compte rendu intégral
Présidence de M. Gérard Larcher
Secrétaires :
Mme Marie Mercier,
M. Jean-Claude Tissot.
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Procès-verbal
M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n’y a pas d’observation ?…
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.
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Allocution de M. Rouslan Stefantchouk, président de la Rada de l’Ukraine
(M. Gérard Larcher, président du Sénat, et M. Rouslan Stefantchouk, président de la Rada de l’Ukraine, font leur entrée dans la salle des séances. – Mmes et MM. les sénateurs se lèvent et applaudissent longuement.)
M. Gérard Larcher, président du Sénat. Monsieur le président de la Rada, mes chers collègues, monsieur l’ambassadeur d’Ukraine en France, la guerre ! Il y a un an, presque jour pour jour, ce mot terrible, que l’on croyait banni du continent européen, a résonné de nouveau en Europe.
Il ne s’agit pas d’une guerre allégorique, de celles que l’on déclare de façon galvaudée dans une situation d’adversité. Il s’agit bien d’une guerre réelle, d’une guerre d’agression, dans toute sa brutalité.
À vrai dire, la guerre n’était pas chose nouvelle en ce 24 février 2022. Votre peuple, monsieur le président de la Rada, connaît la guerre depuis 2014, depuis l’agression de la Russie et l’occupation d’une partie de l’Ukraine, il y a neuf années déjà, même si ces derniers mois furent d’une intensité rarement égalée.
Ce qui a changé, à partir du 24 février 2022, ce fut la mobilisation, inédite, des soutiens de l’Ukraine dans le monde, au sein de l’Union européenne et en France, depuis le sommet de l’État jusqu’aux simples citoyens, sans oublier nos collectivités territoriales.
En effet, il faut le reconnaître avec lucidité : en 2014 et dans les années qui suivirent, à l’exception des Ukrainiens, agressés, et de quelques pays européens, nous n’avions pas pris, collectivement, la véritable mesure de ce qui se produisait sur le sol de l’Ukraine et du danger représenté par l’impérialisme russe.
Ce passé, fait d’irrésolutions, est désormais derrière nous. Votre cause est devenue la nôtre, parce que nous savons que l’Union européenne ne sera pas en paix si la Russie est victorieuse en Ukraine.
Nous n’avons qu’un objectif, et un seul : que demain l’Ukraine soit libérée !
La fermeté de l’engagement des pays qui vous soutiennent, dont la France, fait ses preuves. La décision de notre pays de livrer des chars AMX 10 RC, comme des canons Caesar, puis la décision par d’autres États de livrer des chars lourds ont constitué un tournant supplémentaire dans la détermination collective à vous soutenir.
Cet engagement est appelé à perdurer et à ne pas faiblir. Nous formons le vœu que la France, dans le cadre d’une aide militaire cohérente et concertée avec ses partenaires, continue d’apporter une contribution substantielle à votre système de défense, pour mieux protéger les populations civiles et vos installations stratégiques, et pour vous aider à résister et à reconquérir le territoire de l’Ukraine internationalement reconnu.
« Risque d’escalade », entend-on ? Cette interrogation est légitime. Mais quelle est l’autre solution laissée par la Russie ? Ce n’est pas l’Ukraine qui nous contraint à livrer toujours plus de matériel, c’est la poursuite de l’agression et des exactions russes qui nous l’imposent !
La France et l’Union européenne, à la différence de l’Ukraine, ne sont pas en guerre contre la Russie, mais les autorités russes ont bel et bien désigné comme leur adversaire « l’Occident », pour reprendre leur propre terme.
Dans ces circonstances, l’Ukraine doit être en capacité non seulement de résister, mais aussi de prendre l’avantage stratégique. Nous devons l’y aider.
Monsieur le président, il y a six mois, en juillet 2022, vous m’aviez accueilli, ainsi qu’une délégation de sénateurs, dans l’enceinte de la Rada et vous m’aviez donné l’occasion de prononcer un discours en séance plénière, devant tous les parlementaires.
Mes chers collègues, peut-on se figurer un parlement réuni régulièrement sous la menace permanente des alertes à l’approche de missiles destructeurs ? Tel est le quotidien de nos collègues parlementaires de la Rada.
En résistant, les Ukrainiens démontrent que l’héroïsme n’est pas la vertu des causes désespérées.
Je souhaite, mes chers collègues, que nous nous levions pour rendre hommage au courage de nos collègues parlementaires de la Rada, ainsi qu’à celui de tous les Ukrainiens, et que nous les applaudissions. (Mmes et MM. les sénateurs se lèvent et applaudissent avec force.)
Le 7 février prochain, le Sénat débattra d’un projet de résolution en soutien à votre pays qui dépasse les clivages politiques et qui, je l’espère, recueillera les plus larges suffrages.
Le projet de résolution ne se contente pas de répéter les résolutions précédentes : il fait sien le plan de paix présenté par le président Zelensky lors du sommet du G20, le 15 novembre 2022 : la souveraineté de l’Ukraine sur l’ensemble de son territoire n’est pas négociable. La Crimée ou le Donbass n’ont qu’une vocation : être ukrainiens.
Surtout, le projet de résolution du Sénat insiste sur l’impératif de justice, afin que les criminels qui, au nom de la Russie, commettent des exactions et des crimes de guerre, persécutent et exécutent des civils sachent qu’ils ne bénéficieront d’aucune impunité, parce que l’impunité ouvre la voie aux plus grands crimes et à la manipulation de l’histoire. En témoigne la négation persistante par les autorités russes de ce qu’il conviendrait de reconnaître comme le génocide de l’Holodomor, en 1932 et 1933.
Monsieur le président de la Rada de l’Ukraine, mes chers collègues, le moment que nous partageons aujourd’hui est exceptionnel, sinon inédit. Si le président Zelensky s’est exprimé le 23 mars 2022 en visioconférence devant le parlement français, jamais l’hémicycle du Sénat n’a accueilli le président du parlement d’un pays en guerre.
Cela fait même plus de vingt ans – la dernière fois, c’était en 2003 – qu’aucun président d’une assemblée d’un pays étranger ne s’est exprimé à cette tribune, qui sera vôtre dans quelques instants, monsieur le président de la Rada.
Seuls le président du Bundesrat allemand et la présidente du Parlement européen ont eu, par le passé, cette occasion. C’est dire la dimension européenne qui est conférée à cette tribune. C’est dire le degré d’amitié et de confiance que le Sénat témoigne à la Rada et à son président.
Oui, vraiment, vive l’Ukraine, vive la République et vive la France ! (Très vifs applaudissements.)
La parole est à M. le président de la Rada de l’Ukraine.
M. Rouslan Stefantchouk, président de la Rada de l’Ukraine. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, chers amis, c’est pour moi un honneur insigne que de me trouver au Sénat de la République française, pour vous adresser les paroles de l’Ukraine en proie aux flammes.
Depuis cette haute tribune du Sénat parleront aujourd’hui des millions d’Ukrainiens qui vivent l’agression la plus insensée et la plus terrible depuis la Seconde Guerre mondiale. Je veux que vous entendiez leurs voix épuisées, malheureuses, mais invaincues.
Parmi elles, vous entendrez les voix de Boutcha et Borodianka, premières localités à recevoir l’ennemi à vingt kilomètres de Kyïv, et à l’arrêter.
Je veux aussi que vous entendiez les voix de Marioupol et d’Azovstal invaincues, d’Odessa, si proche des Français, et de Bakhmout et de Soledar, où nos militaires tiennent jusqu’au bout de leur vie, parce qu’ils protègent leur terre.
Parmi ces voix, vous entendrez aussi celles qui appelaient à l’aide dans l’immeuble détruit par un missile russe à Dnipro, où, le 14 janvier dernier, ont péri 46 Ukrainiens, tandis qu’une centaine d’autres étaient blessés.
Je vous remercie encore une fois, cher Gérard Larcher, ainsi que les membres de la délégation que vous présidiez et qui s’est rendue en Ukraine en juillet 2022 ; vous en êtes revenus transformés, comme vous l’aviez dit à l’époque. C’était un acte de courage, la marque des vrais amis. Votre discours inspiré au parlement ukrainien a été entendu par toute l’Ukraine et discuté longtemps et passionnément par les parlementaires, les militaires au front et tous ceux qui les soutiennent à l’arrière.
Nous avons entendu dans ce discours l’esprit invaincu de la France, celui des Parisiens libres qui, il y a deux cent trente ans, sont partis à l’assaut de la Bastille. Aujourd’hui, c’est notre tour, Ukrainiens, de prendre notre Bastille. Nous sommes en train de créer la grande nation ukrainienne qui a entamé un combat épuisant pour sa liberté, pour son développement et pour son avenir.
Je suis heureux de constater que, dans cette confrontation civilisationnelle, le peuple français est à nos côtés. À vous, ses représentants, je voudrais exprimer toute ma reconnaissance. (M. le président de la Rada de l’Ukraine applaudit l’assemblée. – Mmes et MM. les Sénateurs l’applaudissent en retour.)
Mesdames, messieurs les sénateurs, vous êtes-vous demandé pourquoi on nous tue ? On nous tue uniquement parce que, tout comme vous, nous aimons notre terre ; parce que, tout comme vous, nous respectons notre histoire millénaire ; parce que, tout comme vous, nous chérissons notre langue.
Vous êtes-vous demandé comment on nous tue ? On nous tue, cyniquement, avec toutes les armes disponibles : les missiles balistiques, les drones kamikazes ; on nous tue par le froid et l’obscurité, en détruisant les infrastructures énergétiques critiques.
Vous êtes-vous demandé qui nous tue ? Celui qui, sous couvert d’une « opération militaire spéciale », a lancé cette invasion à grande échelle, celui qui rêve de restaurer l’empire russe ou l’Union soviétique, celui qui fait fi du droit international et des normes de coexistence pacifique. C’est sur son ordre que nous sommes tués par ceux qui, hier encore, nous juraient être nos frères.
« L’opération militaire spéciale » en Ukraine, telle que la qualifie l’agresseur, n’est que la couverture cynique d’une invasion de l’Occident que seule notre victoire pourra arrêter.
Chers amis, notre voie est non pas de déposer les armes, mais de riposter et de défendre notre terre. L’Ukraine est devenue le bouclier qui protège l’Europe et l’ensemble du monde civilisé.
L’ennemi cruel sème la mort et la destruction. Il produit des fake news qui font reposer la responsabilité de ses crimes, collectivement, sur l’Occident. Ne cédons pas à la désinformation de Moscou, qui a des racines historiques profondes : nous avons tous en mémoire les faux villages de Potemkine qui induisirent en erreur l’impératrice Catherine II. Deux cents ans plus tard, le même procédé a été utilisé pour persuader le monde entier que les tragédies d’Irpin et de Boutcha n’avaient pas eu lieu, que c’était du théâtre et que les images filmées sur place ne montraient que des acteurs.
J’ai aussi en mémoire un exemple éloquent datant des années 1930, au moment où Staline tuait les Ukrainiens par la famine. Un document d’archives de l’époque montre l’arrivée en Ukraine du président Édouard Herriot. Or celui-ci n’a rien vu de la famine, car on ne lui a fait visiter que des villages et des kolkhozes prospères…
Nous ne pourrons vaincre qu’ensemble, car l’envahisseur ne s’arrêtera pas à l’Ukraine dans son entreprise d’expansion du monde russe. Peu importe comment il le fera, par les armes ou par l’idéologie. La bête se présente aujourd’hui comme un agneau, mais elle aspire toujours à tuer et à s’emparer de nouveaux territoires.
Chers amis, un grand penseur français, René Descartes, a dit en son temps que, si l’on nommait les choses clairement et distinctement, la moitié des erreurs de l’humanité serait évitée. Je vous demande donc d’appeler les choses par leur nom en désignant la Fédération de Russie comme un État terroriste. Je demande au Sénat de soutenir cette décision, déjà adoptée par le Parlement européen, par les assemblées parlementaires du Conseil de l’Europe et de l’Otan, l’Organisation du traité de l’Atlantique Nord, ainsi que par les parlements et gouvernements de plusieurs pays.
Je salue également la solidarité dont vous faites preuve en réclamant la création d’un tribunal spécial pour traduire devant la justice les auteurs de crimes de guerre. Seule l’absence d’impunité, principe suprême de la justice, rendra impossible la reproduction de ces crimes à l’avenir. Tant que la Russie continuera son agression et ne se retirera pas du territoire ukrainien, elle n’aura sa place ni parmi les pays du G7 et du G20 ni aux jeux Olympiques de 2024 à Paris.
Prenant conscience de l’ampleur de l’agression, la France a soutenu la résolution de l’ONU sur le mécanisme de compensation des dommages causés à l’Ukraine. Je vous remercie aussi, une nouvelle fois, de votre leadership dans l’octroi d’armes à l’Ukraine, qui nous aidera à nous défendre et, par conséquent, à vaincre.
De nombreux pays ont suivi votre exemple et nous aident. Nous obtiendrons bientôt les chars si nécessaires à l’Ukraine. Nous espérons que la France sera le premier pays à nous livrer des avions modernes.
Vos Caesar, vos Crotale, vos systèmes de lance-roquettes unitaires, dits LRU, vos chars légers AMX 10 RC ont déjà fait leurs preuves sur le champ de bataille, en nous aidant à contenir efficacement l’ennemi. Mais notre priorité reste d’obtenir des avions, des blindés lourds et des moyens de défense anti-aérienne et anti-missiles, pour avoir la supériorité au sol et fermer le ciel au-dessus de l’Ukraine.
Nous sommes un peuple pacifique et, même face à cette agression militaire, nous pensons toujours à la paix – une paix stable, car nous n’avons pas besoin de ce qui ne nous appartient pas : nous ne faisons que défendre ce qui est à nous. C’est pourquoi le président Zelensky a proposé un plan de paix en dix points pour mettre fin à la guerre.
Chers amis, aidez-nous à créer une nouvelle architecture puissante de sécurité européenne et mondiale, qui ne se fasse pas au prix de reculades et de compromis dont nos enfants et nos petits-enfants auraient honte.
Nous avons besoin de garanties de sécurité solides, comme l’entrée de l’Ukraine dans l’Union européenne et dans l’Otan. Depuis cette tribune, j’appelle ces organisations à nous accueillir sans hésitation parmi leurs membres, à nous recevoir comme une famille reçoit un guerrier de retour après une lutte terrible, un guerrier qui a protégé sa famille, sa terre et notre avenir européen commun.
Nous sommes profondément reconnaissants à la France de nous avoir octroyé le statut de candidat à l’entrée dans l’Union européenne. Car, en mars 2022, au sommet de Versailles, c’est bien la France qui a fait évoluer les choses, deux semaines après le dépôt de la candidature ukrainienne. Les dirigeants de l’Union européenne ont alors décidé que l’Ukraine en deviendrait membre, quelle que soit l’évolution des événements.
Comme l’a écrit en substance Honoré de Balzac, qui, comme vous le savez, avait trouvé l’amour en Ukraine (Sourires.), pour atteindre un objectif, il faut d’abord se diriger vers lui. En tant que président du parlement ukrainien, je puis vous assurer que nous y travaillons, en mettant en œuvre les réformes et les lois nécessaires. Nous sommes parfaitement conscients que l’entrée dans l’Union européenne n’est pas un processus simple.
Ainsi, le président, le parlement et le gouvernement ukrainiens appliquent une politique de tolérance zéro à l’égard de la corruption. Nous avons assisté, durant ces dernières années, à des démissions et des arrestations de fonctionnaires peu scrupuleux. Le front anti-corruption poursuit son travail, et les perquisitions continuent. Ceux, fonctionnaires et anciens fonctionnaires, qui n’ont toujours pas compris que l’Ukraine était un pays européen et démocratique doivent en répondre devant la justice. C’est la première campagne anti-corruption massive depuis trente ans.
Nous souhaitons satisfaire le plus rapidement possible aux sept exigences formulées par la Commission européenne pour entamer les négociations d’adhésion pleine et entière à l’Union européenne. Je suis convaincu que nos efforts communs aboutiront : l’Ukraine peut et doit avoir le statut de membre.
Nous comptons également sur le soutien amical de la France pour accélérer l’entrée de l’Ukraine dans l’Otan, alors que le prochain sommet de l’Alliance atlantique aura lieu les 11 et 12 juillet 2023. L’Ukraine ne peut pas rester en dehors de la communauté euro-atlantique.
Chers amis, il n’y a pas de mots assez forts pour vous exprimer notre reconnaissance d’avoir accueilli en France plus de 100 000 de nos concitoyens, qui sont aussi de futurs citoyens de l’Union européenne.
Je vous remercie de la sollicitude dont vous avez fait preuve pour nos enfants, qui ont été accueillis dans vos écoles, ainsi que pour leurs mères : vous les avez traités comme s’ils appartenaient à votre peuple. L’histoire a donné à nos deux nations et à nos deux cultures plus d’une occasion de rapprochement ; en voilà une nouvelle.
Je tiens à évoquer l’événement historique qu’est l’Holodomor. À la suite des agissements criminels du gouvernement de Staline, des millions d’Ukrainiens ont péri lors de cette famine.
La reconnaissance par la France de cet épisode en tant que génocide du peuple ukrainien sera un signal fort et important. Les événements de 1932 et 1933 confirment que, comme le régime stalinien à l’époque, le pouvoir poutinien n’aspire aujourd’hui qu’à détruire l’identité ukrainienne.
Je vous appelle donc à voter le projet de résolution déposé en ce sens par les sénatrices Joëlle Garriaud-Maylam, présidente de l’Assemblée parlementaire de l’Otan, et Nadia Sollogoub, présidente du groupe interparlementaire d’amitié France-Ukraine au Sénat.
Monsieur le président, l’été dernier, depuis la tribune du parlement ukrainien, vous aviez déclaré que l’âme et l’idéal humain de l’Europe étaient incarnés, aujourd’hui, par le peuple ukrainien. « Pour notre liberté, nous donnerons nos âmes et nos corps, / Et prouverons, frères, que nous sommes de la lignée des Cosaques », dit notre hymne national. La liberté est notre idéal ; vivre dans la grande famille européenne aussi.
Mesdames, messieurs les sénateurs, sans aucun doute, nous atteindrons notre objectif ; sans aucun doute, nous vaincrons, car la vérité est de notre côté ; sans aucun doute, nous reconstruirons une Ukraine libre et indépendante. Ne manquons pas cette chance historique.
Gloire à l’Ukraine, et vive la France ! (Mmes et MM. les sénateurs se lèvent et applaudissent longuement.)
M. Gérard Larcher, président du Sénat. Je vous remercie, monsieur le président.
Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à quinze heures, est reprise à quinze heures quinze, sous la présidence de M. Roger Karoutchi.)
PRÉSIDENCE DE M. Roger Karoutchi
vice-président
M. le président. La séance est reprise.
3
Questions d’actualité au Gouvernement
M. le président. L’ordre du jour appelle les réponses à des questions d’actualité au Gouvernement.
Je rappelle que notre séance est retransmise en direct sur Public Sénat, ainsi que sur notre site internet.
Au nom du bureau du Sénat, j’appelle chacun de vous, mes chers collègues, à observer au cours de nos échanges l’une des valeurs essentielles de notre assemblée : le respect, qu’il s’agisse du respect des uns et des autres ou de celui du temps de parole.
grèves et service minimum
M. le président. La parole est à Mme Pascale Gruny, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Pascale Gruny. Ma question s’adresse à Mme la Première ministre.
Madame la Première ministre, depuis une semaine, la mobilisation sociale contre la réforme des retraites paralyse notre pays, ce qui provoque une nouvelle fois l’exaspération de nos compatriotes dépendant des transports publics.
Comme d’habitude, ce sont les Français les plus fragiles qui sont pénalisés, ceux qui ne peuvent pas se permettre de prendre des jours de congé ou de télétravailler et qui n’ont d’autre solution de transport que le train, le bus ou le métro.
Il n’est pas acceptable qu’une minorité de Français prenne ainsi en otage les salariés qui veulent travailler (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et INDEP. – Protestations sur les travées des groupes SER et CRCE.), mais aussi nos artisans et commerçants déjà lourdement affectés par les crises sanitaire et énergétique. Si le droit de grève est garanti par la Constitution, il n’est pas pour autant un droit de blocage de tout un pays.
Bien que la loi de 2007 ait organisé l’information des usagers en cas de grève, elle n’a pas permis d’aboutir à un service minimum garanti.
C’est ce qui a conduit le Sénat à adopter, le 4 février 2020, une proposition de loi de notre collègue Bruno Retailleau, qui permet enfin de limiter le droit de grève si cela se révèle nécessaire pour garantir un service minimal. (Exclamations ironiques sur les travées des groupes SER et CRCE.)
M. David Assouline. Interdisez donc le droit de grève pendant que vous y êtes !
Mme Pascale Gruny. Madame la Première ministre, ne croyez-vous pas qu’il est grand temps de reprendre ce texte à votre compte et de le faire adopter dans les meilleurs délais ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées du groupe UC. – Exclamations sur les travées des groupes SER, CRCE et GEST.)
M. le président. Mes chers collègues, j’appelle chacun d’entre vous au calme et vous prie d’éviter tout charivari.
La parole est à M. le ministre délégué chargé des transports.
M. Clément Beaune, ministre délégué auprès du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargé des transports. Madame Gruny, comme vous, je veux penser aux nombreux Français qui, ces derniers jours, et à plusieurs occasions, ont, hélas ! douloureusement vécu les perturbations dans nos transports publics. Ils sont parfois empêchés de retrouver leur famille, d’aller travailler et d’exercer un certain nombre d’activités essentielles. (Marques de désapprobation sur les travées du groupe SER.)
Nous nous devons d’agir en suivant, à chaque fois, deux orientations extrêmement claires : tout d’abord, évidemment, le respect de nos grands principes, notamment le droit de grève qui, vous le savez, est inscrit dans notre Constitution et garanti par elle ; ensuite, bien sûr, de la manière la plus concrète et pratique possible, l’intérêt des usagers.
C’est pourquoi, en la matière, il est essentiel de ne pas se payer de slogans et d’apporter des réponses extrêmement efficaces, précises et concrètes.
La mise en place d’un service minimum s’inscrit dans des réflexions anciennes. La réalité est que, si on définissait ce dernier en pourcentage de service, on ne répondrait pas au problème que vous soulevez.
En effet, la définition d’un seuil de service extrêmement élevé serait sans doute jugée inconstitutionnelle, puisqu’elle porterait une atteinte disproportionnée au droit de grève garanti par notre loi fondamentale.
Avec la définition d’un pourcentage de service trop bas, le dispositif ne serait pas efficace, parce que, même en cas de mobilisation très importante, et bien que de nombreux Français soient pénalisés, plus de 50 % du service reste assuré. Nous en avons vu l’illustration avec les contrôleurs de la SNCF à Noël dernier – heureusement, d’ailleurs !
Dans l’esprit de la loi de 2007, il faut que nous examinions – c’est la réflexion que nous avons engagée sous l’autorité de la Première ministre – toutes les réponses concrètes, efficaces et complémentaires possibles.
Un certain nombre de ces réponses sont entre les mains de nos entreprises publiques. Nous avons du reste d’ores et déjà demandé aux dirigeants de ces grandes entreprises de veiller à ce que la mobilisation interne soit renforcée : cela nécessite de l’organisation et de l’anticipation, puisqu’il faut parfois que les agents détiennent une habilitation de sécurité pour exercer certaines fonctions dans nos transports publics. Mais il s’agit d’une réponse que nous devons et que nous pouvons apporter dans les semaines et les mois qui viennent.
Toujours dans cet esprit, nous pourrions réfléchir aux délais de prévenance de quarante-huit heures qui ont été instaurés par la loi de 2007 et qui pourraient faire l’objet d’un débat. Nous pourrions travailler collectivement aux modalités de leur extension.
M. le président. Monsieur le ministre, votre temps de parole est écoulé !
La parole est à Mme Pascale Gruny, pour la réplique.
Mme Pascale Gruny. J’entends bien vos propos, monsieur le ministre, mais, depuis 2020, nous aurions eu tout le temps de travailler ensemble sur ce sujet. J’ai été le rapporteur de la proposition de loi que j’évoquais et je puis vous dire que nous avons formulé des propositions.
Sachez aussi que nous avons évidemment une solution à chacune des réserves que vous venez d’émettre. Nous vous demandons d’adopter des mesures fermes, parce que notre pays en a besoin, notamment son économie.
On ne peut pas laisser les travailleurs être pénalisés. Certes, il y a des gens dans la rue, mais il y a aussi ceux qui restent chez eux : peut-être ne peuvent-ils pas faire grève, peut-être, surtout, ont-ils besoin de travailler ! (Protestations sur les travées des groupes SER et CRCE.)
M. David Assouline. Cela fait un siècle que vous dites cela !
Mme Pascale Gruny. C’est à eux qu’il faut penser, toujours dans leur intérêt. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – Mme Françoise Gatel applaudit également.)
M. le président. La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour le groupe Union Centriste. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
Mme Nathalie Goulet. Monsieur le président, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, nous sommes nombreux sur toutes les travées à avoir soutenu la révolution en Iran, notamment en parrainant des prisonniers torturés, violés, condamnés sans avocat ou encore pendus.
Depuis plusieurs semaines, l’Iran menace la France et les soutiens de la révolution. Massi Kamari, refugiée politique menacée en France, a vu ses parents également menacés en Iran. Masih Alinejad, emblématique résistante reçue par le Président de la République, a récemment échappé de justesse à un attentat aux États-Unis. Je pense également à Salman Rushdie.
La menace est gravissime. Un grand hebdomadaire, que vous avez peut-être lu, a titré : « Pourquoi l’Iran cible la France » – c’est tout de même assez inquiétant !
Le général iranien Hossein Salami a prévenu : « Les musulmans se vengeront. Vous arrêterez les assaillants, mais les morts, eux, ne reviendront pas. » Quant au ministre des affaires étrangères iranien, il a déclaré : « Nous ne permettrons pas au gouvernement français de dépasser les limites. » Il ne se demande pas en revanche si l’Iran a dépassé les siennes !
J’ajoute que les gardiens de la révolution ont leur milice à l’étranger et une branche armée capable d’agir partout dans le monde.
Enfin, ce week-end, les frappes israéliennes contre les usines de drones à Ispahan sont venues interférer et font évidemment craindre une escalade. Sans compter que, si l’on prend en considération les accords de défense entre l’Iran et le Qatar, ainsi que les rôles de la Russie et de la Chine, la situation risque de dégénérer.
Notre sécurité est clairement menacée. Dans ces conditions, madame la secrétaire d’État, ma question est simple : quelles mesures entendez-vous prendre ou avez-vous déjà prises pour protéger les Français ? (Applaudissements sur les travées des groupes UC et INDEP. – Mmes Esther Benbassa et Laurence Cohen applaudissent également.)