M. le président. La parole est à M. le ministre de l’intérieur et des outre-mer.
M. Gérald Darmanin, ministre de l’intérieur et des outre-mer. Monsieur le sénateur, je ne reviens pas sur le constat que vous avez dressé et que le Gouvernement partage. Il est tellement vrai que la loi visant à consolider notre modèle de sécurité civile et valoriser le volontariat des sapeurs-pompiers et les sapeurs-pompiers professionnels, dite Matras, prévoyait qu’un audit de notre système de sécurité civile et de son financement serait organisé par le Gouvernement.
Ce rapport m’a été remis. Je l’ai rendu public et transmis aux élus, aux Sdis et aux organisations de sapeurs-pompiers professionnels, ainsi qu’aux organisations de sapeurs-pompiers volontaires. Comme vous, je remercie les pompiers du travail extrêmement difficile qu’ils ont effectué cet été, mais qu’ils réalisent aussi tout au long de l’année.
Quel est le contenu de ce rapport ?
Premièrement, il s’intéresse à la part des différentes sources de financement des Sdis. Je constate, ce que personne ne dit jamais, que l’État finance le fonctionnement des Sdis, alors que ces services ont été décentralisés depuis 2001, à hauteur d’un quart.
Deuxièmement, ce rapport pointe un certain nombre de difficultés de financement, notamment s’agissant de la taxe spéciale sur les conventions d’assurances (TSCA), jadis imaginée pour contribuer au financement des Sdis. Cette taxe est à la fois très dynamique et mal répartie. En outre, certains départements, vous le savez, ne la reversent pas intégralement à la collectivité sui generis qu’est le Sdis.
Troisièmement, il existe un sujet entre, d’un côté, des départements pauvres ou qui affrontent des feux de forêt – parfois, ce sont les deux à la fois –, ou encore qui manquent de médecins, et, de l’autre, des départements plus riches, où le nombre de feux de forêt est moindre et celui des médecins plus important.
Cela pose la question du financement de l’État : celui-ci y est prêt et le Président de la République a déjà fait un certain nombre d’annonces. Le rapport d’Hubert Falco nous fournira également des éléments, afin d’aider davantage les Sdis.
Cela pose également la question du travail de la sécurité civile face au réchauffement climatique, avec sa dimension aérienne qui est très importante.
Enfin, comme vous l’avez très bien dit, monsieur le sénateur, cela pose la question de la péréquation entre les Sdis.
En tout cas, le Gouvernement est à votre disposition pour avancer sur ces sujets et, dans le cadre de la prochaine loi de finances, pour mettre fin à ces difficultés. Il veut aussi soutenir les nombreuses propositions de loi, émanant de toutes les travées de cet hémicycle, qui prévoient un travail considérable s’agissant de la prévention des risques.
Nous sommes prêts à vous accompagner. (MM. François Patriat et Alain Richard applaudissent.)
fin de l’enseignement de la technologie au lycée
M. le président. La parole est à Mme Monique de Marco, pour le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST. – Mme Esther Benbassa applaudit également.)
Mme Monique de Marco. Ma question s’adresse à M. le ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse.
Avez-vous entendu parler du robot ChatGPT ? Ce fameux logiciel d’intelligence artificielle suscite de vives réactions et de nombreuses dérives. J’ai d’ailleurs testé ce robot pour cette question. (Sourires.)
L’intelligence artificielle peut être un formidable outil si elle est correctement utilisée. Et quoi de mieux que des cours de technologie dès la classe de sixième pour former nos enfants à ces nouvelles technologies ?
Pourtant, vous ne semblez pas être du même avis, monsieur le ministre, puisque, le 12 janvier dernier, vous avez annoncé, par voie de presse, la suppression de la technologie en sixième, au collège.
Cette annonce brutale a été un coup de tonnerre pour la communauté enseignante. Cette décision verticale n’a été ni présentée, ni discutée, ni concertée. Elle traduit une méconnaissance totale des enjeux du XXIe siècle. En effet, pour réussir la transition écologique qui s’impose à nous, la France a de plus en plus besoin d’une jeunesse ouverte aux sciences et aux technologies.
Les méthodes d’apprentissage, propres aux disciplines expérimentales, développent l’esprit critique, stimulent la créativité et contribuent à la lutte contre le décrochage scolaire.
Cette suppression serait guidée par des choix budgétaires, sans aucune considération pédagogique. Vous souhaitez renforcer l’accompagnement des élèves en mathématiques et en français, mais sans investir dans l’école de la République.
Puisque vous n’avez pas fait de concertation, et afin de susciter votre intérêt pour cette matière, j’ai donc choisi d’interroger ChatGPT pour formuler ma question.
Voici sa réponse : « Le Gouvernement peut-il détailler les motivations et les conséquences prévues de la suppression de la technologie en sixième ? Comment cela impactera les compétences futures des jeunes dans un monde de plus en plus numérique ? »
M. Bernard Jomier. Excellent !
Mme Monique de Marco. L’être humain que je suis souhaite ajouter les questions suivantes : quel calendrier s’agissant d’une information officielle et cadrée est-il prévu ? Qui assurera réellement le soutien annoncé en français et en mathématique et dans quelles conditions ? Quel avenir pour la technologie ? (Applaudissements sur les travées des groupes GEST et SER. – Mmes Esther Benbassa, Laurence Cohen et Marie-Noëlle Lienemann applaudissent également.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse.
M. Pap Ndiaye, ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse. Madame la sénatrice de Marco, je n’ai pas besoin de l’intelligence artificielle pour vous répondre. (Murmures ironiques sur des travées des groupes GEST et SER.)
L’école de la République ne peut laisser de côté entre un quart et un tiers des élèves de sixième qui ont des difficultés, possiblement insurmontables, en français et en mathématiques. Comme je l’ai annoncé, lors de la rentrée 2023, des sessions de soutien ou d’approfondissement auront lieu dans ces deux disciplines fondamentales et seront mises en place pour les élèves de sixième.
Pour assurer ces sessions, sans alourdir les horaires de classe des élèves de sixième, nous allons concentrer l’enseignement de technologie sur les classes de cinquième, de quatrième et de troisième.
Dans ce cadre, la technologie sera confortée, madame la sénatrice. Je suis donc très clair : il n’y a ni suppression de la technologie au collège ni relégation de cette discipline.
Au contraire, nous devons faire en sorte que cette discipline soit revalorisée, afin qu’elle suscite des vocations pour le numérique, pour les sciences de l’ingénieur et pour la voie professionnelle et qu’elle participe à l’équilibre entre filles et garçons.
Concernant les professeurs de technologie, leurs situations personnelles seront préservées et ils bénéficieront, en vue de l’adaptation des programmes de cinquième, de quatrième et de troisième, d’une formation que je souhaite diplômante pour l’année 2023-2024.
Tout cela est actuellement discuté avec les associations de professeurs de technologie. C’est à ces conditions que nous allons améliorer le niveau de nos élèves, et c’est aussi à cette condition que la technologie verra sa place confortée au collège. Car telle est bien mon intention. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI. – Mme Colette Mélot applaudit également.)
fonds vert
M. le président. La parole est à Mme Vanina Paoli-Gagin, pour le groupe Les Indépendants – République et Territoires. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP.)
Mme Vanina Paoli-Gagin. Ma question s’adresse à M. le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.
« Une partie de la solution est dans les territoires », avez-vous déclaré, monsieur le ministre. Je ne puis être davantage en accord avec vous ! Octroyer 2 milliards d’euros, via le fonds vert, afin de répondre aux besoins des territoires en matière de transition écologique est une décision de bon sens. L’écologie de proximité, l’écologie de l’action, est déterminante pour la réussite de nos objectifs. Nos forces et notre dynamisme pour la transformation se trouvent dans nos territoires.
Nos élus locaux sont les acteurs majeurs et les pivots du dispositif. Ils connaissent parfaitement les attentes, les projets et les évolutions de leurs territoires. Pour transformer l’essai, ils doivent être accompagnés d’une offre d’ingénierie solide. C’est décisif pour être en capacité de « délivrer », monsieur le ministre.
Toutefois, certains projets ne semblent pas entrer dans le cadre actuel de votre fonds. Pour ma part, j’ai lancé, avec le pôle d’équilibre territorial et rural (PETR) Othe-Armance dans l’Aube, sur deux intercommunalités, un projet de boucle énergétique rurale qui serait une première en France, en ruralité.
Il s’agit de combiner production d’énergie verte, flexibilité et stockage, pour créer un circuit court de consommation d’électricité et réduire les coûts de l’énergie.
Ce projet d’autoconsommation collective a vocation à hybrider différents types de bâti ; il concerne le privé et le public et, pour ce dernier, à la fois l’État et les collectivités. Or ce projet n’entre dans aucune case. Il a pourtant le mérite de soulever l’enthousiasme de nos concitoyens en zone rurale et, monsieur le ministre, de redonner de l’espérance.
Outre qu’elle répond concrètement, selon un mode collaboratif, à des questions très prégnantes, cette initiative auboise n’est qu’un exemple parmi d’autres.
Monsieur le ministre, comment le fonds vert peut-il intégrer ces innovations locales ? Quelle souplesse prévoyez-vous s’agissant de son déploiement ? Envisagez-vous d’ouvrir ce fonds plus largement ? (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP, ainsi que sur des travées du groupe RDPI. – M. Alain Cazabonne applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.
M. Christophe Béchu, ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires. Madame la sénatrice Paoli-Gagin, vendredi dernier, les formulaires de demandes de financement du fonds vert ont été mis en ligne. (Ah ! sur des travées du groupe Les Républicains.) Six jours plus tard – j’ai fait le décompte avant de rejoindre cet hémicycle –, quelque 1 800 collectivités ont déposé un dossier.
On peut collectivement s’en réjouir, car c’est d’abord la preuve de la volonté des collectivités territoriales de se saisir de la transition écologique et de la faire vivre – personne n’en doutait, me semble-t-il –, de manière concrète et tangible, en accompagnant nos concitoyens.
Les demandes les plus nombreuses concernent la rénovation thermique des bâtiments et celle de l’éclairage public. Cependant, toutes les lignes du fonds vert, qu’elles aient trait au littoral, à la montagne ou à la renaturation, font l’objet de demandes.
Votre question porte, en dehors des quatorze cas qui ont été identifiés comme étant des portes d’entrée naturelles, sur les boucles locales énergétiques. Celles-ci bénéficient d’ores et déjà de deux types de financements, hors fonds vert.
Le premier, qui n’est pas forcément le plus simple, mais qui est puissant, relève des certificats d’économies d’énergie (C2E). Le second est le fonds de chaleur de l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (Ademe), qui a d’ailleurs été porté, dans cet hémicycle, à plus d’un demi-milliard d’euros.
Parallèlement, les boucles énergétiques sont soutenues, dans le cadre des zones industrielles bas-carbone, notamment par le ministère de l’industrie, afin de faire profiter de ces actions le tissu des entreprises situées à proximité des industriels qui décarbonent leur activité.
Je vous invite à étudier précisément avec l’Ademe la façon de favoriser des projets pilotes de boucles énergétiques locales. Je suis à votre disposition pour vous accompagner, car ce type de modèle permet de montrer à nos concitoyens qu’il existe une écologie de progrès, concrète et bonne à la fois pour le climat, le pouvoir d’achat et l’emploi. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI, ainsi que sur des travées du groupe INDEP.)
M. le président. La parole est à Mme Vanina Paoli-Gagin, pour la réplique.
Mme Vanina Paoli-Gagin. Je vous remercie, monsieur le ministre. Nous allons examiner ces dispositifs.
publication des chiffres de l’immigration
M. le président. La parole est à Mme Béatrice Gosselin, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Béatrice Gosselin. Ma question s’adresse à M. le ministre de l’intérieur et des outre-mer.
En 2022, le nombre de titres de séjour, autorisant à résider et à travailler en France, a augmenté de plus de 17 % par rapport à son niveau de 2021. Ainsi, plus de 320 000 titres ont été délivrés, contre un peu plus de 277 000 en 2019, qui est la dernière référence significative avant la pandémie.
Jamais la France n’a attribué autant de titres de séjour et accueilli autant de demandeurs d’asile, alors qu’elle peine toujours à expulser les illégaux qui vivent sur son territoire.
Cette situation, difficilement tenable, témoigne de l’incroyable pression migratoire qui s’exerce sur notre pays. En effet, comme vous le savez, on dénombre près de 700 000 clandestins sur le sol national.
Ces chiffres sont en total décalage avec le discours offensif de votre gouvernement sur la question des expulsions de clandestins.
Si vous privilégiez la qualité sur la quantité en reconduisant prioritairement les délinquants et les terroristes étrangers sortant de prison, il n’en reste pas moins que les procédures d’éloignement, recensées par vos services, sont au nombre de 19 425 pour l’année 2022. Et ce chiffre reste en deçà de celui d’avant la crise sanitaire : M. Castaner avait ordonné presque 24 000 reconductions à la frontière en 2019 !
Résultat, il y a un quart d’expulsions en moins par rapport à 2019, et cela correspond à moins de 3 % du nombre des personnes qui se trouvent en situation irrégulière sur le sol français.
La maîtrise des flux migratoires doit imposer de reconduire effectivement les immigrés illégaux, pour accueillir les ayants droit dans les meilleures conditions. Cela suppose des intentions fermes et des actes clairs.
Aussi, monsieur le ministre, ma question est simple : qu’attendez-vous pour mettre fin à cette situation insoutenable pour notre pays ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de l’intérieur et des outre-mer.
M. Gérald Darmanin, ministre de l’intérieur et des outre-mer. Madame la sénatrice, nous pouvons être d’accord sur un certain nombre de constats, sinon sur tous. Ainsi, la comparaison avec l’année 2019 me paraît un peu biaisée.
Vous avez raison de dire que la demande d’asile explose. C’est d’ailleurs le cas partout en Europe, avec une augmentation de plus de 60 % des demandes d’asile en 2022, contre une progression de « seulement » 30 % en France.
Cependant, en 2019, nous avions des relations convenables avec l’Afghanistan et le Mali. Les premiers demandeurs d’asile en France et en Europe sont les Afghans, que nous ne pouvons évidemment pas reconduire – et je ne parle pas des Iraniens. Il m’a été parfois reproché d’avoir fait un certain nombre de reconnaissances avec la Syrie ou avec l’Iran, par exemple.
Cependant, vous avez parfaitement raison, le nombre de titres de séjour augmente. Nous pensons que la politique du Gouvernement est la bonne, puisque, pour la première fois, leur nombre progresse au titre du travail et stagne s’agissant du regroupement familial.
Le problème de la France est que le regroupement familial est trop important et que l’immigration de travail est trop peu importante, contrairement à l’Allemagne par exemple.
Vous avez également raison au sujet des éloignements.
Je vous remercie d’avoir remarqué que le nombre de personnes radicalisées, criminelles ou délinquantes dans les expulsions a doublé, avec plus de 3 000 étrangers délinquants expulsés l’année dernière, contre 1 500 en 2019. Cependant, vous avez raison, ces 15 % d’augmentation ne sont pas suffisants.
Dès lors, qu’attendons-nous ? Précisément de débattre avec les parlementaires du projet de loi que j’ai justement eu l’honneur de présenter en conseil des ministres ce matin.
Il faut libérer le droit. Ainsi, de deux ans à deux ans et demi sont parfois nécessaires pour obtenir une décision de justice définitive autorisant une expulsion. Entre-temps, les personnes concernées par ces décisions auront peut-être eu un enfant sur le territoire de la République, travaillé illégalement ou déposé d’autres demandes de titres de séjour.
Il faut absolument mettre fin à ces détournements de procédures. Il faut pouvoir expulser des personnes, en relevant les protections juridiques – la fin de la fin de la double peine –, et c’est ce que nous proposons.
Il faut évidemment avoir un discours extrêmement clair s’agissant de l’intégration, des valeurs de la République et de la langue, mais aussi à l’égard des États d’immigration.
Oui, madame la sénatrice, nous partageons le constat. Nous pensons que, pour les Français, un texte fort permettant au ministre de l’intérieur d’expulser plus rapidement ces personnes est nécessaire. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
M. le président. La parole est à Mme Béatrice Gosselin, pour la réplique.
Mme Béatrice Gosselin. Monsieur le ministre, je vous remercie de votre réponse. Ce projet de loi est certes en cours de préparation, mais les Français s’inquiètent de la montée en puissance des immigrés. (Protestations sur les travées des groupes SER et CRCE.)
Une politique d’immigration claire et ferme permettra de mieux accueillir les personnes qui peuvent venir sur le territoire français. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
pollution par des billes de plastique du littoral atlantique
M. le président. La parole est à Mme Angèle Préville, pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
Mme Angèle Préville. C’est la marée blanche de trop ! Cette pollution plastique irréversible et fatale à la biodiversité est malheureusement récurrente sur nos plages. Depuis le mois de décembre dernier, la côte atlantique est polluée par des granulés de plastiques industriels.
Les Sables-d’Olonne, Pornic, le département du Finistère, les régions Pays de la Loire et Bretagne ont porté plainte contre X.
Vous avez déclaré, monsieur le ministre : « Nous pouvons être fiers d’être le pays au monde le plus ambitieux en matière de lutte contre ces granulés. »
Je vous remercie, monsieur le ministre, de reconnaître notre travail parlementaire, puisque c’est grâce à un amendement que j’ai défendu (Exclamations sur les travées des groupes RDSE et RDPI.), lors de l’examen de la loi relative à la lutte contre le gaspillage et à l’économie circulaire, dite Agec, que les entreprises doivent adopter des procédures prévenant la dispersion des granulés.
Cependant, monsieur le ministre, l’amendement voté au Sénat était bien plus contraignant, puisqu’il visait à obliger les entreprises à déclarer les pertes et les fuites de granulés.
Malheureusement, votre majorité à l’Assemblée nationale avait raboté le dispositif. Lors de la commission mixte paritaire, alors que j’insistais, on m’opposait l’engagement volontaire de la plasturgie.
N’étant pas du genre à m’avouer vaincue, j’ai récidivé par le biais d’une proposition de loi, adoptée une fois encore à l’unanimité au Sénat, inscrivant à l’article 1er, de nouveau, l’obligation pour les entreprises de déclarer les pertes et les fuites de granulés de plastique. Je remercie d’ailleurs mes collègues de leur confiance.
Par conséquent, monsieur le ministre, vous disposez d’un véhicule législatif pour une action très concrète.
Toutefois, la France n’est pas la seule concernée. Le naufrage du porte-conteneurs X-Press Pearl en 2021, au large du Sri Lanka, a sans doute provoqué la plus grande marée blanche qu’on ait jamais connue. Vous pouvez aussi œuvrer à l’échelon international à la création d’un fonds d’indemnisation, à l’instar de celui qui existe pour les marées noires, le Fonds international d’indemnisation pour les dommages dus à la pollution par les hydrocarbures (Fipol).
La production plastique est en croissance exponentielle. Porter plainte, c’est un peu court, monsieur le ministre ! N’est-il pas temps d’encadrer davantage cette production ? (Applaudissements sur les travées des groupes SER et GEST. – Mme Esther Benbassa applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.
M. Christophe Béchu, ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires. Madame la sénatrice Préville, je vous remercie, tout d’abord, de votre question. Je voudrais également saluer le sénateur Joël Guerriau, qui, en nous alertant sur ce sujet il y a déjà quinze jours, a permis d’accroître la vigilance en la matière. Par ailleurs, un dépôt de plainte, signé par Hervé Berville et moi-même, a été rendu effectif le vendredi suivant les questions d’actualité au Gouvernement au Sénat.
Par la suite, la situation que vous décrivez s’est étendue aux côtes de la Manche et à une partie des côtes flamandes, à l’occasion du week-end, puisque cette fameuse marée blanche a commencé au niveau de la Vendée et de la Loire-Atlantique. Cela renforce la présomption selon laquelle un conteneur en serait à l’origine, en raison de la traînée suscitée.
J’ai eu l’occasion de le rappeler, primo, nous ne nous avouons pas vaincus, secundo, la loi Agec, quelle que soit l’appréciation portée sur le degré de vigilance qu’elle permet, n’est effective que depuis le 1er janvier 2022. Sa première année d’application vient de s’achever. J’ai annoncé que les rapports d’audits attendus, portant sur cette première année d’application et détaillés site par site, seront publiés, afin que nous nous assurions de l’effectivité totale de ce dispositif.
La suite aura lieu à la fin du mois de mai prochain, à Paris. Il s’agira d’obtenir, dans le cadre du futur traité sur l’élimination de la pollution par les plastiques, que ces granulés de plastiques industriels (GPI) soient mieux encadrés à une échelle mondiale. En effet, un certain nombre d’enquêtes ont révélé que ce phénomène se produisait, avec une ampleur encore plus importante, dans d’autres pays et sur d’autres continents, montrant ainsi l’étendue de ce fléau.
Nous partageons donc votre indignation et votre volonté d’agir. Nous souscrivons surtout à la volonté de disposer d’un cadre international contraignant, en attendant de mesurer si les premières dispositions prises à l’échelle nationale sont suffisantes ou s’il convient de les renforcer, un an après leur mise en œuvre. (MM. François Patriat et Alain Richard applaudissent.)
M. le président. La parole est à Mme Angèle Préville, pour la réplique.
Mme Angèle Préville. Monsieur le ministre, je vous remercie de votre réponse.
Toutefois, je vous ai demandé si ma proposition de loi, déposée sur le bureau de l’Assemblée nationale, pouvait être votée, puisqu’elle prévoit un cadre beaucoup plus contraignant pour ces granulés de plastiques. (Applaudissements sur les travées des groupes SER et GEST.)
publication des chiffres de la délinquance
M. le président. La parole est à Mme Christine Bonfanti-Dossat, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Christine Bonfanti-Dossat. Ma question s’adresse à M. le ministre de l’intérieur et des outre-mer.
Monsieur le ministre, le 8 décembre dernier, dans un entretien à la presse, vous annonciez, avec fierté, une baisse de la délinquance. Je vous cite : « Une baisse timide, mais une baisse quand même. » Or, hier, paraissaient les chiffres de la délinquance dans notre pays : violences sexuelles, + 11 % ; coups et blessures, + 14 % ; cambriolages + 11 % ; vols de véhicules, + 9 %.
Avec 879 victimes de crimes en 2022, nous sommes désormais face au niveau le plus élevé depuis trente ans. Ces chiffres ne proviennent ni de Libération ni de L’Humanité. Ce sont les chiffres officiels de votre ministère, et nul ne pourra donc les contester.
Cependant, derrière ces chiffres, il y a des réalités. Des Françaises et des Français vivent dans la peur. L’insécurité est devenue une triste réalité, qui n’a cessé de croître pendant les quinquennats d’Emmanuel Macron.
Mon département de Lot-et-Garonne, à l’image des autres, souffre cruellement de cette politique. Le quotidien de nos forces de l’ordre est extrêmement difficile : manque de moyens humains et de matériel, découragement – le mot est faible –, absence de réponse pénale, voyous qui font la loi partout et qui n’ont peur de rien ni de personne.
Mme Martine Filleul. C’est nuancé !
Mme Christine Bonfanti-Dossat. Oui, les policiers et les gendarmes font ce qu’ils peuvent, mais encore faudrait-il des condamnations fortes.
M. Vincent Éblé. Ah…
Mme Christine Bonfanti-Dossat. Vous ne pouvez pas sans cesse renvoyer la faute sur vos prédécesseurs. L’insécurité, monsieur le ministre, n’est pas une fatalité. Elle est le résultat d’un manque de courage et d’une absence de volonté politique.
Monsieur le ministre, face à cette délinquance explosive, le Gouvernement est-il vraiment en capacité de protéger les Français ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. Alain Duffourg applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. le garde des sceaux, ministre de la justice. (Exclamations sur les travées des groupes Les Républicains et UC.)
M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice. Madame la sénatrice, puisque la justice, selon vous, n’est pas au rendez-vous de ses obligations, je vais me faire un plaisir de répondre à cette question adressée à l’origine au ministre de l’intérieur.
Tout d’abord, évoquer les questions de délinquance en deux minutes est une gageure.
M. Jérôme Bascher. Mais c’est l’exercice !
M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. Quelle est la part du confinement dans l’augmentation, ou éventuellement dans la diminution, de certaines infractions ? Quelle est la part de la libération de la parole dans celle des violences intrafamiliales ?
Plus de forces de l’ordre, c’est aussi plus de faits constatés sur la voie publique (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains) et, d’une certaine façon, une augmentation de la délinquance. Je me permets de vous le dire !
M. Vincent Segouin. Il fallait oser !
M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. Les escroqueries ont augmenté, mais nous avons mis en place la plateforme Thésée (Traitement harmonisé des enquêtes et signalements pour les e-escroqueries), qui permet de mieux les appréhender.
Madame la sénatrice, durant cette période, le taux de poursuite a progressé de 13 %. Les peines de prison ferme en matière correctionnelle sont passées, en moyenne, de 6,7 mois à 8,3 mois entre 2017 et 2022. La justice n’est donc pas laxiste ; elle est au rendez-vous des obligations qui sont les siennes.