effet conjugué de l’adoption de nouvelles politiques pénales, de la transposition de dispositions supranationales ou de la prise en compte de décisions jurisprudentielles. Cette évolution génère une incohérence du plan d’ensemble du code, qui ne respecte pas la chronologie de la procédure pénale : ainsi, les règles applicables lors de l’enquête ou de l’instruction sont, par exemple, dispersées dans au moins six parties distinctes du code. Un tel éclatement des dispositions conduit également à des redondances nuisant à la lisibilité d’ensemble de la procédure pénale et à la sécurité juridique.
En outre, certaines dispositions en matière pénale ont besoin d’évoluer pour être davantage en phase avec les besoins des praticiens et les attentes des citoyens. À ce titre, la réforme des peines (« bloc peines »), entrée en vigueur le 24 mars 2020 dans un contexte marqué par la crise sanitaire, a fait l’objet d’une appropriation inégale : alors que les aménagements ab initio ou la libération sous contrainte sont de plus en plus usitées par les services judiciaires et pénitentiaires, la peine de travail d’intérêt général devrait davantage être valorisée notamment au stade post sentenciel nonobstant les améliorations apportées pour son prononcé.
1.2.4. Une politique carcérale au cœur des attentions
Dans le contexte de surpopulation carcérale, les conditions de détention dans les établissements pénitentiaires français, en particulier dans les maisons d’arrêt, font l’objet d’une attention soutenue du ministère de la justice par des mesures tant juridiques que structurelles. Par ailleurs, il faut répondre au déficit préoccupant d’attractivité et de fidélisation des personnels pénitentiaires, par la revalorisation des métiers et la formation des agents.
2. Un plan d’action pour la justice
2.1. Des moyens accrus et une organisation rénovée
2.1.1. L’augmentation soutenue et régulière des moyens dédiés à la justice
Inscrite dans la présente loi de programmation, la progression des crédits, de 21 % à l’horizon 2027 par rapport à la loi de finances initiale pour 2022, traduit de manière concrète la priorité réaffirmée par le Gouvernement accordée au renforcement et à la modernisation de la justice.
Ainsi, sur deux quinquennats, en prenant en compte la loi précédente de programmation pluriannuelle, la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice, le budget du ministère aura augmenté de 60 %, pour atteindre près de 11 milliards d’euros en 2027.
En cumulé sur le quinquennat, 7,5 milliards de crédits supplémentaires seront alloués au service public de la justice sur ce quinquennat, par rapport au niveau de 2022. |
||||||
CRÉDITS DE PAIEMENT hors compte d’affectation spéciale « Pensions » |
2022 (pour mémoire) |
2023 |
2024 |
2025 |
2026 |
2027 |
Budget du ministère de la justice, en millions d’euros |
8 862 |
9 579 |
10 081 |
10 681 |
10 691 |
10 748 |
Cet effort sur les moyens financiers se décline également sur les moyens humains avec la programmation du recrutement sans précédent de 10 000 emplois supplémentaires d’ici 2027, dont 1 500 magistrats, 1 500 greffiers et un nombre substantiel d’assistants du magistrat. Également, sont compris dans les 10 000 emplois, les 605 équivalents temps plein recrutés en gestion 2022 au titre de la justice de proximité. En 5 ans, autant de magistrats auront été recrutés que sur les 20 dernières années.
Disposer d’une trajectoire budgétaire sécurisée sur cinq ans permettra au ministère de la justice de conduire résolument les investissements d’ampleur indispensables, tant dans les domaines immobilier, informatique ou organisationnel, qu’en matière de ressources humaines, pour évoluer vers un service public davantage attentif aux besoins des justiciables qu’il accueille et plus respectueux encore des personnes qui lui sont confiées.
La mise en œuvre de ces objectifs fixés par la loi fera l’objet d’un suivi en exécution.
Une clause de revoyure interviendra dans le cadre du PLF 2025 s’agissant des dépenses d’investissements immobiliers.
À cet effet, dans les conditions fixées par l’article 15 modifié de loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances et dans le respect de l’enveloppe de ressources prévue au titre de la période 2023-2027, le ministère de la justice pourra bénéficier de la reconduction d’une année sur l’autre des moyens immobiliers programmés n’ayant pas été consommés, qui seront donc sanctuarisés.
Cette garantie ira de pair avec un suivi étroit de l’avancement de la programmation immobilière pénitentiaire et judiciaire, décrit plus bas.
2.1.2. Des métiers de la justice revalorisés
2.1.2.1 Le renforcement de l’attractivité des métiers
Revaloriser les métiers pour les rendre attractifs et favoriser leur fidélisation nécessite de tenir compte du niveau de rémunération d’emplois comparables dans la fonction publique et de revaloriser en conséquence les rémunérations des différentes professions : magistrats judiciaires, greffiers, personnels de direction, éducateurs, personnels d’insertion et de probation, surveillants pénitentiaires, cadres et personnels administratifs et techniques…
Les voies de recrutement dans la magistrature seront simplifiées pour les professionnels du droit. De même, seront facilités les recrutements des magistrats à titre temporaire qui viennent compléter les équipes juridictionnelles.
S’agissant des greffiers, la toujours plus grande technicité de leurs fonctions et du niveau de diplômes détenu par les recrutés implique une attention particulière pour renforcer l’attractivité de ce métier et offrir des parcours de carrières valorisants. Le budget 2023 comporte ainsi une mesure catégorielle de revalorisation indiciaire des greffiers, avec une entrée en vigueur au 1er octobre 2023 pour un coût de 1,75 M € en 2023 (7 M € en année pleine). Elle s’accompagnera d’une politique volontariste pérenne de convergence et de revalorisation indemnitaire des fonctions.
Pour ce qui concerne les métiers des filières en tension, comme le numérique, le ministère a engagé un travail visant, d’une part, à identifier les compétences stratégiques, mais également les risques liés à la perte de compétences clés et, d’autre part, à mobiliser et à adapter ses actions en matière de gestion des ressources humaines pour pouvoir continuer à recruter et fidéliser ces compétences rares.
Pour tous ces métiers, la rémunération est un élément essentiel de l’attractivité du ministère et de la fidélisation de ses agents. Elle permet de reconnaître les fonctions occupées et la valeur professionnelle des agents, individuelle et collective.
La politique indemnitaire sera régulièrement ajustée afin de tenir compte de l’évolution des missions et des conditions d’exercice des fonctions des agents, en cohérence avec les orientations interministérielles qui seraient données.
2.1.2.2 Une politique dynamique de recrutements
Face aux enjeux massifs de recrutements sur les différents métiers de la justice, le ministère va poursuivre l’engagement d’une action forte de communication sur ses métiers, le sens du travail en son sein et les valeurs spécifiques de la justice. Il s’inscrit également dans le travail interministériel de valorisation de la « marque employeur » de l’État qu’il décline sur différents supports de communication ou leviers d’action, notamment ceux accessibles par les jeunes générations.
Par ailleurs, les nouvelles possibilités de recrutement, de mobilité et d’évolution dans les parcours professionnels ouvertes par la loi n° 2019-828 du 6 août 2019 de transformation de la fonction publique doivent également permettre de répondre aux besoins en compétences du ministère. Le recrutement par la voie de l’apprentissage sera encouragé. Le recrutement de personnes en situation de handicap constituera également un levier pertinent de recrutement pour répondre aux enjeux ministériels.
Enfin, le ministère de la justice engagera une action pour conserver les compétences qu’elle a su accueillir dans le cadre de la mise en place de la justice de proximité ou de la lutte contre les violences intrafamiliales. Ainsi, les agents contractuels A, B et C recrutés dans ce cadre se verront proposer, s’ils exercent toujours leurs fonctions et sans qu’ils aient besoin de recandidater, un contrat à durée indéterminée conformément aux dispositions de la loi de transformation de la fonction publique. C’est un enjeu essentiel pour permettre à ces agents d’œuvrer durablement dans les juridictions compte tenu de l’apport essentiel qu’ils ont constitué depuis 2020.
2.1.2.3 L’adaptation des compétences
Dans le cadre d’une méthode ministérielle harmonisée, chaque direction du ministère définira l’évolution des différents métiers et des compétences dont elle a besoin sur les cinq prochaines années pour l’ensemble des métiers, spécifiques et communs, de tous niveaux.
La démarche de gestion prévisionnelle des emplois et des compétences devra s’appuyer sur cette connaissance de l’évolution des métiers, mais également sur son système d’information des ressources humaines (SIRH) qui sera enrichi de nouvelles fonctionnalités. Des investissements seront ainsi réalisés pour doter le SIRH d’un module de gestion prévisionnelle des emplois, des effectifs et des compétences (GPEEC).
L’adaptation des compétences aux besoins évolutifs des emplois mobilise l’appareil de formation. À cet égard, l’École nationale de la magistrature va renforcer sa formation en termes de management (cf. 2.1.5).
S’agissant des métiers pénitentiaires, une politique ambitieuse de formation initiale et continue permettra de répondre à la diversification des missions (lutte contre les violences et les phénomènes de radicalisation, missions extérieures et de sécurité publique, développement de la surveillance électronique, missions de réinsertion et de prévention de la récidive…). Cette politique se matérialisera par un nouveau plan de formation pour l’École nationale d’administration pénitentiaire (ENAP), ainsi que par des plans locaux de formation dans les unités de recrutement, formation et qualifications (URFQ) des directions interrégionales et la création de centres de formation continue (CFC).
De même, l’accent sera mis sur la formation relative à la prise en charge des mineurs non accompagnés, afin d’acquérir ou de développer les savoir-faire des personnels de la protection judiciaire de la jeunesse sur la prise en charge de ces jeunes, en application du code de justice pénale des mineurs.
Enfin, le réseau ministériel de conseillers mobilité carrière sera renforcé afin de personnaliser l’accompagnement des agents dans leur parcours professionnel.
2.1.2.4. L’attention aux parcours professionnels des cadres
Le ministère a entrepris un chantier visant à reconnaître les emplois de cadres supérieurs à responsabilité territoriale du ministère en élaborant un statut ministériel de ces emplois s’inscrivant dans le cadre général des emplois de direction de l’État, particulièrement de ceux de l’administration territoriale de l’État. À compter de 2023, ce statut ministériel d’emploi de direction permettra de fluidifier les parcours des cadres entre les directions et avec les autres employeurs publics et d’attirer des compétences nouvelles.
Afin d’identifier les cadres du ministère qui pourraient être appelés à occuper les emplois à responsabilité au sein du ministère ou dans le champ interministériel, des revues systématiques de cadres sont mises en œuvre tous les deux ans.
La revue des cadres facilite également l’accès des femmes aux postes à responsabilité. Toutes les mesures d’accompagnement des femmes pour briser le plafond de verre sont mises en place, tutorat, mentorat, coaching, formation…
Enfin, le ministère met en œuvre la réforme de l’encadrement supérieur, en lien avec la délégation interministérielle à l’encadrement supérieur. Dans ce cadre, un accompagnement individualisé et spécifique aux cadres supérieurs sera mis en place pour encourager le développement de leurs compétences (coaching, formations…) et les aider à construire leur projet professionnel. Un dispositif d’évaluation des compétences et des réalisations, adapté aux cadres supérieurs, sera également mis en place. À cet effet, une instance collégiale ministérielle prévue par l’ordonnance du 2 juin 2021 portant réforme de l’encadrement supérieur de l’État sera constituée.
2.1.2.5 Les spécificités des outre-mer prises en compte
La politique de ressources humaines du ministère est adaptée pour faire face aux enjeux spécifiques des outre-mer tout en tenant compte de la différence de contexte de ces territoires.
Elle prévoit :
– l’accompagnement préalable des candidats à une mobilité outre-mer (entretiens préalables systématiques) et la facilitation de leur déménagement ;
– des dispositifs permettant des recrutements locaux par concours dans les territoires où l’attractivité est insuffisante dans le respect des obligations liées à la prise en compte du centre d’intérêts matériels et moraux (CIMM) dans les règles de mobilité ;
– l’amélioration des mesures d’action sociale, notamment en matière de logement ;
– l’accompagnement au retour des agents et la valorisation de l’expérience acquise en outre-mer (priorité de mutation, choix de postes préférentiel, valorisation pour l’avancement…) ;
– la construction de parcours professionnels ministériels, interministériels, voire interfonctions publiques pour les agents qui souhaitent faire toute ou une partie de leur carrière dans un territoire ultramarin.
Le ministère s’attache à adapter la mise en œuvre des mobilités pour faciliter l’application, d’une part, du critère légal de priorité de mutation lié au centre des intérêts matériels et moraux des agents originaires des outre-mer et, d’autre part, du critère de priorité de mutation subsidiaire, prévu par les lignes directrices de gestion mobilité du ministère, pour le retour des agents qui le souhaitent après 3 ans de service outre-mer.
2.1.3. L’attention à l’action sociale, à une politique de ressources humaines exemplaire et à la qualité de vie au travail
2 1.3.1. Une politique d’action sociale renforcée
La politique ministérielle d’action sociale sera poursuivie avec l’objectif de contribuer davantage à l’attractivité du ministère et à la fidélisation de ses agents. Elle sera adaptée aux besoins des agents en articulation étroite avec les directions d’emploi, dans le cadre d’un dialogue social approfondi avec les organisations syndicales au sein du Conseil national de l’action sociale (CNAS).
À cette fin, l’effort dans le domaine du logement sera prioritaire, les réservations de logement se feront dans les zones des recrutements à intervenir dans les cinq ans, au bénéfice des agents comme les surveillants pénitentiaires et les adjoints administratifs. En raison de la pression immobilière, une enveloppe est consacrée à de nouvelles réservations de logements, particulièrement en Île-de-France, mais également dans les zones tendues identifiées (PACA, Rhône-Alpes, Lille Métropole), zones d’accueil importantes d’agents primo-recrutés. Le travail de prospection et de conventionnement réalisé auprès des organismes de logement social à proximité de nouvelles ou de récentes structures du ministère, par exemple au Millénaire et bientôt en Guyane, sera poursuivi.
Le ministère s’attache également à mobiliser des réserves foncières, sur son propre patrimoine notamment, mais également par un travail de proximité avec les collectivités territoriales intéressées, pour faciliter la construction de logements intermédiaires ou de droit commun.
Le ministère met également en place un portail unique recensant toutes les offres de logement et comprenant des conseils personnalisés aux agents.
En complément de ces mesures, l’accession à la propriété est aidée. Le dispositif de prêt bonifié mis en place sera renforcé.
L’effort réalisé en matière de petite enfance sera également intensifié, particulièrement dans les grandes agglomérations. La spécificité des horaires effectués par une partie des personnels du ministère de la justice, notamment les personnels pénitentiaires travaillant en détention, les éducateurs de la protection judiciaire de la jeunesse et une partie des magistrats et des fonctionnaires des services judiciaires conduit le ministère à prioriser la mise en place de dispositifs permettant aux personnels concernés à la fois de faire garder leurs enfants et de bénéficier d’aides leur permettant de compenser financièrement une partie du surcoût des prestations de garde en horaires atypiques. Depuis novembre 2012, le dispositif de type chèque emploi service universel « horaires atypiques du ministère de la justice » mis en place répond à un réel besoin et demeure.
Soucieux de permettre aux familles de concilier plus aisément vie familiale et vie professionnelle, le ministère souhaite développer son offre d’accueil de la petite enfance en structures collectives afin de faciliter la réussite de l’installation des agents recrutés ou mutés, et d’accompagner la mobilité professionnelle.
Le développement de prestations existantes sera poursuivi. D’une part, le contrat enfance jeunesse entre le ministère de la justice, la caisse d’allocations familiales et la municipalité de Fleury-Mérogis, qui permet la réservation annuelle de places en crèche à destination des agents ayant des horaires atypiques, peut être étendu à d’autres localités. D’autre part, la réservation de berceaux pour les enfants d’agents du ministère est une priorité sur les cinq années à venir, particulièrement en Île-de-France.
Protéger ses agents contre les accidents de la vie, en désignant un organisme chargé de leur protection sociale complémentaire, constitue le choix réalisé par le ministère pour une nouvelle période de sept ans à compter de 2017.
L’offre de référence s’adresse à tous les personnels du ministère de la justice, ainsi qu’à leur conjoint ou personne assimilée et à leurs enfants. Elle propose des contrats solidaires en termes intergénérationnels, familiaux et de revenus sur la base d’une tarification modérée à hauteur des transferts financiers effectués par le ministère.
Le ministère mettra en œuvre les nouvelles mesures qui ont été et sont négociées dans le cadre interfonctions publiques avec les partenaires sociaux en matière de renforcement de la protection sociale complémentaire des agents publics. En 2022, un forfait a été versé à chaque agent pour l’aider à financer sa protection sociale. Un accord est prévu avec les organisations syndicales, pour une mise en œuvre à l’horizon de la fin de l’année 2024.
2.1.3.2 Une politique des ressources humaines exemplaire en matière de responsabilité sociale
Le ministère a construit une politique volontariste en matière d’égalité professionnelle par la signature d’un accord relatif à l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes le 20 janvier 2020 par la majorité des organisations syndicales. Cet accord, support d’un plan d’action ministériel porteur de 60 mesures, emporte une révision des pratiques de ressources humaines, en les évaluant et en les améliorant, tant dans le domaine des rémunérations, de la durée et de l’organisation du travail, de la formation, des promotions et des conditions de travail. Une renégociation de l’accord est prévue en 2023 pour la mise en œuvre d’un plan sur l’horizon 2024 à 2026.
Un plan d’action ministériel pour la diversité et de lutte contre les discriminations, notamment dans le recrutement et dans le déroulement de la carrière, est également en place.
Un dispositif de signalement des actes de violence, de discriminations, de harcèlements et d’agissements sexistes à destination de tous les agents afin de garantir une liberté et une fluidité de la parole est également déployé depuis 2022 et jusqu’en 2026. Il est confié à un organe extérieur au ministère, les agents s’appropriant progressivement cette nouvelle protection. Une convention pluriannuelle a été conclue avec l’association FLAG ! en septembre 2021 afin de sensibiliser les agents du ministère à l’occasion d’événements et de conseiller en tant que de besoin les agents concernés.
Ces politiques reposent sur un réseau de référents dans toutes les directions, au nombre de 102, qui mettent en place des actions concrètes sur tous les territoires et dans tous les réseaux professionnels.
Le ministère a obtenu en décembre 2021, pour 4 ans, le label Alliance, c’est-à-dire le double label égalité femmes/hommes et diversité. Il reconnaît l’engagement du ministère dans ces deux politiques de gestion des ressources humaines, son volontarisme et la qualité des actions conduites.
En 2023, le ministre de la justice va renforcer sa politique ministérielle dans le domaine du handicap et des emplois réservés et l’inscrire dans une vision pluriannuelle. Elle vise à respecter l’objectif d’un taux d’emploi de 6 % des effectifs rémunérés du ministère et à favoriser, au-delà du recrutement de personnes en situation de handicap, leur maintien en fonction et leur déroulement de carrière sans discrimination. Elle s’appuie sur le maillage du réseau des référents handicap et sur un partenariat renforcé avec le Fonds pour l’insertion des personnes handicapées dans la fonction publique et sur des partenariats avec des associations spécialisées.
Le collège de déontologie du ministère a été installé solennellement le 6 mars 2020 et des correspondants déontologues ont été désignés dans chacune des directions. Le ministère communiquera davantage sur ce dispositif afin d’en assurer sa promotion et d’organiser un véritable travail en réseau. Le dispositif de recueil des alertes a été mis en place et confié au collège de déontologie. Le ministère assure la formation de ses agents sur ces thèmes, en commençant par les cadres.
Dans la droite ligne de la loi n° 2021-1109 du 24 août 2021 confortant le respect des principes de la République, le ministère a mis en place des référents laïcité et promeut une formation obligatoire aux exigences du principe de laïcité pour tout agent public. Depuis 2022, chaque nouvel entrant suit une formation à la laïcité. En 2025, l’ensemble des agents du ministère seront formés à la laïcité. Un dispositif de conseil aux agents en matière de respect du principe de laïcité est également en place.
La prévention des violences faites aux agents constitue un chantier prioritaire. Dans la continuité des travaux conduits en comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail ministériel, deux circulaires rappellent les modalités de mise en œuvre du droit à la protection fonctionnelle ainsi que les différents textes applicables et les mesures de prévention et de réparation mises en place. La charte de prévention des violences signée le 18 novembre 2021 par le ministre et des organisations syndicales majoritaires est mise en œuvre.
Un plan ministériel de santé au travail est en place pour la période 2022 à 2024. Il prévoit, d’une part, un renforcement et une coordination efficace des réseaux (médecins de prévention, infirmiers en santé au travail, travailleurs sociaux, psychologues du travail, référents SST, Handicap/QVT) avec, comme objectif principal, l’harmonisation des pratiques métiers et, d’autre part, la professionnalisation continue des acteurs intervenant dans le champ de la prévention (assistants et conseillers de prévention, formation des présidents et des membres des instances du dialogue social) ainsi que des chefs de service, sur la base d’une meilleure connaissance des risques et l’élaboration d’outils méthodologiques partagés, accompagnés d’actions de formation dédiées.
Parmi les axes privilégiés en matière de santé, d’hygiène et de sécurité au travail à l’horizon 2027 dans un contexte de démographie médicale sous tension, la priorité va à l’effort de fidélisation des médecins de prévention en poste et à l’attractivité du ministère pour en recruter de nouveaux (appui administratif, amélioration des conditions d’accueil, mise aux normes des cabinets médicaux, poursuite du conventionnement avec des services interentreprises) ainsi qu’au recrutement d’infirmières en santé au travail et la constitution d’équipes pluridisciplinaires.
2.1.3.3. La négociation d’un accord-cadre sur la qualité de vie au travail
Une négociation en vue de la signature d’un accord-cadre portant sur la qualité de vie au travail sera ouverte en 2023 avec les organisations syndicales représentatives du ministère.
Conçu et négocié avec les organisations syndicales, cet accord-cadre pourra utilement s’appuyer sur les travaux qui sont conduits en lien avec l’Agence nationale pour l’amélioration des conditions de travail (ANACT). Il fixera des principes généraux en matière de qualité de vie au travail portant sur l’ensemble des services du ministère de la justice et sera décliné en plans d’action opérationnels dans les directions à réseau territorial et au niveau pertinent. Seront ainsi mises en œuvre des actions concrètes sur le terrain, des expérimentations, la diffusion de bonnes pratiques ministérielles ou de conduites par des employeurs autres, publics et privés…
L’amélioration de la qualité de vie au travail repose notamment sur plusieurs objectifs stratégiques et actions concrètes en matière d’accompagnement des agents par les services des ressources humaines apportant un appui personnalisé, d’adaptation des pratiques managériales, de santé et la sécurité au travail, de relation au travail et la conciliation vie professionnelle et vie privée.
2.1.4. Une organisation administrative des services judiciaires garantissant la déconcentration de certaines décisions et amélioration du pilotage
Les fortes attentes en matière d’une organisation administrative des services judiciaires au plus proche des besoins des juridictions, relayées par les États généraux de la justice, conduisent à proposer une plus grande déconcentration de certains actes de gestion associée à une réforme de l’organisation administrative du réseau judiciaire. Cette réforme porte exclusivement sur le champ administratif et n’a pas d’impact sur la carte judiciaire des cours d’appel et des juridictions.
Les ressources humaines, le pilotage budgétaire et le contrôle interne ainsi que la gestion de l’immobilier, des besoins en équipement numérique et des achats sont des matières pour lesquelles une organisation moins centralisée de la prise de décision et de la gestion permettrait non seulement de responsabiliser les acteurs locaux, mais également de mieux prendre en compte la spécificité des territoires.
À compter de 2024 et progressivement, les pouvoirs de gestion des chefs de cour pour certains actes dans ces matières seront ainsi renforcés afin de gagner en subsidiarité, sous réserve d’études d’impact préalables.
Cette déconcentration s’accompagnera d’un renforcement des compétences budgétaires et de gestion des cours d’appel disposant d’un budget opérationnel de programme (BOP) de façon à rationaliser l’emploi des crédits et à définir des politiques cohérentes de gestion. Une réforme organisationnelle sera conduite en ce sens au cours de l’année 2023 avec comme objectif une mise en œuvre au 1er janvier 2024.
Enfin, la déconcentration sera également mise en place à l’échelle des tribunaux judiciaires qui, outre l’attribution d’un budget de proximité, bénéficieront de compétences dans certaines matières, notamment immobilières ou informatiques.
La réflexion ainsi engagée sera gage d’une plus grande efficacité et permettra de clarifier la répartition des compétences au service des juridictions entre le secrétariat général et la direction des services judiciaires.
2.1.5. L’équipe autour du magistrat institutionnalisée, pérennisée et renforcée
À l’issue des réflexions menées dans le cadre des États généraux de la justice et du rapport de Dominique Lottin sur la « Structuration des équipes juridictionnelles pluridisciplinaires autour des magistrats », il est devenu impératif de structurer l’équipe juridictionnelle au sein des juridictions. Fort des recrutements déjà réalisés et des actions entreprises dans les juridictions, il s’agit de systématiser la mise en place d’une équipe de collaborateurs autour des magistrats en la modélisant afin de clarifier les missions de chacun.
Il convient ainsi de mieux distinguer, d’un côté, l’assistance procédurale renforcée et l’accueil du justiciable qui relèvent du cœur des missions des greffiers, de l’autre, l’aide à la décision, le soutien à l’activité administrative des chefs de juridiction et l’assistance à la mise en place des politiques publiques qui relèvent des assistants juridictionnels (aujourd’hui constitués des assistants de justice, des assistants spécialisés, des juristes assistants et des chefs de cabinet).
Le magistrat est recentré sur ses missions juridictionnelles et dispose d’une équipe juridictionnelle pluridisciplinaire à ses côtés. Une fonction d’assistance auprès des magistrats est ainsi créée, l’attaché de justice qui peut être fonctionnaire ou contractuel, et se substitue aux actuels juristes assistants. Le champ d’intervention de ces nouveaux attachés de justice est élargi par rapport aux juristes assistants. Le magistrat, véritable chef d’équipe, est davantage formé, dès sa prise de fonction, à l’animation d’équipe et les différents agents nommés dans les fonctions d’attachés de justice bénéficient d’une formation dispensée par l’École nationale de la magistrature.
Les attachés de justice bénéficient d’une passerelle simplifiée vers la magistrature, permettant ainsi de constituer de véritables viviers venant renforcer l’autorité judiciaire.
Les assistants spécialisés seront également reconnus par le code de l’organisation judiciaire pour étendre à la matière civile le statut reconnu en matière pénale.
En parallèle de la création de cette fonction, un travail sera mené en 2023 afin de structurer et de modéliser les équipes juridictionnelles au sein des juridictions permettant de mieux prendre en compte l’impact de cette équipe sur l’activité juridictionnelle et d’assurer une mise en œuvre harmonisée sur l’ensemble du territoire.
2.1.6. Des brigades de soutien en outre-mer
Afin de répondre aux difficultés des juridictions d’outre-mer les plus concernées par un déficit structurel d’activité des personnels, une expérimentation de brigades de soutien est mise en œuvre à Cayenne et à Mamoudzou visant à renforcer ces juridictions à compter de 2023.
Les renforts prévus pour une durée de 6 mois doivent permettre l’amélioration rapide du fonctionnement de la justice sur ces territoires. Ce dispositif n’a pas vocation à devenir un mode de gestion pérenne de ces juridictions. Il se donne pour objectif d’assurer un renfort ponctuel permettant aux juridictions de surmonter des difficultés dans l’attente d’une réponse plus pérenne. À l’issue de leur participation aux brigades, les agents et les magistrats bénéficient d’un retour sur leurs fonctions précédentes.
Ce dispositif est complémentaire de celui de l’accompagnement RH renforcé, qui prévoit depuis 2021 que l’exercice réussi d’un poste durant au moins 3 ans dans ces juridictions (et certaines autres) permette le retour sur un poste priorisé.
2.2. Une transformation numérique accélérée
Dans sa communication à la commission des finances du Sénat de janvier 2022, la Cour des comptes constate que, compte tenu du retard considérable préexistant au lancement du plan, le premier plan de transformation numérique (2017-2022) a essentiellement « répondu à la nécessité de rattraper le retard numérique du ministère ». Si le « premier axe stratégique du plan, relatif aux infrastructures a permis de doter le ministère d’équipements individuels performants et d’un système moderne de visioconférence », ainsi que de lui faire bénéficier « d’une amélioration des réseaux et de la téléphonie », le deuxième axe du plan relatif aux applicatifs a connu des résultats beaucoup plus inégaux, en raison notamment d’un défaut de hiérarchisation des projets et d’une gouvernance insuffisante. Si un important travail de réorganisation du service du numérique et de la gouvernance du numérique au sein du ministère a été engagé dès le début de l’année 2021, les États généraux de la justice ont souligné le caractère insatisfaisant des outils numériques mis à disposition des juridictions.
Pour prendre en compte ces attentes et dans un objectif de fiabilité du système d’information, un nouveau plan de transformation numérique a été conçu au cours de l’année 2022. Ce plan de transformation numérique pour les années 2023-2027 répond à huit objectifs stratégiques :
1 – Redresser le patrimoine fonctionnel et technique du ministère de la justice (améliorer le réseau, résorber la dette technique, poursuivre la modernisation des applications et équipements en associant les personnels) ;
2 – Faire émerger une architecture ouverte et évolutive (créer un cadre de cohérence partagé et respecté, un système d’information modulaire et découplé, des référentiels de données transverses) ;
3 – Construire un socle système d’information flexible, sécurisé et résilient ;
4 – Mettre la valeur de la donnée au cœur des réflexions (open data, aide à la décision, qualité et gouvernance de la donnée) ;
5 – Aligner progressivement les compétences et les pratiques sur l’état de l’art (articulation du cadre juridique et du développement du numérique, nouvelle méthode de réalisation des produits numériques, tournée vers l’utilisateur, internalisation des ressources et compétences clés) ;
6 – Optimiser les services aux utilisateurs (numériser les flux de travail et faciliter la manipulation par les acteurs, identité numérique, chaîne de soutien modernisée, environnement de travail numérique de l’agent) ;
7 – Prendre en compte les exigences de sécurité dans la conception et dans tout le cycle de vie des produits numériques (nouvelle organisation de la sécurité des systèmes d’information et protection des données) ;
8 – Déployer et faire vivre une gouvernance permettant de soutenir les activités du numérique.
2.2.1. Un plan numérique de soutien immédiat aux juridictions
La première mesure vise le déploiement de techniciens informatiques de proximité (TIP) en juridiction. Il s’agit de déployer 100 techniciens informatiques dans les tribunaux dès 2023, en attendant une seconde vague de recrutement en 2024, afin d’offrir à toutes les juridictions un point d’entrée unique pour le traitement des incidents numériques en juridiction et de professionnaliser la chaîne de soutien de premier niveau, en lien direct avec le réseau déconcentré du secrétariat général.
Le service du numérique améliorera, en deuxième lieu, en 2023 la normalisation des équipements réseaux en juridiction et débutera la connexion au réseau interministériel de l’État (RIE 2), afin de stabiliser les accès réseau en juridiction et d’augmenter substantiellement les débits.
La troisième mesure a pour objet la mise à niveau du parc informatique en juridiction. Cette action programmée sur 2023 permettra d’établir un schéma type des équipements nécessaires en juridiction (ultraportables, doubles écrans, smartphones, visioconférences, copieurs, scanners…), de remettre à niveau la dotation des sites sous-équipés et d’en définir la fréquence de renouvellement.
La quatrième mesure concerne la mise en place d’audits à 360° dans les juridictions en crise. Le service du numérique a élaboré une méthode de soutien exceptionnel aux sites judiciaires connaissant une répétition d’incidents numériques. Ces opérations coordonnées impliqueront les services déconcentrés du secrétariat général et des services judiciaires (et permettront durant plusieurs semaines un audit numérique de l’ensemble d’une juridiction). Les premiers audits 360° se dérouleront au sein des tribunaux judiciaires de Bordeaux et de Bobigny.
2.2.2. Un grand chantier de dématérialisation intégrale : le projet « zéro papier 2027 »
Le plan de transformation numérique intègre un axe stratégique ministériel de dématérialisation : le projet « zéro papier ». Il devra permettre à l’ensemble des agents de la justice de travailler de façon dématérialisée, en administration centrale comme en juridiction ou en service déconcentré, à l’horizon 2027. Si la procédure pénale numérique a été un levier important de la dématérialisation lors du premier plan de transformation, il convient désormais de capitaliser sur ce savoir-faire, de bénéficier de la maturité numérique des outils applicatifs socles, en matière de signature électronique, de gestion de documents, d’échanges de fichiers et de procédures, de travail collaboratif, et d’étendre cette dématérialisation à l’ensemble des champs d’activité du ministère, tant en matière civile qu’administrative.
Dès 2023, des avancées majeures en matière de dématérialisation sont prévues.
S’agissant de la dématérialisation pénale, le premier semestre 2023 verra la généralisation de la signature électronique pénale à tous les tribunaux. Par ailleurs, le programme Procédure pénale numérique permettra en 2023 l’enregistrement automatique dans les tribunaux d’une part importante des procédures nativement numériques transmises aux tribunaux (plus de 60 % du total des procédures nativement numériques à fin 2023).
S’agissant de la dématérialisation civile, le développement d’une gestion électronique des documents (GED) transverse et d’un bureau de signature électronique générique, adossé sur l’application SIGNA, permettra la mise à disposition d’un outil de signature électronique pour toutes les juridictions avant la fin de l’année 2023.
2.2.3. Le renforcement du socle technique du système d’information
Le plan de transformation numérique vise une refonte en profondeur du socle technique et la stabilisation de l’accès aux applications. Cette refonte concerne notamment le passage sur le cloud de toutes les applications du ministère et la suppression progressive des serveurs locaux et l’augmentation massive des débits grâce au raccordement au Réseau interministériel de l’État (RIE) 2 de tous les sites du ministère.
Par ailleurs, le ministère de la justice intensifiera son effort pour assurer la conformité de son système d’information aux réglementations relatives à la protection des données personnelles et aux exigences de sécurité numérique de l’État.
2.2.4. Une nouvelle organisation de conduite des projets applicatifs au sein du ministère
Afin d’améliorer la rapidité et la qualité de la production des applications informatiques au sein du ministère, le plan de transformation numérique renforce la cohérence des feuilles de route applicative et l’architecture cible du système d’information.
Il prévoit une amélioration du pilotage des grands programmes en mode projet. Il s’agit de tirer les leçons des difficultés et des réussites constatées en la matière, ainsi que des recommandations de la direction interministérielle du numérique (DINUM) : généralisation du pilotage en mode projet, relation de plus grande proximité avec les utilisateurs sur les sites déconcentrés avec un recours accru aux expérimentations, développement de projets plus courts sur des périmètres plus limités avec des jalons mieux identifiés, développement d’une architecture SI ouverte, modulaire, systématisant le recours aux API (application programming interface ou « interface de programmation d’application »), démarche qui a été identifiée comme l’un des axes majeurs de la refondation de Cassiopée.
Le développement des petits projets applicatifs en mode incubateur ou start-up d’État sera largement soutenu.
Enfin, le rôle de coordination, de soutien et de gouvernance du secrétariat général sera renforcé afin d’assurer une meilleure coordination des feuilles de route applicatives des directions et d’aider à la montée en compétence des responsables de projets et au recrutement de directeurs de projet. À cette fin, il sera créé au sein du secrétariat général une cellule de soutien aux maîtrises d’ouvrage métier. Un travail de modélisation des organisations de conduite de projet sera engagé et un dispositif d’appui des directions de projet pour mieux piloter les relations avec les prestataires informatiques sera mis en place. Enfin, le ministère de la justice entend renforcer encore l’accompagnement de la conduite des projets, avec l’appui de la DINUM s’agissant des projets les plus structurants.
2.2.5. La poursuite d’une feuille de route applicative ambitieuse
Le ministère accentuera le développement en son sein de grands projets communs fonctionnels transversaux, destinés à soutenir le développement de l’ensemble des projets applicatifs (cloud, signature électronique, archivage électronique, identité numérique, renouvellement de la solution éditique, valorisation de la donnée).
Dans le cadre d’une gouvernance renforcée, les projets applicatifs portés par le ministère seront intensifiés, particulièrement en matière de numérisation et de dématérialisation, de communication électronique, d’aide à la décision et de pilotage des organisations. Les interconnexions applicatives, qui permettent de limiter le travail de ressaisie et de sécuriser la gestion de la donnée seront priorisées, et une attention particulière continuera d’être apportée aux outils d’échange d’information avec les partenaires des juridictions et des sites déconcentrés du ministère, ainsi qu’avec les justiciables.
Cette priorisation s’illustrera dans le soutien aux principaux projets et programmes applicatifs du ministère, arbitrés chaque année lors du comité stratégique de la transformation numérique (CSTN).
La procédure pénale numérique poursuivra sa feuille de route ambitieuse en matière de dématérialisation native des 4 millions de procédures pénales transmises chaque année aux juridictions par les services enquêteurs et les administrations spécialisés. Ses travaux intégreront les liens croissants avec les nombreux outils techniques développés ces dernières années en matière pénale, ainsi qu’avec l’application métier centrale en matière pénale, Cassiopée, qui verra se poursuivre le travail de refondation engagé en 2022, à travers des chantiers à la fois circonscrits et structurants (valorisation de la donnée à travers les API, refonte éditique, modernisation ergonomique et fonctionnelle).
Le projet Portalis, profondément réorganisé en 2022, fusionnera progressivement les nombreux applicatifs de la chaîne civile pour offrir un outil unique et moderne aux magistrats et aux greffiers des juridictions.
Plusieurs projets d’envergure en matière d’exécution des peines et de prise en charge des personnes placées sous main de justice connaîtront des avancées majeures : SAGEO (nouveau dispositif de télécommunication pour les personnels de surveillance), le NED (numérique en détention), GENESIS et PRISME, qui permettent la gestion des personnes incarcérées ou suivies en milieu ouvert et, enfin, ATIGIP 360, qui désigne les plateformes d’accès au travail d’intérêt général, à l’insertion professionnelle et aux placements extérieurs développés par l’Agence du travail d’intérêt général et de l’insertion professionnelle des personnes placées sous main de justice (ATIGIP).
La modernisation du Casier judiciaire national, engagée depuis plusieurs années, sera achevée avec l’aboutissement des projets ASTREA et Ecris TCN.
L’application PARCOURS, dont une première version a été déployée, permettra de centraliser et d’unifier le suivi des mineurs confiés à la protection judiciaire de la jeunesse, en lien avec les juridictions.
Deux outils majeurs pour renforcer les capacités de suivi des auteurs d’infraction seront développés. L’application SISPOPP constituera l’instrument privilégié des parquets dans le suivi et le pilotage des politiques pénales prioritaires, au premier rang desquelles les violences intrafamiliales. Le ministère de la justice contribuera également au développement du FPVIF (fichier des auteurs de violences intrafamiliales) avec le ministère de l’intérieur. Les JIRS seront par ailleurs dotées d’un fichier de suivi et de recoupement des procédures, destiné à renforcer la lutte contre la criminalité organisée. Enfin, Justice.fr, une application pour smartphone à destination des justiciables, sera créée dès 2023, en lien avec la modernisation du portail internet du justiciable (cf. 2.6).
2.3. Des outils, équipements et moyens immobiliers au service de la justice
2.3.1. Une politique immobilière à la hauteur des enjeux du ministère de la justice
2.3.1.1 L’immobilier judiciaire
Le parc judiciaire est aujourd’hui saturé sous l’effet des augmentations successives d’effectifs depuis une dizaine d’années, représentant environ 10 % d’effectifs supplémentaires, alors que la surface du parc restait stable autour de 2,1 millions de m². Il convient en conséquence et compte tenu de la nouvelle augmentation des effectifs prévue, de poursuivre le programme de restructuration et d’extension engagé dans le cadre de schémas directeurs immobiliers locaux, dont les plus sensibles ont déjà été menés ou engagés. En raison du temps long de l’immobilier, lorsque les emprises immobilières actuelles ne sont pas en mesure d’intégrer tout ou partie des augmentations d’effectifs qui arriveront rapidement, de nouvelles prises bail pourront répondre dans un premier temps et temporairement aux besoins immobiliers complémentaires pour les accueillir.
Ce programme immobilier permettra d’accueillir les nouveaux effectifs dans des configurations prenant en compte les nouveaux modes de travail et les orientations gouvernementales en matière de sobriété immobilière, mais également d’accroître les capacités d’accueil du public, notamment en salle d’audience, pour permettre l’augmentation de l’activité attendue.
Les priorités de l’immobilier judiciaire pour 2023-2027 sont donc les suivantes :
– garantir la pérennité et le bon fonctionnement technique du patrimoine par la mise en œuvre d’un programme de gros entretien renouvellement qui prend en compte la sécurité et la sûreté des personnes et des biens, des mises aux normes réglementaires et d’accessibilité ;
– améliorer la situation des juridictions sur le plan fonctionnel et absorber l’augmentation actuelle et future des effectifs. Une attention particulière est accordée au traitement des archives et des scellés ainsi qu’à leur externalisation ;
– mettre en œuvre les objectifs gouvernementaux en matière de transition écologique des bâtiments de l’État ;
– dans la continuité du déploiement de l’augmentation des débits (ADD), et afin de parfaire ce déploiement jusqu’aux équipements terminaux, poursuivre la mise en œuvre de la rénovation des câblages, dans le cadre du plan de transformation numérique ministériel qui doit permettre de répondre à des besoins nouveaux dans l’exercice de la justice, notamment la retransmission vidéo sur différentes salles d’audience pour des procès hors normes, l’expérimentation de la web radio, les perspectives ouvertes par la loi n° 2021-1729 du 22 décembre 2021 pour la confiance dans l’institution judiciaire autorisant sous conditions l’enregistrement sonore ou audiovisuel des audiences, etc. ;
– mettre en œuvre des solutions pérennes pour l’accueil des procès hors normes et pour la généralisation des cours criminelles départementales.
En 2023 et en 2024, la programmation judiciaire (avec l’indication de la date prévisionnelle de mise en chantier) concernera notamment les opérations suivantes :
– la construction d’un palais de justice à Lille (en cours), Saint-Benoît (La Réunion, 2023) ;
– la réhabilitation d’un bâtiment pour reloger des juridictions à Mâcon (2024), Valenciennes (2024), etc. ;
– la restructuration et l’extension des palais de justice à Bayonne (2024), Évry (2024), Nancy (cour d’appel, 2023), Nantes (2024), Nanterre (2024), Niort (2023), Versailles (cour d’appel, 2023), etc. ;
– la restructuration de palais de justice accompagnée de l’installation complémentaire de juridictions dans des sites à acquérir à Arras (2024), Fort-de-France (2025), Toulouse (2024 – 2027), etc. ;
– la restructuration des palais de justice d’Alençon (2024), de Bourges (en cours), de Carcassonne (2023), de Chaumont (2024), de Montargis (2024), de Paris (Île de la Cité, 2022-2024-2027), etc. ;
– l’externalisation de service au tribunal de Paris (2024), une réflexion concernant l’aménagement d’une salle pérenne des « grands procès » à Paris, la construction de centres d’archivage et de stockage de scellés en Île-de-France, en région lyonnaise et toulousaine.
Les opérations relatives aux territoires d’outre-mer feront l’objet d’une attention particulière tout au long de la programmation.
Il est prévu le lancement ou la poursuite de schémas directeurs immobiliers pour intégrer notamment les augmentations des effectifs sur 22 sites (Angers, Auxerre, Bar-le-Duc, Béthune, Boulogne-sur-Mer, Brest, Cahors, Cholet, Dax, Grenoble, La Rochelle, Orléans, Mende, Metz, Narbonne, Nice, Nouvelle-Calédonie, Orléans, Rouen, Saverne, Valence/Romans et tribunal judiciaire de Versailles) afin de fiabiliser le besoin avant le lancement d’une opération immobilière, et en vue de préparer la programmation du quinquennat suivant.
Enfin, un programme de rénovation thermique est engagé dont certains chantiers sont d’ores et déjà lancés dans le cadre notamment du plan de relance (Nanterre, Île de la Cité…) et dont le financement devra être articulé avec la planification écologique définie au plan interministériel.
2.3.1.2 L’immobilier pénitentiaire
S’agissant du patrimoine pénitentiaire, il s’agira de poursuivre et de finaliser la construction de nouveaux établissements dans le cadre du programme de construction de 15 000 nouvelles places de prison, tout en engageant la rénovation énergétique et en poursuivant la réhabilitation du parc existant.
La création de 15 000 places supplémentaires sur la période 2018-2027 permettra de résorber la surpopulation carcérale, qui dégrade fortement la prise en charge des personnes détenues et les conditions de travail des personnels pénitentiaires.
La résorption de la suroccupation des détentions est indispensable pour rendre effectif l’objectif de réinsertion sociale de la peine privative de liberté en permettant la mise en œuvre d’activités, d’améliorer la prise en charge sanitaire et psychologique des personnes détenues et de restaurer l’attractivité du métier de surveillant. Elle doit aussi permettre de garantir la dignité des conditions de détention, d’améliorer la sécurité et de mieux lutter contre la radicalisation violente.
Les projections de population pénale à dix ans ont permis de territorialiser les nouvelles implantations de maisons d’arrêt. Le calibrage intègre en outre l’impact de la réforme pénale, notamment la réduction du recours à la détention provisoire et la limitation des peines d’emprisonnement de courte durée.
L’administration pénitentiaire comptera, à l’issue du programme 15 000, près de 40 000 places construites depuis moins de 30 ans. Ce plan doit permettre d’atteindre un taux d’encellulement individuel de 80 % sur la totalité des établissements du parc, contre 40,4 % aujourd’hui.
Une partie de ces nouvelles places sont créées au sein des nouvelles structures d’accompagnement vers la sortie. Ces dernières, rattachées à des établissements existants, permettent l’exécution de courtes peines, traditionnellement effectuées en maison d’arrêt, au sein d’un environnement plus favorable à la préparation de la réinsertion sociale, notamment grâce à des principes de vie quotidienne fondés sur la responsabilisation du condamné et l’apprentissage de l’autonomie.
Sur la cinquantaine d’opérations du programme 15 000, 11 établissements ont d’ores et déjà été livrés (soit 3 951 places brutes créées et 2 441 nettes une fois prises en compte les fermetures de prisons vétustes) et 15 sont en travaux. Au total, 24 établissements, soit la moitié, seront opérationnels en 2024.
La mise en œuvre du programme a été marquée à ses débuts par la difficulté des recherches foncières, souvent pour des raisons de faisabilité technique ou environnementale (découverte d’espèces protégées notamment), mais également d’acceptabilité de la part des élus ou des riverains. Elle a également été retardée par des démarches contentieuses. Les terrains nécessaires au lancement de l’ensemble des projets étant toutefois désormais identifiés, les opérations sont entrées dans leur phase active et le rythme des livraisons va maintenant s’accélérer, pour s’échelonner jusqu’à fin 2027.
Ainsi, en 2022, ont été livrés le centre de détention de Koné (120 places) ainsi que les deux structures d’accompagnement vers la sortie (SAS) de Caen (90 places) et de Montpellier (150 places), représentant au total 360 places.
En 2023, 10 nouveaux établissements actuellement en voie d’achèvement, représentant 1 958 places, seront livrés : les centres pénitentiaires de Troyes-Lavau et de Caen-Ifs, le centre de détention de Fleury-Mérogis ainsi que 7 SAS (Valence, Avignon, Meaux, Osny, Le Mans-Coulaines, Noisy-le-Grand et Toulon).
D’ici la fin 2023, les derniers établissements seront entrés en phase opérationnelle en vue d’une livraison prévue en 2024 (extension de Nîmes, SAS de Colmar et de Ducos), 2025 (Baumettes 3, Wallis-et-Futuna, InSERRE – Innover par des structures expérimentales de responsabilisation et de réinsertion par l’emploi – Arras), 2026 (SAS d’Orléans, Bordeaux-Gradignan, extension de Baie-Mahault, Avignon-Comtat Venaissin, Tremblay-en-France) et 2027 (Toulouse-Muret, Saint-Laurent-du-Maroni, Perpignan-Rivesaltes, Nîmes, Melun-Crisenoy, Vannes, Angers, Noiseau, Le Muy, Val d’Oise, InSERRE : Donchery et Toul, Pau et la SAS de Châlons-en-Champagne).
Les opérations de gros entretien ou de rénovation du parc pénitentiaire constituent également une priorité pour offrir de meilleures conditions de travail aux personnels et des conditions d’incarcération dignes.
Ainsi, le budget consacré chaque année à l’entretien des établissements pénitentiaires existants a doublé depuis 2018. L’adaptation de l’immobilier des services pénitentiaires d’insertion et de probation (SPIP) a également été engagée ces dernières années à travers des opérations de déménagement, d’extension ou de réhabilitation des locaux afin d’accueillir dans de bonnes conditions les renforts d’effectifs résultant de la création de 1 500 emplois supplémentaires sur la période 2018-2022, dont l’arrivée dans les SPIP s’étalera jusqu’en 2024 à l’issue de leur formation.
Par ailleurs, deux schémas directeurs de rénovation concernant les établissements de Fresnes et de Poissy ont été engagés en vue de conserver les capacités opérationnelles de ces établissements stratégiques d’Île-de-France.
Dans le cadre de l’application du décret n° 2019-771 du 23 juillet 2019 relatif aux obligations d’actions de réduction de la consommation d’énergie finale dans des bâtiments à usage tertiaire, la rénovation énergétique du patrimoine pénitentiaire doit être amplifiée dans un cadre pluriannuel.
Dans un premier temps, 25 établissements ont été ciblés : conçus de manière similaire au sein du programme 13 000 (mis en service entre 1990 et 1992), ils ne répondent pas aux exigences de maîtrise énergétique et n’ont pas encore fait l’objet de travaux de gros entretien ou de renouvellement. Les travaux concerneront principalement le remplacement des menuiseries extérieures, l’isolation et l’étanchéité des toitures des bâtiments d’hébergement.
Afin d’accompagner une politique ambitieuse de formation continue des personnels pénitentiaires, notamment dans le cadre du socle commun de formation ou de la mise en œuvre de la Charte du surveillant acteur (« Principes du surveillant pénitentiaire, acteur incontournable d’une détention sécurisée », 2021), l’administration pénitentiaire souhaite doter progressivement les directions interrégionales des services pénitentiaires (DISP), qui exercent cette compétence, de centres de formation continue disposant de salles adaptées à l’enseignement métier, notamment des espaces de simulation d’intervention, comme on en trouve à l’ENAP.
La DISP de Paris sera ainsi pourvue, dès 2024, d’un centre de formation continue de ce type, en complément d’un centre francilien de sécurité qui sera livré cette année.
Enfin, la loi n° 2002-1138 du 9 septembre 2002 d’orientation et de programmation pour la justice a créé les unités hospitalières spécialement aménagées (UHSA) pour accueillir des personnes détenues atteintes de troubles mentaux. Le programme de construction initial prévoyait l’ouverture de 705 places en deux tranches de construction.
La première tranche, qui s’est achevée en 2018 par l’ouverture de l’UHSA de Marseille, a concerné neuf unités totalisant 440 places. Le lancement effectif d’une seconde tranche de construction des UHSA prévoit la création de 3 nouvelles UHSA dans le ressort des directions interrégionales de Paris (60 places), Toulouse (40 places) et Rennes (60 places).
2.3.1.3 L’immobilier de la protection judiciaire de la jeunesse
Le patrimoine immobilier de la protection judiciaire de la jeunesse (PJJ) est caractérisé par un nombre important d’unités immobilières de petite dimension, disséminées sur l’ensemble du territoire national pour être au plus près des mineurs et de leurs familles.
La programmation immobilière de la protection judiciaire de la jeunesse vise :
– à maintenir à un haut niveau d’intervention l’effort en faveur de l’ensemble des structures de la PJJ, en programmant des travaux d’entretien lourd, des restructurations et des constructions neuves, prolongeant la dynamique de remise à niveau du parc immobilier de la PJJ ;
– à poursuivre la mise en œuvre du programme des centres éducatifs fermés (CEF) ;
– à lancer de nouvelles opérations pour améliorer et accroître son patrimoine destiné aux activités d’insertion.
La direction de la protection judiciaire de la jeunesse (DPJJ) dispose actuellement de 52 CEF en activité, 18 dans le secteur public et 34 dans le secteur associatif, et deux centres en suspension d’activité dont un public et l’autre associatif.
La construction de 21 CEF a été lancée en 2019 dont 6 pour le secteur public, sous maîtrise d’ouvrage publique. Un CEF public (Bergerac) est déjà opérationnel depuis 2022 et un deuxième est en cours de construction (Rochefort). Deux CEF associatifs ont également été livrés et une dizaine de projets sont en cours.
La construction de nouveaux établissements (12 unités éducatives d’activités de jour, UEAJ) pour compléter le maillage territorial et développer l’insertion dans le cadre du nouveau code de la justice des mineurs doit par ailleurs être mise en œuvre pour augmenter, en parallèle des ouvertures de CEF, les capacités de placement et de prise en charge en insertion.
Enfin, une opération lourde de réhabilitation du patrimoine francilien de la protection judiciaire de la jeunesse va être engagée.
2.3.1.4. Une nouvelle gouvernance des investissements immobiliers
S’agissant des crédits sur les investissements immobiliers, une clause de revoyure sera prévue dans le cadre du PLF 2025 afin d’apprécier le degré d’avancement de la programmation immobilière judiciaire et pénitentiaire et ses conditions économiques. Les crédits immobiliers non consommés en cours de gestion seront reportés sur l’exercice suivant pour permettre le financement des opérations programmées. Les crédits alloués aux investissements immobiliers du ministère ne pourront pas être utilisés à une autre fin.
S’agissant de la gouvernance des investissements immobiliers, un comité stratégique immobilier, présidé par le ministre de la justice, sera mis en place pour examiner, pour chaque projet d’investissement majeur, la satisfaction du besoin opérationnel, la stratégie de maîtrise des risques, le coût global intégrant les coûts d’investissement, d’exploitation et de maintenance, ainsi que la faisabilité financière d’ensemble.
Compte tenu de son ampleur et de ses enjeux, la programmation immobilière du ministère fera l’objet d’un suivi interministériel régulier associant le ministère chargé du budget, qui procédera à un examen contradictoire de la soutenabilité financière desdits projets de même que, chaque année, de la programmation pluriannuelle.
Le renforcement du pilotage des investissements doit notamment permettre, sous la responsabilité du ministre de la justice, d’assurer la cohérence d’ensemble des décisions ministérielles en matière d’investissement et de maîtriser les coûts, les délais et les spécifications des projets d’investissements majeurs.
2.3.2. Des missions de surveillance modernisées
La dynamique de modernisation des missions de surveillance sera poursuivie sur la période 2023-2027 : généralisation du numérique en détention, équipement des agents pénitentiaires en terminaux mobiles polyvalents et caméras-piéton, et modernisation des systèmes d’information.
L’administration pénitentiaire s’est donnée pour priorité de réduire les violences, de lutter contre la radicalisation violente et de poursuivre la sécurisation des établissements.
Les actions destinées à lutter contre la violence sont la condition d’un climat de travail sécurisé et apaisé pour les personnels et d’une exécution de la peine digne pour les personnes placées sous main de justice. Pour atteindre cet objectif, un plan national pluriannuel de lutte contre les violences, sous toutes ses formes, commises tant en milieu ouvert qu’en milieu fermé, a été initié en décembre 2021. Sur la base d’un état des lieux précis de la situation des violences en milieu pénitentiaire, il vise à formuler des propositions concrètes et à déployer, à partir de début 2023, des outils et des pratiques efficaces afin de réduire les violences en détention et en milieu ouvert, à l’encontre des personnels, mais également entre personnes détenues. La conception de ce plan s’accompagne de la montée en puissance du rôle du surveillant pénitentiaire, acteur incontournable d’une détention sécurisée, conformément à la charte signée par le garde des sceaux avec les organisations professionnelles en avril 2021.
Par ailleurs, de nouvelles unités pour détenus violents seront ouvertes en 2023 à Lyon-Corbas et en 2024 à Alençon-Condé-sur-Sarthe.
Pour la prise en charge spécifique des personnes radicalisées, un nouveau marché permettant d’augmenter le nombre de personnes prises en charge dans les centres de jour et élargissant le maillage territorial a été attribué le 4 octobre 2022. S’agissant des quartiers d’évaluation de la radicalisation, l’ouverture récente d’une structure dédiée aux femmes à Fresnes permet de compléter la prise en charge de ce public Un deuxième quartier de prise en charge de la radicalisation dédiée aux femmes sera également créé en 2023.
Afin d’accompagner cette politique, des médiateurs du fait religieux supplémentaires seront recrutés dès 2023.
À l’issue d’une expérimentation en 2022 qui a démontré sa pertinence, il est proposé de généraliser les caméras-piéton à partir de 2023. Cette généralisation permettra d’équiper en caméras individuelles les personnels assurant des missions présentant un risque particulier d’incident ou d’évasion. Le dispositif est à la fois un matériel de sécurité supplémentaire pour les agents, un élément de preuve qui facilite la manifestation de la vérité en cas d’incident et un outil visant à l’amélioration des pratiques professionnelles.
Par ailleurs, après avoir équipé de terminaux mobiles les équipes chargées des missions extérieures, comme les extractions judiciaires, les personnels de surveillance seront progressivement dotés, dans les détentions, d’un smartphone leur permettant d’assurer leurs différents types de communication (émetteur/récepteur, téléphone, alarme, accès à distance aux applications métier). À l’issue d’une expérimentation à Fresnes fin 2022, le projet entrera en 2023 en phase de généralisation. Les agents du milieu ouvert seront également équipés de dispositifs adaptés à leurs spécificités.
Face à l’évolution des publics hébergés et à l’augmentation des phénomènes de violence, l’administration pénitentiaire poursuivra les actions visant à sécuriser les établissements ainsi que les services pénitentiaires d’insertion et de probation et à mieux protéger les personnels sur leur lieu de travail : déploiement des dispositifs anti-projections, renouvellement des systèmes de radiocommunication, remise à niveau de la vidéosurveillance et des portiques de détection, déploiement de dispositifs anti-drones.
Des moyens importants seront consacrés dès 2023 à la pose ou au remplacement de clôtures, à l’agrandissement des parkings pour accroître le nombre de places de stationnement et pour éviter aux personnels de stationner leur véhicule dans un espace ouvert, à la gestion des entrées par lecteur de badges ainsi qu’au traitement des abords des domaines, pour les rendre carrossables et pour favoriser leur contrôle par les équipes locales de sécurité pénitentiaire.
Afin de lutter contre l’utilisation des moyens de communication illicites en détention, l’installation de dispositifs de neutralisation par brouillage des téléphones portables, engagée depuis 2018 en ciblant les structures sécuritaires et sensibles, se poursuivra. Par ailleurs, les quartiers d’isolement et disciplinaires des établissements pénitentiaires livrés dans le cadre du programme 15 000 seront systématiquement pourvus de cette technologie, qui couvre l’ensemble des fréquences Bluetooth, WIFI et cellulaires (dont la 5G).
Enfin, trois ans après sa structuration en service à compétence nationale, le service national du renseignement pénitentiaire (SNRP) continuera à être conforté avec, en particulier, la professionnalisation des métiers du renseignement au sein de l’administration pénitentiaire et l’amélioration de l’attractivité des emplois, pour qu’il puisse remplir pleinement ses missions.
Le ministère s’est engagé dans le projet « Réseau radio du futur » (RRF) qui a pour ambition d’apporter aux différents services de sécurité et de secours une solution de communication haut débit et multimédia fiable, performante, sécurisée et interopérable. L’administration pénitentiaire travaille sur ce projet depuis deux ans en lien étroit avec le ministère de l’intérieur. Il est prévu que le ministère de la justice soit membre du conseil d’administration de l’Agence des communications mobiles opérationnelles de sécurité et de secours (ACMOSS), chargée de la gestion du projet.
La première phase de déploiement au sein des établissements et des services pénitentiaires est envisagée à l’horizon 2024. Elle concernera les missions extérieures (extractions judiciaires, équipes locales de sécurité pénitentiaires, unités hospitalières, agents de surveillance électronique), soit une population d’environ 4 000 agents. La seconde phase de déploiement a vocation à assurer les communications intérieures des établissements, à l’issue de tests de qualification préalables à un déploiement à compter de 2025.
Des cas d’usage supplémentaires sont également envisagés au bénéfice d’autres personnels ou services du ministère de la justice.
Enfin, afin de répondre au déficit d’attractivité de la filière de surveillance, qui empêche l’administration pénitentiaire de disposer d’un capital humain suffisant pour réaliser ses missions, des mesures sont prises pour permettre le recrutement de surveillants pénitentiaires adjoints contractuels. Bien que des efforts aient été réalisés ces dernières années pour favoriser l’attractivité du métier, la condition actuelle de surveillant ne permet pas de garantir des recrutements suffisants et de fidéliser les personnels. Aussi, parallèlement à une réforme statutaire et indemnitaire d’envergure du corps d’encadrement et d’application, qui vise à répondre à cette problématique et à dynamiser le recrutement, il est proposé de créer un statut de surveillant adjoint contractuel, sur le modèle du statut de policier adjoint. Ce nouveau vecteur de recrutement permettrait, pour les postes demeurés vacants à l’issue des concours de surveillants, de recourir à une ressource humaine de proximité en proposant des emplois dans des établissements pénitentiaires correspondant aux bassins de vie des agents recrutés. Les missions attribuées aux surveillants adjoints contractuels, qui interviendront aux côtés des surveillants pénitentiaires, seront circonscrites à certaines tâches limitativement énumérées. Ces agents, âgés de dix-huit à moins de trente ans, seront recrutés en qualité de contractuels de droit public pour une période de trois ans, renouvelable une fois par reconduction expresse, et pourront accéder aux concours de surveillants par une voie réservée. Ce dispositif constituerait un levier d’optimisation des recrutements au moment où les besoins sont très importants au regard des départs en retraite et de la mise en service des nouveaux établissements pénitentiaires.
2.3.3. Des capacités de statistiques et d’évaluation des politiques publiques de la justice
La place de la statistique au sein du ministère de la justice sera consolidée sur la période 2023-2027, déployant la feuille de route issue de réflexions collectives associant les équipes du service et toutes les directions du ministère. Ces réflexions ont intégré les préconisations de la mission conjointe des inspections générales de la justice et de l’Insee sur l’organisation, les perspectives et les enjeux de la statistique au sein du ministère, dont le rapport final a été rendu au début de l’année 2022, et pris en compte l’avis de l’Autorité de la statistique publique.
Le service statistique ministériel s’appuie ainsi sur trois axes majeurs : une offre de services renouvelée, une collaboration renforcée au sein du ministère et avec la statistique publique, et un positionnement plus central du service dans l’offre et la circulation de la donnée. La réorganisation induite démarre dès 2023, dans un contexte de demandes priorisées.
En ce sens, une grande enquête nationale sur les attentes des justiciables en termes de justice civile sera lancée avec une collecte en collaboration avec l’Insee : ses premiers résultats seront disponibles en 2025. Elle permettra de mesurer la satisfaction des usagers, les attentes des citoyens, l’image de la justice et l’importance du « non recours à la justice » sur quelques contentieux. En outre, sera remaniée la gamme des publications et de produits de diffusion, après examen des besoins, pour en améliorer le rapport investissement/efficacité ; l’aboutissement de la démarche étant la définition d’une stratégie de communication statistique moderne, articulée avec la communication ministérielle et celle du service statistique public. Une autre action prioritaire à horizon 2027 est d’optimiser l’accès aux bases de données individuelles du ministère à des fins statistiques, notamment en matière d’appariements des fichiers.
Par ailleurs, afin d’éclairer au mieux les décisions stratégiques, il convient de renforcer l’évaluation des politiques déjà menées et de mieux anticiper l’impact des réformes à venir. Une méthode d’évaluation commune au ministère sur les évaluations sera formalisée en 2023 pour le lancement d’évaluation dans les années suivantes.
2.4. Des réponses sectorielles fortes dans le champ de la justice civile et pénale
2.4.1. Pour la justice civile : développer une véritable politique de l’amiable, simplifier la procédure et accentuer la protection des personnes vulnérables
2.4.1.1. Une politique de l’amiable
Il est indispensable de développer une véritable politique de l’amiable favorisant une justice participative, plus rapide, donc plus proche des attentes des justiciables. Si ces dispositions seront essentiellement portées par le vecteur réglementaire, le Parlement sera associé à cette réforme en la présentant devant les commissions des lois.
En premier lieu, la mise en œuvre de cette démarche passe par la réorganisation des dispositions relatives aux modes alternatifs de règlement des différends au sein du code de procédure civile. Aujourd’hui, les dispositions qui concernent l’amiable sont éparses et incomplètes. Il faut que les principes directeurs de l’amiable ainsi que ses outils soient rassemblés dans un seul livre du code de procédure civile.
En deuxième lieu, tous les acteurs de la justice – magistrats, avocats, greffiers, équipe autour du juge – doivent s’investir dans ce changement de culture, qui va bien au-delà de la simple question de la gestion des flux et des stocks. Les écoles de formation – École nationale de la magistrature, École nationale des greffes, mais également les écoles de formation des avocats – seront en première ligne pour former et accompagner les professionnels dans cette nouvelle approche globale de l’application du droit.
En troisième lieu, il s’agit également de développer de nouveaux modes amiables aux côtés de la médiation et de la conciliation afin que le justiciable participe à l’œuvre de justice, soit écouté et responsabilisé. Au Québec, le taux de succès de ces procédures de règlement amiable en matière civile est de 80 %. Il s’agit de :
– la césure du procès civil, qui est en partie inspirée de la pratique étrangère : elle consiste à faire trancher par le tribunal le nœud du litige, par exemple un problème de responsabilité médicale, et ensuite à proposer aux parties de s’accorder sur le reste des demandes, ici le montant de l’indemnisation ;
– l’audience de règlement amiable : inspirée du Québec, cette nouvelle procédure permet au juge d’amener les parties, avec l’aide de leurs avocats, à trouver un accord auquel il peut être donné force exécutoire.
2.4.1.2. La simplification de la procédure civile
S’agissant de la procédure d’appel, les décrets dits Magendie n’ont pas atteint leurs objectifs de réduction des délais en matière civile. Les délais de procédure prévus par ces décrets seront donc desserrés, leur rigidité actuelle pénalisant les avocats et les justiciables sans assurer un règlement plus rapide des litiges.
De manière plus générale, il sera recherché une meilleure lisibilité et une plus grande simplification de la procédure d’appel. Ainsi, seront amendés des points précis de la procédure civile, identifiés par les acteurs du monde judiciaire comme des complexités inutiles, chronophages ou simplement peu adaptées à la pratique quotidienne.
Il sera également tenu compte des travaux déjà engagés dans le but d’améliorer la présentation des écritures.
Il est enfin envisagé de mettre en place un mode unique de saisine du juge via la généralisation de la requête signifiée.
L’objectif cible de ce plan d’action pour la matière civile, conjugué au renforcement des ressources humaines et des moyens matériels alloués aux juridictions, est une diminution par deux des délais de procédure.
Enfin, il est prévu de recentrer le juge des libertés et de la détention (JLD) sur la matière pénale, en confiant à un « magistrat du siège du tribunal judiciaire » les fonctions civiles actuellement dévolues au JLD dans le code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile ainsi que dans le code de la santé publique (contentieux des hospitalisations sous contrainte). Cette mesure nécessitera un réajustement de la répartition des effectifs dans les juridictions entre les JLD et les juges non spécialisés. Les indemnités d’astreinte des magistrats intervenant les fins de semaine dans les fonctions civiles actuellement dévolues au JLD seront maintenues sans que des quotas d’astreinte puissent leur être opposés.
2.4.1.3 La protection des personnes vulnérables
À ce jour, notamment du fait du vieillissement de la population, près de 800 000 personnes ne sont plus en capacité de pourvoir à leurs intérêts. La protection de nos concitoyens les plus fragiles est également un enjeu majeur de la justice civile.
Il y a donc lieu de poursuivre les objectifs de la loi du 5 mars 2007 sur la protection juridique des majeurs et de renforcer notamment le recours aux mesures alternatives aux dispositifs de protection judiciaire que sont la tutelle et la curatelle.
Le mandat de protection future, qui vise à désigner à l’avance une personne pour se faire représenter dans les actes de la vie courante, sera développé pour la représentation, mais également pour l’assistance. Il en va de l’intérêt de la personne dont la fragilité va croissante au fil des années et dont la protection pourra ainsi évoluer.
L’habilitation familiale pourrait être confiée à un cercle de proches élargi, par exemple aux neveux et aux nièces, dès lors qu’ils entretiennent des liens étroits avec la personne vulnérable.
2.4.2. Pour la justice sociale et commerciale : renforcer les moyens et la lisibilité du paysage juridictionnel
2.4.2.1. Les orientations pour les conseils de prud’hommes
Dans la ligne de la position commune signée par une grande partie des organisations syndicales et patronales représentatives, les moyens d’aide à la décision, les formations et l’indemnisation des conseillers prud’hommes, gage du plein effet du principe paritaire, seront accrus. Pour faciliter l’accès à cette fonction, les conditions de candidature seront assouplies.
Par ailleurs, l’attention à la gestion du flux des affaires, dans leur instruction et leur audiencement, sera renforcée. À cette fin, les responsabilités et les pouvoirs des greffiers et des présidents des tribunaux judiciaires pourraient être accrus.
L’ensemble de ces actions se feront en concertation étroite avec le conseil supérieur de la prud’homie.
2.4.2.2. Accélérer et adapter la justice commerciale
La justice économique doit faire l’objet de certaines innovations permettant d’en assurer la lisibilité pour le justiciable et ses différents acteurs et d’en renforcer la centralité en matière de régulation économique.
Afin d’assurer une prise en compte optimale des spécificités du contentieux commercial et dans un souci de bonne administration de la justice, un tribunal des activités économiques (TAE) compétent pour connaître de toutes les procédures amiables et collectives, à l’exception de certaines professions libérales, sera constitué, par l’intermédiaire d’une expérimentation, auprès d’un échantillon représentatif de territoires expérimentateurs (9).
Une contribution financière sera à cette occasion également expérimentée, à l’instar de ce qui se pratique dans la plupart des autres pays européens. Elle tiendra compte, notamment, de la faculté contributive du demandeur, de l’enjeu du litige et de sa nature. En seront exclus la partie bénéficiaire de l’aide juridictionnelle, le demandeur à l’ouverture d’une procédure amiable ou collective prévue au livre VI du code de commerce et l’État. Cette contribution a vocation à financer le service public de la justice et servira d’outil supplémentaire pour le juge. En cas de règlement amiable du différend, il sera procédé au remboursement de cette contribution.
2.4.3. En matière pénale, simplifier et moderniser la procédure
2.4.3.1. Une réécriture globale du code de procédure pénale en concertation avec les parlementaires et les professionnels
L’objectif poursuivi est celui d’une réécriture globale du code de procédure pénale afin de parvenir à une justice pénale plus simple, plus claire, plus intelligible et plus efficace, intégrant les potentialités offertes par le développement numérique, et répondant ainsi à l’attente légitime des praticiens et des justiciables.
Il s’agit, en procédant à une recodification et une réécriture à droit constant, de conserver les principes fondamentaux, les acquis des droits de la défense ou encore les évolutions procédurales récentes et de les rendre plus lisibles. Il s’agit aussi de moderniser le code de procédure pénale et de l’adapter aux attentes des professionnels du droit et des justiciables, notamment à l’aune des potentialités offertes par le développement numérique.
Cette réforme à droit constant, effectuée par voie d’ordonnance compte tenu de sa technicité et de son ampleur au vu du nombre d’articles, sera notamment l’occasion de revoir la cohérence d’ensemble du code de procédure pénale et de supprimer les trop nombreux renvois d’article à article, qui nuisent à son maniement.
Afin d’assurer l’excellence de la nouvelle architecture et des nouvelles écritures, un comité scientifique de suivi des travaux, composé de professionnels du droit de tous horizons (magistrats, personnels de greffe, avocats, professeurs de droit, représentants des services d’enquête…) est d’ores et déjà constitué et débutera ses travaux courant 2023.
Par ailleurs, afin d’assurer un parfait respect des conditions et des orientations fixées par l’article d’habilitation, une assemblée de parlementaires représentant tous les groupes des deux assemblées sera chargée de suivre et de valider les travaux ainsi que de préparer le débat parlementaire nécessaire à la ratification de l’ordonnance.
2.4.3.2. Des mesures de procédure pénale
Au-delà de cette réécriture du code de procédure pénale, qui est en soi un défi important, il s’agit de prévoir tout de suite des mesures qui visent tout à la fois à simplifier la procédure pénale, donc le travail des enquêteurs, avocats et magistrats, mais aussi à raccourcir les délais procéduraux et, enfin, à mieux garantir la présomption d’innocence.
Ainsi, il sera en premier lieu procédé à une nécessaire réforme du statut de témoin assisté, afin que ce dernier puisse bénéficier de nouveaux droits, dont celui d’un droit d’appel étendu. L’objectif recherché est que ce bénéfice de droits supplémentaires permette que ce statut soit préféré à celui de la mise en examen, parfois retenue uniquement afin d’étendre les droits de la défense.
En deuxième lieu, afin de limiter davantage le nombre d’informations judiciaires et de réserver ces dernières aux procédures criminelles ainsi qu’aux procédures délictuelles dont la complexité ou la gravité justifie le recours à l’information, les procureurs pourront utiliser plus largement la procédure dite de comparution à délai différé. Cela permettra de soumettre les mis en cause à des mesures de surveillance et de contrôle par le juge des libertés et de la détention, tout en poursuivant l’enquête pendant une durée maximale de 4 mois.
En troisième lieu, un nouveau dispositif doit permettre aux enquêteurs, sur autorisation du juge des libertés et de la détention, de procéder à des perquisitions de nuit au domicile, aujourd’hui réservées à un champ très limité de la criminalité grave, pour les crimes de droit commun, notamment pour permettre la préservation des preuves et éviter un nouveau passage à l’acte.
En quatrième lieu, une nouvelle forme de mise en place de l’assignation à résidence sous surveillance électronique doit permettre de limiter le recours à la détention provisoire. Plutôt que de placer la personne sous le régime de la détention provisoire puis d’étudier l’éventualité d’une ARSE, le juge pourra désormais inverser l’approche en ordonnant immédiatement le placement sous ARSE tout en plaçant la personne sous un régime d’incarcération provisoire à la durée très limitée dans l’attente de la mise en place effective de cette mesure de sûreté.
En cinquième lieu, la procédure de comparution immédiate sera simplifiée, par exemple grâce à l’harmonisation des délais de renvoi.
En sixième lieu, le juge des libertés et de la détention sera désormais compétent pour statuer sur les demandes relatives aux modifications du contrôle judiciaire des personnes prévenues. Cela permettra d’alléger la procédure et de décharger le tribunal correctionnel.
En septième lieu, afin de faire gagner un temps précieux aux enquêteurs, il sera recouru chaque fois que nécessaire aux technologies de communication audiovisuelle pour l’exercice du droit à un examen médical et à l’assistance d’un interprète.
En huitième lieu, l’autorisation par un juge d’utiliser les micros, les caméras et les dispositifs de localisation intégrés aux matériels numériques utilisés par un ou plusieurs mis en cause permettra de réduire les difficultés liées à l’installation, souvent risquée et dangereuse pour les agents en charge de cette mission, de caméras et de micros à des fins de captation et d’enregistrements d’images ou de paroles prononcées ou de balises à des fins de localisation en temps réel.
Enfin, les dispositions sur le travail d’intérêt général seront modifiées, afin de favoriser le recours à cette peine.
2.4.3.3. Des dispositions au service de l’approfondissement des politiques pénales portées par le ministère
En parallèle des ambitions portées par le ministère de l’intérieur dans le cadre de la loi d’orientation et de programmation de ce ministère (LOPMI) ou le projet de réforme de la police nationale, qui doivent permettre de renforcer les capacités des services d’enquête, afin de faire face aux crises ou aux menaces persistantes ou nouvelles de la délinquance, la refonte du code de procédure pénale, offrant des outils juridiques et numériques rénovés et renforcés, doit permettre le développement d’une justice pénale à la hauteur des attentes de nos concitoyens et de nos institutions.
Cette justice pénale, digne de ses missions dans un État démocratique, passe par la mise en œuvre des politiques pénales exposées dans la circulaire de politique pénale générale du garde des sceaux du 20 septembre 2022. Ces politiques pénales s’intègrent dans les politiques publiques prioritaires fixées par le Président de la République, avec le souci d’être cohérentes au niveau national tout en étant adaptées aux enjeux de chaque territoire.
La justice pénale justifie qu’une attention renouvelée soit portée sur les organisations judiciaires, en veillant notamment à la spécialisation de certaines d’entre elles et à l’articulation des différents échelons juridictionnels, pour traiter de manière efficiente tous les champs de la délinquance, notamment en matière de criminalité organisée, de cybercriminalité ou d’atteintes à l’environnement.
Une justice pénale de qualité impose en outre de développer le numérique au soutien de l’action des juridictions dans le pilotage ou le suivi des politiques pénales, leur animation et leur évaluation.
Elle impose tout autant des méthodes de travail plus efficientes dans la recherche de réponses plus globales portées avec les administrations et les autres services de l’État, les élus et les divers acteurs de la société civile, dans le champ de la prévention comme de la répression, en renforçant la qualité des prises en charge des victimes et des auteurs d’infractions.
La qualité de cette prise en charge oblige le ministère de la justice à mettre en œuvre une démarche répressive et protectrice des victimes et de la société, qui n’exclut pas la recherche concomitante d’une réflexion sur les faits commis par l’auteur pour prévenir la réitération et promouvoir une réelle réinsertion. Le ministère de la justice continuera ainsi de porter, comme il le fait depuis 2017, une approche moderne des peines dans laquelle la fermeté, au-delà de la détention pour les auteurs des faits les plus graves, est avant tout une réponse qui a du sens pour la société et les parties, et qui intervient dans des délais plus rapides. Promouvoir autant que possible les alternatives à l’incarcération, telles que la peine de travail d’intérêt général, afin de maîtriser la population carcérale et de garantir le respect des conditions de dignité des détenus, demeurera ainsi une priorité du ministère.
La justice pénale, attendue de nos concitoyens, doit être au service de priorités multiples, recouvrant des enjeux majeurs de protection de nos concitoyens. Parmi celles-ci figurent la lutte contre les violences intrafamiliales dont le poids dans les juridictions traduit les progrès, enregistrés ces dernières années, d’une politique tendant à favoriser la révélation des faits et l’accueil des victimes.
Une attention encore plus forte devra désormais être portée à une plus grande protection des enfants victimes. Il conviendra ainsi de déployer des mesures pour encore mieux les accompagner tout au long du processus pénal, grâce à la généralisation des Unités d’accueil pédiatriques enfant en danger (UAPED), l’intervention d’administrateurs ad hoc, la possibilité de recourir à un Chien d’assistance judiciaire et la mise en œuvre du programme enfant témoin (spécialement pour les procès d’assises) qui consiste à préparer l’enfant à la rencontre judiciaire, à lui faire découvrir la salle de l’audience et, donc, à lui permettre d’appréhender par avance les lieux dans lesquels il prendra la parole.
Parmi les autres politiques publiques que le ministère de la justice entend porter à un haut niveau d’engagement figurent la lutte contre la délinquance routière, ou celle contre les stupéfiants, l’action répressive dirigée contre la demande devant se conjuguer de manière forte contre les trafics et toutes les formes de criminalité, qui gravitent autour de l’activité des réseaux. Le renforcement du traitement judiciaire de la criminalité organisée, des filières d’immigration irrégulière, de la grande délinquance lucrative et de la corruption doit ainsi conduire à une montée en puissance des stratégies proactives au soutien d’une action coordonnée de l’ensemble des services de l’État.
Les prochaines années seront également marquées par une forte mobilisation contre le développement des phénomènes relevant de la cybercriminalité, qu’ils soient destinés à générer du profit ou à déstabiliser le fonctionnement des administrations à l’image des attaques dirigées contre les centres hospitaliers. Enfin, le ministère de la justice portera, sur le constat cette fois de l’urgence climatique et de la dégradation de notre patrimoine commun, une politique pénale novatrice et dynamique destinée à lutter efficacement contre les formes les plus diverses et les plus graves que peut revêtir la criminalité environnementale.
2.4.4 (nouveau). Institutionnaliser au sein des tribunaux judiciaires des pôles spécialisés en matière de lutte contre les violences intrafamiliales
La lutte contre les violences intrafamiliales implique aujourd’hui de structurer l’organisation et le fonctionnement des tribunaux en la matière, pour garantir une action coordonnée, rapide et efficiente de tous les acteurs et partenaires judiciaires déjà pleinement engagés dans ce domaine.
L’objectif est donc de réunir au sein de ces pôles spécialisés en charge des violences intrafamiliales des équipes identifiées au parquet comme au siège. Cette organisation permettra également d’optimiser le traitement de ces affaires en assurant une mission permanente de recueil et de relais d’informations auprès de chaque service juridictionnel pouvant connaître de situations de violences intrafamiliales.
D’une part, en ce qui concerne le siège, le président du tribunal désignera un coordonnateur, des magistrats statutairement non spécialisés, mais également des juges pour enfants, juges aux affaires familiales et des juges de l’application des peines, qui recevront une formation spécifique et renforcée qui sera régulièrement actualisée, pour statuer utilement sur les dossiers de violences intrafamiliales au civil et au pénal. Ce pôle spécialisé au niveau du siège reposera lui aussi sur une équipe dédiée, assistée par des attachés de justice spécifiquement formés.
D’autre part, en ce qui concerne le parquet, le procureur de la République désignera un coordonnateur, des magistrats du parquet référents et des attachés de justice. Ce pôle spécialisé au niveau du parquet permettra l’organisation d’une permanence spécifique dès lors que le contentieux est suffisamment important en nombre. Il s’agira par ailleurs d’assurer l’évaluation croisée et le suivi particulier des situations à risque et des besoins en protection des victimes. Ce pôle spécialisé reposera lui aussi sur une équipe dédiée, assistée par des attachés de justice spécifiquement formés. Il pourra de plus s’appuyer sur un nouvel outil informatique, actuellement en cours de construction, permettant de favoriser le suivi transversal et pluridisciplinaire des situations à risque par la juridiction.
Enfin, l’organisation des tribunaux judiciaires en matière de lutte contre les violences intrafamiliales sera aussi renforcée par la création d’une instance de pilotage unique, au sein du pôle spécialisé, agrégeant notamment plusieurs dispositifs déjà pratiqués au niveau local (comités de pilotage TGD, cellules d’accompagnement des victimes de violences intrafamiliales, cellules dédiées au suivi des situations de violences conjugales au sein des juridictions). Ce comité de pilotage unique, dit « COPIL VIF », entend réunir l’ensemble des acteurs intervenant sur ce sujet (magistrats du siège et du parquet, services de police et de gendarmerie, associations de contrôle judiciaire, associations d’aide aux victimes, le SPIP, les référents violences conjugales de la préfecture…).
Cette instance permettra la systématisation et l’institutionnalisation des échanges au sein d’une instance unique de coordination et de partage d’informations. Le « COPIL VIF » sera plus spécifiquement défini par voie réglementaire, afin de préciser le cadre et la nature des échanges de cette instance, comme d’en définir les missions, l’organisation et le fonctionnement.
À court terme, en 2024, ce cadre unifié aura pour objectif de modéliser, pour chaque tribunal judiciaire, une organisation type en matière de lutte contre les violences intrafamiliales, sans préjudice des initiatives des chefs de cour et de juridiction pour s’adapter aux spécificités et pratiques locales. Un tel dispositif permettra un réel décloisonnement entre les acteurs investis dans la lutte contre ces violences et une meilleure circulation de l’information, l’objectif étant de parvenir à une vision globale des situations et à une prise en charge plus efficace, en réunissant les différents dispositifs utiles, tout en respectant les principes d’indépendance et d’impartialité des juridictions. Il s’agit également de favoriser le partage d’informations entre les différents partenaires saisis d’une même situation, notamment pour le suivi des mesures particulières de protection des victimes (ordonnances de protection, téléphones « grave danger », bracelets anti-rapprochement).
2.5. La prise en charge des publics confiés à la justice
2.5.1. Favoriser la réinsertion des personnes placées sous main de justice
La diversification de l’offre pénitentiaire, permettant de favoriser les alternatives à l’incarcération et la réinsertion des personne placées sous main de justice, constitue un objectif prioritaire. À cette fin, les moyens humains des services pénitentiaires d’insertion et de probation continueront à être renforcés. Des méthodes de travail renouvelées avec les juridictions et les partenaires seront également mises en œuvre.
Les efforts engagés ces dernières années en faveur des aménagements de peine et des mesures alternatives à l’incarcération seront amplifiés. Il s’agit d’accentuer le dispositif de bilan socioprofessionnel pour les personnes incarcérées, de renforcer les prises en charge collectives des personnes suivies en milieu ouvert et d’encourager la mesure de placement extérieur. À cet égard, en complément de la revalorisation du tarif journalier intervenue le 1er janvier 2023, la plateforme aux placements extérieurs 360, qui sera très prochainement déployée, permettra de répertorier l’ensemble des places de placement extérieur et de faciliter la gestion de la mesure en lien avec la structure d’accueil, pour favoriser le prononcé de ce type d’aménagement de peine et, ainsi, mieux prévenir la récidive.
La prise en charge des auteurs de violences conjugales, également dans une volonté de meilleure prévention de la récidive, demeure un enjeu prioritaire. Le dispositif du contrôle judiciaire sous placement probatoire (CJPP), en cours de déploiement sur l’ensemble du territoire national, permet une éviction immédiate du domicile conjugal de l’auteur de violences et sa prise en charge pluridisciplinaire dans un hébergement adapté. Il constitue une alternative adaptée à la détention provisoire et la continuité de la prise en charge de l’auteur des violences peut être assurée au sein de la structure, dans le cadre d’une mesure de placement extérieur, après la condamnation. Le ministère de la justice s’est également engagé dans le développement d’un outil de réalité virtuelle de prise en charge des auteurs de violences conjugales (casque de réalité virtuelle). L’expérimentation, menée sur 4 sites depuis l’automne 2021, doit se poursuivre en 2023 sur 10 sites complémentaires, afin d’approfondir les premiers résultats issus de la recherche.
La réinsertion passe également par le développement des activités, du travail et de l’insertion professionnelle. La loi pour la confiance dans l’institution judiciaire a opéré un rapprochement de la réglementation du statut du détenu travailleur avec le droit commun du travail en créant un contrat d’emploi pénitentiaire de droit public avec des droits associés, qui emprunte les principales caractéristiques du contrat de travail, tout en tenant compte des contraintes inhérentes à la détention. L’objectif est d’atteindre un taux de 50 % des personnes détenues en activité professionnelle rémunérée (travail et/ou formation professionnelle), alors que ce taux avoisine à l’heure actuelle 30 % pour le travail et 8 % pour la formation professionnelle. Les activités rémunérées en détention favorisent en effet l’emploi et la réinsertion à la libération. Dans ce but, les chefs d’entreprise seront encouragés à faire appel au travail pénitentiaire par la sous-traitance ou par l’implantation de leurs activités en détention.
L’agence nationale du travail d’intérêt général et de l’insertion professionnelle (ATIGIP) sera porteuse d’ambitions fortes en matière d’accès au travail, par l’augmentation de l’offre de travaux d’intérêt général (TIG) via la plateforme dédiée TIG 360°, par la multiplication des dispositifs d’insertion par l’activité économique et par le développement de l’apprentissage en prison. Les efforts seront poursuivis en vue de développer la formation professionnelle en détention en lien avec l’institution de représentation des régions françaises Région de France, les exécutifs régionaux et le ministère du travail, du plein emploi et de l’insertion. Le cadre normatif sera par ailleurs rénové.
Afin de développer la peine de travail d’intérêt général, la loi de programmation généralisera l’accueil des personnes effectuant un TIG au sein des sociétés commerciales de l’économie sociale et solidaire. Elle permettra également de poursuivre l’expérimentation de l’accueil de ces publics au sein des sociétés à mission.
L’offre pénitentiaire sera également développée qualitativement et quantitativement afin de favoriser les solutions alternatives à l’incarcération et de renforcer la prise en charge des personnes placées sous main de justice en milieu ouvert. Dans ce cadre, une expérimentation permettra de confier, sous le pilotage du service pénitentiaire d’insertion et de probation et dans le respect d’un cahier des charges national défini par l’administration pénitentiaire, la mise en œuvre d’un certain nombre de stages et d’actions collectives aux associations, qui se verront valorisés à l’issue par la délivrance d’un label qualité.
Par ailleurs, à compter de 2025, seront construits trois nouveaux établissements pénitentiaires entièrement tournés vers le travail et la formation professionnelle, dénommés InSERRE (Innover par des structures expérimentales de responsabilisation et de réinsertion par l’emploi) d’une capacité de 100 à 180 places chacun.
Enfin, les enjeux de réinsertion sociale et de prévention de la récidive sont pris en compte par le programme immobilier pénitentiaire qui favorise une meilleure prise en charge des personnes incarcérées durant leur parcours d’exécution de peine avec des espaces dédiés au travail, à l’enseignement à l’insertion et aux installations sportives notamment.
Ces axes prioritaires devraient permettre de favoriser le retour progressif à la vie libre des personnes détenues et de concourir ainsi à mieux lutter contre la récidive.
2.5.2. Une prise en charge des mineurs dans un objectif de lutte efficace contre la récidive
Conformément à l’engagement du Président de la République de développer tous les outils possibles permettant aux mineurs délinquants de s’emparer de leurs parcours d’insertion sociale, scolaire et professionnelle, un plan d’action ambitieux pour la protection judiciaire de la jeunesse a été adopté visant à rénover le dispositif d’insertion, à garantir une offre de prise en charge sur l’ensemble du territoire et à consolider les partenariats.
Dans ce cadre, un partenariat s’est noué sur tout le territoire national entre le ministère des armées et la direction de la protection judiciaire de la jeunesse (DPJJ) pour que les dispositifs créés par les armées à destination des jeunes publics en difficulté puissent bénéficier aux mineurs pris en charge par la PJJ. Il convient également de développer l’insertion par le sport. La DPJJ sera chargée de renforcer des actions dans le domaine sportif, en saisissant notamment l’occasion de la période de préparation des jeux olympiques et paralympiques de Paris 2024, qui constitue non seulement un levier éducatif efficace, mais aussi de cohésion nationale, citoyenne et d’insertion pour les jeunes.
Le ministère entend en outre développer les dispositifs partenariaux socio-éducatifs pour proposer des solutions aux adolescents dits « en situations complexes », c’est-à-dire dont le comportement a mis en échec des prises en charge antérieures.
Dans le même esprit, la DPJJ rénovera son dispositif de placement afin d’éviter les ruptures de parcours et mieux répondre aux besoins de l’autorité judiciaire.
Sera également mise en place une réserve de la protection judiciaire de la jeunesse, prévue par la loi de finances pour 2023, pour offrir la possibilité aux agents de continuer à servir leur administration et de poursuivre leur engagement au bénéfice des jeunes pris en charge et des professionnels. La réserve de la PJJ s’inscrit dans le cadre d’une politique renforcée d’accompagnement des professionnels et notamment des cadres sous la forme de mentorat, d’accompagnement à la prise de poste ou d’aide à l’élaboration des projets de service.
Un plan stratégique national 2023-2027 sera formalisé qui viendra détailler l’ensemble de ces mesures et renforcer l’inscription de la PJJ dans les politiques publiques locales.
2.6. Une volonté de rapprocher les citoyens de leur justice
2.6.1. L’accès au droit
Dans le prolongement de la loi pour la confiance dans l’institution judiciaire précitée, le ministère est déterminé à répondre aux attentes des citoyens et à restaurer la place de la justice au cœur de la cité.
En premier lieu, il s’agit de renforcer et de moderniser l’accès au droit.
La politique d’aide à l’accès au droit a été créée par la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l’aide juridique. Depuis cette date, l’accès au droit n’a cessé d’évoluer, permettant ainsi à chaque citoyen d’avoir un accès plus facile au droit et à la justice.
Les 101 conseils départementaux de l’accès au droit (CDAD) et les trois conseils d’accès au droit (CAD) sont chargés de recenser les besoins, de définir et de mettre en œuvre une politique locale, de dresser et de diffuser l’inventaire des actions menées.
Ils coordonnent par ailleurs les point-justice implantés sur leur territoire. Les point-justice, lieux d’accueil gratuits, permettent d’apporter cette information juridique aux citoyens. On en dénombre 2 000 (dont 148 maisons de justice et du droit (MJD) répartis sur l’ensemble du territoire national. Parmi ces point-justice, 1596 sont généralistes et 484 sont spécialisés pour un type de public (jeunes, détenus, étrangers, etc.).
L’information et la communication jouent un rôle central dans la capacité qu’ont les citoyens à saisir la justice. C’est la raison pour laquelle le ministère consacre des efforts particuliers pour « aller vers » les justiciables, mettre à leur disposition l’information dont ils ont besoin et promouvoir l’accès au droit (avec le numéro d’appel gratuit 30 39 depuis 2021).
Afin de poursuivre la démarche d’optimisation du maillage territorial des lieux d’accès au droit, il est prévu dès 2023 de :
– veiller à ce que les permanences d’accès au droit soient les plus nombreuses possible et permettent un maillage territorial de qualité, ajustées aux besoins du territoire ;
– multiplier les point-justice ou augmenter les plages d’ouverture ou le nombre d’intervenants ;
– diversifier les intervenants de l’accès au droit (notaires, conciliateurs de justice, délégués du Défenseur des droits…) ;
– renforcer les liens avec les France services en y implantant des point-justice.
Les projets nationaux relatifs à l’accès au droit sont les suivants :
– création du conseil de l’accès au droit (CAD) de Nouvelle-Calédonie ;
– création de quatre nouvelles maisons de justice et du droit (MJD) à Alès, Lesparre-Médoc, Limoux et Paris 13e ;
– maintien et renforcement des moyens des MJD (locaux adaptés, dispositifs de sécurité et moyens matériels, notamment informatiques, suffisants) ;
– modernisation de la communication visant à promouvoir la politique de l’aide à l’accès au droit ;
– mise en œuvre du logiciel applicatif « Ignimission » (outil de gestion de l’annuaire des point-justice) permettant de recenser un temps réel les point-justice et d’effectuer une collecte de données afin, notamment, d’établir des statistiques.
Le ministère de la justice entend également inscrire de plus en plus la politique de l’accès au droit dans une synergie avec les France services. 774 France services accueillent en leur sein un point-justice dans lequel une diversité d’intervenants y assure des permanences : avocats, notaires, commissaires de justice, associations, délégué du Défenseur des droits, conciliateurs de justice notamment. Ces professionnels sont rétribués par le ministère de la justice.
En second lieu, il s’agira de rendre la justice plus compréhensible pour les citoyens à travers une communication renforcée et accessible à tous.
La nécessité de rendre la justice plus lisible conduit le ministère à développer plusieurs actions convergentes : la diffusion en ligne de contenus pédagogiques, le renforcement de l’ergonomie du site ministériel justice.gouv.fr (2023), une participation d’envergure aux événements nationaux tels que les Journées européennes du patrimoine ou la Nuit du droit, une stratégie proactive de valorisation du patrimoine de la justice, des relations presse grand public, dont les procès filmés dans le cadre de l’article 1er de la loi pour la confiance dans l’institution judiciaire, la production de supports audiovisuels (animation pour les réseaux sociaux, reportages…) qui peuvent être sponsorisés pour en assurer une plus large audience.
En prenant acte des conclusions des États généraux de la justice, le ministère de la justice a souhaité poursuivre son action en faveur de l’accès au droit des plus jeunes. Ainsi, en partenariat avec le ministère de l’éducation nationale, un passeport Educdroit sera mis en place à destination des collégiens : il suivra les élèves tout au long de leurs études et leur permettra de garder une trace de leurs actions, de leurs rencontres et de leurs visites avec des professionnels du droit ou dans des lieux de la République liés à la justice.
Enfin, le projet national des « bonnes pratiques » permet d’identifier des démarches mises en œuvre par des services déconcentrés et les juridictions afin de répondre à un besoin local. Convaincu de la richesse de l’expérience de terrain, le ministère a en effet recensé les bonnes pratiques mises en œuvre au sein du ministère de la justice. Un site Intranet est destiné à les faire connaître et à les valoriser, pour favoriser leur mise en œuvre et en faire bénéficier le plus grand nombre. De mois en mois, il sera étoffé et enrichi.
2.6.2. Une aide juridictionnelle réformée et plus accessible
Depuis trois ans, le ministère a engagé une profonde réforme de l’aide juridictionnelle au travers de l’instauration du revenu fiscal de référence (RFR) comme critère d’éligibilité, de la création de l’aide juridictionnelle garantie permettant un accès plus facile et plus rapide en cas de procédures d’urgence et, enfin, en augmentant la rétribution des auxiliaires de justice. Le système d’information de l’aide juridictionnelle (SIAJ) participe de manière significative à cette réforme.
Il s’inscrit dans une volonté de rapprocher les citoyens de leur justice en simplifiant et en dématérialisant de bout en bout le traitement de l’aide juridictionnelle. Concrètement, il se traduit par :
– la mise en place d’un site Internet permettant de simuler son éligibilité à l’aide juridictionnelle puis de déposer une demande et de suivre son traitement 24h/24 et 7j/7 depuis un ordinateur, une tablette ou un téléphone, ce qui évite les déplacements sur site et/ou les envois postaux ;
– la facilitation du remplissage des demandes numériques pour deux raisons principales. D’abord, environ 30 % du dossier est prérempli (le système interroge France Connect et la DGFIP dans la logique du principe « Dites-le-nous une fois »). Ensuite, en fonction des cases que la personne coche, les rubriques pertinentes s’affichent, les autres sont masquées ;
– depuis décembre 2022, le site Internet est totalement conforme aux exigences d’accessibilité numérique (100 % RG2A – Référentiel général d’amélioration de l’accessibilité) ;
– le justiciable bénéficie d’une visibilité sur l’état d’avancement du traitement de sa demande par le tribunal ainsi que d’un espace de gestion de son dossier lui permettant à tout moment de récupérer ses documents-clefs, dont sa décision d’aide juridictionnelle ;
– le dossier fait l’objet d’un traitement harmonisé au plan national et rapide. Une expérimentation permettant un traitement centralisé au niveau de la cour d’appel est en cours. L’objectif est d’accélérer le traitement des demandes d’aide juridictionnelle tout en maintenant une proximité avec le justiciable ;
– la mobilisation des personnes pouvant accompagner les personnes dans le dépôt et le suivi de leurs demandes : agents des maisons France services, membres d’associations d’aide aux victimes, écrivains publics ;
– la mise en place d’un bouton « je donne mon avis » sur le site Internet afin de recueillir le taux de satisfaction des usagers.
L’année 2023 verra la généralisation du SIAJ à l’ensemble des tribunaux judiciaires du territoire national. Cette généralisation permettra de déployer une campagne de communication destinée à développer la saisine en ligne de l’application par les justiciables. Cette saisine en ligne sera en outre facilitée par la mise en service de l’application mobile créée en 2023 (cf. 2.6.3) et la rénovation du site Justice.fr.
2.6.3. Une application mobile à destination du citoyen et un site internet rénové
Une application mobile à destination du citoyen sera déployée en 2023. Les objectifs de ce nouvel outil numérique, qui sera complémentaires des instruments de saisine en ligne disponibles sur le site justice.fr, sont de plusieurs ordres. Il s’agira tout d’abord de répondre aux besoins du public en lui permettant de bénéficier des services natifs des smartphones (la géolocalisation notamment). L’application permettra notamment d’accéder à des parcours utilisateurs de bout en bout entre plateformes interopérables : site web Justice.fr, application mobile, site web du casier B3, aide juridictionnelle. Il s’agit également de faciliter la navigation entre les différents points d’information : site institutionnel Justice.gouv.fr, Service-public.fr, annuaire des professionnels…
L’application doit également permettre de personnaliser la relation avec le ministère en disposant d’un accès en tous lieux et en tout temps. Enfin, l’application pour smartphone vise à rendre plus accessible la justice aux personnes en situation de handicap.
La première version de l’application permettra au public, dès le 2e trimestre 2023, de disposer d’une information adaptée à sa situation et d’identifier à qui s’adresser : fiches thématiques, renseignement sur les tribunaux (coordonnées, horaires, renseignements divers), d’accéder rapidement aux numéros d’urgence et à tous les numéros d’appel spécialisés, de géolocaliser les services à sa disposition (tribunal, cour d’appel, point justice, service d’aide aux victimes) et d’accéder à plusieurs simulateurs (aide juridictionnelle, pension alimentaire, saisie sur rémunération) et à tous les liens utiles vers les professionnels du droit.
Progressivement, par le biais d’une identification France Connect, l’accès sera possible à des services de saisine en ligne actuellement disponibles sur le site Justice.fr (demande d’aide juridictionnelle, demande de bulletin n° 3 du casier judiciaire, constitution de partie civile devant le tribunal correctionnel). L’application permettra également de fournir un service de notification aux justiciables et à ces derniers de donner leur avis en ligne.
Une fonctionnalité visant à permettre aux usagers et aux victimes d’avoir des téléconsultations avec des professionnels de l’accès au droit et de l’aide aux victimes est actuellement en cours d’élaboration et fera l’objet d’une expérimentation spécifique. Cette fonctionnalité a vocation à être, à terme, intégrée à l’application mobile du ministère.
En parallèle du développement de l’application, le site Justice.fr, qui porte le portail des justiciables et l’ensemble des outils de saisine en ligne de la justice, bénéficiera d’une modernisation de son interface et de son ergonomie.
2.6.4. Une attention renforcée aux victimes, notamment de violences intrafamiliales et sur mineurs
À titre liminaire, les droits des victimes seront étendus par l’élargissement des infractions recevables sans condition de ressources à la commission d’indemnisation des victimes d’infraction, notamment pour les victimes de violences graves (avec une ITT de plus de 8 jours) dans un cadre intrafamilial (violences sur mineurs ou violences conjugales) et de violation de domicile. Cette nouvelle possibilité d’indemnisation sera néanmoins plafonnée.
Le ministère entend renforcer sa lutte contre les violences intrafamiliales. Les dispositifs comme le « Téléphone Grave Danger », le « Bracelet Anti-Rapprochement » ou encore les enquêtes EVVI (EValuation of VIctims, programme européen), destinées à établir un bilan précis de la situation de la victime pour lui venir en aide de la façon la plus pertinente, feront l’objet de nouveaux développements et d’un soutien renforcé. Magistrats, enquêteurs, éducateurs de la protection judiciaire de la jeunesse, agents des services pénitentiaires d’insertion et de probation et associations d’aide aux victimes sont en première ligne sur cette action concertée. Les actions de formation, notamment communes aux diverses professions, vont s’intensifier.
Les mineurs victimes feront l’objet d’une attention particulière avec la généralisation des Unités d’accueil pédiatriques enfant en danger (UAPED) dans tous les départements, l’intervention d’un administrateur ad hoc dans tous les dossiers qui le nécessitent, le développement d’actions de communication pour faire connaître les numéros spécifiques de signalement et d’aide ainsi que la mise en œuvre de modalités d’accompagnement particulières telles que les visites par les mineurs victimes des salles d’audience en amont des audiences criminelles, l’accompagnement des victimes par des chiens d’assistance judiciaire (cf. 2.4.3.2).
Enfin, le ministère de la justice poursuivra son action destinée à renforcer l’accessibilité des associations d’aide aux victimes, au sein des tribunaux (bureau d’aide aux victimes) comme à l’extérieur (soutien à la mise en œuvre de permanences dans les hôpitaux, commissariats, gendarmeries, mairies…) au plus proche des besoins des victimes.
Les États généraux de la justice ont établi un constat général de la situation de la justice en France et esquissé des pistes d’amélioration. Le présent rapport a désormais dressé le plan d’action qui accompagne la loi d’orientation et de programmation du ministère de la justice et qui repose sur une vision ambitieuse de la justice en France.