Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Cet amendement important a pour objet que les sanctions ici prévues ne visent pas les soins médicaux ou les pratiques d’accompagnement liés au changement de sexe et au parcours de transition.
Étant entendu qu’il serait paradoxal de viser ainsi les professionnels de santé qui dispensent de tels soins, il nous semble important de le préciser.
Mme le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Dominique Vérien, rapporteure. Cet amendement tend à rétablir une disposition qui figurait, quoique sous une rédaction quelque peu différente, dans le texte de la proposition de loi initiale, mais qui a été supprimée à l’Assemblée nationale.
Nos collègues députés ont estimé, à mon avis à juste titre, que cette disposition risquait surtout d’être facteur de confusion, sans améliorer la protection des victimes. Est-il besoin en effet de préciser qu’un parcours de transition visant au changement de sexe ne saurait être assimilé à une thérapie de conversion ?
La seule hypothèse qui aurait pu selon nous susciter des interrogations est celle d’un professionnel de santé demandant à la personne qui le consulte d’attendre avant de s’engager dans un parcours de transition, mais il me semble que, en la matière, nous avons levé toute ambiguïté en adoptant, en commission, un amendement qui figure désormais à l’alinéa 11.
Dans ces conditions, l’ajout suggéré par nos collègues ne me paraît pas opportun. J’émets donc un avis défavorable.
Mme le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Elisabeth Moreno, ministre déléguée. Il n’est pas utile, madame la sénatrice, de prévoir une telle précision. Le champ de la répression est déjà suffisamment précis, en effet, pour exclure les traitements médicaux dispensés dans le cadre d’un parcours de transition.
Je le rappelle, l’infraction ne pourra être caractérisée que si les faits ont pour effet une altération de la santé physique ou mentale de la victime. Cette exigence permet de garantir que l’accompagnement des personnes dans le cadre d’un parcours de transition ne pourra être pénalisé sur le fondement du nouveau délit.
Le Gouvernement émet donc un avis défavorable.
Mme le président. Je suis saisie de trois amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
Les deux premiers sont identiques.
L’amendement n° 13 est présenté par le Gouvernement.
L’amendement n° 15 rectifié est présenté par Mme M. Vogel, MM. Benarroche et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique, Gontard, Labbé et Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme Taillé-Polian.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Alinéa 11
Supprimer cet alinéa.
La parole est à Mme la ministre déléguée, pour présenter l’amendement n° 13.
Mme Elisabeth Moreno, ministre déléguée. Cet amendement vise à supprimer l’alinéa ajouté lors de l’examen du texte par la commission des lois du Sénat, en vertu duquel « L’infraction […] n’est pas constituée lorsque les propos répétés ont seulement pour objet d’inviter à la prudence et à la réflexion la personne, eu égard notamment à son jeune âge, qui s’interroge sur son identité de genre et qui envisage un parcours médical tendant au changement de sexe. »
En premier lieu, cet alinéa est inutile, dans la mesure où les propos incitant à la réflexion et à la prudence n’entrent pas dans le champ des éléments constitutifs de la nouvelle infraction créée. Les conseils prodigués de manière bienveillante et adaptée ne sont pas susceptibles d’être réprimés, puisqu’il est nécessaire que les propos tenus aient pour effet une altération de la santé physique ou psychique de la victime.
En deuxième lieu, cet ajout est vecteur de confusion, dans la mesure où il assimile aux pratiques visant à modifier ou à réprimer l’identité de genre le parcours médical tendant au changement de sexe, lequel n’est pourtant pas concerné par l’infraction créée.
En troisième lieu, il n’est pas opportun de créer une cause d’irresponsabilité pénale fondée sur les mobiles de l’auteur, car, en droit pénal, ceux-ci doivent rester indifférents.
La distinction entre ce qui doit être pénalisé et ce qui ne doit pas l’être doit reposer exclusivement sur la nature des propos tenus et sur l’effet qu’ils produisent sur la personne à laquelle ils sont adressés.
Mme le président. La parole est à Mme Mélanie Vogel, pour présenter l’amendement n° 15 rectifié.
Mme Mélanie Vogel. L’alinéa 1 de l’article 1er n’étant pas modifié, il est bien question d’actes « visant à modifier ou à réprimer l’orientation sexuelle ou l’identité de genre » d’une personne. Or on ne peut d’aucune façon commettre un tel acte lorsque l’on incite simplement à la prudence.
Cet ajout est donc soit superflu soit source d’insécurité juridique. On n’est pas bienveillant quand on cherche à modifier l’orientation sexuelle ou l’identité de genre d’une personne !
Si l’on est juste en train d’appeler une personne à la prudence de façon bienveillante et constructive, on ne tombe pas du tout sous le coup de la définition de l’alinéa 1. Et, à l’inverse, si l’on tombe sous le coup de cette définition, alors cet ajout, comme je l’ai dit, paraît superflu, voire contre-productif, car il est source de flou juridique.
Mme le président. L’amendement n° 9 rectifié sexies, présenté par Mme Eustache-Brinio, MM. Retailleau, Bazin, Cardoux, Bouchet et Burgoa, Mmes Dumont, Thomas, Garnier et Pluchet, MM. Frassa, Meurant et Favreau, Mmes Chauvin, Ventalon et Gosselin, MM. Savin, Pointereau, Babary, E. Blanc et Longuet, Mme V. Boyer, M. C. Vial, Mmes Estrosi Sassone et Lavarde, M. Bascher, Mmes Joseph, Berthet et Puissat, MM. Brisson, Sido, Mouiller, Calvet, Savary et B. Fournier, Mme Di Folco, MM. J.B. Blanc, J.M. Boyer et Cadec, Mme Bourrat et MM. Tabarot, Panunzi et Mandelli, est ainsi libellé :
Alinéa 11
Supprimer les mots :
de genre
Cet amendement a été défendu.
Quel est l’avis de la commission sur les amendements identiques nos 13 et 15 rectifié ?
Mme Dominique Vérien, rapporteure. Ces amendements identiques visent à supprimer la disposition interprétative que la commission a introduite concernant la définition de l’infraction prévue à l’article 1er.
Nous avons constaté que la création de cette nouvelle infraction suscitait des inquiétudes concernant son impact sur l’accompagnement des personnes transgenres. Des associations craignent, par exemple, que seule une approche consistant à conforter la demande de changement de sexe soit désormais autorisée.
Or il arrive que des adolescents s’interrogent sur leur identité de genre sans que leur demande de changement de sexe persiste dans le temps. Il doit rester possible de les inviter à prendre le temps de la réflexion sans que cela soulève des interrogations quant à l’application de la loi dont nous sommes en train de débattre.
En toute rigueur juridique, je partage votre analyse, madame la ministre, ainsi que la vôtre, madame Vogel : il est peu vraisemblable qu’un juge assimile des appels à la prudence exprimés de manière bienveillante à une volonté de réprimer l’identité de genre.
Nous croyons cependant utile de conserver ces dispositions interprétatives, afin que le texte soit bien clair quant au type de comportements qu’il a pour objet de réprimer.
J’émets donc un avis défavorable sur ces amendements identiques.
Mme le président. L’amendement n° 9 rectifié sexies a reçu un avis défavorable de la commission et du Gouvernement.
Je mets aux voix les amendements identiques nos 13 et 15 rectifié.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
Mme le président. Je mets aux voix l’amendement n° 9 rectifié sexies.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Mme le président. L’amendement n° 4 rectifié sexies, présenté par Mme Eustache-Brinio, MM. Retailleau, Bazin, Cardoux, Bouchet et Burgoa, Mmes Dumont, Thomas, Garnier et Pluchet, MM. Frassa, Meurant et Favreau, Mmes Chauvin, Ventalon et Gosselin, MM. Savin, Pointereau, Babary, E. Blanc, Longuet et C. Vial, Mmes V. Boyer, Estrosi Sassone et Lavarde, M. Bascher, Mmes Joseph, Berthet et Puissat, MM. Brisson, Sido, Mouiller, Calvet, Savary et B. Fournier, Mme Di Folco, MM. J.B. Blanc, J.M. Boyer et Cadec, Mme Bourrat et MM. Tabarot, Panunzi et Mandelli, est ainsi libellé :
Alinéa 15
Supprimer les mots :
, de l’identité de genre
Cet amendement a été défendu.
Il a reçu un avis défavorable de la commission et du Gouvernement.
Je le mets aux voix.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Mme le président. La parole est à Mme Laurence Cohen, pour explication de vote sur l’article.
Mme Laurence Cohen. L’article 1er résume la philosophie de cette proposition de loi.
Comme l’a dit la présidente de notre groupe, Éliane Assassi, nous sommes favorables à ce texte susceptible de mettre un terme à des pratiques d’un autre âge, indignes, humiliantes et traumatisantes.
Nous devons dans le même temps faire des efforts pour lutter contre l’homophobie, la lesbophobie et la transphobie, notamment en menant des actions de communication et de prévention. Trop de discriminations perdurent envers les personnes LGBT+ ; trop de jeunes sont victimes de ces violences.
Les amendements proposés par notre collègue Jacqueline Eustache-Brinio ont permis de clarifier les termes du débat : nous avons voté contre.
Nous sommes parfaitement conscients que le processus d’accompagnement des enfants et adolescents transgenres est très long et qu’il doit être strictement encadré par des professionnels et par les parents, qui doivent tenir compte de l’âge et de la construction identitaire associée à cette période de la vie. Il faut avant tout faire preuve d’une grande écoute et comprendre que les souffrances de ces jeunes sont liées à un malaise qui va bien au-delà des états d’âme propres à l’adolescence.
Toutefois, je le redis : oui, la transidentité existe, et il convient d’accompagner les enfants et les adolescents, qui sont les mieux placés pour ressentir leur être.
Enfin, je veux saluer l’initiative de notre rapporteure Dominique Vérien, d’ailleurs suivie par la commission des lois, de rétablir, comme dans le texte initial, la possibilité pour le juge de se prononcer sur le retrait total ou partiel de l’autorité parentale lorsque son titulaire se rend coupable de thérapie de conversion sur une personne mineure. J’espère que l’Assemblée nationale ne reviendra pas sur cette mesure.
Mme le président. Je mets aux voix l’article 1er.
(L’article 1er est adopté.)
Article 2
Le code pénal est ainsi modifié :
1° L’article 132-77 est ainsi modifié :
a) (Supprimé)
b) Au dernier alinéa, après la référence : « 225-1 », est insérée la référence : « , 225-4-13 » ;
2° à 4° (Supprimés)
Mme le président. L’amendement n° 19, présenté par Mme de La Gontrie, MM. Durain et Bourgi, Mme Harribey, MM. Kanner, Kerrouche, Leconte, Marie, Sueur et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 3
Rétablir le a dans la rédaction suivante :
a) Avant le dernier alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Sont considérées comme commises en raison de l’orientation sexuelle ou de l’identité de genre, vraie ou supposée, de la victime, au sens du premier alinéa, et donnent lieu à l’aggravation des peines prévues au présent article les infractions commises en vue de modifier l’orientation sexuelle ou l’identité de genre, vraie ou supposée, de la personne. » ;
II. – Alinéa 5
Rétablir le 2° dans la rédaction suivante :
2° Après le 15° de l’article 222-13, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Sont considérées comme commises en raison de l’orientation sexuelle ou de l’identité de genre, vraie ou supposée, de la victime, au sens du 5° ter, et donnent lieu aux peines prévues au premier alinéa les infractions commises en vue de modifier l’orientation sexuelle ou l’identité de genre, vraie ou supposée, de la personne. » ;
La parole est à Mme Marie-Pierre de La Gontrie.
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Cet amendement a vocation à rétablir des dispositions votées par l’Assemblée nationale, puis supprimées par la commission des lois, qui affectent du caractère de circonstances aggravantes les infractions commises en vue de modifier l’orientation sexuelle ou l’identité de genre, vraie ou supposée, de la personne.
Il nous semble très important de qualifier ainsi d’éventuelles violences volontaires.
Mme le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Dominique Vérien, rapporteure. Le rétablissement des circonstances aggravantes applicables aux infractions, notamment aux violences volontaires commises en vue de modifier l’orientation sexuelle ou l’identité de genre, ne m’apparaît pas opportun ; c’est d’ailleurs pourquoi nous avions supprimé cette disposition.
Ce serait en effet un facteur de confusion, le juge ayant la possibilité de retenir la qualification de violences aggravées ou d’appliquer la nouvelle infraction autonome créée par l’article 1er de la proposition de loi. Il en résulterait donc un risque de conflit de qualification qui poserait un problème au regard du principe d’égalité devant la loi pénale, les mêmes faits pouvant être punis différemment en fonction des qualifications retenues par le juge.
Au contraire, la suppression des circonstances aggravantes consolide la répression des thérapies de conversion autour du nouveau délit autonome, étant rappelé que des poursuites peuvent être engagées pour plusieurs motifs si l’auteur des faits a commis plusieurs infractions. Sachez aussi que, lors de nos auditions, nous étions suivis par la Chancellerie pour la suppression de ces alinéas.
L’avis de la commission est donc défavorable.
Mme le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Elisabeth Moreno, ministre déléguée. Madame la sénatrice, je suis défavorable au rétablissement de cette circonstance aggravante générale, compte tenu des difficultés d’articulation entre celle-ci et l’infraction autonome de l’article 1er, qui réprime les thérapies de conversion.
La création d’une telle cause d’aggravation entraînerait des risques de concours de qualification pénale : on ne peut à la fois créer un délit autonome et un délit de violences psychologiques aggravées par l’intention de modifier l’identité de genre ou l’orientation sexuelle.
Le Gouvernement a par ailleurs une préférence pour le nouveau délit de l’article 1er, qui présente l’avantage d’être beaucoup plus lisible. Il ne peut donc qu’être défavorable au rétablissement de la circonstance aggravante à l’article 2.
J’ajoute par ailleurs que le nouveau délit créé à l’article 1er est une porte d’entrée pour le juge, qui pourra, et même devra, retenir d’autres qualifications, comme la torture ou le viol s’il y a lieu.
J’émets donc un avis défavorable sur cet amendement.
Mme le président. Je mets aux voix l’article 2.
(L’article 2 est adopté.)
Chapitre II
Interdiction des pratiques visant à modifier l’orientation sexuelle ou l’identité de genre dans le système de santé
Mme le président. L’amendement n° 5 rectifié sexies, présenté par Mme Eustache-Brinio, MM. Retailleau, Bazin, Cardoux, Bouchet et Burgoa, Mmes Dumont, Thomas, Garnier et Pluchet, MM. Frassa, Meurant et Favreau, Mmes Chauvin, Ventalon et Gosselin, MM. Savin, Pointereau, Babary, E. Blanc et Longuet, Mme V. Boyer, M. C. Vial, Mmes Estrosi Sassone et Lavarde, M. Bascher, Mmes Joseph, Berthet et Puissat, MM. Brisson, Sido, Mouiller, Calvet, Savary et B. Fournier, Mme Di Folco, MM. J.B. Blanc, J.M. Boyer et Cadec, Mme Bourrat et MM. Tabarot, Panunzi et Mandelli, est ainsi libellé :
Supprimer les mots :
ou l’identité de genre
Cet amendement a été défendu.
Il a reçu un avis défavorable de la commission et du Gouvernement.
Je le mets aux voix.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Article 3
Le chapitre III du titre VI du livre Ier de la quatrième partie du code de la santé publique est complété par un article L. 4163-11 ainsi rédigé :
« Art. L. 4163-11. – Le fait de donner des consultations ou de prescrire des traitements en prétendant pouvoir modifier ou réprimer l’orientation sexuelle ou l’identité de genre, vraie ou supposée, d’une personne est puni de deux ans d’emprisonnement et de 30 000 euros d’amende.
« L’infraction prévue au premier alinéa n’est pas constituée lorsque le professionnel de santé invite à la réflexion et à la prudence la personne, eu égard notamment à son jeune âge, qui s’interroge sur son identité de genre et qui envisage un parcours médical tendant au changement de sexe.
« Une interdiction d’exercer la profession de médecin peut également être prononcée pour une durée ne pouvant excéder dix ans à l’encontre des personnes physiques coupables de l’infraction prévue au même premier alinéa.
« Les faits mentionnés audit premier alinéa sont punis de trois ans d’emprisonnement et de 45 000 euros d’amende lorsqu’ils sont commis au préjudice d’un mineur ou sur une personne dont la particulière vulnérabilité ou dépendance, due à son âge, à une maladie, à une infirmité, à une déficience physique ou psychique, à un état de grossesse ou à la précarité de sa situation économique ou sociale, est apparente ou connue de leur auteur. »
Mme le président. L’amendement n° 6 rectifié sexies, présenté par Mme Eustache-Brinio, MM. Retailleau, Bazin, Cardoux, Bouchet et Burgoa, Mmes Dumont, Thomas, Garnier et Pluchet, MM. Frassa, Meurant et Favreau, Mmes Chauvin, Ventalon et Gosselin, MM. Savin, Pointereau, Babary, E. Blanc et Longuet, Mme V. Boyer, M. C. Vial, Mmes Estrosi Sassone et Lavarde, M. Bascher, Mmes Joseph, Berthet et Puissat, MM. Brisson, Sido, Mouiller, Calvet, Savary et B. Fournier, Mme Di Folco, MM. J.B. Blanc, J.M. Boyer et Cadec, Mme Bourrat et MM. Tabarot, Panunzi et Mandelli, est ainsi libellé :
Alinéa 2
Supprimer les mots :
ou l’identité de genre
Cet amendement a été défendu.
Il a reçu un avis défavorable de la commission et du Gouvernement.
Je le mets aux voix.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Mme le président. Je suis saisie de trois amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 7 rectifié sexies, présenté par Mme Eustache-Brinio, MM. Retailleau, Bazin, Cardoux, Bouchet et Burgoa, Mmes Dumont, Thomas, Garnier et Pluchet, MM. Frassa, Meurant et Favreau, Mmes Chauvin, Ventalon et Gosselin, MM. Pointereau, Babary, E. Blanc et Longuet, Mme V. Boyer, M. C. Vial, Mmes Estrosi Sassone et Lavarde, M. Bascher, Mmes Joseph, Berthet et Puissat, MM. Brisson, Sido, Mouiller, Calvet, Savary et B. Fournier, Mme Di Folco, MM. J.B. Blanc, J.M. Boyer et Cadec, Mme Bourrat et MM. Tabarot, Panunzi et Mandelli, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 2
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Est puni des mêmes peines le fait de prescrire à un mineur des pratiques (bloqueurs de puberté, traitements hormonaux ou interventions chirurgicales) visant le changement de sexe.
La parole est à Mme Jacqueline Eustache-Brinio.
Mme Jacqueline Eustache-Brinio. Dans ce texte, on parle beaucoup des thérapies de conversion, mais pas des thérapies affirmatives de transition administrées à des mineurs, filles et garçons. Or il me semble nécessaire de les interdire.
Ces thérapies affirmatives de transition sont souvent expérimentées sur des jeunes qui croient être nés dans le mauvais sexe. Ils subissent parfois des traitements lourds de conséquences, fondés sur des bases scientifiques de plus en plus controversées par certains médecins.
À l’heure où des pays très engagés sur le sujet de la « dysphorie de genre » s’interrogent sur leurs pratiques et reviennent à des positions prudentes – je pense en particulier à la Suède –, il me semble nécessaire que la France participe aussi à cette réflexion et interdise un certain nombre de thérapies, en particulier l’utilisation de bloqueurs de puberté et de traitements hormonaux sur les mineurs.
Par ailleurs, madame la ministre, je souhaite vous interroger sur un point sur lequel nous n’avons pas eu de réponse. Cette loi qui vient condamner les thérapies de conversion me semble nécessaire et importante. Mais est-ce que des études ont été menées en France pour préciser le nombre de majeurs ou de mineurs qui ont subi récemment ou qui subissent actuellement ces pratiques ?
Mme le président. L’amendement n° 20, présenté par Mme de La Gontrie, MM. Durain et Bourgi, Mme Harribey, MM. Kanner, Kerrouche, Leconte, Marie, Sueur et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 2
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Aucun traitement irréversible ou acte chirurgical sur les organes génitaux visant seulement à définir les caractéristiques sexuelles et à conformer l’apparence au sexe déclaré ne peut être entrepris avant que la personne mineure soit apte à y consentir après avoir reçu une information adaptée. En cas de nécessité vitale, le médecin délivre les soins indispensables.
La parole est à Mme Marie-Pierre de La Gontrie.
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Cet amendement vise le même type de situations que le précédent, mais selon une approche plus complexe et, nous semble-t-il, plus pertinente.
Nous demandons que le mineur soit apte à consentir, qu’il ait reçu une information adaptée et que le médecin puisse délivrer les soins indispensables en cas de nécessité vitale. Pourquoi est-ce nécessaire ? En France, il naît environ 2 % d’enfants intersexués par an. Les parents, accompagnés de médecins, la plupart du temps, doivent déterminer administrativement le sexe de leur enfant, et se déroulent parfois des actes chirurgicaux qualifiés de « mutilations », voire de « tortures » par les Nations unies.
Toutefois, ces actes répondent aussi parfois à une nécessité vitale. Nous proposons donc qu’il n’y ait pas de traitement irréversible et que la personne mineure soit apte à consentir de manière éclairée à ces actes médicaux, dès lors évidemment que le pronostic vital n’est pas engagé. Nous voulons éviter l’impossibilité absolue de recourir à ce type de procédé pour les enfants mineurs.
Mme le président. L’amendement n° 27 rectifié, présenté par Mme M. Vogel, MM. Benarroche, Dantec, Dossus, Fernique, Gontard et Labbé, Mme de Marco, M. Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme Taillé-Polian, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 2
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Hors nécessité vitale immédiate, aucun acte médical visant à modifier les caractéristiques sexuelles ne peut être effectué sur une personne mineure tant que l’intéressée n’est pas en mesure d’exprimer par elle-même son consentement libre et après avoir reçu une information adaptée à son âge.
La parole est à Mme Mélanie Vogel.
Mme Mélanie Vogel. Oui, des enfants intersexes naissent en France ! Leur corps ne correspond pas à la vision binaire que nous nous faisons de la société et de la division des genres, mais, bien souvent, au lieu de changer notre perception des choses, nous décidons, sans aucune raison médicale, sans que ses enfants soient malades ou en danger, de modifier leur corps.
Il s’agit bien dans ce cas de mutilations qu’il convient d’interdire. Le corps de ces enfants n’est sans doute pas conforme à notre vision binaire du genre, mais il est très bien comme il est !
Mme le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Dominique Vérien, rapporteure. L’amendement n° 7 rectifié sexies de notre collègue Jacqueline Eustache-Brinio vise la question délicate du parcours de transition pour les mineurs transgenres, pour interdire les traitements bloqueurs de puberté, les hormonothérapies et les opérations chirurgicales avant 18 ans.
Je suis convaincue comme vous, chère collègue, qu’il faut faire preuve de prudence envers les mineurs qui s’interrogent sur leur identité de genre. Un adolescent peut éprouver un mal-être et l’attribuer à tort à un problème de transidentité. Il faut donc prendre le temps de la réflexion et s’assurer que la demande de l’adolescent persiste dans le temps, avant d’envisager des actes médicaux.
La commission a d’ailleurs introduit dans le texte une disposition selon laquelle aucun médecin ne pourra être poursuivi s’il invite son patient à la réflexion et à la prudence.
Je pense toutefois qu’il serait inapproprié d’interdire au détour de cet amendement toute intervention médicale avant l’âge de 18 ans.
Tout d’abord, je rappelle que la proposition de loi vise à réprimer les thérapies de conversion, et non à encadrer les parcours de transition. Il s’agit de deux questions bien distinctes, et il serait peu opportun de vouloir modifier les règles encadrant les parcours de transition sans avoir au préalable procédé à un travail approfondi, qui relève davantage du champ de compétence de la commission des affaires sociales.
Nous n’avons mené aucune audition en ce sens. J’ai simplement entendu un psychiatre et un chirurgien spécialiste des parcours de transition, qui ont souligné à quel point les professionnels de santé étaient précautionneux face à la demande exprimée par un mineur. Le médecin s’assure qu’il est effectivement confronté à un cas de transidentité avant d’envisager un quelconque traitement.
Ces spécialistes nous ont également expliqué que les bloqueurs de puberté pouvaient être très utiles. Lorsqu’un adolescent n’est pas à l’aise dans son sexe de naissance, les transformations physiques liées à la puberté peuvent en effet être très mal vécues.
Retarder la puberté permet ainsi au jeune à sa famille de réfléchir plus sereinement à la suite de son parcours. Parfois, une hormonothérapie commence, mais ce n’est qu’à partir de 16 ans.
Nous devons laisser aux professionnels la liberté d’adapter leur traitement à la réalité de chaque cas. Si des signes de transidentité apparaissent chez un enfant et que le diagnostic est confirmé sans ambiguïté à l’adolescence, pourquoi attendre la majorité avant de commencer un traitement qui va l’aider à mieux vivre ?
Je rappelle pour terminer qu’aucune intervention médicale ne peut être décidée sur un mineur sans l’accord des titulaires de l’autorité parentale. Si le consentement d’un seul parent suffit en cas d’acte médical usuel – le consentement de l’autre étant présumé –, dans un cas comme celui-là, le consentement des deux parents est nécessaire.
Un jeune en pleine crise d’adolescence ne pourrait donc s’engager dans un parcours de transition, même s’il trouvait un médecin très complaisant, sans avoir l’accord de ses deux parents.
Néanmoins, une fois encore, je le redis : ce n’est pas le sujet de ce texte. Il revient à la commission des affaires sociales et aux médecins de travailler sur cette question, me semble-t-il, et en aucun cas à la commission des lois, au détour d’un texte qui ne vise qu’à interdire les thérapies de conversion. Nous n’avons d’ailleurs procédé à aucune audition sur la question.
J’émets donc un avis défavorable sur cet amendement.
La réponse sera peu ou prou la même pour les amendements nos 20 et 27 rectifié. Des débats ont déjà eu lieu lors de l’examen de la loi relative à la bioéthique. Et il s’agit là encore d’un sujet médical, qui n’est pas celui des thérapies de conversion contre lesquelles nous entendons lutter.
Mon avis est donc également défavorable, afin que nous en restions à notre sujet principal.