M. le président. La parole est à M. Bernard Jomier, pour explication de vote.
M. Bernard Jomier. L’adoption de cet amendement me paraît indispensable. En effet, je n’ai pas compris comment une application au 1er janvier 2024 pourrait avoir un impact sur la loi de financement de la sécurité sociale pour 2023. Il est donc préférable de prévoir une date en 2023 afin d’éviter une éventuelle censure.
Permettez-moi de réagir aux propos de M. le ministre. Vous dites que frauder, c’est voler. Certes, sauter par-dessus la barrière du métro, c’est frauder et voler ! Mais tout ne doit pas entraîner la même mobilisation.
La fraude patronale, c’est comme l’évasion fiscale. Il s’agit de fraudes massives, qui déstructurent profondément une société. Bien sûr, la fraude d’un individu aux prestations doit être sanctionnée, mais il s’agit d’un simple individu. La fraude d’organisations, l’évasion fiscale des multinationales qui ne paient pas d’impôts en France, les dizaines et centaines de milliards d’euros qui nous échappent collectivement sont de puissants facteurs de déstructuration sociale.
J’ai le regret de vous le dire, monsieur le ministre, mais on vous entend beaucoup plus sur la fraude aux prestations que sur celle aux cotisations. Vous nous avez rejoints en séance pour examiner le sujet de la fraude dans ce PLFSS. Malheureusement, on ne vous a pas vu au moment de la discussion des recettes de la sécurité sociale. Vous êtes venu parler de la fraude et, à 80 %, de la fraude aux prestations !
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Gabriel Attal, ministre délégué. Bien que je ne souhaite pas allonger les débats, je ne peux pas laisser dire certaines choses sans répondre.
Certes, je n’étais pas au Sénat pour l’examen de la partie recettes, car j’étais à l’Assemblée nationale pour l’examen du projet de loi de finances rectificative. Je n’ai pas encore le don d’ubiquité ou l’usage de l’hologramme, qui me permettrait d’être présent dans les deux chambres en même temps ! Pour autant, je reste à la disposition du Sénat : j’ai récemment été auditionné par la commission des affaires sociales sur ces sujets.
Par ailleurs, j’estime que vous devriez vous réjouir que le Président de la République et le Gouvernement aient fait sauter le « verrou de Bercy » en 2018. Vous devriez vous féliciter que les grandes entreprises soient « alignées » les unes après les autres pour des mécanismes d’optimisation fiscale.
Cet été, mes services ont infligé une amende record de 1,2 milliard d’euros à McDonald’s sur ce fondement. Encore récemment, pour de l’accompagnement en matière d’optimisation fiscale réalisé par le Credit Suisse, 300 millions d’euros d’amende ont été notifiés. Grâce notamment aux nouveaux leviers issus de la loi de 2018 relative à la lutte contre la fraude, des amendes sans précédent ont été prononcées. Vous devriez plutôt saluer et reconnaître cette action, plutôt que de considérer que rien n’est fait, ce qui est faux.
M. le président. Je mets aux voix l’article 41 bis, modifié.
(L’article 41 bis est adopté.)
Article 42
I. – Le code de la sécurité sociale est ainsi modifié :
1° A (nouveau) Le quatrième alinéa de l’article L. 133-4 est complété par deux phrases ainsi rédigées : « En contrepartie des frais de gestion qu’il engage lorsque l’inobservation des règles constatée est constitutive d’une fraude du professionnel, du distributeur ou de l’établissement, l’organisme d’assurance maladie recouvre auprès de ce dernier une indemnité équivalant à 10 % des sommes réclamées au titre des remboursements intervenus à tort. Cette indemnité est recouvrée dans les mêmes conditions que les indus recouvrés au titre du présent article. » ;
1° B (nouveau) Le premier alinéa de l’article L. 133-4-1 est complété par deux phrases ainsi rédigées : « En contrepartie des frais de gestion qu’il engage lorsque le versement indu est le résultat d’une fraude de l’assuré, l’organisme d’assurance maladie recouvre auprès de ce dernier une indemnité équivalant à 10 % des sommes réclamées au titre des remboursements intervenus à tort. Cette indemnité est recouvrée dans les mêmes conditions que les indus recouvrés au titre du présent article. » ;
1° C (nouveau) La troisième phrase du premier alinéa de l’article L. 161-36-3 est complétée par les mots : « ou lorsque l’organisme d’assurance maladie porte plainte en application de l’avant-dernier alinéa de l’article L. 114-9 » ;
1° D (nouveau) L’article L. 162-15-1 est ainsi modifié :
a) La première phrase du dernier alinéa est ainsi modifiée :
– les mots : « une sanction ou d’une condamnation devenue définitive » sont remplacés par les mots : « une pénalité ou d’une condamnation devenue définitive pour des faits à caractère frauduleux ayant occasionné un préjudice financier au moins égal à huit fois le plafond mensuel de la sécurité sociale au détriment d’un organisme d’assurance maladie » ;
– les mots : « suspend d’office les effets de la convention après avoir mis à même le professionnel » sont remplacés par les mots : « place d’office le professionnel hors de la convention après l’avoir mis à même » ;
b) Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :
« Au terme de la période de mise hors convention du professionnel de santé, celui-ci peut de nouveau être placé sous le régime conventionnel à la condition qu’il se soit préalablement acquitté des sommes restant dues aux organismes d’assurance maladie ou qu’il ait signé un plan d’apurement de celles-ci. » ;
1° Après l’article L. 162-16-1-3, il est inséré un article L. 162-16-1-4 ainsi rédigé :
« Art. L. 162-16-1-4. – L’article L. 162-15-1 s’applique, dans les conditions qu’il prévoit, aux pharmaciens titulaires d’officine en cas de violation des engagements déterminés par la convention mentionnée à l’article L. 162-16-1. » ;
2° L’article L. 165-6 est complété par un III ainsi rédigé :
« III. – L’article L. 162-15-1 s’applique, dans les conditions qu’il prévoit, aux distributeurs mentionnés à l’article L. 165-1 en cas de violation des engagements déterminés par les accords mentionnés au présent article. » ;
3° La section 2 du chapitre II du titre II du livre III est complétée par un article L. 322-5-5 ainsi rétabli :
« Art. L. 322-5-5. – L’article L. 162-15-1 s’applique, dans les conditions qu’il prévoit, aux entreprises de transports sanitaires et aux entreprises de taxi en cas de violation des engagements déterminés par les conventions mentionnées aux articles L. 322-5 et L. 322-5-2. » ;
4° (nouveau) Après le premier alinéa de l’article L. 355-3, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« En contrepartie des frais de gestion qu’il engage, lorsque le versement indu est le résultat d’une fraude du bénéficiaire, l’organisme payeur recouvre auprès de ce dernier une indemnité équivalant à 10 % des sommes réclamées au titre des prestations versées à tort. Cette indemnité est recouvrée dans les mêmes conditions que les indus recouvrés au titre du présent article. » ;
5° (nouveau) Le premier alinéa de l’article L. 553-2 est complété par deux phrases ainsi rédigées : « En contrepartie des frais de gestion qu’il engage lorsque le versement indu est le résultat d’une fraude de l’allocataire, l’organisme payeur recouvre auprès de ce dernier une indemnité équivalant à 10 % des sommes réclamées au titre des prestations versées à tort. Cette indemnité est recouvrée dans les mêmes conditions que les indus recouvrés au titre du présent article. » ;
6° (nouveau) Le premier alinéa de l’article L. 821-5-1 est complété par deux phrases ainsi rédigées : « En contrepartie des frais de gestion qu’il engage lorsque le versement indu est le résultat d’une fraude de l’allocataire, l’organisme payeur recouvre auprès de ce dernier une indemnité équivalant à 10 % des sommes réclamées au titre des prestations versées à tort. Cette indemnité est recouvrée dans les mêmes conditions que les indus recouvrés au titre du présent article. » ;
7° (nouveau) Le premier alinéa de l’article L. 845-3 est complété par deux phrases ainsi rédigées : « En contrepartie des frais de gestion qu’il engage lorsque le versement indu est le résultat d’une fraude du bénéficiaire, l’organisme payeur recouvre auprès de ce dernier une indemnité équivalant à 10 % des sommes réclamées au titre des prestations versées à tort. Cette indemnité est recouvrée dans les mêmes conditions que les indus recouvrés au titre du présent article. »
II (nouveau). – Le premier alinéa de l’article L. 262-46 du code de l’action sociale et des familles est complété par deux phrases ainsi rédigées : « En contrepartie des frais de gestion qu’il engage lorsque le versement indu est le résultat d’une fraude du bénéficiaire, l’organisme payeur recouvre auprès de ce dernier une indemnité équivalant à 10 % des sommes réclamées au titre des prestations versées à tort. Cette indemnité est recouvrée dans les mêmes conditions que les indus recouvrés au titre du présent article. »
III (nouveau). – L’article L. 725-3-1 du code rural et de la pêche maritime est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« En contrepartie des frais de gestion qu’il engage lorsque le versement indu est le résultat d’une fraude de son adhérent ou d’un prestataire de santé, l’organisme de mutualité sociale agricole recouvre auprès de ce dernier une indemnité équivalant à 10 % des sommes réclamées au titre des prestations versées à tort. »
IV (nouveau). – Les 5° à 7° du I et le II entrent en vigueur le 1er janvier 2024.
M. le président. L’amendement n° 1006, présenté par Mme Sollogoub, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Nadia Sollogoub.
Mme Nadia Sollogoub. Cet article tend à ajouter des pénalités financières à l’encontre des professionnels de santé en cas de fraude, ainsi que la possibilité de mise hors convention, alors qu’il existe déjà une procédure de pénalité financière et une procédure de déconventionnement qu’il suffit d’utiliser.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. René-Paul Savary, rapporteur. Cet amendement tend à supprimer l’article 42, qui permet notamment d’étendre la procédure de déconventionnement d’urgence applicable aux professionnels de santé aux pharmaciens d’officine, aux distributeurs de produits et prestations de santé et aux entreprises de transport sanitaire et de taxi conventionnées.
Ces dispositions permettent pourtant de faire cesser les comportements fautifs dans des délais raccourcis, tout en étant très encadrées. Les directeurs de CPAM ne peuvent ainsi prononcer le déconventionnement d’urgence que lorsqu’un professionnel de santé viole de manière particulièrement grave les engagements prévus par la convention ou lorsqu’il résulte d’une telle violation un préjudice financier pour la CPAM, après avoir permis au professionnel de présenter ses observations.
La durée du déconventionnement ne peut alors excéder six mois, pendant lesquels le directeur de la CPAM doit engager la procédure normale de déconventionnement. Le professionnel peut en outre demander à être entendu et présenter des observations écrites.
Compte tenu de la pertinence de ce dispositif au regard de l’objectif de lutte contre la fraude sociale, j’émets un avis défavorable sur cet amendement visant à supprimer l’article 42.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Agnès Firmin Le Bodo, ministre déléguée. Je ne redirai pas ce que vient d’expliquer M. le rapporteur.
La suppression de cet article entraînerait la suppression d’une opportunité de lutte contre la fraude, dans la mesure où les dispositions proposées visent à élargir le nombre de professionnels soumis à des sanctions.
Nous sommes donc défavorables à cet amendement.
Mme Nadia Sollogoub. Je retire cet amendement, monsieur le président !
M. le président. L’amendement n° 1006 est retiré.
Je mets aux voix l’article 42.
(L’article 42 est adopté.)
Article 43
I. – Le code de la sécurité sociale est ainsi modifié :
1° À l’article L. 321-1, le mot : « traitant » est supprimé ;
2° Après l’article L. 321-1, il est inséré un article L. 321-1-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 321-1-1. – Les arrêts de travail prescrits à l’occasion d’une téléconsultation ne donnent lieu au versement d’indemnités journalières que si l’incapacité physique a été constatée, dans les conditions prévues à l’article L. 321-1, par le médecin traitant mentionné à l’article L. 162-5-3 ou par un médecin ayant déjà reçu l’intéressé en consultation depuis moins d’un an.
« Les plateformes de téléconsultation informent les professionnels de santé et les assurés des règles applicables en matière d’indemnisation des arrêts de travail prescrits lors de téléconsultations. » ;
3° L’article L. 433-1 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Les arrêts de travail prescrits à l’occasion d’une téléconsultation ne donnent lieu au versement d’indemnités journalières que dans les conditions mentionnées à l’article L. 321-1-1. »
II. – Le I du présent article est applicable aux arrêts de travail prescrits à compter du 1er juin 2023.
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L’amendement n° 800 est présenté par Mmes Cohen, Apourceau-Poly et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
L’amendement n° 944 est présenté par Mmes Poncet Monge et M. Vogel, MM. Benarroche, Breuiller, Dantec, Dossus, Fernique, Gontard et Labbé, Mme de Marco et MM. Parigi et Salmon.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Cathy Apourceau-Poly, pour présenter l’amendement n° 800.
Mme Cathy Apourceau-Poly. L’article 43 tend à encadrer les arrêts de travail lors d’une téléconsultation, qui ne représentent pourtant que 1 % des indemnités journalières versées.
Il s’agit à la fois de mettre un coup de frein aux plateformes commerciales de téléconsultation et d’envoyer un message de fermeté face aux abus.
Assimiler les salariés en arrêt de travail à des fraudeurs est inacceptable : d’une part, les arrêts maladie sont accordés par les médecins, et non par les salariés ; d’autre part, les salariés qui ont recours à la téléconsultation font partie – faut-il le rappeler ? – des 6 millions de personnes qui n’ont pas de médecin traitant, sans compter celles et ceux dont le médecin traitant n’est pas disponible dans l’immédiat.
Je vous rappelle que nous vivons dans des déserts médicaux !
Dérembourser les arrêts de travail, comme le propose le Gouvernement, ou limiter la durée de ces derniers, comme le propose la majorité sénatoriale, c’est remettre en cause le droit à l’accès aux soins, au médecin généraliste et à l’indemnisation maladie.
Pour l’ensemble de ces raisons, nous demandons la suppression de cet article.
M. le président. La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge, pour présenter l’amendement n° 944.
Mme Raymonde Poncet Monge. Je ne reviens pas sur ce que vient de dire ma collègue.
Je suppose que vous ne soupçonnez pas le médecin d’arrêts de complaisance en vue de réaliser un meilleur chiffre d’affaires. Le médecin n’est soupçonné de rien.
En revanche, perpétuant la politique du soupçon, ces dispositions se fondent sur le fantasme du travailleur cherchant à multiplier les arrêts maladie de façon frauduleuse via la téléconsultation. Rappelons-le, il y a 13 millions d’arrêts maladie prescrits chaque année ; 600 000 arrêts le sont en téléconsultation, et seulement 110 000 arrêts ne l’ont pas été par le médecin traitant.
Cette disposition s’attaque donc à une extrême minorité sans jamais questionner les raisons pour lesquelles certaines personnes passent par la téléconsultation pour les arrêts maladie.
On semble ainsi ignorer que, selon l’assurance maladie, près de 6 millions de personnes n’ont pas de médecin traitant, que 3 millions d’entre elles n’en ont jamais eu et que l’on compte en moyenne dix jours d’attente pour obtenir un rendez-vous chez un médecin, alors que le délai pour envoyer son attestation à la sécurité sociale est de quarante-huit heures.
Les populations en grande précarité et celles qui vivent dans une zone sous-dense souffriront de ce nouvel effet de loupe, sans que les dérives de l’offre en matière de téléconsultations soient véritablement questionnées.
Après avoir encouragé le recours à la téléconsultation, le Gouvernement porte atteinte avec cette mesure à la capacité des travailleurs à préserver leur santé.
Pour toutes ces raisons, cet amendement vise à supprimer l’article 43, qui tend à fragiliser l’arrêt de travail.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Corinne Imbert, rapporteure de la commission des affaires sociales pour l’assurance maladie. Cet amendement est contraire à la position de la commission. Il est important de veiller au bon usage des dépenses d’assurance maladie en limitant les abus en matière de téléconsultation et de prescription d’arrêts de travail.
J’insiste par ailleurs sur le fait que la prise en charge des consultations n’est nullement remise en cause par cet article.
La commission est donc défavorable à ces deux amendements identiques.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Agnès Firmin Le Bodo, ministre déléguée. Le Gouvernement a émis un avis défavorable sur ces amendements.
Je le rappelle, un arrêt de travail n’est pas un acte anodin. Ainsi, pour 80 % des arrêts de travail délivrés dans le cadre d’une téléconsultation, les patients avaient un médecin traitant. Par ailleurs, 75 % de ces arrêts de travail n’ont été accompagnés d’aucune ordonnance, qu’il s’agisse de médicaments ou, par exemple, d’un acte de kinésithérapie.
Il nous paraît important de redire à quel point le développement de la téléconsultation est majeur pour répondre aux besoins de santé. Toutefois, Mme la rapporteure l’a dit, la lutte contre la fraude est aussi est un acte important.
Mme Raymonde Poncet Monge. C’est le médecin qui commet alors une fraude !
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 800 et 944.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 207, présenté par Mme Sollogoub, MM. Henno et Vanlerenberghe, Mmes Guidez, Jacquemet et Devésa, MM. Duffourg, Janssens et les membres du groupe Union Centriste, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 4
Après la référence :
L. 321-1
rédiger ainsi la fin de cet alinéa :
II. Après l’alinéa 4
Insérer trois alinéas ainsi rédigés :
« - par le médecin traitant mentionné à l’article L. 162-5-3 ;
« - par un médecin ayant déjà reçu l’intéressé en consultation depuis moins d’un an ;
« - par tout médecin détenteur d’un agrément dont les modalités sont prévues par décret en Conseil d’État.
La parole est à Mme Nadia Sollogoub.
Mme Nadia Sollogoub. Rejoignant mes collègues, je reviens sur ce sujet, essentiel dans nos territoires. On rencontre tous les jours des gens désespérés qui ne trouvent pas de médecin traitant. Dès lors, soit ils renoncent aux soins, soit, parce qu’ils ont besoin de s’arrêter durant quelques jours, ils font appel à une téléconsultation.
Monsieur le ministre, vous avez eu la gentillesse de me répondre en commission, en insistant sur une forme de dérive, qui ne représente pas encore des sommes colossales, mais qu’il convient de stopper avant une éventuelle montée en puissance.
On a vu, dans les médias, des arrêts maladie délivrés en trois minutes à des personnes que le médecin ne connaissait pas. Plutôt que de pénaliser le patient, n’est-il pas possible de trouver un dispositif intermédiaire mettant en jeu la responsabilité du médecin et évitant d’infliger une double peine aux patients qui n’ont pas de médecin traitant ? Tel est l’objet du dispositif d’agrément que je propose à travers cet amendement. Il serait délivré aux médecins ayant fait preuve d’un comportement vertueux.
M. le président. L’amendement n° 945, présenté par Mmes Poncet Monge et M. Vogel, MM. Benarroche, Breuiller, Dantec, Dossus, Fernique, Gontard et Labbé, Mme de Marco et MM. Parigi et Salmon, est ainsi libellé :
Alinéa 4
Après la référence :
L. 162-5-3
Insérer les mots :
ou par son remplaçant ou son collaborateur
La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge.
Mme Raymonde Poncet Monge. Cet amendement de repli prévoit que la suppression de l’indemnisation des arrêts de travail prescrits dans le cadre d’une téléconsultation ne vise pas les consultations effectuées, en cas d’absence du médecin traitant, par un médecin remplaçant ou collaborateur.
Il est en effet absurde de pénaliser les patients dont le médecin traitant est absent ou indisponible ; il serait abusif, dans ce cas, de conclure à une quelconque volonté de fraude de la part de l’assuré.
Cette disposition est par ailleurs potentiellement compatible avec les diverses stratégies visant à libérer du temps médical en zones sous-denses, notamment la faculté pour le médecin de transmettre la consultation à son collaborateur.
Il appartient au médecin traitant absent de veiller à ce que son remplaçant ait effectivement accès à l’historique de ses consultations, afin que celui-ci soit en mesure d’apprécier la nécessité de délivrer un arrêt de travail.
Ainsi, il n’existe a priori aucune raison qui empêcherait de compléter les dispositions de l’article 43 pour permettre au remplaçant ou au collaborateur du médecin traitant de constater en téléconsultation l’incapacité physique menant à un arrêt de travail.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Corinne Imbert, rapporteure. J’entends les préoccupations de nos collègues concernant les possibilités d’accéder à un médecin rapidement.
Je vois malheureusement dans ces amendements une forme de renoncement, comme si la téléconsultation devenait l’offre de soins par défaut dans les zones sous-denses, ce qui me semble préoccupant.
Sur le fond, je l’ai dit en commission, le dispositif prévu par l’amendement n° 207 ne semble pas opérationnel. Comment prévoir qu’il y aura des médecins agréés en nombre suffisant, tous les jours, pour assurer des téléconsultations pouvant donner droit à des arrêts de travail ?
Surtout, l’amendement laisse penser qu’il faudrait agréer des médecins pour s’assurer de leur éthique et de la justification de leurs prescriptions, ce qui est ennuyeux.
Enfin, pour rappel, l’article maintient la prise en charge des arrêts de travail, hors médecin traitant, à tout médecin vu récemment ou à toute consultation présentielle. Il vise simplement à éviter les dérives d’arrêts de travail trop complaisants par téléconsultation.
La commission est donc défavorable à l’amendement n° 207.
Quant à l’amendement n° 945, il semble peu opérant et sans doute, pour partie, satisfait. En effet, en téléconsultation, le médecin titulaire semble bien inscrit sur l’acte, même lorsqu’il est remplacé. Mme la ministre pourra certainement confirmer ce point. Pour ce qui concerne les médecins collaborateurs, cela semble plus difficile à mettre en œuvre. Mais, là encore, la consultation physique rend la prise en charge possible hors médecin traitant et hors médecin vu récemment.
La commission est donc défavorable à l’amendement n° 945.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Agnès Firmin Le Bodo, ministre déléguée. Le Gouvernement est défavorable à l’amendement n° 207. Comme l’a dit Mme la rapporteure, la création d’un médecin agréé ne garantirait en rien la possibilité d’avoir accès à un médecin. Par ailleurs, cela créerait une forme de rupture d’égalité qui irait à rebours de vos intentions.
Je le redis, il ne s’agit pas d’interdire les arrêts de travail, mais bien de lutter contre les abus, conformément à la volonté que nous partageons tous.
Quant à l’amendement n° 945, il est déjà satisfait. En effet, le médecin remplaçant a d’ores et déjà la possibilité de prescrire. Je demande donc le retrait de cet amendement ; à défaut, je me verrai contrainte d’émettre un avis défavorable.
Je le rappelle, nous avons ouvert une autre possibilité : si le médecin traitant n’est pas disponible, le patient peut faire une téléconsultation avec un médecin qu’il a vu depuis moins d’un an. Dans ce cas, son arrêt de travail sera pris en charge.
M. le président. La parole est à M. Bernard Fialaire, pour explication de vote.
M. Bernard Fialaire. Permettez-moi d’attirer votre attention, mes chers collègues, sur une pratique soulevant des problèmes croissants, celle des arrêts de travail prescrits par les spécialistes. Ces derniers délivrent le plus souvent des arrêts de travail très courts, en souhaitant que le patient fasse le cas échéant prolonger son arrêt de travail par le médecin traitant.
Cette pratique est tout à fait justifiée, mais, à l’heure actuelle, face à la difficulté d’obtenir un rendez-vous avec un médecin, certains patients rencontrent des difficultés pour faire prolonger leur arrêt de travail, ce qui pourrait justifier la délivrance de certains arrêts de travail par téléconsultation, dans la mesure où il s’agit d’une simple démarche administrative.
Nous devons alerter sur ces situations, afin que chacun prenne ses responsabilités et ne provoque pas des consultations inutiles liées à des démarches administratives.
M. le président. La parole est à Mme Cathy Apourceau-Poly, pour explication de vote.
Mme Cathy Apourceau-Poly. Très franchement, je ne comprends pas ce débat ! J’ai l’impression que vous êtes en train de dire qu’il y a des médecins qui donnent des arrêts de maladie par complaisance ! (Mouvements d’approbation au banc de la commission, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains.)
C’est grave de prétendre cela ! Même en téléconsultation, c’est un médecin qui est derrière l’écran. C’est scandaleux ce que vous êtes en train de dire !
Dans mon département se trouvent des déserts médicaux très importants, et je n’ai plus de médecin traitant. Le mien est parti à la retraite, et je m’adresse au centre de santé Filieris, où les médecins changent sans cesse. Si je suis malade le lundi, j’aurai un rendez-vous le jeudi, le vendredi ou, au mieux, le mercredi soir. Je suis donc bien obligée de faire une téléconsultation ! Et c’est le cas de centaines de personnes dans mon département ! Je connais des gens qui passent par une téléconsultation parce qu’ils sont malades, et on leur donne un arrêt maladie. Je n’ai pas l’impression qu’il s’agit de complaisance.
Quand on est malade et qu’on ne réussit pas à avoir un arrêt maladie, comment fait-on ? On va malade au boulot ? Je trouve vos propos scandaleux !