M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État chargée de l’Europe.
Mme Laurence Boone, secrétaire d’État auprès de la ministre de l’Europe et des affaires étrangères, chargée de l’Europe. Madame la sénatrice Goulet, nous partageons votre constat et votre préoccupation concernant l’Iran, d’abord en raison de la montée des tensions dans la région, bien sûr, ensuite à cause de la répression qui se poursuit dans ce pays à l’encontre des manifestants, enfin pour toutes les raisons et les menaces que vous venez de mentionner.
Nous répondons en Européens, en prévoyant des sanctions pour accompagner les revendications légitimes des Iraniennes et des Iraniens et garantir qu’il n’y aura aucune impunité pour les auteurs de la répression et de ces menaces.
Comme vous le savez, quatre trains de sanctions européennes ont été mis en place : 78 individus et 27 entités ont été sanctionnés, dont plusieurs ministres et hauts responsables des gardiens de la révolution.
De plus, les conclusions du dernier Conseil européen vont nous permettre d’agir, puisqu’elles couvrent l’ensemble des opérations de déstabilisation iraniennes, y compris les prises d’otages.
Les sanctions prises à l’encontre de personnalités européennes participent du même aveuglement que celui dont fait preuve le régime iranien lorsqu’il s’enferme dans le déni ou la rhétorique complotiste et mène une politique scandaleuse d’otages d’État. Il n’y a évidemment aucune comparaison possible entre les sanctions prises par les Iraniens et celles qui sont adoptées par l’Union européenne.
Vous pouvez compter sur nous pour continuer d’encourager le dialogue dans cette région troublée et, bien évidemment, pour protéger les ressortissants visés.
M. le président. La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour la réplique.
Mme Nathalie Goulet. Votre réponse est un peu décevante, madame la secrétaire d’État.
L’Iran est un État terroriste : nous voudrions que les gardiens de la révolution soient inscrits sur la liste des organisations terroristes. Comme si financer le Hezbollah, attaquer des ambassades ou fournir des drones à la Russie – nous venons d’entendre le président de la Rada de l’Ukraine – n’était pas suffisant pour que l’on les y mette ! (Applaudissements sur des travées du groupe UC.)
Les jeunes Iraniens meurent en prison, mais, aujourd’hui, M. Borrell ne veut rien faire. Nous aurons la guerre et, d’ores et déjà, nous avons le déshonneur ! (Applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains, ainsi que sur des travées des groupes INDEP, RDSE, SER et CRCE.)
réforme des retraites dans la fonction publique
M. le président. La parole est à M. Pascal Savoldelli, pour le groupe communiste républicain citoyen et écologiste. (Exclamations ironiques sur des travées du groupe Les Républicains.)
M. Pascal Savoldelli. Monsieur le président, monsieur le ministre Dussopt, mes chers collègues, le ministre de la transformation et de la fonction publiques, Stanislas Guerini, qui n’a pas pu être présent aujourd’hui, a envoyé il y a quelques jours par mail une vidéo.
Il y vantait les bienfaits de la réforme des retraites de ce gouvernement, qui, pourtant, ne cesse de perdre en popularité, même en son sein.
De très nombreux fonctionnaires ont été choqués de recevoir sur leur adresse mail personnelle, via la direction générale des finances publiques, une telle vidéo de propagande.
Monsieur le ministre, estimez-vous qu’il est démocratiquement légitime et éthiquement justifié de diffuser une telle vidéo de commercialisation d’une réforme résolument « non négociable » ? (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE, ainsi que sur des travées du groupe SER.)
M. le président. La parole est à M. le ministre du travail, du plein emploi et de l’insertion.
M. Olivier Dussopt, ministre du travail, du plein emploi et de l’insertion. Monsieur le sénateur Savoldelli, vous m’interrogez sur la réforme des retraites et sur son application dans la fonction publique. (Protestations sur les travées des groupes CRCE et SER.)
M. Hussein Bourgi. Non, sur la vidéo !
M. Rachid Temal. Répondez à la question !
M. le président. Mes chers collègues, veuillez laisser M. le ministre s’exprimer !
M. Olivier Dussopt, ministre. Laissez-moi aller au bout de ma réponse et vous verrez que je répondrai à toutes vos interrogations.
Je tiens tout d’abord à vous indiquer que le ministre de la transformation et de la fonction publiques a jugé pertinent d’expliquer aux fonctionnaires quelles étaient les dispositions figurant dans cette réforme. Je pense à cet égard qu’il s’agit d’un exercice de transparence qui est utile.
Sur le fond, ensuite, que recouvre cette réforme et en quoi cela concerne-t-il les fonctionnaires ?
De fait, comme l’ensemble des actifs en France, ceux-ci sont concernés par le relèvement progressif de deux ans de l’âge de départ à la retraite. En parallèle, nous avons la volonté de maintenir les spécificités du régime de retraite de la fonction publique, c’est-à-dire un mode de calcul des pensions sur les six derniers mois d’activité, en précisant d’emblée que le taux de remplacement n’est pas plus élevé dans le système public que dans le système privé, ainsi que le bénéfice de la catégorie active.
M. Jean-Luc Fichet. Ce n’est pas la question !
M. Olivier Dussopt, ministre. Ce point est important. Comme vous le savez, le Gouvernement veut faire en sorte que les agents publics relevant de la catégorie active, qui auraient commencé leur carrière dans ces corps d’emplois avec un statut de contractuel, puissent voir leurs années de service effectuées en tant que contractuels prises en compte dans le calcul de leur service actif, de sorte qu’ils bénéficient d’un départ anticipé.
Nous voulons aussi mettre en place la portabilité de cette catégorie active des agents publics, afin qu’un surveillant pénitentiaire ou un officier de police puisse bénéficier des mêmes droits, qu’il ait travaillé trente ans dans ces deux corps ou trente ans dans un seul.
M. Hussein Bourgi. Hors sujet !
M. Olivier Dussopt, ministre. Je vous sens nerveux, messieurs les sénateurs, particulièrement sur les travées du groupe socialiste…
Si vous vous interrogez sur cette réforme des retraites, faites d’abord le tri entre les propositions de votre premier secrétaire et celles de votre premier secrétaire délégué ! (Protestations sur les travées du groupe SER. – M. Xavier Iacovelli applaudit.)
M. Hussein Bourgi. Un peu d’éthique, un peu de vérité !
M. Olivier Dussopt, ministre. S’agissant de la catégorie active, monsieur le sénateur, sachez que la suppression de la clause d’achèvement est aussi au programme – bon nombre d’agents publics l’attendent.
Enfin, permettez-moi de conclure mon propos en soulignant que nous allons aussi étendre la retraite progressive aux agents publics, ce qui, vous en conviendrez, est également attendu. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI, ainsi que sur des travées du groupe INDEP.)
M. le président. La parole est à M. Pascal Savoldelli, pour la réplique.
M. Pascal Savoldelli. Monsieur le ministre, j’obtiendrai malgré tout une réponse, et vous le savez bien, puisque la Commission nationale de l’informatique et des libertés (Cnil) a été saisie au sujet de cette vidéo, à la suite de nombreuses plaintes. Ma question est donc sérieuse et mérite une réponse.
Sur le fond, vous continuez à défendre votre réforme irresponsable et impopulaire, comme si elle était déjà votée. Vous vous croyez tout permis : cela se voit dans la vidéo, tout comme dans les déclarations d’Élisabeth Borne, qui nous explique que les 64 ans ne sont pas négociables.
Mais écoutez l’opinion publique ! La rue vous a parlé encore hier. Des millions de personnes sont sorties manifester contre votre réforme injuste.
Le message est clair, madame la Première ministre, monsieur le ministre : votre gouvernement aura beau communiquer, multiplier les éléments de langage et utiliser ce que j’appelle un « yoyo » antidémocratique – à savoir les articles 49.3 et 47-1 de la Constitution et, pourquoi pas, les ordonnances –, les jeunes, les femmes, les travailleurs et les retraités ne seront pas dupes !
Dans cette vidéo, M. Guerini appelait toute la Nation et les agents des fonctions publiques à « un effort collectif ». Je vous demande à mon tour, avec solennité et esprit de responsabilité, d’admettre votre erreur et de retirer cette réforme qui ne fait que des perdants et dont personne ne veut. (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE, SER et GEST.)
établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes
M. le président. La parole est à M. Michel Dagbert, pour le groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
M. Michel Dagbert. Ma question s’adresse à M. le ministre des solidarités, de l’autonomie et des personnes handicapées.
Elle intervient un an après le début de l’affaire dite Orpea et les révélations sur la face cachée de certains établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad), tirées du livre de Victor Castanet. Beaucoup se sont alors émus des pratiques scandaleuses dénoncées dans cet ouvrage.
Le Gouvernement avait quant à lui réagi, notamment par l’intermédiaire de la ministre déléguée chargée de l’autonomie de l’époque, Brigitte Bourguignon, qui avait diligenté une enquête administrative de l’inspection générale des affaires sociales (Igas), ainsi qu’une enquête financière.
Aujourd’hui, la prise de contrôle d’Orpea par la Caisse des dépôts et consignations vient d’être officialisée. Celle-ci devenant l’actionnaire majoritaire, c’est désormais l’État qui est aux manettes,…
M. Jérôme Bascher. Non, ce n’est pas du tout ça !
M. Michel Dagbert. … et nous ne pouvons qu’espérer des répercussions positives sur le fonctionnement de ces établissements.
Au-delà, c’est l’ensemble des métiers du social et du médico-social, qu’il s’agisse de la prise en charge des personnes âgées, des personnes handicapées, des adultes qui connaissent des difficultés sociales ou de la protection de l’enfance qui sont soumis à une double pression, monsieur le ministre.
En effet, d’une part, ils doivent répondre aux exigences bien légitimes des usagers et de leurs familles quant à la qualité des prestations fournies, d’autre part, ils sont confrontés aux impératifs budgétaires, qui prennent parfois la forme d’injonctions émanant de leurs employeurs privés ou semi-publics.
Cette double exigence explique en grande partie la perte d’attractivité de ces emplois et les difficultés de recrutement qu’ils rencontrent actuellement. À titre d’exemple, les instituts de formation nous indiquent que 30 % des étudiants arrêtent avant la fin de leur cursus.
Je vous sais, monsieur le ministre, très attentif aux travaux et préconisations émises par le Haut Conseil du travail social dans ses différents rapports. Je ne doute pas de l’intérêt que vous portez à la fois aux professionnels concernés et aux personnes dont ils ont la charge.
Pourriez-vous dès lors nous indiquer les dispositions que vous comptez prendre pour que les professionnels du médico-social puissent rester les acteurs de la bienveillance à l’égard des plus faibles d’entre nous ? (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
M. le président. La parole est à M. le ministre des solidarités, de l’autonomie et des personnes handicapées.
M. Jean-Christophe Combe, ministre des solidarités, de l’autonomie et des personnes handicapées. Monsieur le sénateur Dagbert, je vous remercie de votre question.
L’investissement de la Caisse des dépôts et consignations, mais aussi d’autres acteurs, notamment du secteur de l’assurance, qui a été annoncé aujourd’hui, est un signal positif pour le groupe Orpea, qui va pouvoir ainsi accélérer sa transformation.
Il s’agit d’une bonne nouvelle – nous souhaitions cette opération –, à la fois pour l’emploi, pour le secteur et surtout pour le bien-être des salariés, des résidents et de l’ensemble des familles.
M. Hussein Bourgi. Surtout pour le bien-être des actionnaires !
M. Jean-Christophe Combe, ministre. Vous le savez, il s’agit aussi d’un marqueur fort de l’engagement de l’État dans le secteur du grand âge.
Je le rappelle, c’est sous l’impulsion du Président de la République que, en 2020, le Gouvernement a créé la cinquième branche de la sécurité sociale, la branche autonomie,… (Exclamations sur les travées du groupe SER.)
M. Jean-Pierre Sueur. C’est une coquille vide !
M. Jean-Christophe Combe, ministre. … qui sera dotée de 9 milliards d’euros supplémentaires tout au long de ce quinquennat.
Cette somme servira à accélérer le recrutement dans les Ehpad, à augmenter les salaires, à améliorer la qualité de vie au travail de toutes celles et de tous ceux qui s’engagent dans ce secteur, à transformer l’offre pour qu’il y ait davantage de prises en charge à domicile, davantage d’Ehpad modernisés, des établissements plus ouverts et plus « verts ». Enfin, elle financera un plan inédit de lutte contre la maltraitance dans ce secteur.
Pour ce faire, nous aurons besoin de tout le monde, c’est-à-dire d’un secteur associatif sans doute plus innovant, d’un secteur public plus efficace et d’un secteur privé exemplaire.
Comme vous l’avez rappelé, l’enjeu majeur auquel nous devons répondre aujourd’hui est celui de l’attractivité des métiers. C’est une question complexe, à laquelle, vous vous en doutez, nous ne pouvons pas apporter de réponses simples.
C’est pourquoi nous avons fait le choix de formuler un certain nombre de propositions et de prendre des mesures complémentaires, qui forment un plan permettant de répondre à l’urgence.
Je pense notamment à la valorisation des « faisant fonction » dans les établissements, à l’augmentation des salaires prévue par le Ségur de la santé – 183 euros supplémentaires pour tous les soignants et personnels du secteur éducatif –, à la promotion de la validation des acquis de l’expérience dans tous les établissements ou à l’amélioration de l’organisation du travail à domicile au travers des deux heures supplémentaires.
Toutes ces dispositions nous permettront d’atteindre notre objectif de recruter 50 000 soignants supplémentaires dans le secteur.
M. le président. Il faut conclure, monsieur le ministre.
M. Jean-Christophe Combe, ministre. Il s’agit d’un objectif ambitieux, mais on n’est jamais assez ambitieux lorsqu’il s’agit du bien-être de nos parents. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
réforme des retraites
M. le président. La parole est à M. Patrick Kanner, pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
M. Patrick Kanner. Madame la Première ministre, pour la quatrième semaine consécutive, nous vous interrogeons sur la réforme des retraites. Et je crains que, pour la quatrième fois consécutive, vous ne persistiez…
Il y a dix jours, le ministre Dussopt déclarait que cette réforme était destinée à « rétablir un maximum d’égalité ». Hier, il nous a dit que, sans ce texte, nous assisterions à une baisse de 20 % du niveau moyen des pensions des retraités.
Vous-même, madame la Première ministre, défendez cette réforme en l’inscrivant dans une démarche de défense du modèle social français. Mme Brigitte Macron, pour sa part, a affirmé qu’elle était nécessaire pour assurer une retraite aux jeunes. Pendant ce temps, le Président de la République la juge « indispensable quand on se compare à l’Europe ».
Bref, mes chers collègues : une réforme idéale, la mère de toutes les réformes ! Alors, que demande le peuple ?
Eh bien, le peuple vous a donné hier dans la rue, toutes générations et tous territoires confondus, une éclatante réponse. Il ne veut pas de votre réforme, de ce nouvel impôt sur la vie que vous défendez avec obstination, quoi qu’il en coûte.
Ce que nous savons, c’est que le « rendement financier » – pour reprendre votre expression, madame la Première ministre – de votre réforme sert à faire des économies sur le dos des ouvriers et des employés, qu’ils soient issus des classes populaires ou des classes moyennes.
Mais ne pouvez-vous pas faire ces économies ailleurs et éviter de prendre aux Français les plus modestes ?
Ce que nous savons, c’est que vous voulez offrir au Président de la République « sa » grande réforme. J’en suis désolé, mais nous n’avons cure de l’ambition personnelle d’Emmanuel Macron. Il y a d’autres priorités quand la fracture sociale s’aggrave, quand l’inflation rogne le pouvoir d’achat des petits salaires, quand des étudiants, des salariés pauvres et des personnes âgées font la queue devant les soupes populaires.
Écoutez les Français et répondez à ma question : quand retirerez-vous votre réforme des retraites ? (Applaudissements sur les travées des groupes SER, CRCE et GEST.)
M. Jean-Marc Todeschini. Très bien !
M. le président. La parole est à Mme la Première ministre.
Mme Élisabeth Borne, Première ministre. Monsieur le président Kanner, il y a selon moi des principes essentiels en politique : dire la réalité aux Français sans tordre les chiffres, sans vendre d’illusions et sans relayer des contrevérités. (Protestations sur les travées du groupe SER.)
M. François Patriat. Très bien !
M. Rachid Temal. Comme ceux que relaie Franck Riester ?
Mme Élisabeth Borne, Première ministre. Aujourd’hui, le nombre d’actifs qui cotisent diminue par rapport au nombre de retraités : c’est un fait. Dans les années 1950, il y avait quatre actifs pour un retraité. Ils n’étaient plus que deux au début des années 2000. Aujourd’hui, il n’y a plus que 1,7 actif pour un pensionné, et l’on sait que ce chiffre continue de diminuer.
M. Jean-Marc Todeschini. Faites payer les entreprises !
Mme Élisabeth Borne, Première ministre. Cela, ce n’est pas une opinion politique, monsieur le président Kanner. C’est une réalité démographique, qui menace notre système de retraite par répartition. (Marques de scepticisme sur les travées des groupes SER et CRCE.)
De ce fait, notre système de retraite sera en déficit dans les prochaines années, et ce déficit va s’aggraver. Là encore, ce n’est pas moi qui le dis ou mon gouvernement qui le décrète : c’est un fait partagé par le Conseil d’orientation des retraites (COR) ! (Protestations sur les travées des groupes SER, CRCE et GEST.)
M. David Assouline. Il dit au contraire qu’il n’y avait pas d’urgence à réformer !
Mme Élisabeth Borne, Première ministre. Je vous le rappelle : aucun scénario du COR ne prévoit l’équilibre de notre système en 2030. D’ici à dix ans, ce sont près de 150 milliards d’euros de déficit que nous cumulerons et que nous laisserons à notre jeunesse si nous ne faisons rien. (Mêmes mouvements.)
M. Rachid Temal. Et vous supprimez la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE) !
M. Jean-Marc Todeschini. Vous prenez sur les pauvres !
Mme Élisabeth Borne, Première ministre. C’est la raison pour laquelle le Premier président de la Cour des comptes a déclaré la semaine dernière que notre système de retraite n’était pas soutenable en l’état et qu’une réforme était indispensable.
Voilà pour les faits, monsieur le président Kanner. Passons maintenant aux conséquences.
Ce dont nous avons discuté avec les organisations patronales, les organisations syndicales et les différents groupes parlementaires, c’est de l’avenir de notre système de retraite par répartition, en travaillant progressivement plus longtemps.
M. Jean-Marc Todeschini. Les syndicats ne sont pas d’accord !
Mme Élisabeth Borne, Première ministre. C’est ce qu’ont fait tous nos voisins européens. (Nouvelles marques de scepticisme sur les travées des groupes SER et CRCE.)
Mme Michelle Gréaume. Pas tous !
Mme Élisabeth Borne, Première ministre. C’est aussi le choix que des majorités de droite et de gauche ont fait avant nous.
Je vous rappelle, monsieur le président Kanner, que vous avez vous-même, avec le parti socialiste, soutenu la réforme de Mme Touraine, qui allait exactement dans le même sens ! (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI, ainsi que sur des travées des groupes INDEP, UC et Les Républicains.)
Vous avez changé d’avis, monsieur Kanner… (Vives protestations sur les travées du groupe SER.)
M. Hussein Bourgi. C’est vous qui avez changé d’avis et qui avez retourné votre veste !
M. le président. Mes chers collègues, si vous ne laissez pas Mme la Première ministre s’exprimer jusqu’au bout, je doute que M. Kanner puisse ensuite répliquer !
M. Philippe Pemezec. La gauche parle à la gauche…
Mme Élisabeth Borne, Première ministre. Vous avez changé d’avis, disais-je, et c’est votre droit. Mais que proposez-vous ?
Pour financer notre modèle social et pour combler ce déficit, il n’y a que deux autres options. Soit vous voulez baisser les pensions et vous pénaliserez ainsi les petites retraites et les classes moyennes, en les privant du fruit du travail d’une vie (Protestations sur les travées du groupe SER.),…
M. Hussein Bourgi. Mensonge !
Mme Élisabeth Borne, Première ministre. … soit vous voulez augmenter drastiquement les cotisations et les impôts pesant sur les salaires ou pénalisant les artisans, les TPE, les PME et tous ceux qui font notre vie économique, brisant ainsi la dynamique de l’emploi.
Monsieur le président Kanner, puisque nous partageons une volonté commune de vérité, exposez-nous la solution de rechange que vous proposez aux Français : la baisse du pouvoir d’achat ou la hausse du chômage ?
M. Jean-Marc Todeschini. Démagogie !
Mme Élisabeth Borne, Première ministre. Mesdames, messieurs les sénateurs, notre projet est animé par une seule volonté : assurer l’avenir de notre système de retraite par répartition.
Nous portons un projet qui permet le retour à l’équilibre en 2030, en travaillant progressivement plus longtemps. Je mesure ce que cela représente pour de nombreux Français, et je sais que nous ne sommes pas tous égaux devant le travail.
C’est pourquoi nous avons veillé à répartir l’effort le plus équitablement possible, notamment en tenant compte de la situation de ceux qui ont commencé à travailler tôt ou qui ont un métier difficile.
Je veux aussi le souligner : les femmes partiront en moyenne plus tôt à la retraite que les hommes, alors que c’est le contraire aujourd’hui.
M. David Assouline. Ce n’est pas ce que dit Franck Riester !
Mme Élisabeth Borne, Première ministre. Enfin, cette réforme permettra d’augmenter les plus petites pensions des futurs retraités comme des retraités actuels. Nous pourrions peut-être au moins nous retrouver sur ce point, puisqu’il était défendu par votre candidate à l’élection présidentielle…
Bien sûr, nous entendons les inquiétudes et les doutes. Nous sommes prêts à enrichir le texte,…
M. Vincent Éblé. Il faut le retirer, pas l’enrichir !
Mme Élisabeth Borne, Première ministre. … et je ne doute pas que le Parlement y contribuera. Nous travaillerons avec tous ceux qui partagent notre volonté de préserver notre modèle social. (Applaudissements sur les travées des groupes RDPI et INDEP. – Mme Véronique Guillotin applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Patrick Kanner, pour la réplique.
M. Patrick Kanner. Madame la Première ministre, votre réponse est inéquitable, puisque vous ne demandez aucun effort aux plus aisés de nos concitoyens. C’est votre choix : vous êtes manifestement la Première ministre des plus riches ! (Exclamations sur les travées des groupes RDPI et Les Républicains.)
M. François Patriat. C’est honteux !
M. Patrick Kanner. Je tiens à vous faire part de ces propos que j’ai entendus dans une manifestation hier : « Nous ne sommes pas des feignants ; nous voulons juste profiter un peu du fruit de notre travail avant de mourir. » (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. François Bonhomme. N’importe quoi…
M. Patrick Kanner. Madame la Première ministre, écoutez ce message et sortez de votre équation comptable. Ayez un peu de bienveillance vis-à-vis des Français : de grâce, retirez votre réforme ! (Vifs applaudissements sur les travées des groupes SER, CRCE et GEST.)
M. Rachid Temal. Très juste !
situation financière des services départementaux d’incendie et de secours
M. le président. La parole est à M. Jean-Yves Roux, pour le groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)
M. Jean-Yves Roux. Monsieur le président, madame la Première ministre, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, rappelons-nous : au mois de juillet 2022, nos sapeurs-pompiers se sont engagés pour lutter contre des incendies dévastateurs.
Nous étions très nombreux alors à constater combien l’action des 251 900 pompiers professionnels et volontaires, mobilisés nuit et jour, nous était indispensable.
En ce début d’année, c’est pourtant le revers de la médaille dans nos territoires, sans médiatisation particulière et dans sa réalité la plus crue.
Aujourd’hui, nos services départementaux d’incendie et de secours, notamment ceux des territoires ruraux, ploient sous le poids financier des charges accumulées et des responsabilités qui leur incombent, ainsi que de celles qui ne leur incombent pas d’ailleurs, sans disposer de ressources suffisantes pour réaliser leurs missions.
Mes chers collègues, nos pompiers font plus que jamais face aux conséquences du réchauffement climatique – incendies, inondations, éboulements –, et cela ne s’arrêtera pas. Dans les déserts médicaux, ils assurent, de plus en plus, des soins de premiers secours, parcourant des kilomètres, ce qui coûte très cher ; cela ne s’arrêtera pas, non plus, de sitôt.
Bien sûr, les sapeurs-pompiers professionnels et volontaires interviennent avec le courage et le dévouement qui les caractérisent. Mais jusqu’à quand et dans quelles conditions ?
En effet, l’inflation et la crise énergétique sont passées par là, gelant la capacité d’action de notre sécurité civile. Des communes et des départements, qui sont des contributeurs des services départementaux d’incendie et de secours (Sdis), n’arrivent pas à régler les factures exceptionnelles et à assumer les nouvelles charges de personnels non compensées. Ils ne parviennent plus à investir pour disposer d’un matériel à un niveau acceptable.
Au-delà de ces difficultés conjoncturelles majeures, pour lesquelles nous demandons à l’État d’intervenir, nombre d’élus membres des Sdis dressent le constat d’un modèle de financement qui n’est plus adapté aux charges croissantes de nos sapeurs-pompiers. Or, en matière de sécurité civile, tout défaut d’investissement ne pardonne pas.
Monsieur le ministre de l’intérieur, « Sauver ou périr », telle est la devise de nos sapeurs-pompiers. Pour aider les Sdis fortement fragilisés, réformer les modes de financement et promouvoir plus de péréquation entre les Sdis au nom de la solidarité nationale, quelle sera la vôtre ? (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE, ainsi que sur des travées du groupe SER.)