Mme le président. Personne ne demande plus la parole ?…
Je mets aux voix la motion n° 6, tendant à opposer la question préalable.
Je rappelle que l’adoption de cette motion entraînerait le rejet du projet de loi de financement de la sécurité sociale.
En application de l’article 59 du règlement, le scrutin public ordinaire est de droit.
Il va y être procédé dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
Mme le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à constater le résultat du scrutin.
(Mmes et MM. les secrétaires constatent le résultat du scrutin.)
Mme le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 80 :
Nombre de votants | 343 |
Nombre de suffrages exprimés | 329 |
Pour l’adoption | 264 |
Contre | 65 |
Le Sénat a adopté.
En conséquence, le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2023 est rejeté. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à quinze heures cinquante, est reprise à quinze heures cinquante-deux.)
Mme le président. La séance est reprise.
4
Loi de finances pour 2023
Suite de la discussion d’un projet de loi
Mme le président. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi de finances pour 2023, considéré comme adopté par l’Assemblée nationale en application de l’article 49, alinéa 3, de la Constitution (projet n° 114, rapport général n° 115, avis nos 116 à 121).
Nous poursuivons l’examen, au sein de la seconde partie du projet de loi de finances, des différentes missions.
SECONDE PARTIE (suite)
MOYENS DES POLITIQUES PUBLIQUES ET DISPOSITIONS SPÉCIALES
Solidarité, insertion et égalité des chances
Mme le président. Le Sénat va examiner les crédits de la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances » (et article 46 quater).
La parole est à M. le rapporteur spécial. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Arnaud Bazin, rapporteur spécial de la commission des finances. Madame la présidente, mesdames les ministres, mes chers collègues, le projet de loi de finances pour 2023 ouvre 30 milliards d’euros en autorisations d’engagements et en crédits de paiement au titre de cette mission. Cela représente une hausse considérable, de plus de 2 milliards d’euros par rapport à la loi de finances initiale pour 2022, soit environ 8 %.
Cette hausse s’explique principalement par l’indexation sur l’inflation du montant des prestations sociales financées par la mission, notamment l’allocation aux adultes handicapés et la prime d’activité, auxquelles il faut désormais ajouter le revenu de solidarité active (RSA) dans les départements où son financement a été recentralisé. À elles seules, ces prestations représentent plus des trois quarts des crédits de la mission.
Ainsi, le coût de la prime d’activité dépassera en 2023 le seuil symbolique de 10 milliards d’euros, ce qui est bien sûr le signe de la dynamique du marché du travail, mais aussi de la faiblesse des salaires. Les dépenses engagées au titre de l’AAH, quant à elles, devraient dépasser 12 milliards d’euros.
La mission regroupe une grande variété d’actions, qui reflètent la diversité de la politique d’action sociale. Au vu du temps qui m’est imparti, je me concentrerai sur le sujet de l’aide alimentaire.
Cette politique ne représente qu’une faible part des crédits de la mission, avec 117,2 millions d’euros inscrits dans ce projet de loi de finances, mais l’enjeu est crucial dans la période actuelle. En 2020, année marquée par la crise sanitaire, on estime que 5,6 millions de personnes ont fait appel à l’aide alimentaire. Le problème s’intensifie depuis lors, car l’inflation, très forte sur les produits alimentaires, fragilise considérablement nos concitoyens les plus modestes.
La situation est également préoccupante pour les associations d’aide alimentaire. Celles-ci sont, en quelque sorte, victimes d’un effet de ciseau entre un afflux de demandes qui ne faiblit pas et des moyens de plus en plus contraints.
L’envolée des prix de l’électricité alourdit fortement leurs charges de fonctionnement, tandis que la hausse des prix des carburants affecte les bénévoles se rendant sur les sites de distribution. Surtout, les tensions mondiales sur les marchés agroalimentaires sont à l’origine de nombreux lots infructueux dans les marchés passés pour leur compte par FranceAgriMer pour l’achat de denrées.
Je me permets une brève incise sur ces achats, en principe éligibles à un remboursement par l’Union européenne dans le cadre du Fonds social européen + (FSE +). En pratique, les contrôles effectués en la matière sont si pointilleux qu’une partie significative des produits achetés est finalement déclarée inéligible au remboursement. La simplification des procédures est absolument indispensable. Cela fait maintenant près de cinq ans qu’Éric Bocquet et moi-même lançons l’alerte sur ce sujet.
Dans ce contexte, il est indispensable de prendre des mesures de soutien efficaces.
À cet égard, nous nous félicitons, certes, que ce texte prévoie de renforcer de 60 millions d’euros les crédits alloués à l’aide alimentaire. Nous avons cependant des divergences quant à la méthode retenue, puisque cette enveloppe est destinée à la création d’un fonds pour les nouvelles solidarités alimentaires, dédié au financement de projets de transformation des structures, en liant lutte contre la précarité alimentaire et soutien aux filières agricoles durables. Ce fonds constituerait, en quelque sorte, une issue au débat qui a eu lieu, à la suite de la Convention citoyenne pour le climat, autour de l’introduction d’un chèque alimentaire, proposition que nous ne soutenons pas, car elle tourne le dos au modèle français, modèle associatif fondé sur le couplage entre aide alimentaire et accompagnement social.
Nous considérons qu’il conviendrait de se montrer plus pragmatique en utilisant cette enveloppe nouvelle pour soutenir directement le fonctionnement des structures, voire pour compenser de possibles lots infructueux, dans l’esprit de l’enveloppe de 40 millions d’euros qui avait pu être adoptée cette année en loi de finances rectificative, sur une initiative de la commission des finances.
Je suis loin de partager les orientations du Gouvernement en matière de politique de cohésion sociale et de solidarité. À mon sens, ce sont les revenus du travail qui permettent de sortir les personnes de la pauvreté et non des chèques distribués par l’État de temps à autre, comme le Gouvernement en a pris la fâcheuse habitude ces dernières années. Mon collègue Éric Bocquet reviendra sur ce point.
Néanmoins, en responsabilité, et afin d’assurer le financement nécessaire de la prime d’activité et de l’AAH, je vous propose d’adopter les crédits de cette mission. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme le président. La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Éric Bocquet, rapporteur spécial de la commission des finances. Madame la présidente, mesdames les ministres, mes chers collègues, nous nous sommes intéressés à la dynamique importante des crédits de cette mission depuis 2019.
Si nous tirons le bilan de la période récente, que constatons-nous ? Chaque année, des enveloppes supplémentaires ont été ouvertes en urgence sur la mission.
D’abord, en réaction au mouvement des gilets jaunes, il y a eu une majoration de la prime d’activité, qui a pour l’État un coût pérenne d’environ 4,4 milliards d’euros par an.
Ensuite, pendant la crise sanitaire, on a vu le versement au printemps, puis à l’automne 2020, de deux aides exceptionnelles de solidarité en faveur des bénéficiaires des minima sociaux et des aides au logement, d’un montant de 150 euros, avec une majoration de 100 euros par enfant à charge, pour un coût total de près de 2 milliards d’euros.
Enfin, en réaction à la forte accélération de l’inflation, qui fragilise considérablement le pouvoir d’achat de nos concitoyens les plus modestes, deux nouveaux dispositifs d’urgence ont successivement été financés sur la mission.
D’abord, à la fin de 2021, il y a eu l’indemnité inflation, qui cumule les défauts en étant à la fois limitée – 100 euros –, très peu ciblée – elle s’adresse à toutes les personnes percevant moins de 2 000 euros de revenus mensuels, sans considération des revenus du foyer –, et enfin très coûteuse pour le budget de l’État : 3,8 milliards d’euros, dont 3,2 milliards financés par la mission. Plus récemment, en loi de finances rectificative pour 2022, une aide exceptionnelle de rentrée de 1,2 milliard d’euros a été votée.
Nous avons assurément, au sein de la commission des finances, des visions très divergentes en matière de politique économique et budgétaire. Je pense cependant que nous pourrons tous nous accorder sur un point : cette « politique du chèque » n’est pas une politique sociale.
Elle permet uniquement aux plus pauvres de nos concitoyens de passer le mois, sans leur donner la moindre perspective, et ne résout rien aux problèmes de fond. Le budget de la mission ne peut pas, à lui seul, absorber des chocs sociaux qui trouvent leur racine dans nos fragilités structurelles. Je pense, en particulier, à la question récurrente de la faiblesse des salaires.
Il y a certes quelques points positifs dans ce budget. Je pense, par exemple, à la déconjugalisation de l’AAH, prévue à compter du 1er octobre 2023. Cette mesure était très attendue. On ne peut que regretter le temps perdu en la matière, avant que cette réforme ne soit enfin arrachée au Gouvernement à la faveur de la campagne présidentielle.
Cette mesure vient conclure un quinquennat contrasté en matière d’AAH, puisque la revalorisation de son montant à taux plein, de près de 80 euros, a été contrebalancée par de discrètes mesures d’économies. Une revalorisation importante de l’AAH avait eu lieu en 2018, puis en 2019, relevant le montant mensuel de l’allocation pour le porter à un peu plus de 900 euros en 2021. Sur le quinquennat, cela représente un effort global de 3 milliards d’euros.
En parallèle, de discrets coups de rabots ont été décidés pour modérer l’évolution de la dépense : réforme du plafond de ressources des personnes en couple, suppression du complément de ressources, sous-indexation de la revalorisation légale annuelle, etc. Au total, ces mesures d’économies viennent capter plus du tiers de la dynamique créée par la revalorisation de l’AAH, soit environ 1 milliard d’euros sur les cinq dernières années.
Pour de nombreux bénéficiaires, cette revalorisation a donc été largement théorique. En tout état de cause, son montant reste nettement sous le seuil de pauvreté.
Peut également être citée la poursuite, en 2023, de l’augmentation des crédits dédiés à la politique de lutte contre les violences faites aux femmes. Les crédits demandés s’élèvent en effet à 54,5 millions d’euros en autorisations d’engagement, soit une augmentation de 15 % par rapport à la loi de finances initiale pour 2022. Le volume de l’enveloppe reste cependant bien modeste eu égard à l’ampleur des enjeux et aux difficultés rencontrées par les associations de défense des droits des femmes, qui sont également frappées de plein fouet par l’inflation, comme beaucoup d’autres associations.
À titre personnel, je m’en étais remis à la sagesse de la commission des finances sur l’adoption des crédits. La commission, comme vous l’a indiqué à l’instant Arnaud Bazin, a décidé de vous proposer leur adoption. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE et au banc des commissions.)
Mme le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Jean Sol, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales. Madame la présidente, mesdames les ministres, mes chers collègues, les crédits de paiement de la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances » pour 2023 s’élèvent à 29,9 milliards d’euros, en hausse de 8,3 % par rapport à 2022, sous l’effet, notamment, de la revalorisation des prestations sociales et de la déconjugalisation de l’allocation aux adultes handicapés.
Tel était en tout cas l’état du texte la semaine dernière, mais un amendement du Gouvernement, déposé vendredi dernier, pourrait ramener cette hausse à 7 %. Nous espérons obtenir cet après-midi du Gouvernement de plus amples explications sur cette diminution proposée, de 568 millions d’euros, des crédits dédiés à la prime d’activité et au RSA.
Le budget pour 2023 de cette mission apparaît comme un budget de transition, où l’on entrevoit les chantiers du Gouvernement en matière de lutte contre la pauvreté, d’insertion et d’emploi.
La stratégie nationale de prévention et de lutte contre la pauvreté arrive en fin de cycle ; les crédits consacrés à cette action diminuent, de 327,6 millions d’euros à 252 millions d’euros, entre 2022 et 2023, les actuelles conventions entre l’État et les départements arrivant à échéance en cours d’année. Un nouveau pacte des solidarités en prendrait la suite, avec des axes nouveaux concernant la lutte contre la grande marginalité et la transition écologique et solidaire. Le Gouvernement a lancé plusieurs expérimentations relatives au RSA, qui ont vocation à converger vers le projet France Travail dans des conditions qui ne se dessinent pas encore avec évidence.
Nous suivrons également avec attention le projet de solidarité à la source, qui pourrait permettre de fiabiliser le versement des prestations sociales. S’agissant en particulier de la prime d’activité, une amélioration du versement à bon droit de la prestation est indispensable : selon la Cour des comptes, 1 euro de prime d’activité sur 5, soit 2 milliards d’euros au total, serait versé à tort à titre définitif.
Par ailleurs, la commission a porté son attention sur la traduction budgétaire des avancées de la loi du 7 février dernier sur la protection des enfants.
S’agissant des mineurs non accompagnés, alors que les flux d’entrée semblent repartir à la hausse, la contribution de l’État aux dépenses des départements continue à baisser, de 93 millions d’euros en 2022 à 90 millions d’euros en 2023. Surtout, les crédits inscrits en loi de finances sont sans rapport avec les dépenses réelles de l’État : en 2022, sur les 28 millions d’euros qui ont été ouverts en compensation des dépenses supplémentaires à la charge de l’aide sociale à l’enfance, seuls 3 millions d’euros seront répartis entre les onze départements ayant accueilli plus de mineurs non accompagnés au 31 décembre 2021 qu’au 31 décembre 2020. Le mode de calcul de cette contribution doit être révisé, car il est en complet décalage avec la réalité du terrain.
Mme le président. Il faut conclure !
M. Jean Sol, rapporteur pour avis. Sous ces réserves, la commission des affaires sociales a émis un avis favorable sur les crédits de cette mission.
Mme le président. Mes chers collègues, je ne peux pas vous donner des secondes et des minutes supplémentaires. Comprenez bien que nous sommes dans un temps très contraint ; je ne pense pas que vous souhaitiez revenir samedi ou dimanche ! (Mme Laurence Cohen s’exclame.)
Mes chers collègues, dans la suite de la discussion, je vous rappelle que le temps de parole attribué à chaque groupe pour chaque discussion comprend le temps d’intervention générale et celui de l’explication de vote.
Par ailleurs, le Gouvernement dispose au total de dix minutes pour intervenir.
La parole est à M. Philippe Mouiller. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Philippe Mouiller. Madame la présidente, mesdames les ministres, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, s’il y a un domaine où l’effort de la Nation ne doit pas faiblir, c’est bien celui de la solidarité. Cela est d’autant plus vrai en cette période difficile.
Les crédits de la mission augmentent de 8 %, mais dans le contexte d’une inflation qui s’établit actuellement à 6,2 %. Il faut également souligner que cette hausse correspond principalement à la déconjugalisation de l’AAH, à la revalorisation des prestations sociales et à l’augmentation de la prime d’activité.
Avec la crise sanitaire, économique et sociale, puis la soudaine baisse du pouvoir d’achat et la hausse du coût de l’énergie, chacun a pu mesurer combien nos filets de protection sociale sont précieux, qu’il s’agisse de notre système de soins, du chômage partiel, de l’aide alimentaire ou de la continuité des droits sociaux.
Malheureusement, malgré tout cela, environ 9,3 millions de personnes vivent sous le seuil de pauvreté en France.
Le Gouvernement a multiplié les mesures d’aide ponctuelles pour faire face aux urgences : aide exceptionnelle de solidarité, prime de rentrée, majoration du chèque énergie, prime inflation. Cependant, ces aides ne peuvent se substituer à une réforme structurelle de la lutte contre la pauvreté.
Comme l’ont souligné nos rapporteurs, cette « politique du chèque » aide aujourd’hui certains de nos concitoyens, mais qu’en sera-t-il demain ? Quelles perspectives leur ouvre-t-on ? Notre modèle social montre ici ses limites. Le budget de l’État n’est pas inépuisable.
Concernant les réformes envisagées, je voudrais formuler quelques observations et interrogations.
Le Gouvernement a lancé plusieurs expérimentations relatives au revenu de solidarité active. Dans le sillage de trois départements d’outre-mer, qui se sont d’ores et déjà engagés dans cette voie, la loi de finances pour 2022 a permis l’expérimentation de la recentralisation du RSA. La Seine-Saint-Denis et les Pyrénées-Orientales ont rejoint le dispositif, aux termes duquel l’État reprend le financement et la gestion du RSA pour une durée de cinq ans, en contrepartie d’un renforcement des politiques d’insertion mises en œuvre localement.
Cependant, la Cour des comptes juge inefficace de « dissocier les responsabilités financières et opérationnelles ». Je souhaiterais entendre le sentiment du Gouvernement sur ce sujet et connaître les premiers retours d’expérience.
Une autre expérimentation prévoit de renforcer le contrôle et l’accompagnement des bénéficiaires du RSA. La Cour des comptes a en effet pointé les défaillances alarmantes du dispositif d’accompagnement en matière de retour à l’emploi. Seuls 40 % des allocataires du RSA bénéficient de l’accompagnement social prévu et seul un tiers des allocataires ont un emploi sept ans après leur entrée dans le dispositif.
Nous sommes favorables à un suivi qui soit enfin efficace. Il faudra également s’appuyer sur le principe des droits et devoirs, afin que les bénéficiaires adhèrent véritablement à leur parcours et qu’ils soient les moteurs de leur insertion.
Je souhaiterais maintenant formuler plusieurs remarques sur la politique menée en matière de handicap.
La hausse de 750 millions d’euros des crédits dédiés à l’AAH est la conséquence de deux mesures que nous avons votées au sein de la loi portant mesures d’urgence pour la protection du pouvoir d’achat : sa revalorisation de 4 %, pour tenir compte de l’inflation, et sa déconjugalisation.
Cette dernière mesure, obtenue après un long combat parlementaire, bénéficiera à 160 000 de nos concitoyens, pour un gain moyen de 300 euros mensuels. Elle permettra surtout d’assurer l’indépendance financière de la personne handicapée. Cette réforme sera effective le 1er octobre 2023 et peut-être même plus tôt, comme vous l’avez indiqué en audition, madame la ministre.
En matière d’emploi, on peut se réjouir que, en trois ans, le taux de chômage des personnes handicapées soit passé de 19 % à 14 %. Il reste cependant presque deux fois plus élevé que dans la population générale.
Certaines entreprises s’engagent, par une convention avec l’Association de gestion du fonds pour l’insertion professionnelle des personnes handicapées (Agefiph), à faire davantage de place au handicap. Il semble par ailleurs que, dernièrement, les tensions sur le marché du travail aient incité les entreprises à embaucher des chômeurs en situation de handicap. Pourriez-vous nous le confirmer ?
Je dirai enfin quelques mots sur la protection juridique des majeurs, qui bénéficie actuellement à près de 1 million de personnes qui souffrent de troubles psychiques ou sont en situation de handicap ou en perte d’autonomie. Compte tenu du vieillissement de la population, ce dispositif pourrait concerner jusqu’à 2 millions de personnes en 2040.
Certes, les crédits consacrés à cette protection sont en hausse de 9 % afin, notamment, d’augmenter les salaires et de restaurer l’attractivité de la profession de mandataire judiciaire à la protection des majeurs.
Cependant, les moyens nécessaires sont largement supérieurs aux crédits votés. Actuellement, près de 6 500 mandataires se partagent la gestion de plus de 390 000 mesures par an, ce qui représente une charge de 60 mesures par mandataire. Ce nombre est difficilement compatible avec la qualité de service requise pour assurer une réelle protection des personnes les plus vulnérables de notre société. C’est pourquoi je présenterai tout à l’heure un amendement tendant à transférer des crédits vers le programme concerné.
En conclusion, notre groupe, ayant constaté l’évolution favorable des crédits de cette mission, se prononcera pour leur adoption.
Mme le président. La parole est à Mme Colette Mélot.
Mme Colette Mélot. Madame la présidente, mesdames les ministres, mes chers collègues, nous constatons une hausse d’environ 2 milliards d’euros, soit 8 %, pour la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances » dans le budget pour 2023. C’est à la fois un signe positif et un marqueur de problèmes plus profonds dans notre société.
Nous traversons des périodes de crise importantes. La pandémie de covid-19 a été, pour beaucoup de Français, la cause d’un appauvrissement, les menant parfois à des situations extrêmement difficiles. La guerre en Ukraine et les tensions énergétiques que nous subissons en Europe constituent un nouveau défi. Beaucoup se demandent comment ils vont passer l’hiver qui commence, ainsi que les hivers prochains.
Les risques de cette crise pour notre compétitivité sont visibles. Le groupe Les Indépendants, dès le 5 octobre dernier, à la faveur d’une question d’actualité au Gouvernement, a lancé une alerte, craignant de nouvelles délocalisations et des fermetures d’entreprises. La conséquence première serait des licenciements et de nouvelles difficultés pour les Français.
Nous devons absolument préserver notre tissu entrepreneurial et faire en sorte que nos entreprises puissent rester sur notre territoire, avec les emplois qu’elles créent. Le travail et, surtout, sa juste rémunération sont des moteurs au sein de notre société et doivent permettre de vivre correctement.
Les réponses conjoncturelles, avec la multiplication des aides exceptionnelles, sont importantes en ces temps de crises multiples. Cependant, je suis, moi aussi, d’avis qu’il faut réfléchir à des évolutions structurelles. Nous devons donner aux Français des perspectives et de l’espoir dans l’avenir, comme l’ont rappelé les rapporteurs spéciaux, dont je salue le travail. Nos discussions en commission des affaires sociales ont aussi révélé certaines failles de notre système.
Dans mes travaux, j’appréhende de nombreux sujets sous le prisme de la prévention. Je crois qu’il faut également le faire sur en matière de solidarité, d’insertion et d’égalité des chances. La lutte contre la pauvreté passe aussi par la recherche de solutions évitant qu’elle s’installe ; cela me paraît essentiel.
Sur ce point, je crois beaucoup à la formation et à l’encadrement, pour reprendre pied dans la vie active et éviter de laisser un cercle vicieux s’installer. Alors que nous allons négocier les nouvelles générations de conventions d’appui à la lutte contre la pauvreté et d’accès d’emploi, je pense que celles-ci doivent être adaptées, au plus près des problématiques de chaque territoire, pour être efficaces.
Je suis particulièrement attentive à la situation de nos jeunes. Nous avons entendu leurs difficultés, très importantes, après la pandémie et, maintenant, face à l’inflation et au coût de l’énergie. À cet égard, je salue les crédits supplémentaires alloués à un fonds pour les nouvelles solidarités alimentaires.
Cependant, comme beaucoup de mes collègues, il me semble important, dans la situation actuelle, de soutenir plus directement et, partant, plus rapidement, les associations dédiées à l’aide alimentaire.
Les bénévoles font un travail extraordinaire, malgré des contraintes toujours plus fortes et le nombre malheureusement croissant de personnes devant recourir à l’aide alimentaire – elles sont entre 2 et 4 millions selon l’Insee.
Je tiens par ailleurs à évoquer le rapport alarmant du Fonds des Nations unies pour l’enfance, l’Unicef, sur la situation des enfants en France : il y a beaucoup à faire dans ce domaine.
Avant de conclure, il me faut signaler que les crédits consacrés en 2023 à l’AAH financeront pour la première fois la déconjugalisation de cette allocation.
Nous devons redonner des perspectives aux Français et lutter contre la pauvreté de manière préventive – il y a tant à accomplir afin de répondre aux problématiques structurelles de notre système !
En tout état de cause, la hausse des crédits de cette mission est une bonne nouvelle ; le groupe Les Indépendants – République et Territoires votera en faveur de leur adoption. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP.)
Mme le président. La parole est à Mme Mélanie Vogel.
Mme Mélanie Vogel. Madame la présidente, mesdames les ministres, mes chers collègues, la mission que nous examinons devrait contenir les grandes actions de l’État visant à éradiquer la pauvreté, l’exclusion et les discriminations dans notre pays.
Certaines propositions budgétaires sont évidemment bienvenues : l’augmentation de l’AAH ; la reconduite des 5 millions d’euros de crédits alloués, depuis l’adoption, en loi de finances pour 2021, d’un amendement de ma collègue Raymonde Poncet-Monge, à la lutte contre la précarité menstruelle ; l’augmentation du budget alloué au 3919 ; enfin, le lancement de l’expérimentation « Territoires 100 % accès aux droits et aux soins »…
Ces mesures vont naturellement dans le bon sens, mais elles n’émanent majoritairement pas de vous, mesdames les ministres – voilà la réalité politique. Elles découlent en réalité de victoires que nous avons remportées contre vous.
En effet, l’augmentation de l’enveloppe de l’AAH est due à sa déconjugalisation, laquelle a été obtenue après une campagne acharnée des associations contre votre gouvernement.
De même, le budget dédié à la lutte contre la précarité menstruelle ne fait que maintenir un dispositif que nous avons fait adopter il y a deux ans contre l’avis du Gouvernement.
Par ailleurs, l’augmentation du budget du 3919 résulte de votre renonciation à privatiser sa gestion, en raison, de nouveau, d’une forte mobilisation.
Ces mesures traduisent donc non pas un projet, mais des arbitrages ponctuels, liés à de ponctuelles défaites.
Du reste, cette mission ne reflète pas une politique volontariste pour réduire la pauvreté, l’exclusion et les discriminations.
En effet, le manque de moyens dédiés à la solidarité en France est affligeant, compte tenu des 10 millions de pauvres que compte notre pays, de l’inflation galopante et de la stagnation des bas salaires.
Pour lutter efficacement contre la pauvreté, il aurait fallu ouvrir le RSA aux jeunes de moins de 25 ans, rehausser son montant, ainsi que celui de l’AAH, au niveau du seuil de pauvreté et supprimer les contreparties au RSA pour lutter contre le non-recours et garantir à chacun le minimum vital.
Au lieu de cela, l’assurance chômage assurera moins bien, le RSA sera conditionné et vous vous obstinez dans une réforme des retraites anti-redistributive et injuste…
Le niveau du budget consacré à la prime d’activité représente un aveu d’échec quant à sa capacité à faire sortir les travailleurs et travailleuses pauvres de la précarité.
Le manque de moyens dédiés à l’égalité femme-homme est également frappant. Je relaierai donc la demande des associations féministes : consacrer 0,1 % du PIB à la lutte contre des violences subies par 50 % de la population.
En ce qui concerne l’égalité professionnelle, il nous reste tant à faire ; adopter des politiques visant à atteindre l’égalité salariale non pas seulement dans des entreprises individuelles, mais dans des secteurs entiers, serait toutefois un bon début.
Par ailleurs, nous notons des baisses de financement, justifiées de façon obscure.
Ainsi, vous baissez de 50 % l’aide à la vie familiale et sociale des anciens migrants dans leur pays d’origine (AVFS), au motif d’un faible recours. C’est bien connu : en baissant des aides déjà faibles, on améliore le recours à celles-ci !
Vous baissez ensuite le budget dédié à la stratégie interministérielle de prévention et de lutte contre la pauvreté des enfants et des jeunes. On empêchera les enfants pauvres d’être pauvres en leur retirant de l’argent !
Enfin, vous programmez l’extinction de la formation aux métiers de la santé et du soin en supprimant les autorisations d’engagement correspondantes. Il est vrai que nous n’avons aucun besoin en santé – c’est bien connu…
En outre, lorsque vous augmentez les budgets, on ne sait pas exactement à quoi les hausses seront employées.
Je pense notamment au fonds pour une aide alimentaire durable : si celui-ci est une bonne chose, la manière dont les 60 millions d’euros alloués garantiront que les produits concernés seront réellement durables est peu claire.
Or l’alimentation est un déterminant majeur de la santé et dépend presque exclusivement du niveau social : plus on est pauvre, moins on a accès à des produits sains, plus on est malade. Nous vivons dans un système où l’alimentation fournie aux plus pauvres les rend malades, mais rend aussi malade notre planète.
Pour toutes ces raisons, ayant pesé le pour et le contre, les membres du groupe Écologiste – Solidarité et Territoires s’abstiendront sur les crédits de cette mission. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST et sur des travées des groupes SER et CRCE.)