Mme la présidente. Votre temps de parole est écoulé, mon cher collègue !
M. Julien Bargeton. Pour toutes ces raisons, mon groupe s’opposera à ce texte. (M. Emmanuel Capus applaudit.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Cécile Cukierman.
Mme Cécile Cukierman. Madame la présidente, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, je veux tout d’abord exprimer ma frustration qu’un débat aussi important soit tronqué. Certes, c’est la règle des niches parlementaires, mais il aurait certainement fallu plus de temps pour de réels échanges, des explications et des réponses.
Je remercie nos collègues du groupe socialiste d’avoir déposé ce texte, qui répond à une exigence de l’ensemble des élus locaux en matière de financement des collectivités territoriales.
Ce financement souffre cruellement, depuis un certain temps, d’un manque de moyens auquel s’ajoutent, comme cela a été rappelé, les multiples crises que nous traversons depuis maintenant quelques années.
Si la création d’une loi de financement des collectivités territoriales peut paraître séduisante, il nous semble que ce qu’attendent avant tout les élus locaux, c’est plus de visibilité et de prévisibilité, afin de pouvoir mieux anticiper, bâtir leur budget et répondre aux besoins des populations par leurs différentes dépenses d’investissement et de fonctionnement.
Nous craignons toutefois que l’article 1er, tel qu’il a été rédigé, ne renforce finalement le caractère autoritaire du contrôle par l’État de la gestion des collectivités territoriales. Celles-ci ont actuellement besoin de 100 milliards d’euros pour assurer pleinement leurs missions de service public. C’est à ce défi-là qu’il nous faut répondre. Or encadrer les dépenses ne permettra pas de compenser des décennies de désengagement de l’État.
La libre administration des communes risque d’être remise en cause : comme elles ne disposent plus de ressources propres, elles dépendront davantage du bon vouloir de l’État.
Je n’énumérerai pas les différentes taxes et impôts qui ont été supprimés ces dernières années,…
M. Julien Bargeton. Tant mieux !
Mme Cécile Cukierman. … mais, aujourd’hui, pour l’échelon communal, la taxe foncière demeure l’unique recette.
Pourtant, les taxes dans notre pays sont multiples. À ce propos, je veux redire que le problème de la France est très certainement que nous payons trop de taxes, mais pas assez d’impôts.
Une loi de programmation pour les collectivités territoriales nous semble constituer un véhicule beaucoup plus approprié et pertinent pour répondre aux enjeux de financement, mais aussi aux souhaits de visibilité et de transparence exprimés par les élus locaux.
Pour que le débat budgétaire soit plus efficace, il serait judicieux de prévoir un temps de débat sur les finances locales au sein de l’examen du projet de loi de finances.
Cela permettrait une forme de recollement des différentes recettes et dépenses affectées aux collectivités territoriales. Nous pourrions également proposer la création d’un jaune budgétaire, qui regrouperait toutes les données relatives aux dépenses de l’État pour les collectivités et permettrait d’instaurer plus de transparence.
Le deuxième objet de cette proposition de loi constitutionnelle est la compensation des nombreux transferts des compétences. Ceux-ci se sont en effet parfois opérés sans compensation à l’euro près, voire contre la volonté des élus.
Nous aurions voulu qu’un débat se tienne sur chacun des articles de ce texte. Toutefois, pour permettre d’aller jusqu’au vote, nous ne nous exprimerons pas lors de leur examen.
Mes chers collègues, je viens de vous exposer pourquoi notre groupe votera contre l’article 1er. En revanche, notre vote sur l’article 2 sera favorable.
Finalement, en l’état de la rédaction du texte, notamment parce que nous pensons que la création d’une loi de financement des collectivités territoriales permettrait au Gouvernement de recourir au 49.3 sur les finances de celles-ci, nous nous abstiendrons sur cette proposition de loi constitutionnelle.
Mme la présidente. La parole est à Mme Françoise Gatel.
Mme Françoise Gatel. Madame la présidente, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, je veux saluer le travail des rapporteurs, mais aussi l’initiative de M. Kerrouche, qui braque le projecteur sur un sujet essentiel et parfois existentiel, à savoir le financement des collectivités locales et de leurs groupements.
Mon cher collègue, votre constat est pertinent et largement partagé.
Alors que la conduite de l’action publique nécessite lisibilité, sécurité et visibilité, elle est soumise à des convulsions budgétaires, à l’émiettement des financements et à un dérapage du coût des compétences transférées, du fait du fréquent rajout de normes, à l’insu des collectivités. Tout cela aboutit à une lisibilité très floue. Or, selon l’expression consacrée, quand c’est flou, c’est qu’il y a un loup.
Toutefois, mon cher collègue, je pense que votre proposition de loi elle-même contient un loup ! Si l’autonomie financière des collectivités locales, que vous souhaitez conforter, est une composante du principe constitutionnel existant de libre administration des collectivités, force est de constater – vous le faites à raison – les limites de l’application de ce principe.
Votre diagnostic est bon, mais le remède que vous prescrivez ne l’est pas, me semble-t-il.
Cette bonne intention risque, comme souvent, de paver l’enfer des collectivités. En effet, la loi de financement des collectivités que vous proposez de créer, à l’article 1er, ressemble fort aux lois de financement de la sécurité sociale. Doit-on rappeler ici l’objet et l’effet de ces lois, qui est de plafonner des dépenses par le biais d’un indice ? Je ne doute pas, mon cher collègue, du succès de votre proposition de loi constitutionnelle auprès de Bercy et de la Cour des comptes !
Pardonnez-moi, mais vous réinventez les contrats de Cahors, en plus léonins. Vous créez ainsi un piège qui se refermera sur les collectivités. Ce n’était pas votre intention, mais c’est l’effet de votre proposition.
L’article 2 de ce texte vise pour sa part à rénover les modalités de compensation financière des transferts de compétences. Selon le principe, cher au Sénat, « qui décide paie », nous ne pouvons qu’adhérer à la révision du coût de ces transferts, toujours victimes de nouvelles obligations qui s’agrègent au fil du temps.
Cette disposition est si pertinente que le Sénat, vous le savez bien, l’a déjà adoptée en septembre 2020.
M. Didier Marie. Trois ans déjà !
Mme Françoise Gatel. Elle attend depuis lors patiemment dans l’antichambre de l’Assemblée nationale.
Par ailleurs, des travaux en cours dans notre assemblée – la mission d’information sur l’impact des décisions réglementaires et budgétaires de l’État sur l’équilibre financier des collectivités locales, dont je salue la rapporteure Guylène Pantel, ainsi que le groupe de travail transpartisan conduit par le président Larcher, dont le président de la commission des lois est le rapporteur – contribueront sans aucun doute à approfondir et structurer la réflexion du Sénat autour des exigences de sécurité et de visibilité que vous évoquez.
Mon cher collègue Éric Kerrouche, vous l’aurez compris, le groupe Union Centriste aime beaucoup votre diagnostic, mais pas du tout votre prescription. C’est pourquoi il votera contre ce texte. (M. Emmanuel Capus applaudit.)
M. Julien Bargeton. La conclusion est très bonne !
Mme la présidente. La parole est à M. Roger Karoutchi. (M. Antoine Lefèvre applaudit.)
M. Roger Karoutchi. Madame la présidente, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, j’ai déposé sur ce sujet une proposition de loi constitutionnelle qui n’est pas identique – c’est le moins que l’on puisse dire ! – à celle de notre collègue Éric Kerrouche.
Pour ma part, contrairement à Cécile Cukierman, je voterai volontiers pour l’article 1er du présent texte, mais contre son article 2. Ce n’est pas que je ne souhaite pas la compensation des transferts de compétences, mais, pour le dire franchement, un point me gêne un peu.
Nous souhaitons tous encourager l’autonomie fiscale et financière des collectivités, mais je m’inquiète toujours de ce que pourraient faire des gouvernements impécunieux, qu’ils soient de gauche ou de droite : si l’on insiste un peu trop sur la nécessité de compenser à l’euro près ces transferts, de tels gouvernements s’empresseront de dire : « Pas de problème, on va transférer, mais on va compenser ! », alors que tel n’est jamais le cas par la suite.
Je préfère évidemment que l’on se fonde davantage sur l’autonomie fiscale et financière des collectivités, en faisant en sorte qu’elles continuent de disposer d’impôts locaux, produisant de véritables rentrées financières, et qu’elles ne soient pas réduites à dépendre toujours plus des dotations de l’État. En effet, quelle que soit la couleur politique du gouvernement en place, on voit bien que, quand le budget va, les dotations ne souffrent pas trop, mais que, quand il n’est plus en grande forme, les collectivités locales deviennent vite la variable d’ajustement, car c’est la solution de facilité.
J’entends bien tous les arguments qui justifieraient de ne pas inscrire une telle loi de financement dans la Constitution. Mais la vérité est que beaucoup d’associations d’élus – celle des maires d’Île-de-France, notamment, mais elle n’est pas la seule – sont favorables à cette idée, sinon à tel ou tel texte qui l’exprime.
À en croire nos opposants, nous ne nous rendrions pas compte de la contrainte que la présence de ces dispositions dans la Constitution permettrait au Gouvernement d’exercer…
Pour ma part, je constate que les gouvernements qui ont supprimé la taxe professionnelle,…
M. Julien Bargeton. C’était vous !
M. Roger Karoutchi. … la taxe d’habitation et la CVAE…
M. Julien Bargeton. Ça, c’était nous !
M. Roger Karoutchi. … l’ont fait sans le moindre état d’âme vis-à-vis des collectivités locales, sans débat, sans rien du tout. Ce fut : bonjour et au revoir ! Pour la dernière en date comme pour d’autres, il s’agit souvent d’engagements politiques pris dans des campagnes électorales, mais qui ne font pas l’objet d’un réel débat, sur le fond, au Parlement.
Monsieur le garde des sceaux, vous n’êtes pas ministre du budget – vous ne pouvez pas occuper tous les postes ! –, mais cette question doit faire l’objet d’un travail collectif.
Je ne voterai pas la proposition de loi de notre collègue Éric Kerrouche, car je suis quelque peu gêné par ce que sous-entend l’article 2 par rapport à l’État, mais j’appelle le Sénat à formuler une proposition commune. Que ce soit par le biais des présidents de groupe ou par le groupe de travail que préside Gérard Larcher, nous devons nous y atteler.
Faut-il faire figurer cette proposition dans la Constitution ? À mon avis oui, puisque cela établirait un budget clair pour les collectivités. Mais si nous ne passons pas par la Constitution, nous devons en tout cas trouver une solution pour que les collectivités locales ne se retrouvent pas systématiquement seules face au pouvoir exécutif.
M. Didier Marie. Très bien !
M. Roger Karoutchi. Nous devons créer une structure ou élaborer un texte, de manière à renforcer les collectivités, sans que quiconque se sente dépossédé de ses prérogatives.
En tout état de cause, je me battrai pour l’autonomie fiscale, c’est-à-dire pour que l’on restitue aux collectivités locales des ressources fiscales propres, et non des compensations, car nous savons trop bien ce que deviennent les compensations. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées du groupe SER.)
M. Antoine Lefèvre. Très bien !
Mme la présidente. La discussion générale est close.
La commission n’ayant pas élaboré de texte, nous passons à la discussion des articles de la proposition de loi constitutionnelle initiale.
proposition de loi constitutionnelle visant à créer une loi de financement des collectivités territoriales et de leurs groupements et à garantir la compensation financière des transferts de compétences
Article 1er
Le titre V de la Constitution est ainsi modifié :
1° L’article 34 est ainsi modifié :
a) À la fin du treizième alinéa, les mots : « , de leurs compétences et de leurs ressources » sont remplacés par les mots : « et de leurs compétences » ;
b) Après le dix-neuvième alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Les lois de financement des collectivités territoriales et de leurs groupements déterminent leurs ressources et les conditions générales d’équilibre de leurs comptes, dans les conditions et sous les réserves prévues par une loi organique. Cette loi de financement vise à garantir l’autonomie financière des collectivités territoriales et de leurs groupements. » ;
2° À la troisième phrase du deuxième alinéa de l’article 39, après le mot : « territoriales », sont insérés les mots : « , notamment les lois de financement des collectivités territoriales et de leurs groupements, » ;
3° À la seconde phrase du dernier alinéa de l’article 42, après le mot : « sociale », sont insérés les mots : « , aux projets de loi de financement des collectivités territoriales et de leurs groupements » ;
4° Après l’article 47-1, il est inséré un article 47-1-1 ainsi rédigé :
« Art. 47-1-1. – Le Parlement vote les projets de loi de financement des collectivités territoriales et de leurs groupements dans les conditions prévues par une loi organique.
« Si le Sénat ne s’est pas prononcé dans un délai de vingt jours après le dépôt d’un projet, le Gouvernement saisit l’Assemblée nationale qui doit statuer dans un délai de quinze jours. Il est ensuite procédé dans les conditions prévues à l’article 45.
« Si le Parlement ne s’est pas prononcé dans un délai de cinquante jours, les dispositions du projet peuvent être mises en œuvre par ordonnance.
« Les délais prévus au présent article sont suspendus lorsque le Parlement n’est pas en session et, pour chaque assemblée, au cours des semaines où elle a décidé de ne pas tenir séance, conformément au deuxième alinéa de l’article 28. » ;
5° À la deuxième phrase du premier alinéa de l’article 47-2, après le mot : « sociale », sont insérés les mots : « et des lois de financement des collectivités territoriales et de leurs groupements » ;
6° Au troisième alinéa de l’article 48, après le mot : « sociale », sont insérés les mots : « , des projets de loi de financement des collectivités territoriales et de leurs groupements » ;
7° À la fin de la première phrase du troisième alinéa de l’article 49, les mots : « ou de financement de la sécurité sociale » sont remplacés par les mots : « , de financement de la sécurité sociale ou de financement des collectivités territoriales et de leurs groupements ». – (Adopté.)
Article 2
L’article 72-2 de la Constitution est ainsi modifié :
1° Le premier alinéa est complété par les mots : « de financement des collectivités territoriales et de leurs groupements » ;
2° À la seconde phrase du deuxième alinéa, après le mot : « loi », sont insérés les mots : « de financement des collectivités territoriales et de leurs groupements » ;
3° L’avant-dernier alinéa est ainsi modifié :
a) À la première phrase, après le mot : « territoriales », sont insérés les mots : « ou entre collectivités territoriales » ;
b) La seconde phrase est ainsi rédigée : « Toute création ou extension de compétences ou toute modification des conditions d’exercice des compétences des collectivités territoriales résultant d’une décision de l’État et ayant pour effet d’augmenter les dépenses de celles-ci est accompagnée de ressources équivalentes au montant estimé de cette augmentation. » ;
c) Sont ajoutées deux phrases ainsi rédigées : « Les ressources ainsi attribuées pour la compensation des transferts, créations, extensions ou modifications de compétences font l’objet d’un réexamen régulier. Une loi organique fixe les conditions dans lesquelles les dispositions du présent alinéa sont mises en œuvre. » ;
5° Au dernier alinéa, après le mot : « loi », sont insérés les mots : « de financement des collectivités territoriales et de leurs groupements ».
Mme la présidente. L’amendement n° 1 rectifié bis, présenté par M. Capus, Mme Paoli-Gagin, MM. Chasseing, Decool, Guerriau, Lagourgue et A. Marc, Mme Mélot et MM. Menonville, Wattebled et Verzelen, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
Après la première phrase de l’avant-dernier alinéa de l’article 72-2 de la Constitution, il est inséré une phrase ainsi rédigée : « Toutes les propositions et amendements formulés par les membres du Parlement portant sur un transfert de compétences entre collectivités territoriales sont recevables au titre de l’article 40. »
La parole est à M. Emmanuel Capus.
M. Emmanuel Capus. Actuellement, l’interprétation qui est faite de l’article 40 de la Constitution empêche le Parlement de formuler des propositions et de déposer des amendements visant à opérer des transferts de compétences entre collectivités territoriales, de sorte que la répartition des compétences entre les collectivités est l’apanage du Gouvernement.
Le Parlement – singulièrement le Sénat, qui représente les collectivités – est ainsi totalement empêché et ne peut être force de proposition en matière de compétences.
En effet, comme le précise le rapport d’information réalisé par Philippe Marini en 2014, qui fait encore référence en matière d’application de l’article 40, « les transferts de charges doivent être analysés comme la création d’une charge pour une personne publique, compensée par la diminution d’une charge pour une autre personne publique ». Cela concerne aussi le transfert de compétences entre collectivités, ce qui a pour conséquence que les amendements et propositions en ce sens sont aujourd’hui considérés comme irrecevables.
De plus, il est précisé dans ce rapport que cette interprétation correspond à « une jurisprudence constante à l’Assemblée nationale comme au Sénat », depuis une décision prise par le Conseil constitutionnel en 1976.
Toutefois, cette jurisprudence méconnaît gravement le fait que tout transfert de compétences entre les collectivités s’effectue, eu égard à l’article 72-2 de la Constitution, dans le respect du principe de neutralité budgétaire. Lorsque l’on transfère des compétences et des charges d’une collectivité vers une autre, cela ne crée aucune charge nouvelle.
Cet amendement vise donc à préciser que l’article 40 de la Constitution ne s’applique pas aux propositions et aux amendements parlementaires ayant pour objet des transferts de compétences, donc de charges, entre collectivités, afin de renforcer la place de l’initiative parlementaire, singulièrement sénatoriale, dans l’organisation décentralisée des compétences locales.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Charles Guené, rapporteur pour avis. Monsieur Capus, vous souhaitez prévoir un cas de dérogation à l’article 40 de la Constitution.
Plus précisément, vous suggérez que les propositions de loi ou les amendements tendant à prévoir des transferts de compétences entre collectivités territoriales ne puissent être déclarés irrecevables.
En l’état du droit, l’article 40 de la Constitution s’oppose sans ambiguïté à un transfert de compétences entre personnes publiques, dans la mesure où il se traduirait forcément par une création de charges pour la personne destinataire.
Pour autant, les présidents successifs de la commission des finances du Sénat ont adopté à cet égard une jurisprudence particulièrement favorable à l’initiative parlementaire. Sont ainsi considérés comme recevables les amendements se bornant à redistribuer le poids d’une même charge au sein d’une même catégorie de collectivités, notamment entre les communes et les EPCI, les établissements publics de coopération intercommunale.
Il en va de même pour les délégations de compétences, y compris entre collectivités relevant de strates différentes, dans la mesure où la compétence demeure, juridiquement, à la collectivité délégante.
Aussi, il nous semble fort peu opportun d’introduire dans un texte constitutionnel, au détour de cette proposition de loi, un cas de dérogation unique à l’article 40 de la Constitution pour les seuls transferts de compétences entre collectivités territoriales : cela ouvrirait la porte à un débat sans fin sur la mise en place d’exceptions sectorielles à la règle commune.
La commission émet donc un avis défavorable sur cet amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. La parole est à M. Emmanuel Capus, pour explication de vote.
M. Emmanuel Capus. Si j’ai formulé cette proposition, c’est parce que des amendements que j’avais déposés à l’occasion de l’examen de la loi relative à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l’action publique locale, dite loi 3DS, ont été jugés irrecevables au titre de l’article 40 de la Constitution, au motif qu’ils visaient prétendument à créer une charge. Or tel n’était absolument pas le cas !
Si vous transférez, par exemple, la compétence des écoles de la commune au département, ou la compétence des collèges du département à la région, vous ne créez aucune charge pour l’État : la compétence est simplement transférée d’une collectivité à une autre. Il me semble que cela ne crée aucun risque financier pour l’État ; c’est totalement neutre et donc constitutionnel.
Nous nous tirons une balle dans le pied, en tant que sénateurs, en nous privant de la possibilité de transférer une compétence d’une collectivité à une autre. C’est tout de même notre rôle : nous sommes les représentants des collectivités territoriales !
Il me semble donc logique, compte tenu de l’absence de risque financier, d’écrire dans la Constitution que le Parlement peut parfaitement transférer une compétence, du moment que c’est neutre financièrement. Il s’agit simplement de revenir sur une interprétation à mon sens beaucoup trop rigoriste de l’article 40 de la Constitution.
Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 1 rectifié bis.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Mme la présidente. Personne ne demande la parole ?…
Je mets aux voix l’ensemble de la proposition de loi constitutionnelle visant à créer une loi de financement des collectivités territoriales et de leurs groupements et à garantir la compensation financière des transferts de compétences.
En application de l’article 59 du règlement, le scrutin public ordinaire est de droit.
Il va y être procédé dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
Mme la présidente. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à constater le résultat du scrutin.
(Mmes et MM. les secrétaires constatent le résultat du scrutin.)
Mme la présidente. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 268 :
Nombre de votants | 343 |
Nombre de suffrages exprimés | 324 |
Pour l’adoption | 86 |
Contre | 238 |
Le Sénat n’a pas adopté.
Monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, je vous remercie de votre bienveillance, qui nous a permis de tenir les délais impartis.