M. Pascal Savoldelli. Je bois vos paroles !
M. Cédric O, secrétaire d’État. C’est comme pour M. Zemmour : le respect, c’est bilatéral. Quand on demande le respect, on montre du respect.
M. Pascal Savoldelli. Allons, je vous écoute, je n’ai pas bougé !
M. Cédric O, secrétaire d’État. Non, vous bavardez, monsieur Savoldelli.
Le déficit en 2021 sera cohérent avec l’objectif de 5 % du PIB en 2022 que nous nous étions fixé. De même, nous estimions, au printemps dernier, que notre dette atteindrait 117,8 % du PIB en 2021 et 116,3 % en 2022 ; elle sera plutôt, en définitive, de 115,3 % du PIB en 2021 et de 113,5 % en 2022.
Ces chiffres confirment ce que nous avons toujours dit depuis le début de la crise : c’est avant tout par la croissance que nous parviendrons à maîtriser nos comptes publics.
M. Jean-François Husson. On en reparlera !
M. Cédric O, secrétaire d’État. Outre ces réussites en matière de conjoncture économique, l’année 2021 est aussi celle de la maîtrise et de la normalisation budgétaires.
Nous avons en premier lieu annulé, pour 2021, les excédents de crédits mobilisés pour financer des besoins apparus au cours de l’année, notamment du fait de l’utilisation de la réserve de précaution.
M. Jean-François Husson et Mme Christine Lavarde. Ce n’est pas ce qui s’est passé !
M. Cédric O, secrétaire d’État. Nous avons également annulé, dans le dernier projet de loi de finances rectificative, plus de 2 milliards d’euros de crédits de la mission « Plan d’urgence face à la crise sanitaire », conformément à notre calendrier de sortie progressive des aides d’urgence. C’est une bonne nouvelle, qui laisse présager que bientôt nous laisserons la crise loin derrière nous et que 2021 sonne la fin du « quoi qu’il en coûte ».
Deuxièmement, l’exécution des dépenses sur les budgets ordinaires des ministères en 2021 sera conforme au niveau prévu en loi de finances initiale, à l’exception de quelques compensations de pertes de recettes liées à la crise sanitaire et de la mise en œuvre de l’indemnité inflation.
Le troisième marqueur fort de la dynamique de normalisation budgétaire que nous engageons concerne le niveau des dépenses totales de l’État, qui sera en baisse par rapport aux prévisions de la première loi de finances rectificative pour 2021.
La maîtrise de nos comptes publics passe aussi par des outils renouvelés. J’aimerais à cet égard revenir sur la proposition de loi organique relative à la modernisation de la gestion des finances publiques, que vous avez récemment adoptée. Vous vous êtes en effet entendus avec les députés sur ce texte proposé par Laurent Saint-Martin et Éric Woerth instituant un encadrement pluriannuel de la dépense publique. Les dispositions qu’il contient me semblent aller tout à fait dans le sens d’une meilleure maîtrise des dépenses publiques, dont la visibilité de long terme est une des composantes.
Je souhaite par ailleurs revenir sur la réforme de l’État promue par les gouvernements successifs depuis 2017. Au-delà des enjeux budgétaires, en effet, le Gouvernement s’attache à dessiner une vision d’ensemble quant aux finalités de l’action publique. Telle est la raison qui a présidé à la création, voilà un an et demi, d’un ministère de plein exercice, le ministère de la transformation et de la fonction publiques, confié à Amélie de Montchalin.
Cette transformation s’inscrit dans une perspective claire : construire l’État de demain, celui d’une action publique plus proche, plus simple et plus efficace.
Réformer l’État, tout d’abord, c’est répondre sans ambiguïté à la question de son utilité et de son impact. L’État n’est pas une machine bureaucratique tournée sur elle-même, sur ses fonctionnaires et sur les normes qu’ils édictent. L’action publique a pour moteur les conséquences concrètes qu’elle a sur la vie des Français.
Au-delà de l’indispensable transparence, que nous avons renforcée via le baromètre des résultats de l’action publique en ligne sur le site du Gouvernement, nous avons instauré un réel pilotage des politiques publiques par l’impact et les résultats plutôt que par les référentiels administratifs, juridiques ou budgétaires, ce qui permet à la sénatrice Lavarde de nous juger sinon sur place, du moins sur pièces ! (Sourires.)
Il y va d’une transformation plus profonde qu’une simple réforme organisationnelle de l’État ou qu’un exercice de révision générale des politiques publiques, comptables et budgétaires.
Cette transformation, ensuite, c’est la réforme de l’État territorial, qui rapproche l’État des citoyens et renforce les moyens des territoires pour des réponses adaptées aux besoins de chacun.
Dans cette transformation, le préfet occupe bien sûr – vous le savez mieux que quiconque – une place centrale : il est celui qui pilote une action interministérielle unifiée et cohérente et une vision stratégique du territoire appuyée et renforcée par l’expertise nationale.
Nous avons pour la première fois instauré une feuille de route interministérielle pour chaque préfet de département et chaque préfet de région, signée par le Premier ministre, coconstruite avec chaque préfet et avec l’ensemble des services de l’État. C’est là une réelle responsabilisation des services déconcentrés.
En contrepartie de cette responsabilisation, nous avons engagé un réarmement de l’État territorial en lui offrant davantage de compétences, d’expertise et d’ingénierie, ainsi que des marges de manœuvre en matière budgétaire et de ressources humaines.
M. Jean-François Husson. Il faut expliquer…
M. Cédric O, secrétaire d’État. Ce gouvernement met par ailleurs fin – enfin ! – à douze années d’appauvrissement de nos services déconcentrés au profit de nos administrations centrales. Nous faisons basculer le pouvoir de décision et les ressources au plus près du terrain, jusqu’à l’application de la norme. C’est à cette fin que nous avons autorisé les préfets à déroger à une norme nationale pour exercer leurs compétences au niveau local.
Il y a là, au sens propre, une révolution de l’action publique, qui sera désormais moins tournée vers la norme et davantage vers le résultat. Moins centralisée et plus proche du terrain, elle devient plus ouverte sur la société, plus bienveillante, accessible. Ces transformations sont issues de la conviction selon laquelle l’action de l’État doit répondre aux préoccupations locales.
Si l’État, donc, devient plus accessible, c’est aussi grâce à l’ensemble de notre action en matière de simplification des démarches administratives – nous aurons l’occasion d’y revenir, si vous le souhaitez, au gré des questions.
Quant à la réforme de la haute fonction publique portée par Amélie de Montchalin, elle contribue profondément à rebattre les cartes. Cette réforme doit refonder la formation, la carrière, le métier des hauts fonctionnaires ; on partira désormais d’une expérience opérationnelle et territoriale avant de construire des normes et des orientations nationales depuis Paris. Se trouve favorisé, dans le même temps, le développement d’une culture commune entre administrateurs, forces de sécurité, militaires, magistrats, hospitaliers.
Bref, il s’agit d’une réforme ambitieuse qui participe pleinement de la transformation de l’action publique au bénéfice de l’ensemble de nos concitoyens.
Débat interactif
M. le président. Nous allons maintenant procéder au débat interactif.
Je rappelle que chaque groupe dispose d’une question de deux minutes maximum, y compris l’éventuelle réplique. Le Gouvernement dispose pour sa réponse d’une durée équivalente.
Dans le débat interactif, la parole est à Mme Isabelle Briquet.
Mme Isabelle Briquet. Monsieur le secrétaire d’État, si la présence de l’État en zone rurale est essentielle pour garantir à nos concitoyens l’accès aux services publics, la mise en œuvre de cette présence au travers de l’organisation territoriale de l’État n’en pose pas moins question.
La création des maisons labellisées France Services permet de conserver un accès aux services publics. Il faut cependant rappeler que ces structures sont essentiellement portées, aux deux tiers, par les collectivités territoriales et par d’autres acteurs tels que La Poste. Elles regroupent en leur sein différents services, comme les trésoreries, et des permanences de la CAF, la caisse d’allocations familiales, ou de la caisse locale de l’assurance maladie y sont assurées.
L’État n’est que bien peu présent : moins de 5 % des 1 745 structures labellisées France Services sont portées directement par l’État.
Pourtant, l’ambition initiale du Gouvernement était de couvrir tous les cantons à l’horizon de 2022. Force est de constater que pour le moment le compte n’y est pas, en ce qui concerne notamment la transformation prévue d’une centaine de sous-préfectures en maisons France Services. À l’heure actuelle, seules 21 sous-préfectures sont labellisées et 13 en cours de labellisation.
J’ajoute qu’était prévu également le financement de deux emplois permanents par maison. Là encore, l’État n’y met pas les moyens nécessaires : avec la dotation annuelle de 30 000 euros allouée au fonctionnement de chaque maison France Services, on est loin du compte.
La crise sanitaire a mis en lumière, si besoin en était, la nécessité de réaffirmer la présence forte de l’État aux côtés des collectivités territoriales. Au-delà des engagements pris en la matière, l’État compte-t-il se donner les moyens de répondre aux besoins et aux enjeux de présence des services publics dans les territoires ruraux ?
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Cédric O, secrétaire d’État auprès du ministre de l’économie, des finances et de la relance et de la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, chargé de la transition numérique et des communications électroniques. Madame la sénatrice Briquet, sur les maisons France Services, je veux dire plusieurs choses.
Tout d’abord, nous assumons complètement que ces maisons soient déployées en collaboration avec les collectivités territoriales et pilotées avant tout par ces dernières. Il me semble qu’on ne saurait dans le même temps reprocher à l’État d’être insuffisamment décentralisateur – des questions en ce sens me seront peut-être posées dans la suite du débat – et considérer que ces services publics, qui sont l’essence même de la proximité et à ce titre relèvent du savoir-faire des collectivités territoriales, devraient être gérés par l’État.
Qu’un débat puisse avoir lieu sur le niveau de financement, c’est entendu. Vous l’avez vous-même dit, madame la sénatrice : un effort extrêmement important est consenti par l’État, en matière de financement, bien sûr, mais aussi d’organisation, de back office, pour le dire en bon français, de formation, via la Banque des territoires, de mise à disposition d’un certain nombre d’outils, d’agrégation de l’ensemble des services publics, avec la réorganisation que cela suppose.
Il nous semble logique, et de bonne politique partenariale avec les collectivités territoriales, que l’extrême majorité de ces maisons France Services soient portées par lesdites collectivités.
Songez au domaine qui me concerne tout particulièrement, à savoir le numérique : qu’il s’agisse des conseillers numériques France Services, qui sont financés par l’État et recrutés par les collectivités territoriales, ou du déploiement de la fibre, qui est financé par l’État et opéré par les collectivités, le défi que nous relevons est bien toujours de rapprocher les services publics et de les agréger en un même endroit pour mieux servir nos concitoyens.
Quant à savoir qui est le mieux placé lorsqu’il est question de proximité, je le répète, ma conviction est que les collectivités territoriales sont mieux placées que l’État.
M. Jean-François Husson. Mais c’est le financement, le problème !
M. le président. La parole est à Mme Isabelle Briquet, pour la réplique.
Mme Isabelle Briquet. J’entends bien, monsieur le secrétaire d’État. Néanmoins, sur cet aspect des choses, l’État avait pris des engagements, notamment sur les sous-préfectures et sur l’accompagnement financier.
M. Jean-François Husson. Voilà !
Mme Isabelle Briquet. Comme cela vient d’être dit, 30 000 euros ne suffisent pas, puisque cela ne correspond pas à deux équivalents temps plein. De nombreux services publics ont fermé : je parlais tout à l’heure des trésoreries.
M. le président. Il faut conclure.
Mme Isabelle Briquet. Le sentiment d’abandon gagne du terrain, alors que la présence de l’État aux côtés des collectivités locales est fondamentale pour la cohésion nationale, qu’il faut à tout prix préserver. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
M. le président. La parole est à M. Pierre-Jean Verzelen.
M. Pierre-Jean Verzelen. Monsieur le secrétaire d’État, comme nous sommes dans un débat sur la situation des comptes publics, je voulais vous interroger sur la structuration de la dette française. Plus précisément, je souhaite que vous nous indiquiez à qui appartient la dette.
Depuis des dizaines d’années, la France emprunte, en général, sur les marchés financiers. De ce fait, une part importante de la dette, qui a atteint les 70 % du total, est détenue par des opérateurs étrangers – on dit des non-résidents dans le jargon –, c’est-à-dire des fonds de pension, des groupes d’assurances, etc.
À la suite de la crise de ces dernières années, les choses ont quelque peu évolué : il faut bien le reconnaître, la Banque centrale européenne est extrêmement active, et le balancier est revenu à peu près à l’équilibre, puisque cette part est désormais proche des 50 %.
Sur ce point, la France et certains pays européens diffèrent de plusieurs autres pays : une grande partie de la dette du Japon, des États-Unis ou du Royaume-Uni est détenue par des opérateurs nationaux.
Or chacun comprend bien que, le jour où il y a un problème, il est beaucoup plus simple d’aller discuter avec une banque ou un groupe d’assurances français qu’avec quelqu’un qui est à l’autre bout du monde !
Monsieur le secrétaire d’État, le Gouvernement a-t-il une stratégie en la matière ? Réfléchissez-vous à lever de la dette auprès d’opérateurs de groupes français ?
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Cédric O, secrétaire d’État auprès du ministre de l’économie, des finances et de la relance et de la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, chargé de la transition numérique et des communications électroniques. Monsieur le sénateur Verzelen, permettez-moi tout d’abord de rappeler par qui la dette française est aujourd’hui détenue. Comme vous l’avez dit, il y a quelques années, seulement 30 % de la dette était détenue par des Français ; cette proportion est passée à peu près à 50 %, ce qui est une forme de rééquilibrage.
On estime qu’environ un quart de la dette est actuellement détenu par des investisseurs étrangers situés en zone euro ; un quart est détenu par des investisseurs situés hors zone euro, au nombre desquels les grandes banques centrales étrangères ; un quart est détenu par des investisseurs français ; un quart par la Banque de France – cette dernière part ayant progressé.
On ne peut pas vraiment comparer la situation des Américains ou des Japonais avec la situation française. En effet, ces deux peuples ont un système de retraite par capitalisation. La très grande puissance financière de ces pays est liée à ce choix, qui leur procure des montants de financement extrêmement importants à placer sur les marchés financiers, ce qui profite à leur dette nationale.
Nous avons fait un choix différent – que nous ne regrettons en aucun cas.
M. Jean-François Husson. Ce n’est pas vous qui l’avez fait !
M. Cédric O, secrétaire d’État. Disons alors, monsieur le rapporteur général, que nous avons fait collectivement un choix différent.
M. Jean-François Husson. Et la réforme des retraites ?
M. Cédric O, secrétaire d’État. Cela nous place dans la nécessité de développer la détention par les Français de leur propre dette.
La détention par des nationaux a parfois des effets contre-productifs en matière de taux d’intérêt. La dette italienne, par exemple, davantage détenue par des nationaux que la nôtre, s’échange à des taux d’intérêt plus élevés que les nôtres, ne serait-ce que parce que la compétition est moindre.
J’ajoute qu’un étranger qui détient de la dette française ne possède aucun pouvoir sur la France, si ce n’est celui d’être remboursé. Toute la question de la soutenabilité, et de l’influence éventuelle de détenteurs étrangers, renvoie à la dynamique de la dette et de sa réémission – et donc à la nécessité de réduire le déficit public.
M. le président. La parole est à M. Vincent Segouin.
M. Vincent Segouin. Monsieur le secrétaire d’État, les prélèvements obligatoires atteignent 43,5 % du PIB, et la dépense publique, 55 %. L’écart est financé par la dette, qui atteint aujourd’hui presque 115 % du PIB. Les intérêts de la dette sont le troisième budget de l’État, avant la justice, et ce avec des taux d’intérêt très faibles ! Jusqu’à quel niveau de dette pouvons-nous aller avec le taux actuel ? Si ce taux augmente, quelle sera la nouvelle durée ?
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Cédric O, secrétaire d’État auprès du ministre de l’économie, des finances et de la relance et de la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, chargé de la transition numérique et des communications électroniques. Monsieur le sénateur, je crois qu’il est absolument impossible de vous répondre en deux minutes ! Quel est le niveau maximal de dette soutenable ? Votre question fait l’objet de nombreux débats en macroéconomie.
Nous évoquions tout à l’heure le cas du Japon, dont la dette publique atteint les 200 % du PIB, sans que personne s’interroge sur sa soutenabilité à long terme… Si l’on examine une économie de la puissance de celle des Américains, ou même l’action de la Banque centrale européenne, la réponse à la question de la soutenabilité de la dette est loin d’être évidente.
D’ailleurs, à mon avis, compte tenu de l’évolution des marchés financiers, la dynamique est probablement plus importante que le stock. C’est pourquoi il est absolument indispensable que nous revenions, après la crise et à la fin du « quoi qu’il en coûte », dans une dynamique de réduction de la dette.
Nous étions dans une telle dynamique entre 2017 et 2019. Je vous concède que nous n’avons pas totalement tenu les prévisions annoncées en 2017. Vous me concéderez en retour que la situation économique a joué…
De même, je ne suis pas certain que le président Sarkozy ait totalement respecté ses prévisions entre 2007 et 2012, car la situation avait aussi quelque peu changé au cours de la période !
Bref, ma réponse est assez simple : je n’en ai aucune idée. Les économistes se disputeraient pendant très longtemps sur votre question. Ce qui est certain, en revanche, c’est qu’il faut réduire la dette !
M. le président. La parole est à M. Vincent Segouin, pour la réplique.
M. Vincent Segouin. Monsieur le secrétaire d’État, vous comparez notre dette à celle du Japon. Mais cette dernière est intégralement détenue par les Japonais ! Vous nous comparez aux États-Unis. Mais les transactions se font en dollars… Nous, en Europe, nous devons nous comparer à l’Allemagne, dont la dette ne représente que 68 % du PIB, contre près de 115 % pour nous.
Demain, nous nous ferons dicter la loi. C’est déjà le cas d’ailleurs : quand nous avons négocié la dette européenne, l’Allemagne a commencé à nous dire qu’il fallait réformer nos retraites !
En 2017, le ministre Le Maire disait que la France était droguée à la dépense publique. Je pense qu’il n’est pas là ce soir parce qu’il a fait une overdose ! (Rires sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. Paul Toussaint Parigi.
M. Paul Toussaint Parigi. Monsieur le secrétaire d’État, la France connaît depuis des décennies une augmentation préoccupante des inégalités socioéconomiques.
En quinze ans seulement, le taux de pauvreté a progressé d’au moins 7 % : plus de cinq millions de nos concitoyens sont désormais en grande précarité.
Je ne remets pas en cause les raisons qui ont motivé l’endettement exponentiel décidé pour faire face à l’urgence sanitaire, car les mesures de soutien étaient indispensables. Mais celui-ci porte aujourd’hui l’endettement annuel à plus de 165 milliards d’euros. Et nous nous interrogeons sur la traçabilité des aides exceptionnelles fléchées à destination des entreprises.
À l’heure où l’État envisage de se réformer en vue de réduire le déficit public, où, malgré la crise sanitaire, le taux de profit des entreprises a atteint un niveau record, où les entreprises du CAC 40 ont versé 51 milliards d’euros à leurs actionnaires tout en licenciant plusieurs milliers de travailleurs, où la pauvreté, enfin, atteint un niveau alarmant et s’intensifie, le foisonnement des dispositifs à destination de nos entreprises nuit gravement à la lisibilité de l’action des pouvoirs publics.
Or, résorber une partie du déficit, c’est aussi, nous semble-t-il, faire un exercice de transparence et de rationalisation du maquis fiscal des aides attribuées à nos entreprises, qui a considérablement gonflé, et sans contreparties, dans le contexte de la crise de la covid-19.
Votre gouvernement justifie les réformes en cours et à venir par l’exigence d’une gestion responsable. Il invoque la nécessité de réduire le déficit public, en ciblant toujours les plus fragiles, comme il l’a fait dans la récente réforme de l’assurance chômage, et comme il prévoit de le faire par la réforme des retraites.
Avez-vous également prévu une réforme des aides versées aux entreprises pour mettre fin à ce véritable maquis fiscal ? Le « quoi qu’il en coûte » sera-t-il, à terme, uniquement payé par les salariés et les catégories les plus modestes ?
À défaut, la moindre des choses serait de faire régner la transparence sur l’identité des entreprises bénéficiaires et les montants de crédits publics qui leur sont accordés.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Cédric O, secrétaire d’État auprès du ministre de l’économie, des finances et de la relance et de la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, chargé de la transition numérique et des communications électroniques. Monsieur le sénateur, tout d’abord, la seule justification que le Gouvernement donne à la politique économique qui est menée, c’est la croissance retrouvée.
Comme vous le savez, j’ai été membre du parti socialiste, me situant plutôt à son aile droite. J’ai participé à des débats d’exégèse théologique pendant des heures pour savoir s’il fallait préférer une politique de l’offre ou une politique de la demande. Après quelques années dans ce parti, j’ai fini par considérer que, dans le fond, comme le disait Deng Xiaoping, peu importe que le chat soit noir ou blanc : s’il attrape la souris, c’est un bon chat !
Nous pourrions entrer dans des débats théologiques pour savoir si le Gouvernement favorise les entreprises, ou s’il ne les favorise pas. La seule réponse pertinente est de rappeler qu’après cinq ans de macronisme, la France a le plus haut taux de croissance de la zone euro (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.), son taux de chômage est au plus bas depuis à peu près quinze ans. Si nous continuons sur la même trajectoire, le taux de chômage français n’aura jamais été aussi bas depuis les années 1980.
M. Thierry Cozic. Grâce aux efforts réalisés entre 2012 et 2017 !
M. Jean-François Husson. Et le commerce extérieur ?
M. Cédric O, secrétaire d’État. Et, dans un domaine crucial pour notre compétitivité, celui de l’innovation, la France est le seul pays au monde à être passée de la dix-huitième à la onzième place des pays les plus innovants du monde entre 2016 et 2021. Ce qui compte, ce sont les résultats. Tout le reste est littérature…
M. Jean-François Husson. Vous êtes le Vasarely de la finance !
M. le président. La parole est à Mme Marie-Claude Varaillas.
Mme Marie-Claude Varaillas. Monsieur le secrétaire d’État, la Cour des comptes émettait l’année dernière un avis sévère sur le plan Préfectures nouvelle génération (PPNG) : « Détaillé quant à ses objectifs de gains de productivité et de calendrier, le projet ne formulait initialement aucun objectif précis d’amélioration de la qualité du service rendu aux usagers. »
Érigé en emblème de la logique de modernisation et de simplification des démarches administratives, ce plan révèle les manquements des intentions des réformateurs de l’État, qui ont décidé de prendre un virage abrupt vers le tout-numérique, commandé par une logique comptable, au détriment de la qualité du service rendu aux usagers.
Je prendrai comme exemple le remplacement des anciens services dits « titres » par les centres d’expertise et de ressources des titres (CERT), qui mettent en œuvre, non sans difficulté, la dématérialisation de la délivrance des quelque 24 millions de titres tels que les passeports, les permis de conduire ou les cartes grises. Les tâches imprévues de ces CERT exigeraient 350 équivalents temps plein supplémentaires. Les centres d’appels en requerraient 300, car, actuellement, seuls 71 % des appels sont traités. On y compte jusqu’à 30 % de contractuels, qui se substituent aux titulaires.
Les points de contact, heureusement, subsistent, et ils sont le signe que l’ambition portée par les téléprocédures n’est pas satisfaisante pour les personnes fragiles et dépendantes. Cette déshumanisation du rapport des citoyens à l’État et à ses agents, loin de générer des économies, engendre un surcoût de 15 millions d’euros par an pour l’Agence nationale des titres sécurisés (ANTS) et de 40 millions d’euros en outils informatiques, quand vous supprimez 1 000 postes.
Ces dysfonctionnements favorisent le développement des services privés. D’ailleurs, les sites des ministères renvoient même les citoyens vers ces offres.
Deuxième exemple : en Dordogne, la Cimade m’a appris que, sur le site de la préfecture, aucun créneau de rendez-vous pour le renouvellement des cartes de résident de dix ans n’était disponible entre avril 2020 et septembre 2021.
M. le président. Il faut conclure.
Mme Marie-Claude Varaillas. En l’absence d’alternative, ces publics potentiellement éloignés de la langue française et du numérique risquent, faute d’accueil, d’être privés de leurs droits et placés en situation d’illégalité.