Mme Éliane Assassi. Eh bien, nous allons le faire !
Mme Céline Brulin. Nous irons la chercher !
M. le président. La parole est à Mme Marie-Noëlle Lienemann, pour un rappel au règlement.
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Mon rappel au règlement se fonde lui aussi sur l’article 36 de notre règlement.
Mme Aubry disait, historiquement, que, « quand c’est flou, c’est qu’il y a un loup ». (Exclamations sur des travées du groupe Les Républicains.)
Mme Catherine Deroche, présidente de la commission des affaires sociales. Martine, sors de ce corps ! (Sourires sur les mêmes travées.)
Mme Marie-Noëlle Lienemann. En l’occurrence, je dis donc : gare au loup !
Monsieur le ministre, vous invoquez une règle fixée par le précédent Président de la République. Mais les « édits » des Présidents de la République ne sont pas des lois. Ce sont peut-être des us et coutumes, mais ils n’ont pas de valeur législative contraignante. Heureusement, nous ne sommes plus au temps de la royauté.
Vous ajoutez qu’il est possible de consulter ces notes de synthèse ; mais pourquoi les cacher ?
Chers collègues du groupe Les Républicains, vous avez fait de grandes déclarations contre notre motion de renvoi au référendum en insistant sur la nécessité de consolider la démocratie parlementaire. Mais, pour pouvoir délibérer, le Parlement doit être réellement éclairé par le Gouvernement. Or ce dernier lui cache manifestement des éléments mis sur la table par le Conseil d’État ; et, s’il nous les cache, ce n’est pas par hasard. A priori, un certain nombre d’articles de ce projet de loi ne sont pas conformes à notre Constitution.
Monsieur le ministre, il ne s’agit certes pas du cœur de ce texte, à savoir le report à 64 ans de l’âge légal de départ à la retraite ; mais il s’agit de mesures essentielles à votre argumentaire, qui, comme l’index seniors, sont autant de rustines à votre réforme.
Par ce manque d’information, vous trompez notre assemblée et, par là même, les Français. (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE et SER.)
Mme Catherine Deroche, présidente de la commission des affaires sociales. Rien que cela !
M. le président. La parole est à Mme Laurence Rossignol, pour un rappel au règlement.
Mme Laurence Rossignol. Monsieur le président, mon rappel au règlement, qui porte sur un autre sujet, se fonde sur les articles 5 et 20 de la Constitution.
Monsieur le ministre, vous avez déclaré hier au Sénat : si nous sommes dans le cadre de l’article 47-1, ce n’est pas une décision du Gouvernement ; l’article s’applique à l’ensemble des lois financières. Vous vouliez ainsi justifier le temps contraint de l’Assemblée nationale, comme si, en fin de compte, cela n’était pas de votre faute ; comme si vous étiez totalement passif à l’égard de la Constitution.
Or je vous rappelle cette précision très claire, apportée par le Conseil constitutionnel dans sa décision n° 86-209 du 3 juillet 1986 : le fait pour le Gouvernement de ne pas déférer aux prescriptions constitutionnelles « et de laisser ainsi l’Assemblée nationale statuer sur un projet dont elle n’a pas été dessaisie ne constitue […] pas une irrégularité de nature à vicier la procédure ». Il n’en deviendrait une que s’il avait « pour conséquence de réduire le délai dont dispose le Sénat ».
Pour le dire plus simplement, vous pouviez tout à fait laisser l’Assemblée nationale continuer de débattre dans le cadre de l’article 47-1, à condition de laisser au Sénat le temps qui lui est imparti. Rien ne vous en empêchait, contrairement à ce que vous avez dit hier. (M. le ministre manifeste son désaccord.)
Ne hochez pas la tête de droite à gauche, c’est-à-dire négativement… (Exclamations sur des travées des groupes RDPI, UC et Les Républicains.)
M. Martin Lévrier. Oh !
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Mais non, c’est de gauche à droite ! (Sourires sur les travées du groupe SER.)
Mme Laurence Rossignol. Et, quand vous hochez la tête de gauche à droite, faites attention qu’elle revienne parfois au milieu. (Mêmes mouvements.)
Monsieur le ministre, pour en revenir à mon rappel au règlement, je vous demande, dans la suite de nos débats, de ne pas tordre la Constitution à votre seul avantage : respectez-en la lettre, ainsi que la jurisprudence du Conseil constitutionnel. (Applaudissements sur les travées des groupes SER, CRCE et GEST.)
M. le président. La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge, pour un rappel au règlement.
Mme Raymonde Poncet Monge. Mon rappel au règlement se fonde sur les articles 17 bis et 45 de notre règlement.
La discussion de cette réforme commence mal… (Vives exclamations sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées du groupe UC.)
M. Roger Karoutchi. Oh oui, ça commence mal !
M. Philippe Pemezec. En effet !
Mme Raymonde Poncet Monge. Elle est largement entravée par les irrecevabilités qui ont frappé des centaines de nos amendements.
Ce projet de loi, qui se contente de traiter du travail via un simple index seniors, ne peut pas être amendé à ce titre.
Nombre d’amendements tendant à améliorer les conditions de travail, à prendre en compte divers critères de pénibilité ou encore à redéfinir certains seuils qui sont au cœur des questions de pénibilité, d’inaptitude et donc de retraite, ont été déclarés irrecevables au motif que leurs dispositions seraient sans lien avec un projet de loi de financement de la sécurité sociale.
Mais ce qui ne traite pas du financement de la sécurité sociale, c’est l’index seniors, auquel ces amendements étaient rattachés ! Un article se trouve donc être quasiment inamendable… C’est nouveau !
On nous empêche aussi de demander des rapports sur la décote ou de parler des caisses de retraite, dans un projet de loi visant à réformer les retraites…
Certains amendements reprenaient ceux qui avaient été déposés lors des examens des PLFSS précédents et qui n’avaient pas été déclarés irrecevables (Exclamations sur des travées du groupe Les Républicains.). C’est le cas de l’amendement relatif à la prestation de compensation du handicap (PCH), qui avait été présenté dans les trois derniers projets de loi.
On nous empêche également d’aborder certains sujets relatifs à l’objectif national de dépenses d’assurance maladie (Ondam), alors que nous étudions, paraît-il, un PLFSS. Ou bien le texte est un PLFSS, et il faut le traiter comme tel, ou bien il faut d’ores et déjà assumer que le véhicule législatif actuel n’est pas approprié !
En tout état de cause, la mère des réformes devrait nous faire débattre des conséquences qu’elle aura sur le travail, la pénibilité, le système de soins, les finances et les recettes. Or je note que des amendements de dépenses, déposés par la droite sénatoriale, ont été acceptés ! Un vrai comble ! (Exclamations sur des travées du groupe Les Républicains.) Eh oui, c’est pourtant la réalité ! (Protestations sur les mêmes travées.)
Vous commencez très mal cette discussion…
M. Roger Karoutchi. Vous aussi !
Mme Raymonde Poncet Monge. … et nous allons en tenir compte ! (Applaudissements sur les travées des groupes GEST, SER et CRCE. – Murmures sur des travées du groupe Les Républicains.)
M. Philippe Pemezec. On tremble !
M. le président. La parole est à Mme Marie-Pierre de La Gontrie, pour un rappel au règlement.
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Mon rappel au règlement se fonde sur les articles 24, 24 bis, 25, 29 ter et 36 du règlement, ainsi que sur les articles 39 et 47-1 de la Constitution.
Monsieur le ministre, hier, à l’issue de la discussion générale, lorsque vous répondiez aux interventions de nos collègues, vous avez indiqué que l’encadrement ou la limitation du temps de parole ne relevait pas de la responsabilité du Gouvernement. Or, et j’espère ne pas vous l’apprendre, il est possible de réformer le régime de retraite sans passer par un PLFSS, comme ce fut le cas avec la loi Touraine de 2013 et la loi de 2010. C’est donc un autre choix que le Gouvernement a fait ! (Murmures sur des travées du groupe Les Républicains.)
Pour quelles raisons ? Nous en découvrons chaque jour davantage.
Vous avez indiqué plus tôt que les PLFSS avaient pour particularité d’être précédés non pas d’un avis du Conseil d’État – cela tombe d’autant mieux que ces avis sont traditionnellement rendus publics –, mais simplement d’une note. Nous n’avons d’ailleurs pas compris si, bien qu’étant secrète, vous acceptiez de la communiquer. J’ai l’impression que la réponse sera négative…
Nous le savons tous, et vous le savez également : le recours au PLFSS vous permettra d’utiliser le fameux article 49.3 – c’est dire la confiance que vous avez dans le vote de l’Assemblée nationale – et vous donne la possibilité d’encadrer les débats – c’est cela qui vous intéresse.
Je rappelle que l’article 47-1 ne vous impose pas de limiter le débat au 12 mars prochain, puisque vous pouvez le poursuivre encore pendant quelques jours, à moins que votre rêve ne soit de mettre en œuvre cette réforme des retraites par ordonnance… C’est peut-être, depuis le début, la volonté du Gouvernement.
Monsieur le ministre, nous avons au fur et à mesure appris beaucoup de choses grâce à vous. Près de deux millions de personnes devaient bénéficier de la retraite à 1 200 euros ; ils ne seraient désormais plus que 13 000… Peut-être avez-vous découvert aujourd’hui, qui sait, que recourir au PLFSS, une procédure si particulière, était finalement très malicieux de la part du Gouvernement ! (Applaudissements sur les travées des groupes SER, CRCE et GEST.)
M. le président. La parole est à M. Sébastien Meurant, pour un rappel au règlement.
M. Sébastien Meurant. C’est un sujet compliqué, comme aurait pu le dire Marc Laménie (Sourires.), ou un sujet complexe, comme l’a dit, hier M. le ministre Dussopt. Or on peut admettre qu’il faut un peu de temps pour pouvoir apprécier une réforme comme celle-ci de manière à prendre du recul, compte tenu de la complexité du sujet.
La retraite, c’est un héritage de notre histoire, qui est plutôt réussi. Sans reprendre les paroles d’une chanson de Pierre Perret, « la retraite des vieux », ce n’est plus comme avant, car on a pu la faire progresser et éliminer la part des pauvres chez les anciens. La retraite, cela touche l’ensemble les Français. Il suffit de regarder ce qui se passe dans la rue pour s’en rendre compte.
Alors, comment convaincre et persuader les Français sans en avoir le temps ? La principale condition, c’est de respecter le Parlement. À ce titre, le recours à l’article 47-1 pour accélérer le débat est, à mon avis, une faute, une faute politique, et frise même le détournement de procédure, comme l’a dit hier notre collègue Kanner.
C’est une faute devant le Parlement, mais c’est surtout une faute devant les Français, qui sont légitimement inquiets, vu le peu de confiance qu’ils ont dans la parole politique, dans les partis politiques et vu ce qui se passe dans les différentes assemblées…
Comment justifier sur le plan des idées, le passage d’une réforme systémique révolutionnaire, prévue en 2019 – je me méfie, moi, des conséquences des révolutions – à une réforme paramétrique, qui compte certainement des éléments positifs, mais de laquelle l’on ne retient, et c’est devenu totémique, que l’âge de départ à la retraite – ce sujet est-il véritablement essentiel ?
Mme Catherine Deroche, présidente de la commission des affaires sociales. Ce n’est pas un rappel au règlement !
M. Sébastien Meurant. Comment convaincre les Français alors qu’Emmanuel Macron disait, en 2019, qu’une telle réforme serait hypocrite ? Avons-nous véritablement changé de période ? Avons-nous véritablement résolu la question du chômage des anciens ? Non, bien sûr.
M. le président. Il faut conclure.
M. Sébastien Meurant. Je crois, et ce que je vais dire va plaire à la partie gauche de l’hémicycle, qu’il faut savoir donner du temps au temps. (Sourires sur des travées des groupes SER et CRCE.)
Ce qui est certain, c’est que la politique, comprise comme l’art de mener le changement, est définitivement…
M. le président. Veuillez conclure !
M. Sébastien Meurant. … incompatible avec le fameux « en même temps ». (M. Pierre Laurent applaudit.)
M. le président. La parole est à Mme Éliane Assassi, pour un rappel au règlement.
Mme Éliane Assassi. Mon rappel au règlement se fonde sur… (Mme Éliane Assassi hésite.) l’article invoqué par mes camarades à l’instant ! (Sourires.)
M. le président. Hier, vous avez invoqué un article imaginaire ! (Mêmes mouvements.)
Mme Éliane Assassi. Sur l’article 36 de notre règlement !
Je reviens sur les demandes émises par mes camarades à propos de l’avis du Conseil d’État, dont nous avons en partie pris connaissance dans la presse.
Je souhaiterais que la séance soit suspendue pour permettre à M. le ministre de demander à ses services de lui faire parvenir lesdits documents, afin que nous puissions en prendre connaissance. (Bravo ! et applaudissements sur les travées des groupes CRCE et SER.)
M. le président. Madame la présidente, je vous le dis clairement : il n’y aura pas de suspension téléphonique ! (Sourires.)
Mme Éliane Assassi. J’ai tout de même le droit de le demander !
Mme Catherine Deroche, présidente de la commission des affaires sociales. Monsieur le président, je vous demande votre indulgence, car je vais être un peu longue, mais je pense que ces interpellations sur les amendements déclarés irrecevables appellent une réponse détaillée.
Grâce à la récente notoriété acquise par l’article 47-1 de la Constitution, que nous appliquons chaque année à l’automne lors de l’examen du PLFSS, nul n’ignore désormais que la réforme des retraites est portée par un projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale.
Les règles de recevabilité des amendements sur de tels textes sont fixées par la loi organique du 14 mars 2022 relative aux lois de financement de la sécurité sociale, codifiée dans le code de la sécurité sociale. (Murmures sur les travées du groupe CRCE.)
Les dispositions du règlement du Sénat me confient la lourde tâche d’appliquer de telles règles. Je tiens à rappeler que cet exercice n’est plaisant pour aucun président de commission à qui il incombe. Il s’agit d’une obligation constitutionnelle, et j’ai dû l’exercer cette année dans des conditions particulièrement éprouvantes en raison des délais et du nombre d’amendements. (Mêmes mouvements.)
Si mes collègues du groupe CRCE veulent bien m’écouter…
Je veux tout d’abord rappeler que ces règles de recevabilité découlent directement des délais constitutionnels relatifs à l’examen des projets de loi de financement de la sécurité sociale. Garantir la recevabilité des amendements est une façon de s’assurer que le Sénat, dans le délai qui lui est imparti, délibère sur des amendements qui ont effectivement leur place dans un tel texte.
Il s’agit donc d’une réforme des retraites qui est défendue dans un PLFRSS et non d’un projet de loi Retraites ou Travail.
Premier critère de recevabilité : il faut que les dispositions proposées aient un effet sur les recettes ou les dépenses des régimes obligatoires de base de la sécurité sociale.
Comme à l’accoutumée, les amendements qui ont pour objet des dispositifs qui relèvent non pas de la sécurité sociale, mais des régimes complémentaires de l’assurance chômage, de l’État ou encore des collectivités locales ne sont pas recevables.
Ensuite, les dispositions portant sur le droit du travail sont irrecevables, qu’il s’agisse de la négociation collective, de l’emploi des seniors, du compte personnel de formation, ou encore de la santé au travail.
Même si nous remettrons le sort de l’article 2 entre les mains du Conseil constitutionnel, sa présence dans le texte ne suffit pas à assurer la recevabilité des amendements portant sur ces sujets.
Je signale que l’objectif assigné à la Caisse d’amortissement de la dette sociale est de rang organique. Ainsi, sauf à le remettre en cause, ce qui serait irrecevable, toute privation de recettes doit être compensée par une recette qui doit être assise sur l’ensemble des revenus.
Par ailleurs, le Conseil constitutionnel censure régulièrement au fil des PLFSS des dispositions relatives à l’information des assurés. J’ai donc déclaré irrecevables l’ensemble des amendements qui s’y rapportaient.
Enfin, nombre d’amendements avaient pour objet de demander des rapports au Gouvernement. Au-delà de l’avis défavorable de la commission sur ce type de demandes, j’ai apprécié la recevabilité de tels amendements au regard de la jurisprudence très stricte du Conseil constitutionnel, qui a une lecture rigoureuse de l’article L.O. 111-3-12 du code de la sécurité sociale. Ce dernier prévoit en effet que les projets de loi de financement rectificative de la sécurité sociale peuvent contenir des dispositions visant à améliorer « l’information et le contrôle du Parlement sur l’application des lois de financement de la sécurité sociale » – j’insiste sur ce point –, c’est-à-dire des dispositifs bien identifiés.
Les rapports prospectifs, dont le seul objet est de se conformer à l’article 40 de la Constitution, relatifs à l’évaluation d’hypothétiques dispositifs, ne sauraient relever de l’application des lois de financement de la sécurité sociale.
De même, les amendements qui, bien que mentionnant l’application des LFSS comme un gage de recevabilité, portant en réalité sur des effets lointains ou diffus, ne sauraient être appréciés comme recevables. Ils peuvent être remplacés par des prises de parole ayant le même objet et le même effet.
J’ai ainsi examiné près de 450 amendements – j’y insiste – ayant pour objet une demande de rapport, soit 9,5 % du total des amendements déposés. Près de 251 amendements ont été déclarés irrecevables ; il en reste donc environ 200 à examiner, ce qui représente sans doute déjà beaucoup de temps de lecture…
Les règles sont donc les mêmes que pour l’examen du PLFSS, mais avec une contrainte supplémentaire : les amendements déposés doivent avoir un effet en 2023.
En ce qui concerne le projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale, les irrecevabilités prévues à l’article L.O. 111-3-12 précité sont d’autant plus strictes que l’effet indispensable sur les comptes des régimes obligatoires de base de la sécurité sociale se doit d’être sensible dès l’année en cours. Tout amendement ayant pour objet un dispositif prenant effet au-delà de 2023 ou repoussant après 2023 l’application d’un dispositif proposé a été ainsi considéré comme irrecevable.
Voici les quelques explications que je souhaitais apporter.
Pour terminer, j’ajoute que, sur l’ensemble du texte, 493 amendements ont été déclarés irrecevables au titre de la loi organique relative aux lois de financement de la sécurité sociale, sur les 4 734 déposés, soit 10,4 %. C’est une proportion très largement inférieure à celle qui est constatée pour les PLFSS.
Il reste donc plus de 3 700 amendements à examiner. Le débat aura bien lieu.
Je rappelle qu’il ne suffit pas d’écrire « rapport » ou « comptes sociaux » pour que l’amendement soit recevable !
M. Pierre Laurent. En somme, près de mille amendements ont été déclarés irrecevables, n’est-ce pas ?
Mme Catherine Deroche, présidente de la commission des affaires sociales. Oui !
Demande de renvoi à la commission de l’article liminaire
M. le président. Je suis saisi, par Mmes Féret et Lubin, M. Kanner, Mme Conconne, M. Fichet, Mme Jasmin, M. Jomier, Mmes Le Houerou, Meunier, Poumirol, Rossignol et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, d’une motion n° 4734.
Cette motion est ainsi rédigée :
En application de l’article 44, alinéa 5, du règlement, le Sénat décide qu’il y a lieu de renvoyer à la commission l’article liminaire du projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale pour 2023 (n° 368, 2022-2023).
Je rappelle que, en application du dernier alinéa de l’article 44 du règlement du Sénat, ont seuls droit à la parole sur cette motion l’auteur de l’initiative ou son représentant pour deux minutes maximum, un orateur d’opinion contraire pour deux minutes maximum, le président ou le rapporteur de la commission saisie au fond, et le Gouvernement.
En outre, la parole peut être accordée pour explication de vote à un représentant de chaque groupe.
La parole est à Mme Corinne Féret, pour la motion. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
Mme Corinne Féret. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le présent article liminaire a pour objet d’entériner une réforme des retraites commandée par l’impératif d’équilibrer les comptes publics à la suite des nombreux cadeaux fiscaux accordés par le Gouvernement aux ménages les plus riches via la suppression de l’impôt de solidarité sur la fortune ou l’introduction de la flat tax, mais aussi aux grandes entreprises, sous l’effet notamment de la suppression de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises.
Ce même gouvernement cherche à nous imposer sa réforme paramétrique en usant de l’artifice de l’article 47-1 de la Constitution et en passant par un budget rectificatif de la sécurité sociale pour réduire comme peau de chagrin nos travaux.
Recourir à un projet de loi de financement de la sécurité sociale plutôt qu’à un projet de loi ordinaire fait que les sénatrices et sénateurs n’ont pas eu l’occasion de débattre en commission ni de poser véritablement la question des recettes. Or cela aurait permis, par exemple, de se pencher sur le sujet des exonérations de cotisations sociales, dont certaines n’ont aucun effet notable sur notre économie, mais coûteront à la branche vieillesse 18,9 milliards d’euros en 2023, soit un peu plus que les 17,7 milliards que le Gouvernement dit chercher à réaliser d’ici à 2030 grâce à sa réforme.
Étant donné que le système de retraite collecte plus de 300 milliards d’euros par an et que, dans le contexte actuel, le Gouvernement est capable d’augmenter les dépenses ou de baisser les prélèvements à coups de dizaines de milliards, trouver des solutions dans un objectif de justice sociale ne devrait pas être bien difficile…
Revenons sur les baisses d’impôt injustes, taxons les superprofits, soumettons à cotisation patronale les revenus issus des dividendes ou des rachats d’actions ! L’effort ne sera acceptable que s’il est partagé par tous.
Nous avions déjà rejeté le projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2023 à 2027.
Messieurs les ministres, nous vous avions également alertés sur le poids de l’inflation et sur l’insuffisance du rehaussement de l’Ondam pour nos hôpitaux publics en particulier, même s’il compte aujourd’hui 750 millions d’euros de plus.
Pour toutes ces raisons, nous considérons qu’il y a lieu de renvoyer à la commission l’article liminaire du projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale pour 2023. (Applaudissements sur les travées des groupes SER et CRCE.)
Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. Je remercie ma collègue de penser que la commission pourrait encore travailler sur ce sujet… (Murmures sur les travées du groupe CRCE.) À mon sens, nous avons suffisamment débattu.
Mme Laurence Cohen. Cela ne fait que commencer !
Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. Cette question relève avant tout d’un projet de loi de financement de la sécurité sociale, que nous examinons chaque année.
La commission émet donc un avis défavorable sur cette motion.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Gabriel Attal, ministre délégué auprès du ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargé des comptes publics. Ce texte est absolument crucial pour que nous soyons en mesure de continuer à payer chaque mois les pensions de nos retraités. (Protestations sur les travées du groupe SER.)
Mme Laurence Rossignol. C’est déjà possible !
M. Gabriel Attal, ministre délégué. Cet article est également crucial pour notre hôpital public. Dans cet article liminaire figurent les moyens supplémentaires que nous accordons à l’hôpital public en 2023, à la suite des annonces du Président de la République, notamment pour revaloriser le travail de nuit, soit près de 600 millions d’euros de plus en 2023 pour l’hôpital public !
Mme Céline Brulin. Ne faites pas du Véran !
M. Gabriel Attal, ministre délégué. En demandant le renvoi à la commission de cet article liminaire, ce que vous voulez, au fond, c’est écarter ces moyens en plus pour l’hôpital public ! (Marques d’ironie sur les travées du groupe SER.) Ce n’est évidemment pas notre objectif !
Pour toutes ces raisons, l’avis du Gouvernement est défavorable. (Protestations sur les travées des groupes SER et CRCE.)
Mme Laurence Rossignol. Vous n’y croyez pas vous-même !
M. le président. La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge, pour explication de vote.
Mme Raymonde Poncet Monge. Monsieur Attal, nous le savons bien, si nous ne votons pas cette réforme, les trains dérailleront, les enfants ne seront pas vaccinés, etc. S’il vous plaît, épargnez-nous ces remarques !
Mes chers collègues, disons-le dès à présent : le groupe écologiste soutient amplement la motion présentée par nos collègues socialistes. La réforme des retraites que nous examinons répond, selon le Gouvernement, à un impératif d’équilibre des comptes publics. Mais c’est seulement à moyen terme, puisque, en fait, elle coûte 400 millions d’euros en 2023 !
Les tableaux et les méthodes de financement présentés dans ce projet de loi suscitent nombre d’interrogations. Le monde du travail s’en trouve affecté, sans que nous puissions avoir un débat satisfaisant, comme en témoignent les irrecevabilités que se sont vu opposer nombre d’amendements.
Si le débat doit prévaloir, si la situation est suffisamment grave pour justifier le débat que nous avons ici, alors il faut que la discussion puisse avoir lieu, que nous débattions suffisamment des fondements de la réforme et que le temps nécessaire y soit consacré.
Par conséquent, je le répète, nous soutenons la motion de nos collègues socialistes. (Applaudissements sur les travées des groupes GEST et SER.)
M. le président. La parole est à Mme Émilienne Poumirol, explication de vote.
Je rappelle qu’il n’y a qu’une seule explication de vote par groupe.
Mme Émilienne Poumirol. Je souhaite confirmer notre demande de renvoi en commission de l’article liminaire.
Mes chers collègues, vous êtes tous des élus locaux, départementaux ou autres. Vous savez donc combien le travail en commission est important, puisqu’il permet d’avancer dans l’étude des dossiers et que, à cette occasion, sont fondés les principes qui seront ensuite débattus au cours de la séance publique.
Dans le cas précis de ce texte, les réunions de notre commission ont consisté à émettre un avis favorable ou défavorable sur une série d’amendements sans que nous ayons pu discuter une seconde de leur objet sur le fond !
Il n’y a pas eu de discussions sur le fond, mais l’expression quasi exclusive d’avis défavorables sur l’ensemble des amendements que nous avons déposés. Non, il n’y a eu aucun débat de fond !