Mme la présidente. La parole est à M. Daniel Chasseing, pour explication de vote.
M. Daniel Chasseing. Pour ne parler que de ce que je connais, j’indiquerai que, en Corrèze, dans le Limousin, les anciens combattants d’Algérie – on en compte encore, heureusement – sont très attachés au 19 mars ; en revanche, le 5 décembre, on ne voit personne !
Aussi, conservons cette date, car c’est ce qu’ils veulent.
Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 12 rectifié et 34 rectifié ter.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
5
Communication relative à une commission mixte paritaire
Mme la présidente. J’informe le Sénat que la commission mixte paritaire chargée d’élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi en faveur de l’activité professionnelle indépendante est parvenue à l’adoption d’un texte commun. (Exclamations.)
6
Mise au point au sujet d’un vote
Mme la présidente. La parole est à M. Daniel Chasseing.
M. Daniel Chasseing. Madame la présidente, le 19 janvier, lors du scrutin public n° 82 sur la motion tendant à opposer la question préalable à la proposition de loi visant à renforcer le droit à l’avortement, Jean-Pierre Decool a été considéré comme votant contre, alors qu’il souhaitait voter pour.
Mme la présidente. Acte vous est donné de cette mise au point, mon cher collègue. Elle sera publiée au Journal officiel et figurera dans l’analyse politique du scrutin.
7
Souhaits de bienvenue à des associations en tribune
Mme la présidente. Je salue la présence dans nos tribunes de représentants des associations de harkis. Ils sont venus nombreux, et je les en remercie.
Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures trente.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-neuf heures cinquante-cinq, est reprise à vingt et une heures trente, sous la présidence de M. Pierre Laurent.)
PRÉSIDENCE DE M. Pierre Laurent
vice-président
M. le président. La séance est reprise.
8
Harkis et autres personnes rapatriées d’Algérie
Suite de la discussion en procédure accélérée et adoption d’un projet de loi dans le texte de la commission modifié
M. le président. Nous reprenons la discussion du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, portant reconnaissance de la Nation envers les harkis et les autres personnes rapatriées d’Algérie anciennement de statut civil de droit local et réparation des préjudices subis par ceux-ci et leurs familles du fait de leurs conditions d’accueil sur le territoire français.
Dans la discussion du texte de la commission, nous sommes parvenus à l’article 2.
Article 2
(Non modifié)
Les personnes mentionnées à l’article 1er, leurs conjoints et leurs enfants qui ont séjourné, entre le 20 mars 1962 et le 31 décembre 1975, dans l’une des structures destinées à les accueillir et dont la liste est fixée par décret peuvent obtenir réparation des préjudices résultant de l’indignité de leurs conditions d’accueil et de vie dans ces structures.
La réparation prend la forme d’une somme forfaitaire tenant compte de la durée du séjour dans ces structures, versée dans des conditions et selon un barème fixés par décret. Son montant est réputé couvrir l’ensemble des préjudices de toute nature subis en raison de ce séjour. En sont déduites, le cas échéant, les sommes déjà perçues en réparation des mêmes chefs de préjudice.
M. le président. La parole est à Mme Michelle Gréaume, sur l’article.
Mme Michelle Gréaume. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le groupe communiste républicain citoyen et écologiste soutient cette reconnaissance de la responsabilité de la Nation pour les préjudices subis par les harkis et leurs familles à leur arrivée en France.
L’indignité des conditions de vie et d’accueil des harkis, notamment dans les camps et les hameaux, ainsi que les privations de liberté, a entraîné des souffrances et des traumatismes pour des milliers de femmes et d’hommes.
La reconnaissance de la responsabilité prend la forme d’une indemnisation forfaitaire symbolique. Nous considérons que les critères proposés par ce texte sont trop restrictifs pour permettre une indemnisation de l’ensemble des harkis. En ne retenant que les personnes ayant séjourné dans les camps de transit et les hameaux – et encore, pas tous ! –, ils excluent de fait plusieurs milliers de harkis qui sont arrivés par leurs propres moyens ou qui ont séjourné dans d’autres lieux.
Ensuite, le critère de durée de séjour dans une structure n’est pas satisfaisant. En créant une distinction selon les personnes qui ont résidé moins de quatre-vingt-dix jours dans un camp, le Gouvernement divise inutilement les familles de harkis. Surtout, ce critère ne prend pas en considération les circonstances et préjudices particuliers et personnels, par exemple le décès survenu dans un camp. C’est toute la limite d’une indemnisation forfaitaire.
Ensuite, nous regrettons le choix de la date limite pour bénéficier de l’indemnisation, à savoir le 31 décembre 1975, alors que les structures ont continué d’accueillir des familles de harkis.
Pour l’ensemble de ces raisons, nous nous abstiendrons sur cet article 2.
M. le président. La parole est à M. Philippe Tabarot, sur l’article.
M. Philippe Tabarot. Monsieur le président, madame la ministre, madame la rapporteure, mes chers collègues, cet article 2 constitue, avec l’article 1er, le point crucial de ce projet de loi, puisqu’il porte sur les mesures de réparation.
Comme l’ensemble de ce projet de loi, cet article 2 n’est pas à la hauteur du drame que les harkis ont vécu. Je voterai donc contre.
Premier point sur lequel je suis en désaccord, l’indemnisation ne repose que sur la durée de séjour dans les structures destinées à accueillir les harkis. L’utilisation du mot « structures » sous-tend une restriction qui ne dit pas son nom. Ainsi, vous conditionnez l’indemnisation au séjour des harkis dans les camps et hameaux de forestage. Les harkis qui vivaient en dehors de ces structures, dans des conditions tout aussi indignes, n’auraient-ils donc pas droit à l’indemnisation et à la justice ?
Je connais des familles qui, sans séjourner dans ces camps et ces hameaux de forestage, vivaient dans des conditions similaires à celles qui prévalaient dans ces structures. Mais avec votre loi, cette indignité ne sera pas reconnue. Leur seul tort est de ne pas avoir vécu entourés de barbelés…
En commission, j’ai tenté d’ouvrir cette indemnisation à tous, mais, bien évidemment, le couperet de la recevabilité financière est tombé sur ma proposition.
Second point sur lequel je suis en désaccord, cette indemnisation ne prend pas en compte le fait que nombre de harkis de la première génération ayant vécu ce drame ne seront jamais indemnisés, n’étant plus là. Alors, me direz-vous, cela permet à l’État de réduire le coût de cette indemnisation. Mais quand on souhaite apporter des réparations, on se doit d’y mettre les moyens.
Or il n’est pas prévu que, dans le cas où décéderait le bénéficiaire d’une mesure de réparation, celle-ci échoie à son conjoint ou à sa conjointe, ou bien, à défaut, à ses enfants.
Troisième point sur lequel je suis en désaccord, il s’agit ici d’une réparation sur la base d’une somme forfaitaire et d’un barème froid, sans évaluation précise et individualisée des préjudices.
Telles sont les raisons pour lesquelles je m’oppose à ce mécanisme de réparation, qui est à la fois partiel et partial.
M. le président. La parole est à M. Guy Benarroche, sur l’article.
M. Guy Benarroche. Cet article porte sur les mécanismes d’indemnisation. Comme l’a très bien expliqué à l’instant notre collègue Philippe Tabarot, indemniser signifie forcément décaisser.
Dès lors, toute tentative d’améliorer, par voie d’amendements, ce projet de loi en bonifiant les montants alloués est très complexe, voire impossible, au motif de leur irrecevabilité financière. Seul le Gouvernement peut le faire. C’est pourquoi je vous interpelle une nouvelle fois, madame la ministre : si vous en avez la volonté, vous avez la capacité de satisfaire les demandes émanant de plusieurs d’entre nous ici, de tous bords.
J’en citerai quatre.
Premièrement, l’article 2 prévoit que seules les personnes ayant séjourné jusqu’au 31 décembre 1975 dans les structures susvisées pourront obtenir réparation. Or, vous le savez bien, certains harkis sont arrivés en France après cette date. Par conséquent, nous estimons que, au même titre que l’ensemble des harkis et des autres personnes anciennement de statut civil de droit local, ils devraient eux aussi bénéficier de ce mécanisme d’indemnisation. Notre amendement en ce sens a été déclaré irrecevable.
Deuxièmement, tout aussi irrecevable a été l’amendement par lequel nous voulions introduire une certaine souplesse dans les critères d’attribution de cette somme forfaitaire, de telle sorte que la commission nationale indépendante de reconnaissance et de réparation des préjudices tienne compte « notamment » de la durée du séjour dans les structures d’accueil. Le Gouvernement et vous-même, madame la ministre, avez le pouvoir de le faire.
Troisièmement, un certain nombre de harkis n’ayant pas pu être rapatriés et étant restés emprisonnés en Algérie après le 19 mars, avant de rejoindre la France, nous voulions qu’il soit tenu compte, le cas échéant, de ces années d’emprisonnement.
Quatrièmement, et enfin, nous avons proposé que les veuves de harkis puissent, en tant qu’ayants droit, obtenir elles aussi réparation.
Madame la ministre, sur ces quatre points, nous vous demandons d’agir, puisque nous ne pouvons pas le faire nous-mêmes.
M. le président. La parole est à Mme Émilienne Poumirol, sur l’article.
Mme Émilienne Poumirol. Nos collègues l’ont rappelé, cet article crée un mécanisme de réparation lié à l’engagement de la responsabilité de l’État et en fixe les principales modalités.
Il ne s’adresse qu’aux personnes ayant séjourné dans les camps et hameaux de forestage, et uniquement à ceux-là. Le seul critère pris en compte est celui de la durée de séjour.
Or, comme cela a été dit lors de l’examen de l’article 1er, le système de réparation qu’il est prévu de mettre en place est lié à l’engagement de la responsabilité de l’État pour les seules personnes ayant séjourné dans ces structures. Cette responsabilité a été reconnue par la décision du Conseil d’État de 2018.
Se pose tout d’abord un problème de périmètre, certains harkis n’étant pas passés par ces camps, cependant que, dans l’indifférence générale, ils ont vécu dans une très grande précarité.
Par conséquent, conditionner ce droit à réparation au passage dans une structure déterminée rompt avec le principe constitutionnel d’égalité des citoyens. Il est important que tous les harkis et leurs familles puissent être entendus et présenter une demande individuelle de réparation du fait du préjudice qu’ils ont subi.
Ensuite, nous désapprouvons le caractère forfaitaire de la réparation. Nous comprenons aisément, compte tenu de l’urgence de la situation, les facilités qu’offre un tel mécanisme, mais une réparation forfaitaire vaut, certes, reconnaissance d’un préjudice, mais non pas reconnaissance de la faute de l’État. Or il est primordial que cette dernière soit réparée.
Malheureusement, les amendements que nous avions déposés dans ce sens ont été jugés irrecevables au titre de l’article 40 de la Constitution, ce que nous déplorons. Ce texte, si important et si attendu par les anciens harkis et leurs descendants, n’est pas à la hauteur de l’espérance qu’il a pu faire naître.
M. le président. L’amendement n° 6 rectifié, présenté par Mme V. Boyer, M. Regnard, Mme Muller-Bronn, MM. Meignen, Daubresse, Meurant et Longuet, Mme Dumont et MM. Sido et Le Rudulier, est ainsi libellé :
Alinéa 1
Après le mot :
peuvent
insérer les mots :
, en tant que victimes d’une politique de ségrégation sociale,
La parole est à Mme Valérie Boyer.
Mme Valérie Boyer. Même s’il faut saluer le travail de notre rapporteure, permettez-moi de dire, alors que nous examinons un texte portant réparation de préjudices subis, qu’il est très compliqué de présenter des amendements, ceux-ci étant chaque fois déclarés irrecevables, même quand ils sont gagés. C’est bien dommage.
Le présent amendement tend à permettre aux personnes visées dans ce projet de loi d’obtenir réparation « en tant que victimes d’une politique de ségrégation sociale ».
En effet, la ségrégation se définit comme une « action par laquelle on met un élément à part, on le sépare de l’ensemble ». La façon dont ont été accueillis les harkis, les moghaznis et les personnels des diverses formations supplétives et assimilés de statut civil de droit local qui ont servi la France en Algérie – dans les trois départements d’Algérie –, sur le territoire métropolitain, constitue, de fait, une forme de ségrégation sociale.
L’ambition de ce projet de loi étant de reconnaître la responsabilité de la France du fait des conditions indignes de l’accueil des personnes anciennement de statut civil de droit local et de leurs familles, rapatriées d’Algérie, je souhaite que l’on nomme justement ce qui s’est passé, afin de satisfaire à cet objectif, précisément par l’insertion du mot « ségrégation ».
Il faut distinguer deux types de préjudices : d’une part, le préjudice lié à leur accueil ; d’autre part, et il s’agit bien plus qu’un préjudice, l’outrage, la torture et la barbarie qu’ont subis les harkis demeurés dans ces trois départements français devenus l’Algérie après 1962.
Ici, nous ne parlons que du premier préjudice. Mais il ne serait pas indécent d’envisager, je l’espère dans un avenir proche, au moment où seront peut-être révisées certaines lois mémorielles, par exemple la loi relative à la reconnaissance du 19 mars comme journée nationale du souvenir et de recueillement, que certains citoyens français, les harkis dans le cas d’espèce, puissent bénéficier de réparations au titre des dommages et des outrages qu’ils auraient subis.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Marie-Pierre Richer, rapporteure de la commission des affaires sociales. S’il est évident que la communauté harkie a vécu l’abandon et subi l’injustice et la discrimination, il ne semble pas opportun d’apporter une telle précision, qui, du reste, n’aurait aucune incidence sur l’accès au droit à réparation. Celle-ci consacrerait en effet dans la loi un terme particulièrement fort, qui signifie la séparation des personnes pour l’accès au logement, à l’éducation, aux soins, à l’emploi ou aux transports.
La commission demande donc le retrait de cet amendement, faute de quoi elle émettrait un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Geneviève Darrieussecq, ministre déléguée auprès de la ministre des armées, chargée de la mémoire et des anciens combattants. J’ajoute, madame la sénatrice, que cette précision pourrait se révéler restrictive, dès lors que les préjudices subis par les harkis cantonnés dans les camps ne se résument pas à leur mise à l’écart : leur privation de liberté, leur mise sous tutelle administrative, voilà les contraintes qu’a fait subir la République à ces Français qui n’avaient commis aucune faute. Là est le véritable manquement.
Le Gouvernement émet donc un avis défavorable.
M. le président. La parole est à Mme Valérie Boyer, pour explication de vote.
Mme Valérie Boyer. Madame la ministre, madame la rapporteure, je comprends et apprécie vos réponses. Néanmoins, je considère que, dans un texte mémoriel, il est important de nommer les choses, même si, effectivement, ces personnes n’ont pas subi seulement de la ségrégation.
Mme Esther Benbassa. Ce n’est pas une loi mémorielle : c’est une loi de réparation !
Mme Valérie Boyer. Je maintiens donc mon amendement, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 7 rectifié, présenté par Mme V. Boyer, M. Regnard, Mmes Muller-Bronn et Joseph, MM. Meignen, Meurant, Daubresse et Longuet, Mme Dumont et MM. Sido et Le Rudulier, est ainsi libellé :
Alinéa 2, première phrase
Compléter cette phrase par les mots :
sur proposition de la commission mentionnée à l’article 3
La parole est à Mme Valérie Boyer.
Mme Valérie Boyer. L’article 3 du présent projet de loi prévoit l’institution d’une « commission nationale indépendante de reconnaissance et de réparation des préjudices subis par les harkis, les autres personnes rapatriées d’Algérie anciennement de statut civil de droit local et les membres de leurs familles ».
Compte tenu de ses missions et de l’expertise que cette commission acquerra dans l’exercice de l’examen et de l’évaluation des préjudices subis, il convient que celle-ci puisse être associée à la fixation des conditions de versement et du barème relatif à la réparation.
Cet amendement a donc pour objet que le décret chargé d’établir ces éléments soit pris sur proposition de ladite commission.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Marie-Pierre Richer, rapporteure. Comme nous l’avons vu, la commission nationale indépendante sera chargée de proposer, au vu de ses travaux, des évolutions de la liste des structures concernées par le mécanisme de réparation. L’objet de l’amendement est donc en partie satisfait, car cette commission aura un pouvoir de proposition relativement à ce mécanisme.
En outre, un amendement que nous examinerons à l’article 3, auquel la commission est favorable, vise à élargir les pouvoirs et les prérogatives de proposition de la commission à toute mesure de reconnaissance et de réparation.
Je demande donc le retrait de l’amendement ; à défaut, mon avis serait défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. L’amendement n° 22, présenté par MM. Benarroche et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique, Gontard, Labbé et Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mmes Taillé-Polian et M. Vogel, est ainsi libellé :
Alinéa 2
Compléter cet alinéa par les mots et une phrase ainsi rédigée :
, à savoir les conditions indignes de vie dans une structure de relégation. Il ne tient pas compte des sommes éventuellement perçues antérieurement à titre de reconnaissance, d’indemnisation de biens ou d’aide sociale.
La parole est à M. Guy Benarroche.
M. Guy Benarroche. Cet amendement vise à préciser clairement que les aides éventuellement perçues antérieurement au titre de la solidarité, de l’aide sociale ou de la reconnaissance des sacrifices endurés ne peuvent être déduites de l’indemnisation proposée dans le cadre de ce projet de loi pour réparation des préjudices évalués.
Je l’ai dit lors de la discussion générale, nous devons être très attentifs au calcul de ces indemnisations. Un certain nombre de harkis et d’associations craignent que celles-ci ne soient considérées comme la suite des allocations déjà perçues.
Ces allocations, je le rappelle, étaient fondées sur le principe de la solidarité sociale et non sur une compensation liée au comportement défaillant de l’État, ce qui est l’objet du présent projet de loi. Aussi, selon nous, il est important d’exclure clairement du calcul desdites allocations les montants déjà perçus. Qu’il n’y ait pas de fongibilité entre les deux nous paraît primordial, et il convient que cela soit inscrit clairement dans la loi.
Par ailleurs, l’aspect définitif de la réparation suscite des craintes. Mme la rapporteure l’a très bien dit, ces indemnisations ne sauraient constituer un solde de tout compte.
Il nous paraît également important que l’aspect définitif de la compensation du préjudice n’empêche pas de nouvelles procédures, ce qui serait totalement restrictif.
Nous souhaitons donc, au travers de cet amendement, acter que les allocations précédemment perçues n’ont rien à voir avec l’indemnisation qui sera calculée.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Marie-Pierre Richer, rapporteure. L’article 2 est très clair concernant les sommes pouvant être déduites du montant de la réparation.
Aucune des autres aides et allocations diverses versées aux anciens supplétifs et aux membres de leurs familles n’étant accordée à titre de réparation de ce préjudice, il ne paraît pas nécessaire d’apporter la précision proposée.
L’amendement étant satisfait, j’en demande le retrait ; à défaut, l’avis de la commission serait défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Geneviève Darrieussecq, ministre déléguée. Je considère, comme Mme la rapporteure, que l’amendement est satisfait.
Il ne saurait y avoir de malentendu à cet égard : il n’y a aucune ambiguïté sur le fait que les aides à caractère social perçues par les harkis ou par les membres de leurs familles le seront au titre de la réparation. C’est d’ailleurs inscrit à l’article 2 : sont déduites de la réparation « les sommes déjà perçues en réparation des mêmes chefs de préjudice ». Ne pourraient être éventuellement concernées que des réparations consécutives à une condamnation prononcée par un juge à l’encontre de l’État.
L’amendement étant satisfait, j’en demande le retrait ; à défaut, mon avis serait défavorable.
M. le président. Monsieur Benarroche, l’amendement n° 22 est-il maintenu ?
M. Guy Benarroche. Oui, je le maintiens, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 61, présenté par Mme Benbassa, est ainsi libellé :
Après l’article 2
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Une mission d’information parlementaire sur les préjudices subis par les harkis après le 19 mars 1962 est créée. Celle-ci peut suivre les travaux de la commission indépendante instituée par l’Office national des anciens combattants et victimes de guerre.
Un rapport est rendu le 31 décembre 2022.
La parole est à Mme Esther Benbassa.
Mme Esther Benbassa. Cet amendement vise à créer une mission d’information parlementaire, telle qu’elle est prévue à l’article 51-2 de la Constitution. Elle aura pour objet d’étudier les préjudices subis par harkis après la fin de la guerre d’Algérie, que ce soit sur le sol algérien ou sur le territoire français.
Nous pourrons ainsi mener des auditions d’historiens, de chercheurs, d’universitaires et de descendants de harkis pour être au plus près de la vérité historique. Nous suivrons également les travaux de la commission indépendante instituée par l’ONACVG.
Il est aussi dans les missions du Parlement que d’engager un travail de fond avec le Gouvernement. À l’issue de cette mission d’information, un rapport sera rendu public au plus tard le 31 décembre 2022.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Marie-Pierre Richer, rapporteure. L’initiative des travaux de contrôle des parlementaires relève de la conférence des présidents de chaque assemblée, des commissions permanentes et des groupes parlementaires, qui disposent d’un « droit de tirage » annuel. Elle ne relève en aucun de la loi.
J’émets donc un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Geneviève Darrieussecq, ministre déléguée. J’ajoute aux propos de Mme la rapporteure que la commission nationale indépendante de reconnaissance et de réparation des préjudices, dont la création est prévue à l’article 3, remettra un rapport annuel d’activité détaillé.
Quant à la composition de la mission d’information que vous souhaitez voir instituer, madame la sénatrice, elle ressemble à celle de la commission indépendante. Il revient au président du Sénat, notamment, de décider si une mission d’information parlementaire se révèle nécessaire.
Je demande donc le retrait de cet amendement ; à défaut, mon avis serait défavorable.
Mme Catherine Deroche, présidente de la commission des affaires sociales. Très bien !
M. le président. Madame Benbassa, l’amendement n° 61 est-il maintenu ?
Mme Esther Benbassa. Non, je le retire, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 61 est retiré.
Article 3
I. – Il est institué auprès de l’Office national des anciens combattants et victimes de guerre une commission nationale indépendante de reconnaissance et de réparation des préjudices subis par les harkis, les autres personnes rapatriées d’Algérie anciennement de statut civil de droit local et les membres de leurs familles. Cette commission est chargée :
1° De statuer sur les demandes présentées sur le fondement de l’article 2, après instruction par les services de l’office ;
2° De contribuer au recueil et à la transmission de la mémoire de l’engagement au service de la Nation des harkis, des moghaznis et des personnels des diverses formations supplétives et assimilés ainsi que des conditions dans lesquelles ces personnes, les membres de leurs familles ainsi que les autres personnes mentionnées au même article 2 ont été rapatriées et accueillies sur le territoire français ;
3° D’apporter son appui à l’office dans la mise en œuvre des missions définies aux 3° et 3° bis de l’article L. 611-5 du code des pensions militaires d’invalidité et des victimes de guerre. À ce titre, la commission signale à l’Office national des anciens combattants et victimes de guerre toute situation individuelle particulière, nécessitant un accompagnement social adapté, dont elle a connaissance dans l’exercice de ses missions ;
4° De proposer des évolutions, au vu de ses travaux, de la liste mentionnée au premier alinéa de l’article 2 de la présente loi.
À la demande de la commission, l’Office national des anciens combattants et victimes de guerre sollicite de tout service de l’État, de toute collectivité publique ou de tout organisme gestionnaire de prestations sociales communication de tous renseignements utiles à l’exercice des missions prévues aux 1° à 4° du présent I.
La commission publie un rapport annuel d’activité, qui rend notamment compte des témoignages recueillis dans le cadre de l’exécution de la mission mentionnée au 2°.
II. – La commission comprend :
1° (Supprimé)
2° Deux maires de communes ayant accueilli sur leur territoire des structures mentionnées au premier alinéa de l’article 2 ;
3° Un membre du Conseil d’État et un magistrat de la Cour de cassation ;
4° Des représentants de l’État, désignés par arrêté du ministre chargé de la mémoire et des anciens combattants ;
5° Des personnalités qualifiées, désignées par le Premier ministre en raison de leurs connaissances dans le domaine de l’histoire des harkis, des moghaznis, des personnels des diverses formations supplétives et assimilés ainsi que des autres personnes rapatriées d’Algérie anciennement de statut civil de droit local ou de leurs compétences.
Le président de la commission est nommé par le Président de la République parmi les personnes mentionnées aux 3° et 5°du présent II.
Un décret précise la composition et le fonctionnement de la commission, ses attributions et celles de l’Office national des anciens combattants et victimes de guerre, les conditions de son indépendance dans l’exercice de ses missions, les modalités de présentation et d’instruction des demandes de réparation ainsi que les conditions dans lesquelles les personnes concernées peuvent être entendues.