M. Cédric O, secrétaire d’État auprès du ministre de l’économie, des finances et de la relance et de la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, chargé de la transition numérique et des communications électroniques. N’avez-vous jamais regardé votre portable pendant que le ministre parlait ?
M. le président. La parole est à M. Michel Canévet.
M. Michel Canévet. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, je vous dis clairement, le groupe Union Centriste aurait bien entendu préféré que l’on puisse examiner les dépenses de ce budget 2022, en discutant concrètement les propositions budgétaires. J’en suis sûr, cela aurait attiré un bien plus grand nombre de nos collègues. Quoi qu’il en soit, je tiens à remercier et à féliciter tous ceux, qui, ce soir, se sont déplacés pour venir jusqu’ici.
Au cours de nos dernières discussions budgétaires, nous avons beaucoup parlé de l’évolution très forte du PIB. On s’est gaussé des chiffres : le Gouvernement avait prévu une augmentation 6 %, et, finalement, l’ensemble des observateurs ont revu à la hausse leurs prévisions de croissance pour cette année, puisque celle-ci approcherait les 7 %, ce qui pourrait laisser entendre un surcroît de recettes et l’apparition de cagnottes.
Le groupe Union Centriste l’a dit, il n’y aura pas de cagnotte. Il faut simplement que l’argent issu de la croissance vienne diminuer le déficit budgétaire de l’État, qui est extrêmement important, vous avez eu raison de le rappeler, monsieur le rapporteur général.
M. Vincent Segouin. Abyssal !
M. Michel Canévet. Il sera de 143 milliards d’euros l’année prochaine.
Les crédits de certaines missions augmentent. Je pense notamment à la mission « Défense », qui connaît une hausse légitime de 1,7 milliard d’euros, conformément à la loi de programmation militaire que nous avons votée ici.
Je pense également à la mission « Enseignement scolaire », qui augmente également de 1,7 milliard d’euros. Certes, il s’agit d’une priorité de la Nation. Toutefois, le groupe Union Centriste considère qu’il est nécessaire de faire une revue de dépenses à cet égard. En effet, il n’est pas logique que des montants aussi significatifs – c’est le premier poste de dépenses de l’État, monsieur le secrétaire d’État – soient affectés sans que nous percevions au niveau des classements internationaux des résultats probants.
Si nous, les Bretons, pouvons nous prévaloir d’obtenir les meilleurs résultats aux examens nationaux, notamment au brevet des collèges et au baccalauréat, cela ne saurait constituer un motif de satisfaction pour nous. Nous souhaitons que l’ensemble des petits Français puissent apprendre dans les meilleures conditions et obtenir les meilleurs résultats.
Je pense encore à la mission « Engagements financiers de l’État », qui augmente de 1,5 milliard d’euros. Cela a été dit, nous sommes nombreux à être préoccupés de l’endettement de notre pays.
Vanina Paoli-Gagin a évoqué tout à l’heure la perspective de 115 %. À cet égard, rappelons-nous les critères de Maastricht au moment où nous avions institué, fort heureusement, la monnaie unique, à savoir l’euro. À l’époque, la dette publique maximale ne devait pas être supérieure à 60 % du PIB, tandis que le déficit public devait rester inférieur à 3 % du PIB. Aujourd’hui, nous sommes très loin de ces critères ! Il importe donc de prendre des dispositions.
Le groupe Union Centriste suggère d’instituer une règle d’or, car il n’est pas admissible de continuer à dépenser plus que ce que nous percevons. On ne peut indéfiniment augmenter la dette ! Rappelons-nous que Colbert, dont la représentation est située derrière le président et qui nous surveille tous ici, disait à Louis XIV : « Après les emprunts, il faudra les impôts pour les payer et si les emprunts n’ont point de bornes, les impôts n’en auront pas davantage. »
M. Jean-François Husson. Tout à fait !
M. Michel Canévet. Par conséquent, ceux qui se disent sociaux-démocrates doivent y être bien attentifs : la maîtrise de la dépense publique est absolument nécessaire. Quant aux démocrates-sociaux, qui sont plutôt libéraux, ils pensent qu’il convient de revenir à l’orthodoxie budgétaire, c’est-à-dire à l’équilibre budgétaire.
La règle d’or doit pouvoir y concourir, par une augmentation des recettes, bien sûr, mais aussi par une bien meilleure maîtrise des dépenses. Toutefois, monsieur le secrétaire d’État, je ne veux pas fustiger le Gouvernement à cet égard. En effet, en 2009, le déficit de la France était de 138 milliards d’euros ; en 2010, il était de 148 milliards d’euros.
Nous devons donc tous balayer devant notre porte, la situation pandémique étant extrêmement grave.
Le débat porte également sur la réforme de l’État. Au nom du groupe Union Centriste, je veux saluer les efforts qui ont été faits par l’administration des finances publiques, qui dépend du ministère auquel vous êtes rattaché, monsieur le secrétaire d’État. Je pense notamment au prélèvement à la source et à la contemporanéisation d’un certain nombre de prestations. Par ailleurs, la refonte en cours du réseau des finances publiques montre bien qu’un effort sur les effectifs est possible. En la matière, le ministère des finances a montré l’exemple. Il importe qu’il soit suivi par le plus grand nombre.
Toutefois, il conviendra d’accroître les efforts concernant la lutte contre la fraude fiscale. Ce matin, la commission des finances s’est largement plongée sur la question des « CumEx Files » et des « CumCum Files », dispositifs visant à échapper à l’imposition sur les dividendes. Très clairement, nous avons besoin d’une politique proactive, pour éviter ces « événements » fiscaux et mieux lutter contre la fraude fiscale.
Dans le cadre de la réforme de l’État, sans doute convient-il de s’interroger sur ce qui doit effectivement être assumé par l’État. Le groupe Union Centriste estime que celui-ci doit se replier sur les fonctions régaliennes.
Ainsi, est-il nécessaire que l’État institue un pass culture et un Pass’Sport ? Est-il nécessaire que le ministère des sports subventionne les équipements sportifs neufs ? Cela ne relève-t-il pas, dans une France décentralisée, de la compétence des collectivités territoriales ? Si l’État ajoute sa propre politique à celle des collectivités territoriales, nous entrons dans un processus qui pourrait être considéré comme redondant.
Je pense également au domaine économique. Tout à l’heure, dans le cadre des questions d’actualité, le Gouvernement a été interpellé au sujet d’un problème que rencontre une entreprise en Aveyron. Il convient également d’interroger la région, qui est compétente en matière économique. Pourquoi se retourne-t-on systématiquement vers l’État en pareil cas ?
Je souhaite également évoquer la question des crédits d’impôt, qui doivent être revus. Le groupe Union Centriste estime qu’il faut être le plus mesuré possible en la matière.
Ainsi, pour ce qui concerne les dons aux associations, pourquoi l’essentiel de l’effort pèse-t-il sur l’État ? Le taux de réduction d’impôt pour dons est passé, pour un certain nombre de cas, de 66 % à 75 %. Je pense notamment aux dons pour Notre-Dame de Paris. L’effort doit être partagé ! Un taux de 50 % paraîtrait plus logique. (Applaudissements sur les travées du groupe UC. – Mme Vanina Paoli-Gagin applaudit également.)
M. le président. La parole est à Mme Véronique Guillotin.
Mme Véronique Guillotin. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, la crise structurelle que connaît notre système de santé depuis plusieurs années a été aggravée par la crise conjoncturelle de la covid-19. Elle a mis en lumière ce que soignants et élus dénonçaient depuis déjà trop longtemps : malgré les réformes successives engagées, nous faisons face à la nécessité d’une transformation en profondeur de notre système de soins.
L’examen du PLFSS (projet de loi de financement de la sécurité sociale) pour 2022 a été l’occasion de constater, pour la deuxième année consécutive, une aggravation sans précédent des comptes de la sécurité sociale. Celle-ci a enregistré en 2020 le plus lourd – et de loin – déficit de son histoire : il atteint près de 40 milliards d’euros sur l’ensemble des régimes obligatoires de base. C’est 10 milliards d’euros de plus que le précédent record, qui datait de 2010, au plus fort de la crise financière qui avait débuté en 2008. Et pour cause ! La crise de la covid a engendré une perte colossale des recettes, accompagnée d’une augmentation tout aussi colossale des dépenses de santé.
Le déficit sera encore de 35 milliards d’euros cette année, et devrait malheureusement se pérenniser à un niveau très élevé.
L’État a joué son rôle d’amortisseur et de protecteur durant la crise. Il était impensable de ne pas agir en conséquence, même si cela signifiait que le retour à l’équilibre des comptes sociaux s’éloignait durablement. Le « quoi qu’il en coûte » a été salutaire, et il n’est pas question ici de le remettre en cause.
Néanmoins, notre rôle de législateur, mais aussi d’élus locaux et, pour ma part, de médecin nous engage à voir plus loin : il faut reconstruire dès aujourd’hui une trajectoire de retour à l’équilibre des comptes sociaux. Pour ce faire, il convient de prendre la mesure de l’ampleur des déséquilibres actuels.
Les dépenses de l’assurance maladie ne sont pas, comme dans le budget général de l’État, des dépenses d’investissement : il s’agit de dépenses de répartition, qui doivent donc être équilibrées. C’est pourquoi la Cades, la Caisse d’amortissement de la dette sociale, financée par un impôt spécifique, a été créée pour rembourser la dette de la sécurité sociale. Or, en 2021, pour 1 000 euros dépensés dans la branche maladie, 130 euros sont financés par de nouvelles dettes à la charge des générations futures.
Nous ne pouvons pas nous satisfaire d’une telle situation, d’autant que les dépenses de santé continueront probablement continuer à augmenter. D’une part, la crise sanitaire s’installe dans la durée ; d’autre part, nous avons engagé, dans le cadre du Ségur, des revalorisations pour les soignants et des dépenses d’investissement. Bien qu’indispensables et urgentes, elles représentent près de 40 % des dépenses supplémentaires en 2022. Enfin, les nouveaux traitements, plus ciblés et plus innovants, coûtent naturellement beaucoup plus cher.
Sur ces sujets, il est impensable de revenir en arrière : la France doit permettre à tous les patients d’accéder au meilleur traitement et aux soignants de travailler dans les meilleures conditions.
Il faudra donc faire des économies, mais pas en matière de qualité des soins et pas n’importe comment.
Dans un premier temps, il nous faut mieux évaluer nos politiques de santé. Cela passe par un PLFSS réformé, comme nous l’avons voté il y a quelques semaines. Cela passe aussi, de l’avis général du Sénat, par un recentrage de la sécurité sociale sur ses missions premières. Ainsi, le transfert, en 2020, de Santé publique France à l’assurance maladie a considérablement plombé les comptes de la sécurité sociale. Il n’est pas normal que l’État ne compense pas ce transfert à son coût réel, mettant encore plus en difficulté les comptes sociaux.
Dans un second temps, il faut sans doute lutter davantage contre la fraude, car il n’y a pas de petites économies. La gestion des dépenses doit aussi passer par un effort sur la réduction des soins redondants, l’efficience des soins, leur gradation en fonction des besoins individuels, la généralisation du dossier médical partagé et la facilitation du maintien à domicile.
Enfin, les recettes de la sécurité sociale ne peuvent plus reposer exclusivement sur le travail. Il nous faudra inventer d’autres sources de financement, sans quoi chaque nouvelle crise fera de nouveau plonger durablement nos comptes sociaux dans le rouge. Nous avons besoin d’un financement pérenne pour que cette instabilité cesse de peser comme une menace sur notre système de soins, et pour ne pas transmettre cette charge aux futures générations.
Nous avons beaucoup entendu parler du projet de « grande sécu », notamment par la voix du ministre de la santé, qui teste sans doute ce sujet en vue de la campagne électorale.
L’idée est lancée, le débat est ouvert. Il s’agit d’une prise en charge intégrale par l’assurance maladie obligatoire d’un panier de soins aux prix encadrés. Les complémentaires seraient cantonnées à rembourser les actes médicaux aux tarifs libres ou, par exemple, les frais de chambre individuelle. Ce seraient des cotisations et des frais de gestion en moins pour les ménages, mais cela représenterait tout de même 22,4 milliards d’euros de charges supplémentaires pour les finances publiques, soit une augmentation d’environ 1,5 point de CSG.
Je n’ai pas de solution toute trouvée, mais j’ai la conviction qu’un tel débat est indispensable. À l’aube de l’élection présidentielle, une refonte plus structurelle et plus durable est à construire. (M. Jean-François Husson applaudit.)
M. le président. La parole est à Mme Christine Lavarde. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Christine Lavarde. Monsieur le secrétaire d’État, en parfaite concertation avec M. le rapporteur général, qui a évoqué les comptes publics, je m’intéresserai pour ma part à la réforme de l’État.
Je m’attacherai à revenir sur les trois points défendus par le Président de la République, à savoir la réduction du nombre d’agents publics, la fin des grands corps et la dématérialisation et la simplification des démarches administratives. Je suis sûre que ce dernier point vous passionnera, dans la mesure où je l’ai choisi spécialement pour vous, monsieur le secrétaire d’État. (Sourires.)
S’agissant de la réduction du nombre d’emplois publics, la promesse n’a pas été tenue. En effet, le candidat Emmanuel Macron avait annoncé 120 000 emplois en moins sur la durée du quinquennat, soit 24 000 emplois par an, 10 000 emplois pour l’État et 14 000 pour les collectivités locales.
En juillet 2021, avec lucidité, le ministre délégué chargé des comptes publics annonçait que l’objectif de suppression était abandonné, au profit d’un objectif de stabilité de l’emploi de l’État pour la durée du quinquennat. Et cette « stabilité » doit encore être examinée en détail !
Dans le même temps, les dépenses de personnels de l’État ont fortement augmenté. Entre le PLF 2021 et le PLF 2022, elles croissent de 3,4 %. Quant aux dépenses de personnels des collectivités locales, elles ne sont pas en reste et connaissent une hausse continue de la masse salariale depuis 2018.
Si l’objectif n’a pas été rempli, c’est certainement parce que la méthode n’était pas la bonne. Permettez-moi de reprendre l’analyse de l’historien Émilien Ruiz, tirée de son livre Trop de fonctionnaires ? Histoire d’une obsession française. Depuis les années 1980, les politiques expliquent qu’il faut réduire le nombre de fonctionnaires pour des raisons budgétaires, à la différence des époques antérieures, où la réduction du nombre des fonctionnaires se fondait sur une vision selon laquelle l’État n’avait pas à intervenir dans l’éducation, le social ou l’économie. Ainsi, la stratégie de réduction ne s’accompagne plus d’une volonté de repenser l’action de l’État.
Ce rôle incombe aux hauts fonctionnaires que votre gouvernement semble avoir pris en grippe. Souvenez-vous de ces mots, prononcés en 2015 par Jean-Marc Sauvé, alors vice-président du Conseil d’État : « Il nous faut ainsi revenir aux sources de l’intérêt général, qui n’est pas un mot creux, mais le ciment de notre société. Les hauts fonctionnaires doivent contribuer à le promouvoir, mais aussi à l’actualiser et à hiérarchiser les actions qui s’y rattachent. C’est un devoir qui s’impose à eux, même si le dernier mot ne saurait leur appartenir. »
Il poursuit : « Il nous faut mieux conjuguer le court et le long terme et constamment relier l’action immédiate à une vision prospective et stratégique des politiques à conduire. Les exigences de l’action ne sauraient conduire à négliger les enjeux de moyen et long terme. Si les hauts fonctionnaires l’oublient, qui s’en chargera ? »
Je me limiterai à la citation de ces mots puissants pour évoquer la réforme de la haute fonction publique, sur laquelle le Sénat a déjà largement exprimé son mécontentement, tant sur la forme que sur le fond.
Réformer la haute fonction publique sans s’attaquer aux 483 taxes, impôts et cotisations, aux 3 500 pages du code du travail et aux 400 000 normes revient à donner un coup d’épée dans l’eau.
J’en arrive à mon dernier thème, celui de la numérisation de l’État.
Le programme du candidat Emmanuel Macron était très ambitieux, puisque l’objectif fixé était de pouvoir réaliser 100 % des démarches administratives en ligne à l’horizon 2022.
Le programme Action publique 2022 dressait le constat fort juste que « le numérique […] permet de remplir conjointement [les] deux objectifs [d’un meilleur service public et d’une diminution des dépenses de fonctionnement] et c’est ce qui change […] par rapport aux exercices précédents de réforme de l’action publique ».
Sur les 242 démarches phares de l’État recensées par le Gouvernement, 40 ne sont pas encore totalement réalisables en ligne.
J’ai constaté que l’éducation nationale et la justice étaient particulièrement en retard. J’ai noté également que la plateforme voxusagers.gouv.fr, qui permettait voilà quelques mois aux usagers de raconter leurs expériences et de donner leur avis sur le service public, a tout simplement disparu. Désormais, ce lien renvoie au site de l’Observatoire du numérique. C’est dommage : la lecture des expériences des usagers était parfois édifiante, et on ne peut qu’imaginer les commentaires qui auraient été publiés sur les deux bugs qu’a connus la CAF, l’un au mois d’octobre, dont les conséquences ont été relativement graves en matière de divulgation de données personnelles, l’autre aujourd’hui même…
M. Jean-François Husson. Le Gouvernement n’aime pas les reproches…
Mme Christine Lavarde. Dans le Digital Economy and Society Index pour 2021 réalisé par la Commission européenne, si notre pays obtient de très bons résultats dans les domaines des données ouvertes et des services numériques aux entreprises, sa performance en matière de services numériques aux citoyens est inférieure à la moyenne européenne – et je ne parle pas de sa performance pour ce qui est du nombre de formulaires préremplis : pour le coup, elle se révèle parfaitement médiocre…
Bien souvent hélas ! la numérisation n’a pas été synonyme de simplification : sauf exception, l’occasion qui était offerte de repenser la politique publique ou la manière dont elle est administrée n’a pas été saisie. Un seul exemple : essayez de faire une demande de carte grise en France et faites de même en Finlande… Vous constaterez par vous-même !
La simplification et la lisibilité ne sont pas les maîtres mots de la gouvernance de la politique du numérique. Sur la thématique des contenus en ligne, on recense pas moins de cinq acteurs publics : observatoire de la haine en ligne, plateforme d’harmonisation, d’analyse, de recoupement et d’orientation des signalements (Pharos), numéros dédiés au harcèlement et au cyberharcèlement, délégation interministérielle à la lutte contre le racisme, l’antisémitisme et la haine anti-LGBT, service, dit Viginum, de vigilance et de protection contre les ingérences numériques étrangères.
Et malgré l’existence d’un secrétaire d’État – vous-même –, les compétences sont éparpillées dans la sphère étatique : Direction interministérielle du numérique, Agence nationale de la sécurité des systèmes d’information, service numérique de la direction générale des entreprises, ambassadeur pour le numérique.
Il me semble donc qu’il est possible, dans ce secteur, de gagner en efficacité et en efficience.
Trois grands chantiers restent ouverts.
L’inclusion numérique, tout d’abord, est largement perfectible. En la matière, la France a même rétrogradé, glissant, entre 2017 et 2020, de la neuvième à la douzième place du classement établi par la Commission européenne. C’est un recul des gouvernements socialistes qui est ici en cause : des mesures avaient été annoncées en 2012 par le gouvernement Fillon, avant d’être abandonnées.
M. Jean-François Husson. Et voilà !
Mme Christine Lavarde. Quant à votre gouvernement, monsieur le secrétaire d’État, il a attendu deux ans, septembre 2018, pour présenter une stratégie, initialement privée de moyens. Heureusement, le plan de relance est passé par là ; quid, néanmoins, de la pérennité de ces crédits ?
Ayons tous à l’esprit les propos de Mme la secrétaire générale du Secours populaire français : « Ce n’est pas par les ordinateurs que vous allez résoudre les problèmes des gens ! »
Il conviendrait, ensuite, d’instaurer une identité numérique ; Amélie de Montchalin est revenue sur ce thème, jeudi dernier, devant la délégation sénatoriale à la prospective.
Dernier sujet, mais pas des moindres : celui de la constitution d’un cloud souverain. Le 18 octobre dernier, plusieurs start-up françaises ont décidé de lancer leur propre initiative, contredisant le Président de la République qui, lors de la présentation du plan France 2030, estimait impossible pour la France de se doter d’un cloud totalement souverain d’ici cinq ans. (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à Mme Isabelle Briquet. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
Mme Isabelle Briquet. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, « figer l’État, c’est supprimer l’espérance, c’est supprimer l’action. […] Si l’on se risquait à caractériser l’État d’aujourd’hui, on ne le pourrait qu’en introduisant […] l’idée de mouvement ».
Ces propos de Jaurès définissent parfaitement l’enjeu qui est celui de la réforme de l’État : conserver une capacité d’action, c’est-à-dire préserver les moyens qu’exige la mise en œuvre des politiques publiques. La réforme de l’État ne saurait ainsi être considérée sous le seul prisme des comptes publics.
De surcroît, comme le souligne justement Jaurès, réformer est un mouvement permanent ; cela prend du temps. Nous constatons actuellement les conséquences néfastes de réformes brutales conduites dans le seul but de réduire la dépense publique.
Un des exemples les plus marquants en est incontestablement la RGPP, dont la volonté affichée de modernisation de l’État a été totalement éclipsée par l’impératif financier de réduction de ses dépenses. Cette réforme, qui a opéré des réductions massives d’emplois publics à force de réorganisations de différents services, n’a pas pour autant redéfini les missions de l’État ni empêché la dépense publique de continuer d’augmenter.
Est-ce à dire qu’il ne faut pas réformer l’État ? Absolument pas ! Les services publics doivent nécessairement s’adapter pour répondre aux besoins de la population.
Ces dernières années, en effet, tout a changé. Grâce à l’informatique, de nouveaux services de démarches en ligne simplifient les demandes administratives des usagers. Il en est ainsi de la dématérialisation des titres sous l’égide de l’Agence nationale des titres sécurisés.
Cette évolution, quoique souhaitable, doit néanmoins s’assortir de moyens humains.
Les systèmes d’information et les logiciels nous permettent de gagner un temps précieux dans nos démarches. Cependant, nous devons faire en sorte qu’ils restent des outils au service des citoyens et des agents du service public, afin d’éviter que bon nombre de Françaises et de Français, singulièrement les plus fragiles, ne soient laissés de côté.
En zone rurale, le développement des maisons France Services pour pallier la fermeture de nombreux services publics, les trésoreries notamment, peine encore à répondre aux besoins des élus et des populations. Si ces structures permettent d’accéder à certaines démarches administratives, l’accompagnement humain n’est pas à la hauteur des enjeux. Les écrans et les systèmes d’information, censés faciliter les démarches des citoyens, s’apparentent parfois à des barrières numériques.
Garantir l’accès aux services publics de proximité, c’est lutter contre la fracture numérique, c’est renforcer le maillage territorial, c’est préserver la présence d’agents sur le terrain. Et c’est surtout s’en donner les moyens !
Réformer pour réformer, sans définir clairement les enjeux, n’a pas de sens.
La mère de toutes les réformes de l’État est bien celle qui permet d’assurer l’égal accès aux services publics en tout point du territoire.
Il revient aux gouvernements, quels qu’ils soient, de mener cette réforme afin de garantir l’équité territoriale et la cohésion nationale. (Applaudissements sur les travées du groupe SER. – M. Pascal Savoldelli applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Cédric O, secrétaire d’État auprès du ministre de l’économie, des finances et de la relance et de la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, chargé de la transition numérique et des communications électroniques. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je vous remercie de vos interventions sur un sujet qui est évidemment au cœur des préoccupations des Français. Je tiens à excuser l’absence du ministre Olivier Dussopt, qui est en déplacement à l’étranger.
Vous avez été plusieurs à évoquer le déséquilibre des comptes publics. Je m’attacherai, pour commencer, à y revenir.
Le Gouvernement est toujours resté fidèle au principe de sérieux budgétaire, qui n’a cessé de guider son action. C’est d’ailleurs – je me permets une rapide exégèse historique – grâce au sérieux de cette gestion que nous avons pu faire face à la crise. Je rappelle qu’au début de ce quinquennat nous avons ramené le déficit à un niveau, 2,3 % en 2018, que notre pays n’avait plus connu depuis près de vingt ans. Ce résultat a été obtenu grâce à une bonne maîtrise de la dépense publique. Celle-ci n’a augmenté que de 0,8 % en volume sur la première partie du quinquennat, le ratio de dépenses publiques diminuant, en parallèle, de 1,5 point de PIB.
Cette gestion sérieuse nous a permis de faire baisser les impôts des Français et des entreprises : nous avons ramené le taux de prélèvements obligatoires à un niveau que nous n’avions pas connu depuis plus de vingt ans.
Grâce à ces bons résultats, nous avons réussi à soutenir massivement notre économie, notamment pendant la crise.
J’aimerais à cet égard souligner que la stratégie économique du Gouvernement a rendu possibles le rebond de notre économie et, par conséquent, la réduction du poids du déficit et de la dette sur notre PIB. Cette réussite s’illustre très clairement dans le projet de loi de finances pour 2022 adopté par le Parlement voilà quelques jours.
La politique de l’État a été couronnée de succès, la prévision de croissance pour 2021 ayant été rehaussée à 6,25 % – chacun, sur ces travées, s’en réjouira. La France affiche ainsi la deuxième progression de croissance la plus forte dans l’Union européenne cette année ; c’est également le pays européen dont le taux de croissance devrait être le plus élevé en 2021. Notre acquis de croissance à la fin du troisième trimestre est en effet le plus important parmi les pays de la zone euro dont les données sont disponibles. Les perspectives macroéconomiques françaises s’améliorent à tel point que nous avons dû récemment – je l’ai dit – relever notre prévision de croissance à 6,25 % au lieu de 6 % dans le texte initial du PLF 2022. (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.)
Je poursuis, sous les vivats de la foule (Mme Christine Lavarde ainsi que MM. Jean-François Husson et Vincent Segouin s’exclament.) : alors que la crise économique et sanitaire a nécessité une mobilisation sans précédent, notre action ciblée sur les entreprises et les ménages a bel et bien porté ses fruits. L’économie repart ! Le scénario macroéconomique modifié sur cette base, les recettes de l’État s’en trouveront mécaniquement accrues, pour l’exercice 2021 comme pour l’exercice 2022.
Il y a là autant d’indices qui viennent confirmer l’efficacité de la politique de soutien et de relance du Gouvernement et notre capacité à rétablir l’équilibre de nos comptes publics. La croissance réduit en effet mécaniquement le déficit public et la dette publique rapportés au PIB par comparaison avec nos prévisions antérieures.
Par ailleurs, monsieur Savoldelli, le respect étant bilatéral et dans la mesure où vous m’interpellez sur mon manque d’attention, je me permets de vous retourner le compliment.