Mme la présidente. Nous allons maintenant procéder au débat interactif.
Je rappelle que chaque groupe dispose d’une question de deux minutes maximum, y compris l’éventuelle réplique. Le Gouvernement dispose pour sa réponse d’une durée équivalente.
Dans le débat interactif, la parole est à M. Jean-Pierre Corbisez.
M. Jean-Pierre Corbisez. Madame la secrétaire d’État, dans une société fracturée et en manque de repères pour les jeunes, je ne doute pas que les projets présidentiels de mentorat et de service national universel puissent aider au renforcement de la cohésion sociale. Hélas, les objectifs fixés en termes d’effectifs pour 2021 ne devraient pas être atteints d’ici à la fin de l’année.
En effet, il y a peu, pour le mentorat, seuls 45 000 jeunes étaient inscrits sur les 100 000 envisagés. S’agissant du service national universel, le même constat peut être observé avec moitié moins de recrues que prévu.
Dans ces conditions, bien évidemment liées à la pandémie, et en période préélectorale, est-il prudent de promettre, comme c’est le cas dans le projet de loi de finances pour 2022, des cibles d’effectifs trop ambitieuses ? En outre, ne faudrait-il pas évaluer ces dispositifs avant de les généraliser quoi qu’il en coûte ?
Un peu de modestie budgétaire à leur égard aurait permis de soutenir d’autres secteurs également fragilisés par la crise sanitaire. Je pense aux colonies de vacances et, plus largement, à l’accueil des plus jeunes pour lesquels la formation des animateurs et encadrants a pris un sérieux retard, ce qui entraîne d’importantes difficultés de recrutement.
Or le prochain budget entérine une baisse de 18 % des crédits consacrés aux examens et certifications, là où il aurait fallu a minima les stabiliser…
À cela s’ajoutent les inquiétudes des élus locaux sur la généralisation des conventions territoriales globales. Ce nouveau mode de contractualisation de la Caisse nationale des allocations familiales (CNAF) relatif aux politiques de l’enfance et de la jeunesse ne fait pas l’unanimité. Outre qu’il interfère avec les choix politiques des élus, il durcit les conditions de contractualisation et hypothèque certains financements.
Madame la secrétaire d’État, pouvez-vous rassurer les élus locaux sur la préservation de leurs politiques contractuelles en direction de l’enfance et de la jeunesse ?
Par ailleurs, au vu du développement ralenti du mentorat et du service national universel, l’État envisage-t-il un rééquilibrage des crédits au profit d’autres actions auprès des plus jeunes ?
Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Sarah El Haïry, secrétaire d’État auprès du ministre de l’éducation nationale, de la jeunesse et des sports, chargée de la jeunesse et de l’engagement. Monsieur le sénateur Corbisez, notre ambition a été trop forte, je vous l’accorde, mais seulement en termes de calendrier, qui a été ralenti pour le service national universel.
En revanche, notre ambition n’a pas baissé pour l’effectif des jeunes évalués. L’année dernière, 25 000 jeunes étaient attendus pour effectuer le service national universel ; finalement, ils ne sont que 15 000, puisque les protocoles sanitaires nous imposaient de réduire l’effectif. Mais, en réalité, plus de 30 000 jeunes se sont inscrits. Cela signifie que cette ambition pourra être atteinte lorsque nous serons libérés du port du masque, et plus largement de la crise sanitaire.
La même énergie a été déployée sur le mentorat, pour lequel 30 millions d’euros ont effectivement été investis.
Le mentorat est fondamentalement un accélérateur d’égalité des chances. Nous le percevons comme un moyen de permettre à chaque jeune, quelle que soit son aspiration, de ne pas céder à l’autocensure et de développer une énergie ou un réseau, familial ou autre, dont il ne disposerait pas.
Vous avez insisté, monsieur le sénateur, sur le rôle de la CNAF.
Nous organisons actuellement des assises de l’animation, auxquelles participent la CNAF, les associations d’éducation populaire, les représentants des élus locaux et les associations d’élus.
Si nous voulons porter cette ambition de l’accompagnement, périscolaire ou extrascolaire, des plus jeunes dans nos territoires, nous avons besoin de construire des projets au niveau local et donc de conclure des alliances territoriales, notamment éducatives.
Il convient à cet égard de relever deux enjeux : premièrement, redynamiser les parcours, en particulier ceux de l’animation professionnelle, en prévoyant une revalorisation des emplois et des salaires ; deuxièmement, recréer des envies de s’engager, grâce à la revalorisation du BAFA.
Aujourd’hui, je le sais, le coût du BAFA est un frein. Pour l’année prochaine, un investissement massif est prévu dans le budget de mon secrétariat d’État pour financer une aide nouvelle à destination de 20 000 jeunes souhaitant passer ce brevet. Mais au-delà de cette aide ponctuelle, il faut une réponse structurelle. J’espère que ces assises de l’animation aboutiront à l’adoption d’un plan d’action massif.
Mme la présidente. La parole est à Mme Sabine Van Heghe. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
Mme Sabine Van Heghe. Madame la secrétaire d’État, près de 1 million d’enfants subissent chaque année le harcèlement scolaire, avec des conséquences toujours trop lourdes sur les victimes.
Le cyberharcèlement aggrave encore le phénomène, car il abolit les frontières de l’établissement pour ne laisser aucun répit aux enfants harcelés. Et les réseaux sociaux agissent peu dans la lutte contre les actes de malveillance sur internet.
Il faut que la présidence française de l’Union européenne porte ce dossier au niveau européen et que, parallèlement, ce juste combat soit déclaré grande cause nationale 2022-2023.
Le harcèlement scolaire est l’affaire de tous, et à ce titre l’intervention du Président de la République du 18 novembre dernier a au moins permis d’aborder la question, même si les mesures annoncées sont bien insuffisantes.
II n’y a pas de remède miracle pour lutter contre ce fléau, et il ne doit pas y avoir de fausse polémique entre nous puisque, depuis plus de dix ans, tous les gouvernements se sont mobilisés sur cet enjeu.
Cependant, je regrette que ni le Président de la République ni le ministre Blanquer n’aient évoqué les travaux du Sénat sur la question, et particulièrement le rapport de la mission d’information que j’ai eu l’honneur de présider aux côtés de notre collègue rapporteure Colette Mélot.
Pas un mot sur la nécessité de plus de personnels médico-sociaux dans les établissements ; pas un mot non plus sur la nécessité d’une formation accrue des personnels des établissements pour faciliter la détection des signaux faibles ; pas un mot, enfin, sur les mesures simples de communication à destination des élèves.
Ces quelques mesures sont extraites des trente-cinq propositions unanimes de la mission d’information sénatoriale, qui sont le fruit d’un constat : les dispositifs existent, mais ils ne sont pas connus, pas suffisamment utilisés, à l’image du programme pHARe (programme de lutte contre le harcèlement à l’école), généralisé à la rentrée 2021.
Ce qui fait défaut, c’est le traitement du « dernier kilomètre », et il serait incompréhensible, madame la secrétaire d’État, que vous passiez l’excellent travail du Sénat et notre rapport transpartisan par « pertes et profits ».
Quand allez-vous enfin vous emparer des propositions de notre mission, propositions qui sont à la fois concrètes, réalistes et applicables immédiatement, pour peu que la volonté politique soit là ? (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Sarah El Haïry, secrétaire d’État auprès du ministre de l’éducation nationale, de la jeunesse et des sports, chargée de la jeunesse et de l’engagement. Madame la sénatrice Van Heghe, lutter contre le harcèlement et le cyberharcèlement n’est une question ni de couleur politique ni de position partisane, bien au contraire ! Aucune personne un tant soit peu engagée ne se priverait de propositions ou de rapports étayés. Dans votre rapport, vous évoquez la nécessité de diffuser plus fortement l’information aux élèves et d’organiser davantage de formations pour les enseignants, deux propositions parmi les trente-cinq que vous avez portées.
Aujourd’hui le programme pHARe n’est pas l’alpha et l’oméga de la lutte contre le harcèlement et le cyberharcèlement, mais c’est un outil extrêmement vivant, qui peut être complété au fur et à mesure. Ce programme comprend un certain nombre de mesures qui s’appuient en réalité sur l’expertise de votre rapport. Je pense par exemple à l’utilisation d’outils pédagogiques, comme les concours, au calendrier qui est mis en place, à l’affichage des informations, au dispositif Stop harcèlement et au site Non au harcèlement, et plus largement à la mobilisation et à la sensibilisation du corps enseignant.
Il est, je le crois, plus que jamais nécessaire de lever le tabou sur un fléau : avant le cyberharcèlement, il y avait le harcèlement ; aujourd’hui, celui-ci ne s’arrête pas aux salles de classe et aux abords des écoles, il peut continuer à la maison sous sa forme numérique. Il faut accompagner les parents et les enseignants, et sensibiliser les enfants.
Aujourd’hui, à l’Assemblée nationale, une proposition de loi portée le député Erwan Balanant vise à aller encore plus loin dans la lutte contre le harcèlement scolaire.
Madame la sénatrice, les propositions qui figurent dans votre rapport et la mobilisation de l’ensemble des acteurs du monde éducatif – de l’éducation scolaire et populaire – nous permettront de nous outiller et de sensibiliser pour protéger nos enfants.
Mme la présidente. La parole est à M. Franck Menonville. (M. Jean-Pierre Decool applaudit.)
M. Franck Menonville. Madame la secrétaire d’État, le parcours scolaire de la maternelle aux études supérieures dessine un continuum de formation de la jeunesse française à la culture républicaine. Les valeurs intangibles, le sens du collectif, l’esprit civique qui y sont inculqués forment la clé de voûte indispensable à la cohésion de notre société.
L’un des piliers de cet apprentissage est l’éducation morale et civique, une matière à part entière depuis la réforme de 2015. Cette matière mériterait encore des ajustements, me semble-t-il.
Il conviendrait d’abord d’augmenter le nombre d’heures qui y sont consacrées ou, à défaut, de prioriser son contenu au regard de l’ampleur du programme.
Par ailleurs, je pense souhaitable de renforcer le programme « Apprendre ensemble et vivre ensemble » à l’école maternelle, en insistant notamment sur la prévention et la lutte contre le harcèlement scolaire, qui touche aussi les très jeunes enfants.
Le ministre de l’éducation nationale a annoncé l’année dernière vouloir valoriser l’engagement des élèves dans le cadre d’une réforme du brevet des collèges. Cette idée me semble très intéressante : est-elle toujours d’actualité ? Le cas échéant, sous quelle forme l’envisagez-vous ?
Je pense qu’il faudrait également valoriser l’engagement des citoyens, notamment le bénévolat des élèves de lycée au travers de Parcoursup, en prévoyant une rubrique dédiée dont les algorithmes pourraient tenir compte.
Enfin, je souhaite attirer votre attention sur l’importance de développer le mentorat entre lycéens et jeunes diplômés des grandes écoles, pour contrer l’éloignement social et géographique des élèves des écoles les plus sélectives de notre pays, souvent parisiennes.
En milieu rural, nous constatons une forte autocensure chez des élèves pourtant prometteurs. Institutionnaliser le mentorat serait un moyen de lever cet obstacle, tout en favorisant la réussite de tous les élèves.
Nous sommes là au cœur de l’idéal républicain et de la promesse républicaine. (M. Jean-Pierre Decool applaudit.)
Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Sarah El Haïry, secrétaire d’État auprès du ministre de l’éducation nationale, de la jeunesse et des sports, chargée de la jeunesse et de l’engagement. Monsieur le sénateur Menonville, je souscris totalement à votre intervention, que ce soit sur l’idéal républicain, sur le mentorat ou sur la nécessité de renforcer l’éducation civique et morale. Le projet de Jean-Michel Blanquer de reconnaître et de valoriser l’engagement au sein du brevet est toujours d’actualité et en cours d’expérimentation.
L’objectif est simple : pour devenir citoyen, il faut suivre un parcours qui comprend plusieurs étapes et qui nécessite des repères. L’engagement dès le plus jeune âge doit être valorisé, ce qui pose la question du brevet, du service national universel et de la reconnaissance des engagements bénévoles dans Parcoursup.
Aujourd’hui, il existe une première rubrique, mais sincèrement nous pouvons aller beaucoup plus loin en termes de reconnaissance du bénévolat et de l’engagement, que ce soit dans le cadre de la démocratie scolaire – lorsqu’un élève est délégué ou codélégué d’un conseil des délégués pour la vie lycéenne (CVL) – ou dans sa commune – dans un conseil municipal des jeunes ou sous une autre forme. Il ne faut pas créer de hiérarchie entre les différents engagements.
Au-delà de la reconnaissance à des moments clés, comme le brevet et le bac, je crois à l’importance des rituels et des rites de passage. Le brevet est un rite de passage, le baccalauréat en est un aussi. Dans ces moments, on peut valoriser encore plus fortement le parcours de citoyenneté.
Vous avez demandé comment lutter contre l’autocensure : cela pose la question du soutien des associations qui font spécifiquement du tutorat et du mentorat. J’ai une affection particulière pour l’une d’entre elles, Des territoires aux grandes écoles, qui accompagne par du tutorat et du mentorat des jeunes venant des territoires ruraux. Ainsi, grâce à la force du témoignage et en quelque sorte du compagnonnage, ils cessent de s’autolimiter, de s’interdire de rejoindre une grande école au motif que son coût serait trop élevé ou qu’ils n’y auraient pas leur place.
Avec le tutorat et le mentorat, je crois, monsieur le sénateur, que nous sommes en train de bâtir le projet d’une République de l’égalité des chances, et surtout de l’égalité des possibles.
Mme la présidente. La parole est à Mme Anne Ventalon.
Mme Anne Ventalon. Madame la secrétaire d’État, la réforme du baccalauréat n’est pas encore arrivée à son terme qu’elle engendre déjà deux difficultés d’importance : sur le parcours des élèves et leur orientation, ainsi que sur les conditions de leur évaluation.
Point de départ de la réforme, l’organisation par spécialités pouvait permettre de décloisonner le cursus des élèves pour en finir avec la rigidité des anciennes filières. Malheureusement, vous le savez, l’offre de spécialités varie considérablement d’un établissement à l’autre.
Pire, le retour des options crée de nouveaux besoins financiers qui vont encore aggraver la baisse du nombre de spécialités enseignées dans les lycées.
Cette situation entraîne une véritable inégalité des chances entre les lycéens, dont nombre ne pourront suivre le cursus de leur choix. Moins cohérent ou moins complet, le profil de ces bacheliers fragilisera leurs candidatures auprès des établissements de l’enseignement supérieur.
Concernant le contrôle continu, sa forme actuelle présente deux inconvénients.
Il confère une dimension locale au baccalauréat, qui devait pourtant demeurer un diplôme national. Chacun connaît les fortes disparités de niveaux persistant d’un établissement à l’autre et sait qu’elles engendrent des barèmes de notes différents. Cela introduit un nouveau biais dans le dossier des élèves, avec des conséquences certaines sur leur traitement par Parcoursup.
De plus, le contrôle continu nourrit les pressions que subissent un nombre croissant de professeurs, à qui des parents d’élèves, certes anxieux, mais parfois vindicatifs, reprochent leur notation.
Madame la secrétaire d’État, pouvez-vous me répondre sur ces deux points ?
Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Sarah El Haïry, secrétaire d’État auprès du ministre de l’éducation nationale, de la jeunesse et des sports, chargée de la jeunesse et de l’engagement. Madame la sénatrice Ventalon, la réforme du baccalauréat avait pour objectif d’atténuer la césure qui suit ce diplôme et qui est à l’origine d’un vrai scandale français. En effet, soit les étudiants subissent un échec en première année, qui est même encore plus important qu’ailleurs ; soit ils se soumettent à une autre forme d’autocensure, en ne se dirigeant pas vers des filières professionnelles, parce que déconsidérées, ou agricoles, parce que méconnues, ou, inversement, en n’osant pas aller dans des filières scientifiques, parce que trop stéréotypées pour certains.
La réforme du bac a pour objet de rendre une certaine liberté aux jeunes sur la base d’une triple confiance : confiance en eux et dans leurs choix, confiance dans les professeurs qui peuvent dorénavant approfondir certaines disciplines et confiance dans les chefs d’établissement.
Vous avez posé la question du contrôle continu. Le baccalauréat est un diplôme national, et il faut que les notations soient équitables. Mais il permet aussi de valoriser la régularité du travail des élèves, qui ainsi ne prennent pas le risque d’être disqualifiés ou impactés par du bachotage au dernier moment. Cette demande venait plutôt en réalité des lycéens et de leurs familles.
La garantie nationale du baccalauréat est maintenue et le restera. Madame la sénatrice, je sais que le ministre est particulièrement vigilant à la démultiplication des réponses sur les matières de spécialité afin qu’il n’y ait pas d’inégalité territoriale.
Mme la présidente. La parole est à Mme Monique de Marco.
Mme Monique de Marco. Madame la secrétaire d’État, mon collègue Thomas Dossus a abordé le sujet de la précarité grandissante des jeunes et de l’avenir que nous leur offrons. Cet avenir est étroitement lié à celui des étudiants et des universités françaises.
J’aimerais vous donner deux chiffres marquants. Entre 2017 et 2022, le budget de l’enseignement supérieur rapporté au nombre d’étudiants a baissé de 7 % et le taux d’encadrement a, lui, chuté de 15 % en dix ans.
Nous savons que l’enseignement supérieur fait face à une augmentation importante du nombre d’étudiants. Elle est due en grande partie au boom démographique. L’évolution des effectifs, et donc des besoins, aurait dû être anticipée. Il est toujours possible de changer de vision et de réagir afin d’offrir de réelles perspectives à notre jeunesse.
Le Gouvernement ne peut plus ignorer le manque de budget des universités. Les présidents d’université nous le disent : ils sont dans une situation financière préoccupante et n’ont plus aucune marge de manœuvre budgétaire, pourtant nécessaire pour l’accueil de nouveaux étudiants.
Le nombre de places, notamment à l’entrée en master, n’a pas suffisamment augmenté et beaucoup d’étudiants se retrouvent sans solution de poursuite d’études. Bien d’autres n’accèdent pas à la filière qu’ils souhaitent et subissent une orientation par défaut.
La nouvelle sélection en master risque d’aggraver les inégalités et de contraindre encore davantage les choix des étudiants. Quand le Gouvernement proposera-t-il un budget décent pour l’enseignement supérieur français afin de donner la possibilité à tous les jeunes qui le souhaitent de poursuivre les études de leur choix ?
Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Sarah El Haïry, secrétaire d’État auprès du ministre de l’éducation nationale, de la jeunesse et des sports, chargée de la jeunesse et de l’engagement. Madame la sénatrice de Marco, le budget de l’enseignement supérieur, qui relève d’une discussion interministérielle, est en augmentation sur un certain nombre de points. Je pense à l’investissement et au réarmement de la recherche française dans le cadre de la loi Recherche qui a été votée en 2020, à hauteur de 25 milliards d’euros sur dix ans. Je pense également au soutien à l’enseignement supérieur par la consolidation d’actions en faveur de la réussite étudiante et par la poursuite de la réforme des études de santé.
Mais il faut aussi améliorer les conditions de vie des étudiants : plus de 179 millions d’euros y ont été consacrés cette année, dont 150 millions pour les bourses sur critères sociaux. La lutte contre la précarité alimentaire a été réinvestie à hauteur de plus de 49 millions d’euros.
L’accompagnement pédagogique et psychologique participe aussi de la réussite des étudiants : plus de 10 000 étudiants ont bénéficié d’aides gratuites de psychologues depuis mars 2021.
Plus globalement, avec France Relance, ce sont 7,8 milliards d’euros supplémentaires qui serviront à financer l’accueil, la formation aux métiers d’avenir et la rénovation thermique des bâtiments et, avec France 2030, 30 milliards d’euros.
Vous avez également évoqué la question des masters et du choix de parcours. La réforme des masters, qui date de 2016, a permis de confirmer le master comme cursus sur deux années sans sélection intermédiaire, de renforcer la formation des étudiants en leur proposant de candidater à des offres de formation, mais également d’améliorer le passage entre la licence et le stage. De nouvelles possibilités sont ainsi offertes à tous les étudiants ayant une licence de saisir le rectorat s’ils n’ont pas de proposition d’admission en master. Ainsi, les étudiants peuvent construire un parcours.
Après quatre années de déploiement, la ministre Frédérique Vidal a souhaité faire évoluer cette réforme, car vous avez eu raison de dire que celle-ci posait certaines questions. L’idée est de faire que ce droit de saisir le rectorat soit pleinement garanti pour tous, parce qu’il y avait des inégalités d’accès, et d’augmenter les chances de succès des étudiants. La ministre a donc formulé un certain nombre de préconisations. Plus de 170 000 places supplémentaires en master ont été proposées, et elle a souhaité financer exceptionnellement la création de plus de 4 400 places cette année.
Mme la présidente. La parole est à Mme Monique de Marco, pour la réplique.
Mme Monique de Marco. Merci de votre réponse, madame la secrétaire d’État, mais il faut clairement dire que les investissements ne sont pas à la hauteur des attentes des étudiants. Les organisations syndicales d’étudiants nous ont interpellés sur cette difficulté concernant l’entrée en master.
Des efforts devront être prochainement fournis pour donner satisfaction à ces demandes. Il faut également recruter des personnels enseignants, ce qui est urgent et nécessaire.
Mme la présidente. La parole est à Mme Michelle Gréaume.
Mme Michelle Gréaume. Madame la secrétaire d’État, la semaine dernière, l’académie de Lille annonçait la fermeture de 667 classes, dont 511 dans le seul département du Nord, soit près du double par rapport à la semaine précédente. Le Nord et le Pas-de-Calais étaient les deux départements les plus touchés après l’académie de Versailles.
Contrairement à ce que vous avez défendu mordicus pendant des mois, malgré toutes les études scientifiques et les retours de terrain, l’école est donc bien un haut lieu de contamination pour les enseignants, les personnels, les enfants, et donc les familles.
Au vu de la situation, je dois admettre que je partage l’inquiétude et l’incompréhension des organisations syndicales face au protocole sanitaire que Jean-Michel Blanquer a annoncé la semaine dernière.
Ainsi, dans le but de limiter les fermetures de classe, un cas positif ne vaudra plus fermeture de celle-ci. Seuls les enfants ne pouvant pas fournir un test négatif seront placés à l’isolement.
Bien évidemment, il n’est jamais bon pédagogiquement de fermer des classes durant une semaine : on prend le risque que les enfants accumulent du retard. Mais nous ne pouvons que nous interroger sur le bien-fondé d’un allégement du protocole sanitaire au moment même où l’épidémie accélère, au risque d’exposer un peu plus les enfants et le corps enseignant à la maladie.
Au demeurant, ce protocole est flou et donne le sentiment de laisser les enseignants, les parents, les directions d’établissement livrés à eux-mêmes face à l’épidémie.
Au fond, madame la secrétaire d’État, comme beaucoup, nous nous interrogeons sur la finalité de ce nouveau protocole : son objectif ne serait-il pas de garder les parents au travail et de faire baisser les chiffres ? Or il faut rappeler que nous parlons de la santé d’enfants non vaccinés, et dont le taux d’incidence est 1,8 fois supérieur à l’ensemble de la population.
Comptez-vous remettre à l’ordre du jour des discussions avec les organisations syndicales ce protocole sanitaire qui semble insatisfaisant socialement, professionnellement et sur le plan sanitaire ?
Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Sarah El Haïry, secrétaire d’État auprès du ministre de l’éducation nationale, de la jeunesse et des sports, chargée de la jeunesse et de l’engagement. Madame la sénatrice Gréaume, la volonté du ministre de l’éducation nationale a toujours été la même depuis le début de cette crise : maintenir nos écoles ouvertes autant que possible, le plus longtemps possible. Les raisons en sont simples : limiter les conséquences sur l’apprentissage, le creusement et l’aggravation des inégalités de niveau en fonction des situations familiales, les conséquences quant au développement tant psychologique que physique des enfants.
Quand on prend un peu de recul, on constate que la France est d’ailleurs restée une exception dans le monde : chacun a ressenti le désir, l’envie, le besoin d’école. Pour cette raison, je ne peux pas entrer dans le détail du protocole sans remercier et saluer l’ensemble des enseignants, qui ont tenu, ainsi que tous les animateurs périscolaires et extrascolaires, qui eux aussi ont fait tenir l’école, qui font eux aussi partie des équipes pédagogiques.
Madame la sénatrice, nos deux impératifs sont évidemment d’assurer toujours la continuité pédagogique – je sais que vous y tenez –, et de garantir la sécurité des élèves comme des personnels – c’est la priorité des priorités.
Maintenir les écoles ouvertes n’a été et n’est rendu possible que par une gestion quasiment en temps réel de la situation épidémique, grâce à l’application extrêmement stricte des protocoles sanitaires, au dévouement et à l’engagement fort du corps enseignant pour l’école.
Depuis lundi, les classes ne fermeront plus automatiquement si un cas positif est détecté. La question des tests est posée. Les tests salivaires se poursuivent de manière très massive, toujours avec l’objectif de protéger, mais également afin de permettre à ceux qui ne sont pas contaminés de profiter de l’école. La poursuite des tests aléatoires est conduite sous l’autorité des ARS (Agences régionales de santé), et des boîtes d’autotests seront également mises à la disposition des élèves de sixième, parce qu’ils ne sont pas vaccinés.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean Hingray. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
M. Jean Hingray. Madame la secrétaire d’État, notre système éducatif est devenu, selon la dernière enquête PISA (Programme international pour le suivi des acquis des élèves), l’un des plus inégalitaires de l’OCDE. Face à ce constat, de nouveaux dispositifs comme le mentorat ou le renforcement de la formation de tous les professeurs à l’orientation ont été mis en place.
Néanmoins, la catastrophe éducative qui touche notre pays persiste, et les inégalités sociales se reproduisent dans le parcours scolaire. Ainsi, en 2018, 93 % des élèves ayant une mère diplômée de l’enseignement supérieur obtiennent le baccalauréat, contre 58 % de ceux dont la mère est sans diplôme. De même, 67 % des enfants de cadres obtiennent un diplôme de l’enseignement supérieur au-delà de la licence, contre seulement 16 % des enfants d’ouvriers.
Soucieuse de cette situation, la mission d’information sur la politique en faveur de l’égalité des chances et de l’émancipation de la jeunesse a formulé plusieurs recommandations afin de garantir une meilleure égalité des chances et d’atténuer les facteurs qui pèsent fortement sur le destin des individus, notamment ceux qui sont liés au territoire d’origine.
Parmi ces recommandations, certaines nous semblent indispensables : accélérer le dédoublement des classes de grande section en éducation prioritaire et étendre le dédoublement des classes jusqu’au CE1 au-delà des QPV (quartiers prioritaires de la politique de la ville) ; améliorer la formation des enseignants afin de favoriser une meilleure prise en compte des élèves les plus en difficulté ; étendre le dispositif Devoirs faits dans les écoles élémentaires et l’adapter aux contraintes des transports en commun dans les territoires ruraux.
Madame la secrétaire d’État, quand et comment comptez-vous répondre à ces urgences ? (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)