M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Bérangère Abba, secrétaire d’État. Le Gouvernement est défavorable aux amendements nos 29 rectifié et 30 rectifié pour les raisons que j’ai déjà soulignées : prorogation du dispositif Denormandie de fin 2022 à 2023 et remise d’un rapport d’évaluation qui devrait éclairer nos choix.
Il est également défavorable à l’amendement n° 42, peu ou prou pour les mêmes raisons. Même si cet amendement est intéressant sur le fond, une telle disposition relève d’une loi de finances.
M. le président. Monsieur Requier, les amendements nos 29 rectifié et 30 rectifié sont-ils maintenus ?
M. Jean-Claude Requier. Non, je les retire, monsieur le président.
M. le président. Les amendements nos 29 rectifié et 30 rectifié sont retirés.
Je mets aux voix l’amendement n° 42.
(L’amendement est adopté.)
M. le président. L’amendement n° 43, présenté par Mme Létard, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Alinéa 5
Supprimer cet alinéa.
La parole est à Mme la rapporteure.
Mme Valérie Létard, rapporteure. Cet amendement de coordination vise à supprimer un gage financier qui fait doublon avec une disposition de l’article 8 de la présente proposition de loi.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix l’article 4, modifié.
(L’article 4 est adopté.)
Chapitre II
Faciliter l’exercice d’activités agricoles
Article 5
Le chapitre Ier du titre Ier du livre Ier du code de l’urbanisme est complété par une section 9 ainsi rédigée :
« Section 9
« Constructions de logements destinées à faciliter l’exercice d’activités agricoles
« Art. L. 111-27. – Les constructions et travaux visant la création de logements nécessaires au bon fonctionnement d’une exploitation agricole ou forestière sont autorisés sur le périmètre de l’exploitation ou à proximité de celle-ci, quel que soit le classement du terrain d’emprise au regard du document d’urbanisme applicable.
« L’autorité compétente peut assortir l’autorisation d’urbanisme de prescriptions visant à assurer que les constructions ou travaux ne portent pas atteinte aux espaces naturels ou au paysage et sont compatibles avec l’exercice de l’activité agricole ou forestière. L’autorisation d’urbanisme est soumise à l’avis de la commission départementale de la préservation des espaces naturels, agricoles et forestiers.
« Pour un délai de dix ans à compter de l’octroi de l’autorisation d’urbanisme, les constructions édifiées ou adaptées en application du premier alinéa ne peuvent faire l’objet d’aucun changement de destination.
« Un décret en Conseil d’État fixe les modalités d’application du présent article, notamment la surface maximale des constructions pouvant être autorisées. »
M. le président. L’amendement n° 32, présenté par MM. Labbé, Salmon, Benarroche, Dantec, Dossus, Fernique et Gontard, Mme de Marco, M. Parigi et Mmes Poncet Monge, Taillé-Polian et M. Vogel, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
Le Gouvernement remet au Parlement, dans un délai de six mois à compter de la promulgation de la présente loi, un rapport relatif aux mesures d’accompagnement pour l’accès au logement des agriculteurs ne contribuant pas à l’artificialisation des sols, notamment les mesures permettant le développement de logements sociaux à destination d’agriculteurs, le soutien à la rénovation de logements et la facilitation de l’implantation d’habitats légers et réversibles.
La parole est à M. Daniel Salmon.
M. Daniel Salmon. L’article 5 de la proposition de loi déséquilibrera le droit existant en permettant des constructions pouvant contribuer au mitage ou à la spéculation foncière via la possibilité de changement de destination au bout de dix ans. C’est ouvrir la porte à des dérives néfastes pour la préservation des terres agricoles.
En revanche, nous sommes conscients des difficultés que peuvent rencontrer les agriculteurs pour se loger, notamment au moment de leur installation. En effet, il arrive que les propriétaires antérieurs conservent le logement sis sur l’exploitation ou que le prix de cession en soit trop élevé. Il se peut aussi qu’il n’y ait pas de logement abordable à proximité, notamment en raison de coûts de rénovation élevés.
Néanmoins, des solutions existent pour améliorer l’accès au logement des agriculteurs sans ouvrir la porte à une artificialisation des sols. Le développement du logement social agricole nous semble ainsi très intéressant. Des initiatives se développent pour que des bailleurs sociaux achètent des maisons d’habitation liées aux exploitations agricoles, les rénovent le cas échéant et les louent ensuite aux agriculteurs. Toutefois, il nous est revenu que le ministère du logement freinait ces initiatives, ce qui nous semble très dommageable.
Par ailleurs, l’habitat léger réversible est une solution de plus en plus prisée par les agriculteurs, notamment par ceux d’entre eux, et ils sont nombreux, qui ne sont pas issus du milieu agricole. Cette solution est pratiquée soit de façon temporaire, le temps de l’installation, soit de façon permanente, du fait d’un choix d’habitat différent.
Or des freins subsistent à l’implantation de ce type d’habitat, notamment en raison de la lourdeur du dispositif des secteurs de taille et de capacité d’accueil limitées (Stecal). Il faudrait étudier et lever ces obstacles pour offrir un cadre sécurisant au développement de cet habitat léger réversible agricole.
Un rapport du Gouvernement sur ces initiatives permettrait d’identifier les pratiques présentes sur le terrain et les politiques publiques efficaces pour les soutenir.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Valérie Létard, rapporteure. Cet amendement, qui vise à demander la remise d’un rapport au Parlement, « écrase » la mesure contenue dans l’article 5, qui tend à faciliter le logement des agriculteurs sur leur exploitation. Je ne suis pas favorable à cette suppression, dans la mesure où l’article 5 apporte une souplesse intéressante et bien encadrée : avis de la CDPENAF, interdiction du changement de destination sous dix ans, régulation par la société d’aménagement foncier et d’établissement rural (Safer), encadrement par le maire…
C’est dommage, car le sujet des différents modes de logement et d’hébergement des agriculteurs, soulevé par les auteurs de cet amendement, est intéressant.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Bérangère Abba, secrétaire d’État. Le Gouvernement émettra un avis de sagesse sur cet amendement.
Il me semble nécessaire, non d’enfermer ce sujet dans un rapport, mais de tenir ce débat avec les élus et les représentants des agriculteurs pour définir un diagnostic et identifier des solutions. Je m’y engage donc, au nom du Gouvernement.
M. le président. L’amendement n° 5 rectifié, présenté par Mmes Sollogoub et Saint-Pé, MM. Levi et Anglars, Mme Herzog, M. Mizzon, Mme Dindar, MM. de Nicolaÿ et Laugier, Mme Guidez, MM. Genet et Henno, Mmes Jacquemet, Vermeillet et Perrot, MM. Longuet et Chasseing, Mme Richer, M. Guérini, Mmes Dumont et M. Mercier, MM. A. Marc et Lagourgue, Mme Billon, MM. Lefèvre et Saury, Mmes N. Delattre et Ventalon, M. Chauvet, Mmes Paoli-Gagin et F. Gerbaud, M. Le Nay et Mmes Gatel et Evrard, est ainsi libellé :
Alinéa 4
Après le mot :
forestière
insérer les mots :
, ainsi que les activités artisanales directement liées à ces exploitations,
La parole est à Mme Nadia Sollogoub.
Mme Nadia Sollogoub. Le présent amendement vise à prévoir les cas où l’activité agricole est liée à une activité artisanale, sans que cette dernière soit reconnue comme une activité agricole proprement dite.
Un exemple que j’ai rencontré résume cette situation : celui de deux exploitations laitières connexes, indépendantes et géographiquement voisines – à vrai dire, elles étaient sises l’une à côté de l’autre –, l’une produisant le lait et l’autre le transformant. L’administration a estimé que l’activité fromagère était artisanale et que le permis de construire ne pouvait être accordé.
Cet amendement vise donc à autoriser les constructions dans le cadre d’activités artisanales liées directement et indissociablement à une activité agricole.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Valérie Létard, rapporteure. L’adoption de cet amendement étendrait significativement la portée de l’article 5, aujourd’hui strictement limité au logement nécessaire au bon fonctionnement de l’exploitation.
Seraient ainsi autorisées toutes les activités artisanales connexes, sans critère de nécessité, comme, par exemple, les ateliers de meubles fabriqués avec le bois de la forêt environnante ou les tanneries utilisant le cuir des bêtes. Autoriser toute construction nouvelle liée à ces activités me semblerait trop large.
En outre, sur l’initiative du Sénat, la loi dite ÉLAN (loi du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l’aménagement et du numérique) a autorisé, en espaces agricoles ou forestiers, les constructions nécessaires « à la transformation, au conditionnement et à la commercialisation des produits agricoles lorsque ces activités constituent le prolongement de l’acte de production » et dès lors qu’elles « ne sont pas incompatibles avec l’exercice d’une activité agricole, pastorale ou forestière sur le terrain sur lequel elles sont implantées ».
L’activité fromagère que vous citez en défense de votre amendement répond à ces critères. Si blocage il y a, c’est donc du fait des services préfectoraux ou municipaux, non de la loi.
En conséquence, ma chère collègue, je vous demande de bien vouloir retirer votre amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Bérangère Abba, secrétaire d’État. Chaque exception augmente le risque de construction sans lien direct avec l’activité agricole, ce qui ne me semble pas souhaitable ; avis défavorable.
M. le président. Madame Sollogoub, l’amendement n° 5 rectifié est-il maintenu ?
Mme Nadia Sollogoub. Je le retire, monsieur le président, mais j’espère que les consignes aux services instructeurs seront suffisamment claires pour que des situations aussi ubuesques ne se renouvellent pas.
M. le président. L’amendement n° 5 rectifié est retiré.
L’amendement n° 13, présenté par Mme Artigalas, M. Bouad, Mme Blatrix Contat, MM. Cardon, Mérillou, Michau, Montaugé, Pla, Redon-Sarrazy, Tissot, Gillé, Kanner et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Alinéa 4
Remplacer les mots :
à proximité
par les mots :
en continuité
La parole est à Mme Viviane Artigalas.
Mme Viviane Artigalas. L’article 5 autorise les constructions visant à créer des logements nécessaires au bon fonctionnement d’une exploitation agricole ou forestière sur le périmètre de l’exploitation ou à proximité de celle-ci, quel que soit le classement du terrain d’emprise au regard du document d’urbanisme applicable.
Les auteurs de la proposition de loi présentent cette mesure comme « le droit pour chaque agriculteur à vivre sur son exploitation ».
Toutefois, il nous semble que cette mesure risque encore une fois de créer de l’habitat diffus. Le terme « à proximité » étant relativement flou, nous proposons de le remplacer par « en continuité », en cohérence avec les dispositions du code de l’urbanisme sur ces questions.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Valérie Létard, rapporteure. Je remercie les auteurs de cet amendement, dont l’adoption apporterait un encadrement bienvenu.
L’amendement tend en effet à préciser que les logements nouveaux, dès lors qu’ils sont nécessaires à l’exploitation agricole, ne pourront être construits qu’« en continuité » du bâti existant et non sur tout terrain situé « à proximité » de la ferme.
C’est un garde-fou supplémentaire pour faciliter la vie de nos agriculteurs et les aider à développer leurs exploitations, mais qui permet également d’éviter le mitage en privilégiant la construction regroupée au sein des hameaux agricoles. En outre, cette disposition est en cohérence avec ce que nous avons prévu à l’article 1er.
Pour ces raisons, la commission est favorable à cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Bérangère Abba, secrétaire d’État. Cet amendement tend à conditionner les possibilités de construction au respect d’un critère d’implantation en continuité de l’exploitation, ce qui me semble utile et de bon sens.
Toutefois, dans la mesure où je suis défavorable au texte initial, j’émets simplement un simple avis de sagesse.
M. le président. Je suis saisi de cinq amendements identiques.
L’amendement n° 1 rectifié ter est présenté par MM. Pla et Montaugé, Mme Artigalas, M. Bouad, Mme Blatrix Contat, MM. Cardon, Mérillou, Michau, Redon-Sarrazy et Tissot, Mme Bonnefoy, M. Gillé, Mme Monier, M. Kanner et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.
L’amendement n° 2 rectifié est présenté par Mme Muller-Bronn, MM. Cadec, J.M. Boyer, Charon, Cambon, Bacci, Chatillon, Pellevat et Anglars, Mme F. Gerbaud et MM. Favreau, E. Blanc, J.P. Vogel et Saury.
L’amendement n° 3 rectifié bis est présenté par MM. D. Laurent et Burgoa, Mme Imbert, MM. Babary et Savary, Mme Férat, M. Bouchet, Mmes Lassarade, Ventalon et Belrhiti, MM. Piednoir, Houpert, Calvet, Grand, Lefèvre et Cardoux, Mmes Sollogoub, Garnier, M. Mercier, Thomas et Dumont, MM. Bonnus, J.B. Blanc, Kern, Détraigne, Brisson et Paccaud, Mmes Borchio Fontimp, Chain-Larché et Perrot, MM. Laménie, Belin, B. Fournier, Klinger, Bonhomme et C. Vial, Mmes Deroche et Schalck, M. Sol, Mme Berthet, MM. Pointereau, Duffourg et Sautarel et Mme Raimond-Pavero.
L’amendement n° 6 rectifié bis est présenté par Mme N. Delattre, MM. Moga, Artano, Bilhac, Cabanel, Fialaire, Gold et Guiol et Mme Pantel.
L’amendement n° 22 rectifié ter est présenté par MM. de Nicolaÿ, Husson et Meignen.
Ces cinq amendements sont ainsi libellés :
Après l’article 5
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
La seconde phrase du 7° du I de l’article L. 151-7 du code de l’urbanisme est remplacée par trois phrases ainsi rédigées : « Elles définissent les conditions dans lesquelles les projets de construction et d’aménagement se trouvant en limite d’un espace agricole, quel que soit son classement, intègrent un espace de transition végétalisé non artificialisé entre les espaces agricoles et les espaces urbanisés sur la zone urbaine ou à urbaniser ou artificialisée, à la charge du pétitionnaire ou de la commune. La zone de transition est projetée de préférence en dehors des zones dévolues à l’agriculture. Il peut être dérogé à cette mesure par exception après avis favorable de la commission départementale de préservation des espaces naturels, agricoles et forestiers prévu à l’article L. 112-1-1 du code rural et de la pêche maritime. »
La parole est à M. Sebastien Pla, pour présenter l’amendement n° 1 rectifié ter.
M. Sebastien Pla. Cet amendement vise à préserver les terres arables soumises à une forte pression de l’urbanisation.
Nous avons perdu 600 000 hectares en dix ans, comme le soulignait le sénateur Cabanel voilà quelques instants, soit l’équivalent, par exemple, de mon département, l’Aude.
S’y ajoute la mise en œuvre de zones de non-traitement (ZNT) ou d’aménagements linéaires – et j’en passe… –, qui restreignent encore davantage les espaces cultivés en zone périurbaine. Cette pression engendre de nombreux conflits d’usage entre agriculteurs et nouveaux riverains.
La création des zones de transition entre espaces artificialisés et espaces agricoles est devenue une nécessité. De nombreux élus locaux y sont favorables. Cela permettrait également de limiter les conflits d’usage et de pérenniser les activités agricoles.
L’adoption de textes précis, qui permettent d’éviter toute interprétation, rassure les élus, qui disposent ainsi d’outils permettant d’éviter de futurs conflits de voisinage.
Lors de l’examen du projet de loi Climat et résilience, le Sénat avait complété le dispositif adopté à l’Assemblée nationale en contraignant les aménageurs à intégrer un espace de transition végétalisé sur leurs parcelles. Las, la commission mixte paritaire avait rejeté ce dispositif, qui permettait pourtant d’aboutir à un équilibre.
Une fois de plus, champs, vignes et vergers battent en retraite face aux lotisseurs. Vous en conviendrez avec moi, ce débat a un caractère quelque peu schizophrénique : d’un côté, nous voulons préserver nos exploitations agricoles et notre indépendance alimentaire ; de l’autre, nous voulons à tout prix urbaniser des zones pour favoriser l’habitat rural sur des terres agricoles !
Cette règle, que le groupe SER défend très ardemment, doit donc devenir un principe général du code de l’urbanisme.
Enfin, je veux souligner, pour vous rassurer, madame la rapporteure, qu’il serait possible d’y déroger pour tenir compte de situations particulières, après avis favorable de la CDPENAF.
M. le président. La parole est à M. Gilbert Favreau, pour présenter l’amendement n° 2 rectifié.
M. Gilbert Favreau. Il est défendu !
M. le président. La parole est à M. René-Paul Savary, pour présenter l’amendement n° 3 rectifié bis.
M. René-Paul Savary. Je soutiens cet amendement, porté par M. Daniel Laurent et émanant du groupe d’études Vigne et vin.
Madame la secrétaire d’État, vous êtes d’ailleurs directement concernée, car il me semble que l’on trouve quelques hectares d’appellation champagne en Haute-Marne… (Mme Nadia Sollogoub applaudit.)
M. Jérôme Bascher. Ah !
M. René-Paul Savary. Vous imaginez facilement les répercussions que cela peut avoir.
Notre proposition est tout à fait cohérente, du point de vue tant de l’économie que de l’écologie, puisqu’il s’agit d’instaurer un corridor de protection, aux frais de celui qui crée la zone nouvelle.
Cette disposition permettra la création d’aires supplémentaires qui ne constitueront pas une entrave au développement cultural, agricultural ou viticole, mais qui permettront d’accroître les échanges entre oxygène et gaz carbonique, ce qui produit la photosynthèse tout à fait essentielle pour lutter contre le dérèglement climatique !
Vous ne pourrez donc, madame la secrétaire d’État, qu’être adepte de cet amendement. (M. Bruno Belin applaudit.)
M. le président. La parole est à Mme Guylène Pantel, pour présenter l’amendement n° 6 rectifié bis.
Mme Guylène Pantel. Défendu, monsieur le président !
M. le président. L’amendement n° 22 rectifié ter n’est pas soutenu.
Quel est l’avis de la commission ?
Mme Valérie Létard, rapporteure. Nous avons déjà eu un long débat sur ce sujet en commission, mais ces amendements identiques émanent de toutes les travées et nécessitent quelques précisions ; je vais donc prendre le temps de détailler les motifs de l’avis de la commission.
Il est proposé, au travers de ces amendements, que toute construction nouvelle doive obligatoirement respecter, au titre du PLU, une distance séparative minimale par rapport aux espaces agricoles. J’en comprends tout à fait l’idée : il s’agit d’éviter les conflits d’usage entre voisins et agriculteurs et les risques d’empiétement. A priori, c’est une bonne idée.
Toutefois, dans plusieurs situations, cette distanciation – systématique, je le rappelle – se révélerait très gênante. Dans ma région, par exemple, de nombreuses exploitations agricoles en zones hyper-rurales sont très intégrées aux bourgs. Certaines parcelles agricoles vont même jusqu’au cœur des villages.
Si ces amendements étaient adoptés, on empêcherait toute construction autour de ces enclaves agricoles, et donc dans ces villages, ce qui poserait problème à la fois pour leur réhabilitation et pour leur revitalisation.
De plus, l’éloignement vaudrait non seulement pour les habitations, mais également pour les constructions agricoles, même individuelles. Dans le petit village en déprise que nous évoquions voilà quelques instants, il n’y a qu’une ou deux demandes par an d’un logement individuel : il s’agit donc non pas de lotissements dans des zones périurbaines, mais bien de la ruralité en déprise.
Prenons garde à ne pas réduire les possibilités de construction de bâtiments agricoles de traite ou de stockage de machines, par exemple, ou de logements pour les agriculteurs. Il faudrait en effet prélever, chaque fois, une zone tampon sur la zone disponible pour la construction. Ainsi, la rédaction de ces amendements n’est, à tout le moins, pas assez précise, car il conviendrait de ne pas pénaliser les constructions agricoles.
Ensuite, ces amendements tendent à prévoir de prélever obligatoirement la zone tampon sur les espaces constructibles. Or cette proposition de loi repose sur le constat que le foncier constructible est trop rare en zone hyper-rurale, ce qui nuit au développement des communes concernées et les choses ne s’arrangeront pas avec les mesures de la loi Climat et résilience…
Par conséquent, cette mesure, pertinente pour les territoires périurbains dynamiques, dans lesquels la ville grignote sur la surface agricole, se révélerait extrêmement bloquante pour les villes rurales, déjà en mal de constructibilité et de revitalisation. Prenons garde de créer des verrous démesurés…
À l’article 200 de la loi Climat et résilience, nous avons adopté, en raison des mêmes craintes, une version améliorée de cette mesure : les distances séparatives sont autorisées par les maires au cas par cas, lorsqu’elles sont pertinentes. Il ne s’agit donc pas d’une obligation générale. Nous avions fait le choix de nous adapter aux réalités du périurbain et de la grande ruralité.
J’y insiste, ces amendements étant défendus sur toutes les travées de cet hémicycle : attention aux conséquences punitives pour la ruralité en déprise ! Vous risquez de réduire drastiquement les espaces constructibles. En pensant bien faire, on risque de mettre en péril l’hyper-ruralité, qui ne dispose en outre d’aucun moyen d’ingénierie. En effet, le Denormandie dans l’ancien n’est pas financé, madame la secrétaire d’État. Je sais bien que vous partagez notre vision, mais que Bercy desserre un peu l’étau ! Les territoires ruraux n’ont pas de moyens et il est proposé de leur interdire de nouvelles constructions !
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Bérangère Abba, secrétaire d’État. Je suis très sensible à la nécessité de laisser ces possibilités à la main des élus locaux, en fonction des projets et des territoires : avis défavorable.
M. le président. La parole est à M. Pierre Louault, pour explication de vote.
M. Pierre Louault. Je crois aussi que l’adoption de ces amendements, qui concernent toutes les constructions et tous les territoires agricoles, reviendrait à l’inverse de ce que nous voulons.
Je comprends parfaitement le problème. Je connais le vignoble de Vouvray, qui est mité, et il convient de protéger les territoires, le vignoble, les vergers et le maraîchage. Pour autant, étendre la mesure à l’ensemble du territoire agricole situé à proximité, c’est donner des verges pour se faire battre ! Cela se retournera contre tous les agriculteurs ; c’est cela qui m’inquiète.
J’ai essayé toute la journée de soutenir un amendement qui donnerait satisfaction aux producteurs rencontrant de véritables difficultés, mais cette proposition de loi porte sur les zones en perte de vitesse, qui sont peu ou non concernées, dans la mesure où les habitants connaissent la réalité.
Je crains donc que l’on regrette l’adoption d’une telle disposition, mais je suivrai, bien sûr, la majorité de la Haute Assemblée.
M. le président. La parole est à M. Hervé Gillé, pour explication de vote.
M. Hervé Gillé. J’ai eu le plaisir de construire un SCoT de bout en bout, dans un milieu viticole, celui de la Gironde, et je mesure donc complètement les enjeux identifiés par les différents orateurs.
Néanmoins, il convient, aujourd’hui, de donner de la confiance aux agriculteurs et aux viticulteurs, mais aussi aux personnes qui viendront habiter dans les zones de revitalisation rurale ou en déprise. Cette notion est absolument essentielle, parce que les conflits d’usage cassent la confiance de ceux qui souhaitent habiter en milieu rural, avec les contraintes sanitaires et environnementales que cela suppose.
Ces amendements identiques ont justement pour but de reconstruire la confiance, en instituant un cadre, auquel il pourra être dérogé, puisque la CDPENAF pourra intervenir, afin de juger le projet et d’adapter éventuellement la mesure. Leur adoption permettrait d’envoyer un signal clair, en toute confiance et transparence, à l’ensemble des parties prenantes, qu’il s’agisse des agriculteurs ou des viticulteurs ou bien des futurs résidents.
J’ajoute que la différenciation, souhaitée par Mme la rapporteure, créerait de nombreuses difficultés et, par suite, de nombreux conflits.
L’amendement n° 1 rectifié ter est donc parfaitement justifié.
M. René-Paul Savary. Je maintiens cet amendement, monsieur le président.
L’année qui s’achève a bien illustré le sujet que nous évoquons ce soir.
Les vignobles – je connais un peu mieux ce sujet que d’autres – ont subi des pluies importantes, ce qui a nécessité quelques passages pour les exploitants qui recourent aux produits phytosanitaires mais de nombreux passages pour ceux qui font de la viticulture bio, afin d’épandre des produits spécifiques, notamment à base de cuivre.
La population qui en est témoin ne comprend pas cela et ne sait comment réagir face à ce type de pratiques culturales. C’est la raison pour laquelle il faut trouver un système permettant de mettre en place des zones tampons, de nature à rassurer ces gens et à satisfaire également le milieu agricole et viticole, car, outre les enjeux environnementaux, les enjeux économiques sont aussi très lourds !
Il faut donc trouver une solution.
En Champagne, nous avions adopté une charte de bon voisinage, qui a donné de bons résultats, mais des modifications réglementaires sont intervenues et elle n’a pas pu être appliquée. Par conséquent, puisque les choses n’avancent pas lorsque l’on fait preuve d’initiative, on est obligé de chercher d’autres solutions…
En outre, madame la rapporteure, madame la ministre, il est prévu des possibilités de dérogation, c’est important. Ainsi, les zones en déprise ne rencontreront pas ce problème et, en bonne intelligence, elles pourront recourir aux possibilités de dérogation. Cela me paraît d’une redoutable cohérence ! Il faut faire appel au bon sens des territoires…
C’est la raison pour laquelle je maintiens l’amendement n° 3 rectifié bis.